KIBLIND AAA R G ! SURL S I È C L E D I G I TA L SILENCE AND SOUND CITIZEN JAZZ C H R O M AT I Q U E STA R WAX L A S P I RA L E I N D I E R O C K M AG UNION T H E A RTC H E M I ST S T H E DA I LY B OA R D S CO R E A / V EXIT MUSIK W- F E N EC —
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Triannuel 2017
MUSIQUE
Ox b ow Wo l f Eye s Schlaasss — CINÉMA
R O B E RTO M I N E R V I N I CO U L E U R S D U B I S — MODE
VENDREDIS TAT TO I S M E — DESIGN
ANNE HOREL M A D R H I ZO M E — ST R E E T C U LT U R E
L A I SS E Z LES MURS PROPRES — S E XY
CO M M E U N E CO U I L L E DA N S L E P OTAG E — BD
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ATYPEEK MAG TRIANNUEL COLLABORATIF D’INFORMATIONS GÉNÉRALES
NOUVEAU L’actualité culturelle : le condensé triannuel des meilleurs médias compilés Une sélection des meilleurs reportages et interviews Découvrez nos chroniques d’albums, clips, livres, DVD, accessoires design et mode… La scène indépendante en images PRIX LIBRE
JANE FONDA Barbarella est un film franco-italien de science-fiction réalisé par Roger Vadim et sorti en 1968. Il est adapté de la bande dessinée Barbarella de Jean-Claude Forest. Jane Fonda y incarne Barbarella, guerrière des temps modernes Libre et indépendante. Barbarella révolutionnera l’imagerie de la super-héroïne. Entre culte et kitsch, les décors psychédéliques et les costumes futuristes de Paco Rabanne ont marqué l’histoire du cinéma. Retrouvez là dans notre dossier « Cinéma Bis »…
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JANE FONDA / BARBARELLA ©David Hurn / Magnum
Atypeek Magazine est victime de son succès, vous en êtes les responsables, et nous vous en remercions. Et plutôt que de vous faire de fausses promesses, nous avons opté de rendre la périodicité du magazine impériodique, ce qui permettra à l’équipe et l’ensemble des bénévoles,
ÉDITORIA
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OURS Rédaction : Atypeek - 21 Rue Prof Weill 69006 Lyon Rédacteur : Christophe Féray (cf@atypeekmusic.com)
partenaires, et bêtes de tout poil de fournir et de proposer le meilleur d’eux-mêmes. Nous passons donc à un magazine triannuel, libre de lâcher l’info quand bon lui semble : pertinente et stratégique. Aussi nous vous invitons à vous abonner et nous suivre sur notre Facebook (https://
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Graphisme : Atypeek Design Distribution : Digital Publishing Platform for Magazines N° ISBN : 9782955693636 Commission Paritaire : ISSN 2497-8035 Contributeurs : Léa Vince - Juan Marcos Aubert Jonathan Allirand - Roland Torres Maxime Lachaud - Hazam - Fisto (Olivier Cheravola) - Oli - CF Alexandre Lézy - Antoine Gary Pierrick Starsky - Jérôme Tranchant Valentin Blanchot - Arnaud Verchère Laurent Coureau - Locust - Alain R. John Hirsute - Salvade Castera Lühje - Cha - Flore Cherry… Zoom : Oxbow - Wolf Eyes - Devil Jo and The Backdoormen - MR. Propre Fête Des Lumières 2016 - Nick Zegel Vendredis- Jean-Luc Navette Alain Garlan - Peter L. Hammond Anne Horel - Toine. - Olivier Nerot Toutes les couleurs du Bis Fraction waw un-limited - Cha Roberto Minervini - Delphine Cencig Virginie Despentes… Publicité : cf@atypeekmusic.com Atypeek Mag est une publication d’Atypeek™.
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ATYPEE OXBOW
WOLF EYES
THIN BLACK DUKE Interview Robin Ono, Journaliste
AU SONIC PROTEST Interview Maxime Lachaud, Journaliste
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20-33
DEVIL JO AND THE BACKDOORMEN
CHRONIQUES ALBUMS & SINGLES
DU BLUES AU ROCK Interview Jonathan Allirand, Journaliste
CHRONIQUES
INSTANTANÉS
DES COPAINS/ COPINES
42-83
GALERIE
COMMENT FONCTIONNE (RÉELLEMENT) L’ALGORITHME DE FACEBOOK
OLIVIER NEROT
VIDÉOCLIPS
CHRONIQUE Léa Vince, Journaliste
90-93
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JEAN-LUC NAVETTE
ANNE HOREL
TATTOOÏSME N°1 ARTICLE Chris Coppola, Journaliste
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LA GALERIE
DANS LA CUISINE DE CHA AAARG ! Pierrick Starsky
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ARTICLE Siècle Digital Arnaud Verchère, Journaliste
Little Big ©DR
230-233
« LE FUTUR EST MAINTENANT ! » La Spirale Laurent Courau, Journaliste
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COMME UNE COUILLE DANS LE POTAGE CHRONIQUE Union Flore Cherry, Journaliste
250-251
SOMMAIRE
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TRIANNUEL 2017
EK MAG MR PROPRE ARTICLE
Kiblind Magazine
98-101
FÊTE DES LUMIÈRES 2016
SNEAKERS COLLECTION
QUATRE ARTISTES À SUIVRE Article de Manifest XXI, Salvade Castera Journaliste
REPORTAGE Star Wax, Anne-Claire Gatel
118-124
LA FACE CACHÉE DES “WHITE TRASH”
ARTICLE CINÉMA ET DVD Jérôme Tranchant, Journaliste
ROBERTO MINERVINI Interview par Maxime Lachaud, Journaliste
268-291
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L’ÉTÉ PLAISIRS
VENDREDIS
INTERVIEW DIRECTEUR ARTISTIQUE DE GIRL SKATEBOARDS Reportage de The Daily Board
ARTICLE Le Village des Créateurs
ARTICLE Quincaillerie Moderne
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CULTURE FANZINE
LAISSEZ LES MURS PROPRES ARTICLE Quincaillerie Moderne
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TOUTES LES COULEURS DU BIS
NICK ZEGEL
VERNON SUBUTEX
LE LIVRE DU MOIS
LITTÉRATURE
CHRONIQUE VIRGINIE DESPENTES Un adieu à la hauteur Chroniques “Des livres et nous”
ALAIN GARLAN : Rois de la forêt
LYDIA LUNCH : Déséquilibres synthétiques et autres vomissures verbales Chronique The Artchemists Padme Purple, Journaliste
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308-309
310-311
LOBOTOMY CONTINGENT PRODUCTIONS FRACTION WAW UN-LIMITED John Hirsut, Journaliste
312-315
Magazine triannuel collaboratif réalisé à l’initiative d’Atypeek Music
LA SCÈNE INDÉPENDANTE EN IMAGES Galerie Photos Hazam, Journaliste / Photographe
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Musiques en sous-Sol
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T R IAN N U E L 2 0 1 7
Jonathan Allirand - Journaliste
LE CAHIER DES CURIOSITÉS Thin Black Duke OXBOW : Interview
Robin Ono, Journaliste
WOlf EyEs Au sonic Protest Interview
Maxime lachaud, Journaliste
DEvil JO AnD ThE BAckDOORMEn DU BLUES AU ROCK :
Interview
Jonathan Allirand, Journaliste chROniQUEs
AlBUMs & singlEs insTAnTAnés DEs cOPAins/cOPinEs
viDéOcliPs Chronique
léa vince, Journaliste
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INTERVIEW OXBOW
THIN BLACK DUKE
OXBOW
À l’approche de son trentenaire, le nom d’OXBOW maintient toujours à poings fermés sa position en tant que groupe aussi influent qu’inqualifiable. Des catégorisations vagues sous le label du “rock expérimental” ou “rock d’avant-garde” jusqu’aux comparaisons réductrices et grossières à d’autres formations, la classification d’un groupe au profil aussi singulier frustre les chroniqueurs les plus méticuleux et trahit l’inattention des journalistes négligents. Hormis leur amusement apparent et narquois vis-à-vis des comparaisons à Faith No More sur leur page Facebook, le groupe a su garder son sang-froid. Le quatuor de San Francisco nous livre à présent Thin Black Duke, leur premier album depuis The Narcotic Story (2007) et le fruit d’une intransigeance hors pair à l’égard de leurs ambitions d’artistes. Nous avons profité de l’occasion pour caler un entretien avec le groupe.
©DR / OXBOW
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10 ANS DE GESTATION Thin Black Duke est votre premier album en dix ans. Est-ce que le temps a été un facteur lors de l’écriture ? Niko : À chaque fois que je revois notre ingénieur de mastering John Golden je lui dis : “Il faudrait qu’on sorte des albums plus souvent pour qu’on puisse traîner ensemble plus régulièrement !” (rire).
©DR / OXBOW
Eugene : Hormis le temps qui nous reste à vivre sur cette terre, le temps n’est pas vraiment un facteur à considérer si tu veux faire de l’art L’œuvre que tu crées te survivra probablement. On a surtout veillé à sortir un bon album. Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête si Oxbow sort un nouveau disque “en retard”. Greg : Le temps ne nous préoccupe pas. Lorsqu’on commence à créer un album on ne sait pas si ça nous prendra six mois ou douze ans. On prend le temps qu’il faut.
Le titre de l’album fait allusion au personnage du Thin White Duke de David Bowie. Qui est donc ce Thin Black Duke et d’où vient ce personnage ? Eugene : Je pense qu’on est vite tentés de le réduire à un outil de narration. D’où vient le mal ? Qui en sont les auteurs ? Suivant ta vision des choses et ta cosmologie, tu peux aussi bien dire que c’est ton voisin bruyant ou le mec qui bloque ta voiture chaque matin. La réponse n’est certainement pas aussi simple que de dire que c’est un homme qui s’appelle “Frank” qui habite sur Madison avenue. Le “Duke” est capable de prendre des allures aguicheuses, et je pense que je peux clairement relier toutes les mauvaises choses dans ma vie à une figure appelée le “Duke”. Une amie à moi est une ancienne prostituée et un de ces copains avait beaucoup de mal à accepter avec son passé. Il lui demandait tout le temps avec qui elle avait couché et elle a fini par répondre “John. Ils s’appelaient tous John. Ça te va comme ça ?”. De la même manière, le Thin Black Duke incarne plus qu’il n’existe dans un contexte narratif.
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“LE QUATUOR DE SAN FRANCISCO NOUS LIVRE À PRÉSENT THIN BLACK DUKE, LEUR PREMIER ALBUM DEPUIS THE NARCOTIC STORY (2007) ET LE FRUIT D’UNE INTRANSIGEANCE HORS PAIR À L’ÉGARD DE LEURS AMBITIONS D’ARTISTES.” INTERVIEW DE ROBIN ONO
À SAVOIR
Oxbow sentait la rue, le cloaque et plantait ses crocs dans la jugulaire urbaine, désormais, il opte pour un intérieur cosy avec fauteuil en velours et beau parquet. Qu’importe, là aussi, il reste cet animal aux aguets prêt à vous sauter à la gueule. Derrière l’apparent apaisement, les lames de fond électriques et sombres perdurent, la dangerosité aussi. www.indierockmag.com
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©DR / OXBOW
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À SAVOIR
JE ME SOUVIENS AVOIR VU CE PERSONNAGE COMME UN FANTASME Pourquoi avoir choisi ce nom pour cette figure allégorique ? Eugene : Le Thin White Duke de Bowie date de la période de Station to Station, une période de doute et de souffrance pour le chanteur, qui s’enfermait dans ses chambres d’Hôtel à Los Angeles. Je me souviens avoir vu ce personnage comme un fantasme duquel il a fini par se libérer. J’aimais bien le terme parce que j’ai fini par me rendre compte qu’il ne s’agissait pas seulement de fantasmes mais également de personnes réelles. Il est clair que sans Bowie j’aurais donné un autre titre à l’album.
La musique tourne autour d’un Leitmotiv, 4 intervalles récurant tout au long de l’album. D’où vous est venue cette idée ? Niko : Ces quatre intervalles étaient la première ébauche d’idée que j’ai écrite pour l’album. C’est une idée assez courante de créer des œuvres longues avec 12
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Eugene Robinson est un personnage difficile à appréhender. fan de free-figthing, il est également passionné par la littérature américaine contemporaire. Tout ce mélange d’influences donne à son écriture une sensibilité et une intensité troublante. www.xsilence.net
des procédés qui relient les sections entre elles. Le premier morceau qu’on a composé était ‘Ecce Homo’ et, par chance, le morceau débutait avec ces quatre notes et le reste est venu au fur et à mesure. C’était purement fortuit. Ça littéralement lancé l’album.
Et cette approche s’est-elle présentée comme un défi pour la suite ? Niko : Si tu regardes la manière dont les variations de Goldberg sont faites, tu retrouves des mélodies “simples”. L’idée d’exploiter une idée simple pour en tirer des œuvres entières m’a beaucoup intéressé. De ce point de vue, ça s’est fait naturellement. D’un autre côté je voulais aussi m’imposer un peu de challenge pour faire quelque chose de cool. On compose tout ce qu’on a envie d’entendre, on réalise les disques qu’on veut écouter.
© Gilles Rammant / OXBOW
© Paul Trapani / OXBOW
© Hana Ofangel / OXBOW
« ON COMPOSE TOUS CE QU’ON A ENVIE D’ENTENDRE, ON RÉALISE LES DISQUES QU’ON VEUT ÉCOUTER. POUR LES DEUX PREMIERS ALBUMS, JE VOULAIS ME SERVIR DE FORMES PALINDROMIQUES ET CRÉER DE LA MUSIQUE TOURNANT AUTOUR DE CE “NOYAU CONCEPTUEL” »
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Pour les deux premiers albums, je voulais me servir de formes palindromiques et créer de la musique tournant autour de ce “noyau conceptuel”. Le processus d’écriture était difficile et exigeant mais naturel et très intéressant. Greg : J’ai trouvé cet album assez difficile à arranger. Certains des morceaux sont parmi les plus “simples” qu’on ait jamais écrits, ce qui ne les a pas rendus plus faciles à composer pour autant, bien au contraire. Les idées sont davantage mises-à-nu par la simplicité des compositions. Sur nos anciens disques il y avait un peu plus de cacophonie derrière lequel on pouvait se réfugier, ce qui nous permettait de faire un peu ce qu’on voulait. Avec cet album on a dû redoubler nos efforts collectivement pour que tout tienne en place.
Les titres ont été composés pratiquement dans l’ordre où elles figurent sur l’album. Une coïncidence ou une partie intégrante du processus d’écriture ? Niko : Ce n’était pas prévu. On n’avait encore jamais fait ça. Le seul morceau qui n’est pas placé selon son ordre d’écriture est ‘Cold and Well-Lit Place’. Notre producteur Joe Chiccarelli a suggéré l’idée de le placer 14
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au début. On n’avait pas l’intention d’écrire dans l’ordre mais vers la moitié du processus d’écriture je me suis dit que ce serait intéressant d’y ajouter ce défi supplémentaire (rire). C’était peut-être la partie la plus pénible mais ça a fini par fonctionner. La difficulté principale était de créer une bonne progression.
J’ai entendu dire que l’album marque la fin d’un “cycle” pour le groupe. Eugene : Si tu regardes l’œuvre d’Oxbow comme un bouquin, t’aurais une suite logique de Fuckfest aboutissant sur Thin Black Duke, sur le plan thématique et narratif. L’histoire se termine sur Thin Black Duke avec ‘The Finish Line’. La musique qui viendra après, du moins au niveau des textes, sera différente. Les préoccupations sont différentes et l’élan émotionnel qui est né sur Fuckfest n’est plus. En tant que parolier, je me penche beaucoup sur le pourquoi du comment. En ce moment, ce que mon oreille veut entendre est un autre style de musique, parce que mon esprit veut écrire des textes dans un autre registre. Je pense que beaucoup de musique repose sur des vives émotions, les “drames” de la vie, à savoir ces jours où les évènements sortent de
© Stefan Raduta / OXBOW
l’ordinaire. En ce moment je ne me sens plus vraiment à couteaux tirés avec le monde qui m’entoure, et je veux que ça se reflète dans la musique auquel je me dévoue. On a sorti quelques disques qui sortent de notre contexte conceptuel comme Love That’s Last ou encore Songs for the French, mais ça représente tout au plus 10 % de notre œuvre face à une carrière dominée à 90 % par la progression allant de Fuckfest à Thin White Duke. Ce serait intéressant et cool d’inverser le ratio. Niko : Ces deux sorties sont tirées d’un vaste répertoire de titres qu’on a jamais sorti. On compte sortir une partie de ce répertoire éventuellement, notamment les sessions d’improvisation en studio pour Songs for the French. Dan : C’est assez sain de se rappeler que la plupart des musiques n’intègrent pas une œuvre thématique plus globale. On peut très bien écrire des albums avec des titres sans rapport entre eux. Beaucoup d’artistes le font mais on n’y est plus vraiment habitués. Eugene : Je pense que je suis fautif dans cette histoire. Je suis un sémioticien et je m’intéresse au sens des choses. J’ai entendu ‘War Pigs’ de Black Sabbath à
la radio l’autre jour et je suis resté bloqué sur le solo de guitare en me demandant “ça veut dire quoi, concrètement ?”. C’est comme si t’avais une scène dans un film ou une pièce où l’acteur jouait “à fond” pour montrer la virtuosité de son jeu. Je suis content qu’il n’y ait aucune section dans notre musique qui échappe à ma compréhension. Dan : Cette importance au sens pour chaque titre est quelque chose d’important pour nous. On sait qu’on n’écrit pas juste “une chanson”, ça rejoint presque toujours un propos plus global. Je ne sais pas si on va tous vouloir laisser tomber ce cadre de travail.
Y a-t-il des chansons ou des disques en particulier vis-à-vis duquel votre point de vue a évolué ? Eugene : Non, en fait. C’est d’ailleurs ce que je trouve si intéressant avec notre répertoire. Je trouve assez triste de voir des artistes se retrouver enfermé dans un style d’expression artistique lié à leur jeunesse. Ma période Hardcore a été très formative mais si je m’étais retrouvé dans un groupe comme Black Flag je ne sais pas si j’arriverais à chanter ‘Rise Above’ à 54 ans (rire). Je suis content de ne pas avoir à faire ça.
