200 ans d’idées neuves… Et demain ? Du Neubau à l’institution consulaire
Avant-propos Une nouvelle dynamique autour d’un héritage bicentenaire Le roman du Neubau, d’une surprenante actualité, nous permet de décrypter le présent et d’anticiper le futur
D
epuis deux cents ans
hôtel du Commerce, d’où l’on voit
l’histoire de nous aider à décrypter
avec force les valeurs d’un libéra-
maintenant, la Chambre
s’élever toute proche au-dessus
le présent et à anticiper le futur. Ou
lisme humaniste, perpétuant ainsi
de Commerce et d’In-
des toits, la flèche de grès rose de
en tous cas à l’apprivoiser. «L’histoire
l’héritage de 1808. Nous pouvons
dustrie de Strasbourg et
leur cathédrale ? Construit en 1585,
est la science des changements et,
être fiers des combats passés de
du Bas-Rhin est l’heureuse proprié-
le Neubau aux lignes horizontales
à bien des égards, une science des
nos dirigeants dont les noms réson-
taire de l’édifice qui fait la fierté de
caractéristiques de la Renaissance
différences» expliquait l’historien
nent encore dans nos mémoires.
tous nos représentants : le Neubau.
alsacienne, incarnait alors le pouvoir
Marc Bloch en 1937. Précisément,
Mais nous sommes surtout fiers
Cet anniversaire, nous avons décidé
triomphant d’une bourgeoisie mar-
pour identifier les changements
aujourd’hui de l’avenir que nous
de le fêter en racontant ces deux siè-
chande. L’édifice dut ensuite affron-
et les différences, il faut compren-
voulons pour l’institution consulaire,
cles révolus. Une lecture sélective de
ter tous les tourments de l’histoire,
dre les permanences qui jalonnent
protagoniste engagé dans le dévelop-
l’histoire où vous découvrirez toute
survivre à trois périodes de conflits
l’histoire.
pement économique régional. Face
l’originalité de ce bâtiment, l’audace
avant de devenir aujourd’hui le lieu
Cet ouvrage en témoigne. Depuis
aux vastes chantiers de ce 21ème
de son architecture mais aussi les
des débats nécessaires au dévelop-
les représentants des corporations,
siècle, nos équipes vont continuer
convoitises et les controverses susci-
pement économique de Strasbourg
qui tenaient tête au Magistrat, jus-
à agir pleinement et être sources
tées par sa construction et les idées
et de sa région.
qu’aux chefs d’entreprises élus de la
d’idées neuves, dans le prestigieux
âprement défendues par les hôtes du
De fait, le roman du Neubau, d’une
Chambre de Commerce et d’Indus-
cadre du Neubau.
Neubau. Combien de pages de leur
surprenante actualité, nous permet
trie, notre institution s’est toujours
histoire les habitants de Strasbourg
d’ouvrir de nouvelles perspectives.
affirmée comme un contre-pouvoir
n’ont-ils pas déjà écrites dans cet
C’est, en effet, l’une des vertus de
fécond. Elle a constamment porté
Jean-Louis Hoerlé, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin
Sommaire 7 à 30
33 à 66
Le Neubau
l’institution
Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
ses missions, ses débats, ses batailles
Le siècle d’or ou le triomphe de la modernité
8
Une ère de grande prospérité
34
La République de Strasbourg affiche sa puissance
9
Les Fêtes de Gutenberg symbolisent l’apogée du monde des métiers
40
A la croisée des principales artères médiévales
14
La Révolution industrielle est en marche
44
Le mariage subtil entre le gothique et la Renaissance
18
La Chambre de Commerce arbitre la concurrence entre le rail et le fleuve
47
Après les tensions religieuses, les affrontements politiques
21
Soixante ans après, le projet d’agrandir le Neubau prend forme
51
La tourmente révolutionnaire plonge le Neubau dans la déchéance
24
Le Traité de Francfort provoque un véritable traumatisme
54
Strasbourg au rang de premier port fluvial européen
28
Strasbourg promue au rang de vitrine du Reichsland
61
Au loin, le tonnerre gronde déjà
66
1555 1808
1808 1914
69 à 92
95 à 138
Les tourments de l’histoire
Les grandes mutations
Entre espoirs et désillusions
le tournant de la mondialisation
La blessure de la guerre déchire l’Alsace
70
L’efferverscence des «Trente Glorieuses»
96
En ce début des années 20, l’actualité est dense
72
Le processus de reconstruction est enclenché
98
L’axe rhénan, facteur d’industrialisation
77
L’idée européenne gagne du terrain
101
Le développement portuaire dépasse tous les espoirs
81
Strasbourg sort de son «isolement» rhénan
105
Les yeux tournés vers l’Europe et le monde
84
La réfection du Neubau se heurte au conflit des idées
108
De l’euphorie à la menace, l’Alsace est en état d’alerte
85
L’envergure internationale de la Chambre n’est plus contestable
111
Face à l’horreur absolue, un seul mot d’ordre : réagir
88
Le soutien aux entrepreneurs demeure infaillible
115
Pas de croissance économique sans initiatives locales
122
La Chambre de Commerce et d’Industrie étend son influence
126
La mise en lumière du Neubau, un spectacle flamboyant
129
Champ libre
133
1914 1945
1945 2008
Le Neubau
Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Monumental A la fois prototype et chef-d’œuvre, le Neubau contribue à introduire l’art nouveau de la Renaissance à Strasbourg. Mais que de péripéties pour arriver à cette construction imposante, inédite et audacieuse !
1555 1808
Ancienne bannière de strasbourg. D’après un tableau du 13ème siècle disparu dans l’incendie de la bibliothèque municipale en 1870. P. Riestelhuber, Dictionnaire du Haut et du Bas-Rhin, 1805.
Au centre de deux grandes aventures
essor économique et courant humaniste
Le siècle d’or ou le triomphe de la modernité
Strasbourg est au centre de deux grandes aventures qui façonnèrent l’Europe : l’Humanisme et la Réforme. Les luttes politico-religieuses, qui marquent cette période, n’entravent pas la prospérité et la puissance de la République
emonter aux origines
R
qu’on le surnomme parfois le «siècle
clochers. Géographes, voyageurs
moutarde, tabac, pavot et colza
du Neubau, l’actuel
d’or». Il doit sa réputation, en partie,
et chroniqueurs sont unanimes à
qui voisinent avec la culture tradi-
Hôtel Consulaire, c’est
à la paix dont a bénéficié la région
faire l’éloge de la province, dont
tionnelle du chanvre et du lin. Les
retrouver les racines de
pendant un siècle, à la fécondité du
ils exaltent la beauté, la fertilité et
productions maraîchères occupent
l’histoire de Strasbourg. Celle qui
sol, à l’importance du commerce
la richesse.
de grands espaces autour des prin-
nous conduit à l’époque de la
de transit et à la vitalité économique
L’agriculture est considérée comme
cipales villes (Strasbourg, Sélestat,
Renaissance et de la Réforme consi-
de Strasbourg. La prospérité de
une des plus prospères d’Europe.
Colmar).
dérée comme un tournant majeur.
l’Alsace devient proverbiale. Parmi
Elle assure le ravitaillement des
Vers 1500, Strasbourg apparaît
les facteurs de l’opulence figure en
multiples cités rhénanes, dont la
comme une ville libre, membre du
premier lieu la population. L’Alsace
population nombreuse et souvent
Saint-Empire romain germanique,
fait partie des provinces de l’Europe
aisée constitue un marché considé-
une république autonome qui attire
occidentale, dont la densité est
rable. Vers la fin du siècle, l’Alsace
Strassburg und des ehemaligen Elsasses. Von den ältesten Zeiten bis auf das Jahr 1791,
Portrait de Jean Gutenberg. Extrait de l’ouvrage de Johannes Friese, Neue Vaterländische Geschichte der Stadt
autant les négociants que les intel-
parmi les plus élevées avec 40 à
est atteinte par l’intensification des
lectuels. La ville est puissante et
50 habitants au kilomètre carré en
cultures qui depuis les Pays-Bas a
Collection Bibliothèque Alsatique
respectée. Le 16ème siècle constitue
plaine. Ce que confirme le réseau
progressivement remonté la vallée
du Crédit Mutuel.
ainsi une des grandes périodes de
serré de villages qui crée un pay-
rhénane. Des semences nouvelles
la prospérité alsacienne, au point
sage singulier hérissé de multiples
se répandent : maïs, garance,
Strasbourg, 1792-1805.
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
de Strasbourg.
1555
1585
1781
La majorité du Magistrat se prononce
Le Neubau est le premier édifice
Le Neubau prend le nom et la fonction
pour la réalisation d’un édifice
strasbourgeois construit en pierre
d’Hôtel de Ville.
de prestige.
de taille.
1789
1795
La foule saccage le Neubau.
L’édifice est vendu à des particuliers.
la république de strasbourg affiche sa puissance
A
Strasbourg, la vitalité éco-
Entre 1480 et 1550, Strasbourg fait
nomique tient à la qualité
partie des dix centres européens
de quelques dynasties de
les plus importants par le nom-
Signe extérieur de richesse
négociants - Prechter, Minckel,
bre de publications. L’imprimerie
La croissance stimulée par les échanges
Ingold - dont le rayonnement s’étend
est dominée par trois ou quatre
d’Anvers à Venise en passant par
grands entrepreneurs dont chacun
Francfort, Nuremberg, Augsbourg,
a publié entre 200 et 300 ouvra-
vêtements en laine ou en soie, aux
Vue intérieure de la Ville de Strasbourg. Lithographie de J.F. Oberthur, vers 1850.
Bâle et Lyon. La réputation des
ges tirés en moyenne à un millier
couleurs chatoyantes. (Ci-dessus :
Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
corps de métiers strasbourgeois
d’exemplaires.
pénètre jusqu’en Europe centrale.
Le commerce extérieur est floris-
Grâce à la présence de Gutenberg,
sant. Les relations économiques
une source importante de profit
aux mains du Magistrat (l’ancêtre
Strasbourg devient une des capita-
sont surtout tournées vers la vallée
pour les maraîchers strasbourgeois.
du conseil municipal). A diverses
les européennes du livre imprimé
rhénane et l’Europe du Nord. Les
Parmi les produits importés, les
reprises, il a pris des mesures pour
qui bénéficie dès lors d’une large
deux grands produits d’exportation
étoffes constituent une activité tra-
lutter contre l’accaparement et la
diffusion.
sont les grains et le vin. Les autres
ditionnelle. Les métaux - cuivre,
spéculation et pour réglementer les
produits agricoles exportés sont les
fer - tiennent également un rôle
exportations.
légumes, les fruits et les graines. Les
indiscutable tout comme le coton.
semences d’oignon représentent
La réglementation du commerce est
améliore les conditions de vie. Dans l’habillement s’épanouit le luxe illustré par des gravures représentant de beaux
fille bourgeoise allant à la noce).
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
Eniming etwis - Duis nulla feuguerae se magniam q
Maraîchère, paysanne, pêcheur. Iconographies extraites de l’Evidens Designatio. Strasbourg, Jean Carolus, 1606. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
Strasbourg, pôle de la batellerie fluviale, est à la fois ville d’étape et d’entrepôt. Le Kaufhaus (la douane) est facilement accessible aux péniches du Rhin et aux barques de l’Ill. La vie économique
Le Neubau, un programme aussi spectaculaire qu’onéreux
Vue de la place Gutenberg. (Anciennement place du Marché-aux-Herbes)
et du Fischbrunnen en 1835, extraite de l’ouvrage Souvenirs du Vieux Strasbourg, de Paul Holl, Strasbourg, Treuttel et Würtz, 1901.
est centrée sur cet établissement,
10
contrôlée par le Magistrat, qui
Cet essor économique va de pair
la place de la ville dans l’Empire,
ment. Elle devient le «réceptacle
impose le paiement des taxes
avec celui de l’humanisme. De
Jacques Sturm réussit à préserver
des bannis» : quelques grands
douanières avant l’exportation. Au
1501 à 1520, l’Alsace est un des
la cohésion des bourgeois tout
noms - notamment français - de la
milieu du 16
siècle, Strasbourg
principaux foyers de l’humanisme
en maîtrisant le basculement de
Réforme y séjournent. Parmi tout
devient aussi une importante place
allemand. Ce courant, qui baigne
Strasbourg dans le camp pro-
ce qu’elle importe des quatre coins
financière où s’opèrent des tran-
la ville sous l’influence de Jacques
testant. La République libre et
du continent, d’Italie, d’Allema-
sactions avec les grands centres
Sturm, fait de Strasbourg un des
indépendante de Strasbourg sera,
gne, des Flandres ou de France,
économiques de l’époque. Deux
centres de la Réforme protestante.
à l’apogée de la Renaissance, une
Strasbourg s’enrichit de multiples
établissements symbolisent cette
Elle en devient même un véritable
des plus brillantes d’Europe.
styles d’architecture. Il lui arrive de
puissance : l’Hôtel de la Monnaie
bastion. Doué d’un sens moral
Pendant les guerres de religion,
les superposer, ce qui donne lieu à
et le Trésor.
très aigu, désireux de maintenir
la ville confirme son rayonne-
un genre très singulier. On a ainsi
ème
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
quis elent landre con voluptat.
Chroniques
du monde
pu dire de la maison Kammerzell,
nes. De 1621 à 1648, l’Alsace
Aussi faut-il du courage au
bâtie entre 1467 et 1589, qu’elle
sera un des principaux champs de
Magistrat, le pouvoir exécutif de
était une «sorte d’encyclopédie de
bataille de l’Europe. Le très popu-
la République de Strasbourg, pour
la scolastique médiévale».
laire prédicateur de la cathédrale,
décider en 1555 la construction
A des siècles où ont brillé l’es-
Geiler de Kaysersberg, témoigne
du Neubau. Un programme aussi
la disparition de la moi-
prit et la tolérance va succéder
à travers ses sermons de la quête
spectaculaire qu’onéreux dicté par
tié de la population
un siècle de guerres. Après les
morale et spirituelle à laquelle ses
la nécessité pour le Magistrat de
humanistes en visite dans la ville,
contemporains se livrent. Du haut
disposer de locaux plus vastes !
place aux chefs militaires et aux
de sa chaire, n’avait-il pas critiqué
L’histoire ne fait que débuter. Il
souverains conquérants. Aucune
vertement le luxe apparent de cer-
y aura des chausse-trapes, des
région n’a été autant éprouvée
taines demeures bourgeoises ? Le
rebondissements, des passions,
que l’Alsace pendant la guerre
tribun trouvait que beaucoup ne
des désamours, des portes qui
de Trente Ans. Ce conflit débuta
construisaient pas seulement pour
claquent : un vrai roman !
comme un affrontement religieux,
leur besoin, mais uniquement pour
avant de devenir une guerre entre
leur gloire.
1618 Début de la Guerre de Trente Ans qui entraîne
alsacienne et provoque un véritable effondrement culturel.
1621 L’Université de Strasbourg est créée, héritière directe de
les grandes puissances européen-
l’école humaniste.
Hans Schoch, architecte visionnaire
1642
A qui attribuer la paternité du Neubau,
La révolution
ce bel édifice en grès rouge et ses faça-
anglaise est conduite
des en pierre de taille, à l’architecture
par Oliver Cromwell
révolutionnaire ? Nombre d’historiens
jusqu’en 1659.
ont tenté de retrouver ce créateur hors pair sans jamais parvenir à une réponse unanime. Il semble néanmoins vraisemblable que le Neubau soit le fruit d’un seul architecte, Hans Schoch, qui marqua son époque à Heidelberg, à Strasbourg et dans plusieurs autres cités
1648
de l’Empire. L’homme jouissait d’une solide renommée d’architecte et d’un prestige professionnel mais suscitait aussi jalousies et hostilités. Dès 1593, son œuvre fut abondamment critiquée par une partie du Magistrat qui voyait
Traités de Westphalie : la France prend pied en Alsace.
en lui un «papiste», au style architectural controversé, cible notamment des protestants les plus stricts sur le plan doctrinal.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
11
Les chargeurs de la douane. Gravure de J. Vogel, 1851.
12
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la citÊ
Le marché aux guenilles. Gravure de Eugène Laville, 1851.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
13
A la croisée des principales artères de la cité médiévale ser à son environnement
de Strasbourg au Moyen-Age - et
immédiat. Le bâtiment sera édifié
passe par la place du Marché aux
à la rencontre des deux principales
Poissons également dénommée
artères de la cité médiévale.
place Saint-Martin. D’autre part,
Sur la place SaintMartin, les étals s’alignent dans une joyeuse confusion
l’axe principal de la ville - la Grand-
Une activité commerciale intense
Rue - qui débouche sur la rue des
règne aux étages inférieurs de la
Hallebardes.
Pfalz, encombrés de boutiques, et
C’est à la croisée de ces artères,
sur la place elle-même s’alignent
après l’éviction du pouvoir épis-
chaque jour les étals des maraî-
copal, que s’établira le centre
chers et des poissonniers dans
politique de la République de
une joyeuse confusion où voisinent
Strasbourg. Sur la place Saint-
marchands et badauds.
Martin, qui deviendra l’actuelle
Ces trois édifices, qui ont en com-
place Gutenberg après avoir été
mun leur style architectural et
place du Marché-aux-Herbes, se
dont les gravures témoignent qu’ils
dresse ainsi l’ensemble architectu-
étaient à la fois imposants et majes-
ral abritant les rouages administra-
tueux, seront les victimes de l’urba-
tifs : l’Hôtel de la Monnaie, la Pfalz
nisme pré-révolutionnaire du 18ème
(l’Hôtel de Ville) et derrière elle, la
siècle. Restent l’église Saint-Martin
Un ensemble particulièrement
la Cathédrale de Strasbourg. Tout
Chancellerie.
et le cimetière du même nom. C’est
riche pour son architecture gothi-
comme l’ensemble de l’édifice, ce
en partie à la disparition de cet
que et les œuvres d’art qu’il recèle.
retable fut victime des «radicaux»
édifice que le Neubau devra sa
L’église Saint-Martin aux nombreux
de la Réforme qui en 1524 et 1525
construction.
autels dédiés à différents saints est
saccagèrent l’église Saint-Martin de
encore au début du 16
fond en comble.
P
our comprendre la richesse
D’une part, l’axe du commerce qui
du Neubau, il faut s’intéres-
part de l’Ancienne Douane - le port
Place Gutenberg fin du 16ème siècle (la pfalz ou hôtel de ville). Vue générale de E. Schweitzer, Strasbourg, Imp. Alsacienne, 1894.
ème
siècle le
siège de la confrérie des serruriers. Charbonnier.
Celle-ci commandera en 1516
Commerce du charbon de bois. Iconographie extraite de l’Evidens Designatio. Strasbourg, Jean Carolus, 1606. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
14
un retable au sculpteur Nicolas Haguenauer, réputé entre autres pour son maître-autel de 1501 à
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Que faire alors du bâtiment dévasté ?
Les architectes de l’époque ne
D’autant que l’affectation définitive
Un texte du 19 novembre 1526
semblent guère convaincus par
du bâtiment tarde à être précisée.
propose une solution autre que la
le projet, invoquant les mauvai-
Véritable mécène de cette opéra-
démolition pure et simple. Il s’agit
ses fondations de l’ouvrage. Le
tion immobilière, le Magistrat est
d’araser les tours au niveau des toi-
Magistrat a-t-il poussé dans cette
pour la première fois attentif aux
tures environnantes, de supprimer
direction ? Toujours est-il qu’en
tendances artistiques nouvelles,
le chœur, de créer à l’intérieur de
1529, l’église est démolie et sa
soutenu par une grande partie de
l’édifice quatre pièces séparées par
cloche adjointe au carillon de la
la bourgeoisie strasbourgeoise.
un couloir central et de l’entourer
cathédrale.
Dans ce 16ème siècle tourmenté,
d’une galerie marchande.
Strasbourg veut s’affirmer en tant
un lobby très actif L’action du corps des marchands, qui regroupait différents métiers, dépendit surtout des intentions royales en matière de développement
La construction du Neubau, une histoire à rebondissements
que carrefour artistique important en se dotant, rappellent les historiens, «d’un édifice à l’aspect unique à cette époque dans les pays de l’Empire germanique».
Pendant plus de cinquante ans, le
économique. Ci-dessus : emblème
Magistrat hésitera sur la vocation
de la corporation des marchands
de cet espace où s’élèvent les rui-
dite du Miroir (aujourd’hui salle Mozart).
nes de l’ancienne église. Période longue et pénible, émaillée de famines et de levées de troupes, où la majeure partie des rentrées financières soutient la vie et les
Règlement pour le Comité du Commerce. Archives Départementales du Bas-Rhin.
Dès 1687, un corps des marchands est institué
efforts de guerre de l’Empire contre les Turcs. En 1555, la signature de la paix d’Augsbourg marque le
Les chambres de commerce et d’industrie sont l’aboutissement d’une longue évolution. L’organisation du commerce sort de l’ombre au 12ème siècle avec l’apparition des corporations. La corporation des marchands
début d’une période de stabilité politique et économique. Le débat
de Strasbourg – dite du Miroir - est la plus riche. Installée durant plusieurs
sur la vocation de cet espace est
siècles rue des Serruriers, elle réussit à porter haut et loin dans toute l’Eu-
alors relancé au sein du Magistrat
rope le nom de la capitale alsacienne. En 1681, Strasbourg est contrain-
où une majorité des membres se
te d’ouvrir ses portes aux troupes de Louis XIV. Dès 1687, un Corps des Marchands est institué dans la «ville libre royale». Véritable lobby, il est
prononce pour la réalisation d’un
composé d’un «prévost des marchands», remplacé en 1708 par un simple
édifice de prestige. Mais la pers-
«doyen», de huit assesseurs et de trois suppléants. Ses missions : défendre
pective d’un coût élevé soulève de
les intérêts du commerce strasbourgeois et de la navigation rhénane ou
vives discussions.
encore concilier ou arbitrer les différends entre commerçants. Le Corps des Marchands, emporté par la tourmente révolutionnaire de 1789, cèdera la place à un «Comité du Commerce» puis à un «Conseil du Commerce» avant la création, le 24 décembre 1802 par l’administration du Premier Consul Bonaparte, de la Chambre de Commerce.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
15
16
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Chroniques
du monde
Place Gutenberg, fin du 16ème siècle.
1648
Vue générale de E. Schweitzer, Strasbourg, Imp. Alsacienne, 1894. En marge : les emblèmes des différentes corporations.
La Haute-Alsace devient française en 1648. Strasbourg le sera en 1681. Et en
A la fois prototype et chef-
de la ville, les discussions portaient
Mais la destination finale du bâti-
d’œuvre, le Neubau va introduire
aussi sur l’aménagement d’un
ment n’est toujours pas connue.
à Strasbourg l’art nouveau de la
étage en salles de séances ou en
Certes, les arcades du rez-de-
Renaissance italienne en opposi-
bureaux voire la location des locaux
chaussée accueillent boutiquiers
tion à la tradition gothique incarnée
à des négociants qui pourraient
et artisans. Mais que faire du reste
par la nouvelle aile de la Maison de
y présenter leurs marchandises
de cette vaste bâtisse ? L’affectation
l’Œuvre Notre-Dame achevée trois
pendant les foires.
définitive des salles du premier
De 1582 à 1585, la construction du
et du deuxième étage ne sera
des cartouches ornementant les socles
Neubau est une histoire à rebon-
finalement décidée qu’en 1588.
d’un ravissant escalier à vis où le
des pilastres. Les socles du premier
dissements. Le chantier accuse un
Jusqu’en 1779, le Neubau sera
style nouveau se conjugue éton-
étage du Neubau sont parés de têtes pla-
certain retard. Il faut près de deux
le centre d’affaires de Strasbourg,
(Citadelle), Neuf-Brisach
ans auparavant (1582). Celle-ci fut dotée d’une aile Renaissance et
namment bien avec des éléments
La finesse des mascarons Le mascaron est une tête inscrite dans
cées au centre d’un cartouche. Il règne une grande variété dans la composition
ans pour achever le rez-de-chaus-
lieu d’échanges entre les corpo-
de pure tradition gothique. Mais
de ces têtes, tantôt coiffées de chapeaux
sée. Les travaux sont finalement
rations et les pouvoirs politiques
sa richesse devait être surpas-
penchés sur l’oreille, tantôt ceints d’un
terminés en 1585 et cette date est
ou judiciaires, lieu d’accueil des
inscrite au fronton du portail.
marchands habitués des foires
sée par le nouvel Hôtel de Ville. La construction de ce bâtiment, occupant un vaste quadrilatère
ruban ou encore le cou engoncé dans une collerette à fraise.
hanséatiques et rhénanes.
Ci-dessus : mascaron sur la façade
1682, toute l’Alsace tombe sous l’autorité du roi Louis XIV.
1680
Jusqu’en 1699, Vauban fortifie six villes d’Alsace : Landau, Belfort, Fort-Louis, Strasbourg
et Huningue.
1681 Le 30 septembre, Strasbourg signe
du Neubau.
l’acte de capitulation avec Louvois.
sur le côté occidental de l’actuelle
Libre et impériale, la ville devient
place Gutenberg, fut précédée de
Il nomma le 27 juillet 1579 une
longues négociations. En effet, la
commission de trois membres
provinces du royaume. Louis XIV
démolition de l’église Saint-Martin
chargée d’étudier la question.
entre à Strasbourg le 23 octobre.
fait apparaître au flanc ouest de
Les procès-verbaux circonstanciés
la place une rangée de vieilles
restent imprécis sur deux points :
échoppes. Voisinage peu digne de
le choix de l’architecte et la desti-
l’Hôtel de Ville et de la Chancellerie,
nation à donner au nouvel édifice.
bruyant de surcroît car les maisons
Celui-ci conservera d’ailleurs jus-
étaient occupées par des auberges
qu’au 18
et des ateliers de serrurerie, dont
Bau», nouveau bâtiment. Dès le
le souvenir subsiste encore dans le
début, il était convenu de louer
nom de la rue voisine.
au commerce le rez-de-chaussée
Le Conseil de la Ville discuta donc
voûté ouvrant sur la place et la rue
à plusieurs reprises de la manière
des Serruriers. Sous l’autorité de
dont on pourrait aménager la place.
Daniel Specklin, architecte en chef
ème
royale et simple capitale d’une des
1744 portail du neubau.
À l‘origine, le portail était orné d’une statuette de Mercure, dieu du commerce, flanquée sur les rampants de deux figures féminines couchées aujourd’hui disparues.
siècle le nom de «neue
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
Strasbourg accueille avec faste le roi Louis XV.
17
Le mariage subtil entre le gothique et la Renaissance
M
ais revenons à l’architec-
offrent un rythme régulier identique
L’ordonnance des façades est
ture du bâtiment. A la fin
qui pourrait se prolonger à l’infini.
d’une admirable clarté. Sur un rez-
du 16
siècle, le Neubau
C’est d’ailleurs ce qui fut réalisé
de-chaussée rustique et rythmé par
révèle une construction remar-
en 1868 par le prolongement
des arcades s’élèvent deux étages
quable. Ses deux façades - place
de la façade jusqu’à la rue de l’Ar-
percés de fenêtres en triplets sépa-
Gutenberg et rue des Serruriers -
bre Vert et la destruction de deux
rées entre elles par des pilastres.
auberges : «l’Arbre Vert» et «Zum
Les trois corniches sont d’égale
Kamel». Cela permit d’ajouter une
importance et donnent à l’édifice
nouvelle aile bordant toute cette
un aspect de majesté quasi unique
rue et faisant pendant à l’aile de la
à cette époque.
ème
rue des Serruriers.
La Place St Martin. Gravure de Johann van der Heyden, Speculum Cornelianum, Strasbourg 1608. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
Il est tout aussi certain que des
pilastres principaux sont cannelés,
influences occidentales s’y font
les secondaires lisses. Tous ont
puissamment sentir. L’ornement
un piédestal à hauteur des appuis
qui accompagne cette architecture
de fenêtres, orné d’un cartouche
est riche, sans excès et très soigné
imitant le cuir enroulé et découpé
dans le détail. Les chapiteaux
contenant un masque en assez
de chacun des trois étages sont
forte saillie.
décorés d’un des trois ordres grecs (ionique, dorique et corinthien). Les
18
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Ces masques sont en partie des
C’est au portail que l’orne-
A hauteur de l’entablement des
visages, femmes idéales ou hom-
ment atteint son plus riche
colonnes court une ravissante frise
mes portant barbe et coiffure à
développement.
d’enroulements et de rinceaux.
la mode, plus rarement des têtes d’animaux. Certains de ces masques sont très vraisemblablement des portraits de conseillers, d’architectes ou de tailleurs de pierre ayant œuvré à la construction.
Quant au fronton, il est rempli par
Au-dessus des colonnes, deux magnifiques lions encore conservés
un cartouche portant la date de
Précédé de deux colonnes com-
Mercure, flanquée sur les rampants
posites très finement travaillées, il
de deux figures féminines cou-
occupe la largeur de deux travées
chées. Au-dessus des colonnes,
et son fronton couvre le piédestal
deux magnifiques lions (encore
d’un des pilastres du premier
conservés) tiennent l’un les armes
étage.
de la Ville, l’autre le heaume aux
1585 (celle de l’achèvement des travaux) et supporte des sculptures qui ne sont pas parvenues à notre époque dans leur totalité ni dans leur forme primitive. Au centre se dressait la statuette de
ailes de cygne et aux lambrequins flamboyants. La toiture qui s’élève portée par une charpente remarquable n’a pour ornement que ses lucarnes aux frontons en volutes et les deux pignons qui l’arrêtent vers les immeubles voisins.
Au temps où le Neubau était Hôtel de Ville Au temps où le Neubau était annexe de l’Hôtel de Ville puis Hôtel de Ville lui-même, il fut à de multiples reprises sujet de gravure. La première fois, en 1608, sur une planche de Johann van der Heyden, il forme le décor de fond de scènes hivernales : partie de traîneau attelé chère aux Strasbourgeois du 17ème siècle et glissade d’enfants. Sur cette gravure, on distingue particulièrement bien l’agencement des ponts reliant le «Nouveau Bâtiment» à la Chancellerie et celle-ci à la Pfalz.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
19
Le Neubau donne ainsi à voir,
soit décoré de toutes sortes de
Jusqu’à la Révolution, ces fresques,
D’aucuns considéraient que cet
comme le rappellent les chroni-
colonnes et de toutes sortes d’em-
qui représentent des allégories plus
escalier à noyau torsadé pénétré
ques de l’époque, «un édifice fort
blèmes et d’inscriptions et aussi
ou moins bibliques, apportent une
de trois colonnes et dont la rampe
beau et tout en pierre, le seul qui
d’un beau portail en pierre.» Les
touche colorée au Neubau que l’on
intérieure formait également une
emblèmes et inscriptions, préci-
peut encore observer sur la Maison
spirale soutenue par des balustres
sément, étaient peints à la fres-
Kammerzell ou sur l’horloge astro-
n’égalait pas celui de l’œuvre
que, comme d’ailleurs sur tous les
nomique de la Cathédrale.
Notre-Dame. Or, il s’avère que
édifices municipaux de la place :
Mais tout ceci n’est que détail orne-
la richesse du décor à l’envers
la Pfalz, la Chancellerie et la
mental. Intéressons-nous main-
des marches en fit un ouvrage
Monnaie.
tenant aux éléments d’inspiration
somptueux en avance sur son
gothique qui font toute l’originalité
temps. Cet élément disparu de
du Neubau.
l’édifice démontre à quel point, même dans le bâtiment le plus
La grande tradition médiévale de Strasbourg est respectée
pur de la Renaissance construit
après la disparition de l’église Saint-
Passons sous le portail pour péné-
aujourd’hui siège de la Chambre
Martin. Il est à cet égard significatif
trer dans un vestibule voûté à
de Commerce, est essentiellement
nervures aux profils hérités du
représentatif de l’esprit strasbour-
ait remplacé une construction vouée au
15
siècle avant de ressortir sur la
geois du 16 ème siècle, empreint
culte depuis des siècles. Un peu plus
cour où les baies cintrées évoquent
d’un humanisme qui ne renie
tôt, à la cathédrale, avait eu lieu un
également une tradition gothique.
pas la tradition médiévale tout en
symbolique : à deux pas du pilier des
L’ornement principal de la cour, qui
recherchant des lignes calmes,
Anges fut élevée en 1547 l’horloge de
n’existe plus, était l’escalier à vis,
celles qui caractérisent un climat
Dasypodius (ci-contre) et ses savants
démoli en 1809 et remplacé par
ouvert aux influences méditerra-
deux escaliers intérieurs auxquels
néennes et occidentales.
