Dinde Carnet d’inspiration culinaire
CRÉATIVE & FESTIVE
Belle en robe de Noël
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La dinde
Centre Culinaire Contemporain
/La dinde
Centre Culinaire Contemporain
Pour les Français, manger est un plaisir et un moment de partage à fort ancrage culturel. Les consommateurs nous parlent de convivialité, de diversité et d’innovation, tout en rappelant l’importance des icônes de la cuisine française. La « dinde de Noël », celle de grand-mère, celle du bistrot du coin, celle des beaux livres de cuisine… en fait partie, c’est certain. Avec 3 milliards de repas servis chaque année et 73 000 restaurants, la restauration collective représente aujourd’hui un enjeu alimentaire national ! L’Etat a pris toute la mesure de l’enjeu en fixant un objectif de 40 % de produits de proximité dans la restauration collective à l’horizon 2017.
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/édito Pour réconcilier les dimensions culturelles, économiques et sociales, le Centre Culinaire Contemporain a organisé - sous l’égide du CIDEF – une résidence créative autour de la dinde. Tout a débuté par un concours lancé auprès des chefs de la restauration collective dont l’objectif était de mettre en valeur les potentialités culinaires et festives de la « dinde de Noël ». Pour cela, les 6 chefs de restauration collective sélectionnés par deux experts de restauration collective ont eu carte blanche pour revisiter et réenchanter ce grand classique de la cuisine française. S’il y a bien une viande à redécouvrir, c’est la dinde. D’une forme de paradoxe à la française, elle sait se distinguer, voire se faire remarquer bien plus que toute autre volaille. Belle en robe de Noël, elle en serait presque disgracieuse pour ceux qui ne veulent pas se donner la peine de la regarder. A tort… Rabelais en raffolait, en grand connaisseur de la tendreté de sa chair, il ne reste plus qu’à lui emboiter le pas ! Patrick Pageard Président du CIDEF(1) (1)
Comité Interprofessionnel de la Dinde Française
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/un peu d’histoire... D’un point de vue de l’archéozoologie, Meleasgris gallopavo représente quasi la moitié des restes retrouvés sur le Péninsule du Yucatan, chez les Mayas. Peu d’informations émergent de cette époque, simplement que la dinde serait apparue dans cette partie de l’Amérique du Nord il y a environ un million d’années et qu’elle y serait domestiquée à partir du XIVème siècle. C’est à partir des écrits des conquistadores et notamment d’un moine Franciscain, Bernardio de Sahagun, que certaines indications seront transmises à travers son ouvrage : « Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne»1.
« Ce sont des volatiles domestiques bien connus. Ils sont bons à manger et leur chair est la meilleure de tous les oiseaux. Ils mangent du maïs mouillé lorsqu’ils sont petits ainsi que des blettes cuites et moulues et plusieurs autres plantes herbacées. »
Il affirme que la dinde est une
nourriture de roi. Les seigneurs ou rois consommaient de nombreuses variétés de pain avec cette viande rôtie ou bouillie. Il indique également qu’elle pouvait être dégustée en ragoût accompagnée de tomates, piment et de pépins de calebasse. Ces spécimens seront alors rapportés en Espagne dès les premières expéditions. Dans un premier temps, elle sera prénommée « coq » ou « poule d’Inde » et prendra son nom définitif de « dinde » en 16002 . Il est fort probable que la dinde apparaisse en France via la Navarre. Marguerite d’Angoulême (Duchesse d’Alençon et Reine de Navarre) en demande l’élevage. Quatre ans plus tard, on les verra apparaître sur le marché de pourvoirie de son mari, Henri d’Albret. Les premières dindes dégustées en France sont indiquées en 1549 lors d'un banquet donné à Paris en l'honneur de Catherine de Médicis. Elle sera également servie au repas de noces de Charles IX en 1570. Quelques décennies plus tard, Louis XIV conquis par cette
délicieuse volaille fera construire une volière au château de Versailles, sans hésiter à la nommer « un capitaine des dindons du Roy ».
Liliane Plouvier3 nous renseigne largement sur les premières recettes culinaires de la dinde. De l’Italie en passant par l’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre et la France, on découvre
une fabuleuse palette de recettes
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toutes plus alléchantes les unes que les autres. Dindes farcies et rôties à la Broche, quenelles, paupiettes, cuites à l’étouffée dans une sorte de « croute de sel ou de pâte », accompagnées de subtils mélanges de pimprenelle, marjolaine, menthe, d’épices et de lard, sans oublier la cuisine des abats pour le chef Scappi. A Francfort, les recettes ressemblent aux recettes italiennes avec quelques variantes, comme par exemple, des clous de girofle ou encore un feuillage d’enrobage et quelques sauces d’accompagnement : acide ou douce, jaune, blanche, ou au poivre, des blancsmanger (préparation médiévale à base de volaille, de farine de riz de lait animal ou végétal et de sucre), des rissoles, des tourtes pour Rumpoldt. En Espagne, on retrouve peu de recettes, mais elles ressemblent à celles d’Italie. Grewe4 démontre l’influence de la cuisine catalane sur l’Italienne de la fin du Moyen-Âge. Quant à Montino, il ajoutera une sauce froide à base d’amande, de foies de volaille, de sucre et de cannelle. Le livre culinaire de la reine Henriette Marie cite deux recettes, dont une soupe qui ressemble de près à la fameuse soupe Jacobine (parue en France en 1544). L’Angleterre propose un haché de dinde, déposé sur une grande tranche de pain et recouverte d’un bouillon. Malgré un éventail de livres de recettes français, il faudra attendre 1651 pour que La Varenne, agacé des dites recettes copiées de l’esprit médiéval, propose
une nouvelle cuisine,
abandonnant les épices, pour les remplacer par des aromates tels que des fines herbes, bouquets garnis, câpres, truffe du Périgord ou encore la framboise. La dinde à la framboise de La Varenne qui ne plaît pas à tout le monde.
Comme quoi, chaque époque à sa nouvelle cuisine, ses adeptes ou ses détracteurs… Pour comprendre comment nous sommes passés d’un mets de roi à un plat quasi désuet au XXème siècle, il est bon de reprendre quelques moments importants. C’est au XVIIème siècle que naissent l’esthétisme et les méthodes culinaires, nouvelles approches dûes à l’influence de la pensée de Le Nôtre et de Descartes. Le service à la française apparaît, la table doit ressembler aux jardins du palais. La garniture et les légumes deviennent importants. Le beurre arrive alors en force depuis l’autorisation de l’église à pouvoir le consommer pendant le Carême (XVIème). En parallèle, la cuisine italienne nous inspire pour apporter « de l’ordre et de l’équilibre ». Aux XVIème et XVIIème siècles, la dinde a supplanté les cygnes, les paons, les hérons et les grues, elle devient
le repas de seigneurs, l’élevant au haut rang des tables aristocratiques, sa chair étant considérée comme meilleure et d’une acquisition plus facile.