« JE PENSE QUE BEAUCOUP DE MUSIQUE REPOSE SUR DES VIVES ÉMOTIONS, LES “DRAMES” DE LA VIE, À SAVOIR CES JOURS OÙ LES ÉVÈNEMENTS SORTENT DE L’ORDINAIRE. EN CE MOMENT JE NE ME SENS PLUS VRAIMENT À COUTEAUX TIRÉS AVEC LE MONDE QUI M’ENTOURE, ET JE VEUX QUE ÇA SE REFLÈTE DANS LA MUSIQUE AUQUEL JE ME DÉVOUE. » EUGENE S. ROBINSON
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On a des titres qu’on joue plus souvent que d’autres mais c’est surtout une question de préférence et d’humeur lorsqu’on met au point notre setlist chaque soir. Il n’y a rien qui ne me semble anachronique dans nos chansons. C’est pour cette raison que j’écoute rarement les enregistrements pour Whipping Boy mais que j’écoute toujours autant Oxbow. Si mon lecteur de musique passe sur Let Me Be A Woman j’écoute encore l’album entier. Niko : J’aime aussi écouter nos anciens disques et je le trouve assez instructif. J’écoute et je relève ce qui a marché et ce qui n’a pas marché pour mieux faire par la suite. C’est important pour moi de sortir le meilleur de ce qu’on a offrir et de faire les meilleurs enregistrements, ce qui passe par un retour analytique sur nos vieux disques. Dan : Je les trouve assez stimulants aussi ! Les albums sont assez riches en contenu et tu redécouvres des éléments à chaque fois que tu reviens dessus. Quand t’as le nez dedans, c’est assez dur de se rendre compte des éléments qui font du disque un bon album. Avec un recul de quelques années les albums sont toujours aussi surprenants et tu te rends mieux compte de ce que tu faisais. Greg : Je ne me suis jamais vraiment attardé là-dessus à vrai dire. J’aime bien réécouter les albums mais j’ai toujours relevé ce qui m’a plu et déplu dans mon jeu au moment de l’enregistrement. Je m’intéresse davantage à ce qu’on va faire à l’avenir qu’à ce qu’on a déjà sorti.
Vous avez également sorti un livre : Oxbow : Thin Black Book. En quoi est-il rattaché à Thin Black Duke ? Eugene : Compte tenu du fait que notre dernier album date d’il y a 10 ans, on n’avait aucune envie de refaire un briefing à chaque interview de ce qui s’est passé entre-temps. Pour les intéressés, on a décidé de sortir ce bouquin qui retrace notre histoire et ce qu’on a fait durant ces 10 dernières années. Plutôt que d’opter pour une voix unique comme sur nos albums et nos interviews, on a cherché à récolter une multitude de points de vue avec les gens du label, nos fans, nos proches… Ça nous a mis un peu plus à l’abri du mauvais journalisme (rires).
À l’abri des comparaisons à Faith No More qui semblent vous coller à la peau en ce moment… Eugene : (rires) Je ne comprends pas trop comment les gens font le lien, musicalement parlant. Pour moi c’est un parfait exemple de mauvais journalisme. Je pense que les gens qui écrivent ces trucs se sont contentés de répéter ce que quelqu’un d’autre a écrit. J’ai un ami qui s’est amusé avec la page Wikipedia sur la démonologie et qui a inventé ‘Flipibus’, un démon dont l’unique but est de le tourmenter. L’autre jour j’ai recherché son nom et j’ai trouvé huit références au démon ‘Flipibus’! Je pense que les comparaisons à Faith No More se sont propagées de la même manière, je ne pense pas que ça vient de gens qui ont vraiment écouté l’album.
Plus d’informations sur OXBOW : https://oxbowofficial.bandcamp.com/
« JE PENSE QUE JE SUIS FAUTIF DANS CETTE HISTOIRE. JE SUIS UN SÉMIOTICIEN ET JE M’INTÉRESSE AU SENS DES CHOSES. J’AI ENTENDU ‘WAR PIGS’ DE BLACK SABBATH À LA RADIO L’AUTRE JOUR ET JE SUIS RESTÉ BLOQUÉ SUR LE SOLO DE GUITARE EN ME DEMANDANT “ÇA VEUT DIRE QUOI, CONCRÈTEMENT ?”. C’EST COMME SI T’AVAIS UNE SCÈNE DANS UN FILM OU UNE PIÈCE OÙ L’ACTEUR JOUAIT “À FOND” POUR MONTRER LA VIRTUOSITÉ DE SON JEU. JE SUIS CONTENT QU’IL N’Y AIT AUCUNE SECTION DANS NOTRE MUSIQUE QUI ÉCHAPPE À MA COMPRÉHENSION. » EUGENE S. ROBINSON
RETROUVEZ OXBOW sur Internet et suivez les sur Facebook : http://urlz.fr/5Dl9 SITE OXBOW : http://www.theoxbow.com/
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©DR / WOLF EYES
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INTERVIEW WOLF EYES
« PARFOIS AUSSI CHAOTIQUES QUE LEURS COMPOSITIONS, LES INTERVIEWS AVEC WOLF EYES SONT SOUVENT DRÔLES ET MÉMORABLES. UNE RENCONTRE PARFUMÉE AUX DOUCES EFFLUVES DE WEED… »
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WOLF EYES
AU SONIC PROTEST
JOURNALISTE : MAXIME LACHAUD
PHOTOGRAPHIES : MAGOUKA / DOUG COOMBE
INFOS WEB : WWW.WOLFEYES.NET
RENDEZ-VOUS INCONTOURNABLE DES AMATEURS DE MUSIQUES EXPÉRIMENTALES, IMPROVISÉES ET BRUITISTES, L’ÉDITION 2017 DU FESTIVAL SONIC PROTEST A ENCORE UNE FOIS OFFERT SON LOT D’ARTISTES RARES ET CULTES Parmi ceux-ci se trouvait le trio américain Wolf Eyes qui s’est produit le 25 mars dernier à la Marbrerie. Originaire de Detroit, dans le Michigan, dont l’environnement dévasté a fortement imprégné leur musique, le projet a été d’abord initié par Nate Young dans les années 1996/1997 et se recentre aujourd’hui autour de sa collaboration avec John Olson, arrivé en 2000, et Jim Baljo depuis 2013. Mais c’est sans compter sur les centaines de projets parallèles que ces doux farceurs surproductifs ont lancés. Associés à la scène noise et postindustrielle, leur univers est plus complexe que cela, piochant aussi dans le free-jazz, le psychédélisme, la poésie et le dark ambiant. Eux-mêmes ont trouvé le terme de « Trip Métal » pour expliquer leur son. Il est facile de se perdre dans leurs centaines
d’archives enregistrées et alors que le très atmosphérique et angoissé Undertow venait de voir le jour, Wolf Eyes ne s’est pas trop soucié d’en jouer les morceaux ou d’en faire la promo. Mais leur attitude DIY et leur électronique primitive en ont séduit plus d’un. Ils ont pu par le passé jouer avec des pointures comme Sonic Youth ou The Stooges et ont même signé des albums sur le label Sub Pop. Détendus et bons vivants, les trois amis aiment blaguer en permanence, délirer et inventer sans cesse de nouvelles rumeurs quant au groupe. Reste ensuite à essayer de démêler le vrai du faux, la plaisanterie du récit intime. Parfois aussi chaotiques que leurs compositions, les interviews avec Wolf Eyes sont souvent drôles et mémorables. Une rencontre parfumée aux douces effluves de weed...
John Olson : Cela fait au moins vingt ans qu’on connaît l’équipe et J.-F. On a fait plusieurs Sonic Protest. Les racines, les gens bienveillants, les retours bien forts, pas de flics, des filles moitié robotiques habillées comme des Amazones dans les marécages, c’est fantastique, du Club Maté, de la bonne herbe, des sourires, des gars habillés tout en noir qui viennent t’interviewer. Sonic Protest c’est cool !
©Doug Coombe / WOLF EYES
C’EST L’AVANT-DERNIER JOUR DU SONIC PROTEST. QU’EST-CE QUE CELA VOUS FAIT DE JOUER DANS CE FESTIVAL ET CE LIEU LA MARBRERIE ?
INTERVIEW WOLF EYES
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À SAVOIR Le groupe a publié plus de 150 enregistrements au cours de sa carrière. Les deux tournées majeures du groupe ont été faites avec Sonic Youth et Andrew W.K..
PLUS D’INFOS
www.wolfeyes.net
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WOLF EYES, D’HUMEUR POLYPHONIQUE Vous venez de publier Undertow, votre nouvel album, qui est bien différent des débuts qui étaient carrément plus bruyants. Ici c’est plus mélodique, les morceaux ressembleraient presque à des chansons… Pas trop non plus.
C’est très atmosphérique en tout cas. Nate Young : Oui, il y a une ambiance. On appelle ça de l’humeur polyphonique.
©Magouka / WOLF EYES
C’est ce que vous allez jouer ce soir ? JO : L’album est le produit fini de tout ce sur quoi nous travaillions avant. Cela fait presque un an que nous jouons cet album. Donc là on est un peu partis sur autre chose. Nous ne sommes pas épuisés mais nous essayons quelque chose de nouveau. NY : La dernière fois que nous avons joué aux Instants Chavirés, nous avons fait Undertow presque en entier.
C’est ce que nous avons joué lors de la dernière tournée. Cet album signe vraiment la fin. Je me rends compte à quel point on est mauvais pour parler de nos disques et les vendre (rires). Mais si tu étais là l’année dernière, tu l’aurais entendu. JO : C’est un son en évolution. Tu entendras des similitudes du fait des instruments que nous utilisons. Il y a des cuivres. Tu percevras la tonalité mais pas les structures de morceaux. NY : Nous utilisons généralement une grille de départ assez informelle, mais ce qui est déclenché à partir de cette grille n’est jamais similaire. Est-ce que cela fait sens ?
Les cuivres sont très présents sur ce disque joués parfois de manière assez free-jazz. Non ? JO : Vu que c’est moi qui joue les cuivres, j’ai besoin de mordre très fort. J’ai besoin d’une anche épaisse. J’ai besoin de ressentir le son dans mes couilles. Si le guitariste joue grave, je dois être encore plus grave.
Les concerts sont basés principalement sur l’improvisation ? NY : Comme je disais, il y a cette grille et ce qui en ressort n’est jamais pareil. Dans ce sens-là, tu pourrais dire que c’est improvisé mais pas vraiment non plus.
« J’AI BESOIN DE MORDRE TRÈS FORT. J’AI BESOIN D’UNE ANCHE ÉPAISSE. J’AI BESOIN DE RESSENTIR LE SON DANS MES COUILLES » JOHN OLSON
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QUAND J’AI RENCONTRÉ OLSON LA PREMIÈRE FOIS, C’ÉTAIT ÉVIDENT : BORDEL DE MERDE ! JE NE CONNAISSAIS PERSONNE D’AUTRE QUI FAISAIT ÇA JO : L’« Improvisation » est un mot trop chargé. Tout le monde à son avis sur le sujet. J’ai mon avis là-dessus. Si tu t’habilles avec ta compagne ou ton compagnon pour sortir : - Qu’allons nous faire ce soir ? - On va voir un concert improvisé. Euh ça ne fait pas très envie !… C’est mieux - Hey mec, habille-toi, on va voir un concert spontané !
Je ne le recommande pas, mais j’avais fait une liste de gens que je connaissais au Michigan qui pourraient être intéressés pour rejoindre ce club dont je faisais partie (rires). Je sais que ça sonne un peu louche. Et apparemment il n’y en avait pas beaucoup. Mais ce n’est pas faux, il n’y a pas beaucoup de gens bizarres au Michigan. Quand j’ai rencontré Olson la première fois, c’était évident : Bordel de merde ! Je ne connaissais personne d’autre qui faisait ça. Monter sur scène et n’en avoir rien à foutre… sur le plan social. JO : Le Michigan est très conservateur. NY : Le truc avec les conservateurs c’est qu’ils ne bougent pas à plus de 30 ou 40 miles de là où ils sont nés. Jim Baljo : Du coup, nous sommes très conservateurs. NY : Malgré tout, c’est bien présent.
NY : Toute la scène improvisée n’est pas très bonne. Nous ne nous prenons pas au sérieux alors que beaucoup d’improvisateurs eux se prennent très au sérieux. Je ne peux même pas le dire car ces connards me font peur.
JO : Mais je suis libéral, laisse-moi apporter ce journal chez mon père !
Comment saviez-vous que vos personnalités allaient coller quand vous vous êtes rencontrés ?
NY : Nos personnalités viennent de nos familles, de nos racines, et il n’y a pas assez d’excentriques dans le Michigan avec lesquels tu peux sentir des affinités. Je ne sais pas si c’est meilleur ou pire, mais nous voilà là encore aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que ça nous mènera quelque part car je ne vois pas l’un d’entre nous quitter cette relation que nous avons dans les temps proches.
NY : Jim me devait beaucoup d’argent et une voiture, une jeep. Et vu qu’il ne répondait pas au téléphone, cela a pris du temps pour tout récupérer. J’en ai récupéré à peu près 70 % ou peut-être 40 % en retour. Jim est un dingue d’équipement. Quand il a commencé le groupe, ce qu’il essayait de faire c’était capturer cette ambiance mécanique. C’était le bon temps !
NY : On ne fait pas ça quand même ! JB : Mais rester près de chez soi, c’est cool !
JO : Quand Keith Richards est mort, ils ont changé Heathrow en Keithrow, notre but est de changer Detroit Airport en Detroit Metro Airport (rires).
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©Doug Coombe / WOLF EYES
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Keithrow et Detroit Metro, tu vois les similitudes ? NY : Cela rime. JO : Et non nous ne jouerons pas des morceaux d’Undertow ! NY : Mais on pourrait. JO : Cela sonnerait comme un code de téléchargement avec un chiffre en moins. NY : Pendant des années, nous avons joué des chansons et personne n’en a jamais reconnu une seule ! (rires) Mais maintenant nous écrivons moins de chansons qu’avant. Nous prenons beaucoup de liberté. Nous poussons cette absurdité. JO : C’est cette ligne fine où cela peut échouer et ce sera toujours comme ça. NY : Les gens pensent que l’échec est un signe de faiblesse. Capituler est un signe de force.
En parlant d’humour et de second degré, on le sent bien quand vous parlez mais votre musique est plutôt à l’antithèse du comique ? Vous y trouvez de l’humour ? JO : Peut-être que tu n’as pas téléchargé le bon album. NY : C’est plus dans la façon dont nous interagissons avec notre musique. JO : Écoute ce gars qui chante sur une boucle de lui-même ! Il y a de l’humour et il y a de la déviance. Nous sommes plus du côté déviant.
Vous parliez de Detroit et du Michigan, vous diriez qu’il y a une communauté de musiciens, de types bizarres ? NY : Oui ce sont tous des connards antisociaux. C’est génial. JB : Certains sont blasés d’autres sont fanés. JO : C’est comme si on les avait mis au micro-ondes pendant deux secondes à leur naissance dans le Michigan puis on les a sortis. On en est à ce niveau d’effroi. Juste assez. NY : Jim habite dans la ville elle-même. Il y a beaucoup à dire sur ce que c’est de vivre au milieu de ces ruines et ce que ça fait à votre psyché. JB : Je vis dans une ville qui est à l’intérieur de la ville, et c’est super, je peux marcher jusqu’à l’épicerie. Partout ailleurs, il faut conduire. Detroit est si vaste. La communauté n’est pas si unie, il y a des endroits par-ci par-là qui le sont. Ce n’est pas si ouvert, c’est ségrégué. Je ne crois aucune municipalité quant à l’eau, aux financements du gouvernement et tout ça. Cela a été assez dur de naviguer par moi-même et d’essayer de rester sain. Et en sécurité. Il y a des petites portions de gens qui maintiennent la culture à Detroit avant que celle-ci ne soit totalement anéantie.
INTERVIEW WOLF EYES
©Magouka / WOLF EYES
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on trouve des gens plus variés qui s’amusent. NY : Avec ces petites scènes que nous côtoyons, car la scène expérimentale n’est pas énorme, c’est une pratique qui est très bien considérée mais ce n’est pas une musique que les gens écoutent beaucoup. Et cela ne le sera jamais. Les gens soutiennent plus la démarche. Et c’est con. Fais chier. (s’adressant à John Olson) Ta fille pourrait danser le rock là-dessus. Quel âge elle a ? Cinq ans ?
Vous faites une différence entre Wolf Eyes et tous vos autres projets car il y en a beaucoup ? JO : Non, l’esprit reste le même. NY : Tu connais le zeuhl, Magma ? ©Magouka / WOLF EYES
RESSENTIR ÇA AUJOURD’HUI C’EST FOU JO : Il y a peu d’observateurs. Tu dois avoir trente musiciens et un seul fan. JB : C’est très vrai. Les fans sont très rares. JO : Il n’y en a presque pas un seul. NY : La plupart des gens pour lesquels nous jouons sont nos collègues. Ils ont des pratiques similaires. Même ce soir, je ressens cette même chose. Même hier soir, j’avais l’impression de jouer devant 400 collègues qui comprenaient totalement la pratique et on est sur le même bateau. Ressentir ça aujourd’hui c’est fou, quand on sait la déviance de là où on vient. C’est dur d’être déviant aujourd’hui. JO : Tu dois t’en remettre à emmerder tes collègues. Mais c’est une atmosphère difficile, parce qu’un collègue sera toujours critique de ce que tu fais. Bien plus qu’un fan. NY : En même temps ce n’est pas ce que l’on cherche en élargissant notre pratique ? En essayant d’atteindre un autre niveau sur le plan critique, métaphorique, métaphysique, etc. Cela implique ce qui se passe à Detroit. C’est une lutte. Mais je pense que dans d’autres lieux c’est pareil.
J’étais au Texas l’année dernière et j’ai ressenti la même chose dans la scène musicale. Dans les concerts, le public est presque entièrement constitué d’autres musiciens, alors que dans les fêtes privées,
Bien sûr. Si c’est sous l’étiquette zeuhl ça aura une parenté, et là c’est la même chose. JB : Plus proche de nous, tu prends George Clinton-Parliament-Funkadelic, ils étaient signés sur toutes les majors en même temps pendant deux ans. Ils ont un peu changé le nom, sans plus, mais c’est toujours les mêmes personnes. Car c’est un son local. C’est la culture. NY : Cela revient à la question de la scène ou du collectif… (il embraye sur un sujet qui semble le tracasser) J’ai ce problème de marmotte qui est si psychédélique. J’ai un jardin et j’adore jardiner. Avant que nous achetions cette maison à cette vieille dame retraitée, la grand-mère par alliance de ma copine. Elle disait qu’il y avait un chien qui vivait sous la plateforme. Tout le monde pensait qu’elle commençait à devenir sénile avec des signes de démence. Alors nous y avons aménagé, et il y avait une putain de marmotte là-dessous. Je me suis dit que j’allais l’attraper. J’ai mis un piège et une demi-heure plus tard l’animal était pris. Il était énorme. Jim est venu avec son minivan. Je ne voulais pas mettre l’animal dans ma voiture car il allait chier et pisser partout. On l’a libéré dans une sorte de terrain vague à Detroit avec une petite mare. Et devine quoi ? Un mois plus tard. Une autre putain de marmotte. Est-ce que c’était la même ? Je ne sais pas. Elle était plus maigrichonne. JO : Peut-être qu’elle a retrouvé son ipod, et que les chansons étaient les mêmes que l’autre, juste deux chansons qui diffèrent. NY : Donc cette marmotte continue à vivre là aujourd’hui. Il y a deux options. Cela peut être une seule marmotte ou une famille complète de ces connards. Il va falloir que je détruise ma plateforme pour savoir. J’ai beaucoup
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“LA PLUPART DES GENS POUR LESQUELS NOUS JOUONS SONT NOS COLLÈGUES. ILS ONT DES PRATIQUES SIMILAIRES. MÊME CE SOIR, JE RESSENS CETTE MÊME CHOSE. MÊME HIER SOIR, J’AVAIS L’IMPRESSION DE JOUER DEVANT 400 COLLÈGUES QUI COMPRENAIENT TOTALEMENT LA PRATIQUE ET ON EST SUR LE MÊME BATEAU.” NATE YOUNG
de problèmes avec eux. J’ai un chien qui n’arrête pas de venir. Je pisse partout dans ma cour, sur les légumes, ça aide vraiment… Il ou elle n’aime pas mon odeur. Petit enculé. JB : C’est peut-être un coyote. NY : Un carcajou ? JB : Mais les carcajous ne sont-ils pas européens ? NY : Je ne suis pas européen.