La victoire du «temps des marchands» Construit entre 1582 et 1585, le Neubau devait avant tout rétablir l’harmonie de l’actuelle place Gutenberg
qu’un édifice civil - alors centre administratif et aujourd’hui hôtel consulaire -
changement tout aussi chargé de valeur
rouages. Décoré par le peintre Tobias Stimmer, ce monument proclamait la
ème
victoire remportée par le «temps des
vint se joindre un troisième escalier
marchands» sur celui de l’église.
desservant l’aile de 1868.
à Strasbourg, on a tenu à évoquer la grande tradition médiévale d’une ville qui possède fièrement la plus haute flèche gothique de la chrétienté. En résumé, l’ancien Hôtel de Ville,
Maison Kammerzell à Strasbourg construite en 1467 et transformée en 1589.
20
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Après les tensions religieuses, les affrontements politiques
R
ien n’existe plus aujourd’hui
démolition de la Tour aux Pfennigs
L’édifice de la place Gutenberg
des dispositions intérieures
(sur l’actuelle place Kléber), les
peut désormais assumer pleine-
primitives de l’ancien Hôtel
archives de la Ville furent déposées
ment son nouveau statut d’Hôtel
de Ville. A dire vrai, le bâtiment
en partie au rez-de-chaussée et au
de Ville. Pour quelques années
actuel apparaît somme toute fort
deuxième étage.
seulement. Car, le 18 juillet 1789,
différent de celui de la Renaissance et son aménagement intérieur a souffert plus encore des outrages des hommes et du temps. Pendant deux siècles, le Neubau servira d’annexe à l’ancien Hôtel de Ville voisin, la Pfalz.
la nouvelle de la prise de la Bastille
La nouvelle de la prise de la Bastille sème l’agitation
sème l’agitation.
La disparition des autres édifices
Un vaste foyer de lumières pour le roi Louis XV
Vue du neubau et de la Pfalz en date du 5 octobre 1744.
municipaux renforça son rôle. Ainsi
En 1781, tous les services de la
de la Chancellerie ravagée par un
Pfalz démolie sont regroupés au
incendie en 1686. La Monnaie fut
Neubau. L’espace devient rare.
démolie en 1738, la Pfalz en 1780.
Et la Ville se voit dans l’obligation
C’est donc en 1781 que l’édifice
d’acquérir la charmante petite
de la place Gutenberg prendra
maison à oriel, formant le coin de
L’arrivée du roi Louis XV et de la reine
Jour de l’arrivée de Sa Majesté
à Strasbourg, le 5 octobre 1744, fut
Louis XV à Strasbourg, extraite
officiellement le nom et la fonction
la rue des Serruriers et de la rue
marquée par des fêtes splendides.
de l’ouvrage de Jean-Martin
d’Hôtel de Ville. Dans ses locaux,
de l’épine.
Le nouvel Hôtel de Ville et toutes les
WEIS, La représentation des fêtes
maisons environnantes brillaient de mil-
données par la ville de Strasbourg
une grande salle retient l’attention :
liers de lampions et la flèche scintillante
pour la convalescence du roi ;
de la cathédrale dominait ce vaste foyer
à l’arrivée et pendant le séjour
tendus de drap vert, on pouvait voir
de lumières. Dans la suite des grandes
de Sa Majesté en cette Ville.
un grand tableau avec figurations
planches commémorant cette visite
Paris, Laurent Aubert,
royale, gravées par Le Bas, graveur du
(vers 1745).
de Junon, de Vénus et de Minerve,
cabinet du Roi, d’après les dessins de
Collection Bibliothèque Alsatique
un portrait de l’Empereur Rodolphe,
Jean-Martin Weis, graveur de la Ville de
du Crédit Mutuel.
des paysages. Après la capitulation
celle du premier étage. Aux murs
le buste de mercure.
Strasbourg, figure la représentation de
de 1681, l’effigie de Louis XIV et
l’édifice de l’Hôtel de Ville, de la Place
plus tard celle de Louis XV vin-
le portail principal de l’Hôtel du Commerce
rent enrichir l’ensemble. Après la
Photo Citeasen.
devant le dit Hôtel, des bâtiments adjacents.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
Divinité romaine du commerce orne
21
22
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Chroniques
du monde
En 1792, la Marseillaise est créée à la demande du maire de Strasbourg
1776
Dans le conflit qui oppose, en 1792,
Proclamation
la France au roi de Bohême et de Hon-
de l’indépendance
grie, Strasbourg, ville-frontière, est en
des Etats-Unis.
première ligne. L’unanimité patriotique amène le jeune officier Rouget de l’Isle à composer, à la demande du maire Philippe-Frédéric Dietrich, un chant pour l’armée du Rhin prête à partir au
1778
combat. La Marseillaise est chantée, pour la première fois, au domicile du maire strasbourgeois, le 26 avril 1792.
Le jeune prodige Mozart se produit à Strasbourg.
Depuis des semaines, les esprits en
Pillage de la maison de la ville de Strasbourg le 21 juillet 1789. Iconographie extraite de l’Album alsacien.
ébullition suivaient avec impatience
Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
les événements de Versailles et dirigeaient leur animosité non point
La tension monte encore d’un cran
et la destruction entamés la veille.
défoncés et vidés, le vin emporté.
contre la Royauté mais contre le
quand des pierres et des pommes
Les archives de la Ville sont relati-
L’ivresse finit par avoir raison des
régime suranné de la Ville libre
de terre se mettent à pleuvoir dans
vement épargnées.
émeutiers et la foule se disperse
royale, entre les mains d’un certain
les vitres du premier étage, en pré-
nombre de familles. Le 20 juillet,
sence des troupes qui demeurent
une délégation de bouchers se pré-
impassibles.
sente à l’Hôtel de Ville demandant
Faute d’opposition aux excès des
la suppression de l’accise (impôt
insurgés, l’émeute prend le lende-
indirect) et l’acceptation pure et
main une ampleur désastreuse. Le
simple de son cahier de doléan-
21 juillet 1789, le Neubau est pris
ces. On parvient à les calmer avec
d’assaut. Se déroule alors la scène
de bonnes paroles. L’après-midi,
fixée par la gravure qui orne la
les différentes commissions étant
plupart de nos manuels d’histoire.
réunies à la hâte dans leurs salles
Des compagnons de tous métiers,
En revanche, les tableaux, les sou-
respectives, un groupe d’émeutiers
maçons et charpentiers, arrivent
venirs historiques, le mobilier se
armés de marteaux, de haches
avec des échelles et des leviers et
retrouvent saccagés, jetés par les
et de scies entoure le Neubau de
escaladent l’édifice par les fenêtres
fenêtres, les carrosses et harnais de
tous côtés.
déjà béantes, complétant le pillage
la ville détruits, les tonneaux de vin
toujours sous l’œil bienveillant de la
Faute d’opposition aux excès des insurgés, l’émeute prend une ampleur désastreuse
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
garnison restée l’arme au pied.
1780 Jean-Pierre Clause, cuisinier du maréchal de Contades, est l’inventeur d’une des gloires culinaires de la province : le foie gras.
1789 Début de la Révolution Française.
23
Cour du n°2 rue Sainte-Barbe. (Maison Edel), 1750-1760.
La Révolution, une profonde césure dans l’histoire économique Inflation galopante, pénurie monétaire, agriculture épuisée, industrie en
La tourmente révolutionnaire plonge le Neubau dans la déchéance
difficulté, commerce désorganisé : la Révolution a fortement perturbé la vie économique. Le bilan est ambivalent. Elle a conduit à la suppression du carcan corporatiste et la
La République de Strasbourg est
La vente des biens nationaux ayant
sommaires que nécessite
morte et une page de plus de cinq
rendu libre l’ancien palais épisco-
d’une élite économique désormais
l’état de l’édifice saccagé,
cents ans d’histoire est tournée.
pal, le Château des Rohan, la Ville
associée à la vie politique. Mais
l’ancien Magistrat de la Ville libre se
Pendant toute la première période
en fait l’acquisition et y installe ses
réfugie provisoirement à l’Aubette.
de la Révolution, le cabinet du
services en 1793.
Sa réinstallation dans l’Hôtel de la
nouveau maire est le centre de
place Saint-Martin, qui allait pren-
l’activité municipale. Nuit et jour,
dre le nom de place du Marché-
son antichambre est pleine de sol-
aux-Herbes avant de devenir en
liciteurs. Bientôt, le Conseil décide
favorisés aussi par la spéculation et la
1840 place Gutenberg, est de
l’installation d’une galerie dans la
contrebande. Aussi, lorsque Napoléon
courte durée. Le 18 mars 1790,
grande salle et cent citoyens peu-
le dernier Stettmeister régnant, le
vent assister aux séances désor-
baron de Wurmser de Vendenheim,
mais publiques.
P
remet solennellement le sceau de la Ville au nouveau maire élu, Philippe-Frédéric Dietrich.
la liberté d’entreprise et l’émergence
elle a aussi entraîné une profonde déstabilisation de la vie économique avec de lourds prélévements pour le financement des armées et de la guerre, une hausse de l’inflation et la chute des assignats qui ont provoqué d’importants transferts de fortune,
Bonaparte prend le pouvoir le 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799), après avoir laissé au Strasbourgeois Kléber le soin de gérer l’armée fran-
Philippe-Frédéric Dietrich (1748-1793). Maire de Strasbourg. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
24
disparition de la noblesse au profit de
endant les réparations
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
çaise en Egypte, c’est un soulagement général qui se manifeste.
1802
1803
1808
L’arrêté consulaire du 3 nivôse
La Chambre de Commerce
La Chambre de Commerce
de l’an XI crée les Chambres
de Strasbourg tient sa première
fait l’acquisition du Neubau.
de Commerce.
assemblée plénière.
perdu son statut d’Hôtel de Ville, le
La disparition du corps des marchands crée un vide institutionnel
le temps des revendications
Neubau reste alors sans affectation
L’histoire n’en a pas fini pour autant
Le 17 avril 1789, les négociants et
et commence à sombrer dans une
de jouer avec le Neubau qui, entre
déchéance progressive avant d’être
temps, a tout de même dépassé les
vendu à des particuliers.
200 ans d’existence.
Les nouvelles institutions municipales y resteront jusqu’en 1804, date à laquelle la ville offre le bâtiment à l’Empereur pour en faire une résidence impériale. Ayant
Le Neubau vendu aux plus offrants Au lendemain de la Révolution, le Neubau est vidé de son contenu. En mars 1793, on démolit l’arche de pierre qui le reliait à ce qui restait de l’ancienne Chancellerie, par-dessus la rue des Serruriers. Les caves furent mises en
ment. Mais il faut encore attendre
La Révolution les a détruites et avec
une décennie pour que l’arrêté
elles ont disparu cette surveillance,
ministériel du 3 nivôse an XI (soit
de chaque jour, ces leçons de l’ex-
le 24 décembre 1802) institue les
périence, ces conseils donnés pour
Chambres de Commerce dans 22
l’intérêt de chacun et ces moyens
villes françaises, dont Strasbourg.
féconds d’amélioration qui naissent
L’initiative revient à Jean-Antoine
de la connaissance des besoins et
Chaptal, Ministre de l’Intérieur et
des ressources de chaque localité.»
des autorités un cahier de doléances.
de l’Industrie, qui œuvra pour le
Plus tard, il parlera des Chambres
Archives départementales du Bas-Rhin.
rétablissement des Chambres de
de Commerce comme «des foyers
Commerce. Le texte qu’il adressa
de lumière destinés à éclairer le
aux consuls en ce sens est resté
gouvernement sur l’état et les
célèbre. «Ces institutions étaient
besoins de l’industrie.»
bourgeois enregistrés à la Tribu du Miroir de Strasbourg, ont déposé auprès
La tourmente révolutionnaire abolit
sages, elles étaient populaires
les corporations. A Strasbourg,
et conservatrices de tout ce qui
la disparition du Corps des
peut intéresser la prospérité du
Marchands crée un vide institu-
commerce.
tionnel qui ne tarde pas à se faire
location et le premier étage mis à la disposition du Tribunal de Commerce
sentir. Résultat : la municipalité
récemment institué. Enfin, Le 9 fructidor an III (1795), le bâtiment fut vendu
autorise dès 1790 la formation d’un
en trois lots aux plus offrants pour une somme globale de 4 200 000 livres
«Comité du Commerce» destiné a
valant à cette époque 105 000 francs. Ils fondent une société par actions pour le gérer et le transforment pour le rentabiliser. On ne sait pratiquement rien de ces transformations qui ont pourtant contribué à la disparition d’une
conseiller avisé Jean-Antoine Chaptal, Ministre de l’Intérieur et de l’Industrie, est
étudier la création d’une Chambre
l’auteur d’un texte célèbre qui fait la pro-
de Commerce. L’idée séduit large-
motion des Chambres de Commerce.
partie de l’aménagement d’origine du bâtiment.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
25
Jean-Georges Schertz. Président de la Chambre de Commerce de 1803 à 1818. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
Des mots qui auront convaincu
Deux membres influents exercent,
Bonaparte qui confirme par le
aux côtés du Préfet, les fonctions
fameux arrêté consulaire le réta-
de vice-président entre 1808 et
blissement ou l’instauration des
1831 : Jean-Georges Schertz et
Chambres de Commerce.
Jean-Georges Humann.
A Strasbourg, l’élection - par une
Une gestion fructueuse permet à la Chambre de Commerce d’acquérir le Neubau en 1808
cinquantaine de négociants - des neuf premiers membres de la Chambre de Commerce a lieu le 27 janvier 1803. La première séance se tient deux mois plus tard, le 23 mars 1803.
Peu de temps après sa constituNomination de chargeurs - bâcheurs (1809). Archives départementales du Bas-Rhin.
tion, la Chambre devient la principale administratrice de la Douane, un des plus vastes entrepôts de la ville et perçoit le paiement de deux taxes - l’une pour l’emmagasinage des marchandises, l’autre pour le pesage à la Balance Publique - qui constituent la majeure partie de ses recettes.
Jean-Georges Schertz : engagement, punch et conviction Forte
personnalité,
très
engagé
dans
les
dossiers
économiques
:
Jean-Georges Schertz a marqué de son empreinte le premier mandat de vice-président. Cet entrepreneur exerçait le commerce de la laine et du papier et exportait principalement vers l’Allemagne. Assesseur et trésorier du Corps des Marchands, Président du Comité du Commerce puis du Conseil du Commerce : il joua très tôt un rôle de premier plan dans l’administration
Vue de la Douane.
Par Sandmann (vers 1840). Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
commerciale strasbourgeoise. Jean-Georges Schertz figura tout naturellement parmi les membres de la nouvelle Chambre de Commerce. Sous son impulsion, les élus se rencontraient très régulièrement, une à deux fois par semaine.
26
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Elle délègue dans ce cadre ses pou-
Le bâtiment a capacité à accueillir
Le deuxième étage fut partagé en
Cette acquisition n’est pas sans
voirs au «Préposé du Commerce»
la Bourse, le Tribunal de Commerce
quatre logements de fonction. Les
contrainte. Lors de la vente à la
qui tient une comptabilité rigou-
et la Chambre de Commerce.
procès-verbaux de la Chambre
Chambre de Commerce du ter-
de Commerce rendent compte
rain de l’ancienne Chancellerie, la
des discussions qui eurent lieu
ville avait demandé qu’une belle
pour l’aménagement intérieur de
construction vînt ennoblir la place.
l’ancien Hôtel de Ville dont rien ne
Elle restait ainsi fidèle aux idées
subsistait après le pillage de 1789
d’urbanisme du Magistrat du 16 ème
et les transformations faites depuis
siècle. Lorsque la Chambre prend à
lors par les nombreux occupants.
son actif l’ancien Hôtel de Ville, la
reuse et dresse des inventaires de la marchandise entreposée. La Chambre recrute aussi les «chargeurs-bâcheurs» et les «brouetteurs», soit une quarantaine d’hommes.
Prix d’achat du Neubau : 196 000 francs
Cette gestion est si fructueuse que la Chambre peut acquérir, en
Et surtout, il est situé sur une
municipalité lui demande de réa-
1808, l’hôtel qui depuis cette date
grande place, au cœur du quar-
liser un projet nourri depuis long-
abrite ses services. Le prix d’achat
tier commerçant. La Bourse sera
temps par l’ancien Magistrat : le
s’élève à 196 000 francs auxquels
installée au rez-de-chaussée, la
prolongement de la façade vers la
s’ajoutent 86 415 francs pour la
Chambre au premier étage ainsi
rue de l’Arbre Vert et l’élargissement
remise en état et l’aménagement
que le Tribunal de Commerce avec
Nouvelle avancée
de cette ruelle. Attenant à l’édifice,
intérieur. Les bénéfices d’un tel
cinq pièces et une grande salle de
Le 26 mars 1791, les autorités
il subsiste une vieille maison, l’an-
investissement sont soulignés lors
réunion.»
approuvent la formation d’un Comité
cienne auberge «Zum grossen
du Commerce. Comme l’atteste
Kameelthier». Elle est acquise en
de la séance du 30 juin 1808.
cet extrait du Registre
«Le rez-de-chaussée entièrement
du Corps municipal.
voûté offre toutes les conditions de sécurité pour le dépôt des
1811 mais plus d’un demi-siècle
Archives départementales
devait s’écouler jusqu’à la réalisa-
du Bas-Rhin.
tion du projet d’agrandissement de
archives.
la «Maison du Commerce» selon le terme qui lui était consacré à l’époque, avant qu’elle ne devienne l’Hôtel du Commerce.
La Douane.
Lithographie de N. Simon dessinée à la plume par L.A. Perrin (19e). Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
27
Strasbourg au rang de premier port fluvial européen
A
u-delà de ces questions
Elle dirige aussi le transit des mar-
Le personnel consulaire, lui, est
immobilières, l’activité de
chandises mais aussi le contrôle
très réduit : un trésorier, un secrétaire, un garçon de bureau.
la Chambre de Commerce
de la navigation sur le Rhin grâce
s’intensifie. Au fil du temps, elle
au poste de Neubourg, près de
participe à tous les grands projets
Lauterbourg, et avec l’aide des
régionaux comme la construction
bateliers de Strasbourg qui dépen-
du canal du Rhône au Rhin.
dent de la Chambre.
Elle s’intéresse aux projets et inventions qui accélèrent les progrès agricoles, industriels et commerciaux.
La Chambre de Commerce est sèchement rappelée à l’ordre L’article 4 de l’arrêté ministériel du 3 nivôse de l’an XI définit les fonc-
La douane.
Photographie de Jules Manias extraite de son Album de Strasbourg, J. Manias & Cie, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
tions attribuées par l’administration aux Chambres de Commerce.
Cortège sur la terrasse du château des Rohan en l’honneur de Napoléon 1er et de l’Impératrice Joséphine. Eau forte, dessinée par B. Zix et gravée par C. Guérin, 1806.
Il s’agit d’abord d’une mission consultative. La Chambre a notamment pour
Mais elle sera très vite amenée à les
objectif d’étudier les moyens
dépasser en intervenant avec force
d’accroître la prospérité du com-
au niveau des revendications com-
merce. Elle est par ailleurs inves-
merciales de la région, en prenant
tie d’une mission de contrôle :
des initiatives dont l’administration
surveiller l’exécution des travaux
centrale prendra ombrage. Ainsi,
publics relatifs au commerce
en 1806, lorsque la Chambre rend
comme le curage des ports et l’ap-
publiques ses pétitions, ses mem-
plication des lois et arrêts concer-
bres seront sèchement rappelés à
nant la contrebande.
l’ordre par une lettre du Ministre de
La Chambre de Commerce rem-
l’Intérieur.
plira à merveille ces fonctions.
28
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
Une allée du pouvoir à Strasbourg
Le début du 19ème siècle ouvre une période de grande prospérité dont
Le Neubau constitua une paren-
la Chambre de Commerce profita
thèse dans l’histoire mouvementée
largement. Le premier Empire,
du centre administratif. Il ne joua,
qui va donner à tant d’Alsaciens
en effet, le rôle d’Hôtel de Ville
l’occasion de s’illustrer et de se
que de 1779 à 1793 avec un bref intermède à l’Aubette après les
couvrir de gloire sur les champs de
événements de 1789. Peu à l’aise
bataille, donne à Strasbourg un rôle
dans les locaux du Neubau surpeu-
de plaque tournante à dimension
plé, renouant avec les traditions
européenne.
séculaires, la nouvelle municipalité déménagea au Château des Rohan
Sous le double effet du blocus
vendu comme bien national
continental et des opérations mili-
et acquis par la ville en 1793.
taires en Allemagne, en Autriche
Episode de courte durée également
et en Russie, Strasbourg devient
car en 1804, la ville fut priée
un des principaux entrepôts de
Source de recettes
de trouver une résidence digne
marchandises de toute la France.
Jusqu’en 1854, la Halle commerciale est
Empereur. Nul autre ne semblait
administrée par la Chambre de Commerce.
La ville se hisse ainsi au rang de
Cet établissement génère d’importantes
premier port fluvial européen et de
rentrées d’argent.
capitale du vin.
Archives départementales du Bas-Rhin.
et convenable à Napoléon sacré envisageable que le Château des Rohan transformé ainsi en palais impérial. En 1805, la municipalité emménagea donc dans l’actuel Hôtel de Ville rue Brûlée qui devint ainsi une véritable «allée du pouvoir» regroupant presque côte à côte l’Evêché, le Commandement Militaire, l’Hôtel du Préfet
Napoléon stigmatise la haine et l’or de l’Angleterre
et l’Hôtel de Ville. Et si aujourd’hui encore, l’Hôtel de Ville siège rue Brûlée, le centre administratif s’est déplacé dans des locaux plus
Sceau apposé sur un «Passe-port». Délivré par le Duc de Noailles aux négociants strasbourgeois lors des opérations militaires sur le Rhin entre 1743 et 1745. Archives départementales du Bas-Rhin.
Du 26 septembre au 1er octobre
vastes, place de l’Etoile, au croise-
1805, en route pour ce qui allait
ment des voies de passage
être une des plus glorieuses cam-
les plus importantes.
pagnes de l’Empire (Ulm, Austerlitz, paix de Presbourg, l’actuelle Bratislava), l’Empereur est accueilli à Strasbourg par un mélange de grandes fêtes solennelles et de liesse populaire. Lors de ce passage, il stigmatise, dans une fameuse proclamation aux armées, «la haine et l’or de l’Angleterre».
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
29
l’hôtel de ville (die pfalz). Extrait de J. Naeher, Baudenkmäler der Freiherren von Müllenheim im Elsass. 1905.
30
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
l’institution
ses missions, ses débats, ses batailles
Coeur battant La période qui s’ouvre est riche en événements politiques et économiques. L’Alsace connaît l’essor industriel le plus rapide de toute son histoire. La Chambre de Commerce se montre très active et multiplie les initiatives. Loin de marquer un coup d’arrêt, le passage sous domination allemande conforte cette dynamique prodigieuse.
1808 1914
Jean-Georges Humann, la formidable ascension du «contrebandier»
Hommes d’affaires, négociants et spéculateurs
Une ère de grande prospérité
Jean-Georges Humann entre à la Chambre en 1811. C’est sa première participation officielle à l’administration des affaires commerciales de la région. Le début aussi d’une longue carrière qui le mènera au fauteuil de Ministre des Finances de Louis-Philippe de 1832 à 1836 puis
soit des souscriptions, soit d’une
avait retiré de la gestion directe de la
de Commerce est
contribution proportionnelle que la
halle pendant la Révolution. C’est à
ascensions sociales du début du 19ème
donc l’heureuse pro-
loi du 19 mars 1801 autorisait à
ce dernier système qu’on s’arrêta :
siècle. Nombre d’historiens s’accordent
priétaire du Neubau
lever sur les patentes du commerce.
toutes les autorités de l’époque
et se félicite de posséder, selon
Ou consentir volontairement, dans
en reconnurent la convenance,
ses propres termes, un siège à la
la seule intention d’une construction
la justice et la nécessité. L’ancien
hauteur de son statut. Les archives
ou d’une acquisition, à une aug-
hôtel de ville, dont la construction
de l’ancien Corps des Marchands
mentation temporaire des droits de
en témoignent. «Tous les efforts des
magasinage sur les marchandises
négociants, toutes leurs démarches
déposées à la halle ou douane. Le
n’eurent qu’un but, celui de se
décret du 25 brumaire an XIV (1806)
procurer les moyens d’acquérir un
avait, en effet, autorisé la ville de
immeuble qui pût servir à l’établis-
Strasbourg à affermer au commerce
sement de la Chambre, du Tribunal
par bail de dix-huit ans la somme
et de la Bourse. Deux moyens s’of-
annuelle de douze mille francs.
fraient au choix de la Chambre de
Celle-ci surpassait de beaucoup le
Commerce : recourir à la ressource,
produit net que la caisse municipale
E
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de 1840 à 1842. D’origine paysanne,
n 1808, la Chambre
il incarne l’une des plus formidables
pour affirmer que sa fortune considérable est largement due à la contrebande sur le Rhin renforcée par la mise en place du blocus continental par Napoléon. Vrai ou faux ? Le Préfet Lezay-Marnésia déclara à son égard «que l’on peut être en même temps contrebandier et honnête homme.» Humann se révèle quoiqu’il en soit le plus
Jean-Georges Humann.
Président de la Chambre de Commerce de 1819 à 1831. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
gros importateur de denrées coloniales (sucre, café, tabac, poivre...) et de coton. Très introduit dans les milieux parisiens de la finance, il y défend efficacement les intérêts strasbourgeois. Appelé à des fonctions au niveau de l’Etat, qui le retiennent très souvent dans la capitale, il se voit contraint de démissionner de son poste de président de la Chambre de Commerce en 1831.
1810
1819
1831
1838
1839
La Chambre de Commerce réagit
Jean-Georges Humann est
François-Charles Sauvage accède
Jean-Conrad Sengenwald devient
François-Charles Sauvage revient
vivement contre l’introduction
élu président de la Chambre
à la présidence de la Chambre de
président de la Chambre
aux commandes de la Chambre
d’un monopole d’Etat sur la culture
de Commerce.
Commerce.
de Commerce.
de Commerce.
et la transformation du tabac.
remonte à la dernière moitié du
passé qui se sont consacrés aux
seizième siècle, réalise la pensée
intérêts publics et y ont défendu
de la Chambre qui voulait une
les libertés muncipales dans le
demeure digne du commerce. Elle
même temps que la plupart des
offre une architecture du meilleur
membres du respectable Corps des
style et du plus bel effet sur la place
Marchands de Strasbourg.» (Extrait
Gutenberg. Enfin, elle a pour un
des archives de l’ancien Corps des
grand nombre, comme tout monu-
Marchands de Strasbourg années
à modérer les droits de douane
ment d’un aspect essentiellement
1861 à 1863).
et abandonner le système prohibitif.
Haro sur la fraude Pour la Chambre de Commerce, le seul moyen de réprimer la fraude consiste
Lettre des membres de la Chambre
historique, ce charme des souvenirs
de Commerce adressée au Ministre
que nous laissent les hommes du
de l’Intérieur. Archives Départementales du Bas-Rhin.
Trente ans de projets autour de la place Gutenberg
Place Gutenberg. Lithographie de E. Hubert, 1885, Cab. des Estampes,
En cette première moitié du 19ème
Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
siècle, Strasbourg devient un carEntre 1780 et 1809, les trans-
four du commerce international :
formations de la place Guten-
cafés, sucres, épices, cotons à l’im-
retour à une prospérité éclatante
surtout par les négociants qui aspi-
berg firent l’objet de différents
portation ; blés, vins, huiles, fruits
fait ainsi oublier bien des excès.
rent à la paix. Réfection des routes,
n’aboutit. Seule la décision de
à l’exportation. Strasbourg, place
Et si l’âge est aux entrepreneurs
construction d’un nouveau pont sur
démolir la Pfalz emporta l’ad-
avancée pour le ravitaillement et
brillants, il appartient aussi aux
le Rhin : les investissements publics
hésion
l’équipement des armées françai-
«héros» qui savent tirer un bénéfice
constitue des gages pour l’avenir.
ses, au cœur du blocus continental,
individuel de la gloire napoléo-
Gutenberg jusqu’à ses limites
est aussi une plate-forme d’échan-
nienne. Le Consulat et l’Empire sont
actuelles.
ges, de trafic et de contrebande. Le
bien accueillis par la population et
concours d’architectes. Aucun
Sa
des
Strasbourgeois.
destruction
détermina
l’agrandissement de la place
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
35
C’est à cette époque qu’émerge
Elle porte sur les cotonnades, les
une élite d’hommes d’affaires,
mousselines, les produits exotiques
banquiers, négociants, spéculateurs
les plus divers et désespère l’active
qui manie les capitaux sur une
administration des douanes parce
grande échelle. Beaucoup sont
qu’elle implique les personnages
des contrebandiers honorables
les plus divers, de tous rangs et de
qui justifient leur activité comme
toutes fortunes.
une licite réaction contre d’injustes prohibitions. «Manufacture vis-à-vis la Douane à Strasbourg» Carte de visite des Ets Halder. Cab.des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
Vue d’ensemble de la ville. photographie de Jules Manias, extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
36
Il reste que l’essor économique
- les Bussière, Humann, Saglio... -
Willgottheim, dans le Kochersberg,
est impressionnant comme l’at-
prirent l’habitude de fréquenter
il compte parmi les plus riches
teste le trafic fluvial qui passe
le casino littéraire et commer-
commerçants du Bas-Rhin, avec
de 2 000 tonnes avant 1799
cial, une sorte de cercle installé
une fortune de 1,5 million de
à près de 28 000 tonnes en 1812.
dans les étages du Neubau.
francs.
De formation cosmopolite et multi-
Jean-Georges Humann, le suc-
confessionnelle, plus commerçante
cesseur de Schertz à la tête de la
que fabricante, tirant sa fortune
Chambre de Commerce en 1819,
d’une variété extraordinaire d’acti-
appartient à ce milieu tout en étant
vités commerciales, cette bourgeoi-
atypique puisque de modeste ori-
sie illustre l’influence des réseaux.
gine (à l’inverse des Turckheim
Les hommes d’affaires de l’époque
ou de Dietrich). Originaire de
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
sucre et le tabac. Mais on reste loin
célèbre adresse de la Chambre de
tions que le bien de l’Etat rendait
des millionnaires de l’industrie du
Commerce à l’Empereur en date
plus nombreuses dans un dépar-
Haut-Rhin. Surtout, cette tendance
du 19 décembre 1810 à propos de
tement qui a été le passage des
au protectionnisme conduit à des
la fabrique de tabac. «L’annonce
plus grandes armées des temps
jugements nuancés.
d’un monopole qui n’avait jamais
modernes. De là encore, le prompt
Ainsi, le blocus continental est
affligé nos campagnes et nos vil-
acquittement des contributions
loin d’avoir poussé l’industrie alsa-
les, les frappe de douleur et de
et ce grand mouvement dans les
cienne dans un sens uniquement
consternation. Dans leurs alarmes
ventes et les reventes, qui porte au
favorable. La prospérité s’avère
mutuelles, elles invoquent avec une
Trésor Public de nouveaux tributs.
d’ailleurs très éphémère et atteint
confiance respectueuse l’affection
Tant d’avantages seront-ils sacri-
son apogée en 1810. Mais dès
que Sa Majesté a constamment
fiés à l’établissement d’une régie
cette date, le déclin s’amorce. Les
portée à ses peuples. Disséminée
privilégiée ?»
autorités ne tardent pas à réagir.
dans le département du Bas-Rhin
Engagée dans un bras de fer avec l’Etat La Chambre de Commerce, préci-
Le bienfait du tabac La culture et la transformation du tabac
sur 6 000 hectares, la culture du tabac améliore les terres, en
constituent une véritable richesse
double la valeur et le produit.
du département. Comme le confirme cet
De là, la prospérité de nos campa-
arrêté du Préfet du Bas-Rhin en date du 21 octobre 1846 relatif à la construction
gnes, les ressources qui leur ont
d’une nouvelle manufacture des tabacs.
permis de se livrer à tout l’élan de
Archives Départementales du Bas-Rhin.
leur zèle à chacune des réquisi-
sément, s’impose dans l’actualité. Véritable aiguillon, elle est notamment à la pointe du combat antiprotectionniste. Le libéralisme coule
Der neue Bau Photographie de Jonny Lüsing, Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
dans les veines de la Chambre : il
Le Neubau, un fiasco financier ? En 1810, la Chambre de Commerce fait l’acquisition de la maison dite
est sa perspective.