La dinde devient le plat de prédilection du repas de Noël à la fin du XIXème siècle. Elle est alors déjà bien loin, de son goût originel, où elle était considérée comme un gibier. L’élevage, la sélection de souches sont souvent cités comme étant les principaux changements de ce goût. C’est au XXème siècle qu’elle va totalement perdre ses lettres de noblesse, en devenant un produit de consommation courante, pour enfin rentrer dans la France de l’après-guerre, en libre-
service. Malgré tout, elle reste festive aux moments des fêtes de fin d’année. Mais si certains ne voient en elle que de vielles citations où elle prône la sottise et bien d’autres caricatures peu flatteuses, elle peut au moins se targuer de nourrir le peuple, et d’être d’une préparation, rapide, facile et légère. Parallèlement, elle a le pouvoir de passer à une préparation élaborée, où sa peau prend
des allures de luxe accompagnée de truffes du Périgord.
Il est bien là notre paradoxe à la française, capable de s’amouracher d’un produit pour le décrier quelques temps après. Mais si nous avions su et gardé en mémoire que Benjamin Franklin souhaitait comme Emblème de l’Amérique une dinde (au lieu d’une tête d’aigle blanche, qui fut préférée par ses conseillers), nous n’aurions certainement pas eu à vouloir cancaner ! Alors, mettons-nous au travail, retrouvons les recettes des siècles passés, réfléchissons et proposons avec les nouvelles techniques culinaires, de
délicieuses recettes où chacun pourra
trouver son bonheur
comme il le fit au cours du millénaire précédent. La cuisine est une mode éternelle qui revient sur son passé pour créer son présent et préparer son avenir ! Alexandra Beauvais
1
B. de Sahagun, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, trad. Fr. D. Jourdanet et R. Simeon (Paris, 1880) 2
(Étymol. et Hist. 1600 [éd.] « Femelle du dindon » (O. de Serres, V, III, p. 365 ds Gdf. Compl.) 3
Liliane PLOUVIER, Scientiarium Historia 21 (1995) 1, Introduction de la dinde en Europe.
4 Ed. R. Grewe, Sent Sovi (Barcelone, 1979, p.56. « Ce que nous devons savoir sur la dinde » - Delphine Germain (Auteur) Guide (broché). Paru en 10/2008
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/galerie de Chefs
SÉBASTIEN COCHET RESTAURATION D’ENTREPRISE Crédit Agricole Atlantique Vendée Nantes /44
STÉPHANE BOURDIN
GRÉGORY HOUSSINE
RESTAURATION SANTÉ
RESTAURANT UNIVERSITAIRE
Hôpital Intercommunal Sèvre et Loire Vertou /44
Restaurant Universitaire Poitiers /86
CYRIL PICHON RESTAURATION D’ENTREPRISE Resteco Bretagne Restauration Quartier Gourmand Bédée /35
PIERRE PARQUIC
DELPHINE VIGNOL
CUISINE CENTRALE
RESTAURATION SANTÉ
Restaunomne Montoir-de-Bretagne /44
Maison de retraite Sainte Famille Montigny-les-Metz /57
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/interprétations culinaires
21 STÉPHANE BOURDIN
27 SÉBASTIEN COCHET
33 GRÉGORY HOUSSINE
39 PIERRE PARQUIC
45 CYRIL PICHON
51 DELPHINE VIGNOL 13
/et ils rĂŠenchantent la dinde...
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STÉPHANE BOURDIN restaurant santé
SON MORCEAU SON IDÉE SA RECETTE
Blanc de dinde
Décliner la dinde en rossini, teintée de notes sucrées
Dinde de Noël Rossini, cuisson en cage à l’impériale et tartelette noire de patate douce et artichaut violet
« La cuisson en barquette de ma recette est inspirée de la caille au foie gras d’Eric Fréchon, Chef au Ritz à Paris. »
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Stéphane Bourdin, un chef pour lequel la période de Noël est tout un symbole, chargé de souvenirs palpables, d’odeurs et de saveurs. C’est une des raisons qui l’on conduit à choisir le foie gras comme complément à son filet de dinde. Sa recette il l’intitule tout naturellement Rossini, en clin d’œil à la gourmande recette du tournedos éponyme. Le foie gras n’est pas la seule arme secrète que Stéphane utilise pour son réenchantement.
Il y ajoute une multitude de goûts teintés d’orange, de clémentine, de noix, de marrons et de pains d’épices qui côtoient dans son plat, la volaille préférée des français pour en faire un repas de fête différent ! Il le concède, sa recette est technique. Il commence la cuisson de sa dinde à la vapeur. Il le sait : le morceau choisi est très sec à la base. Il doit être humidifié très souvent pendant la préparation. Après la vapeur, il passe sa dinde serrée en paupiette au four, à basse température. Il continuera la cuisson dans une compotée de marmelade d’orange et de clémentine, le tout dans une barquette en bois pour évoquer un goût fumé, une odeur de sapin. Un tour de passe-passe inspiré de la recette de la caille au foie gras cuite dans une barquette en bois d’Eric Fréchon, chef au Ritz à Paris. Un plat qui l’avait soufflé
par ses subtiles odeurs fumées. Pour son fond de tarte en pâte feuilletée, il utilise une innovation aussi intrigante que surprenante : un colorant à l’encre de seiche. Son repas il l’a testé plusieurs fois à la période de Noël auprès d’un public résident d’un hôpital dont une partie vit en maison de retraite. Ce fond de tarte, ils ne l’ont pas compris au premier abord. Pas facile d’expliquer aux résidents qu’une pâte est volontairement colorée et non brûlée. Plusieurs n’ont mangé que l’intérieur composé de mirepoix de patate douce.