Je sens que vous aimez raconter des histoires. On a aussi de Detroit une image un peu flippante. Vous avez ce genre d’histoires folles sur ce que vous vivez à Detroit ? NY : Une rapide sur Jim. Il a disparu dans les bois. Les flics l’avaient chopé. Personne n’était au courant. On pensait qu’il était mort, cela a duré des jours. On a appelé les hôpitaux, les prisons mais personne ne savait où il était. On a cru qu’il avait été tué. Le service funéraire était planifié. Pas cher. Dans l’après-midi. Putain, où étaient donc Jim et Kevin ? Puis, après plus d’une semaine, il se pointe. Il avait été enfermé, avec du pain blanc et du sirop. JB : Il n’y avait même pas d’eau. Si tu voulais boire de l’eau, elle était marron. 28
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Ce qui est amusant avec Wolf Eyes, c’est que vu que personne n’a les mêmes disques, tout le monde a une image différente du groupe. Certains disent que c’est de l’industriel old school, d’autres que c’est de la noise/power electronics, d’autres que c’est de l’ambient psyché… JO : Du psycho jazz ! NY : Nous sommes conscients que chacun a son idée de comment on sonne. Je me souviens d’avoir été bombardé avec ça à un moment. C’est comme un monstre que je ne peux pas contrôler. Et c’est là depuis le début. Les gens nous ont pris pour un groupe noise car il y avait toutes ces cassettes super broyées. Mais nous sonnions plus comme de la musique électronique primitive avec des boîtes à rythmes, des tables de mixage et des cassettes scotchées. On pourrait appeler cela de l’industriel à l’ancienne mais nous n’avons jamais aimé l’industriel. JO : Toujours.
Vous n’aimez pas Throbbing Gristle ? NY : Nous n’aimons pas ce terme et ce genre qui en est issu. Je connaissais et j’apprécie beaucoup TG mais pas vraiment le reste. Comment peut-on aimer la Révolution Industrielle ?
© Stefan Raduta / OXBOW
Avez-vous vu des concerts quand vous étiez plus jeunes qui vous ont fait réaliser, hey j’ai aussi envie de monter sur scène.
Mais TG, je me sens un lien avec leur sens de l’improvisation et leur esthétique. JB : Et ils savent jouer ! NY : Quand tu écoutes les démos, c’est super. JO : Les cassettes en concert c’est ce que je préfère. NY : Ils ont été une grande influence, nous n’avons pas été aveugles à ce qu’ils faisaient. JO : Mais ce qui est arrivé après nous a arrêté net. NY : C’est comme avec le Grateful Dead. Nous les aimons et nous les haïssons. Du moins je parle pour un tiers de ce groupe. JB : Je ne les aime pas. NY : J’aime leur système socio-économique, c’est presque de l’argent propre. JO : Si tu veux parler d’héritage, on peut évoquer Sun Ra, il a fait du bruit, du disco, du très beau jazz. Il y a le côté space, mais il n’y a pas beaucoup de références. Ce sont des musiciens avant tout. NY : Même à l’époque où nous refusions d’être appelés musiciens car nous étions trop jeunes et effrayés, nous ne voulions pas apprendre, nous voulions être instinctifs et bruts. La carte viscérale. JO : La V-card.
JO : Oui. La première chose qui me vient c’est d’avoir vu Braxton jouer en solo avant même de l’avoir rencontré. Ce qu’il a joué était très enraciné et pas très abstrait. C’était très profond, ça montrait qu’on pouvait faire de la musique d’avant-garde expérimentale mais avoir toujours cette émotion, c’était très chicagoesque et poignant. Ce fut très inspirant. NY : Ce n’était pas au tout début. JO : C’était la première fois qu’on a joué en Suède, il y a bien vingt ans, ça devait faire cinq ans qu’on faisait de la musique. NY : Désolé les gars, je vais devoir raconter cette histoire encore une fois. Je devais avoir douze ou treize ans. Mon premier jour de middle school. Je portais une veste Ramones que mon frère avait dessinée à la main et peinte. Dans cette petite ville rurale de Chelsea, Michigan, il y avait un gars Simon Wallace et il m’a dit : hey j’aime ce groupe. Il avait un frère qui avait un an de moins que lui, dans le même genre, un jeune punk. Puis ils me parlent des Stooges. Il me dit que Scott Asheton est son beau-père. C’était cool, on est parti faire du skate. Et un des premiers concerts où je suis allé c’était avec Scott Asheton et les deux frères pour aller voir les Ramones. Scott nous a amenés dans les loges où nous avons rencontré Joey et toute la bande de Johnny Dick. JO : Et tu pensais qu’ils ne faisaient même pas de chansons. NY : Ils jouaient si fort, il y avait ce mur du son terrible, cela n’avait rien à voir avec les disques super produits à la Phil Spector. J’étais désillusionné, et Scott m’avait dit que les concerts c’était toujours différent. On ne pouvait pas reconnaître les chansons mais on ressentait la puissance et l’énergie. Et Joey qui me demandait si j’étais au lycée, et je lui ai dit que je n’étais pas rentré au lycée pour l’instant. Ce fut le début de la fin… C’était clair qu’on pouvait vraiment faire ce qu’on voulait tant que tu as le ressenti et l’énergie. J’étais à 100 % dans le skate à l’époque, c’était une étrange période. J’ai grandi avec Scott, en travaillant avec lui au sein de l’équipe de construction de mon père. Les chauds jours d’été, à poser des galets et en faisant des boulots de toiture et lui qui me parlait d’avoir fréquenté David Bowie dans son château. Il était clair que le rêve rock’n’roll était une illusion. JO : C’est une bonne leçon. NY : Tu peux aller aussi loin et te retrouver à poser des tuiles sur un toit… Puis tu fais un bond dans l’avenir de 15/20/25 ans plus tard et à présent les Stooges sont payés comme ils le méritent.
« LES CHAUDS JOURS D’ÉTÉ, NOUS POSIONS DES GALETS AVEC SCOTT ASHETON. IL ME PARLAIT D’AVOIR FRÉQUENTÉ DAVID BOWIE DANS SON CHÂTEAU. IL ÉTAIT CLAIR QUE LE RÊVE ROCK’N’ROLL ÉTAIT UNE ILLUSION. » NATE YOUNG
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90% DE CE QU’ON FAIT C’EST DE NOUS DIVERTIR NOUS MÊMES Ils reçoivent enfin le respect qui leur est dû. JO : On disait que les frères Asheton avaient cette télékinésie vaudoue et c’était ça qui faisait le son des Stooges. Quand j’ai lu ça sur eux, je les ai écoutés d’une manière complètement différente et c’est totalement ça. NY : C’est le Michigan ! JO : Il y a une essence chez eux. Tu peux lire une phrase sur un groupe et complètement repenser ta vision du groupe après ça. NY : C’est pourquoi il n’y avait pas d’autres options que de fréquenter ces gars. L’essence du Michigan est évidente et signifiante. JO : Je ne peux pas entendre Nate jouer solo sans réagir. Tout ce qu’il joue j’ai une réponse à donner. C’est dans mon ADN. T’aimes bien les Stooges ?
Oui, et j’ai vu le film de Jarmusch il n’y a pas si longtemps. JO : Le livre qui est sorti est vraiment très bon. Total Chaos, c’est meilleur que le film.
Et il y avait ce morceau très vaudou sur leur premier album, « We will fall ». JO : Oui, celui avec John Cale. Mais tout ce qu’ils faisaient était vaudou. Faire ça sur une major et dire merde. Il y a des chutes d’une demi-heure qui sont si radicales. NY : Nous avons été invités à jouer à All Tomorrow’s Parties pour ouvrir avant les Stooges. C’était dingue pour moi. Je suis allé voir Scott avant le concert et il était très au fait de ce qui se passe. La noise japonaise. Un mec de 60 ans qui connaît Merzbow ! Il était toujours au courant des trucs tarés qui se font. Il y avait une interview il y a quatre ou cinq ans où il parlait du premier show des Stooges, où ils faisaient du tap dancing sur une plaque métallique et en frappant sur une boîte à reverb. Scott me disait qu’Iggy aimait les machines qui faisaient du bruit, les aspirateurs, les tubes en PVC avec des micros. C’est un truc du Michigan, ce n’est pas comme s’il me l’avait appris. C’est ce qu’on appelle être déviant.
Vous vous souvenez des premiers sons que vous avez faits quand vous étiez très jeunes ? JB : Je joue la guitare. Mon père était guitariste. Je me souviens enfant de m’agripper aux cordes et faire des sons, les regarder vibrer. C’est un de mes premiers souvenirs. JO : J’étais tellement amoureux de certaines chansons. J’avais mon lecteur de disques juste à côté de mon lit pour que quand je me réveille je puisse appuyer sur le bouton Power dès la première seconde.
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NY : Jeune, je me souviens que je prenais des drogues, et je regardais la lumière bleue sortir de la télé statique et je me souviens de maltraiter ma guitare acoustique, en essayant de la détruire, la frottant. À l’époque, je ne pensais pas encore à m’enregistrer, cela a pris deux ans avant que je découvre cette technique et le multitrack, et quatre ans plus tard le premier Wolf Eyes est paru.
Aujourd’hui en termes d’instrumentation électronique, vous travaillez avec quoi ? NY : Il n’y a pas de tabou. Ipad, canalisations d’égout, tout doit être exploré. On prend tout. J’en ai fini du digital, encore plus aujourd’hui. JO : Il n’y a rien de mieux que de prendre un instrument et d’essayer de le jouer à ta façon. C’est le meilleur sentiment qu’il puisse y avoir. Comme allez je vais prendre un saxophone baryton et voir comment cela fonctionne. Pour moi c’est une des meilleures expériences et surtout trouver ta manière de le faire. Puis apprendre à jouer vraiment, puis revenir à ce que tu faisais avant. C’est ma démarche et j’aime ce sentiment.
De tous les disques que vous avez faits, y a-t-il un album pour lequel vous avez une affection particulière ? NY : Je ne peux parler que pour mon travail solo. Avec ce groupe je ne saurais pas dire c’est trop vaste. Mais pour mes albums solos, j’aime beaucoup Stay Asleep. La réponse simple en promo serait de dire Undertow, le dernier. JO : Avant de partir en tournée, nous sommes allés chez un disquaire et avons ramené un paquet de maxis de Janet Jackson sur du vinyl transparent. À l’époque Nate coupait beaucoup les vinyles. Et vu que les grooves sont très larges, il a fait une coupure Wolf Eyes sur un disque de Janet Jackson. Il en a sorti un CD. C’était peint et très beau. Je crois que c’est mon préféré car ça symbolise non seulement le début de la tournée mais cette déviance dans le format a défini notre vernaculaire pour les années à suivre. Et ça sonnait vraiment super bien. Jim était tellement jeune, il a commencé à boire sur cette tournée. Nous faisions la balance et un gars est venu nous voir, « ce Jim a filé avec tout votre merchandising ». Il ne nous restait qu’un T-shirt. NY : Nous pensions qu’il s’agissait d’artefacts intéressants mais ils étaient sans valeur. JO : Nous tirions dix exemplaires. Nous en donnions deux à des amis, et nous en gardions huit pendant longtemps. 90 % de ce qu’on fait c’est de nous divertir nous-mêmes. JB : Pour moi, un disque peut être un chef-d’œuvre au moment où je l’écoute mais je finis par me rendre compte que ça ne l’est pas.
soRtIe moNDIAle le 15 sePtemBRe 2017
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« IL ME SEMBLE ÉVIDENT QUE DANS UNE VIE PASSÉE, NOUS AVONS FAIT DES CHOSES CAUSTIQUES ENSEMBLE. QUE CE SOIT DU THÉÂTRE SHAKESPEARIEN OU DÉSAMORCER DES BOMBES SUR LES COLLINES DE NORMANDIE » JOHN OLSON
NY : J’ai longtemps cherché le chef-d’œuvre, mais nous avons laissé tomber cette idée.
Comment vous expliquez que vous êtes toujours là à faire de la musique ? JB : On s’amuse beaucoup. Regarde cette après-midi, c’est le pied ! JO : C’est bien moins fatigant que de travailler sur des chantiers ou d’être arrêtés par la police. NY : Ou crier sur ta femme pour qu’elle fasse la vaisselle.
Et vous aimez beaucoup la vie en tournée ? JO : Parfois il faut amener ton corps à tel endroit à telle heure. Mais c’est le rituel, c’est tellement amusant. J’aime comment les journées se déroulent, c’est dur au début, puis ça devient amusant, il y a le gig. C’est le temps. C’est beau. NY : C’est King Coffey qui détestait les tournées. Il y a ces 45 minutes où il joue qu’il aime, et pour lui le reste de la journée était terrible. Je ne suis pas d’accord avec ça mais je le comprends. On joue 1h15, donc c’est un peu plus. JO : Tu es physiquement avec les mêmes personnes pendant longtemps donc il faut être prêt à ça, mais j’adore,
c’est cool. Penser au jour où je ne pourrais plus le faire m’horrifie. NY : C’est vraiment faire de la musique. Nous devons travailler un peu, ce qui n’est pas si dur, il suffit de déplacer nos corps d’un point à un autre. Être fatigué et se rendre disponible. Ces interviews sont drôles mais elles peuvent être démoralisantes aussi. JO : Cela soulève beaucoup d’émotions. Nate m’a dit une des meilleures choses sur le fait de voyager : le sourire est universel. Avec un sourire, tout peut arriver. Et ce n’est pas la chose la plus simple à faire. À un moment je dormais plus souvent avec John qu’il ne dormait avec sa femme. JO : Des dizaines de fois plus souvent qu’avec mes deux premières femmes. NY : Des fois il est nu et moi aussi. JO : Nate pense que dans une vie antérieure, nous étions dans l’infanterie ensemble. J’y pense souvent. On colle l’un à l’autre façon infanterie. Il me semble évident que dans une vie passée, nous avons fait des choses caustiques ensemble. Que ce soit du théâtre shakespearien ou désamorcer des bombes sur les collines de Normandie.
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INTERVIEW DEVIL JO AND THE BACKDOORMEN
DEVIL JO AND THE BACKDOORMEN
DU BLUES AU ROCK PERLE DE BLUES, claque de rock, punch de punk, le quintet Devil Jo and The Backdoormen a cette finesse indescriptible qui le classe au top du bouillonnement déclenché par le retour en force du blues-rock. Les deux guitaristes du crew, Laurent de Carvalho et Vincent Aubrun, ont pu se libérer pour nous rencontrer. Il est difficile de ne pas les imaginer dans un déchaînement de saturation mais, à l’occasion de notre entretien, ils ont généreusement accepté de suspendre, temporairement, le massacre d’amplis par électrification outrée et le meurtre de micros par déflagration vocale. 36
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LE ROCK MODIFIE L’ÉCOUTE DU BLUES Le blues est le père du rock. Certains diront même que l’injection de rock dans le blues dénature ce dernier. À l’inverse, pourriez-vous nous dire ce que le rock apporte au blues ? Laurent : Je pense que le rock a permis aux gens qui n’allaient pas naturellement vers le blues, de s’y intéresser. De s’en imprégner. Le rock, par son réflexe de simplification, par sa manière de porter haut et fort, a peut-être pu mettre en évidence ce qu’il y avait de plus facilement écoutable dans le blues et donc, a pu servir de passerelle vers lui. Et puis les deux, dans leur intensité, dans leur manière d’évoquer l’expérience personnelle ou le soulèvement collectif, sont liés par une profonde sincérité. Le rock modifie l’écoute du blues sans le défigurer, sans lui enlever son authenticité. Il conserve la recherche de sincérité, l’accompagne en la propulsant dans une dynamique plus appuyée, rapide, hargneuse.
© DR / Devil Jo & the Backdoormen
Vincent : Oui, je suis d’accord avec Laurent. Personnellement, je suis allé au blues en écoutant Led Zeppelin, Jimi Hendrix, autant de personnages complètement fan de blues. Ils ont eu une manière très personnelle de se l’approprier et de le partager. M’intéresser à leurs morceaux, c’était entendre du blues. C’est par eux que j’en suis venu ensuite à écouter des références comme Muddy Waters. Et puis, ces deux genres sont loin d’être cloisonnés, les ponts se font tellement naturellement que c’est parfois en écoutant du blues que l’on se demande si l’on n’est pas en train d’écouter du rock !
dans l’ambiance acoustique, Il faudrait réadapter tous les arrangements du set car, par exemple, un batteur ne peut jouer de la même façon sur les deux modes. Atypeek Mag : Donc pour l’instant, pas d’Unplugged de prévu ? Vincent : Pas pour tout de suite. Non, jusqu’ici, quand on jouait acoustique, c’était ponctuel, pour s’adapter à certaines salles. Mais ce pourrait être une orientation à développer. Il y a un potentiel d’ambiances au sein de certaines chansons que la dimension acoustique pourrait vraiment permettre d’approfondir. Laurent : Oui, et puis, sur scène, comme on est plus à l’aise en électrique, c’est ce mode qui nous permet de nous donner à fond. C’est une dimension fondamentale pour nous. Ne pas jouer de jeu, juste partager ce qu’on aime, donner une représentation qui soit sincère. Et pour qu’elle le soit, il faut des tripes et le moyen de les montrer, pour nous, passe par l’électrique.