«zum grossen Kameelthier», bordant la rue de l’Arbre Vert. L’investissement
L’industrie est moins porteuse
De tous temps, depuis sa création,
préfigure de grands travaux mais il faudra attendre presque soixante ans
de richesse. Strasbourg connaît
la Chambre a porté haut l’ambition
avant de les voir concrétisés. Car entre-temps, la chute de l’Empire chan-
depuis 1789 bien plus d’artisans
de l’économie régionale, mais tou-
aux productions variées que de
jours en dépassant les dimensions
fabricants ou de spécialistes d’une
et les préoccupations nationales.
Minée par les problèmes financiers, la Chambre doit se résoudre en
seule activité. L’ère napoléonienne
Aussi, l’annonce de l’introduction
1823 à vendre la maison acquise rue de l’Arbre Vert et à louer à prix
voit fleurir l’industrie cotonnière
d’un Monopole d’Etat sur la culture
qui bénéficie des effets du blocus
et la transformation du tabac, en
tent un rude coup à la capacité financière de la Chambre. Le fleuve
continental. A l’abri des tarifs pro-
décembre 1810, soulève-t-elle l’in-
emprisonné accélère son cours devenant ainsi dangereux pour la naviga-
tectionnistes et de la concurrence
dignation en Alsace. La Chambre
anglaise, plusieurs secteurs mon-
s’engage alors dans un bras de
tent en puissance, en particulier le
fer avec l’Etat. Signalons ici une
ge la donne. La Chambre loue en 1817 son local du rez-de-chaussée aux commissaires-priseurs pour les adjudications publiques. Ses revenus reculent en raison de l’Union Douanière allemande (Zollverein) de 1819.
élevé une partie de ses locaux, notamment au Cercle du Commerce. Plus encore, les travaux d’endiguement du Rhin achevés en 1840 por-
tion. Conséquence : le chemin de fer s’avère rapidement plus rentable. Et en 1855, douane et entrepôts sont transférés du port vers la gare, ce qui appauvrit les recettes de la Chambre de Commerce.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
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La place gutenberg et la statue de gutenberg. D’après une gravure de Asselineau extraite de l’ouvrage «Le Vieux Strasbourg» 1836-1847.
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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
l’hôtel du commerce. à l’extrême gauche, on distingue l’extension du bâtiment réalisée en 1868. Photographie vers 1900.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
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Les Fêtes de Gutenberg symbolisent l’apogée du monde des métiers a grande affaire des tabacs
Ce n’est qu’en 1832 que la loi sur
sur la multiplication de petits éta-
fut jugée par les partisans
le transit permet au commerce de
blissements - moulins, brasseries,
du monopole administratif
reprendre un certain essor. Dès
tanneries - et sur la diversité des
au point de vue du budget géné-
1834, la Chambre peut renoncer,
métiers artisanaux. L’inauguration
ral de l’Etat et des sommes qu’il
au moins provisoirement, au prélé-
de la statue de Gutenberg, en
procure au Trésor, mais contrai-
vement de ces centimes addition-
1840 - et le «cortège industriel»
rement aux principes de la liberté
nels. A l’inverse, les efforts déployés
qui l’accompagne - rend un hom-
industrielle que la Chambre de
par la Chambre de Commerce
mage appuyé à tous ces corps de
Commerce et ses délégués plai-
pour l’abrogation du décret du 29
métiers.
dèrent avec chaleur toutes les fois
décembre 1810 et la restauration
que les projets de prorogation du
de la liberté du commerce du tabac
monopole étaient soumis à la légis-
se soldèrent par un échec.
lature.» (Extrait de l’exposé des tra-
Entre 1840 et 1870, le processus
vaux de la Chambre de Commerce
d’industrialisation repose sur une
de Strasbourg, années 1861 à
accumulation d’ateliers d’artisans,
L
1863, archives de l’ancien Corps des Marchands de Strasbourg). Malgré l’activisme de son président, Jean-Georges Humann, un nombre considérable de pétitions, l’appui de membres de la famille
Brasseurs et tonneliers. Lithographie de E. Simon, extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 juin 1840. E. Simon fils éditeur, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
Gutenberg, «phare de l’intelligence humaine» En 1840, Strasbourg célébra magnifiquement le 400ème anniversaire de l’invention de l’imprimerie. Les fêtes durèrent trois jours, du 24 au 26
royale tel que le Duc d’Angoulême,
juin 1840. Temps fort de l’événement : l’inauguration de la statue de
les efforts de Strasbourg seront
Gutenberg, figure emblématique de l’artisanat. Les sonneries des clo-
vains. Le déclin du commerce strasbourgeois oblige la Chambre
ches et des salves d’artillerie annoncèrent au loin l’instant où on enleva le voile qui recouvrait le monument, œuvre du sculpteur David d’Angers. Spectacle imposant et grandiose quand le voile tomba des flancs de
de Commerce, privée des revenus
cette énergique figure, quand des milliers de voix chantèrent en chœur
de son entrepôt, à imposer en
et quand sur une large estrade, d’éloquentes voix proclamèrent l’ac-
1826 à ses ressortissants, et pour la première fois, des centimes additionnels à la patente.
tion bienfaisante de ce phare de l’intelligence humaine. Le lendemain, un brillant cortège industriel, dans lequel figuraient tous les corps de métiers, traversa les principales rues de la ville. La troisième journée fut consacrée à l’ouverture d’une exposition des produits de l’industrie alsacienne dans les salles du Château.
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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
«Les élèves de l’Ecole industrielle ouvraient la marche dans le costume le plus grâcieux»
de mille couleurs. Les serruriers
gues tresses. Les menuisiers et
accompagnaient plusieurs chariots
les charrons, tous armés des outils
énormes avec des forges de cam-
de leurs métiers, conduisaient
pagne allumées, battaient en che-
des chars ornés de chefs-d’œuvre
minant le fer sur leurs enclumes et
industriels : escaliers tournants,
lançaient au loin les étincelles.
buffets d’orgues, modèles de char-
Les maréchaux avaient combiné
pente, de diligence, de placage,
des fers à cheval sous forme de
tout cela si bien exécuté, si habile-
La France et l’étranger ont appris
dessins de la structure la plus
ment décoré.
à les connaître et à les apprécier.
originale.
Que dire des bouchers vêtus de
Ils ont montré ce que peut sur
rouge, la hache et le couteau à la main, escortés de tout petits
l’Ecole industrielle ouvraient la mar-
«Et ces pêcheurs, amenant un bateau plein de carpes du Rhin, énormes et sautillantes»
che dans le costume le plus grâ-
Les chaudronniers, armés de pied
ces pêcheurs amenant un bateau
cieux, les uns armés de compas,
en cap, la tête couverte de gros
plein de carpes du Rhin, énormes
eux le sentiment bien placé de l’honneur national. Aussi, c’est à eux que s’adresse l’admiration de ceux qui ont assisté à nos fêtes.» Les récits du Courrier du Bas-Rhin de l’époque relatent dans le détail le cortège industriel. «Les élèves de
bouchers armés de tout petits couteaux et de filles de quinze ans en robes de mousseline et en gants blancs ? Et les meuniers traînant sur un char à six chevaux un moulin complet, un moulin qui donnait de la farine véritable. Et
les autres de règles, d’instruments
casques en cuivre, poussaient
et sautillantes. Et ces imprimeurs,
Les Fêtes de Gutenberg, le cortège industriel du 25 juin 1840.
de physique. A leur suite venait un
un appareil-modèle à distiller en
les rois de la fête, qui tiraient des
Lithographie de E. Schweitzer, extraite de l’ouvrage Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu’en 1870. A. Seyboth, 1894. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
char sur lequel ils avaient orga-
pleine activité. Les jardiniers se
milliers d’exemplaires d’un hymne
nisé des machines que plusieurs
sont surpassés et leur exhibition a
à Gutenberg, répandu à grands flots sur les spectateurs...»
d’entre eux faisaient fonctionner.
dépassé tout ce que la féérie peut
Ces fêtes éclatantes couronnent
le magnifique spectacle donné par
Les selliers conduisaient un cheval
imaginer de plus ravissant. Les
la première moitié du 19ème siè-
une patriotique population d’arti-
magnifiquement enharnaché. Les
teinturiers, les tisserands, les cor-
cle. Elle symbolisent l’apogée du
sans et d’ouvriers. «Nos braves arti-
peintres, les vitriers, les tamisiers,
donniers, les cordiers, les tanneurs
monde des métiers avant l’arrivée
sans n’ont reculé devant aucune
précédés de bannières, d’emblè-
avaient trouvé moyen d’embellir
du chemin de fer et le début de
dépense, devant aucun sacrifice
mes, de tableaux de toute espèce
les produits de leur industrie et de
l’ère industrielle. La presse de
pour soutenir dignement la gloire
disposés avec un goût admirable,
les exposer en groupes de l’aspect
l’époque ne tarit pas d’éloges sur
de la ville de Strasbourg. Grâces
amenaient avec eux des légions de
le plus agréable. Les coiffeurs ont
cet événement. On put y lire la pro-
leur en soient rendues !
charmants petits enfants avec leurs
envoyé à la cérémonie de petits
habits bleus, roses, lilas, bariolés
détachements d’enfants aux lon-
fonde impression qu’avait laissée
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
41
Tanneurs. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
Brasseurs et tonneliers. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
42
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
teinturiers. Lithographie de E. SIMON extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
Papetiers. Lithographie de E. Simon extraite de l’ouvrage Le cortège industriel de Strasbourg 25 Juin 1840. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
43
Panorama des Vosges et du Chemin de fer de Strasbourg à Bâle. Lithographie de E. Simon, 1842.
La révolution industrielle est en marche
L
a révolution de 1848 et
nombreux établissements remonte
textiles, chimiques, alimentaires,
l’instauration du Second
à une époque antérieure : les
brasseries, usines à gaz... Et dans
Napoléon III ressuscite un grand passé de gloire nationale
Empire marquent ce tour-
forges de la maison De Dietrich
le domaine des services publics,
nant décisif de la modernité. C’est
(1684) et les mines de pétrole
l’activité n’est pas moins féconde :
l’époque des grandes mutations :
de Pechelbronn au 18ème siècle,
lignes ferroviaires, succursale de
l’essor industriel, la mise en place
la Manufacture royale d’armes
la Banque de France, canal de la
un grand passé de gloire nationale.
d’un réseau ferroviaire qui favorise
blanches de Klingenthal et les toiles
Marne-au-Rhin.
En 1849, il déclare que le nom de
une plus grande mobilité, une
métalliques de Sélestat, plusieurs
Une nouvelle fois, la Chambre de
alphabétisation quasi générale,
filatures et tissages, des tanneries,
Commerce est au cœur, voire à l’ori-
une large diffusion du livre et de
des fabriques d’outils. Mais c’est
gine, de ces bouleversements.
la lecture, les progrès rapides de
entre 1840 et 1870 que fut créée la
la langue française après 1850 et
majorité des industries de la région
l’apogée de la culture rurale tra-
dont certaines sont toujours floris-
ditionnelle. Certes, la création de
santes : industries mécaniques,
Le 10 décembre 1848, le prince LouisNapoléon Bonaparte est élu à la présidence de la République. Son nom ressuscite
Napoléon est, à lui seul, un programme. Trois ans plus tard, le 2 décembre 1852, il devient Napoléon III. Quelques mois auparavant, l’Empereur présida à Strasbourg aux cérémonies d’inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg. A cette occasion, l’évêque Monseigneur André Raess bénit solennellement les locomotives destinées à assurer le service sur cette ligne.
44
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
N’a-t-elle pas réclamé dès 1848 l’achèvement de la ligne ferroviaire Strasbourg-Paris ? Le rail se présente peu à peu comme un concurrent de la route et du fleuve. Son triomphe
Le coup de maître d’un riche industriel mulhousien
crée de nouvelles conditions pour
plus vastes, telles les Tanneries
les entreprises. Jusque 1850, la
Herrenschmidt. La mécanique
circulation sur route revient à 20
prend de l’ampleur et le matériel
centimes la tonne-kilomètre voire
ferroviaire occupe une place de
beaucoup plus sur des axes peu
plus en plus grande. En 1845, les
assuré par la démonstration de ses
Ce riche industriel mulhousien mit
entretenus. L’ouverture de voies fer-
travaux de construction de la ligne
capacités en Angleterre depuis 1830
en jeu sa fortune et celle d’une par-
rées et de nouvelles voies d’eau va
Strasbourg-Paris sont engagés. Ils
remet en question la nécessité des
tie de sa famille pour la réalisation
diviser ce prix par cinq. Quelques
dureront sept ans.
travaux d’aménagement des voies
de ce projet. L’Alsace peut alors
industries semblent montrer la
d’eau mais enthousiasme quelques
s’enorgueillir de posséder la pre-
voie du renouveau. D’anciennes se
esprits clairvoyants. A l’initiative de
mière grande voie ferrée construite
transforment en s’exilant vers les
Nicolas Koechlin, une ligne de 140
sur le continent où n’existaient que
banlieues, comme les Brasseries
kilomètres entre Strasbourg et Bâle
des tronçons de quelques dizaines
Hatt et Schutzenberger. D’autres
est ouverte en 1841.
de kilomètres. L’avènement du train
s’implantent dans des quartiers
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
Extrait du Procès-Verbal du Conseil Municipal sur l’entrée du train en ville, 21 janvier 1841. Archives Municipales de Strasbourg.
45
inauguration du chemin de fer de paris à strasbourg, 18 juillet 1852. Lithographie de E. Lemaître, 1852. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
46
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Chroniques
du monde
La Chambre de Commerce arbitre la concurrence entre le rail et le fleuve
1810 Le Préfet de l’Empire, Lezay-Marnésia, crée
e 18 juillet 1852, l’inaugu-
Mélanie de Pourtalès, fille du
L’ambition de Napoléon III qui voulait
A la fin du 19ème siècle, le dévelop-
ration de la ligne stratégique
banquier strasbourgeois Alfred
créer un système très perfectionné
pement spectaculaire du réseau
Strasbourg-Paris ouvre une
Renouard de Bussière, donne
de voies de communication prend
ferré abolit les distances. En 1853,
nouvelle brèche dans les échanges
le ton à la cour et dans la vie
corps. La condition indispensable,
la France ne comptait que 3 000
commerciaux. Désormais, l’Alsace
parisienne, tandis que le Baron
disait-il, pour faire de la France un
kilomètres de voies ferrées. En
est reliée par le chemin de fer au
Haussmann fait de Paris une ville
grand Etat moderne avec une indus-
1870, l’ensemble du pays est des-
plus important de ses débouchés.
modèle et que Jean Dollfus inspire
trie et un commerce rénové.
servi par le train et six compagnies
Cet événement spectaculaire sym-
la politique libre-échangiste de
sont créées, dont la Compagnie de
bolise la modernisation de l’éco-
l’Empereur. L’Alsace compte à la
l’Est. Les industries alimentaires
nomie alsacienne. De fait, l’Alsace
veille de la guerre de 1870 plus
peuvent partir à la conquête de
pèse d’un poids croissant dans la
d’ouvriers que de paysans et elle
débouchés extra-régionaux. Alors
France de Napoléon III.
fournit aux autres régions françai-
que la route rendait difficile le
ses une partie de leurs machines
transport de denrées périssables
et de leurs matériels ferroviaires.
sur de longues distances, le che-
L
La modernisation de l’Alsace est en marche, soutenue par la révolution des transports. locomotive (1845). Cité du Train, Association du Musée Français du Chemin de Fer (Mulhouse).
à Strasbourg la première école normale d’instituteurs de France.
1815 Napoléon abdique après la défaite de Waterloo.
min de fer ne met, dès sa mise en Affiche des Chemins de fer de l’Est, tarif spécial pour le transport de la houille et du coke, 1862.
service, qu’une vingtaine d’heures pour relier Strasbourg à Paris.
1839 De passage à Strasbourg,
Archives Départementales du Bas-Rhin.
Victor Hugo écrit avoir pu regarder du haut de la cathédrale, «la France, la Suisse et l’Allemagne dans un seul rayon de soleil.»
La ligne Strasbourg-Paris : un parcours d’obstacles La création de la ligne Strasbourg-Paris est certainement le dossier le plus complexe que la Chambre de Commerce doit gérer à cette époque. Son objectif est clair : une mise en exploitation la plus rapide possible en sauvegardant les intérêts de Strasbourg. Le 17 novembre 1848, elle écrit au ministre pour déplorer que les efforts de construction portent sur le seul tronçon Paris-Epernay. «Il en résulte pour l’industrie alsacienne un préjudice des plus graves. La section de Strasbourg à Sarrebourg d’abord, et celle de Strasbourg à Nancy ensuite, permettraient
1848 Le roi Louis-Philippe est chassé par une révolution.
d’acheminer en Alsace les houilles de Sarre et les céréales de Lorraine.» Malgré les propos rassurants du ministre, la section Epernay-Paris est mise en service en 1849. Mais il faudra attendre 1851 pour que la liaison StrasbourgSarrebourg soit opérationnelle. Dans ce dossier, la Chambre de Commerce a parfaitement joué son rôle, mais elle dut affronter toute une série d’obstacles dont sa persévérance et son action n’ont que difficilement triomphé.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
47
En 1860, les Chemins de Fer accordent aux brasseurs strasbourgeois la possibilité d’expédier la bière par wagons entiers. La densification du réseau ferré éveille les convoitises et nombreux sont les industriels à solliciter de nouvelles avancées. C’est le cas des Etablissements De Dietrich qui réclament, entre autres, une ligne de chemin de fer qui relierait Haguenau au Pays de Sarrebrück en passant par Niederbronn. Ils
La ligne Strasbourg-Paris aiguise les appétits
demandent aussi l’accélération de
L’ouverture de la ligne Strasbourg-
prévus, notamment le chemin de
Paris suscite l’intérêt des industriels
fer de Brumath à Wissembourg,
qui demandent de nouvelles avancées.
le débarcadère de Strasbourg, la
Comme l’atteste ce courrier des établissements De Dietrich adressé en 1852
la mise en œuvre des travaux déjà
seconde voie de Paris à Strasbourg,
au Président de la Chambre de Commerce.
entre Strasbourg et Nancy. La
Archives Départementales du Bas-Rhin.
Chambre de Commerce prend une part active à toutes ces réalisations. Mais un autre défi l’attend.
le nouveau port de strasbourg. Chromolithographie, vers 1890.
48
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Chroniques
du monde 1855
Car pour la navigation, l’histoire est tout autre. Entre 1848 et 1870, les travaux d’endiguement du Rhin, le développement du remorquage et des bateaux à vapeur font naître
Strasbourg a perdu son rang au profit de Mannheim
En 1855 (puis en 1867)
La Chambre de Commerce s’est
Toute la batellerie alsacienne s’est
Paris accueille deux
alors lancée dans une grande
alors tournée vers les canaux,
expositions universelles
bataille pour obtenir la suppression
mais la ville a conservé la nostalgie
des taxes et une totale libéralisation
de son activité rhénane d’antan.
de la navigation sur le fleuve. Son
Loin de renoncer, la Chambre de
de grands espoirs au commerce
La construction d’un nouveau
but : permettre à la batellerie de
Commerce, au contraire, multiplie
strasbourgeois.
port, plus facile d’accès pour les
faire face à la concurrence redouta-
les efforts pour maintenir un équi-
bateaux du Rhin, constitue l’outil
ble du chemin de fer. Les douanes
libre entre le rail et le fleuve. Elle a
indispensable au renouveau de
et les entrepôts ont, en effet, quitté
compris qu’il faut faire baisser les
la navigation rhénane et à une
le port pour la gare. Strasbourg
prix des transports des différentes
relance du trafic.
a perdu son rang au profit de
marchandises, et en particulier des
Mannheim. En revanche, la ville
matières premières, pour mettre
est devenue un port de canaux où
l’Alsace à égalité avec les autres
aboutissent celui du Rhône-au-
régions françaises. Elle est convain-
Rhin et celui de la Marne-au-Rhin.
cue que pour être performant, il
L’amorce d’une dynamique libre-échangiste
en l’espace de douze ans.
1860 Sous l’influence de Garibaldi : unité italienne et proclamation du royaume d’Italie.
faut produire au coût le plus bas possible.
1863
Le 23 janvier 1860, la France et l’Angleterre signent un traité de libreéchange. C’est le fameux traité de commerce franco-anglais destiné
Lancement
à abolir les taxes douanières sur les matières premières et la majorité
du premier métro :
des produits alimentaires entre les deux pays. L’initiative revient à Napoléon III qui veut encourager la production industrielle. Sa stratégie : supprimer les droits de douane sur la laine, les cotons et les prohibitions, réduire les taxes sur les sucres et les cafés, les droits sur les canaux, améliorer les voies de communication, accorder des prêts à
Le «Metzgertorhafen», (Bassin d’Austerlitz). Photographie de Jules Manias extraite de son Album de Strasbourg, J. Manias & Cie, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
«le Metropolitan Railway» de Londres.
l’agriculture et à l’industrie, signer des traités de commerce avec les puissances étrangères. Les négociations avec l’Angleterre sont me-
1871
nées secrètement par Michel Chevalier, expert en économie et membre du Conseil d’Etat, côté français, et par Richard Cobden côté britannique. L’annonce de la signature du traité est diversement appréciée
Unité allemande
car les concessions de la Grande-Bretagne sont modestes. On parlera
et proclamation
même en France d’un nouveau coup d’Etat. En Alsace, les réactions
du Reich allemand.
sont partagées. Témoin, ce courrier adressé le 14 juillet 1862 au président de la Chambre de Commerce par Guillaume Goldenberg, qui dirige une manufacture d’outillage à Saverne. « Le traité de commerce avec l’Angleterre a jeté la perturbation chez nos clients sollicités par des produits similaires anglais. On apprend également que l’incertitude des événements politiques empêche les maisons d’exportation de se livrer à leurs opérations habituelles.»
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
49
La Chambre de Commerce met en
effets d’une ampleur d’autant plus
Les filateurs et les tisseurs alsa-
D’autres industries, en revanche,
œuvre beaucoup d’énergie pour
grande que les coûts du transport
ciens sont en première ligne car ils
tirent parti du nouveau régime
tenter de casser les privilèges des
terrestre n’interviennent pas pour
ne parviennent pas à abaisser leurs
douanier pour accroître leurs ven-
ports de mer. Ses critiques visent
modérer les effets de la baisse des
coûts de production au niveau
tes sur les marchés extérieurs.
en particulier la loi du 28 avril 1816
droits de douane.
de leurs concurrents suisses. Ces
C’est le cas, en particulier, des
derniers font, en effet, davantage
exportations de tissus imprimés
appel à l’énergie hydraulique que
qui doublent de valeur entre 1860
les Alsaciens, ils ont des frais de
et 1867.
les importations d’outre-mer sont
La concurrence de la Suisse s’avère redoutable
verrouillées. Mais l’action de la
C’est particulièrement vrai pour
franchise et aux tarifs de transport
Chambre de Commerce finira par
le commerce avec la Suisse dont
les plus avantageux.
porter ses fruits. Des assouplisse-
la concurrence est, pour de nom-
ments progressifs seront apportés,
breux industriels alsaciens, beau-
si bien qu’en 1870, les conditions
coup plus redoutable que celle de
de transport sont nettement amé-
la Grande-Bretagne.
votée à l’initiative des armateurs des ports de mer qui leur accorde le monopole des importations. Un coup dur pour la navigation fluviale et le port de Strasbourg dont
liorées. Le charbon et le coton,
main-d’œuvre nettement moins élevés, paient moins de contributions et reçoivent leur coton en
Neubau, Hôtel du Commerce. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
L’empereur Guillaume 1er à Strasbourg devant le Palais du Gouverneur. Dessin de Umling. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M. Bertola.
notamment, sont acheminés à des prix plus compétitifs. Sur le plan international, la signature en 1860 du traité de libre-échange avec l’Angleterre marque une date charnière. Elle met fin au repli du pays sur lui-même et au protectionnisme douanier. Cette évolution libérale est plutôt bien accueillie en Alsace. La Chambre de Commerce ne s’est pas ménagée pour obtenir la suppression du régime des prohibitions et a vivement applaudi le Manifeste de l’Empereur en 1860. Sur le terrain, les réactions sont plus nuancées. Le désarmement douanier provoque en Alsace des
50
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Soixante ans après, le projet d’agrandir le Neubau prend forme
A
ux avant-postes sur la
Elu à la présidence de la Chambre
Autoritaire et influent, il se fait
scène économique, la
en 1848, il sera reconduit tous les
le porte-parole de la corporation
Chambre de Commerce
ans dans ses fonctions jusqu’à
contre les prohibitions. Ce pas-
peut revendiquer une bonne part
sa mort en 1891. Une longévité-
sionné des arts et de la culture est
des résultats obtenus. Une per-
record à la tête de l’institution.
aussi le principal instigateur de
sonnalité se démarque dans ce
Jules Sengenwald a de l’appétit,
l’extension d’une partie de l’Hôtel
paysage en pleine mutation : Jules
des idées et de l’audace.
du Commerce. Vers 1860, alors
Sengenwald.
que la dette contractée au début du siècle pour l’achat du Neubau est enfin apurée, la situation de la Chambre redevient prospère.
La dette contractée au début du siècle est enfin apurée
Jules Sengenwald, l’énergie du notable alsacien
Au début de l’année 1866, la maiFils de Jean-Conrad Sengenwald, Jules Sengenwald succède à son père
son «zum grossen Kameelthier» est
à la présidence de la Chambre de Commerce en 1848. Il a 35 ans, de
de nouveau à vendre, à bon prix.
l’ambition, des idées et beaucoup d’énergie. Ce notable alsacien marquera
Il est enfin possible d’envisager
son opposition farouche aux prohibitions. Il est à l’origine de nombreux rapports condamnant ce protectionnisme douanier trop fort. Soutenu par tous
les travaux dont on rêve depuis
les membres de la Chambre de Commerce, il demande en revanche des
soixante ans. Entre-temps, on
droits modérés protégeant suffisamment l’industrie nationale, sans exclure
se contenta d’aménagements
totalement les produits étrangers. Président autoritaire, il s’implique dans
modestes.
la bonne marche de l’institution et prépare avec soin les séances. Face aux autorités allemandes, Jules Sengenwald fait front. Son engagement au service des intérêts strasbourgeois a un retentissement immense et enracine la Chambre de Commerce. Personnage « intouchable » durant ses mandats successifs, ce protestant libéral affiche une longévité exceptionnelle aux
Jules Sengenwald.
commandes de la Chambre : quarante-trois années de présidence. Sa mort,
Président de la Chambre de Commerce de 1848 à 1891. Cab.des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
en 1891, met un terme à l’une des contributions les plus riches de l’histoire de la Chambre de Commerce.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
51
Le Casino littéraire et commercial ou les coulisses des affaires
ses bureaux au premier étage,
Le Cercle du commerce, rendez-vous des notables
côté place Gutenberg, et côté rue
A gauche, par la porte d’entrée
une sorte de café de la Bourse.
des Serruriers ceux du Tribunal
de l’actuelle salle d’honneur, on
Les commerçants qui le fréquen-
de Commerce. Enfin, une grande
accédait à une anti-chambre, puis
taient, se réunissaient en un cercle
salle fut aménagée au centre de la
en enfilade, à une salle de billard,
fermé dit «Cercle du Commerce»,
façade devant servir aux réunions
à une salle plus modeste, puis à
Le rez-de-chaussée, à droite du portail, fut concédé à la Bourse qui ne put en disposer qu’à mesure de l’éviction des anciens locataires. La Chambre, elle-même, logea
des commerçants.
Plan du Casino littéraire et commercial établi en 1838.
Détail amusant : les maîtres d’ouvrage de l’époque, une fois n’est pas coutume, ont manqué de précision dans la localisation de la rue des Serruriers. Archives Municipales de Strasbourg.
52
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
une grande salle de réunion qui occupait tout l’angle du bâtiment, et enfin à une salle de lecture. Vers la cour, il y avait une cuisine dite «réchauds». Ces derniers locaux étaient alors conçus comme
1845
1848
1866
François Nebel accède
La Chambre de Commerce réclame
Le projet d’extension du Neubau
à la présidence de la Chambre
l’achèvement de la ligne ferroviaire
se concrétise.
de Commerce.
Strasbourg-Paris.
louant ces salles à la Chambre de
Certains éléments ont pu être
Commerce pour un loyer annuel
sauvés, notamment les consoles
de 2 400 francs. Son successeur,
et trumeaux des fenêtres ainsi que
le casino littéraire et commer-
les glaces des cheminées. Elles
cial, sera par la suite transféré
sont toutes ornées de bas-reliefs en
au second étage. Le bel escalier
mastic fabriqués par une industrie
à vis fut démoli et deux escaliers intérieurs installés, l’un près du portail, l’autre dans l’aile de la rue des Serruriers.Tous deux existent
Des salons où l’on cause Le règlement intérieur du casino littéraire et commercial prévoit également la répartition
que venait de fonder sous le nom de Manufacture d’Ornements d’Architecture, un industriel dénommé
des locaux : salle de lecture, grande salle
Joseph Beunat. Peints ou décorés,
encore et il est curieux de constater
de conversation pour les membres qui ne
ces ornements particulièrement
anciens locaux rue des Serruriers.
tion des Postes le 1er avril 1870
que leur style, bien que caracté-
fument pas, trois arcades fermées par des
riches étaient censés rivaliser avec
Pour assurer le financement de la
puis d’un bureau télégraphique
de billard et nouvelle salle pour les fumeurs.
le bois sculpté et le bronze doré.
construction, un contrat est passé
et de la bourse, agrandissement
Archives Municipales de Strasbourg.
C’est donc vers la fin du Second
avec l’Administration des Postes
du Tribunal du Commerce. Jules
cet étonnant mélange d’éléments
Empire seulement, en 1868, que la
qui s’engage à louer la nouvelle aile
Sengenwald s’est beaucoup investi
classiques et d’éléments gothiques
Chambre de Commerce concrétisa
pour trente ans. Les événements
dans ce projet. Son but n’est pas
ristique de l’époque Empire, offre - comme l’escalier du 16ème siècle -
portes vitrées, salle d’entrée, ancienne salle
cher à la tradition strasbourgeoise.
hôtel du commerce.
Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Monuments d’architecture de l’Alsace, par S. Hausmann et E. Polaczek, Strasbourg, Verlag von W. Heinrich, s. d. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
l’extension de son édifice vers la rue
s’enchaînent : signature du Décret
seulement artistique (il a souhaité
Ce décor Empire des salles sera
de l’Arbre Vert. Cette opération per-
Impérial le 11 mars 1868 qui
conserver un style Renaissance),
arraché par la «Badische Industrie
mit de créer une salle des pas per-
autorise la Chambre à contracter
on reconnaît aussi l’intention forte
und Handelskammer Strassburg»
dus pour le Tribunal de Commerce
un emprunt important, mise en
de rassembler en un même lieu
qui, en 1940, prendra possession
en place de l’ancienne bibliothèque
œuvre du chantier de démolition,
toutes les institutions commerciales
de l’immeuble pour le transfor-
du casino logée dans la nouvelle
pose de la première pierre du pro-
ou pouvant servir le commerce.
mer une fois de plus de fond en
aile. Enfin, la même époque vit revi-
longement de la façade le 14 juillet
comble.
vre la Bourse qui reçut en bail ses
1868, installation de l’Administra-
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
53
Le Traité de Francfort provoque un véritable traumatisme ’Hôtel du Commerce aurait
Le bâtiment sert d’abri pour la
Puis vinrent la reddition de la ville
pu ainsi devenir le grand
Garde nationale sédentaire, puis
et l’annexion. La poste centrale
centre des instances com-
de lieu de délibération pour la
quitte le Neubau en 1872 pour
merciales de Strasbourg. Mais la
Commission Municipale qui se
s’installer place de la Cathédrale
guerre de 1870 approche. Si l’édi-
substitue au Conseil Municipal,
dans le bâtiment de l’ancienne
fice est relativement épargné par
trop exposé dans ses locaux de
Ecole de Médecine militaire.
les flammes du bombardement, il
la rue Brûlée. Le 11 septembre
enregistre de nouvelles pages dra-
1870, il accueille une délégation
matiques de son histoire.
suisse qui permet aux femmes,
L
enfants et vieillards d’évacuer la La place Broglie.
Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
54
place forte assiégée. C’est dans la salle du Tribunal de Commerce que les passeports des personnes évacuées sont établis.
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Chroniques
du monde
L’année suivante, la Bourse de
L’annexion de l’Alsace au Reich
Le Neubau disparaît, en tant que
Commerce disparaît, tout comme
allemand, aux termes du traité
bâtiment officiel, des plans de la
le Tribunal de Commerce en 1879.
de Francfort de 1871, provoque
ville. Suit une grande dépression,
L’ensemble du bâtiment, hormis les
un véritable traumatisme pour
conséquence de la déchirure de
salles du casino commercial et litté-
l’immense majorité de la popula-
1870. Léon Gambetta, l’âme de
raire, est peu à peu loué en locaux
tion, entraînée dans une turbu-
la résistance nationale face à l’oc-
commerciaux ou en habitations
lence nationaliste. L’Alsace devient
privées. La Chambre de Commerce
une terre d’Empire. Ses habitants
réduit ses bureaux au seul rez-de-
deviennent des ressortissants alle-
chaussée de la nouvelle aile.
dans le domaine de la prévoyance une action
bien l’attitude de beaucoup de
mands avec néanmoins le choix
Français : «pensez-y toujours, n’en
d’opter pour la nationalité fran-
effet les premières assurances sociales
parlez jamais.» En clair, maintenir
obligatoires : en 1883, une assurance-maladie financée à parts égales par l’employé
proclame Strasbourg ville allemande.
quence républicaine, résuma assez
1880, le Chancelier Bismarck institue en
accord avec les idées du patronat
Né à Cahors le 30 octobre 1838. Photo Goupil et Cie.
A la fin du 19 ème siècle, l’Allemagne exerce
Bismarck, chancelier du Reich,
cupant, véritable maître de l’élo-
de précurseur. Dès le début des années
çaise sous certaines conditions. En
Léon Gambetta.
Bismarck en précurseur
1871
fermement mais sans provocations
1883 La nouvelle gare
et l’employeur est ainsi mise en place. En
inutiles ses convictions dans l’es-
est instituée une législation sociale
1889, une assurance accidents du travail et
poir d’un changement futur de la
premier bâtiment public
très avancée pour son temps avec
une assurance retraite financées en partie par
situation diplomatico-militaire.
au monde à être éclairé
notamment, la création de caisses
l’Etat voient le jour. C’est la première fois que tion sociale est prise en charge par un Etat.
d’assurance vieillesse et invalidité,
Cette initiative servira de modèle en France
dents du travail.
à l’électricité.
l’organisation d’un système unique de protec-
d’assurance maladie, de fonds l’adoption d’une loi sur les acci-
centrale de Strasbourg,
1886
après 1918 et s’appliquera immédiatement aux provinces annexées d’Alsace-Lorraine.
Inauguration de la
Les avantages de cette couverture sociale
statue de la Liberté
seront progressivement étendus à la France entière. C’est l’objet de la loi du 26 avril 1930 qui instaurera en France un système d’assurances sociales obligatoires.
à New-York, œuvre
La place de la Gare.
Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
du sculpteur colmarien Bartholdi.
1898 Début de l’affaire Dreyfus.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
55
Exercices de la garde Nationale dans la rue de la Douane. Extrait de G. Fischbach, der Krieg von 1870, Imprimerie alsacienne, 1897.
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1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Chroniques
du monde
Sous la domination germani-
A l’image de son nouveau président
des gouvernements français et alle-
que, les Alsaciens réussissent à
Alfred Herrenschmidt, la Chambre
mands. Elle n’obtient que l’octroi
conserver un certain nombre de
de Commerce se révèle tenace,
d’un régime transitoire en franchise
bastions. Parmi eux, la Chambre
opiniâtre, énergique.
douanière puis avec une réduc-
de Commerce qui évite l’élec-
1895 Auguste et Louis
tion des droits de 75 % jusqu’au
Lumière inventent
Chambre évolue également : elle
Tenace, opiniâtre, énergique : la Chambre de Commerce défie l’occupant
passe de 9 à 15 membres en
Elle remplit parfaitement son rôle
Strasbourg célèbre
1875 puis de 15 à 21 membres
de porte-parole des entreprises en
le 500ème anniversaire
en 1901.
défendant partout et contre tout
de la naissance de
tion d’un candidat allemand à la présidence. Mieux : ses statuts sont modifiés. En 1897, le régime électoral est élargi et le nombre des électeurs passe de 931 à plusieurs milliers (ils sont aujourd’hui 32 000). La composition de la
30 juin 1872 et de 50 % jusqu’au
le cinématographe.
31 décembre 1872. Aux côtés du président Alfred Herrenschmidt, un personnage tient un rôle central : Hugo Haug. Entré à la Chambre de Commerce le 1er avril 1892, il y occupera le poste de secrétaire
1900
général pendant 46 ans.
Gutenberg.
leurs intérêts. Ainsi, défiant l’ocpoursuit l’objectif de conserver à
Sous domination allemande
son industrie et son commerce
En dépit de l’influence germanique,
cupant, la Chambre de Commerce
leurs anciens débouchés nationaux. Elle entreprend dans ce sens des démarches pressantes auprès Hugo Haug, deuxième en partant de la gauche, devant le maire (ici lors de l’inauguration de la Foire Exposition au Wacken le 4 septembre 1937). Archives Municipales de Strasbourg.
la Chambre de Commerce réussit à préserver ses acquis. (Courrier portant l’entête «Handelskammer», 19 août 1896.) Archives Municipales de Strasbourg.
1900 La première ligne de métro est ouverte à Paris.
«Tout était à créer ! J’étais jeté à l’eau, il fallait nager.» «Avant d’entrer en fonction, j’ai tenu à me rendre compte de ce qu’était ce secrétariat où j’aurai à faire mes preuves. Et voici ce que j’ai trouvé : au fond de la cour de l’Hôtel du Commerce, une salle assez sombre dans laquelle travaillait un homme d’un certain âge, ayant en face de lui une dame également d’un certain âge - apparemment son épouse qui lui tenait société. Cet homme - le père Taut - cumulait les fonctions de traduc-
1905 Séparation de l’Eglise et de l’Etat en France.
teur, d’archiviste, d’appariteur et de concierge de l’Hôtel... Le secrétaire ? Absorbé par ses fonctions de secrétaire général des Hospices Civils, il apparaissait, me dit-on, une ou deux fois par semaine pour remettre des notes en français que ledit factotum transformait en procès-verbaux ou pétitions aux autorités allemandes. Tout était donc à créer : j’étais jeté à l’eau, il fallait nager.» (Extrait du discours prononcé par Hugo Haug le 2 avril 1938).
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
57
Alfred Herrenschmidt, l’instigateur du port fluvial Successeur désigné de Gustave-
Sous l’impulsion d’Alfred Herrenschmidt, le renouveau du trafic rhénan
François Herrenschmidt, le fondateur des tanneries éponymes, Alfred Herrenschmidt fut un pionnier de la modernité industrielle et un précurseur du progrès social. Mais ses activités débordèrent lar-
veau port de Strasbourg accueille
venaient s’ajouter pour les dépar-
pation, la Chambre de
dans ses eaux le premier bateau
tements annexés les conséquences
ment à la fondation de la Société
Commerce nourrit une
rhénan à vapeur. Le grand pavois
de la nouvelle politique protection-
générale alsacienne de banque
autre préoccupation : la créa-
arboré par le bâtiment souligne
niste de la France - tarif Méline
tion d’un accès direct au Rhin
l’importance exceptionnelle de
de 1892 - qui enlevait à l’Alsace
pour contrer la concurrence de
l’événement.
les quelques débouchés qui lui
E
Mannheim. Dès 1871, elle pré-
étaient restés de l’ancienne patrie. L’économie régionale devait donc
des discussions interminables et
Strasbourg accueille le premier bateau rhénan à vapeur
souvent passionnées, c’est la cana-
Hugo Haug rappela en ces termes
Alfred Herrenschmidt.
lisation du fleuve qui l’emporte.
l’importance de trouver de nou-
Dans le même temps, Strasbourg
veaux débouchés économiques.
se dote de nouvelles infrastructures
«Nous traversions à ce moment
portuaires. Le 16 juin 1892, le nou-
une crise économique à laquelle
conise le creusement d’un canal latéral au Rhin, de Strasbourg à Ludwigshafen. Mais elle ne réussit pas à faire prévaloir ses vues. Après
58
gement le cadre de son entreprise.
n cette période d’occu-
C’est ainsi qu’il participa notam-
(SOGENAL) dont il devint le président du Conseil de Direction de 1881 à 1898 et le président de 1898 à 1917. Il exerça aussi d’importantes responsabilités au sein de la Chambre de Commerce. Elu membre en 1861, il prit une
chercher à étendre ses débouchés
part active aux travaux préalables
au-delà du Rhin et vers d’autres
à la signature des traités de com-
pays voisins.
merce. Porté à la présidence de la Chambre après la mort de Jules Sengenwald en 1891,
Président de la Chambre de Commerce de 1891 à 1898. Cab. des Estampes, Musées de la Ville de Strasbourg, photo M.Bertola.
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
il œuvra particulièrement à la création d’un port fluvial sur le Rhin.
1868
1872
1891 Alfred Herrenschmidt succède
Un décret impérial autorise
La Chambre de Commerce obtient
la Chambre à contracter
l’octroi d’un régime transitoire
à Jules Sengenwald à la
un emprunt pour restructurer
en franchise douanière.
présidence de la Chambre de Commerce.
le Neubau.
A cet effet, l’abaissement des frais
puis la fondation en 1925 du Port
de transport se plaçait au premier
Autonome de Strasbourg. Le trafic
rang des préoccupations de la
progresse ensuite rapidement,
Chambre. Son principal objectif,
passant de 11 500 tonnes en
dès après l’annexion, avait été de
1892 à 300 000 tonnes en 1896,
trouver accès à la grande navi-
807 000 tonnes en 1905 et près de
gation rhénane. Le 16 juin 1892
2 millions de tonnes en 1913. Il est
arrive à Strasbourg, au port d’Aus-
un autre domaine qui commence
terlitz, le premier bateau rhénan à
à agiter la sphère consulaire :
vapeur après une interruption de
Nouvelle avancée pour le port
la question de la formation com-
navigation de près de cinquante
merciale. Hugo Haug, encore lui,
ans.» (Extrait du discours prononcé
Creusé en 1901 dans l’Ile des Eperons,
hérite du dossier. «La Chambre de
L’Ecole de perfectionnement professionnel, atelier de mécanique.
par Hugo Haug le 2 avril 1938).
le Bassin du Commerce et de l’Industrie
Commerce s’était rendue compte
Archives Municipales de Strasbourg.
Au premier rang des personnali-
reçoit vers 1925 des convois d’environ
que les cours du soir qui se don-
tés qui ont assisté à l’événement figuraient Alfred Herrenschmidt,
3 000 tonnes depuis les ports maritimes des embouchures du Rhin jusqu’à la Ville
naient au moment de mon entrée
de Strasbourg. (Strassburg als Rheinhafen,
en fonction ne pouvaient répondre
Ces négociations aboutirent à
Lezay-Marnésia, dans l’ancien cou-
Président de la Chambre de
projet de guide de visite du port 1900-1914.
un accord en vue de la création
vent des Récollets, elle prit bientôt
Commerce, et Léon Ungemach,
Archives Municipales de Strasbourg.)
aux besoins du commerce grandissant de cette ville. Elle me chargea
d’une école de perfectionnement
une telle ampleur que la Ville dut
dès 1896 d’abord d’une enquête
commercial... Cette école ouvrit
se décider à construire peu avant
Président de la Bourse de Commerce. Il s’agissait donc à
qui allait être par la suite le port
en Allemagne, puis me demanda
ses portes au début de 1899
la guerre l’école actuelle rue des
la fois d’un renouveau du trafic
rhénan moderne de Strasbourg.
d’établir un rapport qui servirait
au premier étage de l’Ancienne
Bateliers (en 1938).» (Extrait du
rhénan à Strasbourg et de l’inau-
Suivent la création des Bassins
de base à des tractations avec la
Gare avec une centaine d’élèves.
discours prononcé par Hugo Haug
guration du premier bassin de ce
du Commerce et de l’Industrie
Municipalité.
Transférée peu après au Quai
le 2 avril 1938).
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
59
Les ponts du Rhin près de Kehl. Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
60
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Chroniques
du monde 1908 Freud publie «Cinq leçons sur la psychanalyse».
1909 Fondation de Bugatti à Molsheim.
Herrenschmidt et Cie, Tanneries strasbourgeoises. Extrait du Livre d’Or de l’Industrie et du Commerce du Bas-Rhin, 1924.
Strasbourg promue au rang de vitrine du Reichsland
1911 Nouvelle constitution accordée à l’Alsace-Lorraine
’avènement du nouveau siècle
tale de l’ensemble du Reichsland
coïncide avec un nouvel essor
Elsass-Lothringen.
économique. L’Alsace est inté-
Vitrine du nouveau régime, elle double
grée à la dynamique de croissance
sa superficie et se dote d’un nouveau
du Reich. De nouvelles usines sont
patrimoine urbain. C’est l’époque
créées, les anciennes sont agrandies
des grandes artères, des allées de
et modernisées, de nouvelles lignes
prestige, du Palais Impérial, du Palais
de chemin de fer sont construites,
Universitaire, de l’Hôtel des Postes,
un réseau serré de lignes télégraphi-
de la gare et de la place de l’Empe-
ques et téléphoniques est aménagé.
reur (Kaiserplatz). Un âge d’or pour
Electricité de Strasbourg voit le jour
les entrepreneurs du bâtiment et des
en 1895. Jusque-là Préfecture du
travaux publics.
L
avec création d’un gouvernement régional.
1912 Le Titanic sombre dans l’Atlantique.
Bas-Rhin, cité meurtrie par le siège d’août 1870, Strasbourg est promue
La plaquette du centenaire.
par les Allemands au rang de capi-
Document CCI.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
61
La notoriété acquise par la Chambre
Les travaux de réfection de la
«Tout le système porteur en poutres
L’élément principal de ce niveau
salles ou de logements. Elle était
de Commerce à l’aube du nouveau
grande salle au «bel étage» posent
entre le premier et le second étage
suspendu était une forte traverse
partiellement si affaiblie que l’on
siècle lui permet enfin de reprendre
toutefois des problèmes inattendus,
tenait à l’origine à des tirants fixés à
courant sur le plancher du second
pouvait à juste titre se demander
pied au «bel étage» de son hôtel,
comme en témoignent les procès-
une charpente autoportante, vérita-
étage, sur toute la longueur du
comment le bâtiment tenait encore.
de rendre au premier étage le
verbaux de l’époque qui évoquaient
ble chef-d’œuvre.
bâtiment. Cette traverse a dû sou-
caractère représentatif qu’il avait
en ces termes ces difficultés.
eu au temps où une grande salle
vent poser des problèmes à nos ancêtres lors de l’aménagement de
pouvait recevoir les trois cents échevins de l’ancienne République de Strasbourg. Des restaurations extérieures et des transformations intérieures permettent, au moment où la Chambre fête le centième anniversaire de sa création (1903), de donner à son siège le prestige recherché par le premier Empire.
La place Gutenberg.
Photographie de Jules Manias extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, de J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
62
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
1897
1898
1911
Le régime électoral
Julius Schaller prend les commandes
Carl Eissen poursuit
de la Chambre évolue et sa
de la Chambre de Commerce.
la parenthèse allemande à la tête
composition est élargie.
de la Chambre de Commerce.
Il était impossible au vu de l’aména-
de leurs conseils, mais il n’y avait
gement actuel de penser à recons-
au début ni séance de bureau,
tituer cet élément. Pour créer
ni commissions permanentes.
notre grande salle, nous avons dû
La salle de séance au second
construire un nouveau système
étage ne servait qu’aux séan-
porteur et, comme il sied au 20ème
ces plénières. Le premier, sur la
siècle, en béton armé. Il était hélas
façade, était occupé par le casino
impossible d’éviter l’usage d’une
commercial et littéraire. Toute
forte traverse de soutènement.
l’aile de la rue des Serruriers était louée à un locataire principal...
La Chambre prend possession de tous les locaux de son hôtel historique Nous avons dû, par ailleurs, garantir
L’augmentation du personnel et
Avantage à Herrenschmidt En mécanisant systématiquement les opérations de manutention, les Tanneries Herrenschmidt prennent un avantage décisif sur
l’extension des archives, puis la nécessité d’installer une salle de réunion à côté du secrétariat obligèrent la Chambre à prendre posses-
la concurrence. (Entête de la Manufacture
sion peu à peu de tous les locaux
de cuirs Herrenschmidt, 1890. Archives
disponibles au rez-de-chaussée
Départementales du Bas-Rhin.)
de cette aile sud de son hôtel.
la solidité du bâtiment pour l’avenir,
Le chargement des sacs de farine aux Grands Moulins de Strasbourg, vers 1930. Photo L. Blumer. Archives Municipales de Strasbourg.
Ce n’est qu’en 1911 - toute possi-
en renforçant les cloisons existan-
principaux acteurs de ces opé-
bilité d’extension de ce côté étant
tes et en construisant de nouvelles
rations de réaménagement. Il en
épuisée - que la Chambre se décida
son hôtel historique.» (Extrait du
en charpente métallique...»
justifia ainsi la mise en œuvre.
sur l’initiative de son président
discours prononcé par Hugo Haug
Entre 1892 et 1911, le secrétaire
«Les membres de la Chambre
Carl Eissen, à aménager pour son
le 2 avril 1938).
général Hugo Haug fut l’un des
vinrent successivement m’entourer
propre usage les locaux spacieux
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
du premier étage sur façade de
63
La Place Kléber dans les années 30. Archives Municipales de Strasbourg. Photo Blumer.
64
1555-1808 • LE NEUBAU Son histoire, son architecture, sa place dans la cité
vue d’ensemble de la ville à partir des ponts couverts vers la place benjamin zix. Photographie de Jules Manias extraite de Vues de Strasbourg, 1896.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
65
Au loin, le tonnerre gronde déjà... près 1880, les industries
Les tanneries profitent égale-
Brasserie et minoterie consti-
progressent et se struc-
ment de la nouvelle donne. Une
tuaient ainsi les deux fers de lance
turent, en particulier les
dynastie sort du rang : la famille
de l’industrie agro-alimentaire
brasseries, les tanneries et les
Herrenschmidt. Gustave-François
alsacienne.
minoteries favorisées par le déve-
Herrenschmidt et ses fils réussi-
Enfin, dernier aspect de cet essor :
loppement du rail et du port rhénan.
rent, en effet, un coup de maître :
le paysage bancaire se renforce.
Sous l’impulsion de deux pion-
mécaniser systématiquement les
En l’espace d’une dizaine d’années
niers strasbourgeois - Louis
opérations de manutention, ce qui
apparaissent trois banques régiona-
Schutzenberger et David Gruber -
leur donna un avantage décisif sur
les : la Banque d’Alsace-Lorraine,
l’industrialisation des brasseries
la concurrence locale. La fin du
la Banque de Strasbourg puis
croît rapidement. Les entreprises
siècle voit également la naissance
une filiale régionale de la Société
transfèrent leur centre de produc-
des «Grands Moulins» dont la
Générale, la Société Générale
tion vers les faubourgs pour gagner
production changea rapidement
Alsacienne de Banque.
en surface. En l’espace d’une
d’échelle.
A
dizaine d’années, leur production est multipliée par quatre.
Vue de l’Exposition Industrielle de 1895. Album der Industrie und Gewerbe Ausstellung, Strassburg, 1895.
Le ballon du Comte Zeppelin à Strasbourg.
L’élan économique s’accompa-
Au loin, le tonnerre gronde déjà.
gne d’une fièvre de découvertes
Les guerres balkaniques (1912-
Le 4 août 1908, les Strasbourgeois découvrent avec stupéfaction
et d’inventions, en Europe et en
1913) font rage et provoquent
ce dirigeable de 136 mètres de long. Cet appareil fut entièrement détruit
Amérique qui vont radicalement
l’étincelle. Les canons et les cui-
changer la société : Graham Bell
rassés sont apprêtés. Les grandes
avec le téléphone et le phonogra-
nations paradent. Des voix se
phe, les frères Lumière avec le
lèvent et crient gare. Trop tard. Le
cinématographe, Röntgen et les
monde, plein d’orgueil et si brillant
rayons X. La voiture conquiert les
naguère, va sombrer dans la boue
routes poussiéreuses, les aéropla-
et le sang des tranchées.
le lendemain à Echterdingen en Allemagne, une violente tempête ayant rompu ses amarres.
nes et les zeppelins s’imposent dans le ciel. Un monde parfait ?
66
1808-1914 • l’institution, ses missions, ses débats, ses batailles
Les tourments de l’histoire
Entre espoirs et désillusions
Etats d urgence La guerre est une formidable machine à diviser. Après l’armistice de 1918, la Chambre de Commerce doit s’atteler à une tâche immense : renouer les liens avec la communauté nationale. Mais très vite, la situation se tend sur fond de crise économique et de menace de nouveau conflit.
1914 1945
Un clivage entre «nationaux» et «régionalistes»
La blessure de la guerre déchire l’Alsace
Fernand Herrenschmidt, un farouche patriote De nombreux descendants de grandes familles partis combattre du côté français en 1914 reçurent les tout premiers rôles après 1918. Ceux qui connurent l’ascension la plus rapide dans les diverses instances dirigeantes furent des personnalités qui avaient réussi à ne jamais prendre la nationalité allemande
venir... La défaite allemande en
La politique d’assimilation
l’Alsace aurait pu tirer
novembre 1918 intervient dans
rigoureuse de Paris nour-
Fernand Herrenschmidt (1865-1938)
parti de sa position
un pays exsangue. Les Etats-Unis
rit des sentiments auto-
fut un des plus farouches patriotes et mit
au cœur d’une Europe
deviennent la première puissance
nomistes et crée un cli-
rhénane de plus en plus pros-
du monde. La France est reléguée
vage entre «nationaux» et
guerre, en novembre 1918, il fut nommé
père. Mais la plaie ouverte par
au quatrième rang mondial. Ses
«régionalistes» défenseurs
administrateur militaire de l’arrondisse-
l’annexion de 1871 n’est pas refer-
investissements sont en berne.
du particularisme.
mée. Placée au centre d’un conflit
L’Alsace accueille les troupes fran-
aigu entre deux grandes nations
çaises les bras ouverts et retrouve
présidence de la Chambre de Commerce.
continentales, l’Alsace va vivre les
sa patrie regrettée par une partie
Grand orateur à la culture encyclopédi-
trente années les plus sombres de
de la population pendant près d’un
son histoire. La première guerre
demi-siècle. Mais ce retour dans
mondiale se traduit en Alsace par
le giron français n’est pas sans
tration. Très influent auprès du personnel
de profondes souffrances et des
poser de problème. La séparation
politique régional et national, il contribua
destructions d’une ampleur encore
de l’Alsace-Lorraine a été vécue
jamais vue sur toute la ligne de
comme une blessure et l’esprit
front. Mais le pire est encore à
de revanche ne s’est pas relâché.
A
70
tout en occupant des fonctions économi-
l’aube du 20 ème siècle,
ques importantes en Alsace avant 1914.
toutes ses forces dans le combat contre l’occupant allemand. Au lendemain de la
ment de Strasbourg-Campagne. VicePrésident du Conseil Général du Bas-Rhin de 1919 à 1928, il accéda en 1921 à la
que, Fernand Herrenschmidt joua un rôle actif dans la législation économique et présida une dizaine de conseils d’adminis-
au développement de la fonction portuaire
Fernand Herrenschmidt. Président de la Chambre de commerce de 1920 à 1938.
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
de Strasbourg ainsi qu’au rayonnement de son pôle universitaire.
1918
1918
1919
1920
1920 Fernand Herrenschmidt
Léon Ungemach est élu président
La Chambre s’engage dans les
La Chambre de Commerce
A l’initiative de la Chambre
de la Chambre de Commerce.
négociations du Traité de Versailles
est accueillie dès le 27 janvier
de Commerce, l’Institut
devient président
dont l’article 68 va clarifier les
par l’Assemblée des Présidents des
d’Enseignement Commercial
de la Chambre de Commerce.
compétences internationales de
Chambres de Commerce de France.
Supérieur ouvre ses portes
la Chambre. Un service spécial
le 1er octobre 1920.
va être créé pour surveiller les négociations puis l’application de cet article : c’est la commission du service extérieur.
La dynastie Herrenschmidt Fleuron de l’économie locale, pionnier du nouveau système industriel, les Tanneries de la famille Herrenschmidt emploient 225 salariés à Strasbourg. Livre d’or de l’Industrie et Commerce du Bas-Rhin, 1924.
Raymond Poincaré et Georges Clemenceau. (Respectivement Président de
Raymond Poincaré et Georges Clemenceau. (A Strasbourg le 9 décembre 1918).
la République et Président du Conseil), en voyage officiel à Strasbourg, le 9 décembre 1918.
L’économie doit se réadapter au
Ainsi, de Dietrich répond-il à l’appel
tements annexés seraient soumis
encore, la séparation de l’Eglise et
marché français. Le patronat alsa-
du gouvernement pour prendre
aux mêmes lois que le reste de la
de l’Etat, si chère à la république
cien, lui, est resté francophile. Il
une participation dans les chan-
Nation ou bien s’ils garderaient leur
laïque, n’existe pas en Alsace où
participe à la mise en place des
tiers navals de Dantzig pour ne pas
statut spécifique. La plupart des
l’on continue à suivre les règles du
structures administratives fran-
laisser les capitaux anglais seuls
Alsaciens souhaitaient conserver
Concordat.
çaises et soutient activement les
dans l’opération. A la Chambre
leur différence essentielle, leur
autorités françaises non seulement
des Députés, un grand débat
âme singulière. Ils obtinrent gain de
en Alsace mais aussi en Europe.
s’ouvre pour savoir si les dépar-
cause. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
71
En ce début des années 20, l’actualité est dense
T
rès engagée dans le dévelop-
bataille, mais encore dans la com-
pement régional, la Chambre
pétition industrielle. Ils sentent que
de Commerce consacre toute
dans l’organisation de l’enseignement
son énergie à cette tâche immense :
professionnel, dans le droit commer-
rendre à l’Alsace sa place dans la
cial, dans les structures d’organisa-
communauté nationale et renouer les
tion des métiers, l’Allemagne peut
liens que la guerre de 1870 avait bri-
servir d’exemple. C’est ainsi que la
sés. Sous l’autorité de son président
Chambre de Commerce réussit à faire
Fernand Herrenschmidt et du secré-
partager ses points de vue en ce qui
taire général Hugo Haug, elle entame
concerne le Registre du commerce,
une profonde réorganisation qui dure
les sociétés à responsabilité limitée et
de 1918 à 1927. Ses services sont
les chambres de métiers.
étoffés et une vingtaine de personnes compose son effectif. Il est vrai qu’en ce début des années 20, l’actualité est dense. L’introduction de la législation financière et fiscale française est ainsi diversement appréciée et donne
place gutenberg.
Photographie de Jules Manias, extraite de l’ouvrage Vues de Strasbourg, par J. Manias, 1896. Collection Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.
Hugo Haug, secrétaire général de la Chambre de Commerce de Strasbourg de 1892 à 1938.
Les services consulaires se développent
lieu à de multiples interventions. La Chambre s’efforce même d’obtenir
C’est en 1892 que le premier se-
tandem - Fernand Herrenschmidt
néral est également en charge des
le maintien de certaines dispositions
crétaire général de la Chambre de
et Hugo Haug -, la Chambre mani-
questions de navigation rhénane et
Commerce - Hugo Haug - entre en
feste une autorité sans complexe.
fluviale, les réformes du droit fis-
fonction. A l’époque, le poste était
A l’écoute des industriels qui doi-
cal et social, l’organisation de l’ap-
confiné dans un petit bureau au
vent trouver de nouveaux clients,
prentissage et de l’enseignement
ves. Dans le climat d’antagonisme
rez-de-chaussée de l’hôtel consu-
de nouveaux débouchés, de nou-
technique. L’histoire se répètera en
franco-allemand de l’époque et la
laire. Belle époque que celle-là
veaux fournisseurs aussi, elle crée
1944 : la libération de Strasbourg
qui ignorait la fièvre quotidienne
un service du commerce extérieur.
placera les dirigeants de la Cham-
des affaires, les crises monétai-
Un guide précieux auquel s’adres-
bre devant les difficultés d’une
sa défaite, la démarche ne manque
res, la flambée des coûts éner-
sent quotidiennement les entrepri-
«nouvelle» reconversion de l’écono-
pas d’audace. Pourtant, les Français
gétiques. L’armistice de 1918 et
ses en rapport avec l’étranger. Suit
mie. Ainsi, loin de ralentir l’activité
le retour de l’Alsace à la France
la mise en place du Bureau des
de la Chambre, les tourments de
marquent une étape décisive pour
Transports qui assure une liaison
l’histoire ont contribué à en aug-
le Secrétariat de la Chambre de
permanente avec les chemins de
menter le potentiel.
Commerce. Sous l’influence du
fer et les PTT. Le secrétariat gé-
législatives locales héritées de l’époque allemande qui ont fait leurs preu-
dévalorisation de l’Allemagne après
les plus clairvoyants savent combien l’Allemagne a été un rude adversaire, non seulement sur les champs de
72
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Au sortir de la guerre, la Chambre
juridique particulier qui lui est donné
est surtout soucieuse d’aider à
après 1918. A partir de 1925, le
ce que la France puisse exploiter
territoire est rattaché, en effet, à
économiquement la victoire de
l’espace douanier français pour une
ses armes si chèrement payée.
durée de dix ans. Les relations com-
Elle œuvrera sans relâche pour la
merciales, qui se sont nouées entre
reconstitution des usines, la liberté
l’Alsace et la Sarre avant 1918,
du commerce et la paix sociale. Ses
peuvent se prolonger durablement.
initiatives ne tardent pas.
Vers 1930, la Sarre absorbe ainsi
Au lendemain de l’armistice de
jusqu’à 30 % de la production des
1918, elle demande, avec ses
minoteries du Bas-Rhin, 40 % de
homologues du Haut-Rhin et de Moselle, la franchise des droits d’entrée en Allemagne pour les pro-
celle de ses malteries, 60 % de
Polygone ou Entzheim ?
celle de sa construction électrique.
Dans le courant des années 20, la question de l’implantation de l’aéroport
Enfin, l’Alsace possède un quasi
duits alsaciens et lorrains pendant
de Strasbourg alimente le débat consulaire.
monopole pour les livraisons de
une période d’au moins cinq ans.
Deux sites sont en concurrence : l’aérodrome
sucre en Sarre. Les deux régions
Pas question, en effet, de se priver de l’immense potentiel du marché
du Polygone, dans le quartier du Neuhof, proche du centre ville, et celui d’Entzheim.
sont complémentaires : en échange
Après maintes hésitations, la Chambre
de ses expéditions de produits
allemand. D’autant qu’en 1918, les
de Commerce opte en 1932 en faveur
fabriqués, l’Alsace s’approvisionne
industriels alsaciens nourrissent une
d’Entzheim dont le coût d’aménagement
en charbon et en produits sidérur-
crainte majeure : la perte du marché
des terrains est nettement inférieur. Lors de sa séance plénière du 10 novembre
d’outre-Rhin. Parmi les débouchés
1932, elle attribue une subvention de trois
allemands de l’industrie alsacienne,
millions de francs en faveur de la construc-
le marché de la Sarre occupe une place dominante en raison de sa proximité géographique et du statut
tion de l’aérogare de Strasbourg-Entzheim. L’aéroport est inauguré deux ans plus tard. (Article DNA du 16 novembre 1932. Archives
giques sarrois.
Atelier mécanique à Schiltigheim.
Archives Municipales de Strasbourg.
Municipales de Strasbourg).
Inauguration de l’aéroport d’Entzheim (1934).