Au moment du dressage, tous les éléments sont là le filet escalopé, tapé pour être attendri (NB : cela n’est valable qu’en cuisine) et roulé avec sa farce. La cagette brûlée au chalumeau et repassée au four dégage la promesse tant attendue : une belle odeur fumée. Un secret de fabrication qui a mis du temps pour se laisser percer avoue-t-il…
Il regrette que l’image de la cuisine collective souffre de l’étiquette du manque de créativité et d’être obligé d’expliquer ses créations. Une différence qui tranche avec le monde de la gastronomie où l’originalité est bien accueillie, sans nécessité de justification. Dans un milieu hospitalier, les gens pensent plus facilement que c’est raté ou brûlé.. La dinde, ce n’est pas difficile à cuire pour Stéphane, évidemment ça dépend des morceaux mais tout ce qui est volaille en général, ne doit pas être trop sec.
Il travaille en liaison froide dans son établissement et sert jusqu’à 900 repas à ses résidents parmi lesquels on retrouve facilement la dinde, cuisinée en sauce pour faciliter sa réchauffe.
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DINDE DE NOËL ROSSINI, CUISSON EN CAGE À
L’IMPÉRIALE ET TARTELETTE NOIRE DE PATATE DOUCE ET ARTICHAUT VIOLET
10 PERSONNES
180 MIN
60 MIN
1 kg de blanc de dinde 0.100 kg de foie gras 4 oeufs 0.100 L crème liquide 5 clémentines 0.100 kg de confiture d’oranges amères 0.100 kg de confiture de clémentine corse 10 tranches de bacon 2 tranches de pain d’épices 0.15 L de mandarine impériale
0.250 kg de pâte feuilletée soit : 0.125 g de farine type 55 1 c a c de fleur de sel 0.06 kg d’eau 0.020 kg de crème liquide 0.125 kg de beurre doux. 0.060 kg d’encre de seiche 0.500 kg de patates douces 0.030 kg d’huile d’olive 10 petits artichauts violets ou artichauts Lotus 0.030 kg d’huile d’olive Cumin : pm
PRÉPARATION VIANDE ET FARCE : Tailler la dinde en escalopes. Mixer les parures (20% du poids initial de la viande) avec les œufs, la crème liquide et les segments de clémentines. Etaler les escalopes sur un papier sulfurisé, les badigeonner avec la farce, arroser de mandarine impériale. Saler et poivrer. Déposer au milieu une lanière de foie gras. Rouler l’ensemble et ficeler en croix. Cuire à la vapeur à 90°C pendant 12 minutes. Démouler. Mélanger la confiture d’oranges amères avec la confiture de clémentines. Garnir les cagettes. Y déposer le ballotin taillé en biseau et pané de chapelure de pain d’épices (préalablement séché et mixé). Déposer la tranche de bacon dessus. Cuire dans la cagette à four sec 130°C pendant 15 minutes. PRÉPARATION DE LA GARNITURE : Réaliser la pâte feuilletée et mettre l’encre dans la détrempe. Foncer les moules. Les garnir de riz pour éviter que la pâte ne lève. Cuire à 170°C pendant 25 à 30 minutes. Laver et tailler les patates douces en mirepoix. Les blanchir. Finir la cuisson à l’huile d’olive jusqu’à obtenir une légère compote. Garnir les moules de cette préparation et parsemer de cumin. Tailler les artichauts dans la longueur. Les blanchir légèrement. Finir la cuisson à la poêle, les caraméliser.
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SÉBASTIEN COCHET restaurant d’entreprise
SON MORCEAU
Filet
SON IDÉE
Faire le pari osé d’apporter une touche créative bretonne aux ingrédients traditionnels de la dinde de Noël mitonnée par ses grands-mères
SA RECETTE
Ballotine de dinde aux châtaignes et oignons roses de Roscoff, crémeux de foie gras et croquette de pomme de terre à l’andouille de guéméné
« Je puise l’innovation et l’idée dans mes racines bretonnes. »
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Sébastien Cochet, grand et puissant chef (NB : vous comprendrez plus tard), est né à quelques kilomètres de Rennes. C’est un vrai Breton et le revendique. Pour expliquer le thème de sa recette, il se confie sur ses origines. En réalité, il puise l’innovation et l’idée de son réenchantement dans ses racines et évoque les traditions de ses grands-mères au moment de préparer la dinde de Noël.
Cette fête, pour lui, c’est l’enfance et ses saveurs classiques qui lui sont familières : avec la farce composée de champignons, de châtaignes, de mie de pain gonflée au lait, des oignons et de persil. Deux grands-mères et deux façons différentes de préparer le volatile. L’une au four et l’autre à la casse dans la cheminée. Il explique avec tendresse que la casse, c’est cette broche ouverte sur une partie face aux flammes, sur laquelle on laisse cuire la viande pendant 3 à 4 heures et dont le jus coule sur les oignons grelots et les châtaignes grâce auquel on arrose la viande tout au long de la préparation. Dans sa recette il incorpore des croquettes comme un clin d’œil aux pommes de terre noisette que son autre grand-mère préparait à la friteuse. Sa dinde, il la veut moelleuse, c’est pour cette raison qu’il part d’un filet emprisonné dans un film (comme dans une cuisson sous vide) qui cuit dans une eau frémissante. Il le poêle
ensuite légèrement pour obtenir une belle couleur qui attire l’œil et éveille l’appétit. Fidèle à sa ligne de conduite régionale, il l’accompagne de produits locaux comme son oignon rose de Roscoff pour sa couleur originale et prépare une embeurrée de chou confectionnée à base de muscadet. Le muscadet pour lui c’est sacré, il déplore que les producteurs ait renié son premier caractère acide et sec et l’ait doté de forts arômes aux traits féminins « Ils ne vendent plus un vin comme ils l’aiment mais comme ils peuvent le vendre ». Son exigence et son amour des produits de qualité, il les doit à son éducation issue de la terre de ses grands-parents. Son grand-père y élevait une à deux dindes par an qu’il servait à Noël ou pour les grandes occasions. L’originalité de sa recette, une alliance de taille avec de l’andouille de Guéméné mêlée à ses croquettes. Ça rehausse le goût de la volaille qui pour lui est naturellement neutre en comparaison à celui d’une viande d’agneau ou d’un boeuf saignant. En contrepartie il lui trouve toutes les qualités, en plus d’être très peu calorique, il a un excellent rapport qualité/prix. Habituellement l’escalope est un point de repère grâce auquel il sait qu’il ne fera pas d’impairs, et toujours de très bons plats. Adaptable, qu’elle soit nature, panée ou agrémentée à l’italienne avec un trio gagnant tomate/mozza/pesto, elle est recherchée par les clients.