Un nouvel album en préparation : comment s’est passé l’enregistrement ? Laurent : Deux semaines d’enregistrement très dures, très exigeantes. On a dû réenregistrer quelques pistes. Pas parce que la performance nous déplaisait, mais parce que nos instruments étaient faux par rapport à certains réglages du studio. Ce sont des aléas qu’il faut savoir affronter. Mais ça valait le coup car je pense que le résultat est au rendez-vous. On est encore en train de nettoyer les pistes, mais de ce que j’ai pu entendre, je pense que c’est ce qu’on a fait de plus abouti.
Devil Jo and The Backdoormen est d’ailleurs plus enclin naturellement à jouer en électrique qu’en acoustique, non ?
Vincent : Oui, ça représente presque deux ans de travail. On était très impatient de rentrer en studio. Comme quand tu prépares un foot avec tes potes et que tu rentres sur le terrain ! D’autant plus qu’on n’est pas souvent en studios, deux ans pour deux semaines ! Elles ont été rudes.
Laurent : En fait, on n’a rien contre le fait de jouer acoustique, ce n’est juste pas notre premier réflexe. Les structures et textures des morceaux ont été réalisées pour un contexte électrique. Pour s’investir à fond
Comment se déroule le travail de composition de manière générale, au sein du groupe, et comment s’est-il passé dans le cadre du nouvel album ?
Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/
“LE ROCK, PAR SON RÉFLEXE DE SIMPLIFICATION, PAR SA MANIÈRE DE PORTER HAUT ET FORT, A PEUTÊTRE PU METTRE EN ÉVIDENCE CE QU’IL Y AVAIT DE PLUS FACILEMENT ÉCOUTABLE DANS LE BLUES ET DONC, A PU SERVIR DE PASSERELLE VERS LUI” INTERVIEW DE JONATHAN ALLIRAND
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Vincent : On a deux manières de composer : soit on part d’un riff que l’un de nous propose. Imaginons, Laurent propose une idée, je me cale dessus et on essaye d’explorer les différentes potentialités. Soit on compose dans le cadre de bœufs qu’on organise. La dernière fois, Laurent et Jeremy, le batteur, ont fait un bœuf, et, sur une seule session, un même morceau a pu permettre de développer trois ou quatre idées pour d’autres chansons à venir. Laurent : Oui, c’est vrai que finalement, les bœufs se font souvent en petit comité : soit Vincent et moi, soit Jeremy, Vincent et Guillaume, le bassiste. Soit Jeremy et Vincent. C’est rare que l’on soit tous ensemble. Mais de toute façon, tout ce qui est sorti de chaque session est discuté, on travaille chaque proposition et on ne garde que celles où tout le monde se retrouve. Vincent : : La plupart des chansons qui sont sur l’album sont nées de bœufs hors studio. Certaines idées d’arrangement sont venues de travail au sein du studio, mais dans le cadre très strict de l’enregistrement, la créativité s’est retrouvée un peu bridée. On avait préparé une quinzaine de chansons en vue de l’enregistrement. Il a fallu opérer une sélection et on en a choisi 10. 38
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Sans nous spoiler, vous pouvez nous décrire un peu ce qui nous attend sur cet album ? Laurent : Par rapport à ce que Devil Jo a fait auparavant, je pense qu’on peut s’attendre à quelque chose qui monte d’un cran en puissance. Atypeek Mag : Quelque chose qui s’oriente de manière plus tranchée vers le rock ? Laurent : Je pense qu’on peut dire ça, oui. Le blues reste le moteur mais le ressenti est plus rock. Vincent : Et plus sombre, aussi. De plus, sur cet album, on a voulu canaliser l’énergie et se placer dans le cadre d’un format chanson. On garde une spontanéité, mais on se tient à un cadre là où le blues partirait dans des développements plus longs. Laurent : Sans être bien sûr dans une caricature stéréotypée de chanson soumise au format radio, on a voulu se tenir à ce qui nous importe : pouvoir être partageable. Je pense que certains de nos airs peuvent donner matière à fredonner. Atypeek Mag : Catchy sans être facile ? Vincent : Oui, c’est ça. C’est pour cette raison que là où Devil Jo aurait eu tendance, avant, à placer des solos, on a dans cet album, réduit ce genre de passages. On se concentre sur le cœur de chanson. Le format général est de 3 à 4 minutes de durée.
ATYPEEK MAG #03
Laurent : 3 à 4 minutes pour 10 chansons, on est sur un album de 40 minutes. Ce qui nous paraît intéressant pour capter une écoute maximale. Au-delà de cette durée, l’attention risque de se perdre petit à petit et ça peut desservir le travail. Vincent : Et puis, il y a quelques surprises à venir sur l’album. Des collaborations : la venue d’une contrebasse ! Et une reprise personnelle d’un classique ! On n’en dira pas plus tout de suite !
Quel enthousiasme ! Devil Jo and The Backdoormen est passé par une refonte du line up : à voir l’ambiance énorme de la formation actuelle, on dirait que les différents changements ont œuvré pour le mieux ? Laurent : Oui, je pense que c’est bien de le voir comme ça. On n’oublie pas que Devil Jo a un passé. Mais le nouveau line up fonctionne bien. Il a permis de porter vraiment loin le projet Devil Jo. Atypeek Mag : Le batteur Jérémy a l’air d’être hyper vif, spontané et délirant ? Laurent : Oui, un gros potentiel. Il continue d’apprendre et devrait gagner confiance en sa créativité. En répète, on sent qu’il se contient pour faire tourner la mécanique du groupe de façon sûre. Vincent : Mais quand il va se lâcher et libérer sa créativité, je pense qu’il va faire des trucs inimaginables ! Laurent : C’est clair, en concert il m’a bluffé plus d’une fois. Pris dans l’ambiance, il lâche parfois les chiens. Il m’est arrivé de me retourner vers lui après l’avoir entendu placer un enchaînement surprise tout en pensant : « bordel, mais t’es énorme ! ». Atypeek Mag : Le bassiste Guillaume groove sévère, on aurait envie de l’entendre encore plus. Peut-être même parfois, sur des solos ? Vincent : Il est super bon mais je pense qu’il a le réflexe de rester discret pour plusieurs raisons. Tout comme Jérémy et moi, il n’oublie pas que Laurent et notre chanteuse Sara sont ce qui reste du crew original, sa base fondamentale. De plus, si sur scène, chacun fait son délire alors qu’il y a déjà des showmen comme Sara et Laurent, le concert partirait en vrille. Enfin, Guillaume est moins bassiste à proprement parler que musicien polyvalent, touche à tout talentueux. Mais toutes les propositions sont ouvertes et si lui ou Jérémy veulent proposer qu’on parte de leurs créations ou qu’on leur crée des espace d’expression, ce sera avec plaisir ! Atypeek Mag : Et toi Vincent, une adaptation au crew complètement ahurissante ! ? Il y a de quoi être admiratif de ton jeu planant !
Vincent : Merci ! En arrivant dans le groupe, je me suis mis en posture d’accompagnement. Certains morceaux de Laurent semblaient fonctionner à eux seuls. J’ai dû donc adapter mes propositions, d’où parfois un jeu ambiant. Le dernier album est justement l’occasion d’affirmer l’identité du nouveau line up. Dans le précédent, on était dans une phase transitionnelle. Après la séparation, la reformation, il fallait revenir vite et proposer quelque chose pour ne pas laisser l’oubli prendre le pas. L’album à venir correspond à une autre visée : établir le line up dans sa créativité propre et dans une dynamique de groupe à l’origine d’un projet commun.
On sent beaucoup de respect : à la fois pour le public, mais aussi précisément entre les membres du groupe. Comment se prennent les décisions ? Vincent : On discute de tout, c’est un aspect fondamental de la vie de groupe. On y attache beaucoup d’importance. Beaucoup de temps. Beaucoup d’énergie.
TRIANNUEL 2017
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“C’EST PARFOIS EN ÉCOUTANT DU BLUES QUE L’ON SE DEMANDE SI L’ON EST PAS EN TRAIN D’ÉCOUTER DU ROCK !” VINCENT AUBRUN
Atypeek Mag : il vaut mieux prendre le temps de régler des conflits que d’essuyer des frustrations ? Laurent : Oui, on veut que tout le monde s’y retrouve. Si on veut être sincère dans la représentation, il faut qu’au préalable tout le monde s’éclate sur les chansons. Bien sûr, c’est arrivé que des propositions de morceaux ne fassent pas l’unanimité. Mais, on bosse le morceau, on se donne les moyens d’en explorer le potentiel et parfois, en le retravaillant, on apprend à l’intégrer comme un morceau qui nous transporte. Si, à l’inverse, on ne retrouve pas l’identité du groupe dans le résultat final, on passe à autre chose. C’est comme ça que s’est faite aussi la sélection des dix morceaux de l’album. Sur la quinzaine de morceaux en lice, il y en eu certains pour lesquels on finissait par se dire : « là, sur celui-ci, ça ne marche pas » ou « on perd un peu l’identité du groupe sur celui-là ». Vincent : Il en est de même pour la synchronisation des emplois du temps dans l’optique d’assurer nos concerts. On comprend très bien que chacun a ses impératifs et ne peut être présent à tous ces rendez-vous. En revanche, on demande juste que la personne trouve une solution. Par exemple, des gars comme Guillaume, pris dans de nombreux projets, s’assure d’avoir un remplaçant à cette date. Grâce à l’aide du label Green Piste Records, on a de bons espoirs d’enchaîner un certain nombre de dates pour l’année à venir. Peut-être une trentaine. Ce qui va donner lieu à beaucoup de défis logistiques et organisationnels !
Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/
RETROUVEZ DEVIL JO & THE BACKDOORMEN sur Internet et suivez les sur Facebook : http://urlz.fr/5DrA SITE DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/
https://tropare.bandcamp.com/
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ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
CHRONIQUES ALBUMS & SINGLES
NOTRE COUP
DE CŒUR “BUZZING BUT NOT
HUNG UP ON HIP” PHILIPPE PETIT Touche-à-tout,
est devenu un incontournable de la scène expérimentale. Noise, drone, dark ambient, contemporain, rock, folk, soundtrack, jazz, il ne s’impose aucune limite et la compilation Buzzing But Not Hung Up On Hip atteste de cette diversité et de ce goût pour les collages sonores mi abstraits mi surréalistes. Comme le funambule du même nom, il s’est fait en autodidacte et marche sur le fil tendu entre tous ces genres pour créer son propre univers, qui a su séduire la scène internationale au vu du nombre hallucinant de collaborations qu’il a faites en moins de dix ans. Maxime Lachaud
Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de l’album.
ALBUMS
Date de sortie : 14/07/2017 Durée : 01 h 38 min Nationalité : FR Styles : Expérimental / Ambient / Electro
Date de sortie : 16/01/2017 Durée : 21:27 min Nationalité : FR Styles : ÉTHÉRÉ EXPÉRIMENTAL
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LYNHOOD
BUZZING BUT NOT HUNG UP ON HIP (ATYPEEK MUSIC)
Sur-productif est le moindre adjectif que l’on puisse utiliser pour parler de Philippe Petit. Actif depuis plus de trente ans dans le milieu des musiques aventureuses, il développe aussi un univers très singulier depuis une dizaine d’années, entre musique contemporaine, soundtrack, free-jazz et bidouilles électroniques. Cette nouvelle compilation montre l’étendue de son spectre musical et sa passion pour les collaborations avec d’autres artistes. En effet, par le passé, Philippe Petit a pu travailler avec des noms aussi prestigieux que Lydia Lunch, Murcof, Simon Fisher Turner, Cosey Fanni Tutti, Eugene Robinson, Jarboe, Cindytalk, Edward Ka-Spel et tant d’autres. Avec plus d’une trentaine de disques parus en tout juste une décennie, il y a parfois de quoi se perdre dans le petit monde de Philippe Petit, donc cette collection tombe à point. On y retrouve sa passion pour les ambiances énigmatiques et obscures (“Stellar Fright” avec James Johnston de Gallon Drunk), de doux airs de foires aux monstres et un surréalisme électronique que n’aurait pas renié Nurse With Wound (“A Farewell to U...”), des moments plus folk, romantiques et apaisés (“Eugenia”), d’autres beaucoup plus abrasifs et bruitistes (“Electric Blue-Mirrors” avec Lucina Lou), voire carrément rock à la Babes in Toyland (“Second to Last Thoughts” avec MDME SPKR). Les ambiances jazzy de film noir sont aussi présentes, notamment avec l’utilisation de cuivres (“Si Parla Italiano”), tout comme l’onirisme fantaisiste (“Songs of Innocence”). Acoustique et électronique se mêlent (“Cymbalomentums”, la collaboration avec Peter Hollo au violoncelle), générant une certaine forme d’abstraction, où l’on peut sentir aussi bien des influences venant de la musique industrielle que contemporaine (“Songe d’Azur”). Préparez-vous pour une heure et demie de sons qui fusent de tous les côtés. ✎ Maxime Lachaud
BOSS HOG
SEPTEMBRE (REAFFØRESTS / L’ECHO REC. / ATYPEEK)
BROOD X (IN THE RED / BRONZE RAT)
Projet solo de Chloë Della Valle (cofondatrice du label Reafførests et bassiste de Symetry groupe métal/ prog « Made in Grenoble »), Lynhood au travers de ces quatre titres peint une musique sombre et ambiante sur une toile de fond très heavenly voice : on songe à Dead Can Dance et Cocteau Twins voire Throwing Muses sur les morceaux « The master » et « Qualm », le tout est teinté ou agrémenté de sonorités très shoegazing voire noise à l’instar du final de « White emperor ». Cet EP débute de manière assez cinématographique, « Tree » rappelle un peu le « In the house-in the heartbeat » de John Murphy sur la B.O de 28 days later, en plus aérien. L’ensemble met au premier plan la sublime voix et la basse (jouée à l’archet s’il vous plaît…) de la grenobloise, le résultat s’avère très envoûtant et addictif grâce aux boucles subtiles et à ces vocalises éthérées qui plongent l’auditeur dans cette atmosphère particulière, on s’abandonne et on se laisse entraîner assez facilement durant ces 21’’29’, dans cet univers emprunt de noirceur et de mélancolie. À l’écoute de ce Septembre on ne peut s’empêcher de penser que s’il était anglais, nul doute que Lynhood aurait été signé sur le label 4AD.
17 ans d’attente, et pourtant à l’écoute de ce Brood X, il semblerait que non rien n’a changé, que tout a continué, que Cristina, Jon, Holli et les autres n’ont pas vieilli, et que leur musique non plus, sans artifices ou injection d’un quelconque élixir de jeunesse. 17 ans qui sont passés à une vitesse folle, qu’on en oublierait l’avènement du Néo-Métal, des télés-réalités, de Nicolas, Carla, et Rachida, de la glorification du “Gangnam Style”, des vies vécues par procuration via applications et de toutes autres raisons qui donneraient envie de descendre dans un centre commercial avec un Shotgun faire un petit peu de ménage. Brood X nous ramène quelque part, comme si c’était hier tout en étant aujourd’hui, car tout cela est bien réel : il y a des amis qui ne changent pas, et auxquels on ne reprochera jamais de ne pas avoir changé, ils sont rassurants, font oublier le reste… Ils ont maintenant trois fois 17 ans, nous deux fois… Une adolescence a passé depuis le début de ce siècle où l’on tombait en émoi sur les pépites Pop (sans son aspect factice), Blues (sans son côté lourd) et Punk (sans ses limites) qu’étaient “Itchy&Scratchy”, “Whiteout” ou “Monkey”. C’était sexy et c’était terriblement cool. Et c’est toujours le cas, avec une facilité et une aisance déconcertante. À force d’écoutes, l’album trouve d’autres dynamiques entre balades au son désuets (“17”) et coups de coïts magnétiques (“Sunday Routine”), permettant au groupe de se démarquer de Whiteout tout en restant dans les clous de leur formule. On pourrait arguer que celle-ci ne subit aucune modification et qu’il aurait été intéressant d’aller plus avant compte tenu du temps écoulé, mais ce n’est pas le genre de reproches que l’on peut justement faire à ce type de groupe. Comme dit au début de la chronique, cette approche permet de rester fidèle à ce qu’ils sont et à leur public. Et lorsqu’on entend de tels plaisirs lascifs (“Shh Shh Shh” et sa transpiration palpitante sous soleil plombant) avec des petits tubes à la pelle (“Billy” déjà mentionné ou “Signal”, qui pourrait être la bande-son parfaite pour un James Bond crado), ce serait bien dommage de jouer les troubles-fête et de bouder ce retour. ✎ Machete83 www.xsilence.net
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✎ Stéphan www.w-fenec.org LYNHOOD ©DR
PHILIPPE PETIT
Date de sortie : 24/03/2017 Durée : 33:28 min Nationalité : US Styles : ROCK INDIE PUNK BLUES ROCK
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ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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ALBUMS
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TYLER, THE CREATOR
ST MORRIS SINNERS
FLOWER BOY (ODD FUTURE / COLUMBIA)
SONGS ABOUT INSECTS
Chez Tyler, The Creator les albums se succèdent et ne ressemblent pas, à l’image de son nouvel opus Flower Boy qui tend à donner une nouvelle image de l’artiste américain, jamais à court d’idée pour surprendre son auditoire. Ici, les ambiances sont nettement plus soft et mainstream que par le passé, à l’exception de quelques titres perchés comme Who Dat Boy? avec en featuring A$Ap Rocky ou I Ain’t Got Time, véritables réussites dans le genre hip-hop désarticulé et futuriste. Sinon le reste de l’album est une succession de tracks aux effluves soul, groove ou r’n’b, voyant les apparitions de quelques prestigieux invités, à l’image de son grand ami Frank Ocean, Roy Ayers, Steve Lacy ou Anna Of The North. Un album plus radieux que par le passé qui vient trancher avec ses œuvres précédentes, délaissant les personnages de fiction pour se livrer de manière plus introspective, dévoilant entre les lignes son attirance pour les garçons et une certaine fragilité existentielle, n’oubliant pas de livrer aussi au passage, quelques messages positifs à l’adresse des jeunes noirs américains. Un opus gorgé de soleil, qui bien qu’inégal, accompagnera parfaitement la fin de l’été.
Quelle mouche les a piqués ? Le quartet d’Adelaïde St Morris Sinners publie en guise de deuxième opus le cinglé Songs About Insects, papillonnant d’un tempo plombé hypnotique vers une éruption de grattes corrosives, d’une mélopée semée de solos flamboyants à un blues mutant aux accélérations fulgurantes, d’une ballade gracile vers une cavalcade hargneuse, culminant avec le furieux « B. F. B. F. » (« Big Fucking Blue Fly »)… Inclassable et prenant.