L’aéroport est surtout employé pour le trafic postal. Entre Strasbourg et Paris, le vol dure moins de deux heures et chaque avion ne peut contenir que huit passagers. Archives Municipales de Strasbourg.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
73
publicités mathis en 1932 et matford en 1938.
74
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
L’usine Bugatti à Molsheim. (Alésage à broches multiples). Photo Archives DNA.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
75
Ecole de perfectionnement professionnel, atelier de menuiserie. Archives Municipales de Strasbourg.
76
La Chambre de Commerce s’in-
et cohérent d’écoles et d’orga-
tallée 19 rue Erckmann-Chatrian,
1921 qui assure à l’Institut une
Chambre de Commerce a su faire
vestit pleinement dans le dévelop-
nismes facilitant le recrutement
l’école est transférée en 1926 quai
entière autonomie du point du vue
entendre son argument : former
pement de l’enseignement techni-
des entreprises commerciales de
Koch. L’Etat reconnaît l’établisse-
du programme et du budget. La
sur place les responsables écono-
que et commercial. Le président
la ville et donc leur expansion.»
ment par décret du 24 décembre
création de l’IECS prouve que la
miques régionaux pour répondre
Fernand Herrenschmidt s’engage
En 1919, la Chambre de Commerce
aux besoins de l’économie. Les
personnellement dans le dossier.
peut réaliser un projet qui lui
diplômes délivrés par l’Institut per-
tient à cœur depuis longtemps :
mettent, en effet, à leurs titulaires
La question de l’enseignement technique enflamme la Chambre
la création de l’Institut d’Ensei-
d’occuper pour la plupart des pos-
gnement Commercial Supérieur.
tes importants dans les entreprises
L’établissement ouvre ses portes
régionales et nationales.
Très disert sur la question, il raconte
deuxième année, le nombre d’étu-
que «les actions de la Chambre de
diants passe à soixante. La question
Commerce génèrent à Strasbourg
d’un local plus spacieux se pose
un ensemble diversifié, complet
plus tôt que prévu. D’abord ins-
le 1 octobre 1920 et accueille 46 er
élèves. Le conseil d’administration de l’école est dirigé par Fernand Herrenschmidt. Au seuil de la
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Publicité des Etablissements Holl.
Fonderie de pièces mécaniques en bronze et cuivre jaune. Album de l’Imprimerie Alsacienne.
Chroniques
du monde 1914 La France adopte le système d’imposition sur le revenu.
1915 Albert Einstein met au point sa théorie de la relativité générale.
La préparation du foie gras (atelier auguste Michel) à Schiltigheim. Publicité parue dans l’Album de l’Imprimerie Alsacienne, s. d.
1918
L’axe rhénan, facteur d’industrialisation
Signature de l’armistice à Rethondes.
e retour à la France n’empê-
Commerce de France. Elle adhère la
aux ports maritimes. La plus impor-
Strasbourg. De fait, dès le retour
che donc pas l’axe rhénan de
même année à l’Union des Chambres
tante des mesures gouvernemen-
de l’Alsace à la France, la Chambre
continuer à être un facteur
de Commerce Maritimes et des Ports
tales consiste à créer une large
s’implique énergiquement dans
français.
brèche dans le privilège tarifaire des
la réorganisation du site, distancé
ports maritimes français. Le décret
depuis la période du Reichsland
Une brèche dans le privilège tarifaire des ports maritimes français
du 23 décembre 1919 exonère
par Mannheim et concurrencé de
ainsi de taxes les marchandises
manière croissante par Kehl. Pour
arrivées à Strasbourg par le Rhin.
ses responsables, il convient donc
De plus, le gouvernement français
de mettre à profit la jouissance tem-
accorde au grand port alsacien des
poraire d’une partie des installations
contingents élevés, tant pour l’ache-
portuaires de Kehl et des navires
minement des réparations alle-
fournis par l’Allemagne au titre des
le 27 janvier 1919, la Chambre de
C’est sous l’égide de ces deux grou-
mandes que pour l’introduction du
réparations de guerre pour relancer
Commerce est accueillie par l’Assem-
pements que sera étudiée et réalisée
charbon d’outre-Rhin. C’est le début
l’activité du port strasbourgeois.
blée des Présidents des Chambres de
l’assimilation du port de Strasbourg
d’une nouvelle ère pour le port de
L’article 68 du Traité de Versailles
L
d’industrialisation pour Strasbourg. Une évolution liée en partie au régime juridique accordé par les autorités françaises au trafic fluvial ainsi qu’aux mesures prises pour améliorer les infrastructures. Le gouvernement français adopte, en effet, une politique rhénane ambitieuse. Cette initiative ne doit rien au hasard. Dès
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
1919 Signature du Traité de Versailles avec l’Allemagne.
77
les 5 millions de tonnes en 1939.
nier spécial pour les marchandises
En fait, toute une série de facteurs
en transit par Anvers, des contin-
favorables concourt au développe-
gents élevés pour l’acheminement
ment du port rhénan, atout écono-
des réparations en nature et, dans
mique essentiel. L’aménagement du
le cadre du traité franco-allemand
canal du Rhône au Rhin, du canal
de commerce de 1927, l’obligation
de Huningue, du canal de la Marne
d’entrepôt pour l’importation du
au Rhin et du canal des Houillères,
charbon allemand. Le port est bien
de même que l’achèvement d’une
situé pour l’entrée et la redistribution
un essor remarquable. Introduisant le travail
gare de triage (1920) et l’ouverture
des charbons rhéno-westphaliens
à la chaîne à la fin des années 20, elles pro-
de liaisons ferroviaires transvos-
et sarrois vers l’Est de la France, et
duisent plus de 4 000 véhicules en 1927.
giennes par Saint-Dié (1928) et
pour l’acheminement à l’étranger
Sainte-Marie-aux-Mines (1937)
des produits lorrains et alsaciens (fer,
à moteur V8, la Matford.
renforcent la fonction de carrefour
produits métallurgiques, potasse).
«La vie en Alsace», 1931.
du port rhénan. Il englobe ainsi
L’analyse du trafic le confirme. Le
l’Alsace-Lorraine, le Nord-Est de la
charbon constitue entre 52 et 68 %
donnera satisfaction à la Chambre
France, la Suisse, l’Allemagne du
des entrées, devant les céréales
et formalisera l’administration com-
Sud et la Tchécoslovaquie. De plus,
(entre 15 et 33 %).
mune des ports de Kehl et de
nous l’avons vu, la France a accordé
Strasbourg. Les deux sites sont
divers privilèges : un régime doua-
L’intelligence industrielle de Mathis Les usines automobiles Mathis connaissent
En 1932, elles s’associent à Ford pour construire un véhicule haut de gamme
placés sous l’autorité d’un directeur français. Surtout, la Chambre de Commerce prend une part active à l’élaboration de la loi du 26 avril 1924 qui a pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome. Ce changement de
Strassburg als Rheinhafen, projet de guide de visite du port (1900-1914). Archives Municipales de Strasbourg.
Les réparations de guerre relancent le port de Strasbourg Le Traité de Versailles de 1919 déplace la frontière des Vosges sur le Rhin. Résultat : les sociétés strasbourgeoises doivent restructurer leur réseau commercial. Une réorganisation facilitée par un régime douanier particulier prévu pour cinq ans. Le port de Strasbourg devient dans ce
statut conduit à une extension du
contexte un levier essentiel du développement économique. Les res-
site et une croissance exponentielle
ponsables de la plate-forme portuaire peuvent ainsi mettre à profit la
du trafic portuaire : de 36 119 tonnes en 1892, il passe à 2 millions de
jouissance temporaire d’une partie des installations de Kehl et des navires fournis par l’Allemagne au titre des réparations de guerre pour relancer l’activité du port strasbourgeois.
tonnes en 1914 avant de dépasser
78
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Chroniques
du monde
bassins : bassin aux pétroles (1927),
Ses ressources financières provien-
bassin des remparts, de la Citadelle
nent essentiellement de la location
et de Vauban (1927-1931), amorce
et de la vente de terrains ainsi que
de l’avant-port sud à partir de 1933.
de l’exploitation de l’outillage public
Le Traité de Versailles et l’accord du
géré directement ou affermé par
8 avril 1921 attribuent à la France
le port. Dans l’économie française,
une importante flotte rhénane, des
Strasbourg joue le rôle d’un port
installations à quai et des entrepôts
maritime parce qu’il est un port
dans cinq ports allemands et à
d’importation et d’exportation en
Rotterdam. Une société d’études
relation régulière avec l’outre-mer. Il
pour la Navigation du Rhin est
reçoit non seulement des charbons
créée en 1919 pour reprendre cet
de Westphalie mais encore d’Angle-
équipement et le céder en partie à
terre. Par l’importance de son trafic
d’autres sociétés de navigation. En
charbonnier, il se classe d’ailleurs
1924, elle devient la Compagnie
au troisième rang des ports mariti-
Générale pour la Navigation du Rhin
mes français importateurs de com-
qui gère les installations à terre et
bustibles. Strasbourg accueille aussi
la flotte de remorqueurs. Plusieurs
en provenance d’outre-mer des
sociétés de navigation ont leur
céréales, des bois coloniaux, des
siège à Strasbourg. La formule de
cafés, des cacaos, des arachides...
collaboration entre la ville et l’Etat
Il exporte, d’autre part, des potas-
s’inspire de la loi du 12 juin 1920
ses jusqu’en Amérique. Son trafic
sur les ports autonomes, en réser-
soutient donc aisément la compa-
vant à la ville le rôle joué à l’intérieur
raison avec Dunkerque, Le Havre,
de la France par les Chambres de
Bordeaux, Rouen ou Marseille.
1924
Les Etats-Unis inventent le hamburger.
1924 Edouard Herriot tente d’introduire les lois laïques en AlsaceMoselle.
1926 Première Foire européenne à Strasbourg.
Commerce. Le port autonome est géré par un conseil d’administration et un directeur. Port de Strasbourg, Bassin du Commerce. Photo CCI/Alice Bommer.
Port de Strasbourg, Bassin d’Austerlitz. Photo CCI/SATO.
1927 Lindbergh réussit
Pour faire face à ce trafic, le port
La construction de l’avant-port nord
la première traversée
accroît ses capacités, ses bas-
est achevée en 1921. Surtout, la loi
de l’Atlantique
sins et son outillage. En attendant
d’avril 1924 crée le port autonome
les extensions indispensables, le
de Strasbourg, un établissement
Traité de Versailles a transformé
public, dont une part des travaux
le port de Kehl en une annexe de
d’extension est prise en charge par
Strasbourg jusqu’en juillet 1928.
l’Etat, d’où l’ouverture de nouveaux
en avion.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
79
Ettore bugatti au volant de la bugatti type 5. Photo prise devant l’atelier de construction automobile de Reichshoffen. Archives De Dietrich.
80
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Le développement portuaire dépasse tous les espoirs u point de vue de son statut
A Strasbourg, au contraire, c’est la
Quant au second, il comprend
juridique et administratif, le
ville qui a construit le port. C’est elle
l’ensemble des terrains, ouvrages et
port de Strasbourg diffère
aussi qui réalise les travaux d’entre-
installations qui ne sont pas néces-
assez sensiblement des autres ports
tien, effectue le remorquage à l’inté-
saires à la circulation.
maritimes français. Ces derniers
rieur du port, construit et exploite un
Dernière différence significative :
ont en effet été construits par l’Etat,
certain nombre d’entrepôts. Autre
l’utilisation des quais. Dans les ports
très souvent, il est vrai, avec le
différence avec les ports maritimes
maritimes, le quai est un simple lieu
concours financier des Chambres
français : Strasbourg possède en
de passage où les marchandises
de Commerce qui ont été autori-
même temps un domaine public et
transitent. Dans un port rhénan,
sées, en échange de leur contribu-
un domaine privé. Le premier com-
les quais accueillent les magasins
tion, à percevoir des péages. Quant
prend les bassins, les voies ferrées,
et les marchandises y séjournent
à l’outillage public du port, il a été
les routes, les digues de protection
plusieurs semaines, voire plusieurs
pris en charge par les Chambres
contre les inondations, les ouvrages
mois.
de Commerce qui en ont reçu la
de navigation.
A
concession de l’Etat.
Port de Strasbourg. Photo CCI/Port Autonome.
Angle Place Gutenberg, rue des Grandes Arcades. Archives Municipales de Strasbourg.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
81
le cercle, 1897. Debout de gauche à droite : Charles Herrenschmidt, Maurice Himly, Charles Strohmeyer, Mme Ungemach, Mme Strohmeyer, Léon Ungemach (président de la Chambre de Commerce de 1918 à 1920). Au premier rang : Mme Bockel, Mme Himly, Mme Herrenschmidt, Jules Bockel. Extrait de P. Herrenschmidt, Survol d’une famille alsacienne du 15 ème au 20 ème siècle, 1985.
82
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Chroniques
du monde
Sur les quais du port de Strasbourg,
La Chambre de Commerce parti-
La reconstruction industrielle des
par exemple, on ne trouve pas seu-
cipe à la création de la Compagnie
départements de la ligne de front
lement des chantiers de charbon
Générale de Navigation sur le Rhin,
(Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle)
Sir Alexander Fleming
et des entrepôts mais aussi des
première compagnie française sur
s’achève en 1925. A partir de ce
découvre les effets
établissements industriels qui ont
le Rhin, dans le cadre d’une politi-
moment, leurs entreprises entrent
antibactériens
ainsi les plus grandes facilités pour
que fluviale rhénane.
en compétition avec l’industrie
réceptionner leurs matières premiè-
La chronique de Jacques Dietterlin
res et expédier des produits finis.
Dans son ouvrage, «Petite introduction à la vie
hauteur de tous ces aménagements
strasbourgeoise», l’écrivain strasbourgeois
grâce à l’efficacité de l’administra-
Jacques Dietterlin analyse à sa façon le Neubau et l’institution qu’il abrite.
Les résultats commerciaux sont à la
tion du port. Cela restera l’un des
Les conditions de la concurrence ne jouent pas en faveur de l’Alsace
gal. Les conditions de la concurrence sur le marché intérieur français ne jouent pas en faveur de l’Alsace. Au moins jusqu’au vote de la loi française sur les assurances
chapitres les plus brillants de l’his-
qu’industriels et plus industriels que banquiers.
toire de la réadaptation de l’Alsace
Comme dans toute ville, ils sont représentés
à la France. Le développement du
Malgré cet essor, l’Alsace connaît
sont plus lourdes que dans le reste de la France.
plus généralement des difficultés
les espoirs les plus optimistes.
de réadaptation au marché français
ville, la maison aux trois cents lucarnes, place
Au début des années 20, Strasbourg
qui pénalise certains secteurs. C’est
La place Gutenberg.
Gutenberg. C’est en cet immeuble de paisible
devient ainsi le deuxième port fluvial
le cas notamment de l’industrie du
Archives Municipales de Strasbourg, s. d.
du Rhin et le deuxième port fluvial
textile ébranlée par la nouvelle donne
français en tonnages.
du marché français.
strasbourgeois ont mis leur confiance et la défense de leurs intérêts, qui ont toujours un
«Jeudi noir» :
les héritées du système bismarckien
port de Strasbourg dépasse même
apparence que les commerçants et industriels
1929
sociales en 1930, les charges socia-
occupe une des plus vieilles maisons de la
La Chambre de Commerce de Strasbourg
de la pénicilline.
d’outre-Vosges. Le combat est iné-
«Les Strasbourgeois sont plus commerçants
à Strasbourg par une Chambre de Commerce.
1928
effondrement de Wall Street.
1933
caractère vital et exceptionnel. On dit aussi que sous des dehors paisibles, la Chambre de Commerce recèle des ambitions ardentes et de
Hitler devient
farouches rivalités. Mais il n’y paraît point et
chancelier
comme partout ailleurs, la Chambre de Com-
d’Allemagne.
merce s’emploie, plus activement il est vrai que dans d’autres villes, à l’élaboration de vœux. On assure que quelques-uns ont été comblés... Le président de la Chambre est M. Fernand
1933
Herrenschmidt, l’homme le plus représentativement français que les Strasbourgeois aient pu trouver. Fernand Herrenschmidt parle au
Aux Etats-Unis,
nom du commerce strasbourgeois avec calme
Roosevelt parvient
et gravité, ce qui lui donne une autorité incon-
à juguler la crise
testable. Il est le président né. Il représente
économique.
de plus Strasbourg et l’Alsace dans un grand nombre d’autres comités et conférences et préside à peu près à tout ce qui touche à l’activité économique de la région...» Jacques Dietterlin, «Petite introduction à la vie strasbourgeoise», Strasbourg, 1927.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
83
Vue de l’angle de la Douane, depuis le pont du Corbeau. Archives Municipales de Strasbourg.
Meeting communiste au Wacken à Strasbourg. 11 octobre 1936. Archives Municipales de Strasbourg.
A plein régime Dans les années 20, la machine
Les yeux tournés vers l’Europe et le monde
économique tourne à plein régime. L’expérience de la Première guerre mondiale amène des mutations décisives. La production en masse des munitions introduit le concept
écidée à servir la France
jouissait avant 1871. Il est aussi de
exportatrice de l’Alsace apparaît,
de crédit industriel et commercial.
sans toutefois renier ses
développer le commerce de transit
encore aujourd’hui, comme une
En reprenant en 1931 la banque
liens avec l’Allemagne, la
qui a fait la richesse de la région.
vocation dont tous les échelons du
d’Alsace-Lorraine, l’établissement
Chambre de Commerce se fait le
Dans un premier temps, face à la
cycle de production sont pénétrés.
élargit sensiblement son assise
porte-parole des entreprises loca-
politique nationale en matière de
La croissance à deux chiffres est
régionale.
les. En fait, elle a les yeux tournés
commerce extérieur, la Chambre
au rendez-vous. D’autant que
vers l’Europe et le monde. Depuis
adopte une attitude d’observation.
le retour dans le giron français
1918, la Chambre de Commerce est
Par la suite, elle se distinguera par
ouvre l’accès aux territoires des
engagée dans les négociations du
sa pugnacité à maintenir une orien-
colonies dont profitent notam-
Traité de Versailles dont l’article 68
tation internationale, même dans
ment De Dietrich et ses autorails
va clarifier les compétences interna-
les périodes les plus difficiles. Peu à
ainsi que la Société Alsacienne de
tionales de la Chambre. Un service
peu, cette activité internationale va
Constructions Mécaniques (SACM)
spécial va être créé pour surveiller
devenir prépondérante.
et ses locomotives.
les négociations puis l’application
Par leur persévérance, leur expé-
Le système bancaire alsacien rejoint
de cet article : c’est la commission
rience et leur enthousiasme, ses
peu à peu le système bancaire fran-
du service extérieur. L’activité inter-
membres vont progressivement
çais. Les grandes banques nationa-
nationale de la Chambre est lancée.
convaincre les acteurs économiques
les tentent une incursion en Alsace :
L’objectif est dès lors de redonner
de la région qu’il y a là un domaine
Banque Nationale de Crédit, Crédit
à Strasbourg sa position de plaque
porteur pour la croissance de leur
Lyonnais. En 1919, Jean Wenger-
tournante sur le Rhin dont elle
entreprise. Résultat : la mission
Valentin crée la Société alsacienne
D
84
La succursale strasbourgeoise de la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie.
(Aujourd’hui BNP Paribas)
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
de fabrication en série dans les industries où l’on commence à étudier les ressorts de la productivité. Le système bancaire contribue à cet essor.
1924
1924
1938
La Chambre de Commerce prend
La Chambre de Commerce participe
Paul Jacquel succède à Fernand
une part active à l’élaboration
à la création de la Compagnie
Herrenschmidt à la tête de la Chambre
de la loi du 26 avril 1924
Générale de Navigation sur le Rhin.
de Commerce.
qui a pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome.
De l’euphorie à la menace : l’Alsace est en état d’alerte
E
n France, l’effort natio-
Ungerer, fabricant d’horloges d’édi-
L’économie alsacienne est en plein
nal de reconstruction des
fices, agrandit ses ateliers. Les
essor et continue à étendre la
régions dévastées par le
Forges de Strasbourg réalisent de
gamme de ses activités. L’industrie
conflit crée des débouchés consi-
nombreuses charpentes métalli-
potassique connaît la croissance
dérables aux industries du bâtiment
ques. Et la Société Alsacienne de
la plus rapide. Les entreprises de
et de la métallurgie. La société De
Constructions Mécaniques remplit
biens d’équipement se multiplient.
Dietrich développe sa production
son carnet de commandes de loco-
La construction électrique poursuit
d’appareils de chauffage central.
motives pour trois ans.
le développement amorcé à la fin
chantier de la grande percée. Angle rue des Francs-Bourgeois et Grand’Rue.
du 19
Archives Municipales de Strasbourg.
ème
siècle. Plus significatif
encore, le bond en avant du secteur automobile avec deux entreprises prestigieuses : Bugatti et Mathis.
Le second recherche une clien-
boursier américain qui précipite le
Le premier produit des voitures de
tèle la plus large possible et mise
monde dans une crise profonde.
sport dont la notoriété est servie
sur des véhicules légers et robus-
Et quand en 1929 s’ouvrent des
par d’innombrables victoires sur les
tes. Son slogan «le poids, voilà
négociations franco-allemandes à
circuits.
l’ennemi» est resté célèbre. La
propos du régime douanier de la
prospérité s’installe. Elle sera de
Sarre, les milieux d’affaires alsa-
courte durée. Au printemps 1928,
ciens manifestent leur inquiétude.
l’économie allemande entre en
En 1935, la Sarre est rattachée à
récession, un an avant le krach
l’Allemagne.
La cité Georges Risler en construction en 1931.
(Aujourd’hui CUS Habitat). Archives Municipales de Strasbourg.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
85
La situation internationale se révèle de plus en plus inquiétante. Face au ralentissement de l’économie dans les années 30, aux répercussions de la crise américaine sur le com-
La politique du glacis enfonce l’Alsace
nécessite l’accord des autorités militaires, ce qui n’est pas fait pour encourager les nouvelles créations et l’innovation. Les défections, hélas, se multiplient. La raffinerie
merce extérieur en Europe et aux
Pour l’Alsace, la conjoncture de
de pétrole, prévue au port du Rhin
réformes économiques et sociales
guerre commence au début des
à Strasbourg, sera construite à
menées par le Front Populaire, la
années trente avec les premiers
Donges, près de Nantes. Saint-
Chambre concentre ses activités. Sa
succès électoraux du parti nazi. Elle
Gobain renonce à installer une
priorité est double : maintenir à flot
regarde avec inquiétude les hordes
plate-forme chimique à Strasbourg.
le commerce et l’industrie et défen-
brunes grossir outre-Rhin. Hitler
Les industriels alsaciens commen-
dre les positions acquises durant
avance ses pions, un à un. La situa-
cent à chercher des terrains dans
la dernière décennie. Elle observe
tion frontalière de la région n’incite
la France de l’Ouest et du Centre
aussi, aux frontières, la montée
guère les investisseurs français.
pour pouvoir y effectuer un repli.
en puissance d’Etats totalitaires et
L’Alsace devient très vite un glacis :
Un mouvement amplifié par la
leurs agressions à l’égard de nations
tout investissement important
construction de la Ligne Maginot.
voisines.
le cauchemar de toute une ville L’évacuation. Archives Municipales de Strasbourg.
En 1939, la menace de la guerre conduit l’état-major français à prévoir l’évacuation de la population civile. Strasbourg et son agglomération sont en première ligne. Les 2 et 3 septembre 1939, 120 000 personnes sont embar-
Le chantier de construction de l’ESCA. Archives Municipales de Strasbourg. Photo Blumer.
quées dans des trains et transportées en Dordogne et dans l’Indre. Quelques
Pour lutter contre le fléau du chô-
En novembre 1935, pas moins
centaines de personnes restent dans
mage, qui frappe l’ensemble de la
de 28 chantiers de ce type sont
population dans les années 30, les
ouverts à Strasbourg. Un exemple :
les derniers contingents de l’armée
administrations municipales doivent
la Grande Percée. Ce programme a
française abandonnent la ville.
coopérer. Elles mettent en œuvre
été conçu avant la première guerre
Le lendemain, Strasbourg est aux mains
des travaux d’intérêt public qui
mondiale sous le nom de «Grosse
ne permettent toutefois d’occuper
Durchbruch» et réalisé en deux
qu’une fraction des chômeurs : ce
tranches : la première 1907-1918
sont les «travaux de chômage».
avec la création de la rue Neuve
«Strasbourg maintenu» pour assurer la sécurité des biens. Le 18 juin 1940,
de l’armée allemande. La capitale alsacienne restera occupée jusqu’au 23 novembre 1944.
86
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Chroniques
du monde
(aujourd’hui rue du 22 novembre)
départ volontaire de plus de
jusqu’à la place Kléber, la seconde
100 000 habitants de Strasbourg,
1931-1936 avec la création de la
retraits massifs de fonds, transfert
Front Populaire :
rue des Fribourgeois (aujourd’hui
du matériel de certaines usines vers
les Accords de Matignon
la rue des Francs-Bourgeois et de
d’autres régions de France. Une
la Division Leclerc) vers la place de
fois l’alerte levée, la Chambre de
la Bourse. La Grande Percée met
Commerce entreprend de pressan-
semaines de congés
en scène de nombreuses équipes
tes démarches auprès du gouver-
payés.
de terrassiers entre la rue des
nement pour qu’il vienne en aide à
Serruriers et les bords de l’Ill. Au
l’économie alsacienne si durement
total, les investissements engagés
éprouvée. Mais l’aggravation bru-
pour financer les «travaux de chô-
tale de la situation en septembre
mage» sont conséquents : près de
1939 anéantit ces efforts. La guerre
12 millions de francs entre 1935
est déclarée, avec comme consé-
et 1936. En d’autres termes, les
quence immédiate, l’évacuation
entre Hitler, Daladier
fonds débloqués par la ville pour
par mesure administrative de la
et Chamberlain.
le financement des «travaux de
ville de Strasbourg. La Chambre
chômage» représentent environ
de Commerce s’installe d’abord
10 % du total des dépenses ins-
à Rothau, dans la vallée de la
crites dans le budget primitif de
Bruche. Elle y restera jusqu’en juin
l’année 1936.
1940. La tâche qui lui incombe est
En septembre 1938, l’orage n’éclate
très lourde : récupérer les matières
pas encore, mais la tension interna-
premières et les immenses stocks
tionale est telle que la vie écono-
de marchandises accumulés à
mique régionale est complètement
Strasbourg, en particulier au port,
paralysée. A nouveau prise en
remettre en marche les usines,
otage, l’Alsace est en état d’alerte :
regrouper les personnels. L’évacuation en septembre 1939. Archives Municipales de Strasbourg.
1936 prévoient la réduction du temps de travail à 40 heures et deux
1938 Anschluss de l’Autriche au Reich, accords de Munich
1939 La Pologne est envahie par l’Allemagne le 1er septembre et le 17 septembre par l’Union Soviétique. L’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne.
1940 Le Général de Gaulle lance l’appel du 18 juin à la BBC.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
87
L’administration municipale est aux mains des Nazis. (Séance du Conseil Municipal de Strasbourg en 1942). Archives Municipales de Strasbourg.
Sous le feu des bombardements De septembre 1943 à septembre 1944, Strasbourg subit plusieurs
face à l’horreur absolue, Un seul mot d’ordre : réagir
bombardements. Celui du 11 août 1944 affecte le centre de la ville. Le quartier du Neubau n’est pas épargné. La façade du bâtiment
troisième Reich. La politique de
Le potentiel alsacien doit être rapi-
Mathis passe sous le contrôle de
débâcle, les services de
germanisation et de nazification
dement mobilisé pour les fabrica-
Junckers, Mannesmann reprend
la Chambre de Commerce
commence aussitôt. Les leviers
tions de guerre. Les exemples de
les Forges de Strasbourg, les Mines
auxquels il faut trouver une
créent un second bureau à
de commande sont ainsi soumis
confiscation abondent :
de Potasse deviennent une filiale
solution de réinstallation.
Périgueux le 21 juin 1940 où
au régime nazi qui procède à un
sont évacués ses ressortissants
pillage de l’économie alsacienne.
strasbourgeois. La première tâche
L’épuration et la «re-germanisa-
sera difficile à résoudre, d’autant
de ce bureau est de recenser tous
tion» vont de pair avec la mise au
que les demandes excèderont
ses représentants que l’évacuation
pas idéologique.
avait disséminés dans le reste de
Cette fois, les Allemands sont
la France - un recueil fait état de
décidés à évincer radicalement le
sins provisoires. L’entreprise sera
3 000 adresses - puis de les aider
patronat alsacien de la direction et
laborieuse, en raison notamment
par tous les moyens à repren-
de la propriété de ses entreprises
dre une certaine activité. Survient
et à le remplacer par des dirigeants
la première cité commerciale
l’armistice du 22 juin 1940 qui
d’origine allemande et voués à la
provisoire sera achevée rue
ne porte aucune clause fixant le
cause nationale-socialiste.
D
de Preussag.
statut de l’Alsace-Moselle. Pour Hitler, il n’y a aucune ambiguïté : cette région doit être annexée au
88
est touchée par une bombe
evant l’ampleur de la
la place gutenberg, 1940-1944.
Archives Municipales de Strasbourg.
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
américaine. Les frappes détruisent 275 commerces strasbourgeois
La Chambre de Commerce se consacrera à cette tâche après la Libération. Mais le problème
largement l’offre en surfaces disponibles. La Chambre prendra l’initiative de construire des maga-
du manque de crédits. Ce n’est finalement qu’en mai 1946 que
de la Division Leclerc.
1939
1940
1945
La Chambre de Commerce s’installe
Face à la débâcle, l’institution
Le 3 décembre 1945 ont lieu
à Rothau, dans la vallée de la Bruche.
consulaire transfère son bureau
les élections pour le renouvellement
Elle y restera jusqu’en juin 1940.
de Périgueux à Lyon.
total des membres de la Chambre de Commerce.
Place Gutenberg. Fontaine publique destinée aux réfugiés lors de leur retour en mai 1940. Archives Municipales de Strasbourg.
L’économie et le patrimoine font l’objet d’un véritable pillage
dense de surveillance et d’intimidation. Très rapidement, le bureau de la Chambre de Commerce prend la mesure de la situation. L’institution consulaire n’a d’autre choix que de transférer son bureau de Périgueux à Lyon où se constitue un centre
La SACM est cédée à Krupp.
d’activité alsacien et lorrain.
Bugatti est confiée à Trippel. De Dietrich est placée sous la direction d’un administrateur allemand. La propagande et la terreur règnent dans les rues tandis que l’économie et le patrimoine font l’objet d’un véritable pillage financier. La résistance s’organise difficilement d’autant que le régime hitlérien enserre chaque individu dans un réseau exceptionnellement
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
89
Jusqu’en novembre 1942, les
La Chambre crée également des
membres de la Chambre se ren-
bulletins de liaison ainsi qu’un
contrent régulièrement, s’effor-
annuaire de localisation des indus-
çant de réagir contre l’adversité et
triels et des commerçants évacués.
surtout d’aider les ressortissants
Elle peut s’appuyer sur un fichier
à retrouver quelque activité : l’oc-
constamment mis à jour.
troi de prêts de démarrage les
C’est grâce à ce recensement
encourage.
méthodique et cette nomenclature qu’il sera facile d’établir un lien
Décembre 1939, la statue de Gutenberg entourée de sacs de sable. Archives Municipales
entre le passé et le présent et que les entreprises pourront établir la continuité de leur existence et justifier de leurs droits.
de Strasbourg. Photo Carabin.
Sur une ligne de fracture politique
90
Il est impossible aujourd’hui d’éta-
représentée par les 50 000 morts
dans l’ensemble français entre les
blir un bilan complet des effets de
alsaciens (5 % de la population), par
recensements de population active
la Seconde Guerre mondiale sur
l’éloignement des chefs d’entre-
de 1931 et 1954. Au total, l’Alsace
l’évolution des entreprises alsacien-
prise placés dans l’impossibilité de
aura beaucoup souffert de se trou-
nes. La seule estimation disponible
préparer l’après-guerre et par le dé-
ver sur l’une des grandes lignes de
porte sur les dommages matériels.
part définitif de tant de cadres et
fracture politique de l’Europe entre
Les éléments immatériels sur les-
de techniciens de grande valeur ?