Avant de passer à la cuisson de sa viande, il fait suer l’échalote, le céleri, ses champignons et le persil avec le foie gras pour apporter une touche de crémeux. Il empoigne une casserole pour attendrir avec force et fracas son filet de dinde ce qui provoque un rire spontané dans l’assemblée. Une préparation qui met presque tous nos sens en éveil, vue, ouïe, odorat et bientôt goût. Concernant l’assaisonnement, il aurait pu ajouter des épices mais a jugé qu’un simple sel et poivre serait suffisant. La dinde de Sébastien a déjà un bon potentiel gustatif :
Au dressage de ce plat, pensé dans sa globalité, on retrouve dans son assiette aux effluves de terroir, les couleurs d’automne et le blanc de la dinde joliment doré à la poêle. Ça donne envie et c’est important, car on s’accorde avec Sébastien sur un point : en cuisine on mange d’abord avec les yeux.
Un concentré de saveurs dans la farce avec le côté terreux de la châtaigne et des légumes et le moelleux et le crémeux du foie gras. Exigeant pour lui-même et friand de l’adrénaline liée aux concours, un peu comme dans l’univers gastronomique dans lequel évoluait Sébastien auparavant, il apprécie ce format provocateur de rigueur et de bon stress. Ça le pousse à donner le meilleur de son savoir-faire pour que l’exception soit sur chaque couvert. Ce stress il le connaît aussi en cuisine collective mais les gens sont beaucoup plus souples.
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BALLOTINE DE DINDE AUX CHÂTAIGNES ET OIGNONS
ROSES DE ROSCOFF, CRÉMEUX DE FOIE GRAS ET CROQUETTE DE POMME DE TERRE À L’ANDOUILLE DE GUÉMENÉ. 10 PERSONNES
50 MINUTES
30 MINUTES
1 kg de filet de dinde 0.100 kg d’andouille de Guémené 0.225 kg de foie gras 0.150 kg de courge Butternut 0.200 kg d’oignons roses de Roscoff 0.250 kg de céleri rave 0.300 kg de pommes de terre : 0.250 kg de champignons blancs 0.5 botte de persil 1 chou vert 0.100 kg de beurre doux 0.400 L d’huile de friture
0.200 kg de crème fraîche épaisse 0.2 L de crème fraîche liquide 0.005 kg de jus de veau lié 0.200 kg de farine 0.050 kg de sucre semoule 0.5 boîte 4/4 châtaignes cuites 3 œufs 0.300 kg de chapelure Vinaigre balsamique : pm
PRÉPARATION DES LÉGUMES : Laver les légumes. Démarrer le jus de veau, le porter à ébullition et laisser réduire. Tailler le céleri, les champignons et l’oignon rose en brunoise. Les faire suer au beurre. Ajouter les châtaignes concassées, le persil haché et le foie gras taillé en dés. Saler et poivrer. Débarrasser et refroidir en cellule. Eplucher les pommes de terre et les cuire à l’anglaise. RÉALISATION DES BALLOTINES DE DINDE : Tailler les escalopes de dinde. Les battre pour les aplatir de façon régulière. RÉALISATION DE LA FARCE : Avec le reste de dinde (200 gr) mixer la chair avec un blanc d’œuf, du sel et du poivre. Passer la farce au tamis pour qu’elle soit bien lisse. Ajouter la crème fraîche. Rectifier l’assaisonnement. Etaler la farce de volaille sur les escalopes préalablement assaisonnées. Ajouter la farce de légumes au centre. Enrouler le tout dans un film alimentaire. Cuire les ballottines au bain marie 12 minutes dans une eau frémissante et réserver. RÉALISATION DES ACCOMPAGNEMENTS : Blanchir les feuilles de chou vert dans une eau salée, refroidir rapidement à l’eau glacée pour fixer la chlorophylle. Egoutter les pommes de terre et réaliser une purée. Dessécher la pulpe et y incorporer des dés d’andouille. Façonner des cylindres de purée, refroidir et paner à l’anglaise avec la farine, les œufs et la chapelure. Frire et saler après cuisson. Garnir les feuilles de chou blanchies avec la farce de légumes restante pour réaliser les petits farcis. Braiser au four avec un peu de jus de veau et les châtaignes. Réaliser des billes de Butternutt, les glacer au beurre, eau, sel et sucre. Réserver au chaud. Emincer finement le chou vert restant. Sauter au beurre et saler. Déglacer avec un trait de muscadet. Réserver au chaud. Réaliser un caramel, déglacer au vinaigre balsamique, mouiller avec le jus de veau restant. Régler la texture puis réserver. RÉALISATION DU CRÉMEUX DE FOIE GRAS : Faire bouillir la crème liquide avec les dés de foie gras restants, saler et poivrer. Mixer, beurrer et mixer à nouveau en incorporant l’air pour créer une émulsion. Poêler les ballotines de dinde au beurre et les tailler en biseau.
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GRÉGORY HOUSSINE restaurant universitaire
SON MORCEAU
Poitrine de dinde
SON IDÉE
Proposer un plat festif aux couleurs vives, avec un point d’honneur pour valoriser la patate douce qu’il utilise quotidiennement
SA RECETTE
Médaillons de dinde aux saveurs de Noël
« Je voudrais qu’on forme les Chefs à la cuisson en basse température, et qu’on leur apprenne à respecter les produits dans leur essence même. »
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Grégory Houssine trouve que la patate douce se fait rare dans le monde de la cuisine. Pourtant, il a de commun avec les autres candidats de l’avoir incluse dans sa recette pour ré-enchanter la dinde de Noël - bien que ce ne soit pas un ingrédient imposé. C’est un tubercule qu’il utilise beaucoup dans sa vie de tous les jours. Tant au travail, pour varier les couleurs, qu’à la maison pour faire plaisir à son fils de 15 mois qui adore son goût doux et sucré en bouche.
