CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, 200 ans d'idées neuves... et demain ?

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200 ans d’idées neuves… Et demain ? Du Neubau à l’institution consulaire



Avant-propos Une nouvelle dynamique autour d’un héritage bicentenaire Le roman du Neubau, d’une surprenante actualité, nous permet de décrypter le présent et d’anticiper le futur

D

epuis deux cents ans

hôtel du Commerce, d’où l’on voit

l’histoire de nous aider à décrypter

avec force les valeurs d’un libéra-

maintenant, la Chambre

s’élever toute proche au-dessus

le présent et à anticiper le futur. Ou

lisme humaniste, perpétuant ainsi

de Commerce et d’In-

des toits, la flèche de grès rose de

en tous cas à l’apprivoiser. «L’histoire

l’héritage de 1808. Nous pouvons

dustrie de Strasbourg et

leur cathédrale ? Construit en 1585,

est la science des changements et,

être fiers des combats passés de

du Bas-Rhin est l’heureuse proprié-

le Neubau aux lignes horizontales

à bien des égards, une science des

nos dirigeants dont les noms réson-

taire de l’édifice qui fait la fierté de

caractéristiques de la Renaissance

différences» expliquait l’historien

nent encore dans nos mémoires.

tous nos représentants : le Neubau.

alsacienne, incarnait alors le pouvoir

Marc Bloch en 1937. Précisément,

Mais nous sommes surtout fiers

Cet anniversaire, nous avons décidé

triomphant d’une bourgeoisie mar-

pour identifier les changements

aujourd’hui de l’avenir que nous

de le fêter en racontant ces deux siè-

chande. L’édifice dut ensuite affron-

et les différences, il faut compren-

voulons pour l’institution consulaire,

cles révolus. Une lecture sélective de

ter tous les tourments de l’histoire,

dre les permanences qui jalonnent

protagoniste engagé dans le dévelop-

l’histoire où vous découvrirez toute

survivre à trois périodes de conflits

l’histoire.

pement économique régional. Face

l’originalité de ce bâtiment, l’audace

avant de devenir aujourd’hui le lieu

Cet ouvrage en témoigne. Depuis

aux vastes chantiers de ce 21ème

de son architecture mais aussi les

des débats nécessaires au dévelop-

les représentants des corporations,

siècle, nos équipes vont continuer

convoitises et les controverses susci-

pement économique de Strasbourg

qui tenaient tête au Magistrat, jus-

à agir pleinement et être sources

tées par sa construction et les idées

et de sa région.

qu’aux chefs d’entreprises élus de la

d’idées neuves, dans le prestigieux

âprement défendues par les hôtes du

De fait, le roman du Neubau, d’une

Chambre de Commerce et d’Indus-

cadre du Neubau.

Neubau. Combien de pages de leur

surprenante actualité, nous permet

trie, notre institution s’est toujours

histoire les habitants de Strasbourg

d’ouvrir de nouvelles perspectives.

affirmée comme un contre-pouvoir

n’ont-ils pas déjà écrites dans cet

C’est, en effet, l’une des vertus de

fécond. Elle a constamment porté

Jean-Louis Hoerlé, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin


Sommaire 7 à 30

33 à 66

Le Neubau

l’institution

Son histoire, son architecture, sa place dans la cité

ses missions, ses débats, ses batailles

Le siècle d’or ou le triomphe de la modernité

8

Une ère de grande prospérité

34

La République de Strasbourg affiche sa puissance

9

Les Fêtes de Gutenberg symbolisent l’apogée du monde des métiers

40

A la croisée des principales artères médiévales

14

La Révolution industrielle est en marche

44

Le mariage subtil entre le gothique et la Renaissance

18

La Chambre de Commerce arbitre la concurrence entre le rail et le fleuve

47

Après les tensions religieuses, les affrontements politiques

21

Soixante ans après, le projet d’agrandir le Neubau prend forme

51

La tourmente révolutionnaire plonge le Neubau dans la déchéance

24

Le Traité de Francfort provoque un véritable traumatisme

54

Strasbourg au rang de premier port fluvial européen

28

Strasbourg promue au rang de vitrine du Reichsland

61

Au loin, le tonnerre gronde déjà

66

1555 1808

1808 1914


69 à 92

95 à 138

Les tourments de l’histoire

Les grandes mutations

Entre espoirs et désillusions

le tournant de la mondialisation

La blessure de la guerre déchire l’Alsace

70

L’efferverscence des «Trente Glorieuses»

96

En ce début des années 20, l’actualité est dense

72

Le processus de reconstruction est enclenché

98

L’axe rhénan, facteur d’industrialisation

77

L’idée européenne gagne du terrain

101

Le développement portuaire dépasse tous les espoirs

81

Strasbourg sort de son «isolement» rhénan

105

Les yeux tournés vers l’Europe et le monde

84

La réfection du Neubau se heurte au conflit des idées

108

De l’euphorie à la menace, l’Alsace est en état d’alerte

85

L’envergure internationale de la Chambre n’est plus contestable

111

Face à l’horreur absolue, un seul mot d’ordre : réagir

88

Le soutien aux entrepreneurs demeure infaillible

115

Pas de croissance économique sans initiatives locales

122

La Chambre de Commerce et d’Industrie étend son influence

126

La mise en lumière du Neubau, un spectacle flamboyant

129

Champ libre

133

1914 1945

1945 2008



Le Neubau

Son histoire, son architecture, sa place dans la cité

Monumental A la fois prototype et chef-d’œuvre, le Neubau contribue à introduire l’art nouveau de la Renaissance à Strasbourg. Mais que de péripéties pour arriver à cette construction imposante, inédite et audacieuse !

1555 1808


Ancienne bannière de strasbourg. D’après un tableau du 13ème siècle disparu dans l’incendie de la bibliothèque municipale en 1870. P. Riestelhuber, Dictionnaire du Haut et du Bas-Rhin, 1805.

Au centre de deux grandes aventures

essor économique et courant humaniste

Le siècle d’or ou le triomphe de la modernité

Strasbourg est au centre de deux grandes aventures qui façonnèrent l’Europe : l’Humanisme et la Réforme. Les luttes politico-religieuses, qui marquent cette période, n’entravent pas la prospérité et la puissance de la République

emonter aux origines

R

qu’on le surnomme parfois le «siècle

clochers. Géographes, voyageurs

moutarde, tabac, pavot et colza

du Neubau, l’actuel

d’or». Il doit sa réputation, en partie,

et chroniqueurs sont unanimes à

qui voisinent avec la culture tradi-

Hôtel Consulaire, c’est

à la paix dont a bénéficié la région

faire l’éloge de la province, dont

tionnelle du chanvre et du lin. Les

retrouver les racines de

pendant un siècle, à la fécondité du

ils exaltent la beauté, la fertilité et

productions maraîchères occupent

l’histoire de Strasbourg. Celle qui

sol, à l’importance du commerce

la richesse.

de grands espaces autour des prin-

nous conduit à l’époque de la

de transit et à la vitalité économique

L’agriculture est considérée comme

cipales villes (Strasbourg, Sélestat,

Renaissance et de la Réforme consi-

de Strasbourg. La prospérité de

une des plus prospères d’Europe.

Colmar).

dérée comme un tournant majeur.

l’Alsace devient proverbiale. Parmi

Elle assure le ravitaillement des

Vers 1500, Strasbourg apparaît

les facteurs de l’opulence figure en

multiples cités rhénanes, dont la

comme une ville libre, membre du

premier lieu la population. L’Alsace

population nombreuse et souvent

Saint-Empire romain germanique,

fait partie des provinces de l’Europe

aisée constitue un marché considé-

une république autonome qui attire

occidentale, dont la densité est

rable. Vers la fin du siècle, l’Alsace

Strassburg und des ehemaligen Elsasses. Von den ältesten Zeiten bis auf das Jahr 1791,

Portrait de Jean Gutenberg. Extrait de l’ouvrage de Johannes Friese, Neue Vaterländische Geschichte der Stadt

autant les négociants que les intel-

parmi les plus élevées avec 40 à

est atteinte par l’intensification des

lectuels. La ville est puissante et

50 habitants au kilomètre carré en

cultures qui depuis les Pays-Bas a

Collection Bibliothèque Alsatique

respectée. Le 16ème siècle constitue

plaine. Ce que confirme le réseau

progressivement remonté la vallée

du Crédit Mutuel.

ainsi une des grandes périodes de

serré de villages qui crée un pay-

rhénane. Des semences nouvelles

la prospérité alsacienne, au point

sage singulier hérissé de multiples

se répandent : maïs, garance,

Strasbourg, 1792-1805.

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité

de Strasbourg.


1555

1585

1781

La majorité du Magistrat se prononce

Le Neubau est le premier édifice

Le Neubau prend le nom et la fonction

pour la réalisation d’un édifice

strasbourgeois construit en pierre

d’Hôtel de Ville.

de prestige.

de taille.

1789

1795

La foule saccage le Neubau.

L’édifice est vendu à des particuliers.

la république de strasbourg affiche sa puissance

A

Strasbourg, la vitalité éco-

Entre 1480 et 1550, Strasbourg fait

nomique tient à la qualité

partie des dix centres européens

de quelques dynasties de

les plus importants par le nom-

Signe extérieur de richesse

négociants - Prechter, Minckel,

bre de publications. L’imprimerie

La croissance stimulée par les échanges

Ingold - dont le rayonnement s’étend

est dominée par trois ou quatre

d’Anvers à Venise en passant par

grands entrepreneurs dont chacun

Francfort, Nuremberg, Augsbourg,

a publié entre 200 et 300 ouvra-

vêtements en laine ou en soie, aux

Vue intérieure de la Ville de Strasbourg. Lithographie de J.F. Oberthur, vers 1850.

Bâle et Lyon. La réputation des

ges tirés en moyenne à un millier

couleurs chatoyantes. (Ci-dessus :

Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

corps de métiers strasbourgeois

d’exemplaires.

pénètre jusqu’en Europe centrale.

Le commerce extérieur est floris-

Grâce à la présence de Gutenberg,

sant. Les relations économiques

une source importante de profit

aux mains du Magistrat (l’ancêtre

Strasbourg devient une des capita-

sont surtout tournées vers la vallée

pour les maraîchers strasbourgeois.

du conseil municipal). A diverses

les européennes du livre imprimé

rhénane et l’Europe du Nord. Les

Parmi les produits importés, les

reprises, il a pris des mesures pour

qui bénéficie dès lors d’une large

deux grands produits d’exportation

étoffes constituent une activité tra-

lutter contre l’accaparement et la

diffusion.

sont les grains et le vin. Les autres

ditionnelle. Les métaux - cuivre,

spéculation et pour réglementer les

produits agricoles exportés sont les

fer - tiennent également un rôle

exportations.

légumes, les fruits et les graines. Les

indiscutable tout comme le coton.

semences d’oignon représentent

La réglementation du commerce est

améliore les conditions de vie. Dans l’habillement s’épanouit le luxe illustré par des gravures représentant de beaux

fille bourgeoise allant à la noce).

200 ans d’idées neuves… Et demain ?


Eniming etwis - Duis nulla feuguerae se magniam q

Maraîchère, paysanne, pêcheur. Iconographies extraites de l’Evidens Designatio. Strasbourg, Jean Carolus, 1606. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

Strasbourg, pôle de la batellerie fluviale, est à la fois ville d’étape et d’entrepôt. Le Kaufhaus (la douane) est facilement accessible aux péniches du Rhin et aux barques de l’Ill. La vie économique

Le Neubau, un programme aussi spectaculaire qu’onéreux

Vue de la place Gutenberg. (Anciennement place du Marché-aux-Herbes)

et du Fischbrunnen en 1835, extraite de l’ouvrage Souvenirs du Vieux Strasbourg, de Paul Holl, Strasbourg, Treuttel et Würtz, 1901.

est centrée sur cet établissement,

10

contrôlée par le Magistrat, qui

Cet essor économique va de pair

la place de la ville dans l’Empire,

ment. Elle devient le «réceptacle

impose le paiement des taxes

avec celui de l’humanisme. De

Jacques Sturm réussit à préserver

des bannis» : quelques grands

douanières avant l’exportation. Au

1501 à 1520, l’Alsace est un des

la cohésion des bourgeois tout

noms - notamment français - de la

milieu du 16

siècle, Strasbourg

principaux foyers de l’humanisme

en maîtrisant le basculement de

Réforme y séjournent. Parmi tout

devient aussi une importante place

allemand. Ce courant, qui baigne

Strasbourg dans le camp pro-

ce qu’elle importe des quatre coins

financière où s’opèrent des tran-

la ville sous l’influence de Jacques

testant. La République libre et

du continent, d’Italie, d’Allema-

sactions avec les grands centres

Sturm, fait de Strasbourg un des

indépendante de Strasbourg sera,

gne, des Flandres ou de France,

économiques de l’époque. Deux

centres de la Réforme protestante.

à l’apogée de la Renaissance, une

Strasbourg s’enrichit de multiples

établissements symbolisent cette

Elle en devient même un véritable

des plus brillantes d’Europe.

styles d’architecture. Il lui arrive de

puissance : l’Hôtel de la Monnaie

bastion. Doué d’un sens moral

Pendant les guerres de religion,

les superposer, ce qui donne lieu à

et le Trésor.

très aigu, désireux de maintenir

la ville confirme son rayonne-

un genre très singulier. On a ainsi

ème

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


quis elent landre con voluptat.

Chroniques

du monde

pu dire de la maison Kammerzell,

nes. De 1621 à 1648, l’Alsace

Aussi faut-il du courage au

bâtie entre 1467 et 1589, qu’elle

sera un des principaux champs de

Magistrat, le pouvoir exécutif de

était une «sorte d’encyclopédie de

bataille de l’Europe. Le très popu-

la République de Strasbourg, pour

la scolastique médiévale».

laire prédicateur de la cathédrale,

décider en 1555 la construction

A des siècles où ont brillé l’es-

Geiler de Kaysersberg, témoigne

du Neubau. Un programme aussi

la disparition de la moi-

prit et la tolérance va succéder

à travers ses sermons de la quête

spectaculaire qu’onéreux dicté par

tié de la population

un siècle de guerres. Après les

morale et spirituelle à laquelle ses

la nécessité pour le Magistrat de

humanistes en visite dans la ville,

contemporains se livrent. Du haut

disposer de locaux plus vastes !

place aux chefs militaires et aux

de sa chaire, n’avait-il pas critiqué

L’histoire ne fait que débuter. Il

souverains conquérants. Aucune

vertement le luxe apparent de cer-

y aura des chausse-trapes, des

région n’a été autant éprouvée

taines demeures bourgeoises ? Le

rebondissements, des passions,

que l’Alsace pendant la guerre

tribun trouvait que beaucoup ne

des désamours, des portes qui

de Trente Ans. Ce conflit débuta

construisaient pas seulement pour

claquent : un vrai roman !

comme un affrontement religieux,

leur besoin, mais uniquement pour

avant de devenir une guerre entre

leur gloire.

1618 Début de la Guerre de Trente Ans qui entraîne

alsacienne et provoque un véritable effondrement culturel.

1621 L’Université de Strasbourg est créée, héritière directe de

les grandes puissances européen-

l’école humaniste.

Hans Schoch, architecte visionnaire

1642

A qui attribuer la paternité du Neubau,

La révolution

ce bel édifice en grès rouge et ses faça-

anglaise est conduite

des en pierre de taille, à l’architecture

par Oliver Cromwell

révolutionnaire ? Nombre d’historiens

jusqu’en 1659.

ont tenté de retrouver ce créateur hors pair sans jamais parvenir à une réponse unanime. Il semble néanmoins vraisemblable que le Neubau soit le fruit d’un seul architecte, Hans Schoch, qui marqua son époque à Heidelberg, à Strasbourg et dans plusieurs autres cités

1648

de l’Empire. L’homme jouissait d’une solide renommée d’architecte et d’un prestige professionnel mais suscitait aussi jalousies et hostilités. Dès 1593, son œuvre fut abondamment critiquée par une partie du Magistrat qui voyait

Traités de Westphalie : la France prend pied en Alsace.

en lui un «papiste», au style architectural controversé, cible notamment des protestants les plus stricts sur le plan doctrinal.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

11


Les chargeurs de la douane. Gravure de J. Vogel, 1851.

12

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la citÊ


Le marché aux guenilles. Gravure de Eugène Laville, 1851.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

13


A la croisée des principales artères de la cité médiévale ser à son environnement

de Strasbourg au Moyen-Age - et

immédiat. Le bâtiment sera édifié

passe par la place du Marché aux

à la rencontre des deux principales

Poissons également dénommée

artères de la cité médiévale.

place Saint-Martin. D’autre part,

Sur la place SaintMartin, les étals s’alignent dans une joyeuse confusion

l’axe principal de la ville - la Grand-

Une activité commerciale intense

Rue - qui débouche sur la rue des

règne aux étages inférieurs de la

Hallebardes.

Pfalz, encombrés de boutiques, et

C’est à la croisée de ces artères,

sur la place elle-même s’alignent

après l’éviction du pouvoir épis-

chaque jour les étals des maraî-

copal, que s’établira le centre

chers et des poissonniers dans

politique de la République de

une joyeuse confusion où voisinent

Strasbourg. Sur la place Saint-

marchands et badauds.

Martin, qui deviendra l’actuelle

Ces trois édifices, qui ont en com-

place Gutenberg après avoir été

mun leur style architectural et

place du Marché-aux-Herbes, se

dont les gravures témoignent qu’ils

dresse ainsi l’ensemble architectu-

étaient à la fois imposants et majes-

ral abritant les rouages administra-

tueux, seront les victimes de l’urba-

tifs : l’Hôtel de la Monnaie, la Pfalz

nisme pré-révolutionnaire du 18ème

(l’Hôtel de Ville) et derrière elle, la

siècle. Restent l’église Saint-Martin

Un ensemble particulièrement

la Cathédrale de Strasbourg. Tout

Chancellerie.

et le cimetière du même nom. C’est

riche pour son architecture gothi-

comme l’ensemble de l’édifice, ce

en partie à la disparition de cet

que et les œuvres d’art qu’il recèle.

retable fut victime des «radicaux»

édifice que le Neubau devra sa

L’église Saint-Martin aux nombreux

de la Réforme qui en 1524 et 1525

construction.

autels dédiés à différents saints est

saccagèrent l’église Saint-Martin de

encore au début du 16

fond en comble.

P

our comprendre la richesse

D’une part, l’axe du commerce qui

du Neubau, il faut s’intéres-

part de l’Ancienne Douane - le port

Place Gutenberg fin du 16ème siècle (la pfalz ou hôtel de ville). Vue générale de E. Schweitzer, Strasbourg, Imp. Alsacienne, 1894.

ème

siècle le

siège de la confrérie des serruriers. Charbonnier.

Celle-ci commandera en 1516

Commerce du charbon de bois. Iconographie extraite de l’Evidens Designatio. Strasbourg, Jean Carolus, 1606. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

14

un retable au sculpteur Nicolas Haguenauer, réputé entre autres pour son maître-autel de 1501 à

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Que faire alors du bâtiment dévasté ?

Les architectes de l’époque ne

D’autant que l’affectation définitive

Un texte du 19 novembre 1526

semblent guère convaincus par

du bâtiment tarde à être précisée.

propose une solution autre que la

le projet, invoquant les mauvai-

Véritable mécène de cette opéra-

démolition pure et simple. Il s’agit

ses fondations de l’ouvrage. Le

tion immobilière, le Magistrat est

d’araser les tours au niveau des toi-

Magistrat a-t-il poussé dans cette

pour la première fois attentif aux

tures environnantes, de supprimer

direction ? Toujours est-il qu’en

tendances artistiques nouvelles,

le chœur, de créer à l’intérieur de

1529, l’église est démolie et sa

soutenu par une grande partie de

l’édifice quatre pièces séparées par

cloche adjointe au carillon de la

la bourgeoisie strasbourgeoise.

un couloir central et de l’entourer

cathédrale.

Dans ce 16ème siècle tourmenté,

d’une galerie marchande.

Strasbourg veut s’affirmer en tant

un lobby très actif L’action du corps des marchands, qui regroupait différents métiers, dépendit surtout des intentions royales en matière de développement

La construction du Neubau, une histoire à rebondissements

que carrefour artistique important en se dotant, rappellent les historiens, «d’un édifice à l’aspect unique à cette époque dans les pays de l’Empire germanique».

Pendant plus de cinquante ans, le

économique. Ci-dessus : emblème

Magistrat hésitera sur la vocation

de la corporation des marchands

de cet espace où s’élèvent les rui-

dite du Miroir (aujourd’hui salle Mozart).

nes de l’ancienne église. Période longue et pénible, émaillée de famines et de levées de troupes, où la majeure partie des rentrées financières soutient la vie et les

Règlement pour le Comité du Commerce. Archives Départementales du Bas-Rhin.

Dès 1687, un corps des marchands est institué

efforts de guerre de l’Empire contre les Turcs. En 1555, la signature de la paix d’Augsbourg marque le

Les chambres de commerce et d’industrie sont l’aboutissement d’une longue évolution. L’organisation du commerce sort de l’ombre au 12ème siècle avec l’apparition des corporations. La corporation des marchands

début d’une période de stabilité politique et économique. Le débat

de Strasbourg – dite du Miroir - est la plus riche. Installée durant plusieurs

sur la vocation de cet espace est

siècles rue des Serruriers, elle réussit à porter haut et loin dans toute l’Eu-

alors relancé au sein du Magistrat

rope le nom de la capitale alsacienne. En 1681, Strasbourg est contrain-

où une majorité des membres se

te d’ouvrir ses portes aux troupes de Louis XIV. Dès 1687, un Corps des Marchands est institué dans la «ville libre royale». Véritable lobby, il est

prononce pour la réalisation d’un

composé d’un «prévost des marchands», remplacé en 1708 par un simple

édifice de prestige. Mais la pers-

«doyen», de huit assesseurs et de trois suppléants. Ses missions : défendre

pective d’un coût élevé soulève de

les intérêts du commerce strasbourgeois et de la navigation rhénane ou

vives discussions.

encore concilier ou arbitrer les différends entre commerçants. Le Corps des Marchands, emporté par la tourmente révolutionnaire de 1789, cèdera la place à un «Comité du Commerce» puis à un «Conseil du Commerce» avant la création, le 24 décembre 1802 par l’administration du Premier Consul Bonaparte, de la Chambre de Commerce.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

15


16

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Chroniques

du monde

Place Gutenberg, fin du 16ème siècle.

1648

Vue générale de E. Schweitzer, Strasbourg, Imp. Alsacienne, 1894. En marge : les emblèmes des différentes corporations.

La Haute-Alsace devient française en 1648. Strasbourg le sera en 1681. Et en

A la fois prototype et chef-

de la ville, les discussions portaient

Mais la destination finale du bâti-

d’œuvre, le Neubau va introduire

aussi sur l’aménagement d’un

ment n’est toujours pas connue.

à Strasbourg l’art nouveau de la

étage en salles de séances ou en

Certes, les arcades du rez-de-

Renaissance italienne en opposi-

bureaux voire la location des locaux

chaussée accueillent boutiquiers

tion à la tradition gothique incarnée

à des négociants qui pourraient

et artisans. Mais que faire du reste

par la nouvelle aile de la Maison de

y présenter leurs marchandises

de cette vaste bâtisse ? L’affectation

l’Œuvre Notre-Dame achevée trois

pendant les foires.

définitive des salles du premier

De 1582 à 1585, la construction du

et du deuxième étage ne sera

des cartouches ornementant les socles

Neubau est une histoire à rebon-

finalement décidée qu’en 1588.

d’un ravissant escalier à vis où le

des pilastres. Les socles du premier

dissements. Le chantier accuse un

Jusqu’en 1779, le Neubau sera

style nouveau se conjugue éton-

étage du Neubau sont parés de têtes pla-

certain retard. Il faut près de deux

le centre d’affaires de Strasbourg,

(Citadelle), Neuf-Brisach

ans auparavant (1582). Celle-ci fut dotée d’une aile Renaissance et

namment bien avec des éléments

La finesse des mascarons Le mascaron est une tête inscrite dans

cées au centre d’un cartouche. Il règne une grande variété dans la composition

ans pour achever le rez-de-chaus-

lieu d’échanges entre les corpo-

de pure tradition gothique. Mais

de ces têtes, tantôt coiffées de chapeaux

sée. Les travaux sont finalement

rations et les pouvoirs politiques

sa richesse devait être surpas-

penchés sur l’oreille, tantôt ceints d’un

terminés en 1585 et cette date est

ou judiciaires, lieu d’accueil des

inscrite au fronton du portail.

marchands habitués des foires

sée par le nouvel Hôtel de Ville. La construction de ce bâtiment, occupant un vaste quadrilatère

ruban ou encore le cou engoncé dans une collerette à fraise.

hanséatiques et rhénanes.

Ci-dessus : mascaron sur la façade

1682, toute l’Alsace tombe sous l’autorité du roi Louis XIV.

1680

Jusqu’en 1699, Vauban fortifie six villes d’Alsace : Landau, Belfort, Fort-Louis, Strasbourg

et Huningue.

1681 Le 30 septembre, Strasbourg signe

du Neubau.

l’acte de capitulation avec Louvois.

sur le côté occidental de l’actuelle

Libre et impériale, la ville devient

place Gutenberg, fut précédée de

Il nomma le 27 juillet 1579 une

longues négociations. En effet, la

commission de trois membres

provinces du royaume. Louis XIV

démolition de l’église Saint-Martin

chargée d’étudier la question.

entre à Strasbourg le 23 octobre.

fait apparaître au flanc ouest de

Les procès-verbaux circonstanciés

la place une rangée de vieilles

restent imprécis sur deux points :

échoppes. Voisinage peu digne de

le choix de l’architecte et la desti-

l’Hôtel de Ville et de la Chancellerie,

nation à donner au nouvel édifice.

bruyant de surcroît car les maisons

Celui-ci conservera d’ailleurs jus-

étaient occupées par des auberges

qu’au 18

et des ateliers de serrurerie, dont

Bau», nouveau bâtiment. Dès le

le souvenir subsiste encore dans le

début, il était convenu de louer

nom de la rue voisine.

au commerce le rez-de-chaussée

Le Conseil de la Ville discuta donc

voûté ouvrant sur la place et la rue

à plusieurs reprises de la manière

des Serruriers. Sous l’autorité de

dont on pourrait aménager la place.

Daniel Specklin, architecte en chef

ème

royale et simple capitale d’une des

1744 portail du neubau.

À l‘origine, le portail était orné d’une statuette de Mercure, dieu du commerce, flanquée sur les rampants de deux figures féminines couchées aujourd’hui disparues.

siècle le nom de «neue

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

Strasbourg accueille avec faste le roi Louis XV.

17


Le mariage subtil entre le gothique et la Renaissance

M

ais revenons à l’architec-

offrent un rythme régulier identique

L’ordonnance des façades est

ture du bâtiment. A la fin

qui pourrait se prolonger à l’infini.

d’une admirable clarté. Sur un rez-

du 16

siècle, le Neubau

C’est d’ailleurs ce qui fut réalisé

de-chaussée rustique et rythmé par

révèle une construction remar-

en 1868 par le prolongement

des arcades s’élèvent deux étages

quable. Ses deux façades - place

de la façade jusqu’à la rue de l’Ar-

percés de fenêtres en triplets sépa-

Gutenberg et rue des Serruriers -

bre Vert et la destruction de deux

rées entre elles par des pilastres.

auberges : «l’Arbre Vert» et «Zum

Les trois corniches sont d’égale

Kamel». Cela permit d’ajouter une

importance et donnent à l’édifice

nouvelle aile bordant toute cette

un aspect de majesté quasi unique

rue et faisant pendant à l’aile de la

à cette époque.

ème

rue des Serruriers.

La Place St Martin. Gravure de Johann van der Heyden, Speculum Cornelianum, Strasbourg 1608. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

Il est tout aussi certain que des

pilastres principaux sont cannelés,

influences occidentales s’y font

les secondaires lisses. Tous ont

puissamment sentir. L’ornement

un piédestal à hauteur des appuis

qui accompagne cette architecture

de fenêtres, orné d’un cartouche

est riche, sans excès et très soigné

imitant le cuir enroulé et découpé

dans le détail. Les chapiteaux

contenant un masque en assez

de chacun des trois étages sont

forte saillie.

décorés d’un des trois ordres grecs (ionique, dorique et corinthien). Les

18

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Ces masques sont en partie des

C’est au portail que l’orne-

A hauteur de l’entablement des

visages, femmes idéales ou hom-

ment atteint son plus riche

colonnes court une ravissante frise

mes portant barbe et coiffure à

développement.

d’enroulements et de rinceaux.

la mode, plus rarement des têtes d’animaux. Certains de ces masques sont très vraisemblablement des portraits de conseillers, d’architectes ou de tailleurs de pierre ayant œuvré à la construction.

Quant au fronton, il est rempli par

Au-dessus des colonnes, deux magnifiques lions encore conservés

un cartouche portant la date de

Précédé de deux colonnes com-

Mercure, flanquée sur les rampants

posites très finement travaillées, il

de deux figures féminines cou-

occupe la largeur de deux travées

chées. Au-dessus des colonnes,

et son fronton couvre le piédestal

deux magnifiques lions (encore

d’un des pilastres du premier

conservés) tiennent l’un les armes

étage.

de la Ville, l’autre le heaume aux

1585 (celle de l’achèvement des travaux) et supporte des sculptures qui ne sont pas parvenues à notre époque dans leur totalité ni dans leur forme primitive. Au centre se dressait la statuette de

ailes de cygne et aux lambrequins flamboyants. La toiture qui s’élève portée par une charpente remarquable n’a pour ornement que ses lucarnes aux frontons en volutes et les deux pignons qui l’arrêtent vers les immeubles voisins.

Au temps où le Neubau était Hôtel de Ville Au temps où le Neubau était annexe de l’Hôtel de Ville puis Hôtel de Ville lui-même, il fut à de multiples reprises sujet de gravure. La première fois, en 1608, sur une planche de Johann van der Heyden, il forme le décor de fond de scènes hivernales : partie de traîneau attelé chère aux Strasbourgeois du 17ème siècle et glissade d’enfants. Sur cette gravure, on distingue particulièrement bien l’agencement des ponts reliant le «Nouveau Bâtiment» à la Chancellerie et celle-ci à la Pfalz.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

19


Le Neubau donne ainsi à voir,

soit décoré de toutes sortes de

Jusqu’à la Révolution, ces fresques,

D’aucuns considéraient que cet

comme le rappellent les chroni-

colonnes et de toutes sortes d’em-

qui représentent des allégories plus

escalier à noyau torsadé pénétré

ques de l’époque, «un édifice fort

blèmes et d’inscriptions et aussi

ou moins bibliques, apportent une

de trois colonnes et dont la rampe

beau et tout en pierre, le seul qui

d’un beau portail en pierre.» Les

touche colorée au Neubau que l’on

intérieure formait également une

emblèmes et inscriptions, préci-

peut encore observer sur la Maison

spirale soutenue par des balustres

sément, étaient peints à la fres-

Kammerzell ou sur l’horloge astro-

n’égalait pas celui de l’œuvre

que, comme d’ailleurs sur tous les

nomique de la Cathédrale.

Notre-Dame. Or, il s’avère que

édifices municipaux de la place :

Mais tout ceci n’est que détail orne-

la richesse du décor à l’envers

la Pfalz, la Chancellerie et la

mental. Intéressons-nous main-

des marches en fit un ouvrage

Monnaie.

tenant aux éléments d’inspiration

somptueux en avance sur son

gothique qui font toute l’originalité

temps. Cet élément disparu de

du Neubau.

l’édifice démontre à quel point, même dans le bâtiment le plus

La grande tradition médiévale de Strasbourg est respectée

pur de la Renaissance construit

après la disparition de l’église Saint-

Passons sous le portail pour péné-

aujourd’hui siège de la Chambre

Martin. Il est à cet égard significatif

trer dans un vestibule voûté à

de Commerce, est essentiellement

nervures aux profils hérités du

représentatif de l’esprit strasbour-

ait remplacé une construction vouée au

15

siècle avant de ressortir sur la

geois du 16 ème siècle, empreint

culte depuis des siècles. Un peu plus

cour où les baies cintrées évoquent

d’un humanisme qui ne renie

tôt, à la cathédrale, avait eu lieu un

également une tradition gothique.

pas la tradition médiévale tout en

symbolique : à deux pas du pilier des

L’ornement principal de la cour, qui

recherchant des lignes calmes,

Anges fut élevée en 1547 l’horloge de

n’existe plus, était l’escalier à vis,

celles qui caractérisent un climat

Dasypodius (ci-contre) et ses savants

démoli en 1809 et remplacé par

ouvert aux influences méditerra-

deux escaliers intérieurs auxquels

néennes et occidentales.