1914 et 1945. Mais la disparition
quels repose l’essentiel de la des-
Quelques faits saillants s’imposent
du troisième Reich, bientôt suivie
tinée des entreprises ont été af-
dans la mémoire collective : la dis-
des premiers efforts de construc-
fectés par la guerre d’une manière
parition totale d’une grande entre-
tion européenne, fait naître un im-
qui nous échappe encore très lar-
prise, Mathis, ou la perte de poids
mense espoir, celui de se trouver au
gement. Comment évaluer la perte
relatif
cœur d’une Europe pacifique.
de
l’industrie
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
alsacienne
Chroniques
du monde
Pour l’heure, il s’agit de tenir coûte
Une fois de plus, il s’agissait pour
que coûte face à l’occupant qui
eux de remettre sur pied une éco-
installe un régime de terreur :
nomie que cinq années de guerre et
emprisonnements, déportations,
d’occupation avaient ébranlée jus-
expulsions, incorporations de
que dans ses fondements. Durant
force. Recherchés par la Gestapo,
l’annexion de fait, une «Industrie
le président de la Chambre de
und Handelskammer», puis en
Commerce et son secrétaire géné-
1943 une «Gauwirtschaftskammer»,
ral sont contraints de quitter la cité
véritable ministère comptant plus de
rhodanienne, non sans avoir pris
100 agents, avaient pris la place des
soin de remettre à la Chambre de
services de la Chambre, réglemen-
Commerce de Lyon les archives et
tant, contingentant, contrôlant toute
les fonds dont ils avaient la charge.
l’économie de la région. La politique
De l’automne 1943 à l’automne 1944, la Chambre de Commerce connaît une période d’éclipse totale. Le 23 novembre 1944, le
Un outil très précieux La Chambre de Commerce a créé des bulletins de liaison ainsi qu’un triels et des commerçants évacués.
division blindée libèrent la capitale
Un recensement méthodique et
par l’officier à Koufra, au cœur du
Le Général de Gaulle accorde le droit de vote aux femmes.
1944
de pillage, les bombardements alliés
Débarquement des alliés
et les combats de la Libération lais-
en Normandie.
sent l’Alsace exsangue.
annuaire de localisation des indus-
Général Leclerc et la deuxième alsacienne. Le serment prononcé
1944
précieux qui facilitera, après la Libération, l’indemnisation des chefs d’entreprise spoliés.
désert lybien, est accompli.
Le complexe industriel de la plaine des bouchers. Archives Municipales de Strasbourg.
1944 Les Etats-Unis, auxquels la vieille Europe doit sa victoire
Dès le mois suivant, le président,
contre le nazisme, préparent
plusieurs membres du bureau et
l’avènement d’un nouvel ordre
les secrétaires généraux se retrou-
mondial. Les fameux Accords de Bretton Woods font du
vent à Strasbourg.
dollar la monnaie-étalon.
le Général de Lattre de Tassigny à Strasbourg, lundi 16 avril 1945. Archives Municipales de Strasbourg.
1945 Fin de la Deuxième guerre mondiale et coupure de l’Europe en deux blocs opposés.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
91
Le bilan des usines détruites partielle-
A l’inverse, la société Mathis est
La première réunion de la nouvelle
ment ou totalement est dramatique :
emportée par le conflit. En novem-
assemblée se déroule le 10 janvier
310 dans le Haut-Rhin, 128 dans
bre 1944, il ne reste que peu de
1946. L’institution peut enfin repren-
le Bas-Rhin. Certaines entreprises
choses des usines de la Meinau.
dre le cours normal de ses travaux et
se relèveront, d’autres pas. Parmi
L’entreprise sera mise en liquida-
consacrer le meilleur de ses forces à
les premières figure De Dietrich
tion en 1950. Durant toute l’année
sa fonction fondamentale : restaurer
qui peut redémarrer sa production
1945, l’activité de la Chambre sera
et assurer la prospérité économique
dans quatre usines. L’entreprise,
essentiellement administrative : les
du pays. L’Alsace, quant à elle, est
qui a payé un lourd tribut à l’occu-
questions de reconstruction et de
au centre d’une nouvelle et grande
pation et la guerre, doit son salut à
dommages de guerre, d’approvi-
ambition : la construction euro-
son important patrimoine forestier.
sionnement en matières premières,
péenne. Cette fois-ci, elle n’est plus
L’exploitation de ses forêts pour la
de réparations dues aux entreprises
otage ni orpheline : elle est un trait
reconstitution de l’outil industriel
mises sous séquestre ou spoliées
d’union entre les peuples européens
représente jusqu’à 30 % du béné-
par l’occupant, le financement de
et sa capitale, Strasbourg, le cœur
fice total.
la relance des affaires industrielles
battant de l’Europe.
et commerciales, la remise en marche des transports - fer, route, la deuxième division blindée du Général Leclerc.
navigation rhénane -, la remise en ordre des salaires et la politique des
A Strasbourg le 22 novembre 1944.
prix mobilisent toute son énergie.
Archives Municipales de Strasbourg.
Enfin, le 3 décembre 1945 ont lieu les élections pour le renouvellement total des membres de la Chambre de Commerce.
92
discours du Général de Gaulle. (Sur le péristyle de l’Université de Strasbourg, le 5 octobre 1945). À ses côtés, le Maire Charles Frey. Archives Municipales de Strasbourg.
1914-1945 • Les tourments de l’histoire Entre espoirs et désillusions
Les grandes mutations
le tournant de la mondialisation
visions
La réconciliation franco-allemande et la construction européenne réactivent le poids de la géographie rhénane et le rôle de Strasbourg au cœur de l’Europe. La Chambre de Commerce accompagne ce mouvement décisif pour toute une région.
1945 2008
16 septembre 1945. La dépouille du Général Kléber est rapatriée avec les honneurs militaires du cimetière militaire de Cronenbourg au caveau de la place Kléber. Le 23 novembre 1945, la statue conservée intacte retrouve son emplacement au centre de la ville. Archives Municipales de Strasbourg.
Sur fond d’antagonisme politique
L’effervescence des «Trente Glorieuses»
E
n mars 1945, la libéra-
dont les fenêtres s’ouvraient à la fois
Enfin, la cour accueillait une fon-
tion de l’Alsace révèle
sur la vue unique de la cathédrale et
taine dont le motif central était orné
l’ampleur des dégâts
la cour intérieure, fut sacrifiée et mor-
d’un monumental aigle hitlérien.
provoqués par l’occupa-
celée en une série de petits bureaux
Autant dire que ces transforma-
tion nazie. Villes détruites, industries
sans allure. Une nouvelle salle fut
tions ont considérablement entamé
démantelées, familles déchirées : la
créée dans la partie de l’immeuble
la valeur historique du Neubau.
région est profondément meurtrie,
donnant sur l’étroite rue de l’Arbre
les plaies matérielles sont incom-
Vert. Une autre salle, habillée de
mensurables. A l’explosion de joie
boiseries et de lustres en fer forgé, fut
après la capitulation de l’occupant
aménagée dans le style «Bierstube»
allemand se mêle le goût amer des
dotée d’un immense panneau cen-
quatre années subies à l’ombre de
tral servant de cadre au portrait du
la croix gammée. Le Neubau n’a
«Führer».
pas été épargné. Dans leur furie de renouveau, les Nazis ont littéralement vandalisé et défiguré le bâtiment. La grande salle de séances,
96
La deuxième Division Blindée du Général Leclerc à Strasbourg. 25 novembre 1944. Archives Municipales de Strasbourg.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
1946
1946
1953
1955
1955
La première réunion
La Chambre de Commerce crée
La Chambre de Commerce célèbre
L’aéroport de Strasbourg-
Naissance de la Chambre
de la nouvelle assemblée
un service affecté aux dommages
le cent cinquantième anniversaire
Entzheim devient la concession
de Commerce franco-allemande.
consulaire se déroule
de guerre et à la reconstruction.
de sa fondation.
de la Chambre de Commerce.
le 10 janvier.
Strasbourg, ville libérée. Archives Municipales de Strasbourg.
Pire : un bombardement de l’avia-
à la place desquels on installe un
tion américaine, survenu quel-
éclairage au néon, rapidement jugé
ques semaines avant la Libération,
fatigant pour la vue. On aménage
endommagea fortement l’édifice,
aussi une petite salle destinée aux
créant un trou béant à hauteur du
séances de commissions mais qui
deuxième étage. Le portail et ses
devait bientôt s’avérer trop petite.
sculptures subirent d’importants
Enfin, on décide l’acquisition d’un
dégâts.
splendide tableau du peintre Lurçat
L’ensemble du bâtiment fut ébranlé.
qui doit tempérer l’atmosphère
Dans les mois, ou plutôt les années
froide et austère de la salle de réu-
qui suivent la Libération, les diri-
nions. Malheureusement, ce choix
geants de la Chambre de Commerce
n’aboutit pas.
s’emploient à panser ces plaies. Pas question bien entendu de modifier l’aspect extérieur du Neubau, véritable chef-d’œuvre architectural. A l’intérieur du bâtiment, un premier essai de rénovation porte sur la salle des séances plénières héritées de l’occupant allemand. On la débarrasse de ses lustres difformes,
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
97
Le processus de reconstruction est enclenché n fait, l’urgence est ailleurs.
la remise en ordre de l’industrie
Elle ouvre un service de rensei-
Strasbourg et le Bas-Rhin
alsacienne puis l’organisation de
gnements juridiques, fiscaux et
ont supporté le poids de
l’indemnisation des dommages de
comptables afin d’aider les res-
graves dommages. Les bombar-
guerre. Cette question va l’occuper
sortissants à intégrer la nouvelle
dements aériens ont dévasté de
pendant de longues années. Un
législation française. Chaque jour,
nombreuses industries et de nom-
service affecté aux dommages
des industriels et des commerçants
breux magasins. Le département
de guerre et à la reconstruction
s’adressent à ce service concer-
a le redoutable honneur de figurer
sera même créé en 1946. Celui-
nant leurs obligations en matière
parmi les plus sinistrés de toute
ci assume la représentation et la
de salaires, de congés payés, de
la France. Les propriétaires de
défense des sinistrés et spoliés
licenciements. Des comptables et
nombreuses entreprises, qui ont
auprès de multiples instances
des experts-comptables sollicitent
quitté l’Alsace durant la guerre,
locales et parisiennes. Il s’efforce
ses conseils pour l’établissement
rentrent progressivement au pays
de guider les entreprises victimes
des bilans. Des chefs d’entreprises
pour y reprendre leur activité. Ils
de la guerre à travers les arcanes
l’interrogent sur la réglementation
font valoir à juste titre les spolia-
du Ministère de la Reconstruction
des contrats de travail et l’ensem-
tions dont ils ont été les victimes.
et de l’Urbanisme. La Chambre de
ble de la législation en vigueur.
La Chambre de Commerce doit
Commerce tient également un rôle
alors s’atteler à une tâche ardue :
important dans l’effort national de
E
création de logements et soutient l’installation de cités provisoires.
Au secours des commerçants sinistrés Convoi poussé sur le grand Canal d’Alsace. Document CCI/Carabin.
Près de 300 entreprises com-
affectation. Et ce n’est qu’en
merciales anéanties, dont 120
mai 1946 que la première «cité
magasins de détail, 25 restau-
commerciale» voit le jour com-
rants, 100 ateliers d’artisans :
prenant 25 magasins. D’autres
les bombardements aériens de
projets aboutirent rue de la Di-
1944 ont ravagé l’économie lo-
vision Leclerc, dans le quartier
cale. Au lendemain de la Libé-
du Polygone et dans l’agglomé-
ration, une urgence s’impose :
ration de Kehl, rattachée provi-
le relogement des sinistrés. Une
soirement à Strasbourg pour le
tâche
relogement des sinistrés.
immense
qui
implique
tout d’abord de centraliser les inscriptions des commerçants sinistrés et de décider de leur
98
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde
Ainsi, par une action soutenue et
d’apprentissage et d’enseignement
Mais la Chambre de Commerce a
permanente dans les domaines les
technique. Chaque année, ce ser-
bien conscience de la nécessité
1950
plus divers - séquestres, règlement
vice enregistre plusieurs milliers
d’ouvrir le marché économique
Déclaration Schuman du
des spoliations, relogement, crédit -
de contrats d’apprentissage, en
de la région. Elle décide ainsi de
9 mai qui est à l’origine de
la Chambre de Commerce s’est
contrôle la bonne exécution et
s’engager dans la voie d’une libé-
la création de la première
efforcée tout au long des années
assure la liaison avec l’administra-
ralisation des échanges au niveau
consécutives à la Libération, d’ef-
tion de l’Enseignement technique
européen. Les relations avec l’Al-
facer les traces de la guerre, de
pour la préparation des examens
lemagne sont bien évidemment au
panser les blessures de toutes
du CAP et du Brevet Commercial.
centre de la stratégie internationale
sortes et de rétablir les conditions
de la Chambre de Commerce.
Communauté Européenne, celle du Charbon et de l’Acier (CECA).
1954
Elle s’inscrit dans le contexte por-
Par ailleurs, l’attention toujours
Les relations avec l’Allemagne sont au centre de la stratégie internationale de la Chambre
plus grande que les milieux indus-
Le processus de reconstruction est
franco-sarroises, l’heure est venue
triels portent à la formation d’une
enclenché. Les anciens réseaux
de mettre en place une Chambre
main-d’œuvre qualifiée a conduit
internationaux sont réactivés : c’est
de Commerce franco-allemande
L’Allemagne,
la Chambre à promouvoir l’activité
le cas de l’axe Anvers-Strasbourg
pour mettre fin aux tensions et se
la Belgique,
d’un service spécialisé en matière
ou des relations avec le Maroc.
propulser dans l’Europe.
d’une reprise normale des affaires. En cette période d’extrême pénurie, la création de l’Office de Compensation des Chambres de Commerce facilite les échanges de marchandises de première nécessité.
teur de la construction européenne
Fin de la guerre
et du rapprochement inéluctable
d’Indochine et retrait
entre la France et l’Allemagne.
de la France.
L’Alsace va tenir un rôle important dans cette étape. La Chambre de Commerce également. Après avoir multiplié les commissions
1957 la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signent le Traité de
Le Général de Lattre de Tassigny et le maire de Strasbourg Charles Frey. (16 avril 1945). Archives Municipales de Strasbourg.
Rome, l’acte fonda-
Vers une nouvelle extension du port
teur de l’Europe
Après 1945, le programme d’extension
Communauté
et instituent la
du port est repris et poursuivi, marqué
Economique
en particulier par la création du Bassin
Européenne.
aux Pétroles. Une collaboration étroite et féconde lie la Chambre de Commerce et la municipalité. Plusieurs membres de la CCI sont impliqués dans la gestion portuaire, en particulier Marc Lucius, secrétaire géné-
1958
ral et président des armateurs français sur
La France se dote
le Rhin, qui fut pendant de longues années
d’un système national
rapporteur du budget de la ville au conseil
d’assurance-chômage.
municipal. (Photo : convoi sur le grand Canal d’Alsace. Document Airdiasol)
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
99
première réunion à Strasbourg du Conseil de l’Europe en août 1949. L’aula du Palais Universitaire est transformée en salle du conseil. Archives Municipales de Strasbourg.
100
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
L‘idée européenne gagne du terrain
C
ette Chambre de Commerce
France et la République Fédérale
comme c’est le cas en 1958 lors-
franco-allemande prend
d’Allemagne. Elle interdit toute acti-
qu’elle participe à une mission
naissance le 25 avril 1955
vité commerciale pour son compte,
de prospection qui parcourt les
sur la volonté de Pierre Mendès-
tout but lucratif et toute action
grandes villes de la République
France, Président du Conseil
d’ordre politique. Il est à noter que
Fédérale d’Allemagne sous les
français, et Konrad Adenauer,
la Sarre est encore soumise au
auspices de l’administration, des
Chancelier allemand. La Chambre
régime français : elle ne fera partie
conseillers commerciaux et de
de Commerce de Strasbourg y
de la délégation allemande qu’à
l’Union Françaises des Industries.
tient un rôle de premier plan dans
partir de 1960.
C’est à cette époque que des liens
la mesure où le président Paul
importants vont se nouer avec la Sarre. La Chambre de Commerce
Elle a pour but de favoriser par tous
Le marché sarrois devient un enjeu capital pour l’Alsace
les moyens appropriés, et notam-
A son niveau, la Chambre de
importants au-delà du 1er janvier
ment la création d’organismes de
Commerce tente de rencontrer le
1960. D’autant qu’avec les ten-
toutes natures, le développement
plus souvent possible des respon-
sions soulevées dans les colonies et
des relations économiques entre la
sables économiques allemands,
les pertes de marché, le débouché
Jacquel fait partie des six négociateurs – trois Français, trois Allemands. Cette Chambre réside à Paris sous la législation française.
de Strasbourg va régulièrement rencontrer son homologue de Sarrebruck afin d’étudier les possibilités de maintenir des échanges
sarrois devient un enjeu capital pour l’Alsace. D’où l’action impul-
«La liberté est la vie de l’industrie»
sée par la Chambre de Commerce pour aider les industriels strasbour-
Alors
que
le
gouvernement
mise en place d’un plan sur qua-
français doit rendre un rapport
tre ans en concertation avec les
pour le 1er mars 1954 à l’Orga-
acteurs économiques, un allé-
nisation
geois à prendre pied sur le marché sarrois. Le secteur alimentaire est
Coo-
gement en France des charges
largement sollicité, au même titre
pération Economique sur une
fiscales et sociales, l’octroi de
que l’industrie textile. Les échanges
libéralisation des importations, la
crédits
Chambre de Commerce émet un
position confirme l’attachement
sont à double sens puisque la Sarre
certain nombre de vœux tenant
de la Chambre au libéralisme.
compte des nouvelles relations
Elle reste fidèle à l’engagement
l’industrie métallurgique, mécani-
économiques
d’un de ses plus illustres prési-
que et céramique notamment.
Européenne
de
d’après-guerre.
à
l’exportation.
Jean-Georges
Cette
écoule en Alsace des produits de
Elle se montre favorable à une
dents,
Humann,
ouverture mais par étapes. Une
auteur d’une phrase célèbre :
prudence liée aux désillusions
«la liberté est la vie de l’industrie,
du passé. La Chambre exprime
la condition de son développe-
Winston Churchill à Strasbourg en août 1954.
une triple recommandation : la
ment.»
Archives Municipales de Strasbourg.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
101
Une communauté d’intérêt s’éta-
franco-sarroise est devenue un
Commerce de Strasbourg. Faut-il
blit peu à peu. La physionomie
modèle du rapprochement franco-
le rappeler : l’idée européenne
des échanges franco-sarrois va
allemand auquel la Chambre de
a été conçue à Strasbourg. Des
se modifier avec le rattachement
Commerce peut se féliciter d’avoir
personnages politiques éminents,
économique de la Sarre à la
largement contribué.
au premier rang desquels figurait
République Fédérale d’Allemagne,
A l’évidence, le commerce exté-
Churchill, sont venus prêcher la
le 8 juillet 1959. Il faut alors une
rieur constitue le pré carré de
bonne parole dans une ville qui a
vaste entreprise de prospection et
la Chambre de Commerce de
toujours été le point de contact - et
de promotion pour maintenir à flot
Strasbourg. Cette inclinaison trouve
de conflit - entre deux grands pays.
les exportations françaises vers la
ses fondements dans l’engage-
Au début, il s’agissait peut-être
Sarre. A tel point que la coopération
ment européen de la Chambre de
d’une gageure. Elle fut tenue.
L’inauguration de la Foire-Exposition au Wacken. (6 septembre 1958). Archives DNA.
Vue aérienne de Strasbourg. Document CUS/G.Engel.
102
Et bientôt Strasbourg s’anima
se font sentir. La Chambre de
devant la perspective de devenir
Commerce, elle-même, se montre
une capitale européenne et de
prudente. Ainsi, lorsque Robert
jouer un rôle conforme à sa posi-
Schuman fait connaître en 1950
tion géographique. On aurait tort
les grandes lignes de son plan
cependant de croire que l’adhésion
CECA (Comunauté Européenne du
de l’opinion publique fut unanime.
Charbon et de l’Acier), des bloca-
Des réticences, des résistances
ges apparaissent.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde
L’acte fondateur de l’Europe Le 25 mars 1957, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, les
dément pas mais une fois encore, elle souhaite que l’intégration se fasse progressivement. Elle met en
1958
Pays-Bas et le Luxembourg signent
évidence sa position géographique
le Traité de Rome instituant la Com-
qui lui permet de bien apprécier les
munauté Economique Européenne.
problèmes frontaliers et la concur-
et installation
rence et donne à ses critiques une
de la 5ème République.
Cette convention internationale a une importance capitale pour les six pays signataires dont les étapes, éche-
certaine valeur. Cette prudence
lonnées sur douze années, doivent
a un sens car, selon la Chambre
conduire en 1970 à une véritable
de Commerce, une trop grande
union économique. Les Chambres de Commerce n’ont pas manqué de sou-
précipitation risquerait de compro-
ligner les multiples problèmes qu’al-
mettre l’avenir de la construction
lait soulever l’exécution du Traité.
européenne. Dans le sillage du fameux Traité de
Chute de la 4ème République
1962 Accords d’Evian. Fin de la guerre d’Algérie.
Rome signé le 25 mars 1957, les Chambres de Commerce décident de constituer un organisme international nouveau : la Conférence permanente des Chambres de dépit de ces réticences, le projet
Commerce de la Communauté
fut adopté par toutes les Chambres
Economique Européenne (qui
de Commerce françaises, à deux
deviendra Eurochambres). C’est à
nuances près : l’opposition de Metz
Strasbourg que se réunit pour la
et l’abstention de Strasbourg.
première fois cette instance les 28
L’idée européenne gagne cepen-
février et 1 mars 1958. Hommage
dant du terrain. Les négociations
discret mais ô combien apprécié
qui s’ouvrent en 1953 sur un
à une ville qui depuis quelques
futur accord économique entre
années occupe une place de choix
six pays européens (France,
dans le mouvement européen et
Allemagne, Italie, Belgique, Pays-
continue de nourrir l’ambition de devenir capitale de l’Europe.
Tout en admettant le principe du
Commerce. On hésitait devant l’en-
Bas, Luxembourg), intéressent
fameux pool charbon-acier, les
gagement inconditionnel qui était
de très près les Chambres de
milieux industriels font part de
pris pour une durée de cinquante
Commerce. Pour suivre l’évolu-
leurs réserves. La Chambre de
ans. On redoutait l’expiration de ce
tion des débats, la Chambre de
Commerce s’en fait l’écho par
terme, l’épuisement du gisement
Commerce de Strasbourg met en
la voix de Paul Jacquel le 11
ferrifère lorrain et l’on formulait des
place une commission qui rend un
octobre 1951 lors de l’Assemblée
exigences quant aux conditions
rapport tous les ans. L’engagement
des Présidents des Chambres de
de transport par fer et par eau. En
européen de la Chambre ne se
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
1968 Mouvement de mai qui provoque une libéralisation des mœurs.
er
1969 Premier homme sur la lune.
103
La Conférence se réunit ensuite
Elle multiplie les initiatives pour sti-
Européenne est devenue dès 1956
tous les trois mois, successivement
muler la capacité exportatrice des
une vitrine de l’activité économique
dans chacun des pays du Marché
entreprises, leur ouvrir de nouveaux
régionale et connaît un vif succès
Commun. Les objectifs varient selon
horizons. C’est ainsi que nais-
auprès des pays étrangers. Jean
les délégations. Pour la France,
sent, sous l’impulsion du président
Wenger-Valentin, alors président de
il s’agit surtout d’harmoniser les
Wenger-Valentin, les «Journées
la Chambre de Commerce, en pro-
systèmes fiscaux, sociaux et sala-
du Commerce Extérieur», puis les
fite pour dresser un bilan économi-
riaux, alors que pour l’Allemagne,
«Semaines» ou les «Quinzaines»
que devant un parterre de minis-
la priorité est de créer une zone de
françaises à l’étranger. Un sang
tres et de personnalités. Il n’hésite
libre-échange. D’autres sujets sont
nouveau revivifie les échanges
pas à exprimer les inquiétudes de
débattus : accès aux matières pre-
éxtérieurs. Et les résultats sont
la Chambre dans le domaine inter-
mières, transports, coût du travail,
matérialisés par les chiffres : les
national et met en avant ses actions
liberté d’établissement.
cartes d’exportateurs délivrées
pour trouver de nouveaux débou-
Très impliquée, nous l’avons
dans le Bas-Rhin sont multipliées
chés. C’est dans ce contexte que
vu, dans les échanges franco-
par quatre entre 1959 et 1962. Impossible, par ailleurs, d’évoquer le commerce extérieur sans parler de la Foire Européenne.
pour la première fois, en 1956, la
allemands, très engagée dans la construction européenne, la Chambre de Commerce de Strasbourg affirme avec force son orientation internationale. Elle est favorable à une libéralisation des échanges et a la vindicte prompte contre tout ce qui peut nuire au commerce international.
bureau permanent pendant toute la durée de la foire. En 1958, près de 165 rencontres sont organisées entre conseillers commerciaux et entrepreneurs. Deux ans plus tard, en 1960, pour le 35ème anniversaire de la foire, la Chambre propose toute une série de conférences, d’expositions et de colloques. C’est
L’événement a pris ce titre en 1933
désormais en Alsace un événe-
mais existe sous le nom de Foire-
ment incontournable qui mar-
Exposition depuis 1926, année
que la rentrée économique. C’est
de sa fondation. La Chambre de
aussi un formidable forum pour le
Commerce, qui n’en est pas l’or-
commerce extérieur que confirme
ganisatrice, va en faire rapidement
le nombre croissant de visiteurs
et d’Industrie à Paris en 1975.
un de ses lieux d’action et de
étrangers présents à Strasbourg.
Document CCI.
promotion. Il est vrai que la Foire
Affiche pour les troisièmes Assises Nationales des Chambres de Commerce
104
La Foire Européenne, un lieu d’action et de promotion de la Chambre
Chambre de Commerce installe un
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde 1973 Le choc pétrolier permet aux pays exportateurs de pétrole de peser sur l’échiquier mondial.
1978 Le premier «bébé éprouvette» voit le jour en Angleterre.
10 mars 1958, première réunion de l’assemblée parlementaire européenne. Sous la présidence de Robert Schuman. Photo Parlement Européen.
1981
Strasbourg sort de son «isolement» rhénan
Robert Badinter, Garde des Sceaux, applique une promesse de
ais que serait une acti-
augmentation de plus de 35 % par
est urgent d’agir et de prendre des
Aussi en 1948, la Chambre de
vité internationale sans un
rapport à l’année précédente. Mais
décisions concrètes, sous peine
Commerce décide-t-elle d’investir
développement des voies
il aura fallu batailler ferme pour en
de voir l’aéroport étouffé par ses
également 20 millions de francs
de communication, qu’elles soient
arriver là. Quinze années plus tôt,
concurrents frontaliers. Encore
pour accélérer les travaux tout
terrestres, fluviales ou aériennes ?
le 16 mai 1946, un rapport déve-
faut-il mettre à niveau les infras-
en multipliant les démarches
L’aéroport d’Entzheim va ainsi deve-
loppe tous les points concernant la
tructures. L’extension des pistes
auprès des compagnies aérien-
nir un instrument de la politique
situation économique de l’aéroport
et l’augmentation de la capacité
nes : Air France pour créer une
1982
internationale de la Chambre qui en
et sa croissance future. Le docu-
d’accueil de la plate-forme s’avè-
ligne aérienne Strasbourg-Paris,
Les lois de décentrali-
devient le concessionnaire en 1955.
ment souligne notamment que
rent nécessaires. D’où une contri-
Sabena et KLM pour une desserte
sation permettent à la
C’est à cette date, en effet, que l’ex-
«l’aménagement de certains aéro-
bution exceptionnelle du Conseil
Strasbourg-Bruxelles-Rotterdam.
ploitation de l’aérogare est confiée
ports concurrents de Strasbourg,
Général du Bas-Rhin et de la Ville
à la Chambre de Commerce qui ne
en particulier Bâle et Zurich, ont
de Strasbourg, de 20 millions de
ménage pas ses efforts pour accroî-
fait pendant la guerre des progrès
francs chacun, pour aménager
tre le trafic. Démarche payante :
considérables.» Pour la Chambre
l’aéroport. Mais les avancées sont
en 1961, le fret enregistre une
de Commerce strasbourgeoise, il
minimes.
M
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
campagne de François Mitterrand : l’abolition de la peine de mort.
France de se rapprocher du modèle rhénan et d’anticiper l’Europe des régions.
105
Contrôle douanier à l’aéroport d’Entzheim en 1947. Archives DNA.
La volonté d’attirer les compagnies
L’effet est immédiat. En septem-
Ses propos tenus à l’époque en
Si en revanche, les aéroports de
Ce point de vue donné en 1952
d’aviation à Strasbourg est clai-
bre 1949 est ouverte une ligne
témoignent. «L’avenir de l’aéro-
Genève et de Zurich l’emportent
montre le scepticisme de la
rement affirmée. L’implantation
hebdomadaire Strasbourg-Alger.
port dépend pour une bonne part
définitivement sur celui de Bâle, les
Chambre de Commerce pour faire
d’institutions européennes dans la
Strasbourg sort désormais de son
de celui de Bâle-Blotzheim. Si
chances d’Entzheim augmenteront
de Strasbourg un aéroport de
métropole alsacienne, dès 1949,
«isolement» rhénan. Mais jusqu’en
celui-ci progresse, l’aménagement
de nouveau et nous réussirons
grande envergure. Elle préfère
va changer la donne et ouvrir de
1955, la Chambre de Commerce
d’Entzheim ne répond pas, à notre
peut-être à en faire une base inté-
donc rester observatrice. Mais les
nouvelles perspectives.
va rester prudente sur le dévelop-
avis, à un véritable besoin.
ressante, non pas comme escale
choses vont évoluer rapidement. Et
La Chambre de Commerce tient
pement de l’aéroport.
de grandes lignes, mais comme
dès l’année suivante, elle demande
station secondaire.»
la concession portant sur les ins-
là un argument imparable pour appuyer le rayonnement internatio-
tallations civiles de l’aérodrome de
nal de la plate-forme.
Strasbourg-Entzheim. Explication : les négociations avec la compagnie KLM avancent à grands pas en vue d’une ligne Amsterdam-StrasbourgMilan-Rome. Surtout, le rapport de force entre les aéroports frontaliers évolue au détriment de Bâle. Zurich et Francfort sont confortés dans leur rôle de plaque tournante.
un DC 3 Dakota Sur la piste de l’aéroport d’Entzheim en 1947. Archives DNA.
106
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
1955
1956
1956
Jean Wenger-Valentin marque de son
La Chambre de Commerce installe
Sous l’autorité de Jean Wenger-Valentin,
empreinte la vie de la Chambre
un bureau permanent
le Neubau subit d’importantes
de Commerce.
à la Foire Européenne.
transformations.
ner comme aéroport de relais. Les
Commémorations et banquet
efforts de la Chambre de Commerce
Les 15 et 16 mai 1953, la Chambre de Com-
sont très vite couronnés de succès.
merce de Strasbourg fête le cent cinquantième
Strasbourg peut donc se position-
Le 23 juin 1953 est inaugurée la
anniversaire de sa fondation. Un événement dignement célébré avec discours, médailles
ligne Strasbourg-Casablanca et la
commémoratives et banquet. Et la consé-
compagnie Sabena décide de fixer
cration pour les dirigeants de l’époque, Paul
une escale à Strasbourg sur la ligne Bruxelles-Milan. Et en 1958, une
Jacquel en tête, qui peuvent légitimement être fiers des services rendus à l’économie alsacienne dans un contexte très tourmenté.
rotation quotidienne est mise en place entre Strasbourg et Paris. A l’excep-
En cette fin des années 50, le
tion de quelques investissements
paysage politique se modifie.
encore nécessaires en termes d’équi-
Pierre Mendès-France incarne une
pements, la Chambre de Commerce
tendance forte face au gaullisme
a réalisé le plus difficile : convaincre
prépondérant. En Alsace, Pierre
le gouvernement et les acteurs éco-
Pflimlin rassemble toutes les éner-
nomiques régionaux qu’un aéroport
gies. L’économie régionale se dote
à vocation internationale est un atout
de nouveaux outils : le Comité
déterminant pour l’Alsace. Les divi-
d’action pour le progrès économi-
dendes de cette politique seront récu-
que et social haut-rhinois (CAHR),
pérés au début des années 1970.
l’Association de développement du Bas-Rhin (ADIRA) et la Société
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
Aéroport d’Entzheim.
alsacienne de développement et
Document CCI.
d’expansion (SADE).