Sur Poitiers, il sert 4000 repas journaliers répartis sur dix établissements. Avec chaque semaine de la dinde. Ce n’est pas onéreux et surtout ça plaît. Sa recette s’appelle : « Médaillon de dinde aux saveurs de Noël ». La neutralité du goût de la volaille, pour lui ce n’est pas un inconvénient, au contraire ça lui permet de l’agrémenter avec de nombreuses saveurs :
Des fruits, des épices, toutes sortes de légumes ou d’herbes. Cette fois, il reste dans le traditionnel avec le foie gras, la châtaigne et les morilles. Sa gentillesse, sa générosité et sa jovialité transparaissent dans ce plat qu’il veut festif. Pour ça, il mise sur la couleur apportée par les choux romanesco verts, posés comme des sapins sur l’assiette, les poivrons rouges et jaunes ainsi que l’orangé
de la patate douce ponctué des touches marronnées des châtaignes. Le contemporain s’invite dans l’assiette grâce à un colorant noir utilisé pour ses tuiles composées de sucre et de beurre. Le tout est surmonté d’une délicieuse sauce à l’échalote et au foie gras, en rappel au contenu de sa farce. La dinde ce n’est pas sec automatiquement, seulement si c’est trop cuit. La sienne il l’enfourne à 80 degrés durant 40 à 50 minutes. Ce qu’il recherche sur sa recette c’est à obtenir un morceau de dinde fondant avec une garniture et une farce qui se tiennent. Quand on respecte les températures de cuisson c’est quelque chose qui se révèle très bon, très fin. C’est en quelque sorte l’essentiel à retenir pour réussir sa dinde. En y ajoutant des saveurs et de la couleur c’est assurément un succès.
Authentique, Grégory voudrait qu’on forme de façon plus poussée les chefs à la cuisson en basse température et qu’on leur apprenne à respecter les produits dans leur essence même. Car lorsqu’on cuit un produit à basse température, on ne peut pas le réchauffer ensuite à 150°. En fin de compte, c’est tranquille de travailler la dinde, beaucoup plus facile que certaines autres viandes comme l’épaule de veau qui l’a amené à concourir au Gargantua.
Sa viande de dinde, il la travaille le plus souvent en ballotine et même au quotidien lors de repas administratifs. Aux étudiants, moins soucieux de l’aspect esthétique de leur plat qui cherchent avant tout à se nourrir vite et bien, il propose en général de la dinde en escalope ou sautée. Pour la présentation et parce qu’on peut la garnir, la ballotine se suffit presque à ellemême. Ainsi filmée, la chaleur est conservée et prolonge la cuisson tout doucement.
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MÉDAILLONS DE DINDE AUX SAVEURS DE NOËL
10 PERSONNES
40 MINUTES
50 MINUTES
1.2 kg de poitrine de dinde 0.100 kg de crème liquide 0.065 kg de blanc d’œuf 0.230 kg de foie gras cru 0.020 kg de morilles déshydratées 0.150 kg de châtaignes cuites 0.500 kg de patates douces 0.02 L de lait 0.350 kg de choux Romanesco 0.080 kg de poivrons rouges 0.080 kg de poivrons verts 0.080 kg de poivrons jaunes
0.020 kg d’échalotes 0.010 kg de fond de veau lié 1/10 bouquet de thym frais 0.025 kg de farine 0.040 kg de sucre cassonade 0.020 kg de graines de sésame Colorant noir Sel/Poivre : pm
PRÉPARATION DES LÉGUMES : Eplucher les patates douces, préparer les sommités de choux Romanesco et vider les poivrons. Nettoyer les légumes. Mettre à cuire les poivrons au four en chaleur sèche à 180°C pendant 10 minutes. Baisser le four à 160°C et laisser finir de cuire 10 minutes supplémentaires. Laisser refroidir, éplucher les poivrons et tailler des cercles de différentes tailles. Cuire les patates douces, à couvert dans le lait pendant 15 à 20 minutes. Laisser reposer 10 minutes et battre au fouet après avoir enlevé l’excédent de liquide. Y incorporer le beurre, assaisonner et réserver au chaud. Blanchir les sommités de choux Romanesco et laisser refroidir. PRÉPARATION DES MÉDAILLONS : Réaliser la farce fine : mixer 150 gr de blanc de dinde avec 100 gr de crème liquide et ½ blanc d’œuf. Réhydrater les morilles, bien égoutter et émincer. Tailler des bâtonnets de foie gras. En garder 50 gr pour confectionner la sauce. Escaloper quelques châtaignes. Tailler 6 belles escalopes de dinde. Étaler de la farce fine sur les filets et parsemer de morilles. Ajouter des morceaux de châtaignes et un bâtonnet de foie gras. Assaisonner. Rouler dans du papier film en serrant bien. Conserver au frais. RÉALISATION DE LA SAUCE : Hacher les échalotes et les faire revenir avec un peu de foie gras. Ajouter les cubes restants et mouiller avec du fond de veau. Réduire lentement. RÉALISATION DES TUILES : Mélanger la cassonade, la farine, et une pincée de sel. Ajouter 35 gr de blanc d’œuf, le beurre pommade et les graines de sésame. Faire des petits rectangles de 10 cm de longueur sur 2 cm de largeur. Cuire à 180°C pendant 5 minutes. CUISSON DE LA DINDE : Cuire la dinde en basse température (à l’aide d’une sonde) T° d’ambiance : 90°C (au four ou à la casserole d’eau) T° à cœur : 65°C + 5 minutes de repos Glacer les légumes et réserver au chaud. Vérifier les assaisonnements. DRESSAGE : Tailler un rondin de viande en biseau par assiette et un médaillon. Faire deux quenelles de purée de patates douces. Parsemer dans l’assiette les cercles des différentes couleurs, les sommités de choux Romanesco, ainsi que 2 châtaignes. Déposer la viande à côté des quenelles, tirer un trait de sauce. Déposer la tuile au sésame et décorer avec une branche de thym.
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PIERRE PARQUIC cuisine centrale
SON MORCEAU
Filet de dinde
SON IDÉE
Célébrer Noël à l’orientale avec le doubeurre et des épices venues d’Inde
SA RECETTE
Suprême de dinde et doubeurre snacké au Kerala, boules de Noël glacées, crème de Timut et noix
« La dinde mérite d’être entourée de produits qui chantent le soleil ! »
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Pierre Parquic, un homme plein d’entrain et d’énergie choisit d’accompagner sa dinde de plusieurs légumes dont le doubeurre. Une courge d’hiver au goût sucré et aux accents de noisette qu’il projette de snaker au Kerala. Il accompagne de boules de Noël glacées de panais et de patates douces. Les boules il les confectionne grâce à une cuillère à racine, et très vite Pierre devient luthier. De ses mains naissent des instruments de musique imaginaires et colorés pour le plus grand étonnement de nos yeux. Il en fera une purée, parce qu’il utilise tout et ne jette rien.