La victoire du «temps des marchands» Construit entre 1582 et 1585, le Neubau devait avant tout rétablir l’harmonie de l’actuelle place Gutenberg

qu’un édifice civil - alors centre administratif et aujourd’hui hôtel consulaire -

changement tout aussi chargé de valeur

rouages. Décoré par le peintre Tobias Stimmer, ce monument proclamait la

ème

victoire remportée par le «temps des

vint se joindre un troisième escalier

marchands» sur celui de l’église.

desservant l’aile de 1868.

à Strasbourg, on a tenu à évoquer la grande tradition médiévale d’une ville qui possède fièrement la plus haute flèche gothique de la chrétienté. En résumé, l’ancien Hôtel de Ville,

Maison Kammerzell à Strasbourg construite en 1467 et transformée en 1589.

20

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Après les tensions religieuses, les affrontements politiques

R

ien n’existe plus aujourd’hui

démolition de la Tour aux Pfennigs

L’édifice de la place Gutenberg

des dispositions intérieures

(sur l’actuelle place Kléber), les

peut désormais assumer pleine-

primitives de l’ancien Hôtel

archives de la Ville furent déposées

ment son nouveau statut d’Hôtel

de Ville. A dire vrai, le bâtiment

en partie au rez-de-chaussée et au

de Ville. Pour quelques années

actuel apparaît somme toute fort

deuxième étage.

seulement. Car, le 18 juillet 1789,

différent de celui de la Renaissance et son aménagement intérieur a souffert plus encore des outrages des hommes et du temps. Pendant deux siècles, le Neubau servira d’annexe à l’ancien Hôtel de Ville voisin, la Pfalz.

la nouvelle de la prise de la Bastille

La nouvelle de la prise de la Bastille sème l’agitation

sème l’agitation.

La disparition des autres édifices

Un vaste foyer de lumières pour le roi Louis XV

Vue du neubau et de la Pfalz en date du 5 octobre 1744.

municipaux renforça son rôle. Ainsi

En 1781, tous les services de la

de la Chancellerie ravagée par un

Pfalz démolie sont regroupés au

incendie en 1686. La Monnaie fut

Neubau. L’espace devient rare.

démolie en 1738, la Pfalz en 1780.

Et la Ville se voit dans l’obligation

C’est donc en 1781 que l’édifice

d’acquérir la charmante petite

de la place Gutenberg prendra

maison à oriel, formant le coin de

L’arrivée du roi Louis XV et de la reine

Jour de l’arrivée de Sa Majesté

à Strasbourg, le 5 octobre 1744, fut

Louis XV à Strasbourg, extraite

officiellement le nom et la fonction

la rue des Serruriers et de la rue

marquée par des fêtes splendides.

de l’ouvrage de Jean-Martin

d’Hôtel de Ville. Dans ses locaux,

de l’épine.

Le nouvel Hôtel de Ville et toutes les

WEIS, La représentation des fêtes

maisons environnantes brillaient de mil-

données par la ville de Strasbourg

une grande salle retient l’attention :

liers de lampions et la flèche scintillante

pour la convalescence du roi ;

de la cathédrale dominait ce vaste foyer

à l’arrivée et pendant le séjour

tendus de drap vert, on pouvait voir

de lumières. Dans la suite des grandes

de Sa Majesté en cette Ville.

un grand tableau avec figurations

planches commémorant cette visite

Paris, Laurent Aubert,

royale, gravées par Le Bas, graveur du

(vers 1745).

de Junon, de Vénus et de Minerve,

cabinet du Roi, d’après les dessins de

Collection Bibliothèque Alsatique

un portrait de l’Empereur Rodolphe,

Jean-Martin Weis, graveur de la Ville de

du Crédit Mutuel.

des paysages. Après la capitulation

celle du premier étage. Aux murs

le buste de mercure.

Strasbourg, figure la représentation de

de 1681, l’effigie de Louis XIV et

l’édifice de l’Hôtel de Ville, de la Place

plus tard celle de Louis XV vin-

le portail principal de l’Hôtel du Commerce

rent enrichir l’ensemble. Après la

Photo Citeasen.

devant le dit Hôtel, des bâtiments adjacents.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

Divinité romaine du commerce orne

21


22

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Chroniques

du monde

En 1792, la Marseillaise est créée à la demande du maire de Strasbourg

1776

Dans le conflit qui oppose, en 1792,

Proclamation

la France au roi de Bohême et de Hon-

de l’indépendance

grie, Strasbourg, ville-frontière, est en

des Etats-Unis.

première ligne. L’unanimité patriotique amène le jeune officier Rouget de l’Isle à composer, à la demande du maire Philippe-Frédéric Dietrich, un chant pour l’armée du Rhin prête à partir au

1778

combat. La Marseillaise est chantée, pour la première fois, au domicile du maire strasbourgeois, le 26 avril 1792.

Le jeune prodige Mozart se produit à Strasbourg.

Depuis des semaines, les esprits en

Pillage de la maison de la ville de Strasbourg le 21 juillet 1789. Iconographie extraite de l’Album alsacien.

ébullition suivaient avec impatience

Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

les événements de Versailles et dirigeaient leur animosité non point

La tension monte encore d’un cran

et la destruction entamés la veille.

défoncés et vidés, le vin emporté.

contre la Royauté mais contre le

quand des pierres et des pommes

Les archives de la Ville sont relati-

L’ivresse finit par avoir raison des

régime suranné de la Ville libre

de terre se mettent à pleuvoir dans

vement épargnées.

émeutiers et la foule se disperse

royale, entre les mains d’un certain

les vitres du premier étage, en pré-

nombre de familles. Le 20 juillet,

sence des troupes qui demeurent

une délégation de bouchers se pré-

impassibles.

sente à l’Hôtel de Ville demandant

Faute d’opposition aux excès des

la suppression de l’accise (impôt

insurgés, l’émeute prend le lende-

indirect) et l’acceptation pure et

main une ampleur désastreuse. Le

simple de son cahier de doléan-

21 juillet 1789, le Neubau est pris

ces. On parvient à les calmer avec

d’assaut. Se déroule alors la scène

de bonnes paroles. L’après-midi,

fixée par la gravure qui orne la

les différentes commissions étant

plupart de nos manuels d’histoire.

réunies à la hâte dans leurs salles

Des compagnons de tous métiers,

En revanche, les tableaux, les sou-

respectives, un groupe d’émeutiers

maçons et charpentiers, arrivent

venirs historiques, le mobilier se

armés de marteaux, de haches

avec des échelles et des leviers et

retrouvent saccagés, jetés par les

et de scies entoure le Neubau de

escaladent l’édifice par les fenêtres

fenêtres, les carrosses et harnais de

tous côtés.

déjà béantes, complétant le pillage

la ville détruits, les tonneaux de vin

toujours sous l’œil bienveillant de la

Faute d’opposition aux excès des insurgés, l’émeute prend une ampleur désastreuse

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

garnison restée l’arme au pied.

1780 Jean-Pierre Clause, cuisinier du maréchal de Contades, est l’inventeur d’une des gloires culinaires de la province : le foie gras.

1789 Début de la Révolution Française.

23


Cour du n°2 rue Sainte-Barbe. (Maison Edel), 1750-1760.

La Révolution, une profonde césure dans l’histoire économique Inflation galopante, pénurie monétaire, agriculture épuisée, industrie en

La tourmente révolutionnaire plonge le Neubau dans la déchéance

difficulté, commerce désorganisé : la Révolution a fortement perturbé la vie économique. Le bilan est ambivalent. Elle a conduit à la suppression du carcan corporatiste et la

La République de Strasbourg est

La vente des biens nationaux ayant

sommaires que nécessite

morte et une page de plus de cinq

rendu libre l’ancien palais épisco-

d’une élite économique désormais

l’état de l’édifice saccagé,

cents ans d’histoire est tournée.

pal, le Château des Rohan, la Ville

associée à la vie politique. Mais

l’ancien Magistrat de la Ville libre se

Pendant toute la première période

en fait l’acquisition et y installe ses

réfugie provisoirement à l’Aubette.

de la Révolution, le cabinet du

services en 1793.

Sa réinstallation dans l’Hôtel de la

nouveau maire est le centre de

place Saint-Martin, qui allait pren-

l’activité municipale. Nuit et jour,

dre le nom de place du Marché-

son antichambre est pleine de sol-

aux-Herbes avant de devenir en

liciteurs. Bientôt, le Conseil décide

favorisés aussi par la spéculation et la

1840 place Gutenberg, est de

l’installation d’une galerie dans la

contrebande. Aussi, lorsque Napoléon

courte durée. Le 18 mars 1790,

grande salle et cent citoyens peu-

le dernier Stettmeister régnant, le

vent assister aux séances désor-

baron de Wurmser de Vendenheim,

mais publiques.

P

remet solennellement le sceau de la Ville au nouveau maire élu, Philippe-Frédéric Dietrich.

la liberté d’entreprise et l’émergence

elle a aussi entraîné une profonde déstabilisation de la vie économique avec de lourds prélévements pour le financement des armées et de la guerre, une hausse de l’inflation et la chute des assignats qui ont provoqué d’importants transferts de fortune,

Bonaparte prend le pouvoir le 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799), après avoir laissé au Strasbourgeois Kléber le soin de gérer l’armée fran-

Philippe-Frédéric Dietrich (1748-1793). Maire de Strasbourg. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

24

disparition de la noblesse au profit de

endant les réparations

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité

çaise en Egypte, c’est un soulagement général qui se manifeste.


1802

1803

1808

L’arrêté consulaire du 3 nivôse

La Chambre de Commerce

La Chambre de Commerce

de l’an XI crée les Chambres

de Strasbourg tient sa première

fait l’acquisition du Neubau.

de Commerce.

assemblée plénière.

perdu son statut d’Hôtel de Ville, le

La disparition du corps des marchands crée un vide institutionnel

le temps des revendications

Neubau reste alors sans affectation

L’histoire n’en a pas fini pour autant

Le 17 avril 1789, les négociants et

et commence à sombrer dans une

de jouer avec le Neubau qui, entre

déchéance progressive avant d’être

temps, a tout de même dépassé les

vendu à des particuliers.

200 ans d’existence.

Les nouvelles institutions municipales y resteront jusqu’en 1804, date à laquelle la ville offre le bâtiment à l’Empereur pour en faire une résidence impériale. Ayant

Le Neubau vendu aux plus offrants Au lendemain de la Révolution, le Neubau est vidé de son contenu. En mars 1793, on démolit l’arche de pierre qui le reliait à ce qui restait de l’ancienne Chancellerie, par-dessus la rue des Serruriers. Les caves furent mises en

ment. Mais il faut encore attendre

La Révolution les a détruites et avec

une décennie pour que l’arrêté

elles ont disparu cette surveillance,

ministériel du 3 nivôse an XI (soit

de chaque jour, ces leçons de l’ex-

le 24 décembre 1802) institue les

périence, ces conseils donnés pour

Chambres de Commerce dans 22

l’intérêt de chacun et ces moyens

villes françaises, dont Strasbourg.

féconds d’amélioration qui naissent

L’initiative revient à Jean-Antoine

de la connaissance des besoins et

Chaptal, Ministre de l’Intérieur et

des ressources de chaque localité.»

des autorités un cahier de doléances.

de l’Industrie, qui œuvra pour le

Plus tard, il parlera des Chambres

Archives départementales du Bas-Rhin.

rétablissement des Chambres de

de Commerce comme «des foyers

Commerce. Le texte qu’il adressa

de lumière destinés à éclairer le

aux consuls en ce sens est resté

gouvernement sur l’état et les

célèbre. «Ces institutions étaient

besoins de l’industrie.»

bourgeois enregistrés à la Tribu du Miroir de Strasbourg, ont déposé auprès

La tourmente révolutionnaire abolit

sages, elles étaient populaires

les corporations. A Strasbourg,

et conservatrices de tout ce qui

la disparition du Corps des

peut intéresser la prospérité du

Marchands crée un vide institu-

commerce.

tionnel qui ne tarde pas à se faire

location et le premier étage mis à la disposition du Tribunal de Commerce

sentir. Résultat : la municipalité

récemment institué. Enfin, Le 9 fructidor an III (1795), le bâtiment fut vendu

autorise dès 1790 la formation d’un

en trois lots aux plus offrants pour une somme globale de 4 200 000 livres

«Comité du Commerce» destiné a

valant à cette époque 105 000 francs. Ils fondent une société par actions pour le gérer et le transforment pour le rentabiliser. On ne sait pratiquement rien de ces transformations qui ont pourtant contribué à la disparition d’une

conseiller avisé Jean-Antoine Chaptal, Ministre de l’Intérieur et de l’Industrie, est

étudier la création d’une Chambre

l’auteur d’un texte célèbre qui fait la pro-

de Commerce. L’idée séduit large-

motion des Chambres de Commerce.

partie de l’aménagement d’origine du bâtiment.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

25


Jean-Georges Schertz. Président de la Chambre de Commerce de 1803 à 1818. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

Des mots qui auront convaincu

Deux membres influents exercent,

Bonaparte qui confirme par le

aux côtés du Préfet, les fonctions

fameux arrêté consulaire le réta-

de vice-président entre 1808 et

blissement ou l’instauration des

1831 : Jean-Georges Schertz et

Chambres de Commerce.

Jean-Georges Humann.

A Strasbourg, l’élection - par une

Une gestion fructueuse permet à la Chambre de Commerce d’acquérir le Neubau en 1808

cinquantaine de négociants - des neuf premiers membres de la Chambre de Commerce a lieu le 27 janvier 1803. La première séance se tient deux mois plus tard, le 23 mars 1803.

Peu de temps après sa constituNomination de chargeurs - bâcheurs (1809). Archives départementales du Bas-Rhin.

tion, la Chambre devient la principale administratrice de la Douane, un des plus vastes entrepôts de la ville et perçoit le paiement de deux taxes - l’une pour l’emmagasinage des marchandises, l’autre pour le pesage à la Balance Publique - qui constituent la majeure partie de ses recettes.

Jean-Georges Schertz : engagement, punch et conviction Forte

personnalité,

très

engagé

dans

les

dossiers

économiques

:

Jean-Georges Schertz a marqué de son empreinte le premier mandat de vice-président. Cet entrepreneur exerçait le commerce de la laine et du papier et exportait principalement vers l’Allemagne. Assesseur et trésorier du Corps des Marchands, Président du Comité du Commerce puis du Conseil du Commerce : il joua très tôt un rôle de premier plan dans l’administration

Vue de la Douane.

Par Sandmann (vers 1840). Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

commerciale strasbourgeoise. Jean-Georges Schertz figura tout naturellement parmi les membres de la nouvelle Chambre de Commerce. Sous son impulsion, les élus se rencontraient très régulièrement, une à deux fois par semaine.

26

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Elle délègue dans ce cadre ses pou-

Le bâtiment a capacité à accueillir

Le deuxième étage fut partagé en

Cette acquisition n’est pas sans

voirs au «Préposé du Commerce»

la Bourse, le Tribunal de Commerce

quatre logements de fonction. Les

contrainte. Lors de la vente à la

qui tient une comptabilité rigou-

et la Chambre de Commerce.

procès-verbaux de la Chambre

Chambre de Commerce du ter-

de Commerce rendent compte

rain de l’ancienne Chancellerie, la

des discussions qui eurent lieu

ville avait demandé qu’une belle

pour l’aménagement intérieur de

construction vînt ennoblir la place.

l’ancien Hôtel de Ville dont rien ne

Elle restait ainsi fidèle aux idées

subsistait après le pillage de 1789

d’urbanisme du Magistrat du 16 ème

et les transformations faites depuis

siècle. Lorsque la Chambre prend à

lors par les nombreux occupants.

son actif l’ancien Hôtel de Ville, la

reuse et dresse des inventaires de la marchandise entreposée. La Chambre recrute aussi les «chargeurs-bâcheurs» et les «brouetteurs», soit une quarantaine d’hommes.

Prix d’achat du Neubau : 196 000 francs

Cette gestion est si fructueuse que la Chambre peut acquérir, en

Et surtout, il est situé sur une

municipalité lui demande de réa-

1808, l’hôtel qui depuis cette date

grande place, au cœur du quar-

liser un projet nourri depuis long-

abrite ses services. Le prix d’achat

tier commerçant. La Bourse sera

temps par l’ancien Magistrat : le

s’élève à 196 000 francs auxquels

installée au rez-de-chaussée, la

prolongement de la façade vers la

s’ajoutent 86 415 francs pour la

Chambre au premier étage ainsi

rue de l’Arbre Vert et l’élargissement

remise en état et l’aménagement

que le Tribunal de Commerce avec

Nouvelle avancée

de cette ruelle. Attenant à l’édifice,

intérieur. Les bénéfices d’un tel

cinq pièces et une grande salle de

Le 26 mars 1791, les autorités

il subsiste une vieille maison, l’an-

investissement sont soulignés lors

réunion.»

approuvent la formation d’un Comité

cienne auberge «Zum grossen

du Commerce. Comme l’atteste

Kameelthier». Elle est acquise en

de la séance du 30 juin 1808.

cet extrait du Registre

«Le rez-de-chaussée entièrement

du Corps municipal.

voûté offre toutes les conditions de sécurité pour le dépôt des

1811 mais plus d’un demi-siècle

Archives départementales

devait s’écouler jusqu’à la réalisa-

du Bas-Rhin.

tion du projet d’agrandissement de

archives.

la «Maison du Commerce» selon le terme qui lui était consacré à l’époque, avant qu’elle ne devienne l’Hôtel du Commerce.

La Douane.

Lithographie de N. Simon dessinée à la plume par L.A. Perrin (19e). Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

27


Strasbourg au rang de premier port fluvial européen

A

u-delà de ces questions

Elle dirige aussi le transit des mar-

Le personnel consulaire, lui, est

immobilières, l’activité de

chandises mais aussi le contrôle

très réduit : un trésorier, un secrétaire, un garçon de bureau.

la Chambre de Commerce

de la navigation sur le Rhin grâce

s’intensifie. Au fil du temps, elle

au poste de Neubourg, près de

participe à tous les grands projets

Lauterbourg, et avec l’aide des

régionaux comme la construction

bateliers de Strasbourg qui dépen-

du canal du Rhône au Rhin.

dent de la Chambre.

Elle s’intéresse aux projets et inventions qui accélèrent les progrès agricoles, industriels et commerciaux.

La Chambre de Commerce est sèchement rappelée à l’ordre L’article 4 de l’arrêté ministériel du 3 nivôse de l’an XI définit les fonc-

La douane.

Photographie de Jules Manias extraite de son Album de Strasbourg, J. Manias & Cie, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

tions attribuées par l’administration aux Chambres de Commerce.

Cortège sur la terrasse du château des Rohan en l’honneur de Napoléon 1er et de l’Impératrice Joséphine. Eau forte, dessinée par B. Zix et gravée par C. Guérin, 1806.

Il s’agit d’abord d’une mission consultative. La Chambre a notamment pour

Mais elle sera très vite amenée à les

objectif d’étudier les moyens

dépasser en intervenant avec force

d’accroître la prospérité du com-

au niveau des revendications com-

merce. Elle est par ailleurs inves-

merciales de la région, en prenant

tie d’une mission de contrôle :

des initiatives dont l’administration

surveiller l’exécution des travaux

centrale prendra ombrage. Ainsi,

publics relatifs au commerce

en 1806, lorsque la Chambre rend

comme le curage des ports et l’ap-

publiques ses pétitions, ses mem-

plication des lois et arrêts concer-

bres seront sèchement rappelés à

nant la contrebande.

l’ordre par une lettre du Ministre de

La Chambre de Commerce rem-

l’Intérieur.

plira à merveille ces fonctions.

28

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


Une allée du pouvoir à Strasbourg

Le début du 19ème siècle ouvre une période de grande prospérité dont

Le Neubau constitua une paren-

la Chambre de Commerce profita

thèse dans l’histoire mouvementée

largement. Le premier Empire,

du centre administratif. Il ne joua,

qui va donner à tant d’Alsaciens

en effet, le rôle d’Hôtel de Ville

l’occasion de s’illustrer et de se

que de 1779 à 1793 avec un bref intermède à l’Aubette après les

couvrir de gloire sur les champs de

événements de 1789. Peu à l’aise

bataille, donne à Strasbourg un rôle

dans les locaux du Neubau surpeu-

de plaque tournante à dimension

plé, renouant avec les traditions

européenne.

séculaires, la nouvelle municipalité déménagea au Château des Rohan

Sous le double effet du blocus

vendu comme bien national

continental et des opérations mili-

et acquis par la ville en 1793.

taires en Allemagne, en Autriche

Episode de courte durée également

et en Russie, Strasbourg devient

car en 1804, la ville fut priée

un des principaux entrepôts de

Source de recettes

de trouver une résidence digne

marchandises de toute la France.

Jusqu’en 1854, la Halle commerciale est

Empereur. Nul autre ne semblait

administrée par la Chambre de Commerce.

La ville se hisse ainsi au rang de

Cet établissement génère d’importantes

premier port fluvial européen et de

rentrées d’argent.

capitale du vin.

Archives départementales du Bas-Rhin.

et convenable à Napoléon sacré envisageable que le Château des Rohan transformé ainsi en palais impérial. En 1805, la municipalité emménagea donc dans l’actuel Hôtel de Ville rue Brûlée qui devint ainsi une véritable «allée du pouvoir» regroupant presque côte à côte l’Evêché, le Commandement Militaire, l’Hôtel du Préfet

Napoléon stigmatise la haine et l’or de l’Angleterre

et l’Hôtel de Ville. Et si aujourd’hui encore, l’Hôtel de Ville siège rue Brûlée, le centre administratif s’est déplacé dans des locaux plus

Sceau apposé sur un «Passe-port». Délivré par le Duc de Noailles aux négociants strasbourgeois lors des opérations militaires sur le Rhin entre 1743 et 1745. Archives départementales du Bas-Rhin.

Du 26 septembre au 1er octobre

vastes, place de l’Etoile, au croise-

1805, en route pour ce qui allait

ment des voies de passage

être une des plus glorieuses cam-

les plus importantes.

pagnes de l’Empire (Ulm, Austerlitz, paix de Presbourg, l’actuelle Bratislava), l’Empereur est accueilli à Strasbourg par un mélange de grandes fêtes solennelles et de liesse populaire. Lors de ce passage, il stigmatise, dans une fameuse proclamation aux armées, «la haine et l’or de l’Angleterre».

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

29


l’hôtel de ville (die pfalz). Extrait de J. Naeher, Baudenkmäler der Freiherren von Müllenheim im Elsass. 1905.

30

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité




l’institution

ses missions, ses débats, ses batailles

Coeur battant La période qui s’ouvre est riche en événements politiques et économiques. L’Alsace connaît l’essor industriel le plus rapide de toute son histoire. La Chambre de Commerce se montre très active et multiplie les initiatives. Loin de marquer un coup d’arrêt, le passage sous domination allemande conforte cette dynamique prodigieuse.

1808 1914


Jean-Georges Humann, la formidable ascension du «contrebandier»

Hommes d’affaires, négociants et spéculateurs

Une ère de grande prospérité

Jean-Georges Humann entre à la Chambre en 1811. C’est sa première participation officielle à l’administration des affaires commerciales de la région. Le début aussi d’une longue carrière qui le mènera au fauteuil de Ministre des Finances de Louis-Philippe de 1832 à 1836 puis

soit des souscriptions, soit d’une

avait retiré de la gestion directe de la

de Commerce est

contribution proportionnelle que la

halle pendant la Révolution. C’est à

ascensions sociales du début du 19ème

donc l’heureuse pro-

loi du 19 mars 1801 autorisait à

ce dernier système qu’on s’arrêta :

siècle. Nombre d’historiens s’accordent

priétaire du Neubau

lever sur les patentes du commerce.

toutes les autorités de l’époque

et se félicite de posséder, selon

Ou consentir volontairement, dans

en reconnurent la convenance,

ses propres termes, un siège à la

la seule intention d’une construction

la justice et la nécessité. L’ancien

hauteur de son statut. Les archives

ou d’une acquisition, à une aug-

hôtel de ville, dont la construction

de l’ancien Corps des Marchands

mentation temporaire des droits de

en témoignent. «Tous les efforts des

magasinage sur les marchandises

négociants, toutes leurs démarches

déposées à la halle ou douane. Le

n’eurent qu’un but, celui de se

décret du 25 brumaire an XIV (1806)

procurer les moyens d’acquérir un

avait, en effet, autorisé la ville de

immeuble qui pût servir à l’établis-

Strasbourg à affermer au commerce

sement de la Chambre, du Tribunal

par bail de dix-huit ans la somme

et de la Bourse. Deux moyens s’of-

annuelle de douze mille francs.

fraient au choix de la Chambre de

Celle-ci surpassait de beaucoup le

Commerce : recourir à la ressource,

produit net que la caisse municipale

E

34

de 1840 à 1842. D’origine paysanne,

n 1808, la Chambre

il incarne l’une des plus formidables

pour affirmer que sa fortune considérable est largement due à la contrebande sur le Rhin renforcée par la mise en place du blocus continental par Napoléon. Vrai ou faux ? Le Préfet Lezay-Marnésia déclara à son égard «que l’on peut être en même temps contrebandier et honnête homme.» Humann se révèle quoiqu’il en soit le plus

Jean-Georges Humann.

Président de la Chambre de Commerce de 1819 à 1831. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles

gros importateur de denrées coloniales (sucre, café, tabac, poivre...) et de coton. Très introduit dans les milieux parisiens de la finance, il y défend efficacement les intérêts strasbourgeois. Appelé à des fonctions au niveau de l’Etat, qui le retiennent très souvent dans la capitale, il se voit contraint de démissionner de son poste de président de la Chambre de Commerce en 1831.


1810

1819

1831

1838

1839

La Chambre de Commerce réagit

Jean-Georges Humann est

François-Charles Sauvage accède

Jean-Conrad Sengenwald devient

François-Charles Sauvage revient

vivement contre l’introduction

élu président de la Chambre

à la présidence de la Chambre de

président de la Chambre

aux commandes de la Chambre

d’un monopole d’Etat sur la culture

de Commerce.

Commerce.

de Commerce.

de Commerce.

et la transformation du tabac.

remonte à la dernière moitié du

passé qui se sont consacrés aux

seizième siècle, réalise la pensée

intérêts publics et y ont défendu

de la Chambre qui voulait une

les libertés muncipales dans le

demeure digne du commerce. Elle

même temps que la plupart des

offre une architecture du meilleur

membres du respectable Corps des

style et du plus bel effet sur la place

Marchands de Strasbourg.» (Extrait

Gutenberg. Enfin, elle a pour un

des archives de l’ancien Corps des

grand nombre, comme tout monu-

Marchands de Strasbourg années

à modérer les droits de douane

ment d’un aspect essentiellement

1861 à 1863).

et abandonner le système prohibitif.

Haro sur la fraude Pour la Chambre de Commerce, le seul moyen de réprimer la fraude consiste

Lettre des membres de la Chambre

historique, ce charme des souvenirs

de Commerce adressée au Ministre

que nous laissent les hommes du

de l’Intérieur. Archives Départementales du Bas-Rhin.

Trente ans de projets autour de la place Gutenberg

Place Gutenberg. Lithographie de E. Hubert, 1885, Cab. des Estampes,

En cette première moitié du 19ème

Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

siècle, Strasbourg devient un carEntre 1780 et 1809, les trans-

four du commerce international :

formations de la place Guten-

cafés, sucres, épices, cotons à l’im-

retour à une prospérité éclatante

surtout par les négociants qui aspi-

berg firent l’objet de différents

portation ; blés, vins, huiles, fruits

fait ainsi oublier bien des excès.

rent à la paix. Réfection des routes,

n’aboutit. Seule la décision de

à l’exportation. Strasbourg, place

Et si l’âge est aux entrepreneurs

construction d’un nouveau pont sur

démolir la Pfalz emporta l’ad-

avancée pour le ravitaillement et

brillants, il appartient aussi aux

le Rhin : les investissements publics

hésion

l’équipement des armées françai-

«héros» qui savent tirer un bénéfice

constitue des gages pour l’avenir.

ses, au cœur du blocus continental,

individuel de la gloire napoléo-

Gutenberg jusqu’à ses limites

est aussi une plate-forme d’échan-

nienne. Le Consulat et l’Empire sont

actuelles.

ges, de trafic et de contrebande. Le

bien accueillis par la population et

concours d’architectes. Aucun

Sa

des

Strasbourgeois.

destruction

détermina

l’agrandissement de la place

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

35


C’est à cette époque qu’émerge

Elle porte sur les cotonnades, les

une élite d’hommes d’affaires,

mousselines, les produits exotiques

banquiers, négociants, spéculateurs

les plus divers et désespère l’active

qui manie les capitaux sur une

administration des douanes parce

grande échelle. Beaucoup sont

qu’elle implique les personnages

des contrebandiers honorables

les plus divers, de tous rangs et de

qui justifient leur activité comme

toutes fortunes.

une licite réaction contre d’injustes prohibitions. «Manufacture vis-à-vis la Douane à Strasbourg» Carte de visite des Ets Halder. Cab.des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

Vue d’ensemble de la ville. photographie de Jules Manias, extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

36

Il reste que l’essor économique

- les Bussière, Humann, Saglio... -

Willgottheim, dans le Kochersberg,

est impressionnant comme l’at-

prirent l’habitude de fréquenter

il compte parmi les plus riches

teste le trafic fluvial qui passe

le casino littéraire et commer-

commerçants du Bas-Rhin, avec

de 2 000 tonnes avant 1799

cial, une sorte de cercle installé

une fortune de 1,5 million de

à près de 28 000 tonnes en 1812.

dans les étages du Neubau.

francs.

De formation cosmopolite et multi-

Jean-Georges Humann, le suc-

confessionnelle, plus commerçante

cesseur de Schertz à la tête de la

que fabricante, tirant sa fortune

Chambre de Commerce en 1819,

d’une variété extraordinaire d’acti-

appartient à ce milieu tout en étant

vités commerciales, cette bourgeoi-

atypique puisque de modeste ori-

sie illustre l’influence des réseaux.

gine (à l’inverse des Turckheim

Les hommes d’affaires de l’époque

ou de Dietrich). Originaire de

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


sucre et le tabac. Mais on reste loin

célèbre adresse de la Chambre de

tions que le bien de l’Etat rendait

des millionnaires de l’industrie du

Commerce à l’Empereur en date

plus nombreuses dans un dépar-

Haut-Rhin. Surtout, cette tendance

du 19 décembre 1810 à propos de

tement qui a été le passage des

au protectionnisme conduit à des

la fabrique de tabac. «L’annonce

plus grandes armées des temps

jugements nuancés.

d’un monopole qui n’avait jamais

modernes. De là encore, le prompt

Ainsi, le blocus continental est

affligé nos campagnes et nos vil-

acquittement des contributions

loin d’avoir poussé l’industrie alsa-

les, les frappe de douleur et de

et ce grand mouvement dans les

cienne dans un sens uniquement

consternation. Dans leurs alarmes

ventes et les reventes, qui porte au

favorable. La prospérité s’avère

mutuelles, elles invoquent avec une

Trésor Public de nouveaux tributs.

d’ailleurs très éphémère et atteint

confiance respectueuse l’affection

Tant d’avantages seront-ils sacri-

son apogée en 1810. Mais dès

que Sa Majesté a constamment

fiés à l’établissement d’une régie

cette date, le déclin s’amorce. Les

portée à ses peuples. Disséminée

privilégiée ?»

autorités ne tardent pas à réagir.

dans le département du Bas-Rhin

Engagée dans un bras de fer avec l’Etat La Chambre de Commerce, préci-

Le bienfait du tabac La culture et la transformation du tabac

sur 6 000 hectares, la culture du tabac améliore les terres, en

constituent une véritable richesse

double la valeur et le produit.

du département. Comme le confirme cet

De là, la prospérité de nos campa-

arrêté du Préfet du Bas-Rhin en date du 21 octobre 1846 relatif à la construction

gnes, les ressources qui leur ont

d’une nouvelle manufacture des tabacs.

permis de se livrer à tout l’élan de

Archives Départementales du Bas-Rhin.

leur zèle à chacune des réquisi-

sément, s’impose dans l’actualité. Véritable aiguillon, elle est notamment à la pointe du combat antiprotectionniste. Le libéralisme coule

Der neue Bau Photographie de Jonny Lüsing, Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

dans les veines de la Chambre : il

Le Neubau, un fiasco financier ? En 1810, la Chambre de Commerce fait l’acquisition de la maison dite

est sa perspective.