✎ Roland Torres www.silenceandsound.me
Achtung ! Ceux-là, leur réputation les précède… Organiser un concert des Parisiens, c’est imaginer le meilleur en attendant le pire ! Et il n’est jamais très loin… quatorze verres pétés, trois bastons, cinq vomis, de l’urine en cuisine… J’arrête là, on ne parle pas de drogue dans ces pages ! Hormis ces menus détails, le concert fut festif (ha ha !), entre punk et post, à trois guitares, un synthé parfois et la présence magnétique de leur chanteur, Pat (ex-Cavaliers et actuel bassiste de Frustration)… Un line-up impressionnant qui tarte instantanément la gueule ! C’est le cas aussi sur leur second album Friendly Fires (Le Turc Mécanique) qui reprend la recette du premier avec encore plus d’aplomb, de savoir faire et une force de frappe accrue. Un des tout meilleurs groupes dans le genre… « Vous ai-je déjà parlé de ce mec qui jouait du thérémine avec la bite ? »
✎ www.digitfanzine.chez.com
Date de sortie : 21/01/2017 Nationalité : FR Styles : POSTPUNK SYNTHWAVE HTTP://URLZ.FR/5JEY
LAST NIGHT FRIENDLY FIRES (LE TURC MÉCANIQUE)
TYLER, THE CREATOR ©DR
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✎ www.digitfanzine.chez.com 44
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
Date de sortie : 21/07/2017 Durée : 34:30 min Nationalité : US Styles : ELECTRONIC EXPÉRIMENTAL / R&B
Date de sortie : 17/11/2016 Nationalité : AU Styles : PUNK ROCK GRUNGE
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MHYSA - FANTASII (HALCYON VEIL) Moitié de la formation SCRAAACTH aux côtés de lawd knows, l’artiste E. Jane aka MHYSA offre un premier album déboussolant de par ses partis pris résolument contemporains, explosant les codes pour engendrer de titres charnels soufflant sur les carrefours de l’expérimental et du r’n’b androïde, nourri de gospel aérien et de viscéralité black. Celle qui s’autoproclame Black Queer militante du monde cyber et fervente militante de la condition des femmes noires, nous fait voyager dans un monde sur lequel s’entrechoquent chants d’églises qui ne sont pas sans rappeler certaines productions de 4AD, déstructurations électroniques proches d’un Chino Amobi et r’n’b gorgé de trap pour bars moites de strip-teaseuses. Politique de par son enveloppe comme de par son propos, Fantasii est un concept album dense aux directions multiples et minimalistes quand à sa production calibrée de laquelle s’échappe une sensualité étrange qui prend aux tripes pour ne plus nous lâcher. MHYSA alterne superbement ambiances chaudes et froides, entrelaçant souvent les deux pour perdre l’auditeur dans un méandre de sensations qui ouvrent les portes de la réflexion tout en faisant ployer le bas du bassin, poussant notre esprit à réfléchir à coups de génuflexions félines et de féminité revendiquée hauts et fort. VITAL.
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✎ Roland Torres www.silenceandsound.me MHYSA ©Naima Green
Date de sortie : 21/07/2017 Durée : 46:39 min Nationalité : US Styles : ELECTRONIC RAP / R’N’B
HTTP://URLZ.FR/5JUA
HO99O9 (HORROR) UNITED STATES OF HORROR (999 DEATHKULT) Dès l’ouverture de la pochette, on est très vite accueilli par les photos d’un bébé et d’une explosion nucléaire où en dessous est écrit your child will die because you let it happen. On sait à peu près quelle tournure va prendre le premier album d’Ho99o9. Son nom ? United States Of Horror… Ouais, on sait vraiment à quoi s’en tenir, en fait. À la production il y a principalement David Andrew Sitek, homme de talent encore trop méconnu : il a aussi travaillé avec David Bowie ou encore Yeah Yeah Yeahs et a été bassiste des Jane’s Addiction en 2011. Ce mister a carrément participé à de bonne pépites sur cet opus. Si vous avez déjà écouté ces deux disjonctés d’OGM et Eaddy venus tout droit du New jersey, vous devez certainement savoir ce que provoque le mélange Bad Brains, Dead Kennedys et DMX. Obscure, brutale, United States Of Horror est le jugement dernier de l’AmeriKKKa, celle de la ségrégation à celle de Trump. C’est la bande-son d’un monde apocalyptique, d’une purge si sanglante que le film American Night « mère » peut aller se rhabiller. Et puisque le sujet du racisme ou celui des violences policières sont massivement abordés, cela est étonnant que ce ne soit pas la bande-son du film Get Out réalisé par Jordan Peele et depuis peu dans nos salles. En gros, on n’arrive pas à savoir si c’est un album engagé ou enragé. Ce qui tape en premier à l’écoute c’est l’amélioration de leur fusion qui auparavant était moins bien travaillée. On avait le droit à des morceaux punk ou rap core obscur mais rare était le mélange adéquat entre les deux. Là ça y est, Ho99o9 tiennent leur truc ! Le mélange est à la perfection. Quand il taille la bavette dans une instru rap on n’arrive pas savoir si il s’agit d’une gratte, d’une basse ou d’une boucle de sample tellement c’est saturé. Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que les samples et effets sonores se sont fait 999 fois plus violer par les darkness d’OGM et Eaddy que dans les EP précédents. Des mélodies horror-hypnotisante au point qu’on se croirait dans un épisode de cartoon spécial Halloween.
Du down tempo hip hop des enfers passant le relais à un son punk hardcore tout droit venu de la street. C’est clair, leur fameux tube Blood Waves à certainement dû les inspirer pour cet album. Bon découlement entre les styles de manière crescendo comme un ressort ou de la slim rebondissant sur un escalier. Des passages poussés dans la veine break beat digne d’un Prodigy en plus macabre et primaire, notamment sur Face tatt et par-dessus tout Knuckle up qui aurait pu gagner la place du single vu sa démarcation vis-à-vis du reste, un morceau qui en jette avec punch et détermination qui ne manque pas de nous faire jumper avec force et rebond. Ce découlement parfait est aussi dû aux interludes qui aident à son bon développement : When death calls baigne dans le purgatoire pour nous en jeter quelques extraits à la gueule et ouvre sur Bleed war envoyant dans un styles metal indus déstructuré et malsain qui n’est pas sans nous rappeler un certain Ministry. Puis Feels like… nous laisse un petit temps mort avec une instru rap old school posée et angélique ouvrant sur City rejects, un des tubes de l’album au son punk’n’roll rétro. Déception due à un excès d’auto-tune dans le refrain d’Hydrolycs et pour la Chanson titre de l’album United States Of Horror qui a tout de même des lyrics percutantes et une bonne instru mais sonnant vraiment d’une manière trop soft comparée au reste des titres. Mis à part ça l’album est clairement le son du générateur électrique qui alimente tout l’enfer des USA (oui l’AmeriKKKa est l’exemple de ce monde, pourquoi n’aurait tel pas son propre enfer MOTHER FUCKER!?) ✎ Locust
Ho99o9 (Horror) ©DR
Date de sortie : 05/05/2017 Durée : 46:03 min Nationalité : US Styles : HORRORCORE PUNK HIP-HOP
Ho99o9 (Horror) ©DR
ALBUMS
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
45
ALBUMS
Date de sortie : 21/04/2017 Nationalité : FR Styles : HARDCORE INDIE ROCK HTTP://URLZ.FR/5HZM
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STONE CAVALLI
BURNING HEADS
KILL VIOLENCE (SAND MUSIC)
KXLU LIVE 1999 (NINETEEN SOMETHING)
Un album encore plus rageur que le précédent. Voix plus profonde, plus grave, plus éraillée. Oxymores esthétiques mieux affirmés. Dans ce nouvel album, le duo grenoblois reprend guitare, clavier et batterie là où il les avait laissés, mais en assumant cette fois-ci davantage le chemin de crête solaire, débridé et tapageur qu’ils ont su baliser dans leur premier EP - et qui compose sûrement le bénéfice sensible qu’ils apportent à la bigarrure sonore obtenue par l’alliance du rock, du punk et de la new wave. Revendiquant une inspiration puisée dans l’écriture roborative d’un Bukowski ou d’un John Fante - et plus largement dans l’esthétique de la Beat generation -, Stone Cavalli pose le diagnostic sans phare d’une société soporifique, désœuvrée et qui se croit sans combats à mener. Un auditoire dont il entend bien ragaillardir les membres fatigués, rongés par une violence sans visage qu’il ne s’agit pas moins de tuer. Un son qui pourrait parvenir aux oreilles d’une Génération Y, s’il parvient à en dissoudre le sébum intellectuel et la graisse auditive, accumulés à longueur de matraque publicitaire sur nos postes de télévision et smartphones. Alors qu’en 2014, l’épilogue de l’EP Bandini nous intimait avec The noise de sortir de ce monde fictif (“Get out this fiction!”) - sans pour autant nous donner plus d’indices quant à la direction à suivre - Kill Violence s’emploie dès le premier morceau Come on! à réparer ce déficit en nous incitant vertement à reconquérir notre état sauvage (“Come on into the wild now !”). Distorsion, raclement, hystérie d’un côté : voilà pour le fond. Union, harmonie de l’autre : voilà pour la forme. Le tout mené par l’itération obsédante des percussions décochées par un Benjamin Tarricone qui tape sur une batterie qui n’en demande pas moins. Chez Stone Cavalli, il y a décidément quelque chose d’épique, de rond et de doux qui enveloppe les déchirures et perforations du réel. Avec dans leur main droite le symptôme et dans leur main gauche le traitement, les deux frangins nous donnent à voir la maladie et son remède. Tel un puissant vulnéraire, gageons que ces sept nouveaux titres sauront réveiller vos colères… qui sont souvent nécessaires.
Bon les gars, ouvrez grand vos yeux et débouchezvous d’urgence les oreilles : Les Burning Heads ont trente ans. Trente putains d’années. Trois décennies. Six quinquennats. Et les types sont toujours là. Ça en impose, vous ne trouvez pas ? En ce qui me concerne, je ne répéterai jamais assez ce que ce groupe représente pour moi : la Classe. Oui, avec un grand C. Sur major ou en autoprod, en mode punk hardcore ou en incursion reggae, le quatuor d’Orléans n’a jamais changé de cap. Pour tout vous dire, mes deux disques préférés sont incontestablement Be one with the ames et Escape, deux de la fin des 90’s période Epitah. Et en ce moment je suis pourri gâté car le groupe est actuellement en tournée avec une set list composée de titres de ces deux chefs-d’œuvre. De plus, un label français est sur le coup pour sortir les deux skeuds en version LP et cerise sur le gâteau, un live sorti de quasi nulle part vient de paraître : KXLU live 1999. Resituons-nous dans l’espace-temps. Les Burning, en 1999, ont le feu au cul et moins d’un an après Be one, les gars traversent l’Atlantique pour rejoindre Jack Endino et mettre en boîte le sulfureux Escape pour leur seconde livraison Epitath Europe. Mais avant d’entrer en stud’, le groupe donne trois gigs en deux jours dont une session de 45 minutes pied au plancher, en direct sur la radio KXLU. Les techniciens de la station plantent quelques micros devant les amplis pour enregistrer le tout, et voilà qu’en 2017, alors que les bandes étaient bien au chaud je ne sais où, Franck Frejnick et Nineteen Something (spécialiste des rééditions des Thugs, des Rats,…) gravent sur compact disc ce live explosif ! Imaginez le tableau : les quatre zicos en pleine bourre viennent mettre une raclée en bonne et due forme à Los Angeles. Session promo oblige, le groupe exécute les brûlots de Be one et termine son set en jouant pour la première fois « live » certains futurs tubes de Escape. Les morceaux s’enchaînent sans temps mort, les mélodies vocales rivalisent avec les grandes lignes de basse de JBé, les roulements de Tomoï et les guitares chaudes de Pier et Phil. Rien ne peut leur arriver, et le temps
✎ Guillaume Rossetti
d’un passage radio longue durée, Burning Heads est le meilleur groupe du monde. Ni plus, ni moins. Certains passages se révèlent un peu « borderline » (la fin de l’intro de « Wrong », le début foiré de « End up like you ») mais l’énergie déployée est tellement sincère que ces « broutilles » ne remettent pas en cause le talent d’exécution d’un groupe pas forcément habitué à ces sessions sur le fil. Quoi, je ne suis pas objectif ? Et alors ? On sait ce qui se passera par la suite. Non renouvelé par Epitah Europe après Escape, le groupe ouvrira deux parenthèses reggae/dub, signera chez Yelen/ Sony et montera sa propre structure pour être encore bien actif aujourd’hui. Alors ce disque live (le seul de sa riche discographie), qui pourrait sembler insignifiant et sans intérêt en 2017, est au contraire une trace intéressante pour toute une génération de fans et pour les amateurs de punk rock en général. Car le parcours des Burning, parfois semé d’embûches et de (quelques) désillusions, est surtout celui d’un groupe majeur d’une scène punk rock qui n’a jamais cessé d’exister et de (sur) vivre, tout simplement. ✎ Gui de Champi www.w-fenec.org
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BURNING HEADS ©Jean-Michel Baudry
Date de sortie : 28/11/2016 Nationalité : FR Styles : ROCK ELECTRO NEW WAVE
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
47
ALBUMS
Date de sortie : 10/04/2017 Nationalité : FR Styles : ROCK EXPÉRIMENTAL / NOISE
Date de sortie : 30/06/2017 Nationalité : FR Styles : ELECTRO HTTP://URLZ.FR/5JOZ
F.A.T.
AWKWARD MOTIONS (ATYPEEK MUSIC) À l’image de l’artwork, voilà un album dans lequel il est bien dur de garder la tête hors de l’eau. Dense, abstrait, parfois hip-hop, parfois EBM, souvent dark, ce premier album de Kai Reznik se ressent plus qu’il ne s’écoute. Certains d’entre vous auront un sentiment de Déjà-Vu à l’écoute de l’introductif “The Awkward Groovy X Tension”. Et pour cause ! Ce titre figurait en bonne place sur une le Volume V des compilations d’un fantastique webzine dont je tairai le nom ici. Cet abstract hip-hop fonctionne diaboliquement bien, qu’il soit instrumental ou accompagnés de guests vocaux (M.A.D. sur deux titres, Francesca Lago, Nomik The Third ou Sasha Andrès), il nous procure des images mentales urbaines ou désertiques selon l’envie & la psyché de chacun. Rappelant les œuvres d’Abstrackt Keal Agram ou des premiers M83 (“Intimate Love” notamment), l’album trouve un équilibre parfait entre les nappes synthétiques & les beats au cordeau, donnant parfois au tout un côté shoegaze électronique & magnétique. Disque parfait pour vos escapades entre chien et loup, la tension toujours palpable à différents niveaux d’intensité (le percutant “You Killed Me First”) nous tient véritablement tout au long de l’album. Une plongée dans un monde pas très rassurant il faut bien l’avouer, à l’image de “L.A.S.T.” où Sasha Andrès donne l’impression de parler avec La Bête, mais dont on ne veut pas sortir presque malgré nous avant la fin des quarante-cinq minutes. Sans doute éprouvant pour les âmes sensibles, une belle réussite, à tout point de vue. S’il fallait lui donner un mauvais point, mais cela n’a rien à voir avec l’œuvre en soi, je trouve que c’est un peu dommage qu’un tel album ne puisse résonner que par le biais d’un ordinateur, il n’est pas prévu de support physique pour cet Awkward Motions. ✎ X_Lok www.xsilence.net
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ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
ANIMAL (L’ÉTOURNEUR / POUTRAGE RECORDS / GED / BECOQ / ATYPEEK MUSIC)
Comme l’Animal de F.A.T. est court sur pattes, on a pu l’écouter de nombreuses fois, l’expression « ce n’est pas la taille qui compte » prenant alors tout son sens. Il n’est pas si gras qu’il le laisse entendre, mais pourrait bien devenir grand. Ce trio, partie majoritaire du groupe Eliogabal, comprend Thomas Coquelet, bassiste pour Chaman Chômeur également, Paul Ménard à la guitare et Pierre Pasquis à la batterie. L’idée maîtresse est que chaque membre compose un album, une sorte d’aventure autour de la composition personnelle rendue plurielle par la manière de la jouer. Coquelet est l’auteur du premier volet. Son rock expérimental a les épaules solides pour délivrer des riffs simples mais efficaces, tournés vers la dissonance ordonnée et la métrique calculée. Les structures sont à l’avenant, créant la surprise à chaque tournant. On passe allégrement de la fureur à la douceur et vice versa. L’atmosphère de ces vingt profondes minutes acides de musique instrumentale laisse un goût d’encore et aurait mérité quelques minutes supplémentaires, pour nourrir l’animal qui sommeille en chaque auditeur. Ce premier volet annonce cependant de bien belles choses à venir, avec encore plus de gras, espérons-le.
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✎ Aleksandr Lézy www.chromatique.net F.A.T. ©DR
KAI REZNIK
HTTP://URLZ.FR/5JO2
ALBUMS
HTTP://URLZ.FR/5JN3
EUROP EUROP SONGS FROM THE HEART
Date de sortie : 24/02/2017 Durée : 40:20 min Nationalité : US Styles : ALTERNATIVE ROCK / HARD ROCK HTTP://URLZ.FR/5HYZ
CRYSTAL FAIRY
(ENFANT TERRIBLE)
Parler de musique post-industrielle pour Europ Europ serait réducteur et pas totalement exact. Bien sûr, les Norvégiens ont su tirer des leçons de Throbbing Gristle et des expérimentations qui ont suivi : minimalisme neurasthénique, bourdonnements vibrants, électronique granuleuse et mantras bruitistes, manipulation de cassettes, instruments traditionnels détournés, évocations de rituels magiques… L’introductif « Black Pain » rentre d’ailleurs en écho avec le titre « Weeping » que l’on trouvait sur l’album DOA : une lente litanie vocale et douloureuse, où toute l’ambiance naît de la répétition lancinante des motifs. Avec leurs vingt années d’existence, Europ Europ ont cela dit réussi à créer un univers propre, définitivement beau et onirique, lo-fi et terriblement cérémonieux, s’appuyant sur l’utilisation de l’orgue et d’un nouvel instrument dans leur répertoire : la harpe. Le rendu est incroyable, totalement hors du temps. Les spirales de notes acoustiques se mêlent aux boîtes à rythmes vintage pour un trip totalement hypnotique et lunaire (« Desert Moon Over me »), parfois spectral et inquiétant, avec des voix samplées qui conversent dans un langage indéchiffrable (« Basement Floodage »). Avec la touche analogique, les machines donnent vie à des formes et des êtres. L’imagination est en éveil. Acoustique et électronique élaborent une forme étrange et inédite, un art de transe tellement attirant et immersif qu’il en devient dangereux. Après avoir égrainé confidentiellement de nombreux titres sur des compilations, singles, Eps ou Lps essentiellement sur les labels Etch Wear et Enfant Terrible, le trio d’Oslo mérite d’être vraiment (re-) découvert tant leur musique dégage une puissance qui peut autant en appeler aux amateurs de postrock, de doom, de drone que de ritual ambient (« Black Snow »).