Noël à l’oriental, c’est comme ça que Pierre voit son réenchantement. Pour lui, la dinde est souvent servie avec des produits tristounets. Elle mérite d’être entourée de couleurs et de joie. C’est pour cette raison qu’il a opté pour ces produits qui chantent le soleil… même en hiver. Cette idée il l’exprime simplement, comme l’intérêt qu’il porte à ses accompagnements. Ce poivre de Kerala est excellent et mériterait d’être travaillé plus souvent. Il en va de même pour les fruits qu’il utilise : les mandarines au goût acidulé dont la seule finesse suffit pour être cuites « sans fioritures » et la douceur apportée par la farce au pruneau, les noix et les marrons sans oublier les
champignons relevés par du quatre épices. Sa petite particularité c’est sa grande passion des poivres, des sels et des épices. Il y passe une bonne partie de son budget assaisonnement. Dans ce qu’il fait et dans son métier de cuisinier, ce sont les épices qui font la différence et subliment la préparation la plus simple comme une purée de pommes de terre. Il en parle avec fierté, le poivre du Timut qu’il utilise possède des notes de pamplemousse, ne pique pas et peut-être saupoudré partout, y compris dans les desserts. Testé aux championnats de France ça avait bien plu. Par soucis de la qualité, Pierre a commencé la cuisson de sa dinde à basse température tout doucement pour que ce soit bien fondant.
En particulier parce qu’il sait que ses résidents l’aiment tendre et moelleuse. Une dinde rôtie qui sèche, ça n’ira pas. La dinde, il en parle comme d’une petite poupée, dont laquelle il faut prendre soin. D’ailleurs ce n’est pas difficile à cuisiner.
Farcie aux quatre-épices et aux pruneaux, il la roule, la marque à la poêle et la filme en cuisson. A cœur, à même l’assiette à 62°C précisément. Du coup, sa dinde reste très moelleuse.
Selon lui, on ne le sait que trop peu, la cuisson au four ne mérite pas qu’on le pousse sur de hautes températures, sauf si on prépare des cuissons « rôties ».
Le blanc de dinde, il en fait toutes les semaines et les résidents adorent ça. Préparés en cuisson lente ou pour être poêlés à la minute. Ça fait partie des plats qu’ils peuvent commander à la carte. Il en fait souvent pour des raisons économiques parce qu’en plus d’être appréciée, la dinde est accessible. Elle représente 30 % de ses achats de viande.
Pierre gère avec ses 5 collègues 1200 repas par jour pour 5 résidences, du portage à domicile et un restaurant ouvert au public. Pierre est consciencieux il goûte tout le temps chacune de ses préparations, pour coller au plus proche de ses attentes. Le chanceux ne prend pas un gramme ! Concentré, il ne se laisse pas déstabiliser par les commentaires des observateurs alentours : « mais comment fait-il ?! » « Il travaille ! ». Oui, Pierre travaille justement. A confectionner ses chips de céleri à la fleur de sel, note finale de son plat qui accompagnera merveilleusement bien la pièce maîtresse de l’assiette : la dinde.
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SUPRÊME DE DINDE ET DOUBEURRE SNACKÉ AU KERALLA, BOULES DE NOËL GLACÉES, CRÈME DE TIMUT ET NOIX
10 PERSONNES
120 MINUTES
100°C PENDANT 1H
2 filets de dinde avec peau (2 x 0.750 kg) 0.360 kg de haut de cuisse de dinde 0.330 kg de crème liquide 0.180 kg de blanc d’œuf 0.300 kg de champignons de paris 0.080 kg d’oignon jaune 0.080 kg de pruneaux dénoyautés 0.050 kg de beurre demi-sel 0.080 L d’huile d’olive 0.015 kg de beurre demi-sel 1 pièce Doubeurre
1kg de panais 1 kg de patates douces 0.200 kg de clémentines 0.100 kg d’échalotes 0.100 kg de fond blanc de volailles Quatre épices : pm Sel/poivre de Keralla : pm Poivre de Timut : pm
PRÉPARATION DES LÉGUMES : Eplucher, laver et tailler les légumes. Pour les panais, les patates douces, créer des billes à l’aide d’une cuillère à racine. Tailler le doubeurre en tranches de 0.5 cm d’épaisseur à la mandoline. Lancer la cuisson des billes avec au départ eau froide et beurre. Snacker le doubeurre avec le poivre de Keralla et l’huile d’olive à 120° pendant 20 minutes entre deux plaques. Réaliser les chips de céleri et les mettre à sécher entre deux plaques. Poêler les suprêmes de clémentines. RÉALISATION DE LA FARCE : Réaliser la farce fine au blender, la passer au tamis. Faire revenir les champignons émincés, les oignons et les pruneaux coupés. Y ajouter les quatre épices. Incorporez cette préparation à la farce fine et réserver. CUISSON DE LA VIANDE : Ouvrir les filets de dinde en deux, les marquer en cuisson et les garnir de la farce. Les assaisonner et les rouler dans le film cuisson. Cuire à 68°C sonde pendant environ 1h. RÉALISATION DE LA SAUCE : Faire revenir les échalotes ciselées. Déglacer au vin blanc et mouiller au fond blanc. Faire réduire et crémer. Lier avec la Maïzena si besoin et assaisonner avec du poivre de Timut frais moulu et réserver. DRESSAGE : Mettre le disque de doubeurre au fond de l’assiette. Tailler le filet de dinde en morceaux et les disposer en tronçons sur le doubeurre. Agrémenter des suprêmes de clémentines sur les côtés du disque. Matérialiser le sapin de noël dans l’assiette en disposant les boules en triangularité (3 au centre et 3 à l’extérieur). Ajouter à convenance la sauce au Timut et les copeaux de noix, la branche de thym et la chips dessus.
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CYRIL PICHON restauration d’entreprise
SON MORCEAU SON IDÉE SA RECETTE
Sot-l’y-laisse
Réenchanter en faisant vivre l’ambiance magique des marchés de Noël
Sot-l’y-laisse de dinde en fleur de blé noir, figues, châtaignes et clémentines au doux parfum étoilé
« Ma recette ? Je l’ai instinctivement ressentie après l’avoir faite goûter à ma famille… mes enfants ont adoré. »
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Cyril Pichon, Lorientais, issu de la cuisine scolaire et reconverti en animateur culinaire, sillonne les routes pour faire des animations autour de thèmes précis comme la cuisine du monde auprès d’enfants de personnes âgées ou de public d’entreprises. Au visage ouvert et à l’allure discrète, il passe du temps à préparer les ingrédients qu’il mêlera à ses 130 gr de sot-l’ylaisse de dinde par personne. Des morceaux méconnus du grand public, faciles à cuisiner, choisis pour leur tendreté et leurs arômes fruités.