«zum grossen Kameelthier», bordant la rue de l’Arbre Vert. L’investissement

L’industrie est moins porteuse

De tous temps, depuis sa création,

préfigure de grands travaux mais il faudra attendre presque soixante ans

de richesse. Strasbourg connaît

la Chambre a porté haut l’ambition

avant de les voir concrétisés. Car entre-temps, la chute de l’Empire chan-

depuis 1789 bien plus d’artisans

de l’économie régionale, mais tou-

aux productions variées que de

jours en dépassant les dimensions

fabricants ou de spécialistes d’une

et les préoccupations nationales.

Minée par les problèmes financiers, la Chambre doit se résoudre en

seule activité. L’ère napoléonienne

Aussi, l’annonce de l’introduction

1823 à vendre la maison acquise rue de l’Arbre Vert et à louer à prix

voit fleurir l’industrie cotonnière

d’un Monopole d’Etat sur la culture

qui bénéficie des effets du blocus

et la transformation du tabac, en

tent un rude coup à la capacité financière de la Chambre. Le fleuve

continental. A l’abri des tarifs pro-

décembre 1810, soulève-t-elle l’in-

emprisonné accélère son cours devenant ainsi dangereux pour la naviga-

tectionnistes et de la concurrence

dignation en Alsace. La Chambre

anglaise, plusieurs secteurs mon-

s’engage alors dans un bras de

tent en puissance, en particulier le

fer avec l’Etat. Signalons ici une

ge la donne. La Chambre loue en 1817 son local du rez-de-chaussée aux commissaires-priseurs pour les adjudications publiques. Ses revenus reculent en raison de l’Union Douanière allemande (Zollverein) de 1819.

élevé une partie de ses locaux, notamment au Cercle du Commerce. Plus encore, les travaux d’endiguement du Rhin achevés en 1840 por-

tion. Conséquence : le chemin de fer s’avère rapidement plus rentable. Et en 1855, douane et entrepôts sont transférés du port vers la gare, ce qui appauvrit les recettes de la Chambre de Commerce.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

37


La place gutenberg et la statue de gutenberg. D’après une gravure de Asselineau extraite de l’ouvrage «Le Vieux Strasbourg» 1836-1847.

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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


l’hôtel du commerce. à l’extrême gauche, on distingue l’extension du bâtiment réalisée en 1868. Photographie vers 1900.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

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Les Fêtes de Gutenberg symbolisent l’apogée du monde des métiers a grande affaire des tabacs

Ce n’est qu’en 1832 que la loi sur

sur la multiplication de petits éta-

fut jugée par les partisans

le transit permet au commerce de

blissements - moulins, brasseries,

du monopole administratif

reprendre un certain essor. Dès

tanneries - et sur la diversité des

au point de vue du budget géné-

1834, la Chambre peut renoncer,

métiers artisanaux. L’inauguration

ral de l’Etat et des sommes qu’il

au moins provisoirement, au prélé-

de la statue de Gutenberg, en

procure au Trésor, mais contrai-

vement de ces centimes addition-

1840 - et le «cortège industriel»

rement aux principes de la liberté

nels. A l’inverse, les efforts déployés

qui l’accompagne - rend un hom-

industrielle que la Chambre de

par la Chambre de Commerce

mage appuyé à tous ces corps de

Commerce et ses délégués plai-

pour l’abrogation du décret du 29

métiers.

dèrent avec chaleur toutes les fois

décembre 1810 et la restauration

que les projets de prorogation du

de la liberté du commerce du tabac

monopole étaient soumis à la légis-

se soldèrent par un échec.

lature.» (Extrait de l’exposé des tra-

Entre 1840 et 1870, le processus

vaux de la Chambre de Commerce

d’industrialisation repose sur une

de Strasbourg, années 1861 à

accumulation d’ateliers d’artisans,

L

1863, archives de l’ancien Corps des Marchands de Strasbourg). Malgré l’activisme de son président, Jean-Georges Humann, un nombre considérable de pétitions, l’appui de membres de la famille

Brasseurs et tonneliers. Lithographie de E. Simon, extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 juin 1840. E. Simon fils éditeur, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

Gutenberg, «phare de l’intelligence humaine» En 1840, Strasbourg célébra magnifiquement le 400ème anniversaire de l’invention de l’imprimerie. Les fêtes durèrent trois jours, du 24 au 26

royale tel que le Duc d’Angoulême,

juin 1840. Temps fort de l’événement : l’inauguration de la statue de

les efforts de Strasbourg seront

Gutenberg, figure emblématique de l’artisanat. Les sonneries des clo-

vains. Le déclin du commerce strasbourgeois oblige la Chambre

ches et des salves d’artillerie annoncèrent au loin l’instant où on enleva le voile qui recouvrait le monument, œuvre du sculpteur David d’Angers. Spectacle imposant et grandiose quand le voile tomba des flancs de

de Commerce, privée des revenus

cette énergique figure, quand des milliers de voix chantèrent en chœur

de son entrepôt, à imposer en

et quand sur une large estrade, d’éloquentes voix proclamèrent l’ac-

1826 à ses ressortissants, et pour la première fois, des centimes additionnels à la patente.

tion bienfaisante de ce phare de l’intelligence humaine. Le lendemain, un brillant cortège industriel, dans lequel figuraient tous les corps de métiers, traversa les principales rues de la ville. La troisième journée fut consacrée à l’ouverture d’une exposition des produits de l’industrie alsacienne dans les salles du Château.

40

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


«Les élèves de l’Ecole industrielle ouvraient la marche dans le costume le plus grâcieux»

de mille couleurs. Les serruriers

gues tresses. Les menuisiers et

accompagnaient plusieurs chariots

les charrons, tous armés des outils

énormes avec des forges de cam-

de leurs métiers, conduisaient

pagne allumées, battaient en che-

des chars ornés de chefs-d’œuvre

minant le fer sur leurs enclumes et

industriels : escaliers tournants,

lançaient au loin les étincelles.

buffets d’orgues, modèles de char-

Les maréchaux avaient combiné

pente, de diligence, de placage,

des fers à cheval sous forme de

tout cela si bien exécuté, si habile-

La France et l’étranger ont appris

dessins de la structure la plus

ment décoré.

à les connaître et à les apprécier.

originale.

Que dire des bouchers vêtus de

Ils ont montré ce que peut sur

rouge, la hache et le couteau à la main, escortés de tout petits

l’Ecole industrielle ouvraient la mar-

«Et ces pêcheurs, amenant un bateau plein de carpes du Rhin, énormes et sautillantes»

che dans le costume le plus grâ-

Les chaudronniers, armés de pied

ces pêcheurs amenant un bateau

cieux, les uns armés de compas,

en cap, la tête couverte de gros

plein de carpes du Rhin, énormes

eux le sentiment bien placé de l’honneur national. Aussi, c’est à eux que s’adresse l’admiration de ceux qui ont assisté à nos fêtes.» Les récits du Courrier du Bas-Rhin de l’époque relatent dans le détail le cortège industriel. «Les élèves de

bouchers armés de tout petits couteaux et de filles de quinze ans en robes de mousseline et en gants blancs ? Et les meuniers traînant sur un char à six chevaux un moulin complet, un moulin qui donnait de la farine véritable. Et

les autres de règles, d’instruments

casques en cuivre, poussaient

et sautillantes. Et ces imprimeurs,

Les Fêtes de Gutenberg, le cortège industriel du 25 juin 1840.

de physique. A leur suite venait un

un appareil-modèle à distiller en

les rois de la fête, qui tiraient des

Lithographie de E. Schweitzer, extraite de l’ouvrage Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu’en 1870. A. Seyboth, 1894. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

char sur lequel ils avaient orga-

pleine activité. Les jardiniers se

milliers d’exemplaires d’un hymne

nisé des machines que plusieurs

sont surpassés et leur exhibition a

à Gutenberg, répandu à grands flots sur les spectateurs...»

d’entre eux faisaient fonctionner.

dépassé tout ce que la féérie peut

Ces fêtes éclatantes couronnent

le magnifique spectacle donné par

Les selliers conduisaient un cheval

imaginer de plus ravissant. Les

la première moitié du 19ème siè-

une patriotique population d’arti-

magnifiquement enharnaché. Les

teinturiers, les tisserands, les cor-

cle. Elle symbolisent l’apogée du

sans et d’ouvriers. «Nos braves arti-

peintres, les vitriers, les tamisiers,

donniers, les cordiers, les tanneurs

monde des métiers avant l’arrivée

sans n’ont reculé devant aucune

précédés de bannières, d’emblè-

avaient trouvé moyen d’embellir

du chemin de fer et le début de

dépense, devant aucun sacrifice

mes, de tableaux de toute espèce

les produits de leur industrie et de

l’ère industrielle. La presse de

pour soutenir dignement la gloire

disposés avec un goût admirable,

les exposer en groupes de l’aspect

l’époque ne tarit pas d’éloges sur

de la ville de Strasbourg. Grâces

amenaient avec eux des légions de

le plus agréable. Les coiffeurs ont

cet événement. On put y lire la pro-

leur en soient rendues !

charmants petits enfants avec leurs

envoyé à la cérémonie de petits

habits bleus, roses, lilas, bariolés

détachements d’enfants aux lon-

fonde impression qu’avait laissée

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

41


Tanneurs. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

Brasseurs et tonneliers. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


teinturiers. Lithographie de E. SIMON extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

Papetiers. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

43


Panorama des Vosges et du Chemin de fer de Strasbourg à Bâle. Lithographie de E. Simon, 1842.

La révolution industrielle est en marche

L

a révolution de 1848 et

nombreux établissements remonte

textiles, chimiques, alimentaires,

l’instauration du Second

à une époque antérieure : les

brasseries, usines à gaz... Et dans

Napoléon III ressuscite un grand passé de gloire nationale

Empire marquent ce tour-

forges de la maison De Dietrich

le domaine des services publics,

nant décisif de la modernité. C’est

(1684) et les mines de pétrole

l’activité n’est pas moins féconde :

l’époque des grandes mutations :

de Pechelbronn au 18ème siècle,

lignes ferroviaires, succursale de

l’essor industriel, la mise en place

la Manufacture royale d’armes

la Banque de France, canal de la

un grand passé de gloire nationale.

d’un réseau ferroviaire qui favorise

blanches de Klingenthal et les toiles

Marne-au-Rhin.

En 1849, il déclare que le nom de

une plus grande mobilité, une

métalliques de Sélestat, plusieurs

Une nouvelle fois, la Chambre de

alphabétisation quasi générale,

filatures et tissages, des tanneries,

Commerce est au cœur, voire à l’ori-

une large diffusion du livre et de

des fabriques d’outils. Mais c’est

gine, de ces bouleversements.

la lecture, les progrès rapides de

entre 1840 et 1870 que fut créée la

la langue française après 1850 et

majorité des industries de la région

l’apogée de la culture rurale tra-

dont certaines sont toujours floris-

ditionnelle. Certes, la création de

santes : industries mécaniques,

Le 10 décembre 1848, le prince LouisNapoléon Bonaparte est élu à la présidence de la République. Son nom ressuscite

Napoléon est, à lui seul, un programme. Trois ans plus tard, le 2 décembre 1852, il devient Napoléon III. Quelques mois auparavant, l’Empereur présida à Strasbourg aux cérémonies d’inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg. A cette occasion, l’évêque Monseigneur André Raess bénit solennellement les locomotives destinées à assurer le service sur cette ligne.

44

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


N’a-t-elle pas réclamé dès 1848 l’achèvement de la ligne ferroviaire Strasbourg-Paris ? Le rail se présente peu à peu comme un concurrent de la route et du fleuve. Son triomphe

Le coup de maître d’un riche industriel mulhousien

crée de nouvelles conditions pour

plus vastes, telles les Tanneries

les entreprises. Jusque 1850, la

Herrenschmidt. La mécanique

circulation sur route revient à 20

prend de l’ampleur et le matériel

centimes la tonne-kilomètre voire

ferroviaire occupe une place de

beaucoup plus sur des axes peu

plus en plus grande. En 1845, les

assuré par la démonstration de ses

Ce riche industriel mulhousien mit

entretenus. L’ouverture de voies fer-

travaux de construction de la ligne

capacités en Angleterre depuis 1830

en jeu sa fortune et celle d’une par-

rées et de nouvelles voies d’eau va

Strasbourg-Paris sont engagés. Ils

remet en question la nécessité des

tie de sa famille pour la réalisation

diviser ce prix par cinq. Quelques

dureront sept ans.

travaux d’aménagement des voies

de ce projet. L’Alsace peut alors

industries semblent montrer la

d’eau mais enthousiasme quelques

s’enorgueillir de posséder la pre-

voie du renouveau. D’anciennes se

esprits clairvoyants. A l’initiative de

mière grande voie ferrée construite

transforment en s’exilant vers les

Nicolas Koechlin, une ligne de 140

sur le continent où n’existaient que

banlieues, comme les Brasseries

kilomètres entre Strasbourg et Bâle

des tronçons de quelques dizaines

Hatt et Schutzenberger. D’autres

est ouverte en 1841.

de kilomètres. L’avènement du train

s’implantent dans des quartiers

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

Extrait du Procès-Verbal du Conseil Municipal sur l’entrée du train en ville, 21 janvier 1841. Archives Municipales de Strasbourg.

45


inauguration du chemin de fer de paris à strasbourg, 18 juillet 1852. Lithographie de E. Lemaître, 1852. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Chroniques

du monde

La Chambre de Commerce arbitre la concurrence entre le rail et le fleuve

1810 Le Préfet de l’Empire, Lezay-Marnésia, crée

e 18 juillet 1852, l’inaugu-

Mélanie de Pourtalès, fille du

L’ambition de Napoléon III qui voulait

A la fin du 19ème siècle, le dévelop-

ration de la ligne stratégique

banquier strasbourgeois Alfred

créer un système très perfectionné

pement spectaculaire du réseau

Strasbourg-Paris ouvre une

Renouard de Bussière, donne

de voies de communication prend

ferré abolit les distances. En 1853,

nouvelle brèche dans les échanges

le ton à la cour et dans la vie

corps. La condition indispensable,

la France ne comptait que 3 000

commerciaux. Désormais, l’Alsace

parisienne, tandis que le Baron

disait-il, pour faire de la France un

kilomètres de voies ferrées. En

est reliée par le chemin de fer au

Haussmann fait de Paris une ville

grand Etat moderne avec une indus-

1870, l’ensemble du pays est des-

plus important de ses débouchés.

modèle et que Jean Dollfus inspire

trie et un commerce rénové.

servi par le train et six compagnies

Cet événement spectaculaire sym-

la politique libre-échangiste de

sont créées, dont la Compagnie de

bolise la modernisation de l’éco-

l’Empereur. L’Alsace compte à la

l’Est. Les industries alimentaires

nomie alsacienne. De fait, l’Alsace

veille de la guerre de 1870 plus

peuvent partir à la conquête de

pèse d’un poids croissant dans la

d’ouvriers que de paysans et elle

débouchés extra-régionaux. Alors

France de Napoléon III.

fournit aux autres régions françai-

que la route rendait difficile le

ses une partie de leurs machines

transport de denrées périssables

et de leurs matériels ferroviaires.

sur de longues distances, le che-

L

La modernisation de l’Alsace est en marche, soutenue par la révolution des transports. locomotive (1845). Cité du Train, Association du Musée Français du Chemin de Fer (Mulhouse).

à Strasbourg la première école normale d’instituteurs de France.

1815 Napoléon abdique après la défaite de Waterloo.

min de fer ne met, dès sa mise en Affiche des Chemins de fer de l’Est, tarif spécial pour le transport de la houille et du coke, 1862.

service, qu’une vingtaine d’heures pour relier Strasbourg à Paris.

1839 De passage à Strasbourg,

Archives Départementales du Bas-Rhin.

Victor Hugo écrit avoir pu regarder du haut de la cathédrale, «la France, la Suisse et l’Allemagne dans un seul rayon de soleil.»

La ligne Strasbourg-Paris : un parcours d’obstacles La création de la ligne Strasbourg-Paris est certainement le dossier le plus complexe que la Chambre de Commerce doit gérer à cette époque. Son objectif est clair : une mise en exploitation la plus rapide possible en sauvegardant les intérêts de Strasbourg. Le 17 novembre 1848, elle écrit au ministre pour déplorer que les efforts de construction portent sur le seul tronçon Paris-Epernay. «Il en résulte pour l’industrie alsacienne un préjudice des plus graves. La section de Strasbourg à Sarrebourg d’abord, et celle de Strasbourg à Nancy ensuite, permettraient

1848 Le roi Louis-Philippe est chassé par une révolution.

d’acheminer en Alsace les houilles de Sarre et les céréales de Lorraine.» Malgré les propos rassurants du ministre, la section Epernay-Paris est mise en service en 1849. Mais il faudra attendre 1851 pour que la liaison StrasbourgSarrebourg soit opérationnelle. Dans ce dossier, la Chambre de Commerce a parfaitement joué son rôle, mais elle dut affronter toute une série d’obstacles dont sa persévérance et son action n’ont que difficilement triomphé.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

47


En 1860, les Chemins de Fer accordent aux brasseurs strasbourgeois la possibilité d’expédier la bière par wagons entiers. La densification du réseau ferré éveille les convoitises et nombreux sont les industriels à solliciter de nouvelles avancées. C’est le cas des Etablissements De Dietrich qui réclament, entre autres, une ligne de chemin de fer qui relierait Haguenau au Pays de Sarrebrück en passant par Niederbronn. Ils

La ligne Strasbourg-Paris aiguise les appétits

demandent aussi l’accélération de

L’ouverture de la ligne Strasbourg-

prévus, notamment le chemin de

Paris suscite l’intérêt des industriels

fer de Brumath à Wissembourg,

qui demandent de nouvelles avancées.

le débarcadère de Strasbourg, la

Comme l’atteste ce courrier des établissements De Dietrich adressé en 1852

la mise en œuvre des travaux déjà

seconde voie de Paris à Strasbourg,

au Président de la Chambre de Commerce.

entre Strasbourg et Nancy. La

Archives Départementales du Bas-Rhin.

Chambre de Commerce prend une part active à toutes ces réalisations. Mais un autre défi l’attend.

le nouveau port de strasbourg. Chromolithographie, vers 1890.

48

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Chroniques

du monde 1855

Car pour la navigation, l’histoire est tout autre. Entre 1848 et 1870, les travaux d’endiguement du Rhin, le développement du remorquage et des bateaux à vapeur font naître

Strasbourg a perdu son rang au profit de Mannheim

En 1855 (puis en 1867)

La Chambre de Commerce s’est

Toute la batellerie alsacienne s’est

Paris accueille deux

alors lancée dans une grande

alors tournée vers les canaux,

expositions universelles

bataille pour obtenir la suppression

mais la ville a conservé la nostalgie

des taxes et une totale libéralisation

de son activité rhénane d’antan.

de la navigation sur le fleuve. Son

Loin de renoncer, la Chambre de

de grands espoirs au commerce

La construction d’un nouveau

but : permettre à la batellerie de

Commerce, au contraire, multiplie

strasbourgeois.

port, plus facile d’accès pour les

faire face à la concurrence redouta-

les efforts pour maintenir un équi-

bateaux du Rhin, constitue l’outil

ble du chemin de fer. Les douanes

libre entre le rail et le fleuve. Elle a

indispensable au renouveau de

et les entrepôts ont, en effet, quitté

compris qu’il faut faire baisser les

la navigation rhénane et à une

le port pour la gare. Strasbourg

prix des transports des différentes

relance du trafic.

a perdu son rang au profit de

marchandises, et en particulier des

Mannheim. En revanche, la ville

matières premières, pour mettre

est devenue un port de canaux où

l’Alsace à égalité avec les autres

aboutissent celui du Rhône-au-

régions françaises. Elle est convain-

Rhin et celui de la Marne-au-Rhin.

cue que pour être performant, il

L’amorce d’une dynamique libre-échangiste

en l’espace de douze ans.

1860 Sous l’influence de Garibaldi : unité italienne et proclamation du royaume d’Italie.

faut produire au coût le plus bas possible.

1863

Le 23 janvier 1860, la France et l’Angleterre signent un traité de libreéchange. C’est le fameux traité de commerce franco-anglais destiné

Lancement

à abolir les taxes douanières sur les matières premières et la majorité

du premier métro :

des produits alimentaires entre les deux pays. L’initiative revient à Napoléon III qui veut encourager la production industrielle. Sa stratégie : supprimer les droits de douane sur la laine, les cotons et les prohibitions, réduire les taxes sur les sucres et les cafés, les droits sur les canaux, améliorer les voies de communication, accorder des prêts à

Le «Metzgertorhafen», (Bassin d’Austerlitz). Photographie de Jules Manias extraite de son Album de Strasbourg, J. Manias & Cie, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

«le Metropolitan Railway» de Londres.

l’agriculture et à l’industrie, signer des traités de commerce avec les puissances étrangères. Les négociations avec l’Angleterre sont me-

1871

nées secrètement par Michel Chevalier, expert en économie et membre du Conseil d’Etat, côté français, et par Richard Cobden côté britannique. L’annonce de la signature du traité est diversement appréciée

Unité allemande

car les concessions de la Grande-Bretagne sont modestes. On parlera

et proclamation

même en France d’un nouveau coup d’Etat. En Alsace, les réactions

du Reich allemand.

sont partagées. Témoin, ce courrier adressé le 14 juillet 1862 au président de la Chambre de Commerce par Guillaume Goldenberg, qui dirige une manufacture d’outillage à Saverne. « Le traité de commerce avec l’Angleterre a jeté la perturbation chez nos clients sollicités par des produits similaires anglais. On apprend également que l’incertitude des événements politiques empêche les maisons d’exportation de se livrer à leurs opérations habituelles.»

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

49


La Chambre de Commerce met en

effets d’une ampleur d’autant plus

Les filateurs et les tisseurs alsa-

D’autres industries, en revanche,

œuvre beaucoup d’énergie pour

grande que les coûts du transport

ciens sont en première ligne car ils

tirent parti du nouveau régime

tenter de casser les privilèges des

terrestre n’interviennent pas pour

ne parviennent pas à abaisser leurs

douanier pour accroître leurs ven-

ports de mer. Ses critiques visent

modérer les effets de la baisse des

coûts de production au niveau

tes sur les marchés extérieurs.

en particulier la loi du 28 avril 1816

droits de douane.

de leurs concurrents suisses. Ces

C’est le cas, en particulier, des

derniers font, en effet, davantage

exportations de tissus imprimés

appel à l’énergie hydraulique que

qui doublent de valeur entre 1860

les Alsaciens, ils ont des frais de

et 1867.

les importations d’outre-mer sont

La concurrence de la Suisse s’avère redoutable

verrouillées. Mais l’action de la

C’est particulièrement vrai pour

franchise et aux tarifs de transport

Chambre de Commerce finira par

le commerce avec la Suisse dont

les plus avantageux.

porter ses fruits. Des assouplisse-

la concurrence est, pour de nom-

ments progressifs seront apportés,

breux industriels alsaciens, beau-

si bien qu’en 1870, les conditions

coup plus redoutable que celle de

de transport sont nettement amé-

la Grande-Bretagne.

votée à l’initiative des armateurs des ports de mer qui leur accorde le monopole des importations. Un coup dur pour la navigation fluviale et le port de Strasbourg dont

liorées. Le charbon et le coton,

main-d’œuvre nettement moins élevés, paient moins de contributions et reçoivent leur coton en

Neubau, Hôtel du Commerce. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

L’empereur Guillaume 1er à Strasbourg devant le Palais du Gouverneur. Dessin de Umling. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.

notamment, sont acheminés à des prix plus compétitifs. Sur le plan international, la signature en 1860 du traité de libre-échange avec l’Angleterre marque une date charnière. Elle met fin au repli du pays sur lui-même et au protectionnisme douanier. Cette évolution libérale est plutôt bien accueillie en Alsace. La Chambre de Commerce ne s’est pas ménagée pour obtenir la suppression du régime des prohibitions et a vivement applaudi le Manifeste de l’Empereur en 1860. Sur le terrain, les réactions sont plus nuancées. Le désarmement douanier provoque en Alsace des

50

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Soixante ans après, le projet d’agrandir le Neubau prend forme

A

ux avant-postes sur la

Elu à la présidence de la Chambre

Autoritaire et influent, il se fait

scène économique, la

en 1848, il sera reconduit tous les

le porte-parole de la corporation

Chambre de Commerce

ans dans ses fonctions jusqu’à

contre les prohibitions. Ce pas-

peut revendiquer une bonne part

sa mort en 1891. Une longévité-

sionné des arts et de la culture est

des résultats obtenus. Une per-

record à la tête de l’institution.

aussi le principal instigateur de

sonnalité se démarque dans ce

Jules Sengenwald a de l’appétit,

l’extension d’une partie de l’Hôtel

paysage en pleine mutation : Jules

des idées et de l’audace.

du Commerce. Vers 1860, alors

Sengenwald.

que la dette contractée au début du siècle pour l’achat du Neubau est enfin apurée, la situation de la Chambre redevient prospère.

La dette contractée au début du siècle est enfin apurée

Jules Sengenwald, l’énergie du notable alsacien

Au début de l’année 1866, la maiFils de Jean-Conrad Sengenwald, Jules Sengenwald succède à son père

son «zum grossen Kameelthier» est

à la présidence de la Chambre de Commerce en 1848. Il a 35 ans, de

de nouveau à vendre, à bon prix.

l’ambition, des idées et beaucoup d’énergie. Ce notable alsacien marquera

Il est enfin possible d’envisager

son opposition farouche aux prohibitions. Il est à l’origine de nombreux rapports condamnant ce protectionnisme douanier trop fort. Soutenu par tous

les travaux dont on rêve depuis

les membres de la Chambre de Commerce, il demande en revanche des

soixante ans. Entre-temps, on

droits modérés protégeant suffisamment l’industrie nationale, sans exclure

se contenta d’aménagements

totalement les produits étrangers. Président autoritaire, il s’implique dans

modestes.

la bonne marche de l’institution et prépare avec soin les séances. Face aux autorités allemandes, Jules Sengenwald fait front. Son engagement au service des intérêts strasbourgeois a un retentissement immense et enracine la Chambre de Commerce. Personnage « intouchable » durant ses mandats successifs, ce protestant libéral affiche une longévité exceptionnelle aux

Jules Sengenwald.

commandes de la Chambre : quarante-trois années de présidence. Sa mort,

Président de la Chambre de Commerce de 1848 à 1891. Cab.des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

en 1891, met un terme à l’une des contributions les plus riches de l’histoire de la Chambre de Commerce.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

51


Le Casino littéraire et commercial ou les coulisses des affaires

ses bureaux au premier étage,

Le Cercle du commerce, rendez-vous des notables

côté place Gutenberg, et côté rue

A gauche, par la porte d’entrée

une sorte de café de la Bourse.

des Serruriers ceux du Tribunal

de l’actuelle salle d’honneur, on

Les commerçants qui le fréquen-

de Commerce. Enfin, une grande

accédait à une anti-chambre, puis

taient, se réunissaient en un cercle

salle fut aménagée au centre de la

en enfilade, à une salle de billard,

fermé dit «Cercle du Commerce»,

façade devant servir aux réunions

à une salle plus modeste, puis à

Le rez-de-chaussée, à droite du portail, fut concédé à la Bourse qui ne put en disposer qu’à mesure de l’éviction des anciens locataires. La Chambre, elle-même, logea

des commerçants.

Plan du Casino littéraire et commercial établi en 1838.

Détail amusant : les maîtres d’ouvrage de l’époque, une fois n’est pas coutume, ont manqué de précision dans la localisation de la rue des Serruriers. Archives Municipales de Strasbourg.

52

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles

une grande salle de réunion qui occupait tout l’angle du bâtiment, et enfin à une salle de lecture. Vers la cour, il y avait une cuisine dite «réchauds». Ces derniers locaux étaient alors conçus comme


1845

1848

1866

François Nebel accède

La Chambre de Commerce réclame

Le projet d’extension du Neubau

à la présidence de la Chambre

l’achèvement de la ligne ferroviaire

se concrétise.

de Commerce.

Strasbourg-Paris.

louant ces salles à la Chambre de

Certains éléments ont pu être

Commerce pour un loyer annuel

sauvés, notamment les consoles

de 2 400 francs. Son successeur,

et trumeaux des fenêtres ainsi que

le casino littéraire et commer-

les glaces des cheminées. Elles

cial, sera par la suite transféré

sont toutes ornées de bas-reliefs en

au second étage. Le bel escalier

mastic fabriqués par une industrie

à vis fut démoli et deux escaliers intérieurs installés, l’un près du portail, l’autre dans l’aile de la rue des Serruriers.Tous deux existent

Des salons où l’on cause Le règlement intérieur du casino littéraire et commercial prévoit également la répartition

que venait de fonder sous le nom de Manufacture d’Ornements d’Architecture, un industriel dénommé

des locaux : salle de lecture, grande salle

Joseph Beunat. Peints ou décorés,

encore et il est curieux de constater

de conversation pour les membres qui ne

ces ornements particulièrement

anciens locaux rue des Serruriers.

tion des Postes le 1er avril 1870

que leur style, bien que caracté-

fument pas, trois arcades fermées par des

riches étaient censés rivaliser avec

Pour assurer le financement de la

puis d’un bureau télégraphique

de billard et nouvelle salle pour les fumeurs.

le bois sculpté et le bronze doré.

construction, un contrat est passé

et de la bourse, agrandissement

Archives Municipales de Strasbourg.

C’est donc vers la fin du Second

avec l’Administration des Postes

du Tribunal du Commerce. Jules

cet étonnant mélange d’éléments

Empire seulement, en 1868, que la

qui s’engage à louer la nouvelle aile

Sengenwald s’est beaucoup investi

classiques et d’éléments gothiques

Chambre de Commerce concrétisa

pour trente ans. Les événements

dans ce projet. Son but n’est pas

ristique de l’époque Empire, offre - comme l’escalier du 16ème siècle -

portes vitrées, salle d’entrée, ancienne salle

cher à la tradition strasbourgeoise.

hôtel du commerce.

Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Monuments d’architecture de l’Alsace, par S. Hausmann et E. Polaczek, Strasbourg, Verlag von W. Heinrich, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

l’extension de son édifice vers la rue

s’enchaînent : signature du Décret

seulement artistique (il a souhaité

Ce décor Empire des salles sera

de l’Arbre Vert. Cette opération per-

Impérial le 11 mars 1868 qui

conserver un style Renaissance),

arraché par la «Badische Industrie

mit de créer une salle des pas per-

autorise la Chambre à contracter

on reconnaît aussi l’intention forte

und Handelskammer Strassburg»

dus pour le Tribunal de Commerce

un emprunt important, mise en

de rassembler en un même lieu

qui, en 1940, prendra possession

en place de l’ancienne bibliothèque

œuvre du chantier de démolition,

toutes les institutions commerciales

de l’immeuble pour le transfor-

du casino logée dans la nouvelle

pose de la première pierre du pro-

ou pouvant servir le commerce.

mer une fois de plus de fond en

aile. Enfin, la même époque vit revi-

longement de la façade le 14 juillet

comble.

vre la Bourse qui reçut en bail ses

1868, installation de l’Administra-

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

53


Le Traité de Francfort provoque un véritable traumatisme ’Hôtel du Commerce aurait

Le bâtiment sert d’abri pour la

Puis vinrent la reddition de la ville

pu ainsi devenir le grand

Garde nationale sédentaire, puis

et l’annexion. La poste centrale

centre des instances com-

de lieu de délibération pour la

quitte le Neubau en 1872 pour

merciales de Strasbourg. Mais la

Commission Municipale qui se

s’installer place de la Cathédrale

guerre de 1870 approche. Si l’édi-

substitue au Conseil Municipal,

dans le bâtiment de l’ancienne

fice est relativement épargné par

trop exposé dans ses locaux de

Ecole de Médecine militaire.

les flammes du bombardement, il

la rue Brûlée. Le 11 septembre

enregistre de nouvelles pages dra-

1870, il accueille une délégation

matiques de son histoire.

suisse qui permet aux femmes,

L

enfants et vieillards d’évacuer la La place Broglie.

Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

54

place forte assiégée. C’est dans la salle du Tribunal de Commerce que les passeports des personnes évacuées sont établis.

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Chroniques

du monde

L’année suivante, la Bourse de

L’annexion de l’Alsace au Reich

Le Neubau disparaît, en tant que

Commerce disparaît, tout comme

allemand, aux termes du traité

bâtiment officiel, des plans de la

le Tribunal de Commerce en 1879.

de Francfort de 1871, provoque

ville. Suit une grande dépression,

L’ensemble du bâtiment, hormis les

un véritable traumatisme pour

conséquence de la déchirure de

salles du casino commercial et litté-

l’immense majorité de la popula-

1870. Léon Gambetta, l’âme de

raire, est peu à peu loué en locaux

tion, entraînée dans une turbu-

la résistance nationale face à l’oc-

commerciaux ou en habitations

lence nationaliste. L’Alsace devient

privées. La Chambre de Commerce

une terre d’Empire. Ses habitants

réduit ses bureaux au seul rez-de-

deviennent des ressortissants alle-

chaussée de la nouvelle aile.

dans le domaine de la prévoyance une action

bien l’attitude de beaucoup de

mands avec néanmoins le choix

Français : «pensez-y toujours, n’en

d’opter pour la nationalité fran-

effet les premières assurances sociales

parlez jamais.» En clair, maintenir

obligatoires : en 1883, une assurance-maladie financée à parts égales par l’employé

proclame Strasbourg ville allemande.

quence républicaine, résuma assez

1880, le Chancelier Bismarck institue en

accord avec les idées du patronat

Né à Cahors le 30 octobre 1838. Photo Goupil et Cie.

A la fin du 19 ème siècle, l’Allemagne exerce

Bismarck, chancelier du Reich,

cupant, véritable maître de l’élo-

de précurseur. Dès le début des années

çaise sous certaines conditions. En

Léon Gambetta.

Bismarck en précurseur

1871

fermement mais sans provocations

1883 La nouvelle gare

et l’employeur est ainsi mise en place. En

inutiles ses convictions dans l’es-

est instituée une législation sociale

1889, une assurance accidents du travail et

poir d’un changement futur de la

premier bâtiment public

très avancée pour son temps avec

une assurance retraite financées en partie par

situation diplomatico-militaire.

au monde à être éclairé

notamment, la création de caisses

l’Etat voient le jour. C’est la première fois que tion sociale est prise en charge par un Etat.

d’assurance vieillesse et invalidité,

Cette initiative servira de modèle en France

dents du travail.

à l’électricité.

l’organisation d’un système unique de protec-

d’assurance maladie, de fonds l’adoption d’une loi sur les acci-

centrale de Strasbourg,

1886

après 1918 et s’appliquera immédiatement aux provinces annexées d’Alsace-Lorraine.

Inauguration de la

Les avantages de cette couverture sociale

statue de la Liberté

seront progressivement étendus à la France entière. C’est l’objet de la loi du 26 avril 1930 qui instaurera en France un système d’assurances sociales obligatoires.

à New-York, œuvre

La place de la Gare.

Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

du sculpteur colmarien Bartholdi.

1898 Début de l’affaire Dreyfus.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

55


Exercices de la garde Nationale dans la rue de la Douane. Extrait de G. Fischbach, der Krieg von 1870, Imprimerie alsacienne, 1897.

56

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Chroniques

du monde

Sous la domination germani-

A l’image de son nouveau président

des gouvernements français et alle-

que, les Alsaciens réussissent à

Alfred Herrenschmidt, la Chambre

mands. Elle n’obtient que l’octroi

conserver un certain nombre de

de Commerce se révèle tenace,

d’un régime transitoire en franchise

bastions. Parmi eux, la Chambre

opiniâtre, énergique.

douanière puis avec une réduc-

de Commerce qui évite l’élec-

1895 Auguste et Louis

tion des droits de 75 % jusqu’au

Lumière inventent

Chambre évolue également : elle

Tenace, opiniâtre, énergique : la Chambre de Commerce défie l’occupant

passe de 9 à 15 membres en

Elle remplit parfaitement son rôle

Strasbourg célèbre

1875 puis de 15 à 21 membres

de porte-parole des entreprises en

le 500ème anniversaire

en 1901.

défendant partout et contre tout

de la naissance de

tion d’un candidat allemand à la présidence. Mieux : ses statuts sont modifiés. En 1897, le régime électoral est élargi et le nombre des électeurs passe de 931 à plusieurs milliers (ils sont aujourd’hui 32 000). La composition de la

30 juin 1872 et de 50 % jusqu’au

le cinématographe.

31 décembre 1872. Aux côtés du président Alfred Herrenschmidt, un personnage tient un rôle central : Hugo Haug. Entré à la Chambre de Commerce le 1er avril 1892, il y occupera le poste de secrétaire

1900

général pendant 46 ans.

Gutenberg.

leurs intérêts. Ainsi, défiant l’ocpoursuit l’objectif de conserver à

Sous domination allemande

son industrie et son commerce

En dépit de l’influence germanique,

cupant, la Chambre de Commerce

leurs anciens débouchés nationaux. Elle entreprend dans ce sens des démarches pressantes auprès Hugo Haug, deuxième en partant de la gauche, devant le maire (ici lors de l’inauguration de la Foire Exposition au Wacken le 4 septembre 1937). Archives Municipales de Strasbourg.

la Chambre de Commerce réussit à préserver ses acquis. (Courrier portant l’entête «Handelskammer», 19 août 1896.) Archives Municipales de Strasbourg.

1900 La première ligne de métro est ouverte à Paris.

«Tout était à créer ! J’étais jeté à l’eau, il fallait nager.» «Avant d’entrer en fonction, j’ai tenu à me rendre compte de ce qu’était ce secrétariat où j’aurai à faire mes preuves. Et voici ce que j’ai trouvé : au fond de la cour de l’Hôtel du Commerce, une salle assez sombre dans laquelle travaillait un homme d’un certain âge, ayant en face de lui une dame également d’un certain âge - apparemment son épouse qui lui tenait société. Cet homme - le père Taut - cumulait les fonctions de traduc-

1905 Séparation de l’Eglise et de l’Etat en France.

teur, d’archiviste, d’appariteur et de concierge de l’Hôtel... Le secrétaire ? Absorbé par ses fonctions de secrétaire général des Hospices Civils, il apparaissait, me dit-on, une ou deux fois par semaine pour remettre des notes en français que ledit factotum transformait en procès-verbaux ou pétitions aux autorités allemandes. Tout était donc à créer : j’étais jeté à l’eau, il fallait nager.» (Extrait du discours prononcé par Hugo Haug le 2 avril 1938).

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

57


Alfred Herrenschmidt, l’instigateur du port fluvial Successeur désigné de Gustave-

Sous l’impulsion d’Alfred Herrenschmidt, le renouveau du trafic rhénan

François Herrenschmidt, le fondateur des tanneries éponymes, Alfred Herrenschmidt fut un pionnier de la modernité industrielle et un précurseur du progrès social. Mais ses activités débordèrent lar-

veau port de Strasbourg accueille

venaient s’ajouter pour les dépar-

pation, la Chambre de

dans ses eaux le premier bateau

tements annexés les conséquences

ment à la fondation de la Société

Commerce nourrit une

rhénan à vapeur. Le grand pavois

de la nouvelle politique protection-

générale alsacienne de banque

autre préoccupation : la créa-

arboré par le bâtiment souligne

niste de la France - tarif Méline

tion d’un accès direct au Rhin

l’importance exceptionnelle de

de 1892 - qui enlevait à l’Alsace

pour contrer la concurrence de

l’événement.

les quelques débouchés qui lui

E

Mannheim. Dès 1871, elle pré-

étaient restés de l’ancienne patrie. L’économie régionale devait donc

des discussions interminables et

Strasbourg accueille le premier bateau rhénan à vapeur

souvent passionnées, c’est la cana-

Hugo Haug rappela en ces termes

Alfred Herrenschmidt.

lisation du fleuve qui l’emporte.

l’importance de trouver de nou-

Dans le même temps, Strasbourg

veaux débouchés économiques.

se dote de nouvelles infrastructures

«Nous traversions à ce moment

portuaires. Le 16 juin 1892, le nou-

une crise économique à laquelle

conise le creusement d’un canal latéral au Rhin, de Strasbourg à Ludwigshafen. Mais elle ne réussit pas à faire prévaloir ses vues. Après

58

gement le cadre de son entreprise.

n cette période d’occu-

C’est ainsi qu’il participa notam-

(SOGENAL) dont il devint le président du Conseil de Direction de 1881 à 1898 et le président de 1898 à 1917. Il exerça aussi d’importantes responsabilités au sein de la Chambre de Commerce. Elu membre en 1861, il prit une

chercher à étendre ses débouchés

part active aux travaux préalables

au-delà du Rhin et vers d’autres

à la signature des traités de com-

pays voisins.

merce. Porté à la présidence de la Chambre après la mort de Jules Sengenwald en 1891,

Président de la Chambre de Commerce de 1891 à 1898. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles

il œuvra particulièrement à la création d’un port fluvial sur le Rhin.


1868

1872

1891 Alfred Herrenschmidt succède

Un décret impérial autorise

La Chambre de Commerce obtient

la Chambre à contracter

l’octroi d’un régime transitoire

à Jules Sengenwald à la

un emprunt pour restructurer

en franchise douanière.

présidence de la Chambre de Commerce.

le Neubau.

A cet effet, l’abaissement des frais

puis la fondation en 1925 du Port

de transport se plaçait au premier

Autonome de Strasbourg. Le trafic

rang des préoccupations de la

progresse ensuite rapidement,

Chambre. Son principal objectif,

passant de 11 500 tonnes en

dès après l’annexion, avait été de

1892 à 300 000 tonnes en 1896,

trouver accès à la grande navi-

807 000 tonnes en 1905 et près de

gation rhénane. Le 16 juin 1892

2 millions de tonnes en 1913. Il est

arrive à Strasbourg, au port d’Aus-

un autre domaine qui commence

terlitz, le premier bateau rhénan à

à agiter la sphère consulaire :

vapeur après une interruption de

Nouvelle avancée pour le port

la question de la formation com-

navigation de près de cinquante

merciale. Hugo Haug, encore lui,

ans.» (Extrait du discours prononcé

Creusé en 1901 dans l’Ile des Eperons,

hérite du dossier. «La Chambre de

L’Ecole de perfectionnement professionnel, atelier de mécanique.

par Hugo Haug le 2 avril 1938).

le Bassin du Commerce et de l’Industrie

Commerce s’était rendue compte

Archives Municipales de Strasbourg.

Au premier rang des personnali-

reçoit vers 1925 des convois d’environ

que les cours du soir qui se don-

tés qui ont assisté à l’événement figuraient Alfred Herrenschmidt,

3 000 tonnes depuis les ports maritimes des embouchures du Rhin jusqu’à la Ville

naient au moment de mon entrée

de Strasbourg. (Strassburg als Rheinhafen,

en fonction ne pouvaient répondre

Ces négociations aboutirent à

Lezay-Marnésia, dans l’ancien cou-

Président de la Chambre de

projet de guide de visite du port 1900-1914.

un accord en vue de la création

vent des Récollets, elle prit bientôt

Commerce, et Léon Ungemach,

Archives Municipales de Strasbourg.)

aux besoins du commerce grandissant de cette ville. Elle me chargea

d’une école de perfectionnement

une telle ampleur que la Ville dut

dès 1896 d’abord d’une enquête

commercial... Cette école ouvrit

se décider à construire peu avant

Président de la Bourse de Commerce. Il s’agissait donc à

qui allait être par la suite le port

en Allemagne, puis me demanda

ses portes au début de 1899

la guerre l’école actuelle rue des

la fois d’un renouveau du trafic

rhénan moderne de Strasbourg.

d’établir un rapport qui servirait

au premier étage de l’Ancienne

Bateliers (en 1938).» (Extrait du

rhénan à Strasbourg et de l’inau-

Suivent la création des Bassins

de base à des tractations avec la

Gare avec une centaine d’élèves.

discours prononcé par Hugo Haug

guration du premier bassin de ce

du Commerce et de l’Industrie

Municipalité.

Transférée peu après au Quai

le 2 avril 1938).

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

59


Les ponts du Rhin près de Kehl. Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

60

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


Chroniques

du monde 1908 Freud publie «Cinq leçons sur la psychanalyse».

1909 Fondation de Bugatti à Molsheim.

Herrenschmidt et Cie, Tanneries strasbourgeoises. Extrait du Livre d’Or de l’Industrie et du Commerce du Bas-Rhin, 1924.

Strasbourg promue au rang de vitrine du Reichsland

1911 Nouvelle constitution accordée à l’Alsace-Lorraine

’avènement du nouveau siècle

tale de l’ensemble du Reichsland

coïncide avec un nouvel essor

Elsass-Lothringen.

économique. L’Alsace est inté-

Vitrine du nouveau régime, elle double

grée à la dynamique de croissance

sa superficie et se dote d’un nouveau

du Reich. De nouvelles usines sont

patrimoine urbain. C’est l’époque

créées, les anciennes sont agrandies

des grandes artères, des allées de

et modernisées, de nouvelles lignes

prestige, du Palais Impérial, du Palais

de chemin de fer sont construites,

Universitaire, de l’Hôtel des Postes,

un réseau serré de lignes télégraphi-

de la gare et de la place de l’Empe-

ques et téléphoniques est aménagé.

reur (Kaiserplatz). Un âge d’or pour

Electricité de Strasbourg voit le jour

les entrepreneurs du bâtiment et des

en 1895. Jusque-là Préfecture du

travaux publics.

L

avec création d’un gouvernement régional.

1912 Le Titanic sombre dans l’Atlantique.

Bas-Rhin, cité meurtrie par le siège d’août 1870, Strasbourg est promue

La plaquette du centenaire.

par les Allemands au rang de capi-

Document CCI.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

61


La notoriété acquise par la Chambre

Les travaux de réfection de la

«Tout le système porteur en poutres

L’élément principal de ce niveau

salles ou de logements. Elle était

de Commerce à l’aube du nouveau

grande salle au «bel étage» posent

entre le premier et le second étage

suspendu était une forte traverse

partiellement si affaiblie que l’on

siècle lui permet enfin de reprendre

toutefois des problèmes inattendus,

tenait à l’origine à des tirants fixés à

courant sur le plancher du second

pouvait à juste titre se demander

pied au «bel étage» de son hôtel,

comme en témoignent les procès-

une charpente autoportante, vérita-

étage, sur toute la longueur du

comment le bâtiment tenait encore.

de rendre au premier étage le

verbaux de l’époque qui évoquaient

ble chef-d’œuvre.

bâtiment. Cette traverse a dû sou-

caractère représentatif qu’il avait

en ces termes ces difficultés.

eu au temps où une grande salle

vent poser des problèmes à nos ancêtres lors de l’aménagement de

pouvait recevoir les trois cents échevins de l’ancienne République de Strasbourg. Des restaurations extérieures et des transformations intérieures permettent, au moment où la Chambre fête le centième anniversaire de sa création (1903), de donner à son siège le prestige recherché par le premier Empire.

La place Gutenberg.

Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

62

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles


1897

1898

1911

Le régime électoral

Julius Schaller prend les commandes

Carl Eissen poursuit

de la Chambre évolue et sa

de la Chambre de Commerce.

la parenthèse allemande à la tête

composition est élargie.

de la Chambre de Commerce.

Il était impossible au vu de l’aména-

de leurs conseils, mais il n’y avait

gement actuel de penser à recons-

au début ni séance de bureau,

tituer cet élément. Pour créer

ni commissions permanentes.

notre grande salle, nous avons dû

La salle de séance au second

construire un nouveau système

étage ne servait qu’aux séan-

porteur et, comme il sied au 20ème

ces plénières. Le premier, sur la

siècle, en béton armé. Il était hélas

façade, était occupé par le casino

impossible d’éviter l’usage d’une

commercial et littéraire. Toute

forte traverse de soutènement.

l’aile de la rue des Serruriers était louée à un locataire principal...

La Chambre prend possession de tous les locaux de son hôtel historique Nous avons dû, par ailleurs, garantir

L’augmentation du personnel et

Avantage à Herrenschmidt En mécanisant systématiquement les opérations de manutention, les Tanneries Herrenschmidt prennent un avantage décisif sur

l’extension des archives, puis la nécessité d’installer une salle de réunion à côté du secrétariat obligèrent la Chambre à prendre posses-

la concurrence. (Entête de la Manufacture

sion peu à peu de tous les locaux

de cuirs Herrenschmidt, 1890. Archives

disponibles au rez-de-chaussée

Départementales du Bas-Rhin.)

de cette aile sud de son hôtel.

la solidité du bâtiment pour l’avenir,

Le chargement des sacs de farine aux Grands Moulins de Strasbourg, vers 1930. Photo L. Blumer. Archives Municipales de Strasbourg.

Ce n’est qu’en 1911 - toute possi-

en renforçant les cloisons existan-

principaux acteurs de ces opé-

bilité d’extension de ce côté étant

tes et en construisant de nouvelles

rations de réaménagement. Il en

épuisée - que la Chambre se décida

son hôtel historique.» (Extrait du

en charpente métallique...»

justifia ainsi la mise en œuvre.

sur l’initiative de son président

discours prononcé par Hugo Haug

Entre 1892 et 1911, le secrétaire

«Les membres de la Chambre

Carl Eissen, à aménager pour son

le 2 avril 1938).

général Hugo Haug fut l’un des

vinrent successivement m’entourer

propre usage les locaux spacieux

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

du premier étage sur façade de

63


La Place Kléber dans les années 30. Archives Municipales de Strasbourg. Photo Blumer.

64

1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité


vue d’ensemble de la ville à partir des ponts couverts vers la place benjamin zix. Photographie de Jules Manias extraite de Vues de Strasbourg, 1896.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

65


Au loin, le tonnerre gronde déjà... près 1880, les industries

Les tanneries profitent égale-

Brasserie et minoterie consti-

progressent et se struc-

ment de la nouvelle donne. Une

tuaient ainsi les deux fers de lance

turent, en particulier les

dynastie sort du rang : la famille

de l’industrie agro-alimentaire

brasseries, les tanneries et les

Herrenschmidt. Gustave-François

alsacienne.

minoteries favorisées par le déve-

Herrenschmidt et ses fils réussi-

Enfin, dernier aspect de cet essor :

loppement du rail et du port rhénan.

rent, en effet, un coup de maître :

le paysage bancaire se renforce.

Sous l’impulsion de deux pion-

mécaniser systématiquement les

En l’espace d’une dizaine d’années

niers strasbourgeois - Louis

opérations de manutention, ce qui

apparaissent trois banques régiona-

Schutzenberger et David Gruber -

leur donna un avantage décisif sur

les : la Banque d’Alsace-Lorraine,

l’industrialisation des brasseries

la concurrence locale. La fin du

la Banque de Strasbourg puis

croît rapidement. Les entreprises

siècle voit également la naissance

une filiale régionale de la Société

transfèrent leur centre de produc-

des «Grands Moulins» dont la

Générale, la Société Générale

tion vers les faubourgs pour gagner

production changea rapidement

Alsacienne de Banque.

en surface. En l’espace d’une

d’échelle.

A

dizaine d’années, leur production est multipliée par quatre.

Vue de l’Exposition Industrielle de 1895. Album der Industrie und Gewerbe Ausstellung, Strassburg, 1895.

Le ballon du Comte Zeppelin à Strasbourg.

L’élan économique s’accompa-

Au loin, le tonnerre gronde déjà.

gne d’une fièvre de découvertes

Les guerres balkaniques (1912-

Le 4 août 1908, les Strasbourgeois découvrent avec stupéfaction

et d’inventions, en Europe et en

1913) font rage et provoquent

ce dirigeable de 136 mètres de long. Cet appareil fut entièrement détruit

Amérique qui vont radicalement

l’étincelle. Les canons et les cui-

changer la société : Graham Bell

rassés sont apprêtés. Les grandes

avec le téléphone et le phonogra-

nations paradent. Des voix se

phe, les frères Lumière avec le

lèvent et crient gare. Trop tard. Le

cinématographe, Röntgen et les

monde, plein d’orgueil et si brillant

rayons X. La voiture conquiert les

naguère, va sombrer dans la boue

routes poussiéreuses, les aéropla-

et le sang des tranchées.

le lendemain à Echterdingen en Allemagne, une violente tempête ayant rompu ses amarres.

nes et les zeppelins s’imposent dans le ciel. Un monde parfait ?

66

1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles




Les tourments de l’histoire

Entre espoirs et désillusions

Etats d urgence La guerre est une formidable machine à diviser. Après l’armistice de 1918, la Chambre de Commerce doit s’atteler à une tâche immense : renouer les liens avec la communauté nationale. Mais très vite, la situation se tend sur fond de crise économique et de menace de nouveau conflit.

1914 1945


Un clivage entre «nationaux» et «régionalistes»

La blessure de la guerre déchire l’Alsace

Fernand Herrenschmidt, un farouche patriote De nombreux descendants de grandes familles partis combattre du côté français en 1914 reçurent les tout premiers rôles après 1918. Ceux qui connurent l’ascension la plus rapide dans les diverses instances dirigeantes furent des personnalités qui avaient réussi à ne jamais prendre la nationalité allemande

venir... La défaite allemande en

La politique d’assimilation

l’Alsace aurait pu tirer

novembre 1918 intervient dans

rigoureuse de Paris nour-

Fernand Herrenschmidt (1865-1938)

parti de sa position

un pays exsangue. Les Etats-Unis

rit des sentiments auto-

fut un des plus farouches patriotes et mit

au cœur d’une Europe

deviennent la première puissance

nomistes et crée un cli-

rhénane de plus en plus pros-

du monde. La France est reléguée

vage entre «nationaux» et

guerre, en novembre 1918, il fut nommé

père. Mais la plaie ouverte par

au quatrième rang mondial. Ses

«régionalistes» défenseurs

administrateur militaire de l’arrondisse-

l’annexion de 1871 n’est pas refer-

investissements sont en berne.

du particularisme.

mée. Placée au centre d’un conflit

L’Alsace accueille les troupes fran-

aigu entre deux grandes nations

çaises les bras ouverts et retrouve

présidence de la Chambre de Commerce.

continentales, l’Alsace va vivre les

sa patrie regrettée par une partie

Grand orateur à la culture encyclopédi-

trente années les plus sombres de

de la population pendant près d’un

son histoire. La première guerre

demi-siècle. Mais ce retour dans

mondiale se traduit en Alsace par

le giron français n’est pas sans

tration. Très influent auprès du personnel

de profondes souffrances et des

poser de problème. La séparation

politique régional et national, il contribua

destructions d’une ampleur encore

de l’Alsace-Lorraine a été vécue

jamais vue sur toute la ligne de

comme une blessure et l’esprit

front. Mais le pire est encore à

de revanche ne s’est pas relâché.

A

70

tout en occupant des fonctions économi-

l’aube du 20 ème siècle,

ques importantes en Alsace avant 1914.

toutes ses forces dans le combat contre l’occupant allemand. Au lendemain de la

ment de Strasbourg-Campagne. VicePrésident du Conseil Général du Bas-Rhin de 1919 à 1928, il accéda en 1921 à la

que, Fernand Herrenschmidt joua un rôle actif dans la législation économique et présida une dizaine de conseils d’adminis-

au développement de la fonction portuaire

Fernand Herrenschmidt. Président de la Chambre de commerce de 1920 à 1938.

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions

de Strasbourg ainsi qu’au rayonnement de son pôle universitaire.


1918

1918

1919

1920

1920 Fernand Herrenschmidt

Léon Ungemach est élu président

La Chambre s’engage dans les

La Chambre de Commerce

A l’initiative de la Chambre

de la Chambre de Commerce.

négociations du Traité de Versailles

est accueillie dès le 27 janvier

de Commerce, l’Institut

devient président

dont l’article 68 va clarifier les

par l’Assemblée des Présidents des

d’Enseignement Commercial

de la Chambre de Commerce.

compétences internationales de

Chambres de Commerce de France.

Supérieur ouvre ses portes

la Chambre. Un service spécial

le 1er octobre 1920.

va être créé pour surveiller les négociations puis l’application de cet article : c’est la commission du service extérieur.

La dynastie Herrenschmidt Fleuron de l’économie locale, pionnier du nouveau système industriel, les Tanneries de la famille Herrenschmidt emploient 225 salariés à Strasbourg. Livre d’or de l’Industrie et Commerce du Bas-Rhin, 1924.

Raymond Poincaré et Georges Clemenceau. (Respectivement Président de

Raymond Poincaré et Georges Clemenceau. (A Strasbourg le 9 décembre 1918).

la République et Président du Conseil), en voyage officiel à Strasbourg, le 9 décembre 1918.

L’économie doit se réadapter au

Ainsi, de Dietrich répond-il à l’appel

tements annexés seraient soumis

encore, la séparation de l’Eglise et

marché français. Le patronat alsa-

du gouvernement pour prendre

aux mêmes lois que le reste de la

de l’Etat, si chère à la république

cien, lui, est resté francophile. Il

une participation dans les chan-

Nation ou bien s’ils garderaient leur

laïque, n’existe pas en Alsace où

participe à la mise en place des

tiers navals de Dantzig pour ne pas

statut spécifique. La plupart des

l’on continue à suivre les règles du

structures administratives fran-

laisser les capitaux anglais seuls

Alsaciens souhaitaient conserver

Concordat.

çaises et soutient activement les

dans l’opération. A la Chambre

leur différence essentielle, leur

autorités françaises non seulement

des Députés, un grand débat

âme singulière. Ils obtinrent gain de

en Alsace mais aussi en Europe.

s’ouvre pour savoir si les dépar-

cause. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

71


En ce début des années 20, l’actualité est dense

T

rès engagée dans le dévelop-

bataille, mais encore dans la com-

pement régional, la Chambre

pétition industrielle. Ils sentent que

de Commerce consacre toute

dans l’organisation de l’enseignement

son énergie à cette tâche immense :

professionnel, dans le droit commer-

rendre à l’Alsace sa place dans la

cial, dans les structures d’organisa-

communauté nationale et renouer les

tion des métiers, l’Allemagne peut

liens que la guerre de 1870 avait bri-

servir d’exemple. C’est ainsi que la

sés. Sous l’autorité de son président

Chambre de Commerce réussit à faire

Fernand Herrenschmidt et du secré-

partager ses points de vue en ce qui

taire général Hugo Haug, elle entame

concerne le Registre du commerce,

une profonde réorganisation qui dure

les sociétés à responsabilité limitée et

de 1918 à 1927. Ses services sont

les chambres de métiers.

étoffés et une vingtaine de personnes compose son effectif. Il est vrai qu’en ce début des années 20, l’actualité est dense. L’introduction de la législation financière et fiscale française est ainsi diversement appréciée et donne

place gutenberg.

Photographie de Jules Manias, extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, par J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

Hugo Haug, secrétaire général de la Chambre de Commerce de Strasbourg de 1892 à 1938.

Les services consulaires se développent

lieu à de multiples interventions. La Chambre s’efforce même d’obtenir

C’est en 1892 que le premier se-

tandem - Fernand Herrenschmidt

néral est également en charge des

le maintien de certaines dispositions

crétaire général de la Chambre de

et Hugo Haug -, la Chambre mani-

questions de navigation rhénane et

Commerce - Hugo Haug - entre en

feste une autorité sans complexe.

fluviale, les réformes du droit fis-

fonction. A l’époque, le poste était

A l’écoute des industriels qui doi-

cal et social, l’organisation de l’ap-

confiné dans un petit bureau au

vent trouver de nouveaux clients,

prentissage et de l’enseignement

ves. Dans le climat d’antagonisme

rez-de-chaussée de l’hôtel consu-

de nouveaux débouchés, de nou-

technique. L’histoire se répètera en

franco-allemand de l’époque et la

laire. Belle époque que celle-là

veaux fournisseurs aussi, elle crée

1944 : la libération de Strasbourg

qui ignorait la fièvre quotidienne

un service du commerce extérieur.

placera les dirigeants de la Cham-

des affaires, les crises monétai-

Un guide précieux auquel s’adres-

bre devant les difficultés d’une

sa défaite, la démarche ne manque

res, la flambée des coûts éner-

sent quotidiennement les entrepri-

«nouvelle» reconversion de l’écono-

pas d’audace. Pourtant, les Français

gétiques. L’armistice de 1918 et

ses en rapport avec l’étranger. Suit

mie. Ainsi, loin de ralentir l’activité

le retour de l’Alsace à la France

la mise en place du Bureau des

de la Chambre, les tourments de

marquent une étape décisive pour

Transports qui assure une liaison

l’histoire ont contribué à en aug-

le Secrétariat de la Chambre de

permanente avec les chemins de

menter le potentiel.

Commerce. Sous l’influence du

fer et les PTT. Le secrétariat gé-

législatives locales héritées de l’époque allemande qui ont fait leurs preu-

dévalorisation de l’Allemagne après

les plus clairvoyants savent combien l’Allemagne a été un rude adversaire, non seulement sur les champs de

72

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


Au sortir de la guerre, la Chambre

juridique particulier qui lui est donné

est surtout soucieuse d’aider à

après 1918. A partir de 1925, le

ce que la France puisse exploiter

territoire est rattaché, en effet, à

économiquement la victoire de

l’espace douanier français pour une

ses armes si chèrement payée.

durée de dix ans. Les relations com-

Elle œuvrera sans relâche pour la

merciales, qui se sont nouées entre

reconstitution des usines, la liberté

l’Alsace et la Sarre avant 1918,

du commerce et la paix sociale. Ses

peuvent se prolonger durablement.

initiatives ne tardent pas.

Vers 1930, la Sarre absorbe ainsi

Au lendemain de l’armistice de

jusqu’à 30 % de la production des

1918, elle demande, avec ses

minoteries du Bas-Rhin, 40 % de

homologues du Haut-Rhin et de Moselle, la franchise des droits d’entrée en Allemagne pour les pro-

celle de ses malteries, 60 % de

Polygone ou Entzheim ?

celle de sa construction électrique.

Dans le courant des années 20, la question de l’implantation de l’aéroport

Enfin, l’Alsace possède un quasi

duits alsaciens et lorrains pendant

de Strasbourg alimente le débat consulaire.

monopole pour les livraisons de

une période d’au moins cinq ans.

Deux sites sont en concurrence : l’aérodrome

sucre en Sarre. Les deux régions

Pas question, en effet, de se priver de l’immense potentiel du marché

du Polygone, dans le quartier du Neuhof, proche du centre ville, et celui d’Entzheim.

sont complémentaires : en échange

Après maintes hésitations, la Chambre

de ses expéditions de produits

allemand. D’autant qu’en 1918, les

de Commerce opte en 1932 en faveur

fabriqués, l’Alsace s’approvisionne

industriels alsaciens nourrissent une

d’Entzheim dont le coût d’aménagement

en charbon et en produits sidérur-

crainte majeure : la perte du marché

des terrains est nettement inférieur. Lors de sa séance plénière du 10 novembre

d’outre-Rhin. Parmi les débouchés

1932, elle attribue une subvention de trois

allemands de l’industrie alsacienne,

millions de francs en faveur de la construc-

le marché de la Sarre occupe une place dominante en raison de sa proximité géographique et du statut

tion de l’aérogare de Strasbourg-Entzheim. L’aéroport est inauguré deux ans plus tard. (Article DNA du 16 novembre 1932. Archives

giques sarrois.

Atelier mécanique à Schiltigheim.

Archives Municipales de Strasbourg.

Municipales de Strasbourg).

Inauguration de l’aéroport d’Entzheim (1934).

L’aéroport est surtout employé pour le trafic postal. Entre Strasbourg et Paris, le vol dure moins de deux heures et chaque avion ne peut contenir que huit passagers. Archives Municipales de Strasbourg.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

73


publicités mathis en 1932 et matford en 1938.