Date de sortie : 21/05/2017 Durée : 41:23 min Nationalité : FR Styles : GROOVE MÉTAL EXPÉRIMENTAL HTTP://URLZ.FR/5ITM
GRAUSS BOUTIQUE
CRYSTAL FAIRY (IPECAC RECORDINGS)
GRAUSS BOUTIQUE
Crystal Fairy est un supergroupe composé de Teri Gender Bender (Le Butcherettes), Omar RodríguezLópez (ex-Mars Volta, At the Drive-In) et de Buzz Osborne et Dale Crover (The Melvins). À la manière des Melvins, l’entrée est fracassante et s’amorce avec des instruments réglés sur le gras pour un son underground. Rapide, la musique évoque un punk sale et sans concession. Très rythmé, le « Drugs ont the bus » en est la parfaite illustration. Plus net dans le son, « Necklace of divorce » conserve le même esprit. Et puis, « Moth tongue » revient dans un style propre aux Melvins. Lourd mais sauvage, cela semble la ligne de conduite de Crystal Fairy. En quelques titres la formation sait convaincre à la hauteur de la qualité que l’on pouvait attendre des musiciens. Fenêtre ouverte sur Le Bucherettes : «Secret agent rat » est chanté dans la langue du groupe mexicain. « Bent teeth » se charge de changer d’univers en un clin d’œil. C’est l’heure de faire grincer les guitares jusqu’à presque couvrir la chanteuse. La tension s’entretient jusqu’au bout avec un naturel déconcertant. Les Melvins auront collaboré avec Nirvana ou encore Jello Biafra des Dead Kennedys sur des périodes assez importantes. Ces associations auront plus souvent à leur tour donné des fruits bien mûrs. Avec Crystal Fairy, les deux avant-gardistes d’Aberdeen ont encore visé juste. Ce supergroupe transcende les générations du rock sans perdre en pertinence. À la fin de cet album, une chose me trotte dans la tête : une autre, une autre !
Du metal fracasse, lourd en rouleau de batterie, en rythmique pesante mais léger, varié et lumineux en dérives mélodiques. Une facilité d’écoute qui s’explique également par la dimension purement instrumentale évitant toute tentation pour des excès vocaux. Grande démonstration de Grauss Boutique qui rappelle la magnifique fusion groove et rock opérée à la fin des années 80 par Infectious Groove et Rage Against The Machine. Du trash dissonant syncopé par des ruptures de rythme inattendues lançant et relançant des mécaniques de guitares-basses enrouées aux lignes heavy vintage (Echine of Doom). Le même charme désuet et classe se dégage d’Anthem et de Lazy Fingers, une funk grungy pétaradante. Cette profusion sans prétention, on agite la tête sans se la prendre, appréciant avec admiration les entrelacs math rock qui dispensent leur scintillement mais éclatent en splendeur sur Malbelaga Boutiko et Royal Welsh. Le titre d’ouverture, Safari Tanzanie, se situe dans cette veine puissante, cocasse et jungle, bondissant comme la virtuosité généreuse et débridée de Frank Zappa. On y retrouve son amour pour la multiplication des références hétéroclites, leur assemblage osé ainsi que sa distance humoristique désopilante. Quand on est un trio adepte du shred bruyant tout en étant capable d’intituler ses morceaux « petit jaune » ou « humeur toute folle », on s’inscrit consciemment ou inconsciemment dans la lignée du trublion de l’éclectisme musical.
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(A TANT RÊVER DU ROI / CHANMAX RECORDS / DIRTY8)
✎ Jonathan Allirand
✎ Julien www.w-fenec.org
CRYSTAL FAIRY ©DR
Date de sortie : 2017 Nationalité : NL Styles : EXPÉRIMENTAL POST-INDUSTRIEL
✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
49
ALBUMS
Date de sortie : 10/04/2017 Nationalité : FR Styles : ELECTRO INDUS EBM / INDUSTRIAL
Date de sortie : 23/06/2017 Nationalité : US Styles : ELECTRO BODY MUSIC
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Date de sortie : 2017 Nationalité : DE Styles : MUSIQUE CONTEMPORAINE
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HORSKH
HIGH-FUNCTIONING FLESH
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IRMLER / OESTERHELT
GATE (AUDIOTRAUMA)
CULTURE CUT (DAIS RECORDS)
DIE GESÄNGE DES MALDOROR (KLANGBAD)
Quand le radar annonce une nouvelle sortie en provenance de Besançon, nos oreilles sont souvent plus attentives… Quand les deux protagonistes du projet sont déjà connus de nos services pour ceux rendus à d’autres groupes (Briou chez Black Code, Bastien chez Jack And The Bearded Fishermen), on essaye de rester calme mais à l’écoute de ce premier véritable album de Horskh (leur EP Dawn même rallongé avec des remixes ne faisant pas un album), difficile de rester impassible. Electro dansant (dans les années 80/90, on disait EBM et on pensait à Front 242 ou Skinny Puppy) croisant le fer avec des saturations et une puissance métallique, ce Gate est un recueil de bombes industrielles comme on n’en fait plus beaucoup. Quand le duo laisse respirer ses titres et que Bass scande ses textes, l’ombre d’un Alec Empire (Atari Teenage Riot) se dessine (« Engaged and confused », « Trigger ») mais dans l’ensemble, c’est la partie électro qui domine cet opus avec des samples et des boucles qui viennent danser avec la batterie pour nous éparpiller sur la piste. Intermittents des spectacles depuis 2009, merci donc à Audiotrauma (nÄo, Sonic Area, Chrysalide…) de les héberger et de leur donner de l’élan en propageant leurs ondes. ✎ Oli www.w-fenec.org
Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas écouté de l’Electronic Body Music. Genre très codé qui connut son heure de gloire au milieu des années 80, il faut dire qu’on ne pensait pas en réentendre en 2017. Pourtant, le duo de Los Angeles High-Functioning Flesh composé de Susan Subtract et Gregory Vand a décidé qu’il n’y avait pas meilleure musique pour faire vibrer le dance-floor, et il faut bien dire qu’ils n’ont pas vraiment tort. Rythmiques rectilignes et martiales, chant agressif évoquant autant Portion Control que Skinny Puppy ou Nitzer Ebb, synthés et samples créant des ambiances urbaines post-apocalyptiques quelque part entre le funk froid du Cabaret Voltaire de la période 83-87 et le Ministry de Twitch, les influences sont affirmées et la production impeccable et précise. En effet, ce troisième album, qui fait suite à A Unity of Miseries - A Misery of Unities (DKA, 2014) et Definite Structures (Dais, 2015), a bénéficié à la fois de l’acquisition de nouveaux synthés vintage (Roland, Oberheim…) et de la finalisation du home studio du groupe où ils ont pu prendre le temps de peaufiner chaque aspect de la production et du mixage, avec de nombreux samples qui nous renvoient à la grande époque de la New Beat ou même aux précurseurs de Front 242 (“Invoking Phantoms”). Marqué par la mort de proches à l’hiver 2016, ce disque se révèle aussi leur plus personnel, toujours marqué par des visions très sombres (“Suffered Collapse”, “Provoke the Wound”). La répétitivité des boîtes à rythmes et du chant est d’une efficacité imparable, notamment sur le tourbillonnant “Drawn Out”. Après, l’originalité n’est pas le but de High-Functioning Flesh mais plus l’hommage à un son qu’ils se sont incroyablement bien approprié. Portion Control et consorts peuvent se reposer tranquillement, la relève est assurée.
L’adaptation du livre de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, par Hans Joachim Irmler (Faust) et Carl Friedrich Oesterhelt en compagnie de la fanfare de la ville de Scheer et d’un orchestre à cordes, est tout simplement à couper le souffle. Le parti pris de mélanger diverses influences, entre expérimentations subtiles et instruments traditionnels, le tout avec des influences surréalistes et dadaïstes, nous plonge dans une machine à remonter le temps pris dans de turbulences chaotiques. Die Gesänge des Maldoror résonne fortement avec notre monde en déliquescence, où futur chaque jour plus incertain, violence quotidienne et dérèglement climatique, forment notre quotidien. Irmler et Oesterhelt ont su traduire magistralement la noirceur du recueil de poésie, en livrer une version musicale qui véhicule l’acharnement et toute sa noirceur onirique, œuvre contemporaine faisant le lien entre le passé, le présent et le futur, comme un unique tenant dont l’Homme ne semble pas prendre conscience pour évoluer. À l’image de l’œuvre de Lautréamont, les titres se succèdent et changent de direction, accumulant les émotions et les sensations, tourbillons de la vie noyées dans la viscéralité et l’intellectualité, trou noir absorbant le début et la fin des temps. Vital.
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✎ Roland Torres www.silenceandsound.me IRMLER / OESTERHELT ©Manuel Wagner
HORSKH ©DR
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✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
51
ALBUMS
Date de sortie : 04/11/2016 Durée : 39:40 min Nationalité : US Styles : GOTH POST-HARDCORE
Date de sortie : 16/01/2017 Durée : 21:27 min Nationalité : FR Styles : ÉTHÉRÉ EXPÉRIMENTAL
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DEATH VALLEY HIGH
Date de sortie : 07/07/2017 Durée : 1H 21 min Nationalité : US Styles : ROCK GRUNGE
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LYNHOOD
MELVINS
CVLT [AS FVK] (MINUS HEAD RECORDS)
SEPTEMBRE (ATYPEEK MUSIC / REAFFØRESTS /)
A WALK WITH LOVE & DEATH (IPECAC)
Le précédent opus de Death Valley High dépoussiérait avec pas mal de savoir faire et d’inspiration un néométal dont il faut bien l’avouer, plus personne ne voulait ou pensait entendre parler (imagine le Songs for the deaf des Queens Of The Stone Age repris par Orgy et tu auras une idée de ce que peut rendre le groupe !). Toujours emmené par Reyka Osburn (Tinfeld, Ghostride, Will Haven) la formule des Californiens n’a pas changé depuis Positive euth mais s’est quelque peu radicalisée au profit de compos plus indus qu’hybride (Doom-pop c’est comme ça qu’ils qualifient leur musique…), la présence d’Ulrich Wild (White Zombie, Prong, Deftones, Static-X…) à la production n’y est certainement pas étrangère ! D’emblée « Sunshine cleaners » vient nous pilonner et annonce la couleur du skeud : rythmiques martiales, riffs tranchants, loops et beats électro, ça gueule, ça scande et ça chante… Reyka is back! Des titres de cette trempe, l’album n’en manque pas : « Groei donker (Grow dark) » l’un des meilleurs morceaux, « Tiptoe thru the 2 crypts » et « Ick switch » très Marilyn Manson période Antichrist superstar, « Merci (FVKT) », « Psalm bitch » et ses touches électros très Skinny Puppy / Oghr participent eux aussi au rendu industriel de l’ensemble, cependant « Warm bodies », « Play dead », « The bad book » et « Flowers for Amy Deville » moins typés viendront rappeller davantage le travail fait sur Positive euth. Les membres de Sacramento livrent un album plus dense, moins varié (pas de titres instrumentaux ni atmosphériques comme « A little light conversation » ou « Not if I see you first »), CVLT [AS FVK] comme Doom, in full bloom il y a 6 ans est plus cohérent musicalement mais elle éclipse la versatilité du groupe que l’on avait découvert avec The similarities of the loveless and the undead et qui faisait leur singularité. Les compos sont de qualité et l’ensemble très efficace sans parler des performances vocales de Reyka à nous mettre la banane après avoir appuyé sur Play!
Projet solo de la grenobloise Chloé Della Valle, Lynhood propose avec Septembre un quatre titres impeccable, envoûtant, mystérieux et éthéré. La voix, pure et délicate, quelque part entre Carla Dal Forno, Paper Dollhouse et des réminiscences du label 4AD (This Mortal Coil, His Name is Alive, Piano Magic) et du projet Vicious Circle/View, surnage des ambiances sonores graves et inquiétantes, construites autour d’une basse jouée à l’archet, de drones crépusculaires et de boucles obsédantes. Du contraste entre la douceur du chant et le caractère granuleux et obscur des expérimentations musicales naît une émotion qui transporte loin (“Tree”). Le tellurique et le céleste se mêlent. La lourdeur des guitares confrontée aux incantations enfantines faussement innocentes peut même rappeler la dimension mystique de quelques-uns des derniers titres de Father Murphy (“White Emperor”), jusqu’à toucher à une sorte de grâce médiévale (“The Master”) ou folk (“Qualm”). Insufflant tout un tas d’images à l’esprit, Septembre est surtout la découverte d’un univers addictif, personnel, utilisant avec maîtrise le clair-obscur. À signaler que Chloé a également fondé son label [reafforests].
A Walk With Love & Death n’est pas du tout un concept album à la mords-moi-le-nœud, C’est deux projets totalement à l’opposé l’un de l’autre. Mais vraiment à l’opposé. Mais c’est bien connu, les opposés s’attirent… Death, le premier disque, sonne comme un album classique des Melvins. Enfin, classique… J’me comprends. Dès “Black Health”, on sait où on est. C’est lent, une rythmique presque bancale vient accompagner la voix de Buzz tout au long du titre de plus de six minutes qui pose une ambiance glauque, un peu flippante il faut bien le dire. Plus ça va plus on s’enfonce dans une espèce de doom irrespirable (le suffocant “Flaming Creature”) avec quelques remontées vers la surface (“What’s Wrong With You”), mais ce premier disque ressemble bien à une irrémédiable descente vers le fond, typiquement le genre de disque avec lequel vous aurez peur de votre propre ombre. Mais ce n’est que la première moitié ! Vous pensiez pouvoir souffler un peu, retrouver un rythme cardiaque normal ? Ben c’est mal barré les copains. Love est la bande originale d’un court-métrage de Jesse Nieminen. Le film n’a pas encore de date de sortie, mais quand on voit le trailer* de l’album illustré avec des images du film, on se dit que finalement, on n’était pas si mal avec Death. Un peu plus de quarante-trois minutes d’un grand n’importe quoi. Un mélange de dialogue sous couvert d’ambiance on ne peut plus macabre, de sons qui vont qui viennent, qui reviennent en pleine gueule surtout. “On n’est pas bien là ?” Ben justement pas vraiment non, on serait mieux n’importe où qu’ici. Mais ce second disque exerce une sorte de fascination, impossible de se défaire de cet univers une sorte de musique étrange, psychobilly avec des plages sonores indescriptibles, et du noise plus que malaisant. “Queen Powder Party” & “Street Level St Paul” ne vous laisseront pas indemne, mais ce n’est que la partie immergée de l’iceberg ! Ce n’est pas un grand trip, c’est plutôt un grand flip que nous offre là Dale Crover & ses compères.
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✎ Stéphan www.w-fenec.org
52
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
LYNHOOD ©Chloé Della Valle
✎ Maxime Lachaud
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✎ X_Lok www.xsilence.net
THURSTON MOORE ©DR
ALBUMS
Date de sortie : 17/03/2017 Durée : 1H 16 min Nationalité : UK Styles : SYNTHPOP NEW WAVE HTTP://URLZ.FR/5IWE
DEPECHE MODE SPIRIT - (COLUMBIA RECORDS) Poids lourds, survivants et joyaux des années 80 qui ont su raccrocher brillamment les wagons de leur synthpop au train du temps. Sur presque 40 ans de carrière, qui peut admettre n’avoir jamais été animé par la voix de crooner charismatique de Dave Gahan, par la guitare de Martin L. Gore et bien sûr, les synthés de Gore et d’Andrew Fletcher ? Une brassée de super tubes qui ont façonné les eighties comme les eighties les ont façonnés, en intégrant ce son de métal froid de la new wave, cette mélancolie post rock britannique nuancée par la joyeuse simplicité de la pop. Mais si Depeche Mode a su convaincre presque quatre générations d’auditeurs, ce n’est pas que grâce à leur sens du hit. En effet, son engagement joue un rôle majeur dans sa pérennité et achève de le placer, avec Spirit, dernier album en date, au rang des formations les plus influentes. Dès la première track, Going Backwards et ses lyrics éloquentes : « Armed with new technology/Going backwards/To a caveman mentality » lancent la charge. Un assaut contre l’indifférence (Scum) et contre le retour de flamme de l’ignorance (The Worst Crime). Tout comme l’indique le titre, l’album est parcouru par cet esprit d’inquiétude et de colère envers la situation politique, sociale et économique qui caractérise notre ère. En réponse à ce marasme, Depeche Mode livre une prestation de très bonne qualité, étonnamment lumineuse au vu des thèmes traités. Les rythmes varient entre rock revendicateur et ballades bluesy venimeuses (Poison Heart, Poorman, No more). Les mixs de fin d’album prolongent le plaisir d’écoute.
Date de sortie : 28/94/2017 Durée : 42:56 min Nationalité : US Styles : ALTERNATIVE ROCK / INDIE ROCK HTTP://URLZ.FR/5IWH
THURSTON MOORE ROCK’N’ROLL CONSCIOUSNESS (ECSTATIC PEACE!)