107
La réfection du Neubau se heurte au conflit des idées la Chambre de Commerce,
à libérer le rez-de-chaussée de
une personnalité s’impose :
l’édifice occupé par deux anciens
Jean Wenger-Valentin. Son
locataires, une quincaillerie sur
nom est associé à l’essor bancaire
la façade de la place Gutenberg
et à l’amélioration des dessertes
et un salon de coiffure dans la
fluviales, aériennes et routières.
rue des Serruriers. Les tractations
Porté à la présidence de la Chambre
finissent par aboutir moyennant
en 1955, Jean Wenger-Valentin
des indemnités. Le champ est libre
est aussi à l’origine de la réfection
pour concrétiser une idée chère au
générale de l’intérieur du Neubau,
président Wenger-Valentin : trans-
l’extérieur étant intouchable. La
former les locaux vacants en un hall
tâche s’annonce pourtant difficile
de réception destiné aux services de
et fort complexe. Il s’agissait à la
la Chambre et en une salle d’exposi-
fois de respecter le cachet d’un
tion des produits du Bas-Rhin, dans
bâtiment vénérable qui ne pouvait
laquelle s’installerait un bureau du
supporter l’affront du modernisme
Syndicat d’Initiative de Strasbourg.
A
et en même temps de donner à
A l’occasion des visites de chantier, les critiques fusent
L’œuvre de Jean Wenger-Valentin
préfigurant ainsi le futur axe Rhin-
le cadre des murs du Neubau.
Koenig - déjà en charge, quelques
L’idée était extrêmement heureuse
(1892-1975) s’esquisse dès 1929
Rhône. Dans le brouhaha de la
Au terme d’une présidence parti-
années plus tôt, de la construction
et l’avenir a montré qu’elle corres-
lors de son entrée à la Chambre
Libération de 1945, Jean Wenger-
culièrement active, Jean Wenger-
de l’aérogare d’Entzheim. Ils for-
pondait à une véritable nécessité,
de Commerce. Durant la difficile
Valentin est aux côtés du maire
Valentin tire sa révérence en 1967
décennie qui conduit à la deuxiè-
Charles Frey pour reconstruire la
après trente-huit ans de présence.
ment un tandem harmonieux : l’un
compte tenu de l’essor du tourisme
me guerre mondiale, il s’affirme en
ville. Élu président de la Chambre
Son successeur Jean Prêcheur
fougueux et intransigeant, l’autre
régional. Mais la réalisation est ardue.
solide pilier de l’édifice. Et pendant
de Commerce en 1955, il se place
lui rend le plus bel hommage en
modéré et conciliant. Leurs plans
Dans certaines parties des magasins
le tragique repli lyonnais de 1940,
dans la lignée des grands prési-
citant Montaigne. «Pour faire quel-
sont soumis à une commission «ad
évacués et dans le porche de l’en-
il est l’artisan courageux et opti-
dents qui, depuis 1918, ont assu-
que chose de grand, il ne faut pas
miste qui hisse le pavillon stras-
ré le prestige de l’établissement.
se situer au-dessus des hommes,
hoc». La première difficulté consiste
trée subsistaient de magnifiques
bourgeois sur les bords du Rhône,
Son audience dépasse largement
il faut être avec eux.»
ce cadre un aspect conforme aux exigences de l’époque contemporaine. Le Bureau de la Chambre décide de confier ce travail délicat à deux architectes - Mewes et
108
Jean Wenger-Valentin, le bâtisseur
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Médaille commémorative à l’effigie de Jean Wenger-Valentin. Document CCI.
La place Gutenberg en 1974. Document CCI/Europ-Flash.
voûtes, en arrêtes ogivales, qu’il
émanent notamment d’une per-
partisan d’un aménagement limité
l’arbitrage est difficile. La situation se
fallait absolument conserver. Dans
sonnalité dont le goût et l’éducation
au strict minimum. L’opposition entre
tend encore lorsqu’il s’agit d’étudier
d’autres, il ne restait rien de l’archi-
artistique font autorité à Strasbourg :
ses idées et celles des architectes est
la rénovation du premier étage.
tecture d’origine. L’harmonisation
Hans Haug, Conservateur des
totale et interdit tout compromis. Le
Les plans prévoient la réfection de
de l’ensemble est réalisée dans les
Musées de la Ville et fils de l’ancien
conflit est inéluctable.
la grande salle de séances dans
meilleures conditions. Mais c’est
Secrétaire Général de la Chambre de
A l’occasion des séances de la
le style et les proportions d’avant-
sans compter sur les critiques qui
Commerce. Elevé depuis sa tendre
commission «ad hoc» ou des visites
guerre, l’aménagement d’un salon
s’expriment au fur et mesure de
enfance dans l’Hôtel Consulaire,
de chantiers, les critiques fusent.
de réception, d’un bureau présiden-
l’avancement des travaux. Elles
il en connaît tous les détails. Il est
Face à ces opinions contradictoires,
tiel et d’une salle de commissions.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
109
Les caves du Neubau. Un lieu dédié aux expositions et aux réceptions. Photo Citeasen.
110
Les discussions portent essentiel-
éloignée des réalités protocolaires
à Charles X. La salle des commis-
L’Hôtel consulaire accueille des
en personne qui ouvre la première
lement sur les couleurs des murs
de la Chambre.
sions, tapissée et peinte dans les
visiteurs prestigieux : ministres,
séance de la salle Wenger-Valentin
et des boiseries auxquelles doivent
Les querelles s’apaisent au fur et à
tons verts, recueille elle aussi tous
ambassadeurs... Le 22 novembre
rénovée. Le gotha des pouvoirs
être assorties celles des tapis et
mesure que les travaux avancent.
les suffrages. Enfin, l’aménagement
1959, c’est le Général de Gaulle
publics est là, discours et paillet-
des tentures. L’architecte Mewes
Les critiques se font moins nom-
d’une cave rustique -
tes. Ministres et chefs d’entreprise
prône des couleurs vives, prenant
breuses. Les protagonistes réussis-
dénommée la cave
se mêlent aux nombreux convives
appui sur les tendances en vogue
sent à pédaler dans le même sens
des Brasseurs en
rassemblés dans le bâtiment.
sous l’Empire et la Restauration.
et les appréciations élogieuses se
raison du concours
Mais le président Wenger-Valentin
multiplient. La salle de séances a
apporté par leur cor-
ne l’entend pas de cette oreille. Et
belle allure et les fauteuils qui la
poration - permet à
lorsque les deux associés préten-
garnissent assurent le confort de
la Chambre d’orga-
dent colorer de rose et de mauve
leurs occupants durant les longues
niser des réceptions.
le bureau qui lui est destiné, il s’in-
séances. Le salon de réception est
Le président Wenger-
surge contre une conception trop
doté d’un mobilier ayant appartenu
Valentin rayonne.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Plaque commémorative. Elle rappelle l’inauguration de la salle Wenger-Valentin par le Général de Gaulle. Photo Citeasen.
Cours de langue au centre international d’études des langues en 1974. Document CCI.
L’envergure internationale de la Chambre n’est plus contestable u terme d’une période de
crit dans ce mouvement positif.
des Chambres de Commerce et
teurs à temps plein. Aux côtés
ment Commercial Supérieur porte
reconstruction, la France
Une initiative gouvernementale
d’Industrie (CCI). Ces décrets
du président Wenger-Valentin,
les ambitions de la CCI dans ce
connaît une prospérité
va jouer en sa faveur. Les décrets
changent la donne. Jusque-là
René Uhrich est le maître à pen-
domaine. Intégré en 1956 à l’Uni-
quasi ininterrompue de 1954 à
du 4 novembre et du 4 décem-
bureaux d’enregistrement et de
ser de la Chambre de Commerce
versité, l’établissement bénéficie
1974, avec un taux moyen de
bre 1964 modifient la composi-
renseignements, les Chambres
et d’Industrie. Il est l’artisan du
d’un statut original qui lui permet
croissance le plus élevé des pays
tion et étendent la compétence
deviennent organismes de promo-
renouveau de la Chambre. Son
de délivrer un diplôme reconnu.
industrialisés. Le Marché Commun
des Chambres de Commerce. Ils
tion économique. Les membres
cheval de bataille : la formation
Un gage de sérieux et de crédibilité
consacre la position stratégique de
transforment les «régions écono-
élus sont au nombre de 36 et
commerciale et technique. «Il faut
à l’international où l’Université fait
Strasbourg, l’axe rhénan devenant
miques» en Chambres Régionales
constituent un véritable Parlement
faire de l’Alsace une région-modèle
déjà référence.
le plus dynamique d’Europe. La
de Commerce et d’Industrie et
des entreprises. L’institution consu-
dans ce domaine» rappelait-il inlas-
Chambre de Commerce s’ins-
créent l’Assemblée permanente
laire emploie soixante collabora-
sablement. L’Institut d’Enseigne-
A
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
111
Eurochambres, l’effet réseau De l’Espagne à la Russie, Eurochambres regroupe les CCI de plus de quarante pays. Cette organisation, née à Strasbourg, peut se targuer aujourd’hui de représenter
Plus tard, l’IECS s’installera au
Dans les années soixante, face à la
une instance de collaboration féconde
indirectement 11 millions d’en-
nouveau pôle européen de ges-
montée en puissance des collecti-
davantage qu’un lieu de confronta-
treprises et de se trouver à la tête
tion et d’économie et deviendra
vités locales et territoriales, la CCI
tion. La CCI fait aussi de la modernisa-
membre de la Conférence des
doit ajuster son rôle.
tion et de l’adaptation des entreprises
d’Europe. Strasbourg peut ainsi revendiquer d’avoir contribué à
une priorité. Un tiers du budget
bâtir cette Europe des marchands.
Un tiers du budget de la Chambre est consacré aux interventions économiques
est ainsi consacré aux interventions
N’a-t-elle pas fait œuvre de
qui la situe aux premiers rangs
Elle y parviendra en liant et en inté-
sace, du Bade-Wurtemberg et des
parmi les CCI françaises.
grant son action à celle des autres
cantons de Bâle, le président dit
institutions à vocation économique
rechercher les conditions d’un nouvel
Centres» et aujourd’hui «Enterprise
et des assemblées élues. La CCI
essor de l’Alsace et demande «qu’à
Europe Network».
tient son rang dans le concert stras-
côté des régions d’entraînement, l’on
Directeur général de la CCI (1956-
bourgeois et son instrument sonne
reconnaisse l’existence périlleuse
1992). Document CCI/J.L. Kircher.
particulièrement juste. Elle se révèle
mais exaltante des régions d’affron-
Grandes Ecoles. Cette adhésion marque la reconnaissance de l’IECS parmi les plus grandes écoles de commerce françaises. Preuve aussi de son engagement en faveur du développement des compétences, la CCI consacre 20 % de ses recettes à la formation professionnelle. Chiffre
René Uhrich.
112
du plus vaste réseau d’entreprises
économiques. Sous l’impulsion de
pionnier en créant dès 1979 un «service des affaires européennes»
son président Jean Wenger-Valentin,
pour représenter au sein de l’Union
la CCI initie un rapprochement avec
Européenne la CCI de Strasbourg
les économies frontalières. Lors d’une rencontre à Paris en décembre 1966,
et assurer une prestation de conseil sur la réglementation et les aides européennes ? C’est cette
après avoir comparé le rythme de
activité qui a inspiré d’une certaine
croissance des économies de l’Al-
manière la création des «guichets
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
communautaires pour les PME», premier nom des «Euroguichets» devenus par la suite les «Euro Info
1958
1958
1959
Une rotation aérienne quotidienne est mise
La Conférence permanente
en place entre Strasbourg et Paris.
des Chambres de Commerce
ouvre la première séance dans
de la Communauté Economique
la salle Wenger-Valentin rénovée.
Le Général de Gaulle en personne
Européenne tient sa première réunion à Strasbourg.
tement.» L’envergure internationale
Véritable club des exportateurs, le
de la CCI n’est plus contestable. Elle
World Trade Center de Strasbourg
rejoint ainsi l’Union des Chambres de
réunit près de 300 entreprises tour-
Commerce Rhénanes dont le secré-
nées vers l’international. L’idée :
tariat est assuré depuis Strasbourg.
regrouper dans un même lieu des
L’organisation regroupe 81 Chambres
prestataires publics et privés dédiés
de 7 pays européens. Cet engage-
à l’exportation et permettre aux entre-
ment international s’inscrit dans la
prises de s’informer, de confronter et
droite ligne du service du commerce
d’échanger des expériences.
extérieur de la Chambre créé en 1920. Celui-ci est à l’origine d’une véritable «innovation» en France : l’organisation en 1966, sous l’égide de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie d’Alsace, de la première mission de prospection économique en URSS. En la matière, l’année 1979 marquera un tournant décisif dans la
L’Alsace est l’une des rares régions françaises à résister au déclin économique.
Entrée du World Trade Center. Place des Halles à Strasbourg. Document CCI.
politique de promotion des échanges internationaux de la CCI. Elle crée et
Plus récemment, les CCI d’Al-
40 milliards d’euros avec l’Europe et
annoncent le retour à une écono-
tent des données fondamentales.
gère le premier World Trade Center
sace ont créé le Pass Export,
le reste du monde. Quelques années
mie étatisée. L’Alsace est l’une des
Le résultat est là : septième région
en France : la Maison du Commerce
un outil pratique et simple pour
plus tôt, le premier choc pétrolier a
rares régions françaises à résister
française en 1962 pour la valeur
International de Strasbourg (MCIS)
guider les entreprises dans leur
porté un rude coup à l’économie
au déclin économique. La crise du
ajoutée par habitant, l’Alsace est
qui emploie 19 collaborateurs. Près
parcours international. Preuve du
mondiale et aux principes libéraux.
textile n’est pas celle d’une région
dans les années soixante-dix la
de 220 adhérents industriels et tertiai-
dynamisme commercial régional,
L’élection présidentielle de 1981 et
tout entière. L’orientation industrielle
troisième derrière l’Ile-de-France et
res en constituent le premier maillon.
l’Alsace échange pour plus de
la victoire de François Mitterrand
et la hausse du pouvoir d’achat res-
la Haute-Normandie.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
113
Contrôle douanier à Strasbourg. En 1985, les accords de Schengen ouvrent les frontières et dopent les exportations. Document CCI/AFP, Ph. Mochet.
114
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde
Le soutien aux entrepreneurs demeure infaillible
1989 La chute du Mur de Berlin signe la fin de la
a CCI est sur tous les
L’attribution d’une concession pour
de l’aérogare pour porter sa capacité
Bruxelles, Londres, Milan mais
fronts. A commencer par
l’exploitation commerciale de la
à 500 000 passagers par an, instal-
aussi Rome, Tunis, Amsterdam,
les transports. En 1974,
zone civile de l’aéroport conduit la
lation du système d’atterrissage
Cologne et Francfort. En 1979,
marché sur l’économie
elle lance un chantier de grande
CCI a élaborer un plan d’investisse-
tous temps. Les liaisons se multi-
année de la première élection du
planifiée. Deux ans plus
ampleur au cœur du secteur pié-
ments quinquennal. Les avancées
plient avec Paris, Lyon et Lille puis
Parlement Européen au suffrage
tard, l’Union Soviétique
tonnier de Strasbourg : la créa-
sont nombreuses : aménagement
Marseille et Nice. Le statut européen
universel, l’Aéroport International
tion d’un parking souterrain place
de la zone d’aviation civile, exten-
de Strasbourg entraîne un dévelop-
de Strasbourg-Entzheim enregistre
Gutenberg. Après dix-huit mois de
sion de l’aire de stationnement des
pement des lignes internationales :
un trafic de 500 000 passagers.
travaux, le programme aboutit à un
avions de ligne, remodelage des
ensemble de 264 places sur trois
accès de l’aérogare et construction
niveaux intégralement financé par
d’un parking autos, restructuration
L
guerre froide et la victoire de l’économie de
disparaît.
1990 Le protocole http et le langage html sont mis au point et préfigurent le réseau
la CCI. Naguère cimetière et mar-
Internet.
ché, puis promenade ombragée, la place Gutenberg était, en effet, devenue un parking encombré et peu esthétique. L’investissement
1991
consulaire atténue les difficultés de stationnement tout en soulignant la
Le premier appel commercial
valeur architecturale du bâtiment.
sur un réseau GSM a lieu
Surtout, l’Aéroport International de
à Helsinki, en Finlande.
Strasbourg-Entzheim est l’objet de toutes ses attentions. L’abandon en 1972 du projet d’aéroport binational StrasbourgKarlsruhe à Roeschwoog,
1994
dans le nord de l’Alsace, asseoit définitivement le site d’Entzheim.
Huit ans de travaux, un chantier titanesque de 100 milliards de francs et 151 kilomètres de galeries : le tunnel sous la Manche relie la France et la GrandeBretagne.
Le service télex de la CCI en 1978. Document CCI.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
115
Plaque commémorative. Le parking souterrain Gutenberg a été inauguré le 23 avril 1975. Photo Citeasen.
Cette progression spectaculaire de la fréquentation - + 14 % par an -, la saturation de l’aérogare et l’annonce de gros porteurs imposent un nouveau plan d’investis-
Strasbourg bénéficie du statut «d’aéroport ouvert»
Elle continue aujourd’hui de donner l’impulsion dans trois domaines clés : la création et la transmission des entreprises, l’intelligence économique, l’anticipation des technologies
sements. Trois étapes importan-
L’année suivante, l’aérogare est
innovantes. S’agissant plus particu-
tes balisent ce programme. En
agrandie pour accueillir plus d’un
lièrement de l’accompagnement des
1980, Strasbourg bénéficie du
million de passagers par an. Parmi
porteurs du projet de création ou de
statut «d’aéroport ouvert», en vertu
eux figurent le Pape Jean-Paul
reprise d’entreprise, il en est un qui
duquel tous les pays de l’Union
II, le président des Etats-Unis
revêt une dimension emblématique :
européenne ont la possibilité de
Ronald Reagan et le président de
le Centre de Formalités des
réaliser des prolongements ou des
la République Française François
Entreprises (CFE). Créés en 1981,
escales de lignes. La piste est réno-
Mitterrand.
les CFE ont opéré une vérita-
vée et mise aux normes.
Parmi les missions fondatrices de
ble révolution en mettant fin au
la CCI, le soutien aux entrepreneurs
«parcours du combattant» bien
demeure infaillible. Tout au long de
connu des chefs d’entreprise.
son histoire, la CCI s’est toujours
Ces derniers peuvent désormais
efforcée d’insuffler au plus grand
s’adresser à un guichet unique pour
nombre l’esprit d’initiative.
accomplir tous les actes nécessaires à la création, la cessation ou la modification des statuts de leur entreprise.
Roland Wagner.
116
Ces nouveaux services impliquent
Président de la CCI de 1976 à 1991.
un remodelage des locaux de la
Document CCI.
chambre.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
1960
1968
1974
Par décret du 12 novembre 1959,
Jean Prêcheur succède à Jean
les Chambres deviennent le 19 mai 1960
Wenger-Valentin à la présidence de la
de construction du parking
Chambres de Commerce et d’Industrie.
Chambre de Commerce et d’Industrie.
souterrain place Gutenberg.
La CCI lance le chantier
nouvelles transformations. Le
Une vaste plate-forme logistique
rez-de-chaussée est réaménagé
Lancée en 1980, la plate-forme
pour accueillir un hall d’accueil
Eurofret-Strasbourg est une initia-
En 1985, le Neubau subit de
et le Centre de Formalités des Entreprises. Le Neubau est l’ob-
tive commune du Port Autonome de Strasbourg et de la Chambre de Commerce et d’Industrie de
jet d’un entretien régulier qui
Strasbourg et du Bas-Rhin. Sur une
fait appel à des artisans à rebours
surface de 110 hectares, Eurofret
du temps : doreurs, tailleurs de
accueille aujourd’hui environ 60 entreprises et 1 700 emplois
pierre, restaurateurs de peintures.
directs. La capacité de stockage
Le prestige du bâtiment est intact.
est de 300 000 mètres carrés, les
Maintes fois controversé, l’édifice doit son existence actuelle à son
surfaces de bureaux s’étendent sur 20 000 mètres carrés. Transporteurs, transitaires, logisticiens
exceptionnel potentiel de renouvel-
européens, industriels, chaînes de
lement, livré à l’imagination et à la
discount alimentaire et de livraison
sensibilité de ceux qui, tour à tour, l’occupèrent.
pour grandes surfaces ont choisi le port de Strasbourg et Eurofret pour leur position privilégiée, à proximité du pont de l’Europe et du pont Pierre Pflimlin. Ces deux ouvrages mettent Eurofret en liaison directe avec les réseaux autoroutiers fran-
La construction du parking souterrain en 1974. Après plusieurs mois de chantier,
çais et allemands.
il est inauguré le 23 avril 1975. Archives Municipales de Strasbourg.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
117
Inauguration de l’Euro-Guichet en 1988. À gauche : R. Wagner et B. Bosson, Ministre des Affaires Européennes, ainsi que de nombreuses personnalités françaises et européennes. Document CCI.
118
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde
La technicité déployée par les
dont sept régionales, sont implan-
l’automatisation pénètrent large-
La CCI accompagne cette dyna-
corps de métiers fait merveille.
tées à Strasbourg qui accueille
ment le tissu industriel. L’Alsace
mique industrielle. Aux côtés
Les artisans travaillent méthodi-
aussi neuf banques étrangères.
est aussi la région française qui
de l’ADIRA, elle contribue notam-
exporte le plus gros pourcentage de
ment à la création de plus de
sa production industrielle et celle
5 000 emplois dans une soixan-
qui reçoit le plus d’investissements
taine d’entreprises.
étrangers. Aux capitaux allemands,
Ses services apportent une assis-
de recherche sur
américains et suisses s’ajoutent à
tance technique aux commerçants.
Internet.
présent des capitaux japonais.
La CCI participe aussi à la forma-
quement la pierre, sculptent les
1998 Larry Page et Sergey
pièce de facture semblable. Aucun
La technicité déployée par les corps de métiers fait merveille
détail n’est négligé pour restituer
L’Alsace conserve ainsi la plus
et préserver l’éclat de l’édifice qui
forte densité d’établissements
force le respect.
par habitant - 84 guichets pour
En 1986, l’année de la première
100 000 habitants - soit le double
cienne et déstabilise
cohabitation, l’Alsace tient son
de la moyenne nationale. Et si l’ac-
l’industrie du bois.
rang. Strasbourg est après Paris
tivité de services aux entreprises
la deuxième place financière fran-
se développe fortement, l’emploi
çaise, devançant Lyon pourtant plus
industriel demeure à un niveau
peuplée. Dix banques françaises,
élevé. L’innovation, l’électronique,
moulures à l’identique. De même, chaque élément de la charpente est examiné, chaque tuile du toit est analysée, mesurée, nettoyée, remplacée le cas échéant par une
tion des chefs d’entreprises et à l’apprentissage.
Brin lancent Google, un fabuleux moteur
1999 L’ouragan Lothar ravage la forêt alsa-
2001 La restauration d’un pilastre du Neubau.
Les attentats du 11 septembre
Document CCI.
frappent les EtatsUnis au cœur et font 2 986 victimes.
2002 L’euro est introduit dans douze pays européens.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
119
Figures de style Eléments du riche répertoire ornemental de la façade du Neubau, les mascarons ou masques attirent l’attention. A contre-courant des usages de l’époque qui les situent à mi-hauteur ou à la base des pilastres, ces cartouches ornent la partie haute des pilastres. L’extrême variété des motifs témoigne d’une remarquable liberté de style et d’une grande fantaisie dans le traitement des figures. Photos CCI/Jean-Philippe Senn.
120
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
121
travaux de restauration du Neubau. Le chantier bat son plein. Il durera sept ans, de 2001 à 2008. Photo Citeasen.
Pas de croissance économique sans initiatives locales es ambitions de Strasbourg
Strasbourg aiment en parler». Fait
dossier porte sur les infrastructu-
germano-suisse qui est le plus
C’est aussi l’ambition des trois
passent par la Chambre de
nouveau pour une opération de ce
res. L’Alsace possède un réseau
prometteur. La CCI veut donc
autres projets mobilisateurs qui
Commerce et d’Industrie.
genre : les entreprises financent un
de communication Nord-Sud très
agir en faveur d’un TGV Est qui
recouvrent les services aux entre-
Cette phrase d’un dirigeant de
tiers de la campagne. Le second
insuffisant. Or, c’est l’axe rhénan
L
soit relié au réseau allemand et
prises, la formation et la culture.
l’époque prend un sens particulier.
à la ligne Strasbourg-Bâle. Elle
L’intrusion du culturel dans
Loin de n’être qu’une déclaration
milite aussi pour une autoroute
l’activité de la CCI suscite l’en-
d’intention, elle illustre le renou-
Lauterbourg-Bâle et un second
thousiasme. «Cela prouve que
veau de l’institution consulaire qui
pont sur le Rhin dans l’agglomé-
l’on ne peut pas faire de pro-
joue un rôle de plus en plus déter-
ration de Strasbourg. La stratégie
motion économique sans tenir
minant dans les grands choix poli-
est logique. Elle vise à dynami-
compte du potentiel touristique
tiques pour l’Alsace de demain. En
ser le tissu économique alsacien
et culturel» répète-t-on à l’envi
1988, la CCI procède à une analyse
grâce au raccordement à l’axe
dans les couloirs de la Chambre.
détaillée des forces et faiblesses
rhénan, le territoire naturel des tra-
Il est un autre domaine qui
de l’Alsace. Elle s’engage ensuite
ditions et des amitiés alsaciennes.
mobilise tout autant les éner-
dans un vaste programme d’ac-
gies : le développement local.
tions autour de cinq grands projets
La CCI martèle depuis plusieurs
mobilisateurs. Le premier est une
122
campagne de communication sur
Campagne de communication de la CCI (1989).
le thème «ceux qui connaissent
Document CCI.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
années qu’il n’y a pas de croissance économique sans initiatives locales.
1976
1979
1982
Roland Wagner est élu président
La CCI crée le premier World Trade
Le trafic à l’aéroport de Strasbourg-
de la Chambre de Commerce et d’Industrie.
Center en France.
Entzheim est proche du million de passagers.
l’aubette à strasbourg. Le bâtiment a été rénové en galerie commerciale. Photo Citeasen.
Pas moins de onze programmes
ville. Mais que de batailles pour
locaux de développement
sont
parvenir à cette cohabitation har-
engagés permettant la création de
monieuse des différentes formes
plusieurs centaines d’emplois, en
de commerce. Que de débats pour
particulier dans les vallées vosgien-
endiguer la progression des gran-
nes plus fragiles économiquement.
des surfaces et le recul du com-
L’Alsace est une région-pilote et les
merce indépendant. L’apparition
investissements portés au crédit
en 1963 du premier hypermarché
du Contrat de Plan 1989-1993
a considérablement modifié le
témoignent du niveau élevé des
paysage économique d’une France
engagements publics : 77 millions
qui n’était pas prête, culturellement
de francs. Le résultat le plus fla-
et financièrement, à recevoir des
grant de la nouvelle politique de la
« monstres » taillés pour dominer
CCI, c’est la confiance que lui font
le marché. Dix ans plus tard, la
à nouveau les entreprises.
loi Royer a entrepris de réguler
Le commerce bénéficie lui aussi
l’urbanisme commercial en créant
du rôle influent de la CCI qui a
les commissions départementales
toujours essayé de maintenir un
d’urbanisme commercial (CDUC).
équilibre entre le commerce de
En 1996, la loi Raffarin durcit
périphérie et celui du centre ville.
encore les règles avec les CDEC
Le travail est payant. A la différence
(commissions départementales
d’autres grandes agglomérations,
d’équipement commercial).
Strasbourg se distingue par la belle vitalité du commerce du centre-
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
123
espace info eco de la cci. Photo Citeasen.
124
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Chroniques
du monde
Tous les acteurs du territoire sont
Le développement du commerce
C’est dans cet esprit que la CCI
En 2007, la CCI franchira une nou-
associés à cette politique de déve-
doit être géré avec méthodologie,
créera en 2002 un observatoire du
velle étape en mettant en place un
loppement maîtrisé des surfaces
ambition, prospective et volonté de
commerce bas-rhinois pour mieux
observatoire franco-allemand du
commerciales. La CCI de Strasbourg
concertation. Les milieux consulaires
identifier les axes de développement
commerce pour la région du Rhin
L’Union européenne est
et du Bas-Rhin a toujours été partie
et professionnels, les collectivités,
dans les schémas d’agglomération,
Supérieur. Bien que géographique-
élargie. Elle passe
prenante dans l’octroi des auto-
les aménageurs, les associations
de pays ou de département. De
ment très proches, Alsaciens et
risations. Elle a aussi contribué à
de commerçants doivent contribuer
nombreuses collectivités trouveront
Badois ont des conceptions différen-
l’aboutissement de grands projets,
aux conditions optimales de l’ac-
un intérêt à la démarche : une
tes du développement commercial et
qu’il s’agisse de l’ancien Magmod
cueil de l’équipement commercial
source commune d’informations,
forcément des attentes divergentes.
(aujourd’hui Galeries Lafayette), de
nouveau, mais aussi s’organiser et
notamment sur l’offre commerciale
C’est ce qui fera la richesse des
la Place des Halles, de l’Aubette
coopérer pour en tirer le maximum
et les comportements d’achat des
résultats contenus dans cet obser-
et de Rivétoile. Sans oublier les
d’avantages et de retombées.
consommateurs. Un outil vivant de
vatoire. Il permettra à chacun d’avoir
zones commerciales périphériques,
mesure et de compréhension du
à disposition une base d’information
dont Fegersheim, Vendenheim,
tissu commercial.
homogène et un outil décisionnel partagé par les différents acteurs de
de réglementation, privilégiant les
l’ancien magmod, inauguré en 1914, est devenu galeries lafayette en 2000.
actions de concertation locale. Pour
Photo Citeasen.
est à ce jour le seul observatoire du
Haguenau et Sélestat. La CCI n’a jamais été favorable à un excès
2004 de 15 à 25 pays et compte 455 millions d’habitants.
2007 Le TGV Est-Européen fait son entrée à Strasbourg.
l’économie régionale. Son aboutissement en fera un projet novateur. Il
ses dirigeants, rien ne peut se faire
commerce en France doublé d’une
de façon intelligente et harmonieuse
approche transfrontalière.
sans consensus global.
2008 Les Jeux Olympiques de Pékin sont ceux de tous les records.
2008 Grave crise économique et financière.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
125
L’aéroport change de braquet
La Chambre de Commerce et d’Industrie étend son influence
La CCI a constamment adapté le niveau et la qualité des équipements aux besoins d’un trafic en croissance continue. Pendant longtemps, les vols vers Orly et Roissy ont représenté plus de la moitié
Elle tend notamment à s’intégrer à la
La présence d’institutions inter-
disent oui à la monnaie uni-
«banane bleue», une zone prospère
nationales à Strasbourg joue éga-
que européenne, l’édifice de
qui s’étend de Londres par la vallée
lement en sa faveur : siège du
la place Gutenberg retrouve la fierté
rhénane jusqu’à Milan. C’est l’en-
Parlement Européen, du Conseil
Entre 1994 et 2001, un important
qui était la sienne aux heures de gloire
semble de régions le plus innovant
de l’Europe, de la Cour euro-
programme d’investissements est
des villes rhénanes, quatre-cents ans
d’Europe, aux technologies les plus
péenne des Droits de l’Homme et
plus tôt. La Chambre de Commerce
modernes et où la recherche dans
d’une dizaine d’autres institutions
de fret et le réaménagement de la
et d’Industrie étend son influence. Elle
les secteurs de pointe est la plus
européennes.
piste figurent parmi les principaux
est la digne représentante des quelque
poussée. L’Alsace est riveraine de
30 000 entreprises commerciales,
l’un des axes de transport les plus
industrielles et prestataires de ser-
denses du monde : la vallée rhénane.
jet face aux pressions des riverains
vices du département qui évoluent
Elle comprend de multiples voies fer-
et des écologistes.
dans un environnement favorable.
roviaires et autoroutières ainsi qu’une
L’ouverture des frontières européen-
voie d’eau à grand gabarit.