74

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


L’usine Bugatti à Molsheim. (Alésage à broches multiples). Photo Archives DNA.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

75


Ecole de perfectionnement professionnel, atelier de menuiserie. Archives Municipales de Strasbourg.

76

La Chambre de Commerce s’in-

et cohérent d’écoles et d’orga-

tallée 19 rue Erckmann-Chatrian,

1921 qui assure à l’Institut une

Chambre de Commerce a su faire

vestit pleinement dans le dévelop-

nismes facilitant le recrutement

l’école est transférée en 1926 quai

entière autonomie du point du vue

entendre son argument : former

pement de l’enseignement techni-

des entreprises commerciales de

Koch. L’Etat reconnaît l’établisse-

du programme et du budget. La

sur place les responsables écono-

que et commercial. Le président

la ville et donc leur expansion.»

ment par décret du 24 décembre

création de l’IECS prouve que la

miques régionaux pour répondre

Fernand Herrenschmidt s’engage

En 1919, la Chambre de Commerce

aux besoins de l’économie. Les

personnellement dans le dossier.

peut réaliser un projet qui lui

diplômes délivrés par l’Institut per-

tient à cœur depuis longtemps :

mettent, en effet, à leurs titulaires

La question de l’enseignement technique enflamme la Chambre

la création de l’Institut d’Ensei-

d’occuper pour la plupart des pos-

gnement Commercial Supérieur.

tes importants dans les entreprises

L’établissement ouvre ses portes

régionales et nationales.

Très disert sur la question, il raconte

deuxième année, le nombre d’étu-

que «les actions de la Chambre de

diants passe à soixante. La question

Commerce génèrent à Strasbourg

d’un local plus spacieux se pose

un ensemble diversifié, complet

plus tôt que prévu. D’abord ins-

le 1 octobre 1920 et accueille 46 er

élèves. Le conseil d’administration de l’école est dirigé par Fernand Herrenschmidt. Au seuil de la

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions

Publicité des Etablissements Holl.

Fonderie de pièces mécaniques en bronze et cuivre jaune. Album de l’Imprimerie Alsacienne.


Chroniques

du monde 1914 La France adopte le système d’imposition sur le revenu.

1915 Albert Einstein met au point sa théorie de la relativité générale.

La préparation du foie gras (atelier auguste Michel) à Schiltigheim. Publicité parue dans l’Album de l’Imprimerie Alsacienne, s. d.

1918

L’axe rhénan, facteur d’industrialisation

Signature de l’armistice à Rethondes.

e retour à la France n’empê-

Commerce de France. Elle adhère la

aux ports maritimes. La plus impor-

Strasbourg. De fait, dès le retour

che donc pas l’axe rhénan de

même année à l’Union des Chambres

tante des mesures gouvernemen-

de l’Alsace à la France, la Chambre

continuer à être un facteur

de Commerce Maritimes et des Ports

tales consiste à créer une large

s’implique énergiquement dans

français.

brèche dans le privilège tarifaire des

la réorganisation du site, distancé

ports maritimes français. Le décret

depuis la période du Reichsland

Une brèche dans le privilège tarifaire des ports maritimes français

du 23 décembre 1919 exonère

par Mannheim et concurrencé de

ainsi de taxes les marchandises

manière croissante par Kehl. Pour

arrivées à Strasbourg par le Rhin.

ses responsables, il convient donc

De plus, le gouvernement français

de mettre à profit la jouissance tem-

accorde au grand port alsacien des

poraire d’une partie des installations

contingents élevés, tant pour l’ache-

portuaires de Kehl et des navires

minement des réparations alle-

fournis par l’Allemagne au titre des

le 27 janvier 1919, la Chambre de

C’est sous l’égide de ces deux grou-

mandes que pour l’introduction du

réparations de guerre pour relancer

Commerce est accueillie par l’Assem-

pements que sera étudiée et réalisée

charbon d’outre-Rhin. C’est le début

l’activité du port strasbourgeois.

blée des Présidents des Chambres de

l’assimilation du port de Strasbourg

d’une nouvelle ère pour le port de

L’article 68 du Traité de Versailles

L

d’industrialisation pour Strasbourg. Une évolution liée en partie au régime juridique accordé par les autorités françaises au trafic fluvial ainsi qu’aux mesures prises pour améliorer les infrastructures. Le gouvernement français adopte, en effet, une politique rhénane ambitieuse. Cette initiative ne doit rien au hasard. Dès

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

1919 Signature du Traité de Versailles avec l’Allemagne.

77


les 5 millions de tonnes en 1939.

nier spécial pour les marchandises

En fait, toute une série de facteurs

en transit par Anvers, des contin-

favorables concourt au développe-

gents élevés pour l’acheminement

ment du port rhénan, atout écono-

des réparations en nature et, dans

mique essentiel. L’aménagement du

le cadre du traité franco-allemand

canal du Rhône au Rhin, du canal

de commerce de 1927, l’obligation

de Huningue, du canal de la Marne

d’entrepôt pour l’importation du

au Rhin et du canal des Houillères,

charbon allemand. Le port est bien

de même que l’achèvement d’une

situé pour l’entrée et la redistribution

un essor remarquable. Introduisant le travail

gare de triage (1920) et l’ouverture

des charbons rhéno-westphaliens

à la chaîne à la fin des années 20, elles pro-

de liaisons ferroviaires transvos-

et sarrois vers l’Est de la France, et

duisent plus de 4 000 véhicules en 1927.

giennes par Saint-Dié (1928) et

pour l’acheminement à l’étranger

Sainte-Marie-aux-Mines (1937)

des produits lorrains et alsaciens (fer,

à moteur V8, la Matford.

renforcent la fonction de carrefour

produits métallurgiques, potasse).

«La vie en Alsace», 1931.

du port rhénan. Il englobe ainsi

L’analyse du trafic le confirme. Le

l’Alsace-Lorraine, le Nord-Est de la

charbon constitue entre 52 et 68 %

donnera satisfaction à la Chambre

France, la Suisse, l’Allemagne du

des entrées, devant les céréales

et formalisera l’administration com-

Sud et la Tchécoslovaquie. De plus,

(entre 15 et 33 %).

mune des ports de Kehl et de

nous l’avons vu, la France a accordé

Strasbourg. Les deux sites sont

divers privilèges : un régime doua-

L’intelligence industrielle de Mathis Les usines automobiles Mathis connaissent

En 1932, elles s’associent à Ford pour construire un véhicule haut de gamme

placés sous l’autorité d’un directeur français. Surtout, la Chambre de Commerce prend une part active à l’élaboration de la loi du 26 avril 1924 qui a pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome. Ce changement de

Strassburg als Rheinhafen, projet de guide de visite du port (1900-1914). Archives Municipales de Strasbourg.

Les réparations de guerre relancent le port de Strasbourg Le Traité de Versailles de 1919 déplace la frontière des Vosges sur le Rhin. Résultat : les sociétés strasbourgeoises doivent restructurer leur réseau commercial. Une réorganisation facilitée par un régime douanier particulier prévu pour cinq ans. Le port de Strasbourg devient dans ce

statut conduit à une extension du

contexte un levier essentiel du développement économique. Les res-

site et une croissance exponentielle

ponsables de la plate-forme portuaire peuvent ainsi mettre à profit la

du trafic portuaire : de 36 119 tonnes en 1892, il passe à 2 millions de

jouissance temporaire d’une partie des installations de Kehl et des navires fournis par l’Allemagne au titre des réparations de guerre pour relancer l’activité du port strasbourgeois.

tonnes en 1914 avant de dépasser

78

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


Chroniques

du monde

bassins : bassin aux pétroles (1927),

Ses ressources financières provien-

bassin des remparts, de la Citadelle

nent essentiellement de la location

et de Vauban (1927-1931), amorce

et de la vente de terrains ainsi que

de l’avant-port sud à partir de 1933.

de l’exploitation de l’outillage public

Le Traité de Versailles et l’accord du

géré directement ou affermé par

8 avril 1921 attribuent à la France

le port. Dans l’économie française,

une importante flotte rhénane, des

Strasbourg joue le rôle d’un port

installations à quai et des entrepôts

maritime parce qu’il est un port

dans cinq ports allemands et à

d’importation et d’exportation en

Rotterdam. Une société d’études

relation régulière avec l’outre-mer. Il

pour la Navigation du Rhin est

reçoit non seulement des charbons

créée en 1919 pour reprendre cet

de Westphalie mais encore d’Angle-

équipement et le céder en partie à

terre. Par l’importance de son trafic

d’autres sociétés de navigation. En

charbonnier, il se classe d’ailleurs

1924, elle devient la Compagnie

au troisième rang des ports mariti-

Générale pour la Navigation du Rhin

mes français importateurs de com-

qui gère les installations à terre et

bustibles. Strasbourg accueille aussi

la flotte de remorqueurs. Plusieurs

en provenance d’outre-mer des

sociétés de navigation ont leur

céréales, des bois coloniaux, des

siège à Strasbourg. La formule de

cafés, des cacaos, des arachides...

collaboration entre la ville et l’Etat

Il exporte, d’autre part, des potas-

s’inspire de la loi du 12 juin 1920

ses jusqu’en Amérique. Son trafic

sur les ports autonomes, en réser-

soutient donc aisément la compa-

vant à la ville le rôle joué à l’intérieur

raison avec Dunkerque, Le Havre,

de la France par les Chambres de

Bordeaux, Rouen ou Marseille.

1924

Les Etats-Unis inventent le hamburger.

1924 Edouard Herriot tente d’introduire les lois laïques en AlsaceMoselle.

1926 Première Foire européenne à Strasbourg.

Commerce. Le port autonome est géré par un conseil d’administration et un directeur. Port de Strasbourg, Bassin du Commerce. Photo CCI/Alice Bommer.

Port de Strasbourg, Bassin d’Austerlitz. Photo CCI/SATO.

1927 Lindbergh réussit

Pour faire face à ce trafic, le port

La construction de l’avant-port nord

la première traversée

accroît ses capacités, ses bas-

est achevée en 1921. Surtout, la loi

de l’Atlantique

sins et son outillage. En attendant

d’avril 1924 crée le port autonome

les extensions indispensables, le

de Strasbourg, un établissement

Traité de Versailles a transformé

public, dont une part des travaux

le port de Kehl en une annexe de

d’extension est prise en charge par

Strasbourg jusqu’en juillet 1928.

l’Etat, d’où l’ouverture de nouveaux

en avion.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

79


Ettore bugatti au volant de la bugatti type 5. Photo prise devant l’atelier de construction automobile de Reichshoffen. Archives De Dietrich.

80

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


Le développement portuaire dépasse tous les espoirs u point de vue de son statut

A Strasbourg, au contraire, c’est la

Quant au second, il comprend

juridique et administratif, le

ville qui a construit le port. C’est elle

l’ensemble des terrains, ouvrages et

port de Strasbourg diffère

aussi qui réalise les travaux d’entre-

installations qui ne sont pas néces-

assez sensiblement des autres ports

tien, effectue le remorquage à l’inté-

saires à la circulation.

maritimes français. Ces derniers

rieur du port, construit et exploite un

Dernière différence significative :

ont en effet été construits par l’Etat,

certain nombre d’entrepôts. Autre

l’utilisation des quais. Dans les ports

très souvent, il est vrai, avec le

différence avec les ports maritimes

maritimes, le quai est un simple lieu

concours financier des Chambres

français : Strasbourg possède en

de passage où les marchandises

de Commerce qui ont été autori-

même temps un domaine public et

transitent. Dans un port rhénan,

sées, en échange de leur contribu-

un domaine privé. Le premier com-

les quais accueillent les magasins

tion, à percevoir des péages. Quant

prend les bassins, les voies ferrées,

et les marchandises y séjournent

à l’outillage public du port, il a été

les routes, les digues de protection

plusieurs semaines, voire plusieurs

pris en charge par les Chambres

contre les inondations, les ouvrages

mois.

de Commerce qui en ont reçu la

de navigation.

A

concession de l’Etat.

Port de Strasbourg. Photo CCI/Port Autonome.

Angle Place Gutenberg, rue des Grandes Arcades. Archives Municipales de Strasbourg.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

81


le cercle, 1897. Debout de gauche à droite : Charles Herrenschmidt, Maurice Himly, Charles Strohmeyer, Mme Ungemach, Mme Strohmeyer, Léon Ungemach (président de la Chambre de Commerce de 1918 à 1920). Au premier rang : Mme Bockel, Mme Himly, Mme Herrenschmidt, Jules Bockel. Extrait de P. Herrenschmidt, Survol d’une famille alsacienne du 15 ème au 20 ème siècle, 1985.

82

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


Chroniques

du monde

Sur les quais du port de Strasbourg,

La Chambre de Commerce parti-

La reconstruction industrielle des

par exemple, on ne trouve pas seu-

cipe à la création de la Compagnie

départements de la ligne de front

lement des chantiers de charbon

Générale de Navigation sur le Rhin,

(Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle)

Sir Alexander Fleming

et des entrepôts mais aussi des

première compagnie française sur

s’achève en 1925. A partir de ce

découvre les effets

établissements industriels qui ont

le Rhin, dans le cadre d’une politi-

moment, leurs entreprises entrent

antibactériens

ainsi les plus grandes facilités pour

que fluviale rhénane.

en compétition avec l’industrie

réceptionner leurs matières premiè-

La chronique de Jacques Dietterlin

res et expédier des produits finis.

Dans son ouvrage, «Petite introduction à la vie

hauteur de tous ces aménagements

strasbourgeoise», l’écrivain strasbourgeois

grâce à l’efficacité de l’administra-

Jacques Dietterlin analyse à sa façon le Neubau et l’institution qu’il abrite.

Les résultats commerciaux sont à la

tion du port. Cela restera l’un des

Les conditions de la concurrence ne jouent pas en faveur de l’Alsace

gal. Les conditions de la concurrence sur le marché intérieur français ne jouent pas en faveur de l’Alsace. Au moins jusqu’au vote de la loi française sur les assurances

chapitres les plus brillants de l’his-

qu’industriels et plus industriels que banquiers.

toire de la réadaptation de l’Alsace

Comme dans toute ville, ils sont représentés

à la France. Le développement du

Malgré cet essor, l’Alsace connaît

sont plus lourdes que dans le reste de la France.

plus généralement des difficultés

les espoirs les plus optimistes.

de réadaptation au marché français

ville, la maison aux trois cents lucarnes, place

Au début des années 20, Strasbourg

qui pénalise certains secteurs. C’est

La place Gutenberg.

Gutenberg. C’est en cet immeuble de paisible

devient ainsi le deuxième port fluvial

le cas notamment de l’industrie du

Archives Municipales de Strasbourg, s. d.

du Rhin et le deuxième port fluvial

textile ébranlée par la nouvelle donne

français en tonnages.

du marché français.

strasbourgeois ont mis leur confiance et la défense de leurs intérêts, qui ont toujours un

«Jeudi noir» :

les héritées du système bismarckien

port de Strasbourg dépasse même

apparence que les commerçants et industriels

1929

sociales en 1930, les charges socia-

occupe une des plus vieilles maisons de la

La Chambre de Commerce de Strasbourg

de la pénicilline.

d’outre-Vosges. Le combat est iné-

«Les Strasbourgeois sont plus commerçants

à Strasbourg par une Chambre de Commerce.

1928

effondrement de Wall Street.

1933

caractère vital et exceptionnel. On dit aussi que sous des dehors paisibles, la Chambre de Commerce recèle des ambitions ardentes et de

Hitler devient

farouches rivalités. Mais il n’y paraît point et

chancelier

comme partout ailleurs, la Chambre de Com-

d’Allemagne.

merce s’emploie, plus activement il est vrai que dans d’autres villes, à l’élaboration de vœux. On assure que quelques-uns ont été comblés... Le président de la Chambre est M. Fernand

1933

Herrenschmidt, l’homme le plus représentativement français que les Strasbourgeois aient pu trouver. Fernand Herrenschmidt parle au

Aux Etats-Unis,

nom du commerce strasbourgeois avec calme

Roosevelt parvient

et gravité, ce qui lui donne une autorité incon-

à juguler la crise

testable. Il est le président né. Il représente

économique.

de plus Strasbourg et l’Alsace dans un grand nombre d’autres comités et conférences et préside à peu près à tout ce qui touche à l’activité économique de la région...» Jacques Dietterlin, «Petite introduction à la vie strasbourgeoise», Strasbourg, 1927.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

83


Vue de l’angle de la Douane, depuis le pont du Corbeau. Archives Municipales de Strasbourg.

Meeting communiste au Wacken à Strasbourg. 11 octobre 1936. Archives Municipales de Strasbourg.

A plein régime Dans les années 20, la machine

Les yeux tournés vers l’Europe et le monde

économique tourne à plein régime. L’expérience de la Première guerre mondiale amène des mutations décisives. La production en masse des munitions introduit le concept

écidée à servir la France

jouissait avant 1871. Il est aussi de

exportatrice de l’Alsace apparaît,

de crédit industriel et commercial.

sans toutefois renier ses

développer le commerce de transit

encore aujourd’hui, comme une

En reprenant en 1931 la banque

liens avec l’Allemagne, la

qui a fait la richesse de la région.

vocation dont tous les échelons du

d’Alsace-Lorraine, l’établissement

Chambre de Commerce se fait le

Dans un premier temps, face à la

cycle de production sont pénétrés.

élargit sensiblement son assise

porte-parole des entreprises loca-

politique nationale en matière de

La croissance à deux chiffres est

régionale.

les. En fait, elle a les yeux tournés

commerce extérieur, la Chambre

au rendez-vous. D’autant que

vers l’Europe et le monde. Depuis

adopte une attitude d’observation.

le retour dans le giron français

1918, la Chambre de Commerce est

Par la suite, elle se distinguera par

ouvre l’accès aux territoires des

engagée dans les négociations du

sa pugnacité à maintenir une orien-

colonies dont profitent notam-

Traité de Versailles dont l’article 68

tation internationale, même dans

ment De Dietrich et ses autorails

va clarifier les compétences interna-

les périodes les plus difficiles. Peu à

ainsi que la Société Alsacienne de

tionales de la Chambre. Un service

peu, cette activité internationale va

Constructions Mécaniques (SACM)

spécial va être créé pour surveiller

devenir prépondérante.

et ses locomotives.

les négociations puis l’application

Par leur persévérance, leur expé-

Le système bancaire alsacien rejoint

de cet article : c’est la commission

rience et leur enthousiasme, ses

peu à peu le système bancaire fran-

du service extérieur. L’activité inter-

membres vont progressivement

çais. Les grandes banques nationa-

nationale de la Chambre est lancée.

convaincre les acteurs économiques

les tentent une incursion en Alsace :

L’objectif est dès lors de redonner

de la région qu’il y a là un domaine

Banque Nationale de Crédit, Crédit

à Strasbourg sa position de plaque

porteur pour la croissance de leur

Lyonnais. En 1919, Jean Wenger-

tournante sur le Rhin dont elle

entreprise. Résultat : la mission

Valentin crée la Société alsacienne

D

84

La succursale strasbourgeoise de la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie.

(Aujourd’hui BNP Paribas)

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions

de fabrication en série dans les industries où l’on commence à étudier les ressorts de la productivité. Le système bancaire contribue à cet essor.


1924

1924

1938

La Chambre de Commerce prend

La Chambre de Commerce participe

Paul Jacquel succède à Fernand

une part active à l’élaboration

à la création de la Compagnie

Herrenschmidt à la tête de la Chambre

de la loi du 26 avril 1924

Générale de Navigation sur le Rhin.

de Commerce.

qui a pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome.

De l’euphorie à la menace : l’Alsace est en état d’alerte

E

n France, l’effort natio-

Ungerer, fabricant d’horloges d’édi-

L’économie alsacienne est en plein

nal de reconstruction des

fices, agrandit ses ateliers. Les

essor et continue à étendre la

régions dévastées par le

Forges de Strasbourg réalisent de

gamme de ses activités. L’industrie

conflit crée des débouchés consi-

nombreuses charpentes métalli-

potassique connaît la croissance

dérables aux industries du bâtiment

ques. Et la Société Alsacienne de

la plus rapide. Les entreprises de

et de la métallurgie. La société De

Constructions Mécaniques remplit

biens d’équipement se multiplient.

Dietrich développe sa production

son carnet de commandes de loco-

La construction électrique poursuit

d’appareils de chauffage central.

motives pour trois ans.

le développement amorcé à la fin

chantier de la grande percée. Angle rue des Francs-Bourgeois et Grand’Rue.

du 19

Archives Municipales de Strasbourg.

ème

siècle. Plus significatif

encore, le bond en avant du secteur automobile avec deux entreprises prestigieuses : Bugatti et Mathis.

Le second recherche une clien-

boursier américain qui précipite le

Le premier produit des voitures de

tèle la plus large possible et mise

monde dans une crise profonde.

sport dont la notoriété est servie

sur des véhicules légers et robus-

Et quand en 1929 s’ouvrent des

par d’innombrables victoires sur les

tes. Son slogan «le poids, voilà

négociations franco-allemandes à

circuits.

l’ennemi» est resté célèbre. La

propos du régime douanier de la

prospérité s’installe. Elle sera de

Sarre, les milieux d’affaires alsa-

courte durée. Au printemps 1928,

ciens manifestent leur inquiétude.

l’économie allemande entre en

En 1935, la Sarre est rattachée à

récession, un an avant le krach

l’Allemagne.

La cité Georges Risler en construction en 1931.

(Aujourd’hui CUS Habitat). Archives Municipales de Strasbourg.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

85


La situation internationale se révèle de plus en plus inquiétante. Face au ralentissement de l’économie dans les années 30, aux répercussions de la crise américaine sur le com-

La politique du glacis enfonce l’Alsace

nécessite l’accord des autorités militaires, ce qui n’est pas fait pour encourager les nouvelles créations et l’innovation. Les défections, hélas, se multiplient. La raffinerie

merce extérieur en Europe et aux

Pour l’Alsace, la conjoncture de

de pétrole, prévue au port du Rhin

réformes économiques et sociales

guerre commence au début des

à Strasbourg, sera construite à

menées par le Front Populaire, la

années trente avec les premiers

Donges, près de Nantes. Saint-

Chambre concentre ses activités. Sa

succès électoraux du parti nazi. Elle

Gobain renonce à installer une

priorité est double : maintenir à flot

regarde avec inquiétude les hordes

plate-forme chimique à Strasbourg.

le commerce et l’industrie et défen-

brunes grossir outre-Rhin. Hitler

Les industriels alsaciens commen-

dre les positions acquises durant

avance ses pions, un à un. La situa-

cent à chercher des terrains dans

la dernière décennie. Elle observe

tion frontalière de la région n’incite

la France de l’Ouest et du Centre

aussi, aux frontières, la montée

guère les investisseurs français.

pour pouvoir y effectuer un repli.

en puissance d’Etats totalitaires et

L’Alsace devient très vite un glacis :

Un mouvement amplifié par la

leurs agressions à l’égard de nations

tout investissement important

construction de la Ligne Maginot.

voisines.

le cauchemar de toute une ville L’évacuation. Archives Municipales de Strasbourg.

En 1939, la menace de la guerre conduit l’état-major français à prévoir l’évacuation de la population civile. Strasbourg et son agglomération sont en première ligne. Les 2 et 3 septembre 1939, 120 000 personnes sont embar-

Le chantier de construction de l’ESCA. Archives Municipales de Strasbourg. Photo Blumer.

quées dans des trains et transportées en Dordogne et dans l’Indre. Quelques

Pour lutter contre le fléau du chô-

En novembre 1935, pas moins

centaines de personnes restent dans

mage, qui frappe l’ensemble de la

de 28 chantiers de ce type sont

population dans les années 30, les

ouverts à Strasbourg. Un exemple :

les derniers contingents de l’armée

administrations municipales doivent

la Grande Percée. Ce programme a

française abandonnent la ville.

coopérer. Elles mettent en œuvre

été conçu avant la première guerre

Le lendemain, Strasbourg est aux mains

des travaux d’intérêt public qui

mondiale sous le nom de «Grosse

ne permettent toutefois d’occuper

Durchbruch» et réalisé en deux

qu’une fraction des chômeurs : ce

tranches : la première 1907-1918

sont les «travaux de chômage».

avec la création de la rue Neuve

«Strasbourg maintenu» pour assurer la sécurité des biens. Le 18 juin 1940,

de l’armée allemande. La capitale alsacienne restera occupée jusqu’au 23 novembre 1944.

86

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions


Chroniques

du monde

(aujourd’hui rue du 22 novembre)

départ volontaire de plus de

jusqu’à la place Kléber, la seconde

100 000 habitants de Strasbourg,

1931-1936 avec la création de la

retraits massifs de fonds, transfert

Front Populaire :

rue des Fribourgeois (aujourd’hui

du matériel de certaines usines vers

les Accords de Matignon

la rue des Francs-Bourgeois et de

d’autres régions de France. Une

la Division Leclerc) vers la place de

fois l’alerte levée, la Chambre de

la Bourse. La Grande Percée met

Commerce entreprend de pressan-

semaines de congés

en scène de nombreuses équipes

tes démarches auprès du gouver-

payés.

de terrassiers entre la rue des

nement pour qu’il vienne en aide à

Serruriers et les bords de l’Ill. Au

l’économie alsacienne si durement

total, les investissements engagés

éprouvée. Mais l’aggravation bru-

pour financer les «travaux de chô-

tale de la situation en septembre

mage» sont conséquents : près de

1939 anéantit ces efforts. La guerre

12 millions de francs entre 1935

est déclarée, avec comme consé-

et 1936. En d’autres termes, les

quence immédiate, l’évacuation

entre Hitler, Daladier

fonds débloqués par la ville pour

par mesure administrative de la

et Chamberlain.

le financement des «travaux de

ville de Strasbourg. La Chambre

chômage» représentent environ

de Commerce s’installe d’abord

10 % du total des dépenses ins-

à Rothau, dans la vallée de la

crites dans le budget primitif de

Bruche. Elle y restera jusqu’en juin

l’année 1936.

1940. La tâche qui lui incombe est

En septembre 1938, l’orage n’éclate

très lourde : récupérer les matières

pas encore, mais la tension interna-

premières et les immenses stocks

tionale est telle que la vie écono-

de marchandises accumulés à

mique régionale est complètement

Strasbourg, en particulier au port,

paralysée. A nouveau prise en

remettre en marche les usines,

otage, l’Alsace est en état d’alerte :

regrouper les personnels. L’évacuation en septembre 1939. Archives Municipales de Strasbourg.

1936 prévoient la réduction du temps de travail à 40 heures et deux

1938 Anschluss de l’Autriche au Reich, accords de Munich

1939 La Pologne est envahie par l’Allemagne le 1er septembre et le 17 septembre par l’Union Soviétique. L’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne.

1940 Le Général de Gaulle lance l’appel du 18 juin à la BBC.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

87


L’administration municipale est aux mains des Nazis. (Séance du Conseil Municipal de Strasbourg en 1942). Archives Municipales de Strasbourg.

Sous le feu des bombardements De septembre 1943 à septembre 1944, Strasbourg subit plusieurs

face à l’horreur absolue, Un seul mot d’ordre : réagir

bombardements. Celui du 11 août 1944 affecte le centre de la ville. Le quartier du Neubau n’est pas épargné. La façade du bâtiment

troisième Reich. La politique de

Le potentiel alsacien doit être rapi-

Mathis passe sous le contrôle de

débâcle, les services de

germanisation et de nazification

dement mobilisé pour les fabrica-

Junckers, Mannesmann reprend

la Chambre de Commerce

commence aussitôt. Les leviers

tions de guerre. Les exemples de

les Forges de Strasbourg, les Mines

auxquels il faut trouver une

créent un second bureau à

de commande sont ainsi soumis

confiscation abondent :

de Potasse deviennent une filiale

solution de réinstallation.

Périgueux le 21 juin 1940 où

au régime nazi qui procède à un

sont évacués ses ressortissants

pillage de l’économie alsacienne.

strasbourgeois. La première tâche

L’épuration et la «re-germanisa-

sera difficile à résoudre, d’autant

de ce bureau est de recenser tous

tion» vont de pair avec la mise au

que les demandes excèderont

ses représentants que l’évacuation

pas idéologique.

avait disséminés dans le reste de

Cette fois, les Allemands sont

la France - un recueil fait état de

décidés à évincer radicalement le

sins provisoires. L’entreprise sera

3 000 adresses - puis de les aider

patronat alsacien de la direction et

laborieuse, en raison notamment

par tous les moyens à repren-

de la propriété de ses entreprises

dre une certaine activité. Survient

et à le remplacer par des dirigeants

la première cité commerciale

l’armistice du 22 juin 1940 qui

d’origine allemande et voués à la

provisoire sera achevée rue

ne porte aucune clause fixant le

cause nationale-socialiste.

D

de Preussag.

statut de l’Alsace-Moselle. Pour Hitler, il n’y a aucune ambiguïté : cette région doit être annexée au

88

est touchée par une bombe

evant l’ampleur de la

la place gutenberg, 1940-1944.

Archives Municipales de Strasbourg.

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions

américaine. Les frappes détruisent 275 commerces strasbourgeois

La Chambre de Commerce se consacrera à cette tâche après la Libération. Mais le problème

largement l’offre en surfaces disponibles. La Chambre prendra l’initiative de construire des maga-

du manque de crédits. Ce n’est finalement qu’en mai 1946 que

de la Division Leclerc.


1939

1940

1945

La Chambre de Commerce s’installe

Face à la débâcle, l’institution

Le 3 décembre 1945 ont lieu

à Rothau, dans la vallée de la Bruche.

consulaire transfère son bureau

les élections pour le renouvellement

Elle y restera jusqu’en juin 1940.

de Périgueux à Lyon.

total des membres de la Chambre de Commerce.

Place Gutenberg. Fontaine publique destinée aux réfugiés lors de leur retour en mai 1940. Archives Municipales de Strasbourg.

L’économie et le patrimoine font l’objet d’un véritable pillage

dense de surveillance et d’intimidation. Très rapidement, le bureau de la Chambre de Commerce prend la mesure de la situation. L’institution consulaire n’a d’autre choix que de transférer son bureau de Périgueux à Lyon où se constitue un centre

La SACM est cédée à Krupp.

d’activité alsacien et lorrain.

Bugatti est confiée à Trippel. De Dietrich est placée sous la direction d’un administrateur allemand. La propagande et la terreur règnent dans les rues tandis que l’économie et le patrimoine font l’objet d’un véritable pillage financier. La résistance s’organise difficilement d’autant que le régime hitlérien enserre chaque individu dans un réseau exceptionnellement

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

89


Jusqu’en novembre 1942, les

La Chambre crée également des

membres de la Chambre se ren-

bulletins de liaison ainsi qu’un

contrent régulièrement, s’effor-

annuaire de localisation des indus-

çant de réagir contre l’adversité et

triels et des commerçants évacués.

surtout d’aider les ressortissants

Elle peut s’appuyer sur un fichier

à retrouver quelque activité : l’oc-

constamment mis à jour.

troi de prêts de démarrage les

C’est grâce à ce recensement

encourage.

méthodique et cette nomenclature qu’il sera facile d’établir un lien

Décembre 1939, la statue de Gutenberg entourée de sacs de sable. Archives Municipales

entre le passé et le présent et que les entreprises pourront établir la continuité de leur existence et justifier de leurs droits.

de Strasbourg. Photo Carabin.

Sur une ligne de fracture politique

90

Il est impossible aujourd’hui d’éta-

représentée par les 50 000 morts

dans l’ensemble français entre les

blir un bilan complet des effets de

alsaciens (5 % de la population), par

recensements de population active

la Seconde Guerre mondiale sur

l’éloignement des chefs d’entre-

de 1931 et 1954. Au total, l’Alsace

l’évolution des entreprises alsacien-

prise placés dans l’impossibilité de

aura beaucoup souffert de se trou-

nes. La seule estimation disponible

préparer l’après-guerre et par le dé-

ver sur l’une des grandes lignes de

porte sur les dommages matériels.

part définitif de tant de cadres et

fracture politique de l’Europe entre

Les éléments immatériels sur les-

de techniciens de grande valeur ?