DEPECHE MODE ©Anton Corbijn
✎ Jonathan Allirand
Membre fondateur de Sonic Youth, Thurston Moore a été également le chanteur/guitariste de la formation New Yorkaise. Trente années d’aventure ont fait du groupe une des figures de proue du rock alternatif. En 2011, avec dix-huit albums studio dans la boîte, Sonic Youth annonce sa séparation. Thurston Moore avait parallèlement commencé une carrière solo mais il choisit de monter sur pattes un nouveau projet : Chelsea Light Moving. En 2014, il reprend pied dans sa carrière solo avec la sortie de The best day. On retrouve sur cet album : James Sedwards à la guitare, Debbie Googe (My Bloody Valentine) à la basse et Steve Shelley (Sonic Youth) à la batterie. Trois années plus tard, la même bande remet le couvert avec Rock n roll consciousness. La pochette de l’album représente un portrait de Thurston Moore pris dans un mélange rouge, jaune et orange. Au menu, six titres s’alignent pour une durée totale de près de 45 minutes. Si « Exalted » et « Turn on » plafonnent à plus de 10 minutes chacune, les autres morceaux ne sont pas davantage taillés pour la radio. L’album démarre, le son est posé et répétitif : le batteur et le guitariste se répondent en toute simplicité. Une belle mélodie sort ensuite de la guitare de Thurston Moore puis une autre. Un voyage sonore s’impose et l’absence de voix permet d’ajuster à sa juste valeur toute la dimension instrumentale. Perturbation en ap-
proche, la guitare grince et se distord pendant que le batteur frappe lentement mais sûrement. Le rythme s’accélère et le chant fait surface après huit minutes de musique. Il est serein, planant et se pose à merveille sur les sonorités made in Sonic Youth que Moore a gardé pour ses compositions. Quand « Cusp » rentre dans la danse, l’intensité continue d’augmenter. Le chanteur lui garde la même posture poussant un peu du pied le rebelle qu’il était. Si dans sa jeunesse une perceuse faisait l’affaire pour hurler dans les enregistrements, Thurston Moore propose avec ce titre un rock propre sans tomber dans ce qu’il a de plus classique. « Turn on » qui vient ensuite est changeante. Elle possède en elle des passages excellents pour celui qui aime « triper » les yeux fermés et les oreilles ouvertes. Sans prévenir, Steve Shelley impose un rythme bien au dessus et Thurston Moore suit son vieux compère dans l’agitation sans se retourner. L’ancien chanteur de Sonic Youth pose ensuite un solo propre plus destiné à faire voyager qu’à balancer la sauce d’un coup. Pour faire la rupture, le groupe rend une musique bruitiste avant de terminer plus calmement. « Smoke of dreams » est en fait une transition parfaite avec une intention à nouveau planante. « Aphrodite » veut enfin rendre hommage à la déesse de l’amour, de la beauté, du plaisir et de la procréation. Pour autant, le morceau possède son lot de distorsions et de grincements de guitare. C’est un peu la signature du musicien. Avec The best day, Thurston Moore avait retrouvé une formation équilibrée. Rock n roll consciousness n’est pas loin d’être un album concept avec des titres longs et peu fournis en textes. Associé au producteur Paul Epworth (Adele, Paul McCartney, U2…), le musicien dépose dans les bacs un enregistrement propice au voyage plein de maturité. Le tout sans se compromettre car ne vieillissant pas, Thurston Moore fait toujours hurler les guitares…
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✎ Julien www.w-fenec.org
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
53
Date de sortie : 05/05/2017 Durée : 41:05 min Nationalité : US Styles : POST-HARDCORE
AT THE DRIVE-IN ©DR
ALBUMS
Date de sortie : 10/03/2017 Nationalité : DE Styles : HARDCORE PUNK / MATHCORE NOISY
HTTP://URLZ.FR/5IXE
AT THE DRIVE-IN
HTTP://URLZ.FR/5JP0
HYENAS
*/t5&3 "t-*t" (RISE RECORDS)
DEADWEIGHTS (PELAGIC RECORDS)
Reprenant la plume plus de seize ans après un Relationship of Command devenu quintessentiel dans le post-hardcore, c’est au tour d’At the DriveIn de faire tête à la démesure des attentes nées de leur dernier album. Malgré les années séparant *OtUFS BtMJtB de son prédecesseur, c’est avec une vivacité étonnante qu’Omar et sa bande reprennent leurs fonctions sur ce quatrième album. D’entrée de jeu le groupe s’embrase, visiblement ranimé par la même énergie d’antan sur ‘No Wolf like the Present’ et ‘Continuum’. Ca groove, ca flambe et ca ne laisse aucun doute possible; c’est bien At de Drive-In à qui nous avons affaire. C’est un album explosif et accrocheur dans la suite logique et directe de Relationship of Command que délivre le groupe, fidèle quoi qu’un brin retenu dans ses prises de risques pour des musiciens de la trempe d’Omar Rodríguez et Cedric Bixler. Ceci dit, on néanmoins éprouve un certain plaisir à écouter ce nouvel opus, notamment ses titres phares comme ‘Call Broken Arrow’ ou l’excellent single ‘Incurably Innocent’. Puissante et maîtrisée, la voix versatile et flamboyante de Cedric trahit toute trace du temps passé, ce dernier criant et s’élevant dans les hauts registres avec grande aisance sur les refrains et mélodies accrocheurs dont regorge l’album. On note cependant quelques leads approximatifs venant d’Omar, rendus d’autant plus apparents par la production. En effet, *OtUFS BtMJtB souffre regrettablement d’un mixage inégal, parsemé de maladresses qui portent préjudice à la qualité d’écoute de certaines compositions comme ‘Hostage Stamps’, single au riff entêtant souffrant d’une voix surcompressée et surmixée. Ceci dit, une deuxième ou une troisième écoute de l’album permet de passer par-delà ces quelques problèmes de forme et apprécier le fond à sa juste valeur. A défaut d’être triomphal, ce retour d’At the Drive-In relance la carrière du groupe sur de bonnes bases malgré ses défauts de production frustrants et ses légers égarements.
Complètement inconnus au bataillon avant de parvenir jusqu’à la rédaction (et pour cause ils n’avaient alors qu’une seule petite démo autoproduite – parue en 2014 – au compteur…), les Allemands de Hyenas n’en constituent pas moins l’une des (très) grosses sensations de ce printemps 2017 en matière de hard corrosif et démonte la gueule. On pense alors à un crossover Converge vs Refused infusé au bon vieux Dillinger Escape Plan des familles, en passant par un peu de Norma Jean assaisonné d’une grosse louche d’Every Time I Die, de Poison The Well et autres The Chariot. En clair, on a du lourd dans le background des musiciens dont les titres expulsent leurs riffs à la volée pendant que l’aboyeur en chef assure le show niveau charisme hardcore. Avec toujours en arrière-plan pourtant omniprésent, ce côté millimétré et cette précision math-metal orientée noise aux accents furieusement punk (« Crossbearer », « Self-Adjusting ») qui fait la griffe de bûcheron du groupe. On valide forcément d’autant que les morceaux s’enchaînent à un rythme plutôt effréné, et que – de l’efficace « Homeostasis » à un « Smooth talkers » qui accélère soudainement la cadence, en passant par un titre plus rock’n’roll au milieu (« Verminious ») – Hyenas fait à peu près ce qu’il veut et ne déçoit jamais. Tout en insufflant suffisamment de diversité stylistique à ce ‘Deadweights’ et en incorporant quelques changements de rythmes particulièrement bienvenus (le ténébreux mais plus apaisé « Displaced », la furie de « Live // Live »), les Hyenas livrent ici un album à la maturité détonante, toujours habité par une passion des plus fougueuses et une envie d’en découdre qui ne se dément jamais. Promettant ainsi une sérieuse dérouillée live, le groupe allemand s’offre un dernier tour de piste avec le onzième et ultime titre de son opus avec « Nothing », noir et intense, histoire de parachever comme il se doit cette première œuvre d’un groupe qui a déjà tout compris. Classe (foudroyante).
✎ Robin Ono 54
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
I
✎ Aurelio www.scoreav.com
ALBUMS
Date de sortie : 31/10/2016 Durée : 42:50 min Nationalité : FR Styles : AVANTGARDE ROCK JAZZ
Date de sortie : 2017 Nationalité : BE Styles : EXPÉRIMENTAL ÉLECTRONIQUE/MINIMAL
Date de sortie : 01/06/2017 Nationalité : IT Styles : COLD WAVE SHOEGAZE / DARK POP
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ALFIE RYNER - WHAT’S WRONG?
PSEUDO CODE
(ATYPEEK MUSIC / LES PRODUCTIONS DU VENDREDI)
SCHONWALD
A SOUNDTRACK FROM THE UNDERGROUND (EE TAPES)
Qu’est-ce qui ne va pas ? Tout va bien ou du moins, tout semble aller dans le meilleur des mondes pour Alfie Ryner. Ce quatrième album suivant de près Brain Surgery sorti une année numérique avant, démontre une détermination sans faille. On avance quelles que soient les difficultés rencontrées et ça n’a pas vraiment l’air de perturber son équilibre. Avec Alfie Ryner, on est à la croisée des chemins entre rock et jazz. L’alchimie entre acoustique et électrique est quasiment parfaite, les proportions harmonieuses dans tous les choix opérés, et c’est probablement la raison pour laquelle ça coule de source. L’auditeur se laisse transporter dans un scénario où rien n’est couru d’avance et où tout peut arriver au dernier moment. Alfie Ryner noircit le trait encore plus sur ce nouvel album, les ambiances peuvent être réellement intenses et anxiogènes comme sur le splendide « 3 Gin Tonics Please » et sa déclamation en japonais. Petit clin d’œil à Tool dans le morceau éponyme, à Nine Inch Nails dans « Some Black » avec cette particularité ultra-intéressante d’être toujours fondu dans ce jazz de cinéma noir et torturé. La voix de Paco Serrano Pozo se fait plus discrète mais toujours aussi efficace et pertinente, comme dans « I am a Mountain » où Alfie Ryner se veut encore et encore dans l’exubérance et l’impertinence sonores. Alors oui, tout va bien pour Alfie Ryner, même si… Mais ce What’s Wrong? est encore une fois une réussite assez incontestable, qui va peut-être plus directement au but. Trombone, saxophone et machines se marient habilement avec cette guitare électrique assoiffée de distorsion. Et au final, on en redemande.
I
ALFIE RYNER ©DR
✎ Aleksandr Lézy www.chromatique.net
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Formation culte s’il en est, Pseudo Code bénéficie depuis quelques années d’un travail de réédition assez monumental de tout ce que le trio belge a produit pendant sa courte existence (1979-1982). Après Slaughter in a Tiny Place (Sub Rosa, 2010), With Helpful Hands (Plinkity Plonk, 2012), The Radio’s On (EE Tapes, 2014) ou la réédition d’Europa (Sub Rosa, 2013) et de Remains to be heard vol. 1 & 2 (EE Tapes, 2015), c’est à présent les différents titres sortis sur des compilations qui bénéficient d’un travail de remastering et qui sont rassemblés sur ce double vinyle avec CD. On y retrouve tout ce qui fait le charme du groupe : des ambiances lancinantes et hypnotiques, la voix à la fois touchante et bien typée post-punk de Xavier S., les boîtes à rythmes cheap et répétitives, les synthés et l’électronique en mode free, et toute une instrumentation traitée avec tout un tas d’effets. Contemporains de Cabaret Voltaire, Tuxedomoon ou Throbbing Gristle, Pseudo Code peut parfois évoquer ces autres formations mais sans la noirceur, et avec un esprit plus délirant et névrotique. Chaque pièce musicale est une progression narrative qui tire sa force de schémas minimalistes où chaque nouveau son apporte son lot d’images et où la voix mène l’émotion. Certains morceaux peuvent même atteindre une densité bruitiste qui ne déplaira pas aux amateurs de free noise ou de musique industrielle de la première heure (“Help!!”). D’autres plantent des atmosphères recueillies et synthétiques, comme le fascinant “Le Gange” qui tout au long de ses vingt minutes établit un décorum digne des incantations de Nico. Le terme de soundtrack se justifie encore avec un titre comme “Tiny Delirium”, trip expressionniste mené par un chant incontrôlable et ivre. Bien hallucinées, les pièces rassemblées créent un univers de psychédélisme malade revisité par l’électronique lo-fi du début des années 80. Une imagerie fantastique et cauchemardesque en ressort (“Forget all those Monsters”, “Sphynx”) comme une véritable musique psychologique. Puissante et addictive.
NIGHT IDYLL (MANIC DEPRESSION) Un peu de rêverie et de douceur bien planante à présent mais toujours avec les pieds bien postés sur le dance-floor en compagnie du duo italien Schonwald qui publie son quatrième album chez les Français de Manic Depression. Dans la lignée de The Soft Moon ou The KVB, Alessandra Gismondi (voix, basse) et Luca Bandini (guitare, synthétiseurs, boîte à rythmes) font le pont entre la cold wave des années 80 et le shoegaze des années 90, explorant la veine la plus éthérée des deux genres, notamment avec le chant féminin réverbéré. On pense bien sûr aux Cocteau Twins de par cette dimension aérienne et atmosphérique soutenue par la pulsation des boîtes à rythmes. Parfois un côté goth très réussi vient apporter plus de mélancolie (“Sleepy Destiny”, sûrement le meilleur titre du disque, ou “Oceans” et son chant de sirènes qui rappelle tant Mephisto Walz) à ce monde brumeux et céleste. Toujours mélodiques, les dix pièces sonores accrochent, du minimalisme dansant d’ “A Secret” au tube instantané (“Love Collides”) ou presque orienté club (“Iridium”). Après Amplified Nature (2008), Dream for the Fall (2014) et Between Parallel Lights (2015), le projet a trouvé un format efficace, simple et qui fonctionne, des pop songs soutenues par des lignes de basse imparables, une voix qui flotte, des synthés et guitares qui se chargent du climat général porté sur l’onirisme et les beats qui, eux, avancent toujours, imperturbables. Une recette qui marche, souvent hypnotique mais qui peut aussi parfois tomber dans la monotonie, en raison de la ressemblance trop forte entre certains morceaux. ✎ Maxime Lachaud SCHONWALD ©DR
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✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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VINyl - CD - DIGItAl
www.lesDIsquesDuhANGAR221.woRDPRess.Com
soRtIe le 15 sePtemBRe 2017
www.AtyPeeKmusIC.Com
ALBUMS
Date de sortie : 31/03/2017 Durée : 1H 18 min Nationalité : US Styles : EXPERIMENTAL METAL / POST-ROCK
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I
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LADY LESHURR
ULVER
MODE - EP (RCA RECORDS)
THE ASSASSINATION OF JULIUS CAESAR (HOUSE OF MYTHOLOGY)
S’anoblir n’est pas s’assagir, ce qui va comme un gant (de velours déchiré !) à Lady Leshurr. Elle porte, pour tout habit de parade, un larynx à résonances dédoublées. Les mots rappés semblent y séjourner comme ils en fusent : pliés dans l’organe, déliés sur la langue et éjectés en trombe. Sa propension à laisser sa verve s’emparer de l’espace musical fait de son EP, Mode, un six titres blindés à craquer de lyrics débordantes. En cohérence avec le travail de loops vocales, Lady Leshurr donne l’impression de se tenir un dialogue et laisse la parole rebondir sur tous les murs invisibles que les beats construisent : « open up my mind it will open like an umbrella ». Elles s’en emparent avec le même sens esthétique qu’aurait un grapheur sur son support urbain. Les murs comme les pulsations restent inflexibles mais elle en modifie l’apparente stabilité en y injectant son flow jusqu’à implosion de toute matière solide. Juice est un exemple édifiant de son inaltérable bagou couronnant l’un des beats les plus mémorables de l’EP. Les titres comme F my Ex ou Trust Nobody la rapproche moins de la dance de Dizzee Rascal que de l’eskibeat de Wiley, sous-catégorie du grime proche du hip hop. Il y a quelque chose de fondamental dans sa manière de poser son flow, héritage d’une référence emblématique telle que Missy Elliott. Un hip hop de haute volée qui n’abandonne pas tout à l’électronique et ménage de véritables moments de recherche musical comme sur Y R U Lying dans laquelle s’opère une mémorable rencontre entre le ragga et une mélodie tendant vers le classique. ✎ Jonathan Allirand LADY LESHURR ©DR
ISIS - LIVE VII 02.25.10 (IPECAC REC.) Ne vous réjouissez pas trop vite, il ne s’agit pas là d’une reformation du groupe Isis, mais d’un live sorti cette année sur le label de Mike Patton, Ipecac Recordings, enregistré lors de leur tournée d’adieu en 2010. Isis n’est plus, mais comme chacun sait les déesses ne meurent jamais. Souvent comparés à leurs aînés Neurosis et Godflesh, Isis a su bâtir sa propre identité, et jouit aujourd’hui d’une réputation sans faille dans un milieu où les nouveaux arrivants peinent à se frayer une place notable. Ce n’est donc pas sans une certaine nostalgie qu’on parle de ce groupe qui a fait le choix d’arrêter d’en découdre. Qu’on se le dise un split n’est jamais plaisant, mais parfois nécessaire, un choix qui aura peut-être permis d’éviter l’album de trop. Ce live n’en est pas moins exaltant, d’une part par sa qualité d’enregistrement et de mixage, de l’autre pour la tracklist qui propose un condensé du meilleur de leur discographie, et pour finir de l’incroyable performance d’Aaron Turner et de ses comparses. L’album Wavering Radiant est mis à l’honneur en toute logique puisqu’il s’agit de leur dernier effort enregistré en studio. 5 de ses 7 titres y sont joués. Du haut de ses 10 Minutes, « Threshold of Transformation » nous propulse dans l’univers complexe de la musique d’Isis, le fracas alterne avec des phases bien plus mélodieuses et apaisantes. Les hurlements/aboiements d’Aaron sous des montagnes de guitares compressent vos méninges, le génie du groupe s’y déploie à 100 %, le temps s’arrête sur un final majestueux qui repose enfin nos neurones médusés. Aaron chante bien, très bien même, on regrette même qu’il ne ménage pas ses cordes vocales plus souvent. La pièce maîtresse de ce Live VII, est sans conteste, une version à rallonge de « Celestial », l’occasion pour le groupe de sortir de sa zone de confort et d’offrir au public un rappel hors norme de pas moins d’un quart d’heure. Je propose de laisser le soin à Mike Patton de conclure : « Isis (the band) are back with LIVE VII. A great reminder of one of my favorite all time bands on top of their game. This is a REAL live record. They were one of those bands that really delivered live and expanded what they accomplished in the studio. » Je n’aurais pas dit mieux.
Date de sortie : 04/04/2017 Durée : 43 min Nationalité : no Styles : POP/TRIP-HOP NEW WAVE
Date de sortie : 27/04/2017 Durée : 19:22 min Nationalité : UK Styles : HIP HOP/GRIME
Fuyant encore et toujours le joug de la catégorisation, le troupeau de loups norvégien ne cessera a priori jamais de nous surprendre. Après le black metal, le trip-hop, le rock psychédélique et le post-rock (pour ne citer que quelques exemples), Ulver s’attaque cette fois-ci à la pop typée eighties avec un album rythmé par les batteries samplées et lignes de synthé de la trempe de New Order, Talk Talk et Depeche Mode. Vous l’aurez deviné, ce treizième album montre un groupe appliqué à déjouer les amalgames réducteurs à l’égard de la pop, portant le genre à son paroxysme artistique tout en rendant hommage à ses plus nobles représentants. À l’instar d’un certain Kubrick, le groupe s’approprie, détourne les codes du genre avec des compositions qui mélangent modernité et sensibilité Romantique, y ajoutant une dimension mythique. ‘Rolling Stone’ et ‘So Falls the World’ montrent la dextérité du groupe à manier et mêler des syntaxes musicales expérimentales avec les codes de la dance music. Parmi les sections les plus surprenantes de l’album on notera les breaks instrumentaux portés par les rythmes dansants ou encore ‘Transverberation’, titre le plus ‘pop’ de l’album. La voix de Kristoffer Rygg, mise en avant sur l’album, se montre un peu réservée par instances mais nous offre également certains des moments forts de l’album (notamment sur ’’Angelus Novus”). Avec son mélange de sonorités transcendant les époques, le groupe parvient à nous plonger dans son univers nocturne et à tisser une ambiance mélancolique qui n’est pas sans rappeler l’air Néo-Noir Jazzy de Perdition City. The Assassination of Julius Caesar est un album concis à considérer de préférence dans sa globalité, certains titres comme ‘Southern Gothic’ ne trouvant leur sens que dans un contexte plus large. De par la maîtrise de leurs compositions dans un énième style, Ulver prouve de nouveau et de plus belle qu’aucun genre n’échappe à leur génie en nous livrant pas moins d’un chef-d’œuvre.