E
nes consolide la position de l’Alsace dans l’espace communautaire. La région ne manque pas d’atouts pour poursuivre sa croissance.
Claude Danner. Président de la CCI de 1991 à 2000. Document CCI.
126
des vols quotidiens. Après 1994,
n 1992, alors que les Français
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
le site passe à la vitesse supérieure en tirant parti de la libéralisation du trafic aérien.
réalisé. L’extension de l’aérogare, la construction d’une nouvelle zone
chantiers. Seule ombre au tableau : les remous provoqués par l’affaire DHL en 1996 et l’abandon du pro-
1985
1991
1995
Un hall d’accueil et un Centre de Formalités
Claude Danner prend les commandes
Le Neubau est classé Monument
des Entreprises sont aménagés
de l’institution consulaire.
Historique. Dans un premier temps
au rez-de-chaussée du Neubau.
(1995), façades et toitures. Dans un second temps (1998), pièces voûtées et caveau du rez-de-chaussée, escaliers du 19ème siècle, enfilade des quatre salles à décor Empire.
Dans le domaine du commerce
Le nombre des sociétés alsacien-
un signal fort en ouvrant en
international, elle pousse aussi son
nes exportatrices peut être estimé
septembre 1999 le Pôle forma-
avantage et son rôle est plus que
à 1 500. Les investissements alle-
tion CCI. L’ensemble de 9 500
proportionnel à sa population. Ses
mands représentent plus du tiers
mètres carrés est implanté
ventes à l’étranger représentent 6 %
des emplois industriels en Alsace.
dans le quartier de la Meinau. Il
des exportations françaises. En
La main-d’œuvre alsacienne est
regroupe tous les services de la CCI
1995, elle se situe au quatrième
particulièrement recherchée. Elle
dédiés à la formation, du Centre
rang des régions exportatrices
est traditionnellement d’un haut
International d’Etudes des Langues
françaises
et se classe en tête
niveau de formation profession-
(CIEL) au Point Apprentissage en
pour les exportations en valeur par
nelle, depuis l’époque où le Bas-
passant par l’Institut de Formation
habitant.
Rhin était le département le plus
par Alternance (IFA). Plus de
alphabétisé de France. La forma-
soixante collaborateurs dans le
tion par alternance, très répandue
conseil, l’ingénierie de formation
Président de la CCI en 2000.
en Alsace, explique aussi ce niveau
et l’animation, près de 400 for-
Document CCI.
de qualification des personnels.
mateurs issus du monde profes-
C’est précisément sur ce ter-
sionnel ou universitaire évoluent
rain de la formation que la CCI
dans cet espace conçu comme
se fait offensive. Sait-on en
un relais entre étudiants et chefs
effet que les CCI constituent le
d’entreprise.
André Haasser.
deuxième formateur de France après l’Education Nationale ? A Strasbourg, la Chambre de
pôle formation cci.
Commerce et d’Industrie adresse
Photo Citeasen.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
127
La Caravane de l’Euro. (Mai 2001 devant le Neubau). Document CCI.
une passerelle de compétences En 2002, l’euro enterre le franc
Leur mission : informer les entre-
Elles redoutent également une mau-
Formation initiale, formation
et bouleverse les habitudes. En
prises sur les affaires commu-
vaise application des règlements et
continue, actions de conseils
Alsace, région frontalière, l’événe-
nautaires, les conseiller sur la
des normes de l’Union européenne
ment a un retentissement particu-
législation européenne, aider les
et une hausse des flux migratoires.
lier. Sous l’impulsion de la CCI, une
PME à se positionner sur le marché
Mais l’élargissement a aussi ses
de formation des entreprises.
campagne d’information menée en
européen. En 2004, une nouvelle
avantages : alignement sur les
Il est aussi un lieu de réflexion
direction des entreprises est consi-
opération de communication est
normes communautaires, accrois-
dérée comme un élément détermi-
orchestrée sur le thème de l’élar-
sement des échanges, hausse pro-
aux nouvelles technologies.
nant du succès de l’introduction de
gissement de la famille européenne
gressive du niveau de vie, conver-
La formation par alternance
l’euro en France. La même année,
qui passe à vingt-cinq pays puis à
gence des prix et des coûts de la
le magazine l’Entreprise indiquait
vingt-sept en 2007. Les entrepri-
main d’œuvre à long terme, environ-
que 35 % des chefs d’entreprises
ses sont majoritairement favora-
nement politique stable et favorable
du nombre d’apprentis :
sondés citaient en premier la CCI
bles à l’adhésion de dix nouveaux
à l’investissement.
une augmentation de 95 %
pour l’information sur l’euro, juste
Etats-membres mais entretiennent
derrière les banques (45 %), mais
certaines craintes : peur du dum-
loin devant les autres institutions.
ping social et de la concurrence
carrés de surface, traduit la double
En réalité, le fait européen s’est
déloyale, peur aussi du risque de
ambition consulaire : valoriser la
imposé depuis quelque temps déjà
délocalisation des entreprises.
dans les entreprises. Strasbourg n’a-t-elle pas été désignée villepilote - avec Lyon et Nantes - pour le lancement des Euro-Info-Centres ? Depuis, le réseau n’a cessé de s’étendre.
128
Richard Burgstahler. Président de la CCI de 2000 à 2004. Document CCI.
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
et d’orientation pour l’emploi : le Pôle formation CCI a vocation à répondre à la demande
et d’échanges sur le monde économique et l’adaptation
figure parmi les axes stratégiques du Pôle formation CCI qui enregistre une hausse significative
entre 2002 et 2007. L’extension du Pôle formation CCI, qui va gagner 3 000 mètres
formation et la pertinence des dispositifs mis en place.
2000
2000
2004
André Haasser est appelé
Richard Burgstahler accède
Jean-Louis Hoerlé devient
à la présidence de la CCI.
à la présidence de la CCI.
le vingtième président de la CCI.
La mise en lumière du Neubau, un spectacle flamboyant
E
n 2005, année du réfé-
41 848 led pour une puissance de
rendum sur le projet de
7 966 Watts - révèlent et affirment
Constitution européenne,
ainsi la présence du Neubau dans
la CCI s’offre du prestige pour célé-
le paysage nocturne strasbourgeois.
brer le Neubau. La mise en lumière
Le spectacle est flamboyant. Les
de l’édifice est une réussite totale.
couleurs dévoilent l’édifice dans
L’opération implique un respect de
toute sa splendeur et restituent tous
l’ordonnancement monumental de
les détails de son architecture. Le
l’édifice par un éclairage des colon-
Neubau exprime en cette circons-
nes. La technique retenue permet
tance la fierté justifiée de l’institution
de mettre en valeur les fresques en
consulaire. L’histoire va se poursuivre
allèges afin d’atténuer la verticalité
et changer de rythme. En 2006 et
des colonnes et de redonner de la
2007, la France prépare sa relève
surface et du volume à la façade.
politique, comme l’ont fait l’Allema-
Les lucarnes, éclairées de l’intérieur,
gne et l’Espagne avec Angela Merkel
le TGV Est-Européen pointe enfin
à Colmar et au-delà jusqu’à Bâle.
Le TGV est une formidable machine
offrent une lecture en relief de la
et Luis Rodriguez Zapatero.
son nez à l’horizon. Il en profite
Le voilà ce Train à Grande Vitesse,
à réduire le temps, à rapprocher les
toiture. Le résultat est à la hauteur
Mais à Strasbourg, c’est un tout
pour battre le record du monde de
si ardemment voulu, si longtemps
hommes, à doper les activités des
de l’investissement engagé et de la
autre événement qui fait l’actualité.
vitesse sur rail. Ce 10 juin 2007, le
attendu. Désormais, Strasbourg est
territoires traversés.
qualité architecturale du bâtiment.
Après des années d’hésitations, de
TGV est fêté dans toute l’Alsace, de
à 2 h 20 de Paris, Mulhouse à
Au total, 244 points lumineux - soit
concertations et de négociations,
Saverne à Mulhouse, de Strasbourg
3 h 10, Bâle à 3 h 20.
L’éclairage nocturne met en valeur la façade et la toiture du Neubau. Document Citeasen.
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
129
Et aujourd’hui, tout le monde a les
de Strasbourg. La vocation de ce
Cent métiers qui cohabitent depuis
yeux rivés sur cette deuxième phase
nouvel ensemble, qui fait partie
deux cents ans dans cet édifice.
qui mettra Paris à 1 h 50 de la capi-
intégrante du l’Université unique
Des hommes et des femmes qui
tale européenne. Sans oublier la
de Strasbourg, est de former des
ont écrit les pages de ce véritable
Magistrale Paris-Budapest dont le
managers confrontés aux nouveaux
roman. Celui-ci continue et change
TGV Est-Européen est un maillon
défis de la mondialisation et de la
d’échelle. L’ambition de la Chambre
essentiel. La CCI applaudit l’arrivée
numérisation de l’économie, du
de Commerce et d’Industrie d’être
du TGV même s’il entraîne une
développement durable, de l’éthi-
source d’idées neuves dans les
redistribution des cartes dans le
que et de la diversité. Ce sont ces
milieux économiques a de l’avenir.
domaine des transports et impose
virtuoses des temps modernes qui
un repositionnement de l’aéroport
doivent conduire les évolutions de
de Strasbourg Entzheim.
notre économie. En cela, les enjeux
En 2008, alors que Strasbourg
de l’école rejoignent ceux de la CCI
joue l’alternance politique, la CCI
et de l’ensemble des institutions qui
pose de nouveaux jalons. Elle est
visent notre adaptation au monde
ainsi à l’origine de la fusion entre
économique du 21ème siècle.
l’IECS et l’Institut d’Administration
Durant ces deux siècles d’histoire
des Entreprises qui donne nais-
du Neubau, cent métiers ont tenu
Président de la CCI depuis 2004.
sance à l’Ecole de Management
leur rôle, vital, si ce n’est éminent.
Document CCI.
Jean-Louis Hoerlé.
Bienvenue dans le monde virtuel
Le Neubau version Second Life
Vous
Internet. Voici
Life attire de plus en plus les in-
Second Life, un univers en 3D.
connaissiez
vestisseurs. La CCI s’est mise au
Animé par des résidents virtuels,
diapason et a créé son propre en-
Second Life est un espace d’échan-
vironnement. Les applications sont
ges où s’expriment les engagements
multiples : simulation de séquences
sociaux, commerciaux et politiques.
de formation, conférences virtuel-
Débats, expositions, conférences,
les, publications corporate.
formations, recrutements sont des événements courants sur Second Life. Formidable outil de communication et de créativité, Second
130
1945-2008 • Les grandes mutations et le tournant de la mondialisation
Champ libre
Par Antoine Latham
Une Alsace de tous les possibles Plus dynamique qu’elle ne le croit elle-même, l’Alsace ne manque pas d’atouts. La clé de son futur est peut-être dans la réinvention de cette identité singulière, tant aimée et qui l’a tant servie. Elle la servira encore à condition de la faire vivre à la lumière d’un monde ouvert.
E
de nombreux indicateurs : intensité
dérangeantes, on relèvera la fadeur
de la création d’entreprises, taux
du débat public, asséché par la
d’emploi élevé, performances à
quête éperdue du consensus,
l’exportation, résilience aux crises,
masqué par les débats nationaux
aptitude à s’ouvrir et à innover. La
et le manque d’espaces pour des
qualité de la vie, le sens du collectif
expressions alternatives. C’est
n affaires, l’optimisme
à Strasbourg, le philosophe André
pas oublié ce qu’elle est. Désirez,
et les valeurs humanistes, ressour-
d’autant plus étonnant que les
se nourrit de l’aptitude
Comte-Sponville expliquait aux
oui, mais désirez ce qui dépend de
ces qui ne dépendent guère des
réseaux sociaux, en revanche,
lucide à transformer le
membres de l’Association pour le
vous. N’attendez pas que vos rêves
entreprises, améliorent le tableau.
connaissent une belle vitalité, par-
réel. La statistique sait
progrès du management à quel
se soient transformés en réalité
Bien sûr, l’Alsace innove insuffi-
fois même un tout petit peu fron-
se corriger des variations saisonniè-
point «le chef d’entreprise est un
pour être heureux.»
samment, ses facteurs de compé-
deuse. A condition de rester dans
res. Elle est moins bien armée pour
professionnel du désir de l’autre,
L’Alsace des entrepreneurs a-t-elle
titivité ont changé, son accessibilité
le cercle.
traquer l’effet des sautes d’humeur
un professionnel de la convergence
failli dans la convergence des désirs ?
se dégrade, elle ne forme pas
ou pour redresser ses résultats
des désirs, autrement dit de la
Au risque d’irriter quelques esprits,
assez d’ingénieurs, elle a perdu de
d’après les variations d’amour
solidarité». Et il ajoutait : «l’Alsace
il faut bien admettre que non. La
grandes entreprises et fabrique peu
propre, les assauts du doute ou les
fait partie de ces régions qui ont
réussite économique collective de
de femmes ou d’hommes d’Etat...
fluctuations du désir. Récemment
d’autant plus d’avenir qu’elle n’a
l’Alsace est une réalité qu’attestent
Au chapitre des faiblesses plus
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
133
134
On évoque ici des caractéristi-
France). Elle conservait encore, en
par les patrons de sites auprès
en réinventant sa stratégie.
les représentations mentales…
ques de long terme, pas celles du
2002, la structure d’emplois indus-
des directions des maisons-mères.
Dans un contexte de concurrence
Beaucoup d’éléments contribuent
dernier exercice ou du trimestre
triels et tertiaires qu’avait la France
En dépit du ralentissement de ce
mondiale entre les territoires, elle
à maintenir un fossé plus large
écoulé. De tous ces points de
entière en 1982 !
flux d’investissements internatio-
doit prouver qu’elle est aussi fertile
qu’on ne le pense avec nos voisins,
vue, l’Alsace des entreprises a fait
Sa tertiairisation se produit avec
naux, pas encore tari, le stock d’ac-
aux services de demain qu’elle l’a
eux-mêmes en rapide évolution.
preuve de belles qualités. D’autant
un certain décalage. Elle va se
tifs ainsi constitué demeure une
été pour l’industrie d’hier.
Souvent noté, le handicap d’un
plus remarquables qu’au sortir de
poursuivre, comme dans l’ensem-
colonne vertébrale du territoire, très
D’aborder la Chine, le Brésil ou
territoire limitant son rayonnement
la Seconde guerre mondiale, ce
ble français où le taux d’emplois
singulier à cet égard en France.
l’Inde comme elle accosta l’Amé-
à 180° demeure. Surtout quand
territoire renaissait socialement
tertiaires se rapproche des 80%.
rique ? Si des craintes sont pério-
ce territoire cultive ses distan-
blessé. Plumé de pas mal d’atouts,
L’écart s’explique par la forme de
diquement nourries quant à la
ces vis-à-vis du Grand Est fran-
héritant du désinvestissement des
salut économique trouvée depuis
«volatilité» de ces emplois, les
çais, une réserve qui n’est bonne
années 20 et laissé partiellement
les années 50.
délocalisations rituellement dénon-
conseillère.
en marge de la France des grands
L’arrivée massive de capitaux inter-
aménagements. Marge territoriale
nationaux, allemands, américains
bien située en Europe, la rive fran-
et suisses en majorité a donné
çaise du Rhin prend sa revanche
naissance à des pans entiers
en s’amarrant aux espaces les
du paysage industriel qui nous
plus dynamiques du continent
est familier, où plus de 40% des
grâce aux TGV Est et Rhin-Rhône.
emplois relèvent d’intérêts étran-
Selon Ernst & Young, l’Alsace était
douanières, l’Alsace vit encore
Servis avec retard, sans doute.
gers. On peut regretter cette forme
en 2007 au quatrième rang des
dans une non Europe fiscale et
L’Alsace a maintenu une part d’em-
de dépendance, mais on ne peut
régions françaises pour l’accueil
sociale. Avantage ou inconvénient ?
plois industriels plus importante
passer sous silence le fait, bien
d’investissements internationaux.
Le Rhin, la langue, l’organisa-
que la moyenne française (certes
sûr mal documenté, que le site
Elle serait en mesure de retrou-
tion institutionnelle, la conception
marquée par le poids de l’Ile-de-
Alsace est défendu avec vigueur
ver sa place dans ce classement
de l’aménagement du territoire,
Pourquoi l’Alsace ne serait-elle pas apte à tirer parti du réagencement du monde ?
cées, on ne peut pas davantage exonérer de cette tentation les entreprises à capitaux locaux. Les apparences sont souvent trompeuses. Alors que l’Union européenne abattait les barrières
Une Alsace de tous les possibles
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
135
La façade du Neubau, rue des Serruriers, avec oriel. Dans un souci d’authenticité, le bâtiment a été restauré jusque dans les moindres détails. Photo Citeasen.
136
Plus préoccupant est l’affaiblis-
au demeurant fragile et contestée,
Elle sera polycentrique, culturelle-
sement insidieux des fonctions
Strasbourg ne saurait rivaliser avec
ment diverse, parfaitement irriguée,
dirigeantes. On parle ici non des
Milan, Barcelone, Francfort ou
innovante sur le plan institutionnel
sièges sociaux, notion trop étroi-
Lyon. Aux yeux de nos visiteurs,
et en termes d’aménagement du
tement juridique, mais bien des
le chef-lieu régional conserve le
territoire, offrant dans tous ses espa-
fonctions clés. Finance, juridique,
charme d’une ville provinciale, plus
ces un haut niveau de qualification
marketing, design et recherche-
française et moins cosmopolite que
humaine et des services à forte
développement, ce «tertiaire supé-
ne l’imaginent les Strasbourgeois.
valeur ajoutée.
rieur» a tendance à se concentrer
Ce n’est pas si mal, mais insuffisant.
dans les très grands pôles urbains.
Devenir une agglomération franco-
A peu d’exceptions près. Les bases du
allemande, à cheval sur le Rhin et
patronat patrimonial se sont réduites :
bi-culturelle : cette aspiration ne
combien de grandes entreprises
demande qu’à s’affermir en projet
familiales en Alsace ? Raison de plus
partagé.
pour faire croître les petites. La rive
Démographiquement plus dynami-
française du Rhin était démographi-
que que tous ses voisins, en France
quement attractive il y a dix ans. Elle
ou en Allemagne, les territoires alsa-
La seule ressource illimitée est le cerveau, l’intelligence humaine, la créativité
a cessé de l’être à partir des années
ciens peinent encore à se concevoir,
«C’est dans leurs salariés que les
2000. Région la plus dynamique du
ensemble, comme un archipel agglo-
chefs d’entreprise devraient investir
Nord-Est de la France, elle est éloi-
méré, une grande ville composite où
en premier», note un des meilleurs
gnée des arcs côtiers connaissant le
l’urbanité deviendrait force, source
observateurs du tissu local. Rêvons.
plus fort développement en France.
de rayonnement et d’équilibre.Cette
Pourquoi ne pas esquisser un futur
Pénétrée de son importance de
«multipole» verte dépassera les
qui concentrerait les pôles de déve-
«capitale européenne», position
2 millions d’habitants avant 2030.
loppement non plus en les étalant
Une Alsace de tous les possibles
dans les espaces creux mais sur les
de coordination. Comment ne pas
mondiale» par le gouvernement,
Pas nécessairement. L’Alsace pour-
chiennes ou allemandes disposant
nœuds d’échange les plus efficaces ?
observer que l’Etat, à travers la
Jean-Marie Lehn avait souligné un
rait accentuer ses efforts en faveur
d’une avance commerciale sur ces
En particulier les gares, nouveaux
révision générale des politiques
fait, sans doute pas assez compris :
de l’éco-business, le quatrième accé-
sujets, en particulier dans l’énergie
théâtres de développement. Une
publiques (RGPP), les universités,
toutes les activités relevant des
lérateur d’innovation qui est à sa
et l’habitat. Sa recherche scientifique
ville, à elle seule, ne parviendra à
qui ont eu le courage de se réunir à
sciences de la vie et de la santé
portée avec la mécanique à haute
est pour partie orientée vers ces pro-
densifier l’habitat et à concentrer
Strasbourg, et même les organisa-
humaine ont un avenir mieux assuré
valeur ajoutée, les biotechnologies et
blématiques et l’on peut compter sur
l’activité autour des axes de mobi-
tions consulaires, progressent dans
que le secteur automobile, l’autre
l’ingénierie. Traitement des déchets,
une opinion mûre et favorable, dans
lité durable. Un tel parti implique
la remise en cause de leur gouver-
grand pôle alsacien.
protection des sols, prévention des
un territoire dense et contraint.
d’articuler plus efficacement, par
nance, distançant des collectivités
risques industriels, droit de l’en-
L’Alsace pourrait être la première
voie contractuelle sans attendre la
dont la réforme est inaccomplie. Le
région polyglotte de France et s’as-
réforme des collectivités, les trois
mot «expérimenter» revient en bou-
construction bio-climatique, design
signer, pour commencer, l’ambition
niveaux de gestion que sont la
cle dans le discours politique. Il y a
et éco-conception... Tous ces domai-
de construire le premier territoire
région, les agglomérations et les
une forme d’immobilisme qu’il n’est
nes sont en effervescence. Plusieurs
trilingue en Europe.
départements. On répondrait ainsi
pas recommandé d’expérimenter
plus nettement aux défis de la mon-
trop obstinément.
dialisation, risque majeur découlant
Quelles pourraient être les options
d’un degré élevé d’ouverture.
de l’Alsace pour les années à venir ?
l’Alsace doit bâtir plus vigoureusement de nouvelles sources d’activités et de croissance
vironnement, énergies nouvelles,
Sectorielles, territoriales, spécia-
Elles sont nombreuses, j’en ai choisi
Le constat peut déplaire, tant il paraît
technologies propres que dans les
lisées, plusieurs agences ont le
cinq. L’Alsace pourrait accélérer
inconcevable que s’effacent de
biotechnologies», faisait remarquer
développement de l’Alsace pour
le tempo dans son projet écono-
notre paysage les quelque 90 000
récemment un consultant du cabinet
mission. Faute de hiérarchie et de
mique autour des sciences de
emplois de cette fameuse filière en
Ernst & Young qui a passé au crible
partage clair des compétences,
la vie. A l’émergence du pôle de
Alsace et en Franche-Comté. Cette
les facteurs d’attractivité des territoi-
l’action apparaît encore fraction-
compétitivité «Innovations théra-
branche connaîtra-t-elle le même
res. L’Alsace est bien placée pour
née à l’excès, en dépit des efforts
peutiques», labellisé «à vocation
sort que le textile autrefois florissant ?
attirer des entreprises suisses, autri-
200 ans d’idées neuves… Et demain ?
centaines d’entreprises s’y déploient, poussées à travailler ensemble par le Conseil Régional. «Il y a dix fois plus d’entreprises dans le secteur des
137
138
Notre région s’est beaucoup reposée
présence des institutions européen-
tive du corps social, c’est le bassin
toute implantation de collections
au rythme de la vie d’une personne
sur l’atout du bilinguisme, héritage
nes, singulièrement du Conseil de
mulhousien qui a vu émerger, avec
nouvelles dans tous les domaines de
qu’au tempo saccadé du calendrier
qu’elle voudrait sanctuariser. Chacun
l’Europe. Nombre de ces langues
Rhenatic, un pôle de compétences
l’expression plastique, historique et
politique.
a pu constater cependant la lente
sont disponibles à l’enseignement au
en technologies de l’information et de
contemporaine, susciter davantage
C’est la raison pour laquelle les
altération de cette compétence. Au
sein de l’université strasbourgeoise.
la communication fédérant plusieurs
d’événements majeurs pour l’art et les
grandes collectivités alsaciennes
point de susciter une réaction éner-
Enfin, la présence de cadres de tous
dizaines de sociétés.
sciences, eux-mêmes contributifs à
pourraient s’unir dans un pacte,
gique des réseaux consulaires, appe-
horizons et la vocation exportatrice
l’attractivité. La création récente d’une
proclamant cette volonté d’ouver-
lant à une prise de conscience et un
invitent à investir davantage dans
ture et d’accueil de l’initiative cultu-
sursaut. Le recul de la qualification
l’appréhension des grandes cultures
contemporain par le groupe allemand
relle privée.
germanophone affaiblit d’ores et déjà
du monde. Capitalisant sur son iden-
Würth à Erstein devrait, à ce titre,
L’Alsace, du fait même de la force
la position des frontaliers français à
tité, l’Alsace pourrait ainsi enrichir
être prise autant au sérieux que tout
de son identité, est un des lieux de
Bâle. La cité du Nord-Ouest de la
un bilinguisme franco-allemand trop
investissement industriel : c’est un
France où les champs culturels et
Suisse, perçue à juste titre comme
exclusif. L’Alsace pourrait repenser
signal. Il serait hasardeux d’attendre
économiques sont, en se croisant,
une «ville monde» dans l’espace
radicalement son rapport aux infras-
de l’Etat qu’il crée, dans les années
susceptibles de produire les fruits
du Rhin supérieur, embauche de
tructures, en faisant le choix de l’im-
à venir, une offre additionnelle. Les
les plus féconds.
meilleurs locuteurs allemands bien
matériel. Son territoire est bien placé
évidemment sur la rive droite du
au nœud de croisement des auto-
Rhin.
routes de l’information européennes,
Il faut faire grandir et consolider ces entreprises, attirer de l’expertise, diffuser l’avance technologique sur tout le territoire
galerie d’exposition d’art moderne et
Elle demande également des com-
avantage encore insuffisamment
L’Alsace pourrait accorder davan-
serré le carcan qui décourageait le
pétences élargies aux grandes lan-
valorisé. Le Conseil Régional a donné
tage d’attention à son développe-
mécénat privé que l’on observe chez
gues du monde. L’Alsace a une
le ton en lançant la boucle régionale
ment culturel et à l’accroissement
nos voisins sous la forme d’innombra-
carte à jouer. Strasbourg est un
à haut débit. De manière peut-être
de son patrimoine comme facteur
bles fondations dont les réalisations
terrain privilégié d’expression de la
inattendue mais au fond assez ras-
d’attractivité. Elle doit se déclarer
imposent le respect. Ces projets, par
diversité linguistique du fait de la
surante quant à la capacité d’initia-
candidate, avec enthousiasme, à
nature, mûrissent lentement, plutôt
Une Alsace de tous les possibles
collectivités territoriales éprouvent elles-mêmes des limites à leur ambition. En revanche, la France a des-
Antoine Latham Journaliste économique
Les Présidents de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du bas-rhin Jean-Georges SCHERTZ
1803
•
1818
Jean-Georges HUMANN
1819
•
1831
François-Charles SAUVAGE
1831
•
1838
Jean-Conrad SENGENWALD
1838
•
1839
François-Charles SAUVAGE
1839
•
1845
François NEBEL
1845
•
1848
Jules SENGENWALD
1848
•
1891
Alfred HERRENSCHMIDT
1891
•
1898
Julius SCHALLER
1898
•
1911
Carl EISSEN
1911
•
1918
Léon UNGEMACH
1918
•
1920
Fernand HERRENSCHMIDT
1920
•
1938
Paul JACQUEL
1938
•
1955
Jean WENGER-VALENTIN
1955
•
1967
Jean PRECHEUR
1968
•
1976
Roland WAGNER
1976
•
1991
Claude DANNER
1991
•
2000
André HAASSER
2000
•
2000
Richard BURGSTAHLER
2000
•
2004
Jean-Louis HOERLE
2004
Bibliographie Monuments de la Renaissance en Alsace, Cercle des Arts de la Renaissance en Alsace, n°1, Alsatia 1975. Livre d’or de l’Industrie et du Commerce du Bas-Rhin, Imprimerie Alsacienne, Strasbourg 1924. Exposé des travaux de la Chambre de Commerce de Strasbourg, années 1861-1863, Archives de l’ancien Corps des Marchands de Strasbourg, Strasbourg, 1863. Discours prononcés aux obsèques de M. Fernand Herrenschmidt en l’Eglise St Nicolas à Strasbourg le 23 mai 1938. Discours prononcés au dîner offert à M. Hugo Haug le 2 avril 1938, Chambre de Commerce de Strasbourg. Esquisses physiologiques de la Ville de Strasbourg dessinées par J. Vogel et E. Laville, Strasbourg, Lemaître E.,1851.
Une débauche de couleurs. Cette tapisserie flamande du 17ème siècle, qui orne le salon d’honneur de l’Hôtel Consulaire, place Gutenberg à Strasbourg, a été restaurée en 2006 avec le soutien de la Fondation du Patrimoine et des entreprises mécènes. La scène représente, dans une débauche de couleurs, le sultan Bajazet, prisonnier du conquérant turc Tamerlan. Les entreprises mécènes sont Cétal, CIC Banque CIAL, Cora Strasbourg, Crédit Mutuel Centre Est Europe, DNA, Gaz de Strasbourg, Groupe Coop Alsace, Haasser, Hager Electro, Montres Pierre Lannier, Pâtes Heimburger, UPM Stracel, Soprema, Waltz Traiteur Chez Soi, Würth France. (Photo Henri Parent).
Christophe BOUGUEMARI, L’activité internationale de la CCI de 1919 à 1960, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1998. Philippe FEGER, La Chambre de Commerce, 1848 - 1870, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1996. Pascale FORGIARINI-SCHWEYER, La Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg 1939-1965, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1990. B. et P. Hamm, émile Mathis, 1991.
Sources et crédits photographiques Hugo HAUG, Das Hôtel du Commerce, Strasbourg, 1913.
Archives Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin
Nathalie KELHETTER, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1802 à 1831, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1990.
Archives Municipales de la Ville de Strasbourg
Christian LAMBOLEY, Du «Neubau» à la Chambre de Commerce et d’Industrie : 400 ans d’histoire. Notes historiques publiées à l’occasion du quatrième centenaire de l’Hôtel du Commerce de Strasbourg, CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, 1985. Georges LIVET, Francis RAPP Histoire de Strasbourg, Privat - DNA, Toulouse, 1987. Marc LUCIUS, Le Rhin et le port de Strasbourg, Paris, 1928.
Dernières Nouvelles d’Alsace Port Autonome de Strasbourg J.- M. Lehmann
Christine Esch, Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel
A. SEYBOTH, Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu’en 1870, Strasbourg, Réédition Oberlin, 1994. Bernard VOGLER, Michel HAU, Histoire économique de l’Alsace, Ed. La Nuée Bleue, Strasbourg, 1997. Jean-Olivier WILETTE, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1918 à 1939, mémoire de maîtrise, Strasbourg 2, 1992.
Pierre EUDE, La Chambre de Commerce de Strasbourg de 1945 à 1967
Textes - éric Pilarczyk Iconographie - Anne Argyriou Direction artistique - Arnaud Jermann Reportages photographiques - Cyril Hanebna Impression - Gyss
Musées de la Ville de Strasbourg
Remerciements
Hans HAUG, L’Hôtel de la Chambre du Commerce, Etudes Strasbourgeoises, 1953.
Maquette du projet d’extension du Pôle formation CCI - Denu et Paradon Architectes
Cabinet des Estampes et des Dessins
Henry RIEGERT, Strasbourg, deux mille ans d’histoire, Ed. Istra, 1967.
Allocutions prononcées en hommage à Jean Wenger-Valentin, 11 décembre 1967, Imp. DNA. 1968.
Réalisation Citeasen.fr
Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel, Strasbourg
Frédéric PITON, Strasbourg illustré ou panorama historique et statistique de Strasbourg et de ses environs, Strasbourg, 1855.
Michel HAU, Nicolas STOSKOPF, Les dynasties alsaciennes, Ed. Perrin 2005.
en couverture
Archives Départementales du Bas-Rhin
Conseillers historiques - Bernard Vogler, professeur émérite de l’Université Marc Bloch, Strasbourg. Nicolas Stoskopf, historien, professeur à l’Université de Haute-Alsace, Mulhouse.
Michel André, Antoine Gaugler, Stéphane Haegeli, Jean-Michel Lehmann, Elie Levy, Jack Michel pour le prêt de documents iconographiques Le service de communication de l’Ecole de Management de Strasbourg Le service de communication du Port Autonome de Strasbourg La Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin Philippe Edel Helga Rebert
A destination des générations futures. Le parchemin scellé dans la façade du Neubau témoigne des travaux de restauration de l’édifice et des entreprises impliquées dans ce vaste chantier de 2001 à 2008.