1914 et 1945. Mais la disparition

quels repose l’essentiel de la des-

Quelques faits saillants s’imposent

du troisième Reich, bientôt suivie

tinée des entreprises ont été af-

dans la mémoire collective : la dis-

des premiers efforts de construc-

fectés par la guerre d’une manière

parition totale d’une grande entre-

tion européenne, fait naître un im-

qui nous échappe encore très lar-

prise, Mathis, ou la perte de poids

mense espoir, celui de se trouver au

gement. Comment évaluer la perte

relatif

cœur d’une Europe pacifique.

de

l’industrie

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions

alsacienne


Chroniques

du monde

Pour l’heure, il s’agit de tenir coûte

Une fois de plus, il s’agissait pour

que coûte face à l’occupant qui

eux de remettre sur pied une éco-

installe un régime de terreur :

nomie que cinq années de guerre et

emprisonnements, déportations,

d’occupation avaient ébranlée jus-

expulsions, incorporations de

que dans ses fondements. Durant

force. Recherchés par la Gestapo,

l’annexion de fait, une «Industrie

le président de la Chambre de

und Handelskammer», puis en

Commerce et son secrétaire géné-

1943 une «Gauwirtschaftskammer»,

ral sont contraints de quitter la cité

véritable ministère comptant plus de

rhodanienne, non sans avoir pris

100 agents, avaient pris la place des

soin de remettre à la Chambre de

services de la Chambre, réglemen-

Commerce de Lyon les archives et

tant, contingentant, contrôlant toute

les fonds dont ils avaient la charge.

l’économie de la région. La politique

De l’automne 1943 à l’automne 1944, la Chambre de Commerce connaît une période d’éclipse totale. Le 23 novembre 1944, le

Un outil très précieux La Chambre de Commerce a créé des bulletins de liaison ainsi qu’un triels et des commerçants évacués.

division blindée libèrent la capitale

Un recensement méthodique et

par l’officier à Koufra, au cœur du

Le Général de Gaulle accorde le droit de vote aux femmes.

1944

de pillage, les bombardements alliés

Débarquement des alliés

et les combats de la Libération lais-

en Normandie.

sent l’Alsace exsangue.

annuaire de localisation des indus-

Général Leclerc et la deuxième alsacienne. Le serment prononcé

1944

précieux qui facilitera, après la Libération, l’indemnisation des chefs d’entreprise spoliés.

désert lybien, est accompli.

Le complexe industriel de la plaine des bouchers. Archives Municipales de Strasbourg.

1944 Les Etats-Unis, auxquels la vieille Europe doit sa victoire

Dès le mois suivant, le président,

contre le nazisme, préparent

plusieurs membres du bureau et

l’avènement d’un nouvel ordre

les secrétaires généraux se retrou-

mondial. Les fameux Accords de Bretton Woods font du

vent à Strasbourg.

dollar la monnaie-étalon.

le Général de Lattre de Tassigny à Strasbourg, lundi 16 avril 1945. Archives Municipales de Strasbourg.

1945 Fin de la Deuxième guerre mondiale et coupure de l’Europe en deux blocs opposés.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

91


Le bilan des usines détruites partielle-

A l’inverse, la société Mathis est

La première réunion de la nouvelle

ment ou totalement est dramatique :

emportée par le conflit. En novem-

assemblée se déroule le 10 janvier

310 dans le Haut-Rhin, 128 dans

bre 1944, il ne reste que peu de

1946. L’institution peut enfin repren-

le Bas-Rhin. Certaines entreprises

choses des usines de la Meinau.

dre le cours normal de ses travaux et

se relèveront, d’autres pas. Parmi

L’entreprise sera mise en liquida-

consacrer le meilleur de ses forces à

les premières figure De Dietrich

tion en 1950. Durant toute l’année

sa fonction fondamentale : restaurer

qui peut redémarrer sa production

1945, l’activité de la Chambre sera

et assurer la prospérité économique

dans quatre usines. L’entreprise,

essentiellement administrative : les

du pays. L’Alsace, quant à elle, est

qui a payé un lourd tribut à l’occu-

questions de reconstruction et de

au centre d’une nouvelle et grande

pation et la guerre, doit son salut à

dommages de guerre, d’approvi-

ambition : la construction euro-

son important patrimoine forestier.

sionnement en matières premières,

péenne. Cette fois-ci, elle n’est plus

L’exploitation de ses forêts pour la

de réparations dues aux entreprises

otage ni orpheline : elle est un trait

reconstitution de l’outil industriel

mises sous séquestre ou spoliées

d’union entre les peuples européens

représente jusqu’à 30 % du béné-

par l’occupant, le financement de

et sa capitale, Strasbourg, le cœur

fice total.

la relance des affaires industrielles

battant de l’Europe.

et commerciales, la remise en marche des transports - fer, route, la deuxième division blindée du Général Leclerc.

navigation rhénane -, la remise en ordre des salaires et la politique des

A Strasbourg le 22 novembre 1944.

prix mobilisent toute son énergie.

Archives Municipales de Strasbourg.

Enfin, le 3 décembre 1945 ont lieu les élections pour le renouvellement total des membres de la Chambre de Commerce.

92

discours du Général de Gaulle. (Sur le péristyle de l’Université de Strasbourg, le 5 octobre 1945). À ses côtés, le Maire Charles Frey. Archives Municipales de Strasbourg.

1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions




Les grandes mutations

le tournant de la mondialisation

visions

La réconciliation franco-allemande et la construction européenne réactivent le poids de la géographie rhénane et le rôle de Strasbourg au cœur de l’Europe. La Chambre de Commerce accompagne ce mouvement décisif pour toute une région.

1945 2008


16 septembre 1945. La dépouille du Général Kléber est rapatriée avec les honneurs militaires du cimetière militaire de Cronenbourg au caveau de la place Kléber. Le 23 novembre 1945, la statue conservée intacte retrouve son emplacement au centre de la ville. Archives Municipales de Strasbourg.

Sur fond d’antagonisme politique

L’effervescence des «Trente Glorieuses»

E

n mars 1945, la libéra-

dont les fenêtres s’ouvraient à la fois

Enfin, la cour accueillait une fon-

tion de l’Alsace révèle

sur la vue unique de la cathédrale et

taine dont le motif central était orné

l’ampleur des dégâts

la cour intérieure, fut sacrifiée et mor-

d’un monumental aigle hitlérien.

provoqués par l’occupa-

celée en une série de petits bureaux

Autant dire que ces transforma-

tion nazie. Villes détruites, industries

sans allure. Une nouvelle salle fut

tions ont considérablement entamé

démantelées, familles déchirées : la

créée dans la partie de l’immeuble

la valeur historique du Neubau.

région est profondément meurtrie,

donnant sur l’étroite rue de l’Arbre

les plaies matérielles sont incom-

Vert. Une autre salle, habillée de

mensurables. A l’explosion de joie

boiseries et de lustres en fer forgé, fut

après la capitulation de l’occupant

aménagée dans le style «Bierstube»

allemand se mêle le goût amer des

dotée d’un immense panneau cen-

quatre années subies à l’ombre de

tral servant de cadre au portrait du

la croix gammée. Le Neubau n’a

«Führer».

pas été épargné. Dans leur furie de renouveau, les Nazis ont littéralement vandalisé et défiguré le bâtiment. La grande salle de séances,

96

La deuxième Division Blindée du Général Leclerc à Strasbourg. 25 novembre 1944. Archives Municipales de Strasbourg.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


1946

1946

1953

1955

1955

La première réunion

La Chambre de Commerce crée

La Chambre de Commerce célèbre

L’aéroport de Strasbourg-

Naissance de la Chambre

de la nouvelle assemblée

un service affecté aux dommages

le cent cinquantième anniversaire

Entzheim devient la concession

de Commerce franco-allemande.

consulaire se déroule

de guerre et à la reconstruction.

de sa fondation.

de la Chambre de Commerce.

le 10 janvier.

Strasbourg, ville libérée. Archives Municipales de Strasbourg.

Pire : un bombardement de l’avia-

à la place desquels on installe un

tion américaine, survenu quel-

éclairage au néon, rapidement jugé

ques semaines avant la Libération,

fatigant pour la vue. On aménage

endommagea fortement l’édifice,

aussi une petite salle destinée aux

créant un trou béant à hauteur du

séances de commissions mais qui

deuxième étage. Le portail et ses

devait bientôt s’avérer trop petite.

sculptures subirent d’importants

Enfin, on décide l’acquisition d’un

dégâts.

splendide tableau du peintre Lurçat

L’ensemble du bâtiment fut ébranlé.

qui doit tempérer l’atmosphère

Dans les mois, ou plutôt les années

froide et austère de la salle de réu-

qui suivent la Libération, les diri-

nions. Malheureusement, ce choix

geants de la Chambre de Commerce

n’aboutit pas.

s’emploient à panser ces plaies. Pas question bien entendu de modifier l’aspect extérieur du Neubau, véritable chef-d’œuvre architectural. A l’intérieur du bâtiment, un premier essai de rénovation porte sur la salle des séances plénières héritées de l’occupant allemand. On la débarrasse de ses lustres difformes,

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

97


Le processus de reconstruction est enclenché n fait, l’urgence est ailleurs.

la remise en ordre de l’industrie

Elle ouvre un service de rensei-

Strasbourg et le Bas-Rhin

alsacienne puis l’organisation de

gnements juridiques, fiscaux et

ont supporté le poids de

l’indemnisation des dommages de

comptables afin d’aider les res-

graves dommages. Les bombar-

guerre. Cette question va l’occuper

sortissants à intégrer la nouvelle

dements aériens ont dévasté de

pendant de longues années. Un

législation française. Chaque jour,

nombreuses industries et de nom-

service affecté aux dommages

des industriels et des commerçants

breux magasins. Le département

de guerre et à la reconstruction

s’adressent à ce service concer-

a le redoutable honneur de figurer

sera même créé en 1946. Celui-

nant leurs obligations en matière

parmi les plus sinistrés de toute

ci assume la représentation et la

de salaires, de congés payés, de

la France. Les propriétaires de

défense des sinistrés et spoliés

licenciements. Des comptables et

nombreuses entreprises, qui ont

auprès de multiples instances

des experts-comptables sollicitent

quitté l’Alsace durant la guerre,

locales et parisiennes. Il s’efforce

ses conseils pour l’établissement

rentrent progressivement au pays

de guider les entreprises victimes

des bilans. Des chefs d’entreprises

pour y reprendre leur activité. Ils

de la guerre à travers les arcanes

l’interrogent sur la réglementation

font valoir à juste titre les spolia-

du Ministère de la Reconstruction

des contrats de travail et l’ensem-

tions dont ils ont été les victimes.

et de l’Urbanisme. La Chambre de

ble de la législation en vigueur.

La Chambre de Commerce doit

Commerce tient également un rôle

alors s’atteler à une tâche ardue :

important dans l’effort national de

E

création de logements et soutient l’installation de cités provisoires.

Au secours des commerçants sinistrés Convoi poussé sur le grand Canal d’Alsace. Document CCI/Carabin.

Près de 300 entreprises com-

affectation. Et ce n’est qu’en

merciales anéanties, dont 120

mai 1946 que la première «cité

magasins de détail, 25 restau-

commerciale» voit le jour com-

rants, 100 ateliers d’artisans :

prenant 25 magasins. D’autres

les bombardements aériens de

projets aboutirent rue de la Di-

1944 ont ravagé l’économie lo-

vision Leclerc, dans le quartier

cale. Au lendemain de la Libé-

du Polygone et dans l’agglomé-

ration, une urgence s’impose :

ration de Kehl, rattachée provi-

le relogement des sinistrés. Une

soirement à Strasbourg pour le

tâche

relogement des sinistrés.

immense

qui

implique

tout d’abord de centraliser les inscriptions des commerçants sinistrés et de décider de leur

98

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde

Ainsi, par une action soutenue et

d’apprentissage et d’enseignement

Mais la Chambre de Commerce a

permanente dans les domaines les

technique. Chaque année, ce ser-

bien conscience de la nécessité

1950

plus divers - séquestres, règlement

vice enregistre plusieurs milliers

d’ouvrir le marché économique

Déclaration Schuman du

des spoliations, relogement, crédit -

de contrats d’apprentissage, en

de la région. Elle décide ainsi de

9 mai qui est à l’origine de

la Chambre de Commerce s’est

contrôle la bonne exécution et

s’engager dans la voie d’une libé-

la création de la première

efforcée tout au long des années

assure la liaison avec l’administra-

ralisation des échanges au niveau

consécutives à la Libération, d’ef-

tion de l’Enseignement technique

européen. Les relations avec l’Al-

facer les traces de la guerre, de

pour la préparation des examens

lemagne sont bien évidemment au

panser les blessures de toutes

du CAP et du Brevet Commercial.

centre de la stratégie internationale

sortes et de rétablir les conditions

de la Chambre de Commerce.

Communauté Européenne, celle du Charbon et de l’Acier (CECA).

1954

Elle s’inscrit dans le contexte por-

Par ailleurs, l’attention toujours

Les relations avec l’Allemagne sont au centre de la stratégie internationale de la Chambre

plus grande que les milieux indus-

Le processus de reconstruction est

franco-sarroises, l’heure est venue

triels portent à la formation d’une

enclenché. Les anciens réseaux

de mettre en place une Chambre

main-d’œuvre qualifiée a conduit

internationaux sont réactivés : c’est

de Commerce franco-allemande

L’Allemagne,

la Chambre à promouvoir l’activité

le cas de l’axe Anvers-Strasbourg

pour mettre fin aux tensions et se

la Belgique,

d’un service spécialisé en matière

ou des relations avec le Maroc.

propulser dans l’Europe.

d’une reprise normale des affaires. En cette période d’extrême pénurie, la création de l’Office de Compensation des Chambres de Commerce facilite les échanges de marchandises de première nécessité.

teur de la construction européenne

Fin de la guerre

et du rapprochement inéluctable

d’Indochine et retrait

entre la France et l’Allemagne.

de la France.

L’Alsace va tenir un rôle important dans cette étape. La Chambre de Commerce également. Après avoir multiplié les commissions

1957 la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signent le Traité de

Le Général de Lattre de Tassigny et le maire de Strasbourg Charles Frey. (16 avril 1945). Archives Municipales de Strasbourg.

Rome, l’acte fonda-

Vers une nouvelle extension du port

teur de l’Europe

Après 1945, le programme d’extension

Communauté

et instituent la

du port est repris et poursuivi, marqué

Economique

en particulier par la création du Bassin

Européenne.

aux Pétroles. Une collaboration étroite et féconde lie la Chambre de Commerce et la municipalité. Plusieurs membres de la CCI sont impliqués dans la gestion portuaire, en particulier Marc Lucius, secrétaire géné-

1958

ral et président des armateurs français sur

La France se dote

le Rhin, qui fut pendant de longues années

d’un système national

rapporteur du budget de la ville au conseil

d’assurance-chômage.

municipal. (Photo : convoi sur le grand Canal d’Alsace. Document Airdiasol)

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

99


première réunion à Strasbourg du Conseil de l’Europe en août 1949. L’aula du Palais Universitaire est transformée en salle du conseil. Archives Municipales de Strasbourg.

100

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


L‘idée européenne gagne du terrain

C

ette Chambre de Commerce

France et la République Fédérale

comme c’est le cas en 1958 lors-

franco-allemande prend

d’Allemagne. Elle interdit toute acti-

qu’elle participe à une mission

naissance le 25 avril 1955

vité commerciale pour son compte,

de prospection qui parcourt les

sur la volonté de Pierre Mendès-

tout but lucratif et toute action

grandes villes de la République

France, Président du Conseil

d’ordre politique. Il est à noter que

Fédérale d’Allemagne sous les

français, et Konrad Adenauer,

la Sarre est encore soumise au

auspices de l’administration, des

Chancelier allemand. La Chambre

régime français : elle ne fera partie

conseillers commerciaux et de

de Commerce de Strasbourg y

de la délégation allemande qu’à

l’Union Françaises des Industries.

tient un rôle de premier plan dans

partir de 1960.

C’est à cette époque que des liens

la mesure où le président Paul

importants vont se nouer avec la Sarre. La Chambre de Commerce

Elle a pour but de favoriser par tous

Le marché sarrois devient un enjeu capital pour l’Alsace

les moyens appropriés, et notam-

A son niveau, la Chambre de

importants au-delà du 1er janvier

ment la création d’organismes de

Commerce tente de rencontrer le

1960. D’autant qu’avec les ten-

toutes natures, le développement

plus souvent possible des respon-

sions soulevées dans les colonies et

des relations économiques entre la

sables économiques allemands,

les pertes de marché, le débouché

Jacquel fait partie des six négociateurs – trois Français, trois Allemands. Cette Chambre réside à Paris sous la législation française.

de Strasbourg va régulièrement rencontrer son homologue de Sarrebruck afin d’étudier les possibilités de maintenir des échanges

sarrois devient un enjeu capital pour l’Alsace. D’où l’action impul-

«La liberté est la vie de l’industrie»

sée par la Chambre de Commerce pour aider les industriels strasbour-

Alors

que

le

gouvernement

mise en place d’un plan sur qua-

français doit rendre un rapport

tre ans en concertation avec les

pour le 1er mars 1954 à l’Orga-

acteurs économiques, un allé-

nisation

geois à prendre pied sur le marché sarrois. Le secteur alimentaire est

Coo-

gement en France des charges

largement sollicité, au même titre

pération Economique sur une

fiscales et sociales, l’octroi de

que l’industrie textile. Les échanges

libéralisation des importations, la

crédits

Chambre de Commerce émet un

position confirme l’attachement

sont à double sens puisque la Sarre

certain nombre de vœux tenant

de la Chambre au libéralisme.

compte des nouvelles relations

Elle reste fidèle à l’engagement

l’industrie métallurgique, mécani-

économiques

d’un de ses plus illustres prési-

que et céramique notamment.

Européenne

de

d’après-guerre.

à

l’exportation.

Jean-Georges

Cette

écoule en Alsace des produits de

Elle se montre favorable à une

dents,

Humann,

ouverture mais par étapes. Une

auteur d’une phrase célèbre :

prudence liée aux désillusions

«la liberté est la vie de l’industrie,

du passé. La Chambre exprime

la condition de son développe-

Winston Churchill à Strasbourg en août 1954.

une triple recommandation : la

ment.»

Archives Municipales de Strasbourg.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

101


Une communauté d’intérêt s’éta-

franco-sarroise est devenue un

Commerce de Strasbourg. Faut-il

blit peu à peu. La physionomie

modèle du rapprochement franco-

le rappeler : l’idée européenne

des échanges franco-sarrois va

allemand auquel la Chambre de

a été conçue à Strasbourg. Des

se modifier avec le rattachement

Commerce peut se féliciter d’avoir

personnages politiques éminents,

économique de la Sarre à la

largement contribué.

au premier rang desquels figurait

République Fédérale d’Allemagne,

A l’évidence, le commerce exté-

Churchill, sont venus prêcher la

le 8 juillet 1959. Il faut alors une

rieur constitue le pré carré de

bonne parole dans une ville qui a

vaste entreprise de prospection et

la Chambre de Commerce de

toujours été le point de contact - et

de promotion pour maintenir à flot

Strasbourg. Cette inclinaison trouve

de conflit - entre deux grands pays.

les exportations françaises vers la

ses fondements dans l’engage-

Au début, il s’agissait peut-être

Sarre. A tel point que la coopération

ment européen de la Chambre de

d’une gageure. Elle fut tenue.

L’inauguration de la Foire-Exposition au Wacken. (6 septembre 1958). Archives DNA.

Vue aérienne de Strasbourg. Document CUS/G.Engel.

102

Et bientôt Strasbourg s’anima

se font sentir. La Chambre de

devant la perspective de devenir

Commerce, elle-même, se montre

une capitale européenne et de

prudente. Ainsi, lorsque Robert

jouer un rôle conforme à sa posi-

Schuman fait connaître en 1950

tion géographique. On aurait tort

les grandes lignes de son plan

cependant de croire que l’adhésion

CECA (Comunauté Européenne du

de l’opinion publique fut unanime.

Charbon et de l’Acier), des bloca-

Des réticences, des résistances

ges apparaissent.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde

L’acte fondateur de l’Europe Le 25 mars 1957, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, les

dément pas mais une fois encore, elle souhaite que l’intégration se fasse progressivement. Elle met en

1958

Pays-Bas et le Luxembourg signent

évidence sa position géographique

le Traité de Rome instituant la Com-

qui lui permet de bien apprécier les

munauté Economique Européenne.

problèmes frontaliers et la concur-

et installation

rence et donne à ses critiques une

de la 5ème République.

Cette convention internationale a une importance capitale pour les six pays signataires dont les étapes, éche-

certaine valeur. Cette prudence

lonnées sur douze années, doivent

a un sens car, selon la Chambre

conduire en 1970 à une véritable

de Commerce, une trop grande

union économique. Les Chambres de Commerce n’ont pas manqué de sou-

précipitation risquerait de compro-

ligner les multiples problèmes qu’al-

mettre l’avenir de la construction

lait soulever l’exécution du Traité.

européenne. Dans le sillage du fameux Traité de

Chute de la 4ème République

1962 Accords d’Evian. Fin de la guerre d’Algérie.

Rome signé le 25 mars 1957, les Chambres de Commerce décident de constituer un organisme international nouveau : la Conférence permanente des Chambres de dépit de ces réticences, le projet

Commerce de la Communauté

fut adopté par toutes les Chambres

Economique Européenne (qui

de Commerce françaises, à deux

deviendra Eurochambres). C’est à

nuances près : l’opposition de Metz

Strasbourg que se réunit pour la

et l’abstention de Strasbourg.

première fois cette instance les 28

L’idée européenne gagne cepen-

février et 1 mars 1958. Hommage

dant du terrain. Les négociations

discret mais ô combien apprécié

qui s’ouvrent en 1953 sur un

à une ville qui depuis quelques

futur accord économique entre

années occupe une place de choix

six pays européens (France,

dans le mouvement européen et

Allemagne, Italie, Belgique, Pays-

continue de nourrir l’ambition de devenir capitale de l’Europe.

Tout en admettant le principe du

Commerce. On hésitait devant l’en-

Bas, Luxembourg), intéressent

fameux pool charbon-acier, les

gagement inconditionnel qui était

de très près les Chambres de

milieux industriels font part de

pris pour une durée de cinquante

Commerce. Pour suivre l’évolu-

leurs réserves. La Chambre de

ans. On redoutait l’expiration de ce

tion des débats, la Chambre de

Commerce s’en fait l’écho par

terme, l’épuisement du gisement

Commerce de Strasbourg met en

la voix de Paul Jacquel le 11

ferrifère lorrain et l’on formulait des

place une commission qui rend un

octobre 1951 lors de l’Assemblée

exigences quant aux conditions

rapport tous les ans. L’engagement

des Présidents des Chambres de

de transport par fer et par eau. En

européen de la Chambre ne se

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

1968 Mouvement de mai qui provoque une libéralisation des mœurs.

er

1969 Premier homme sur la lune.

103


La Conférence se réunit ensuite

Elle multiplie les initiatives pour sti-

Européenne est devenue dès 1956

tous les trois mois, successivement

muler la capacité exportatrice des

une vitrine de l’activité économique

dans chacun des pays du Marché

entreprises, leur ouvrir de nouveaux

régionale et connaît un vif succès

Commun. Les objectifs varient selon

horizons. C’est ainsi que nais-

auprès des pays étrangers. Jean

les délégations. Pour la France,

sent, sous l’impulsion du président

Wenger-Valentin, alors président de

il s’agit surtout d’harmoniser les

Wenger-Valentin, les «Journées

la Chambre de Commerce, en pro-

systèmes fiscaux, sociaux et sala-

du Commerce Extérieur», puis les

fite pour dresser un bilan économi-

riaux, alors que pour l’Allemagne,

«Semaines» ou les «Quinzaines»

que devant un parterre de minis-

la priorité est de créer une zone de

françaises à l’étranger. Un sang

tres et de personnalités. Il n’hésite

libre-échange. D’autres sujets sont

nouveau revivifie les échanges

pas à exprimer les inquiétudes de

débattus : accès aux matières pre-

éxtérieurs. Et les résultats sont

la Chambre dans le domaine inter-

mières, transports, coût du travail,

matérialisés par les chiffres : les

national et met en avant ses actions

liberté d’établissement.

cartes d’exportateurs délivrées

pour trouver de nouveaux débou-

Très impliquée, nous l’avons

dans le Bas-Rhin sont multipliées

chés. C’est dans ce contexte que

vu, dans les échanges franco-

par quatre entre 1959 et 1962. Impossible, par ailleurs, d’évoquer le commerce extérieur sans parler de la Foire Européenne.

pour la première fois, en 1956, la

allemands, très engagée dans la construction européenne, la Chambre de Commerce de Strasbourg affirme avec force son orientation internationale. Elle est favorable à une libéralisation des échanges et a la vindicte prompte contre tout ce qui peut nuire au commerce international.

bureau permanent pendant toute la durée de la foire. En 1958, près de 165 rencontres sont organisées entre conseillers commerciaux et entrepreneurs. Deux ans plus tard, en 1960, pour le 35ème anniversaire de la foire, la Chambre propose toute une série de conférences, d’expositions et de colloques. C’est

L’événement a pris ce titre en 1933

désormais en Alsace un événe-

mais existe sous le nom de Foire-

ment incontournable qui mar-

Exposition depuis 1926, année

que la rentrée économique. C’est

de sa fondation. La Chambre de

aussi un formidable forum pour le

Commerce, qui n’en est pas l’or-

commerce extérieur que confirme

ganisatrice, va en faire rapidement

le nombre croissant de visiteurs

et d’Industrie à Paris en 1975.

un de ses lieux d’action et de

étrangers présents à Strasbourg.

Document CCI.

promotion. Il est vrai que la Foire

Affiche pour les troisièmes Assises Nationales des Chambres de Commerce

104

La Foire Européenne, un lieu d’action et de promotion de la Chambre

Chambre de Commerce installe un

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde 1973 Le choc pétrolier permet aux pays exportateurs de pétrole de peser sur l’échiquier mondial.

1978 Le premier «bébé éprouvette» voit le jour en Angleterre.

10 mars 1958, première réunion de l’assemblée parlementaire européenne. Sous la présidence de Robert Schuman. Photo Parlement Européen.

1981

Strasbourg sort de son «isolement» rhénan

Robert Badinter, Garde des Sceaux, applique une promesse de

ais que serait une acti-

augmentation de plus de 35 % par

est urgent d’agir et de prendre des

Aussi en 1948, la Chambre de

vité internationale sans un

rapport à l’année précédente. Mais

décisions concrètes, sous peine

Commerce décide-t-elle d’investir

développement des voies

il aura fallu batailler ferme pour en

de voir l’aéroport étouffé par ses

également 20 millions de francs

de communication, qu’elles soient

arriver là. Quinze années plus tôt,

concurrents frontaliers. Encore

pour accélérer les travaux tout

terrestres, fluviales ou aériennes ?

le 16 mai 1946, un rapport déve-

faut-il mettre à niveau les infras-

en multipliant les démarches

L’aéroport d’Entzheim va ainsi deve-

loppe tous les points concernant la

tructures. L’extension des pistes

auprès des compagnies aérien-

nir un instrument de la politique

situation économique de l’aéroport

et l’augmentation de la capacité

nes : Air France pour créer une

1982

internationale de la Chambre qui en

et sa croissance future. Le docu-

d’accueil de la plate-forme s’avè-

ligne aérienne Strasbourg-Paris,

Les lois de décentrali-

devient le concessionnaire en 1955.

ment souligne notamment que

rent nécessaires. D’où une contri-

Sabena et KLM pour une desserte

sation permettent à la

C’est à cette date, en effet, que l’ex-

«l’aménagement de certains aéro-

bution exceptionnelle du Conseil

Strasbourg-Bruxelles-Rotterdam.

ploitation de l’aérogare est confiée

ports concurrents de Strasbourg,

Général du Bas-Rhin et de la Ville

à la Chambre de Commerce qui ne

en particulier Bâle et Zurich, ont

de Strasbourg, de 20 millions de

ménage pas ses efforts pour accroî-

fait pendant la guerre des progrès

francs chacun, pour aménager

tre le trafic. Démarche payante :

considérables.» Pour la Chambre

l’aéroport. Mais les avancées sont

en 1961, le fret enregistre une

de Commerce strasbourgeoise, il

minimes.

M

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

campagne de François Mitterrand : l’abolition de la peine de mort.

France de se rapprocher du modèle rhénan et d’anticiper l’Europe des régions.

105


Contrôle douanier à l’aéroport d’Entzheim en 1947. Archives DNA.

La volonté d’attirer les compagnies

L’effet est immédiat. En septem-

Ses propos tenus à l’époque en

Si en revanche, les aéroports de

Ce point de vue donné en 1952

d’aviation à Strasbourg est clai-

bre 1949 est ouverte une ligne

témoignent. «L’avenir de l’aéro-

Genève et de Zurich l’emportent

montre le scepticisme de la

rement affirmée. L’implantation

hebdomadaire Strasbourg-Alger.

port dépend pour une bonne part

définitivement sur celui de Bâle, les

Chambre de Commerce pour faire

d’institutions européennes dans la

Strasbourg sort désormais de son

de celui de Bâle-Blotzheim. Si

chances d’Entzheim augmenteront

de Strasbourg un aéroport de

métropole alsacienne, dès 1949,

«isolement» rhénan. Mais jusqu’en

celui-ci progresse, l’aménagement

de nouveau et nous réussirons

grande envergure. Elle préfère

va changer la donne et ouvrir de

1955, la Chambre de Commerce

d’Entzheim ne répond pas, à notre

peut-être à en faire une base inté-

donc rester observatrice. Mais les

nouvelles perspectives.

va rester prudente sur le dévelop-

avis, à un véritable besoin.

ressante, non pas comme escale

choses vont évoluer rapidement. Et

La Chambre de Commerce tient

pement de l’aéroport.

de grandes lignes, mais comme

dès l’année suivante, elle demande

station secondaire.»

la concession portant sur les ins-

là un argument imparable pour appuyer le rayonnement internatio-

tallations civiles de l’aérodrome de

nal de la plate-forme.

Strasbourg-Entzheim. Explication : les négociations avec la compagnie KLM avancent à grands pas en vue d’une ligne Amsterdam-StrasbourgMilan-Rome. Surtout, le rapport de force entre les aéroports frontaliers évolue au détriment de Bâle. Zurich et Francfort sont confortés dans leur rôle de plaque tournante.

un DC 3 Dakota Sur la piste de l’aéroport d’Entzheim en 1947. Archives DNA.

106

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


1955

1956

1956

Jean Wenger-Valentin marque de son

La Chambre de Commerce installe

Sous l’autorité de Jean Wenger-Valentin,

empreinte la vie de la Chambre

un bureau permanent

le Neubau subit d’importantes

de Commerce.

à la Foire Européenne.

transformations.

ner comme aéroport de relais. Les

Commémorations et banquet

efforts de la Chambre de Commerce

Les 15 et 16 mai 1953, la Chambre de Com-

sont très vite couronnés de succès.

merce de Strasbourg fête le cent cinquantième

Strasbourg peut donc se position-

Le 23 juin 1953 est inaugurée la

anniversaire de sa fondation. Un événement dignement célébré avec discours, médailles

ligne Strasbourg-Casablanca et la

commémoratives et banquet. Et la consé-

compagnie Sabena décide de fixer

cration pour les dirigeants de l’époque, Paul

une escale à Strasbourg sur la ligne Bruxelles-Milan. Et en 1958, une

Jacquel en tête, qui peuvent légitimement être fiers des services rendus à l’économie alsacienne dans un contexte très tourmenté.

rotation quotidienne est mise en place entre Strasbourg et Paris. A l’excep-

En cette fin des années 50, le

tion de quelques investissements

paysage politique se modifie.

encore nécessaires en termes d’équi-

Pierre Mendès-France incarne une

pements, la Chambre de Commerce

tendance forte face au gaullisme

a réalisé le plus difficile : convaincre

prépondérant. En Alsace, Pierre

le gouvernement et les acteurs éco-

Pflimlin rassemble toutes les éner-

nomiques régionaux qu’un aéroport

gies. L’économie régionale se dote

à vocation internationale est un atout

de nouveaux outils : le Comité

déterminant pour l’Alsace. Les divi-

d’action pour le progrès économi-

dendes de cette politique seront récu-

que et social haut-rhinois (CAHR),

pérés au début des années 1970.

l’Association de développement du Bas-Rhin (ADIRA) et la Société

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

Aéroport d’Entzheim.

alsacienne de développement et

Document CCI.

d’expansion (SADE).