Dans la cafétéria où il travaille, c’est plutôt de la blanquette de dinde qu’il propose à sa clientèle. C’est un plat en sauce qui fonctionne toujours très bien. Justement, pour son réenchantement d’aujourd’hui, la sauce c’est son fil conducteur. Conducteur de chaleur humaine puisqu’il souhaite rappeler l’ambiance si familière des marchés de Noël. Au bar où l’on déguste, accoudé au comptoir, mitaines aux mains, un bon vin chaud. Son vin, il l’a réduit et associé à un petit jus de rôti histoire d’en corser le goût. L’intitulé de sa recette c’est : «sot-l’y-laisse de dinde en fleur de blé noir, figues, châtaignes, clémentines au doux parfum étoilé.» L’étoile, c’est pour évoquer la présence de l’anis, épice
typique qui exhale du vin chaud. Pour la touche régionale, il utilise la galette de blé noir découpée en pétales qu’il érigera dans un édifice, et qui donnera de la hauteur à sa préparation.
Depuis sa plus tendre enfance, la dinde c’est un bon produit. Une viande généreuse qui, servie entière avec ses marrons cuits dans le jus, rassasiait sa grande famille lors d’un événement aussi symbolique et convivial que Noël.
vin disposée en fines gouttes autour du plat comme des ponctuations aux notes sucrées. Quand on le félicite et l’interroge sur son côté artiste, il répond humblement qu’on apprend tous les jours en cuisine, qu’il n’y a pas de science infuse, mais lorsqu’on fait ce qu’on aime… et sans finir sa phrase, on lit en filigrane que c’est facile de faire quelque chose de bon.
A cette occasion aujourd’hui encore, c’est une tradition que sa femme entretient chaque année. C’est pour cette raison et pour l’audace du challenge qu’il a choisi de revaloriser ce produit, apprécié de tous, mais ancré dans des habitudes de consommation classiques. Son amour de la cuisine il le partage avec sa soif de rencontre, dans le cadre d’un concours où il peut s’inspirer d’autres chefs dans une effervescence créative propice à l’échange. Cette recette il l’a instinctivement ressentie après l’avoir faite goûter à sa famille. Ses enfants ont adoré, même la sauce au vin qui a un petit côté liquoreux proche de la confiture. Il a envoyé le dossier sans la modifier. Au dressage minutieux, l’édifice tient posé sur ses pommes Idared coupées en brunoise et délicatement sautées au beurre. Elles conservent ainsi tout leur arôme. Ne reste que la sauce au
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SOT-L’Y-LAISSE DE DINDE EN FLEUR DE BLÉ NOIR, FIGUES, CHÂTAIGNES ET CLÉMENTINES AU DOUX PARFUM ÉTOILÉ
10 PERSONNES
60 MINUTES
20 MINUTES
1.3 kg de sot-l’y-laisse de dinde 1.5 kg de Minervois 0.15 kg de clémentine 0.05 kg de badiane (anis étoilé) 0.02 kg de cannelle (bâton) 0.7 kg de pomme Idared 0.1 kg de vinaigre de riz 0.3 kg de sucre semoule 0.3 kg de figues 0.3 kg de marrons 10 galettes de blé noir 0.3 kg de beurre ½ sel
0.005 kg de jus de rôti Sel fin : pm Poivre Sichuan : pm
La veille de la préparation, porter à ébullition le vin, le bâton de cannelle, la badiane et le sucre à laisser infuser. Cuire à l’anglaise les châtaignes, les refroidir et réserver. Dénerver les sots-l’y-laisse de dinde puis les détailler à l’emporte-pièce pour leur donner une forme ronde. Les ficeler et réserver. Détailler des triangles de 5 centimètres de base dans la galette de blé noir et les faire sécher au four entre deux plaques à baguettes et réserver. Éplucher et séparer les segments de clémentines et réserver. Couper la pomme en brunoise puis la poêler au beurre. Poêler les sots-l’y-laisse au beurre. Passer au beurre sans coloration, les châtaignes, les clémentines et les figues pour les réchauffer et leur donner un côté brillant. RÉALISATION DE LA SAUCE : Faire réduire le vin parfumé aux épices en y ajoutant la peau de la clémentine. Dissoudre le jus de rôti, le faire réduire et réserver. Faire une gastrique avec le vinaigre de riz et le sucre puis ajouter le vin aux épices et le jus de rôti réduit. DRESSAGE : Au centre de l’assiette, faire un disque de brunoise de pommes à l’aide d’un emporte-pièce. Déposer les sotsl’y-laisse sur ce dernier. Sous chaque sot-l’y-laisse, mettre un triangle de galette de blé noir puis déposer les châtaignes, les clémentines et les figues dans les intervalles. Décorer de points de sauce autour de l’édifice.
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DELPHINE VIGNOL restaurant santé
SON MORCEAU
Sot-l’y-laisse
SON IDÉE
Faire rimer sa recette avec Alsace et les douces odeurs de pain d’épices de Noël
SA RECETTE
Sot-l’y-laisse de épices de Noël
dinde
aux
« La dinde cuite grâce au phénomène d’osmose est très appréciée des personnes âgées qui ont besoin de retrouver le goût de manger et celui des bons produits. »
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Delphine Vignol est la seule femme parmi nos six cuisiniers à concourir pour réenchanter la dinde de Noël. Elle appréhende un peu la démonstration culinaire, elle n’est pas habituée aux concours alors elle est impressionnée. Elle reste silencieuse, écoute et observe calmement les autres candidats. Quelle est la genèse de leur recette, comment préparent-ils leurs morceaux de viande, quels sont les aliments et condiments qu’ils utilisent… C’est la candidate qui vient de la région la plus éloignée : l’Alsace. Delphine est sûre d’elle malgré les apparences. Sa recette, elle l’a dans la tête.
Elle a choisi le sot-l’y-laisse pour sa rareté et sa tendreté et prévoit de le cuire longtemps. Elle veut que cette recette lui ressemble et mise sur sa singularité Alsacienne. Dans sa région, la fête traditionnelle de Noël, on la fait rimer avec « pain d’épices». Composé de curcuma, cannelle, gingembre, noix de muscade et clou de girofle… Rien d’étonnant alors qu’elle ait choisi d’ajouter ces épices dans son réenchantement.