107


La réfection du Neubau se heurte au conflit des idées la Chambre de Commerce,

à libérer le rez-de-chaussée de

une personnalité s’impose :

l’édifice occupé par deux anciens

Jean Wenger-Valentin. Son

locataires, une quincaillerie sur

nom est associé à l’essor bancaire

la façade de la place Gutenberg

et à l’amélioration des dessertes

et un salon de coiffure dans la

fluviales, aériennes et routières.

rue des Serruriers. Les tractations

Porté à la présidence de la Chambre

finissent par aboutir moyennant

en 1955, Jean Wenger-Valentin

des indemnités. Le champ est libre

est aussi à l’origine de la réfection

pour concrétiser une idée chère au

générale de l’intérieur du Neubau,

président Wenger-Valentin : trans-

l’extérieur étant intouchable. La

former les locaux vacants en un hall

tâche s’annonce pourtant difficile

de réception destiné aux services de

et fort complexe. Il s’agissait à la

la Chambre et en une salle d’exposi-

fois de respecter le cachet d’un

tion des produits du Bas-Rhin, dans

bâtiment vénérable qui ne pouvait

laquelle s’installerait un bureau du

supporter l’affront du modernisme

Syndicat d’Initiative de Strasbourg.

A

et en même temps de donner à

A l’occasion des visites de chantier, les critiques fusent

L’œuvre de Jean Wenger-Valentin

préfigurant ainsi le futur axe Rhin-

le cadre des murs du Neubau.

Koenig - déjà en charge, quelques

L’idée était extrêmement heureuse

(1892-1975) s’esquisse dès 1929

Rhône. Dans le brouhaha de la

Au terme d’une présidence parti-

années plus tôt, de la construction

et l’avenir a montré qu’elle corres-

lors de son entrée à la Chambre

Libération de 1945, Jean Wenger-

culièrement active, Jean Wenger-

de l’aérogare d’Entzheim. Ils for-

pondait à une véritable nécessité,

de Commerce. Durant la difficile

Valentin est aux côtés du maire

Valentin tire sa révérence en 1967

décennie qui conduit à la deuxiè-

Charles Frey pour reconstruire la

après trente-huit ans de présence.

ment un tandem harmonieux : l’un

compte tenu de l’essor du tourisme

me guerre mondiale, il s’affirme en

ville. Élu président de la Chambre

Son successeur Jean Prêcheur

fougueux et intransigeant, l’autre

régional. Mais la réalisation est ardue.

solide pilier de l’édifice. Et pendant

de Commerce en 1955, il se place

lui rend le plus bel hommage en

modéré et conciliant. Leurs plans

Dans certaines parties des magasins

le tragique repli lyonnais de 1940,

dans la lignée des grands prési-

citant Montaigne. «Pour faire quel-

sont soumis à une commission «ad

évacués et dans le porche de l’en-

il est l’artisan courageux et opti-

dents qui, depuis 1918, ont assu-

que chose de grand, il ne faut pas

miste qui hisse le pavillon stras-

ré le prestige de l’établissement.

se situer au-dessus des hommes,

hoc». La première difficulté consiste

trée subsistaient de magnifiques

bourgeois sur les bords du Rhône,

Son audience dépasse largement

il faut être avec eux.»

ce cadre un aspect conforme aux exigences de l’époque contemporaine. Le Bureau de la Chambre décide de confier ce travail délicat à deux architectes - Mewes et

108

Jean Wenger-Valentin, le bâtisseur

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Médaille commémorative à l’effigie de Jean Wenger-Valentin. Document CCI.

La place Gutenberg en 1974. Document CCI/Europ-Flash.

voûtes, en arrêtes ogivales, qu’il

émanent notamment d’une per-

partisan d’un aménagement limité

l’arbitrage est difficile. La situation se

fallait absolument conserver. Dans

sonnalité dont le goût et l’éducation

au strict minimum. L’opposition entre

tend encore lorsqu’il s’agit d’étudier

d’autres, il ne restait rien de l’archi-

artistique font autorité à Strasbourg :

ses idées et celles des architectes est

la rénovation du premier étage.

tecture d’origine. L’harmonisation

Hans Haug, Conservateur des

totale et interdit tout compromis. Le

Les plans prévoient la réfection de

de l’ensemble est réalisée dans les

Musées de la Ville et fils de l’ancien

conflit est inéluctable.

la grande salle de séances dans

meilleures conditions. Mais c’est

Secrétaire Général de la Chambre de

A l’occasion des séances de la

le style et les proportions d’avant-

sans compter sur les critiques qui

Commerce. Elevé depuis sa tendre

commission «ad hoc» ou des visites

guerre, l’aménagement d’un salon

s’expriment au fur et mesure de

enfance dans l’Hôtel Consulaire,

de chantiers, les critiques fusent.

de réception, d’un bureau présiden-

l’avancement des travaux. Elles

il en connaît tous les détails. Il est

Face à ces opinions contradictoires,

tiel et d’une salle de commissions.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

109


Les caves du Neubau. Un lieu dédié aux expositions et aux réceptions. Photo Citeasen.

110

Les discussions portent essentiel-

éloignée des réalités protocolaires

à Charles X. La salle des commis-

L’Hôtel consulaire accueille des

en personne qui ouvre la première

lement sur les couleurs des murs

de la Chambre.

sions, tapissée et peinte dans les

visiteurs prestigieux : ministres,

séance de la salle Wenger-Valentin

et des boiseries auxquelles doivent

Les querelles s’apaisent au fur et à

tons verts, recueille elle aussi tous

ambassadeurs... Le 22 novembre

rénovée. Le gotha des pouvoirs

être assorties celles des tapis et

mesure que les travaux avancent.

les suffrages. Enfin, l’aménagement

1959, c’est le Général de Gaulle

publics est là, discours et paillet-

des tentures. L’architecte Mewes

Les critiques se font moins nom-

d’une cave rustique -

tes. Ministres et chefs d’entreprise

prône des couleurs vives, prenant

breuses. Les protagonistes réussis-

dénommée la cave

se mêlent aux nombreux convives

appui sur les tendances en vogue

sent à pédaler dans le même sens

des Brasseurs en

rassemblés dans le bâtiment.

sous l’Empire et la Restauration.

et les appréciations élogieuses se

raison du concours

Mais le président Wenger-Valentin

multiplient. La salle de séances a

apporté par leur cor-

ne l’entend pas de cette oreille. Et

belle allure et les fauteuils qui la

poration - permet à

lorsque les deux associés préten-

garnissent assurent le confort de

la Chambre d’orga-

dent colorer de rose et de mauve

leurs occupants durant les longues

niser des réceptions.

le bureau qui lui est destiné, il s’in-

séances. Le salon de réception est

Le président Wenger-

surge contre une conception trop

doté d’un mobilier ayant appartenu

Valentin rayonne.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation

Plaque commémorative. Elle rappelle l’inauguration de la salle Wenger-Valentin par le Général de Gaulle. Photo Citeasen.


Cours de langue au centre international d’études des langues en 1974. Document CCI.

L’envergure internationale de la Chambre n’est plus contestable u terme d’une période de

crit dans ce mouvement positif.

des Chambres de Commerce et

teurs à temps plein. Aux côtés

ment Commercial Supérieur porte

reconstruction, la France

Une initiative gouvernementale

d’Industrie (CCI). Ces décrets

du président Wenger-Valentin,

les ambitions de la CCI dans ce

connaît une prospérité

va jouer en sa faveur. Les décrets

changent la donne. Jusque-là

René Uhrich est le maître à pen-

domaine. Intégré en 1956 à l’Uni-

quasi ininterrompue de 1954 à

du 4 novembre et du 4 décem-

bureaux d’enregistrement et de

ser de la Chambre de Commerce

versité, l’établissement bénéficie

1974, avec un taux moyen de

bre 1964 modifient la composi-

renseignements, les Chambres

et d’Industrie. Il est l’artisan du

d’un statut original qui lui permet

croissance le plus élevé des pays

tion et étendent la compétence

deviennent organismes de promo-

renouveau de la Chambre. Son

de délivrer un diplôme reconnu.

industrialisés. Le Marché Commun

des Chambres de Commerce. Ils

tion économique. Les membres

cheval de bataille : la formation

Un gage de sérieux et de crédibilité

consacre la position stratégique de

transforment les «régions écono-

élus sont au nombre de 36 et

commerciale et technique. «Il faut

à l’international où l’Université fait

Strasbourg, l’axe rhénan devenant

miques» en Chambres Régionales

constituent un véritable Parlement

faire de l’Alsace une région-modèle

déjà référence.

le plus dynamique d’Europe. La

de Commerce et d’Industrie et

des entreprises. L’institution consu-

dans ce domaine» rappelait-il inlas-

Chambre de Commerce s’ins-

créent l’Assemblée permanente

laire emploie soixante collabora-

sablement. L’Institut d’Enseigne-

A

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

111


Eurochambres, l’effet réseau De l’Espagne à la Russie, Eurochambres regroupe les CCI de plus de quarante pays. Cette organisation, née à Strasbourg, peut se targuer aujourd’hui de représenter

Plus tard, l’IECS s’installera au

Dans les années soixante, face à la

une instance de collaboration féconde

indirectement 11 millions d’en-

nouveau pôle européen de ges-

montée en puissance des collecti-

davantage qu’un lieu de confronta-

treprises et de se trouver à la tête

tion et d’économie et deviendra

vités locales et territoriales, la CCI

tion. La CCI fait aussi de la modernisa-

membre de la Conférence des

doit ajuster son rôle.

tion et de l’adaptation des entreprises

d’Europe. Strasbourg peut ainsi revendiquer d’avoir contribué à

une priorité. Un tiers du budget

bâtir cette Europe des marchands.

Un tiers du budget de la Chambre est consacré aux interventions économiques

est ainsi consacré aux interventions

N’a-t-elle pas fait œuvre de

qui la situe aux premiers rangs

Elle y parviendra en liant et en inté-

sace, du Bade-Wurtemberg et des

parmi les CCI françaises.

grant son action à celle des autres

cantons de Bâle, le président dit

institutions à vocation économique

rechercher les conditions d’un nouvel

Centres» et aujourd’hui «Enterprise

et des assemblées élues. La CCI

essor de l’Alsace et demande «qu’à

Europe Network».

tient son rang dans le concert stras-

côté des régions d’entraînement, l’on

Directeur général de la CCI (1956-

bourgeois et son instrument sonne

reconnaisse l’existence périlleuse

1992). Document CCI/J.L. Kircher.

particulièrement juste. Elle se révèle

mais exaltante des régions d’affron-

Grandes Ecoles. Cette adhésion marque la reconnaissance de l’IECS parmi les plus grandes écoles de commerce françaises. Preuve aussi de son engagement en faveur du développement des compétences, la CCI consacre 20 % de ses recettes à la formation professionnelle. Chiffre

René Uhrich.

112

du plus vaste réseau d’entreprises

économiques. Sous l’impulsion de

pionnier en créant dès 1979 un «service des affaires européennes»

son président Jean Wenger-Valentin,

pour représenter au sein de l’Union

la CCI initie un rapprochement avec

Européenne la CCI de Strasbourg

les économies frontalières. Lors d’une rencontre à Paris en décembre 1966,

et assurer une prestation de conseil sur la réglementation et les aides européennes ? C’est cette

après avoir comparé le rythme de

activité qui a inspiré d’une certaine

croissance des économies de l’Al-

manière la création des «guichets

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation

communautaires pour les PME», premier nom des «Euroguichets» devenus par la suite les «Euro Info


1958

1958

1959

Une rotation aérienne quotidienne est mise

La Conférence permanente

en place entre Strasbourg et Paris.

des Chambres de Commerce

ouvre la première séance dans

de la Communauté Economique

la salle Wenger-Valentin rénovée.

Le Général de Gaulle en personne

Européenne tient sa première réunion à Strasbourg.

tement.» L’envergure internationale

Véritable club des exportateurs, le

de la CCI n’est plus contestable. Elle

World Trade Center de Strasbourg

rejoint ainsi l’Union des Chambres de

réunit près de 300 entreprises tour-

Commerce Rhénanes dont le secré-

nées vers l’international. L’idée :

tariat est assuré depuis Strasbourg.

regrouper dans un même lieu des

L’organisation regroupe 81 Chambres

prestataires publics et privés dédiés

de 7 pays européens. Cet engage-

à l’exportation et permettre aux entre-

ment international s’inscrit dans la

prises de s’informer, de confronter et

droite ligne du service du commerce

d’échanger des expériences.

extérieur de la Chambre créé en 1920. Celui-ci est à l’origine d’une véritable «innovation» en France : l’organisation en 1966, sous l’égide de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie d’Alsace, de la première mission de prospection économique en URSS. En la matière, l’année 1979 marquera un tournant décisif dans la

L’Alsace est l’une des rares régions françaises à résister au déclin économique.

Entrée du World Trade Center. Place des Halles à Strasbourg. Document CCI.

politique de promotion des échanges internationaux de la CCI. Elle crée et

Plus récemment, les CCI d’Al-

40 milliards d’euros avec l’Europe et

annoncent le retour à une écono-

tent des données fondamentales.

gère le premier World Trade Center

sace ont créé le Pass Export,

le reste du monde. Quelques années

mie étatisée. L’Alsace est l’une des

Le résultat est là : septième région

en France : la Maison du Commerce

un outil pratique et simple pour

plus tôt, le premier choc pétrolier a

rares régions françaises à résister

française en 1962 pour la valeur

International de Strasbourg (MCIS)

guider les entreprises dans leur

porté un rude coup à l’économie

au déclin économique. La crise du

ajoutée par habitant, l’Alsace est

qui emploie 19 collaborateurs. Près

parcours international. Preuve du

mondiale et aux principes libéraux.

textile n’est pas celle d’une région

dans les années soixante-dix la

de 220 adhérents industriels et tertiai-

dynamisme commercial régional,

L’élection présidentielle de 1981 et

tout entière. L’orientation industrielle

troisième derrière l’Ile-de-France et

res en constituent le premier maillon.

l’Alsace échange pour plus de

la victoire de François Mitterrand

et la hausse du pouvoir d’achat res-

la Haute-Normandie.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

113


Contrôle douanier à Strasbourg. En 1985, les accords de Schengen ouvrent les frontières et dopent les exportations. Document CCI/AFP, Ph. Mochet.

114

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde

Le soutien aux entrepreneurs demeure infaillible

1989 La chute du Mur de Berlin signe la fin de la

a CCI est sur tous les

L’attribution d’une concession pour

de l’aérogare pour porter sa capacité

Bruxelles, Londres, Milan mais

fronts. A commencer par

l’exploitation commerciale de la

à 500 000 passagers par an, instal-

aussi Rome, Tunis, Amsterdam,

les transports. En 1974,

zone civile de l’aéroport conduit la

lation du système d’atterrissage

Cologne et Francfort. En 1979,

marché sur l’économie

elle lance un chantier de grande

CCI a élaborer un plan d’investisse-

tous temps. Les liaisons se multi-

année de la première élection du

planifiée. Deux ans plus

ampleur au cœur du secteur pié-

ments quinquennal. Les avancées

plient avec Paris, Lyon et Lille puis

Parlement Européen au suffrage

tard, l’Union Soviétique

tonnier de Strasbourg : la créa-

sont nombreuses : aménagement

Marseille et Nice. Le statut européen

universel, l’Aéroport International

tion d’un parking souterrain place

de la zone d’aviation civile, exten-

de Strasbourg entraîne un dévelop-

de Strasbourg-Entzheim enregistre

Gutenberg. Après dix-huit mois de

sion de l’aire de stationnement des

pement des lignes internationales :

un trafic de 500 000 passagers.

travaux, le programme aboutit à un

avions de ligne, remodelage des

ensemble de 264 places sur trois

accès de l’aérogare et construction

niveaux intégralement financé par

d’un parking autos, restructuration

L

guerre froide et la victoire de l’économie de

disparaît.

1990 Le protocole http et le langage html sont mis au point et préfigurent le réseau

la CCI. Naguère cimetière et mar-

Internet.

ché, puis promenade ombragée, la place Gutenberg était, en effet, devenue un parking encombré et peu esthétique. L’investissement

1991

consulaire atténue les difficultés de stationnement tout en soulignant la

Le premier appel commercial

valeur architecturale du bâtiment.

sur un réseau GSM a lieu

Surtout, l’Aéroport International de

à Helsinki, en Finlande.

Strasbourg-Entzheim est l’objet de toutes ses attentions. L’abandon en 1972 du projet d’aéroport binational StrasbourgKarlsruhe à Roeschwoog,

1994

dans le nord de l’Alsace, asseoit définitivement le site d’Entzheim.

Huit ans de travaux, un chantier titanesque de 100 milliards de francs et 151 kilomètres de galeries : le tunnel sous la Manche relie la France et la GrandeBretagne.

Le service télex de la CCI en 1978. Document CCI.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

115


Plaque commémorative. Le parking souterrain Gutenberg a été inauguré le 23 avril 1975. Photo Citeasen.

Cette progression spectaculaire de la fréquentation - + 14 % par an -, la saturation de l’aérogare et l’annonce de gros porteurs imposent un nouveau plan d’investis-

Strasbourg bénéficie du statut «d’aéroport ouvert»

Elle continue aujourd’hui de donner l’impulsion dans trois domaines clés : la création et la transmission des entreprises, l’intelligence économique, l’anticipation des technologies

sements. Trois étapes importan-

L’année suivante, l’aérogare est

innovantes. S’agissant plus particu-

tes balisent ce programme. En

agrandie pour accueillir plus d’un

lièrement de l’accompagnement des

1980, Strasbourg bénéficie du

million de passagers par an. Parmi

porteurs du projet de création ou de

statut «d’aéroport ouvert», en vertu

eux figurent le Pape Jean-Paul

reprise d’entreprise, il en est un qui

duquel tous les pays de l’Union

II, le président des Etats-Unis

revêt une dimension emblématique :

européenne ont la possibilité de

Ronald Reagan et le président de

le Centre de Formalités des

réaliser des prolongements ou des

la République Française François

Entreprises (CFE). Créés en 1981,

escales de lignes. La piste est réno-

Mitterrand.

les CFE ont opéré une vérita-

vée et mise aux normes.

Parmi les missions fondatrices de

ble révolution en mettant fin au

la CCI, le soutien aux entrepreneurs

«parcours du combattant» bien

demeure infaillible. Tout au long de

connu des chefs d’entreprise.

son histoire, la CCI s’est toujours

Ces derniers peuvent désormais

efforcée d’insuffler au plus grand

s’adresser à un guichet unique pour

nombre l’esprit d’initiative.

accomplir tous les actes nécessaires à la création, la cessation ou la modification des statuts de leur entreprise.

Roland Wagner.

116

Ces nouveaux services impliquent

Président de la CCI de 1976 à 1991.

un remodelage des locaux de la

Document CCI.

chambre.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


1960

1968

1974

Par décret du 12 novembre 1959,

Jean Prêcheur succède à Jean

les Chambres deviennent le 19 mai 1960

Wenger-Valentin à la présidence de la

de construction du parking

Chambres de Commerce et d’Industrie.

Chambre de Commerce et d’Industrie.

souterrain place Gutenberg.

La CCI lance le chantier

nouvelles transformations. Le

Une vaste plate-forme logistique

rez-de-chaussée est réaménagé

Lancée en 1980, la plate-forme

pour accueillir un hall d’accueil

Eurofret-Strasbourg est une initia-

En 1985, le Neubau subit de

et le Centre de Formalités des Entreprises. Le Neubau est l’ob-

tive commune du Port Autonome de Strasbourg et de la Chambre de Commerce et d’Industrie de

jet d’un entretien régulier qui

Strasbourg et du Bas-Rhin. Sur une

fait appel à des artisans à rebours

surface de 110 hectares, Eurofret

du temps : doreurs, tailleurs de

accueille aujourd’hui environ 60 entreprises et 1 700 emplois

pierre, restaurateurs de peintures.

directs. La capacité de stockage

Le prestige du bâtiment est intact.

est de 300 000 mètres carrés, les

Maintes fois controversé, l’édifice doit son existence actuelle à son

surfaces de bureaux s’étendent sur 20 000 mètres carrés. Transporteurs, transitaires, logisticiens

exceptionnel potentiel de renouvel-

européens, industriels, chaînes de

lement, livré à l’imagination et à la

discount alimentaire et de livraison

sensibilité de ceux qui, tour à tour, l’occupèrent.

pour grandes surfaces ont choisi le port de Strasbourg et Eurofret pour leur position privilégiée, à proximité du pont de l’Europe et du pont Pierre Pflimlin. Ces deux ouvrages mettent Eurofret en liaison directe avec les réseaux autoroutiers fran-

La construction du parking souterrain en 1974. Après plusieurs mois de chantier,

çais et allemands.

il est inauguré le 23 avril 1975. Archives Municipales de Strasbourg.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

117


Inauguration de l’Euro-Guichet en 1988. À gauche : R. Wagner et B. Bosson, Ministre des Affaires Européennes, ainsi que de nombreuses personnalités françaises et européennes. Document CCI.

118

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde

La technicité déployée par les

dont sept régionales, sont implan-

l’automatisation pénètrent large-

La CCI accompagne cette dyna-

corps de métiers fait merveille.

tées à Strasbourg qui accueille

ment le tissu industriel. L’Alsace

mique industrielle. Aux côtés

Les artisans travaillent méthodi-

aussi neuf banques étrangères.

est aussi la région française qui

de l’ADIRA, elle contribue notam-

exporte le plus gros pourcentage de

ment à la création de plus de

sa production industrielle et celle

5 000 emplois dans une soixan-

qui reçoit le plus d’investissements

taine d’entreprises.

étrangers. Aux capitaux allemands,

Ses services apportent une assis-

de recherche sur

américains et suisses s’ajoutent à

tance technique aux commerçants.

Internet.

présent des capitaux japonais.

La CCI participe aussi à la forma-

quement la pierre, sculptent les

1998 Larry Page et Sergey

pièce de facture semblable. Aucun

La technicité déployée par les corps de métiers fait merveille

détail n’est négligé pour restituer

L’Alsace conserve ainsi la plus

et préserver l’éclat de l’édifice qui

forte densité d’établissements

force le respect.

par habitant - 84 guichets pour

En 1986, l’année de la première

100 000 habitants - soit le double

cienne et déstabilise

cohabitation, l’Alsace tient son

de la moyenne nationale. Et si l’ac-

l’industrie du bois.

rang. Strasbourg est après Paris

tivité de services aux entreprises

la deuxième place financière fran-

se développe fortement, l’emploi

çaise, devançant Lyon pourtant plus

industriel demeure à un niveau

peuplée. Dix banques françaises,

élevé. L’innovation, l’électronique,

moulures à l’identique. De même, chaque élément de la charpente est examiné, chaque tuile du toit est analysée, mesurée, nettoyée, remplacée le cas échéant par une

tion des chefs d’entreprises et à l’apprentissage.

Brin lancent Google, un fabuleux moteur

1999 L’ouragan Lothar ravage la forêt alsa-

2001 La restauration d’un pilastre du Neubau.

Les attentats du 11 septembre

Document CCI.

frappent les EtatsUnis au cœur et font 2 986 victimes.

2002 L’euro est introduit dans douze pays européens.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

119


Figures de style Eléments du riche répertoire ornemental de la façade du Neubau, les mascarons ou masques attirent l’attention. A contre-courant des usages de l’époque qui les situent à mi-hauteur ou à la base des pilastres, ces cartouches ornent la partie haute des pilastres. L’extrême variété des motifs témoigne d’une remarquable liberté de style et d’une grande fantaisie dans le traitement des figures. Photos CCI/Jean-Philippe Senn.

120

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


200 ans d’idées neuves… Et demain ?

121


travaux de restauration du Neubau. Le chantier bat son plein. Il durera sept ans, de 2001 à 2008. Photo Citeasen.

Pas de croissance économique sans initiatives locales es ambitions de Strasbourg

Strasbourg aiment en parler». Fait

dossier porte sur les infrastructu-

germano-suisse qui est le plus

C’est aussi l’ambition des trois

passent par la Chambre de

nouveau pour une opération de ce

res. L’Alsace possède un réseau

prometteur. La CCI veut donc

autres projets mobilisateurs qui

Commerce et d’Industrie.

genre : les entreprises financent un

de communication Nord-Sud très

agir en faveur d’un TGV Est qui

recouvrent les services aux entre-

Cette phrase d’un dirigeant de

tiers de la campagne. Le second

insuffisant. Or, c’est l’axe rhénan

L

soit relié au réseau allemand et

prises, la formation et la culture.

l’époque prend un sens particulier.

à la ligne Strasbourg-Bâle. Elle

L’intrusion du culturel dans

Loin de n’être qu’une déclaration

milite aussi pour une autoroute

l’activité de la CCI suscite l’en-

d’intention, elle illustre le renou-

Lauterbourg-Bâle et un second

thousiasme. «Cela prouve que

veau de l’institution consulaire qui

pont sur le Rhin dans l’agglomé-

l’on ne peut pas faire de pro-

joue un rôle de plus en plus déter-

ration de Strasbourg. La stratégie

motion économique sans tenir

minant dans les grands choix poli-

est logique. Elle vise à dynami-

compte du potentiel touristique

tiques pour l’Alsace de demain. En

ser le tissu économique alsacien

et culturel» répète-t-on à l’envi

1988, la CCI procède à une analyse

grâce au raccordement à l’axe

dans les couloirs de la Chambre.

détaillée des forces et faiblesses

rhénan, le territoire naturel des tra-

Il est un autre domaine qui

de l’Alsace. Elle s’engage ensuite

ditions et des amitiés alsaciennes.

mobilise tout autant les éner-

dans un vaste programme d’ac-

gies : le développement local.

tions autour de cinq grands projets

La CCI martèle depuis plusieurs

mobilisateurs. Le premier est une

122

campagne de communication sur

Campagne de communication de la CCI (1989).

le thème «ceux qui connaissent

Document CCI.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation

années qu’il n’y a pas de croissance économique sans initiatives locales.


1976

1979

1982

Roland Wagner est élu président

La CCI crée le premier World Trade

Le trafic à l’aéroport de Strasbourg-

de la Chambre de Commerce et d’Industrie.

Center en France.

Entzheim est proche du million de passagers.

l’aubette à strasbourg. Le bâtiment a été rénové en galerie commerciale. Photo Citeasen.

Pas moins de onze programmes

ville. Mais que de batailles pour

locaux de développement

sont

parvenir à cette cohabitation har-

engagés permettant la création de

monieuse des différentes formes

plusieurs centaines d’emplois, en

de commerce. Que de débats pour

particulier dans les vallées vosgien-

endiguer la progression des gran-

nes plus fragiles économiquement.

des surfaces et le recul du com-

L’Alsace est une région-pilote et les

merce indépendant. L’apparition

investissements portés au crédit

en 1963 du premier hypermarché

du Contrat de Plan 1989-1993

a considérablement modifié le

témoignent du niveau élevé des

paysage économique d’une France

engagements publics : 77 millions

qui n’était pas prête, culturellement

de francs. Le résultat le plus fla-

et financièrement, à recevoir des

grant de la nouvelle politique de la

« monstres » taillés pour dominer

CCI, c’est la confiance que lui font

le marché. Dix ans plus tard, la

à nouveau les entreprises.

loi Royer a entrepris de réguler

Le commerce bénéficie lui aussi

l’urbanisme commercial en créant

du rôle influent de la CCI qui a

les commissions départementales

toujours essayé de maintenir un

d’urbanisme commercial (CDUC).

équilibre entre le commerce de

En 1996, la loi Raffarin durcit

périphérie et celui du centre ville.

encore les règles avec les CDEC

Le travail est payant. A la différence

(commissions départementales

d’autres grandes agglomérations,

d’équipement commercial).

Strasbourg se distingue par la belle vitalité du commerce du centre-

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

123


espace info eco de la cci. Photo Citeasen.

124

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation


Chroniques

du monde

Tous les acteurs du territoire sont

Le développement du commerce

C’est dans cet esprit que la CCI

En 2007, la CCI franchira une nou-

associés à cette politique de déve-

doit être géré avec méthodologie,

créera en 2002 un observatoire du

velle étape en mettant en place un

loppement maîtrisé des surfaces

ambition, prospective et volonté de

commerce bas-rhinois pour mieux

observatoire franco-allemand du

commerciales. La CCI de Strasbourg

concertation. Les milieux consulaires

identifier les axes de développement

commerce pour la région du Rhin

L’Union européenne est

et du Bas-Rhin a toujours été partie

et professionnels, les collectivités,

dans les schémas d’agglomération,

Supérieur. Bien que géographique-

élargie. Elle passe

prenante dans l’octroi des auto-

les aménageurs, les associations

de pays ou de département. De

ment très proches, Alsaciens et

risations. Elle a aussi contribué à

de commerçants doivent contribuer

nombreuses collectivités trouveront

Badois ont des conceptions différen-

l’aboutissement de grands projets,

aux conditions optimales de l’ac-

un intérêt à la démarche : une

tes du développement commercial et

qu’il s’agisse de l’ancien Magmod

cueil de l’équipement commercial

source commune d’informations,

forcément des attentes divergentes.

(aujourd’hui Galeries Lafayette), de

nouveau, mais aussi s’organiser et

notamment sur l’offre commerciale

C’est ce qui fera la richesse des

la Place des Halles, de l’Aubette

coopérer pour en tirer le maximum

et les comportements d’achat des

résultats contenus dans cet obser-

et de Rivétoile. Sans oublier les

d’avantages et de retombées.

consommateurs. Un outil vivant de

vatoire. Il permettra à chacun d’avoir

zones commerciales périphériques,

mesure et de compréhension du

à disposition une base d’information

dont Fegersheim, Vendenheim,

tissu commercial.

homogène et un outil décisionnel partagé par les différents acteurs de

de réglementation, privilégiant les

l’ancien magmod, inauguré en 1914, est devenu galeries lafayette en 2000.

actions de concertation locale. Pour

Photo Citeasen.

est à ce jour le seul observatoire du

Haguenau et Sélestat. La CCI n’a jamais été favorable à un excès

2004 de 15 à 25 pays et compte 455 millions d’habitants.

2007 Le TGV Est-Européen fait son entrée à Strasbourg.

l’économie régionale. Son aboutissement en fera un projet novateur. Il

ses dirigeants, rien ne peut se faire

commerce en France doublé d’une

de façon intelligente et harmonieuse

approche transfrontalière.

sans consensus global.

2008 Les Jeux Olympiques de Pékin sont ceux de tous les records.

2008 Grave crise économique et financière.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

125


L’aéroport change de braquet

La Chambre de Commerce et d’Industrie étend son influence

La CCI a constamment adapté le niveau et la qualité des équipements aux besoins d’un trafic en croissance continue. Pendant longtemps, les vols vers Orly et Roissy ont représenté plus de la moitié

Elle tend notamment à s’intégrer à la

La présence d’institutions inter-

disent oui à la monnaie uni-

«banane bleue», une zone prospère

nationales à Strasbourg joue éga-

que européenne, l’édifice de

qui s’étend de Londres par la vallée

lement en sa faveur : siège du

la place Gutenberg retrouve la fierté

rhénane jusqu’à Milan. C’est l’en-

Parlement Européen, du Conseil

Entre 1994 et 2001, un important

qui était la sienne aux heures de gloire

semble de régions le plus innovant

de l’Europe, de la Cour euro-

programme d’investissements est

des villes rhénanes, quatre-cents ans

d’Europe, aux technologies les plus

péenne des Droits de l’Homme et

plus tôt. La Chambre de Commerce

modernes et où la recherche dans

d’une dizaine d’autres institutions

de fret et le réaménagement de la

et d’Industrie étend son influence. Elle

les secteurs de pointe est la plus

européennes.

piste figurent parmi les principaux

est la digne représentante des quelque

poussée. L’Alsace est riveraine de

30 000 entreprises commerciales,

l’un des axes de transport les plus

industrielles et prestataires de ser-

denses du monde : la vallée rhénane.

jet face aux pressions des riverains

vices du département qui évoluent

Elle comprend de multiples voies fer-

et des écologistes.

dans un environnement favorable.

roviaires et autoroutières ainsi qu’une

L’ouverture des frontières européen-

voie d’eau à grand gabarit.