La dinde, en maison de retraite, elle en prépare tous les quinze jours, en émincés ou en escalopes mais surtout des morceaux sans os qu’elle fait sauter. Ça représente 20 kilos pour 160 personnes. Aujourd’hui sa dinde farcie est tout juste poêlée. Une fois retirée, Delphine fait revenir ses oignons et ses carottes. La préparation dégraissée au vin blanc est ensuite réduite pour en enlever l’amertume. Dans ce jus elle ajoute les épices. La dinde y cuit pendant une heure. Arrosée régulièrement en basse température, cette cuisson qu’on appelle en cuisine «le phénomène d’osmose » porte bien son nom.
un réflexe pavlovien, la salive nous monte à la bouche. Une pomme de terre vitelotte est coupée en lamelles. Passées à la friteuse, elles viennent habiller les morceaux de dinde de Delphine de délicats pétales. L’ensemble réveille l’appétit. Au final ce n’est plus Delphine qui observe les autres candidats mais son plat qui est au centre de toutes les attentions. Finalement l’ambiance de cette journée lui a plu et elle recommencera avec plaisir.
Tout doucement la sauce vient imprégner la dinde de la multitude des arômes qu’elle contient, pour une viande fondante, gourmande et parfumée. Ce mode de cuisson est très apprécié des personnes âgées qui ont besoin de retrouver le goût de manger et celui des bons produits. Au dressage, le plat de Delphine est très coloré dans des tons marrons/orangés. Sa dinde qui a été cuite dans la réduction de jus en ressort comme un confit, un peu caramélisé. La viande luit et instantanément les babines s’éveillent et et comme
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SOT L’Y LAISSE DE DINDE AUX ÉPICES DE NOËL
10 PERSONNES
45 MINUTES
1H30
20 sots-l’y-laisse de dinde 0.325 kg carotte 5 oignons 0.25 L de vin blanc 0.015 kg d’épices à pain d’épice (1cac) 0.050 kg de fond brun lié 0.275 kg de crème liquide 0.250 kg de purée de marrons non sucré 0.010 kg de bouillon de poule en pâte
0.750 kg de patates douces 5 pommes de terre Vitelotte 30 marrons Sel : pm Poivre : pm
PRÉPARER LA VIANDE : Faire dorer les sots-l’y-laisse à feu vif dans un peu de margarine. Saler, poivrer et réserver. Dans la même casserole, dorer les oignons et la carotte émincée. Déglacer au vin blanc. Ajouter les sots-l’y-laisse, les épices de pain d’épices, le fond brun. Mouiller à l’eau jusqu’à la hauteur de la viande et laisser cuire à feu moyen couvert pendant 1h30. PRÉPARER L’ÉCRASÉ DE PATATE DOUCE : Eplucher les patates douces, les couper grossièrement et mettre à cuire dans de l’eau salée pendant 20 minutes. Une fois cuits, égoutter les morceaux de patates douces et les mettre dans un cul de poule. Les écraser à la fourchette. Ajouter le mascarpone et les marrons hachés. Rectifier l’assaisonnement. PRÉPARER LA CRÈME DE MARRONS : Dans une casserole, mettre la crème liquide, la purée de marron et le bouillon de poule. Laisser fondre la purée de marron à feu très doux jusqu’à ce qu’elle ait une consistance lisse. Eplucher une grosse patate douce et les pommes Vitelottes, les tailler finement à la mandoline. Faire frire les pétales jusqu’à l’obtention d’une légère coloration dorée. Une fois la cuisson de la viande terminée, filtrer la sauce et la faire réduire pour qu’elle nappe. Réchauffer les marrons dans celle-ci. DRESSAGE : A l’aide d’un cercle, former l’écrasé de patate douce. Y déposer deux pièces de sots-l’y-laisse. Disposer les pétales de patate douce et de vitelotte autour de la viande. A l’aide d’une cuillère, former des virgules de crème de marron et de marrons entiers (ou disposez les marrons entiers).
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/grammage recommandé par le groupe d’étude des marchés de la restauration collective et de nutrition GEMRCN
Produits, prêts à consommer, en grammes (plus ou moins 10%) sauf exceptions signalées
Enfants en maternelle
Enfants en classe élémentaire
Adolescents, adultes et personnes agées si portage à domicile
Personnes agées en institutions / Déjeuner
Personnes agées en institutions / Dîner
40 g
60 g
80 à 100 g
80 g
60 g
50 g
70 g
100 à 120 g
100 g
70 g
40 g
60 g
80 à 100 g
80 g
60 g
50 g
70 g
100 à 120 g
100 g
70 g
100 g
140 g
140 à 180 g
140 g
100 g
50 g
70 g
100 à 120 g
100 g
70 g
50 g
70 g
100 à 120 g
100 g
70 g
Fingers, beignets, nuggets de 20 g pièce cuits
2g
3g
5g
5g
3,5 g
Escalope panée de volaille ou autre viande
50 g
70 g
100 à 120 g
100 g
70 g
Rôti, escalope et aiguillettes de volailles, blanc de poulet Sauté et émincé de volaille
Jambon de volaille
Cordon bleu ou pané / façon cordon bleu Cuisse, haut de cuisse, pilon de volaille (avec os) Brochette
Paupiette de volaine
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/making-of
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/remerciements Le Centre Culinaire Contemporain et le CIDEF tiennent à remercier l’ensemble des participants pour avoir communiqué leur savoir-faire et leur enthousiasme lors de la résidence créative autour du réenchantement de la « dinde de Noël ».
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/crédits La dinde / Carnet d’inspiration culinaire CIDEF 2014
Copyright : tous les textes, illustrations et photographies, ainsi que la forme sous laquelle ils sont présentés, sont couverts par le copyright et ne sauraient être reproduits ou imités sans autorisation préalable.
/ Direction de la publication : Freddy Thiburce / Direction de la rédaction et de la création : Centre Culinaire Contemporain / Coordination de la résidence créative : Sylvie Gautron / Rédaction : Nina Marty, Alexandra Beauvais / Design Graphique : Pauline Boué / Photographies : Franck Hamel / Création : Stéphane Bourdin, Sébastien Cochet, Grégory Houssine, Pierre Parquic, Cyril Pichon, Delphine Vignol / Interviews : Fabrice Clochard, Vincent Besse
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Avec la participation financière de :