E

nes consolide la position de l’Alsace dans l’espace communautaire. La région ne manque pas d’atouts pour poursuivre sa croissance.

Claude Danner. Président de la CCI de 1991 à 2000. Document CCI.

126

des vols quotidiens. Après 1994,

n 1992, alors que les Français

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation

le site passe à la vitesse supérieure en tirant parti de la libéralisation du trafic aérien.

réalisé. L’extension de l’aérogare, la construction d’une nouvelle zone

chantiers. Seule ombre au tableau : les remous provoqués par l’affaire DHL en 1996 et l’abandon du pro-


1985

1991

1995

Un hall d’accueil et un Centre de Formalités

Claude Danner prend les commandes

Le Neubau est classé Monument

des Entreprises sont aménagés

de l’institution consulaire.

Historique. Dans un premier temps

au rez-de-chaussée du Neubau.

(1995), façades et toitures. Dans un second temps (1998), pièces voûtées et caveau du rez-de-chaussée, escaliers du 19ème siècle, enfilade des quatre salles à décor Empire.

Dans le domaine du commerce

Le nombre des sociétés alsacien-

un signal fort en ouvrant en

international, elle pousse aussi son

nes exportatrices peut être estimé

septembre 1999 le Pôle forma-

avantage et son rôle est plus que

à 1 500. Les investissements alle-

tion CCI. L’ensemble de 9 500

proportionnel à sa population. Ses

mands représentent plus du tiers

mètres carrés est implanté

ventes à l’étranger représentent 6 %

des emplois industriels en Alsace.

dans le quartier de la Meinau. Il

des exportations françaises. En

La main-d’œuvre alsacienne est

regroupe tous les services de la CCI

1995, elle se situe au quatrième

particulièrement recherchée. Elle

dédiés à la formation, du Centre

rang des régions exportatrices

est traditionnellement d’un haut

International d’Etudes des Langues

françaises

et se classe en tête

niveau de formation profession-

(CIEL) au Point Apprentissage en

pour les exportations en valeur par

nelle, depuis l’époque où le Bas-

passant par l’Institut de Formation

habitant.

Rhin était le département le plus

par Alternance (IFA). Plus de

alphabétisé de France. La forma-

soixante collaborateurs dans le

tion par alternance, très répandue

conseil, l’ingénierie de formation

Président de la CCI en 2000.

en Alsace, explique aussi ce niveau

et l’animation, près de 400 for-

Document CCI.

de qualification des personnels.

mateurs issus du monde profes-

C’est précisément sur ce ter-

sionnel ou universitaire évoluent

rain de la formation que la CCI

dans cet espace conçu comme

se fait offensive. Sait-on en

un relais entre étudiants et chefs

effet que les CCI constituent le

d’entreprise.

André Haasser.

deuxième formateur de France après l’Education Nationale ? A Strasbourg, la Chambre de

pôle formation cci.

Commerce et d’Industrie adresse

Photo Citeasen.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

127


La Caravane de l’Euro. (Mai 2001 devant le Neubau). Document CCI.

une passerelle de compétences En 2002, l’euro enterre le franc

Leur mission : informer les entre-

Elles redoutent également une mau-

Formation initiale, formation

et bouleverse les habitudes. En

prises sur les affaires commu-

vaise application des règlements et

continue, actions de conseils

Alsace, région frontalière, l’événe-

nautaires, les conseiller sur la

des normes de l’Union européenne

ment a un retentissement particu-

législation européenne, aider les

et une hausse des flux migratoires.

lier. Sous l’impulsion de la CCI, une

PME à se positionner sur le marché

Mais l’élargissement a aussi ses

de formation des entreprises.

campagne d’information menée en

européen. En 2004, une nouvelle

avantages : alignement sur les

Il est aussi un lieu de réflexion

direction des entreprises est consi-

opération de communication est

normes communautaires, accrois-

dérée comme un élément détermi-

orchestrée sur le thème de l’élar-

sement des échanges, hausse pro-

aux nouvelles technologies.

nant du succès de l’introduction de

gissement de la famille européenne

gressive du niveau de vie, conver-

La formation par alternance

l’euro en France. La même année,

qui passe à vingt-cinq pays puis à

gence des prix et des coûts de la

le magazine l’Entreprise indiquait

vingt-sept en 2007. Les entrepri-

main d’œuvre à long terme, environ-

que 35 % des chefs d’entreprises

ses sont majoritairement favora-

nement politique stable et favorable

du nombre d’apprentis :

sondés citaient en premier la CCI

bles à l’adhésion de dix nouveaux

à l’investissement.

une augmentation de 95 %

pour l’information sur l’euro, juste

Etats-membres mais entretiennent

derrière les banques (45 %), mais

certaines craintes : peur du dum-

loin devant les autres institutions.

ping social et de la concurrence

carrés de surface, traduit la double

En réalité, le fait européen s’est

déloyale, peur aussi du risque de

ambition consulaire : valoriser la

imposé depuis quelque temps déjà

délocalisation des entreprises.

dans les entreprises. Strasbourg n’a-t-elle pas été désignée villepilote - avec Lyon et Nantes - pour le lancement des Euro-Info-Centres ? Depuis, le réseau n’a cessé de s’étendre.

128

Richard Burgstahler. Président de la CCI de 2000 à 2004. Document CCI.

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation

et d’orientation pour l’emploi : le Pôle formation CCI a vocation à répondre à la demande

et d’échanges sur le monde économique et l’adaptation

figure parmi les axes stratégiques du Pôle formation CCI qui enregistre une hausse significative

entre 2002 et 2007. L’extension du Pôle formation CCI, qui va gagner 3 000 mètres

formation et la pertinence des dispositifs mis en place.


2000

2000

2004

André Haasser est appelé

Richard Burgstahler accède

Jean-Louis Hoerlé devient

à la présidence de la CCI.

à la présidence de la CCI.

le vingtième président de la CCI.

La mise en lumière du Neubau, un spectacle flamboyant

E

n 2005, année du réfé-

41 848 led pour une puissance de

rendum sur le projet de

7 966 Watts - révèlent et affirment

Constitution européenne,

ainsi la présence du Neubau dans

la CCI s’offre du prestige pour célé-

le paysage nocturne strasbourgeois.

brer le Neubau. La mise en lumière

Le spectacle est flamboyant. Les

de l’édifice est une réussite totale.

couleurs dévoilent l’édifice dans

L’opération implique un respect de

toute sa splendeur et restituent tous

l’ordonnancement monumental de

les détails de son architecture. Le

l’édifice par un éclairage des colon-

Neubau exprime en cette circons-

nes. La technique retenue permet

tance la fierté justifiée de l’institution

de mettre en valeur les fresques en

consulaire. L’histoire va se poursuivre

allèges afin d’atténuer la verticalité

et changer de rythme. En 2006 et

des colonnes et de redonner de la

2007, la France prépare sa relève

surface et du volume à la façade.

politique, comme l’ont fait l’Allema-

Les lucarnes, éclairées de l’intérieur,

gne et l’Espagne avec Angela Merkel

le TGV Est-Européen pointe enfin

à Colmar et au-delà jusqu’à Bâle.

Le TGV est une formidable machine

offrent une lecture en relief de la

et Luis Rodriguez Zapatero.

son nez à l’horizon. Il en profite

Le voilà ce Train à Grande Vitesse,

à réduire le temps, à rapprocher les

toiture. Le résultat est à la hauteur

Mais à Strasbourg, c’est un tout

pour battre le record du monde de

si ardemment voulu, si longtemps

hommes, à doper les activités des

de l’investissement engagé et de la

autre événement qui fait l’actualité.

vitesse sur rail. Ce 10 juin 2007, le

attendu. Désormais, Strasbourg est

territoires traversés.

qualité architecturale du bâtiment.

Après des années d’hésitations, de

TGV est fêté dans toute l’Alsace, de

à 2 h 20 de Paris, Mulhouse à

Au total, 244 points lumineux - soit

concertations et de négociations,

Saverne à Mulhouse, de Strasbourg

3 h 10, Bâle à 3 h 20.

L’éclairage nocturne met en valeur la façade et la toiture du Neubau. Document Citeasen.

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

129


Et aujourd’hui, tout le monde a les

de Strasbourg. La vocation de ce

Cent métiers qui cohabitent depuis

yeux rivés sur cette deuxième phase

nouvel ensemble, qui fait partie

deux cents ans dans cet édifice.

qui mettra Paris à 1 h 50 de la capi-

intégrante du l’Université unique

Des hommes et des femmes qui

tale européenne. Sans oublier la

de Strasbourg, est de former des

ont écrit les pages de ce véritable

Magistrale Paris-Budapest dont le

managers confrontés aux nouveaux

roman. Celui-ci continue et change

TGV Est-Européen est un maillon

défis de la mondialisation et de la

d’échelle. L’ambition de la Chambre

essentiel. La CCI applaudit l’arrivée

numérisation de l’économie, du

de Commerce et d’Industrie d’être

du TGV même s’il entraîne une

développement durable, de l’éthi-

source d’idées neuves dans les

redistribution des cartes dans le

que et de la diversité. Ce sont ces

milieux économiques a de l’avenir.

domaine des transports et impose

virtuoses des temps modernes qui

un repositionnement de l’aéroport

doivent conduire les évolutions de

de Strasbourg Entzheim.

notre économie. En cela, les enjeux

En 2008, alors que Strasbourg

de l’école rejoignent ceux de la CCI

joue l’alternance politique, la CCI

et de l’ensemble des institutions qui

pose de nouveaux jalons. Elle est

visent notre adaptation au monde

ainsi à l’origine de la fusion entre

économique du 21ème siècle.

l’IECS et l’Institut d’Administration

Durant ces deux siècles d’histoire

des Entreprises qui donne nais-

du Neubau, cent métiers ont tenu

Président de la CCI depuis 2004.

sance à l’Ecole de Management

leur rôle, vital, si ce n’est éminent.

Document CCI.

Jean-Louis Hoerlé.

Bienvenue dans le monde virtuel

Le Neubau version Second Life

Vous

Internet. Voici

Life attire de plus en plus les in-

Second Life, un univers en 3D.

connaissiez

vestisseurs. La CCI s’est mise au

Animé par des résidents virtuels,

diapason et a créé son propre en-

Second Life est un espace d’échan-

vironnement. Les applications sont

ges où s’expriment les engagements

multiples : simulation de séquences

sociaux, commerciaux et politiques.

de formation, conférences virtuel-

Débats, expositions, conférences,

les, publications corporate.

formations, recrutements sont des événements courants sur Second Life. Formidable outil de communication et de créativité, Second

130

1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation




Champ libre

Par Antoine Latham

Une Alsace de tous les possibles Plus dynamique qu’elle ne le croit elle-même, l’Alsace ne manque pas d’atouts. La clé de son futur est peut-être dans la réinvention de cette identité singulière, tant aimée et qui l’a tant servie. Elle la servira encore à condition de la faire vivre à la lumière d’un monde ouvert.

E

de nombreux indicateurs : intensité

dérangeantes, on relèvera la fadeur

de la création d’entreprises, taux

du débat public, asséché par la

d’emploi élevé, performances à

quête éperdue du consensus,

l’exportation, résilience aux crises,

masqué par les débats nationaux

aptitude à s’ouvrir et à innover. La

et le manque d’espaces pour des

qualité de la vie, le sens du collectif

expressions alternatives. C’est

n affaires, l’optimisme

à Strasbourg, le philosophe André

pas oublié ce qu’elle est. Désirez,

et les valeurs humanistes, ressour-

d’autant plus étonnant que les

se nourrit de l’aptitude

Comte-Sponville expliquait aux

oui, mais désirez ce qui dépend de

ces qui ne dépendent guère des

réseaux sociaux, en revanche,

lucide à transformer le

membres de l’Association pour le

vous. N’attendez pas que vos rêves

entreprises, améliorent le tableau.

connaissent une belle vitalité, par-

réel. La statistique sait

progrès du management à quel

se soient transformés en réalité

Bien sûr, l’Alsace innove insuffi-

fois même un tout petit peu fron-

se corriger des variations saisonniè-

point «le chef d’entreprise est un

pour être heureux.»

samment, ses facteurs de compé-

deuse. A condition de rester dans

res. Elle est moins bien armée pour

professionnel du désir de l’autre,

L’Alsace des entrepreneurs a-t-elle

titivité ont changé, son accessibilité

le cercle.

traquer l’effet des sautes d’humeur

un professionnel de la convergence

failli dans la convergence des désirs ?

se dégrade, elle ne forme pas

ou pour redresser ses résultats

des désirs, autrement dit de la

Au risque d’irriter quelques esprits,

assez d’ingénieurs, elle a perdu de

d’après les variations d’amour

solidarité». Et il ajoutait : «l’Alsace

il faut bien admettre que non. La

grandes entreprises et fabrique peu

propre, les assauts du doute ou les

fait partie de ces régions qui ont

réussite économique collective de

de femmes ou d’hommes d’Etat...

fluctuations du désir. Récemment

d’autant plus d’avenir qu’elle n’a

l’Alsace est une réalité qu’attestent

Au chapitre des faiblesses plus

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

133


134

On évoque ici des caractéristi-

France). Elle conservait encore, en

par les patrons de sites auprès

en réinventant sa stratégie.

les représentations mentales…

ques de long terme, pas celles du

2002, la structure d’emplois indus-

des directions des maisons-mères.

Dans un contexte de concurrence

Beaucoup d’éléments contribuent

dernier exercice ou du trimestre

triels et tertiaires qu’avait la France

En dépit du ralentissement de ce

mondiale entre les territoires, elle

à maintenir un fossé plus large

écoulé. De tous ces points de

entière en 1982 !

flux d’investissements internatio-

doit prouver qu’elle est aussi fertile

qu’on ne le pense avec nos voisins,

vue, l’Alsace des entreprises a fait

Sa tertiairisation se produit avec

naux, pas encore tari, le stock d’ac-

aux services de demain qu’elle l’a

eux-mêmes en rapide évolution.

preuve de belles qualités. D’autant

un certain décalage. Elle va se

tifs ainsi constitué demeure une

été pour l’industrie d’hier.

Souvent noté, le handicap d’un

plus remarquables qu’au sortir de

poursuivre, comme dans l’ensem-

colonne vertébrale du territoire, très

D’aborder la Chine, le Brésil ou

territoire limitant son rayonnement

la Seconde guerre mondiale, ce

ble français où le taux d’emplois

singulier à cet égard en France.

l’Inde comme elle accosta l’Amé-

à 180° demeure. Surtout quand

territoire renaissait socialement

tertiaires se rapproche des 80%.

rique ? Si des craintes sont pério-

ce territoire cultive ses distan-

blessé. Plumé de pas mal d’atouts,

L’écart s’explique par la forme de

diquement nourries quant à la

ces vis-à-vis du Grand Est fran-

héritant du désinvestissement des

salut économique trouvée depuis

«volatilité» de ces emplois, les

çais, une réserve qui n’est bonne

années 20 et laissé partiellement

les années 50.

délocalisations rituellement dénon-

conseillère.

en marge de la France des grands

L’arrivée massive de capitaux inter-

aménagements. Marge territoriale

nationaux, allemands, américains

bien située en Europe, la rive fran-

et suisses en majorité a donné

çaise du Rhin prend sa revanche

naissance à des pans entiers

en s’amarrant aux espaces les

du paysage industriel qui nous

plus dynamiques du continent

est familier, où plus de 40% des

grâce aux TGV Est et Rhin-Rhône.

emplois relèvent d’intérêts étran-

Selon Ernst & Young, l’Alsace était

douanières, l’Alsace vit encore

Servis avec retard, sans doute.

gers. On peut regretter cette forme

en 2007 au quatrième rang des

dans une non Europe fiscale et

L’Alsace a maintenu une part d’em-

de dépendance, mais on ne peut

régions françaises pour l’accueil

sociale. Avantage ou inconvénient ?

plois industriels plus importante

passer sous silence le fait, bien

d’investissements internationaux.

Le Rhin, la langue, l’organisa-

que la moyenne française (certes

sûr mal documenté, que le site

Elle serait en mesure de retrou-

tion institutionnelle, la conception

marquée par le poids de l’Ile-de-

Alsace est défendu avec vigueur

ver sa place dans ce classement

de l’aménagement du territoire,

Pourquoi l’Alsace ne serait-elle pas apte à tirer parti du réagencement du monde ?

cées, on ne peut pas davantage exonérer de cette tentation les entreprises à capitaux locaux. Les apparences sont souvent trompeuses. Alors que l’Union européenne abattait les barrières

Une Alsace de tous les possibles


200 ans d’idées neuves… Et demain ?

135


La façade du Neubau, rue des Serruriers, avec oriel. Dans un souci d’authenticité, le bâtiment a été restauré jusque dans les moindres détails. Photo Citeasen.

136

Plus préoccupant est l’affaiblis-

au demeurant fragile et contestée,

Elle sera polycentrique, culturelle-

sement insidieux des fonctions

Strasbourg ne saurait rivaliser avec

ment diverse, parfaitement irriguée,

dirigeantes. On parle ici non des

Milan, Barcelone, Francfort ou

innovante sur le plan institutionnel

sièges sociaux, notion trop étroi-

Lyon. Aux yeux de nos visiteurs,

et en termes d’aménagement du

tement juridique, mais bien des

le chef-lieu régional conserve le

territoire, offrant dans tous ses espa-

fonctions clés. Finance, juridique,

charme d’une ville provinciale, plus

ces un haut niveau de qualification

marketing, design et recherche-

française et moins cosmopolite que

humaine et des services à forte

développement, ce «tertiaire supé-

ne l’imaginent les Strasbourgeois.

valeur ajoutée.

rieur» a tendance à se concentrer

Ce n’est pas si mal, mais insuffisant.

dans les très grands pôles urbains.

Devenir une agglomération franco-

A peu d’exceptions près. Les bases du

allemande, à cheval sur le Rhin et

patronat patrimonial se sont réduites :

bi-culturelle : cette aspiration ne

combien de grandes entreprises

demande qu’à s’affermir en projet

familiales en Alsace ? Raison de plus

partagé.

pour faire croître les petites. La rive

Démographiquement plus dynami-

française du Rhin était démographi-

que que tous ses voisins, en France

quement attractive il y a dix ans. Elle

ou en Allemagne, les territoires alsa-

La seule ressource illimitée est le cerveau, l’intelligence humaine, la créativité

a cessé de l’être à partir des années

ciens peinent encore à se concevoir,

«C’est dans leurs salariés que les

2000. Région la plus dynamique du

ensemble, comme un archipel agglo-

chefs d’entreprise devraient investir

Nord-Est de la France, elle est éloi-

méré, une grande ville composite où

en premier», note un des meilleurs

gnée des arcs côtiers connaissant le

l’urbanité deviendrait force, source

observateurs du tissu local. Rêvons.

plus fort développement en France.

de rayonnement et d’équilibre.Cette

Pourquoi ne pas esquisser un futur

Pénétrée de son importance de

«multipole» verte dépassera les

qui concentrerait les pôles de déve-

«capitale européenne», position

2 millions d’habitants avant 2030.

loppement non plus en les étalant

Une Alsace de tous les possibles


dans les espaces creux mais sur les

de coordination. Comment ne pas

mondiale» par le gouvernement,

Pas nécessairement. L’Alsace pour-

chiennes ou allemandes disposant

nœuds d’échange les plus efficaces ?

observer que l’Etat, à travers la

Jean-Marie Lehn avait souligné un

rait accentuer ses efforts en faveur

d’une avance commerciale sur ces

En particulier les gares, nouveaux

révision générale des politiques

fait, sans doute pas assez compris :

de l’éco-business, le quatrième accé-

sujets, en particulier dans l’énergie

théâtres de développement. Une

publiques (RGPP), les universités,

toutes les activités relevant des

lérateur d’innovation qui est à sa

et l’habitat. Sa recherche scientifique

ville, à elle seule, ne parviendra à

qui ont eu le courage de se réunir à

sciences de la vie et de la santé

portée avec la mécanique à haute

est pour partie orientée vers ces pro-

densifier l’habitat et à concentrer

Strasbourg, et même les organisa-

humaine ont un avenir mieux assuré

valeur ajoutée, les biotechnologies et

blématiques et l’on peut compter sur

l’activité autour des axes de mobi-

tions consulaires, progressent dans

que le secteur automobile, l’autre

l’ingénierie. Traitement des déchets,

une opinion mûre et favorable, dans

lité durable. Un tel parti implique

la remise en cause de leur gouver-

grand pôle alsacien.

protection des sols, prévention des

un territoire dense et contraint.

d’articuler plus efficacement, par

nance, distançant des collectivités

risques industriels, droit de l’en-

L’Alsace pourrait être la première

voie contractuelle sans attendre la

dont la réforme est inaccomplie. Le

région polyglotte de France et s’as-

réforme des collectivités, les trois

mot «expérimenter» revient en bou-

construction bio-climatique, design

signer, pour commencer, l’ambition

niveaux de gestion que sont la

cle dans le discours politique. Il y a

et éco-conception... Tous ces domai-

de construire le premier territoire

région, les agglomérations et les

une forme d’immobilisme qu’il n’est

nes sont en effervescence. Plusieurs

trilingue en Europe.

départements. On répondrait ainsi

pas recommandé d’expérimenter

plus nettement aux défis de la mon-

trop obstinément.

dialisation, risque majeur découlant

Quelles pourraient être les options

d’un degré élevé d’ouverture.

de l’Alsace pour les années à venir ?

l’Alsace doit bâtir plus vigoureusement de nouvelles sources d’activités et de croissance

vironnement, énergies nouvelles,

Sectorielles, territoriales, spécia-

Elles sont nombreuses, j’en ai choisi

Le constat peut déplaire, tant il paraît

technologies propres que dans les

lisées, plusieurs agences ont le

cinq. L’Alsace pourrait accélérer

inconcevable que s’effacent de

biotechnologies», faisait remarquer

développement de l’Alsace pour

le tempo dans son projet écono-

notre paysage les quelque 90 000

récemment un consultant du cabinet

mission. Faute de hiérarchie et de

mique autour des sciences de

emplois de cette fameuse filière en

Ernst & Young qui a passé au crible

partage clair des compétences,

la vie. A l’émergence du pôle de

Alsace et en Franche-Comté. Cette

les facteurs d’attractivité des territoi-

l’action apparaît encore fraction-

compétitivité «Innovations théra-

branche connaîtra-t-elle le même

res. L’Alsace est bien placée pour

née à l’excès, en dépit des efforts

peutiques», labellisé «à vocation

sort que le textile autrefois florissant ?

attirer des entreprises suisses, autri-

200 ans d’idées neuves… Et demain ?

centaines d’entreprises s’y déploient, poussées à travailler ensemble par le Conseil Régional. «Il y a dix fois plus d’entreprises dans le secteur des

137


138

Notre région s’est beaucoup reposée

présence des institutions européen-

tive du corps social, c’est le bassin

toute implantation de collections

au rythme de la vie d’une personne

sur l’atout du bilinguisme, héritage

nes, singulièrement du Conseil de

mulhousien qui a vu émerger, avec

nouvelles dans tous les domaines de

qu’au tempo saccadé du calendrier

qu’elle voudrait sanctuariser. Chacun

l’Europe. Nombre de ces langues

Rhenatic, un pôle de compétences

l’expression plastique, historique et

politique.

a pu constater cependant la lente

sont disponibles à l’enseignement au

en technologies de l’information et de

contemporaine, susciter davantage

C’est la raison pour laquelle les

altération de cette compétence. Au

sein de l’université strasbourgeoise.

la communication fédérant plusieurs

d’événements majeurs pour l’art et les

grandes collectivités alsaciennes

point de susciter une réaction éner-

Enfin, la présence de cadres de tous

dizaines de sociétés.

sciences, eux-mêmes contributifs à

pourraient s’unir dans un pacte,

gique des réseaux consulaires, appe-

horizons et la vocation exportatrice

l’attractivité. La création récente d’une

proclamant cette volonté d’ouver-

lant à une prise de conscience et un

invitent à investir davantage dans

ture et d’accueil de l’initiative cultu-

sursaut. Le recul de la qualification

l’appréhension des grandes cultures

contemporain par le groupe allemand

relle privée.

germanophone affaiblit d’ores et déjà

du monde. Capitalisant sur son iden-

Würth à Erstein devrait, à ce titre,

L’Alsace, du fait même de la force

la position des frontaliers français à

tité, l’Alsace pourrait ainsi enrichir

être prise autant au sérieux que tout

de son identité, est un des lieux de

Bâle. La cité du Nord-Ouest de la

un bilinguisme franco-allemand trop

investissement industriel : c’est un

France où les champs culturels et

Suisse, perçue à juste titre comme

exclusif. L’Alsace pourrait repenser

signal. Il serait hasardeux d’attendre

économiques sont, en se croisant,

une «ville monde» dans l’espace

radicalement son rapport aux infras-

de l’Etat qu’il crée, dans les années

susceptibles de produire les fruits

du Rhin supérieur, embauche de

tructures, en faisant le choix de l’im-

à venir, une offre additionnelle. Les

les plus féconds.

meilleurs locuteurs allemands bien

matériel. Son territoire est bien placé

évidemment sur la rive droite du

au nœud de croisement des auto-

Rhin.

routes de l’information européennes,

Il faut faire grandir et consolider ces entreprises, attirer de l’expertise, diffuser l’avance technologique sur tout le territoire

galerie d’exposition d’art moderne et

Elle demande également des com-

avantage encore insuffisamment

L’Alsace pourrait accorder davan-

serré le carcan qui décourageait le

pétences élargies aux grandes lan-

valorisé. Le Conseil Régional a donné

tage d’attention à son développe-

mécénat privé que l’on observe chez

gues du monde. L’Alsace a une

le ton en lançant la boucle régionale

ment culturel et à l’accroissement

nos voisins sous la forme d’innombra-

carte à jouer. Strasbourg est un

à haut débit. De manière peut-être

de son patrimoine comme facteur

bles fondations dont les réalisations

terrain privilégié d’expression de la

inattendue mais au fond assez ras-

d’attractivité. Elle doit se déclarer

imposent le respect. Ces projets, par

diversité linguistique du fait de la

surante quant à la capacité d’initia-

candidate, avec enthousiasme, à

nature, mûrissent lentement, plutôt

Une Alsace de tous les possibles

collectivités territoriales éprouvent elles-mêmes des limites à leur ambition. En revanche, la France a des-

Antoine Latham Journaliste économique




Les Présidents de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du bas-rhin Jean-Georges SCHERTZ

1803

1818

Jean-Georges HUMANN

1819

1831

François-Charles SAUVAGE

1831

1838

Jean-Conrad SENGENWALD

1838

1839

François-Charles SAUVAGE

1839

1845

François NEBEL

1845

1848

Jules SENGENWALD

1848

1891

Alfred HERRENSCHMIDT

1891

1898

Julius SCHALLER

1898

1911

Carl EISSEN

1911

1918

Léon UNGEMACH

1918

1920

Fernand HERRENSCHMIDT

1920

1938

Paul JACQUEL

1938

1955

Jean WENGER-VALENTIN

1955

1967

Jean PRECHEUR

1968

1976

Roland WAGNER

1976

1991

Claude DANNER

1991

2000

André HAASSER

2000

2000

Richard BURGSTAHLER

2000

2004

Jean-Louis HOERLE

2004


Bibliographie Monuments de la Renaissance en Alsace, Cercle des Arts de la Renaissance en Alsace, n°1, Alsatia 1975. Livre d’or de l’Industrie et du Commerce du Bas-Rhin, Imprimerie Alsacienne, Strasbourg 1924. Exposé des travaux de la Chambre de Commerce de Strasbourg, années 1861-1863, Archives de l’ancien Corps des Marchands de Strasbourg, Strasbourg, 1863. Discours prononcés aux obsèques de M. Fernand Herrenschmidt en l’Eglise St Nicolas à Strasbourg le 23 mai 1938. Discours prononcés au dîner offert à M. Hugo Haug le 2 avril 1938, Chambre de Commerce de Strasbourg. Esquisses physiologiques de la Ville de Strasbourg dessinées par J. Vogel et E. Laville, Strasbourg, Lemaître E.,1851.

Une débauche de couleurs. Cette tapisserie flamande du 17ème siècle, qui orne le salon d’honneur de l’Hôtel Consulaire, place Gutenberg à Strasbourg, a été restaurée en 2006 avec le soutien de la Fondation du Patrimoine et des entreprises mécènes. La scène représente, dans une débauche de couleurs, le sultan Bajazet, prisonnier du conquérant turc Tamerlan. Les entreprises mécènes sont Cétal, CIC Banque CIAL, Cora Strasbourg, Crédit Mutuel Centre Est Europe, DNA, Gaz de Strasbourg, Groupe Coop Alsace, Haasser, Hager Electro, Montres Pierre Lannier, Pâtes Heimburger, UPM Stracel, Soprema, Waltz Traiteur Chez Soi, Würth France. (Photo Henri Parent).

Christophe BOUGUEMARI, L’activité internationale de la CCI de 1919 à 1960, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1998. Philippe FEGER, La Chambre de Commerce, 1848 - 1870, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1996. Pascale FORGIARINI-SCHWEYER, La Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg 1939-1965, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1990. B. et P. Hamm, émile Mathis, 1991.

Sources et crédits photographiques Hugo HAUG, Das Hôtel du Commerce, Strasbourg, 1913.

Archives Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin

Nathalie KELHETTER, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1802 à 1831, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1990.

Archives Municipales de la Ville de Strasbourg

Christian LAMBOLEY, Du «Neubau» à la Chambre de Commerce et d’Industrie : 400 ans d’histoire. Notes historiques publiées à l’occasion du quatrième centenaire de l’Hôtel du Commerce de Strasbourg, CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, 1985. Georges LIVET, Francis RAPP Histoire de Strasbourg, Privat - DNA, Toulouse, 1987. Marc LUCIUS, Le Rhin et le port de Strasbourg, Paris, 1928.

Dernières Nouvelles d’Alsace Port Autonome de Strasbourg J.- M. Lehmann

Christine Esch, Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel

A. SEYBOTH, Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu’en 1870, Strasbourg, Réédition Oberlin, 1994. Bernard VOGLER, Michel HAU, Histoire économique de l’Alsace, Ed. La Nuée Bleue, Strasbourg, 1997. Jean-Olivier WILETTE, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1918 à 1939, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1992.

Pierre EUDE, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1945 à 1967

Textes - éric Pilarczyk Iconographie - Anne Argyriou Direction artistique - Arnaud Jermann Reportages photographiques - Cyril Hanebna Impression - Gyss

Musées de la Ville de Strasbourg

Remerciements

Hans HAUG, L’Hôtel de la Chambre du Commerce, Etudes Strasbourgeoises, 1953.

Maquette du projet d’extension du Pôle formation CCI - Denu et Paradon Architectes

Cabinet des Estampes et des Dessins

Henry RIEGERT, Strasbourg, deux mille ans d’histoire, Ed. Istra, 1967.

Allocutions prononcées en hommage à Jean Wenger-Valentin, 11 décembre 1967, Imp. DNA. 1968.

Réalisation Citeasen.fr

Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel, Strasbourg

Frédéric PITON, Strasbourg illustré ou panorama historique et statistique de Strasbourg et de ses environs, Strasbourg, 1855.

Michel HAU, Nicolas STOSKOPF, Les dynasties alsaciennes, Ed. Perrin 2005.

en couverture

Archives Départementales du Bas-Rhin

Conseillers historiques - Bernard Vogler, professeur émérite de l’Université Marc Bloch, Strasbourg. Nicolas Stoskopf, historien, professeur à l’Université de Haute-Alsace, Mulhouse.

Michel André, Antoine Gaugler, Stéphane Haegeli, Jean-Michel Lehmann, Elie Levy, Jack Michel pour le prêt de documents iconographiques Le service de communication de l’Ecole de Management de Strasbourg Le service de communication du Port Autonome de Strasbourg La Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin Philippe Edel Helga Rebert



A destination des générations futures. Le parchemin scellé dans la façade du Neubau témoigne des travaux de restauration de l’édifice et des entreprises impliquées dans ce vaste chantier de 2001 à 2008.




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