✎ JR www.exitmusik.fr
✎ Robin Ono ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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ALBUMS
Date de sortie : 31/10/2016 Nationalité : UK Styles : DOOM EXPERIMENTAL ROCK NOISE / PSYCHEDELIC
Date de sortie : 01/01/2017 Durée : 31 min Nationalité : GR Style : MATHCORE HTTP://URLZ.FR/5IZL
BLAME KANDINSKY De sa nature déstructurée et dissonante, le Mathcore compte parmi les styles nécessitant la plus stricte intransigeance. Par delà la dextérité exigée de ses musiciens, la qualité de l’écriture, la production ainsi que leur capacité à maintenir la cohérence d’une prose de semblance chaotique tranchent sans concession sur la qualité d’un album dans le genre. Pour l’essentiel, ce premier album du quintet Athénien se démarque assez bien de ses homologues avec une exécution solide épaulée par une production solide, sèche mais concise. Des leads sinueux et tranchants au jeu rythmique qui contrebalance impulsions saccadées Dillinger-esques et grooves bourrins et hystériques à la Every Time I Die, le groupe ouvre le bal sur un cocktail de titres survitaminés aux saveurs familières avant d’introduire des touches de variation. Blame Kandinsky laisse transparaître quelques accents sludge sur les titres et sections aux tempos et rythmiques plus modérées, notamment ‘Brenda’ et ‘Goya’s Polaroid’. Malgré ses riffs solides et une bonne exécution, Spotting Elegance in Chaos souffre d’un certain manque de cohésion par moments. Certains riffs et cadences se jouxtent de manière un peu décousue, notamment lorsque les titres reprennent après des instances d’accalmie comme sur ‘Motivation’ et ‘Hope’. On regrettera ces quelques soucis de raccords auquel s’ajoute le chant féminin qui vient perturber un album sinon impeccable dans ses performances. Ceci étant dit, le quintet Grec s’en sort plus qu’honorablement pour la majeure partie de l’album. Bien qu’étant encore un peu trop transparent sur ses influences, Spotting Elegance in Chaos ne demeure pas moins un album jouissif et bien rythmé qui convainc à coup de crochets droits bien placés. En attendant un aboutissement de leur son sur leurs prochaines sorties, ce nouvel opus de Blame Kandinsky témoigne un potentiel fort qui interpèlera les amateurs du genre dès la première écoute. ✎ Robin Ono
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ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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TERMINAL CHEESECAKE
SPOTTING ELEGANCE IN CHAOS (CANNONBALL REC.)
Date de sortie : 15/08/2017 Durée : 56:35 min Nationalité : FR Styles : AVANT-GARDE DANCE ELECTRONIC
CHEESE BRAIN FONDUE: LIVE IN MARSEILLE (ARTIFICIAL HEAD RECORDS / ATYPEEK MUSIC)
Groupe de vétérans londoniens formé en 1988 et réactivé en 2013, Terminal Cheesecake qui a fait paraître sur Artificial Head Records (Vinyl) et Atypeek Music (Digital), un premier album depuis 1994 et c’est un album en spectacle, « Cheese Brain Fondue: Live In Marseille », qui mêle vieux succès comme « Johnny Town-Mouse », « Bladdersack », « Blow Hound » et des nouvelles compositions qui font partie de leur nouveau palmarès. Si vous avez trippé sur le vieux stock de Butthole Surfers, vous devriez être bien servi.
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ALLISTER SINCLAIR MICROSOFT ERROR PICTURE SHOW (LINGE RECORDS / ATYPEEK MUSIC)
Les trois Turinois, dont Stefano des Movie Star Junkies, enfoncent leur clou rouillé avec un savant mix de garage blues minimal et de folk punk velvetienne. Quatre compos de choix sur ce mini LP avec les déchirades de fuzz de Massimo Scocca, le beat ravageur de Maria et une fantastique cover du non moins génial « Hologram » des Urinals. Bisou.
Allister Sinclair, c’est le mec qui m’a montré son logiciel Pure Data, il paraît qu’il faisait beaucoup de musique et d’install’ avec. Moi j’avais trouvé ça fou et gratuit, et puis j’ai abandonné. Lui, il a geeké des années entières dessus et il a construit sa propre interface à son image ! Ce qui est génial et qu’il est difficile de trouver dans d’autres logiciels, c’est l’accès à des modulateurs de hasard, des LFO aléatoires assignés à tout plein de paramètres, et puis au final, ça devient un élément central de sa musique, la gestion du chaos pour créer une symphonie électronique, débile profonde, fun, classe et ultra efficace, avec un côté ambivalent entre le fat et le nasal. Certains connaissent beaucoup son œuvre Midiocre, première grosse consécration de son travail, une borne de Karaoké aux partitions MIDI qui piochent automatiquement, à chaque morceau, et au hasard, dans une banque de samples géante. La borne est reliée à un cubi de vin, dédié au public, pour qu’il sirote son vin en écoutant les frasques de la machine sur son morceau préféré, et plus le niveau de vin descend dans le cubi, plus les paramètres de hasard et d’erreur de la machine (rythme, hauteur de note) se voient déréglés. Avec l’échéance d’une première date de concert en vue en mai 2016 pour le festival synthétique et délicat, Allister compose 5 ou 6 morceaux puissants, euphoriques et malins, qui nous retournent tous. Allister avait vraiment réussi le pari, c’est-à-dire de créer des morceaux expérimentaux, mais organisés et régulés par un beat binaire en 4/4, tout en gardant des sons hyper intéressants et surprenants (pas seulement des synthés et de la techno), avec une richesse de texture et une variété de sons et de timbres continuelle. Même si les morceaux étaient inachevés et pas encore très aboutis, c’était peut-être les meilleures versions : on avait l’impression d’assister à leur création, leurs démos, leur essence. Voilà, après une moins d’une année passée à les triturer, les réarranger, après de nombreuses prises de tests sur les bugs et optimisation de l’interface, des exports sur l’éditeur audio Audacity copié / collés, l’album est là.
✎ www.digitfanzine.chez.com
✎ Lühje
✎ www.ondeschocs.com
Date de sortie : 21/04/2017 Nationalité : FR Styles : PUNK ROCK GARAGE HTTP://URLZ.FR/5JHH
LAME CITIES (BEAST RECORDS / CASBAH RECORDS) Je ne sais pas si je suis le plus à même de chroniquer ce nouveau mini LP de Lame, Cities (coprod. avec Casbah)… Pour tout vous dire, j’y ai mis plus qu’un doigt et en plus ce sont de bons potes… Peut-être que ceci explique cela, d’ailleurs, bref… Ce cinq titres fait suite à leur album de 2016 chez Alien Snatch et un split avec Big Mountain County sur Annibale…
Date de sortie : 14/04/2017 Durée : 55:21 min Nationalité : UK Styles : ELECTRONIC, EXPÉRIMENTAL HTTP://URLZ.FR/5JR5
ACTRESS - AZD (NINJA TUNE) Darren J. Cunningham alias Actress s’est forgé une réputation d’artiste complexe à l’univers difficile d’accès, de par ses propositions biscornues et intransigeantes. Avec son nouvel album AZD, il semble être presque rentré dans le rang, quittant l’espace qu’il s’était confectionné pour plonger sa musique dans un dancefloor avant-gardiste aux boucles moins abstraites et aux mélodies surgies d’un futur déjà bien présent chez nombre d’autres artistes aujourd’hui. Plus mélodique que tout ce qu’il a proposé jusqu’à présent, AZD continue de jouer sur les contrastes, parsemé de brouillages sonores et de loops prenant le temps de se décliner en comptines entêtantes. Actress n’est pas sans évoquer un sculpteur de matière sonore, confectionnant et assemblant chaque bribe pour offrir une sculpture musicale auréolée de science-fiction et de rétro-futurisme, de culture urbaine et de plongée circulaire dans un demain déjà bien présent. Un album en forme de renouveau. Très fortement conseillé.
GHOSTPOET DARK DAYS + CANAPÉS (PIAS) Plus que jamais Obaro Ejimiwe aka Ghostpoet délivre avec Dark Days + Canapés, un album emprunt de lumière rasante et d’histoires humaines au bord du gouffre, de volonté évaporée et de fêlures, d’obscurité et de d’espoir. Depuis ses débuts, celui qui a été nommé deux fois au Mercury Prize, continue son activité de chanteur à la prose poétique, délaissant la complexité électronique de ses débuts pour sonner de manière nettement plus accessible que par le passé, mélangeant pop arty et trip hop, qui n’est pas sans rappeler certaines œuvres de Tricky ou de Massive Attack, avec qui il a collaboré par le passé. Ghostpoet capte l’essence de notre monde en ébullition pour en offrir un album pris entre les remous et les perturbations, ses instants de beauté et de confusion, appuyé par des compositions fluides à l’instrumentation subtile et ouvragée sur lesquelles navigue sa voix grave aux mots directs et engagés. Superbe.
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✎ Roland Torres www.silenceandsound.me
AMANDA PALMER ©AFP shoot - kyoto - by Kambriel
ALBUMS
Date de sortie : 05/05/2017 Nationalité : US Styles : ELECTRONIQUE EXPÉRIMENTAL HTTP://URLZ.FR/5JU0
AMANDA PALMER & E. KA SPEL I CAN SPIN A RAINBOW (8FT RECORDS) La relation d’amour entre Amanda Palmer et Edward Ka-Spel ne date pas d’hier. À quinze ans, le petit ami d’Amanda lui fait découvrir The Maria Dimension et d’emblée c’est le coup de foudre. Elle enregistre la dizaine d’albums que son ami possède sur cassettes et les Legendary Pink Dots deviennent son groupe fétiche au lycée. À 19 ans, alors qu’ils se produisent à Boston, elle convainc sa mère de leur offrir le gîte. Plus tard, elle les accompagnera en Allemagne pour tenir le stand de merchandising. En 2006, alors que les Dresden Dolls étaient très connus en Allemagne, elle prendra les Legendary Pink Dots pour faire la première partie. C’est là que germe l’idée de faire un disque ensemble avec le leader, Edward Ka Spel. Mais le projet mettra dix ans à se concrétiser. Cette attente en valait la peine. Les voix et intonations se mêlent, s’interpénètrent et se révèlent incroyablement proches, conférant une dimension d’étrangeté absolue à cet album, de loin ce qu’Amanda Palmer a fait de plus sombre à ce jour. Se partageant textes et musiques, les musiciens/paroliers ont privilégié des ambiances de comptine inquiétantes, définitivement gothiques, appuyées par le violon inimitable de Patrick Q Paganini, les notes délicates de piano et les synthés typés soundtracks horrifiques. C’est la grande époque des Legendary Pink Dots qui est convoquée ici, celle du milieu des années 80 qui avait donné naissance aux brillants Asylum (1985) et Any Day Now (1987). Marqué par les nombreux tourments personnels, le disque dégage à la fois quelque chose de poignant, presque funeste, mais aussi deux âmes en osmose absolue. Proche d’une fête triste ou de l’évocation d’un carnaval abandonné, il se dégage une spectralité et une irréalité de l’ensemble, avec un travail incroyable sur les textures sonores. Poétique des premières notes jusqu’aux deux titres finaux instrumentaux totalement hantés, I can spin a Rainbow est un voyage fait d’émotions (le bouleversant “The Shock of Kontakt”) et d’angoisses, un condensé d’histoires proche du recueil de nouvelles, un croisement entre néoclassique, cabaret et avant-garde enveloppant, homogène et réussi où chacun donne le meilleur de soi. ✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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VINyl - DIGItAl
ALBUMS
Date de sortie : 14/07/2017 Durée : 52:17 min Nationalité : US Styles : ELECTRO EXPERIMENTAL
Date de sortie : 26/05/2017 Durée : 24 min Nationalité : EN Styles : POST-PUNK ROCK GOTHIQUE
Date de sortie : 01/09/2017 Nationalité : UK Styles : POST-ROCK INSTRUMENTAL INDIE HTTP://URLZ.FR/5JOS
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ALAN VEGA - IT (FADER RECORDS)
MOGWAI
Alan Vega fait partie des artistes cultes qui auront profondément marqué la musique, que ce soit aux cotés de Martin Rev, son acolyte au sein de la turbulente formation Suicide, ou à travers ses albums solos, bousculant et repoussant les limites des genres, faisant imploser le rock sous les assauts de synthés indus, posant les bases du punk et de la techno, inventant un langage qui lui est propre et source d’inspiration pour les générations futures. Quasiment un an après sa mort, son album posthume IT voit le jour, dernier effort sur lequel il aura travaillé sans relâche pendant 6 ans, se nourrissant de ses sorties nocturnes, enregistrant les bruits de la nuit et écrivant sur l’état de décomposition du monde.Alan Vega revient à ses premières amours, faites de bruit et de fureur, de mots scandés et de be bop déjanté, de guitares distordues en boucles et de matières piochées et retravaillées, offrant à l’ensemble une vision assez dark de notre quotidien, sur lequel l’Homme ne semble plus avoir d’influence ou d’emprise, emporté par des dérives politiques, économiques et écologiques vouées à nous entrainer dans leur chute. IT est un constat cinglant sur la société qu’Alan Vega aura traversé, gardant tout du long un regard critique, cherchant à percevoir la lumière qui pourrait donner de l’espoir et qu’il n’a finalement jamais trouvé, nourrissant sa créativité et tenant en éveil sa plume acérée. Un album où expérimentations et rock indus se percutent, laissant à travers ses sillons, les dernières pistes d’un Géant qui continuera encore longtemps à nous hanter.
KASPAR HAUSER
EVERY COUNTRY’S SUN (ROCK ACTION RECORDS)
KASPAR HAUSER (BOX RECORDS)
Quelques écoutes (nécessaires) du disque dans son intégralité auront raison des derniers doutes. Oui Every Country’s Sun replace Mogwai là où il se situe le mieux : tout en haut de la pyramide post-rock.
Réédité en piqure de rappel avant la sortie de leur premier album, le premier EP de ce trio glaswégien nous offre une introduction des plus honorables aux sonorités fantomatiques du groupe. C’est un son déconcertant que nous présente Kaspar Hauser, fermement enraciné par sa production lo-fi caverneuse, claustrophobe et ses résonances stridentes de guitares noyées de chorus. Animé par une esthétique post-punk, le chant torturé et voix graves contribuent à l’ambiance glaçante. De son ambiance lugubre et ses titres féraux mais engageants, Kaspar Hauser s’avère séduisant et prometteur en qualité mais nous laisse sur notre faim sur la quantité en attendant la suite. À suivre.
Mais ce disque ne s’apprivoise pas en un claquement de doigts, il s’explore et se livre petit à petit, faisant d’abord son timide, planqué derrière des nuages récalcitrants avant de percer et nous illuminer de chacun de ses rayons. L’attaque est trompeuse, tout paraît simple. « Coolverine » sonne comme du pur Mogwai intemporel, aucune révolution en vue mais une composition inspirée, maîtrisée et un voyage garanti où les synthés le disputent aux guitares et cohabitent à merveille. Que demande le peuple ? Puis vient l’incongruité de ce disque, « Party In The Dark ». Dans un registre pop (!) presque dansant (ouh le vilain mot), Mogwai s’éclate sur une rythmique post punk et Stuart Braithwaite se la donne au chant. L’exercice déroute mais ne déplaît pas. Après cela, les Écossais repartent dans des contrées plus familières en nous offrant quelques superbes plages atmosphériques avec des mélodies qui touchent au cœur, à dominance synthétique et/ou électronique (« Crossing The Road », « Aka 47 » tout en retenue downtempo, « 20 Size », « Don’t Believe The Fife » qui semble échappé d’Atomic).
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ALAN VEGA ©JORDI VIDALL/REDFERNS
✎ Roland Torres www.silenceandsound.me
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On pense alors que le groupe va tranquillement nous indiquer le chemin de la sortie en nous berçant religieusement et c’est là qu’il nous expédie à coups de pied au cul, renouant en fin d’album avec les grosses guitares saturées à mort et les déflagrations noisy d’antan (« Battered At A Scramble », « Old Poisons » et le morceau-titre en forme de conclusion épique magistrale). On n’avait rien vu venir et on l’a senti passer ! Dense et varié, ce disque ne fera peut-être pas tomber de la chaise les amateurs de longue date du groupe écossais, préférant chérir leurs vieux classiques, mais il les rassurera sur un point : le talent est toujours là et cette belle éclaircie laisse augurer un avenir radieux. Les héros ne meurent jamais.
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✎ JL www.exitmusik.fr
✎ Robin Ono
Date de sortie : 30/05/2017 Durée : 18:53 min Nationalité : FR Styles : MATH-ROCK POST-HARDCORE HTTP://URLZ.FR/5IX8
LYSISTRATA PALE BLUE SKIN (RICARD S.A LIVE MUSIC) Après un premier album modeste, le jeune power-trio de math rock Saintais refait ses présentations avec un nouvel EP au son requinqué par la production. Concis et efficace, Pale Blue Skin offre un condensé de compositions sophistiquées et pulsant de dynamisme. Sous un ton léger, Pale Blue Skin surprend et séduit à coups de grooves syncopés et de riffs électrisants ponctués de hululements mignons sur des titres accrocheurs comme ‘Pantalon Pantacourt’ ou encore ‘Pierre Feuille Ciseaux’. Outre un chant parfois approximatif, c’est un groupe au talent indubitable et à l’avenir prometteur que nous révèle cet EP ; un groupe à surveiller de près. ✎ Robin Ono
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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BIG BOI BOOMIVERSE (EPIC)
sur ‘BooMiVErsE’, Big Boi sE confronTE à sEs liMiTEs Selon les statistiques officielles, BOOMIVERSE est le troisième album solo de Big Boi. Techniquement parlant, on devrait aussi considérer un disque du cinquième projet d’Outkast, Speakerboxxx, en tant que tel. Mais trêve d’affaires de comptabilité. La moitié la plus active du duo mythique parvient-elle toujours à faire vivre la magie concrétisée sur son excellent premier opus Sir Lucious Left Foot ? Après un EP collaboratif Big Grams avec Phantogram peu convainquant, on étudie à la loupe le pouvoir d’attraction de ce nouvel objet circulaire créé par la moitié des Outkast. 62
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
Date de sortie : 16/06/2017 Durée : 00:45:28 Nationalité : US Styles : RAP
Après deux piges chez Def Jam, Big Boi a pris la ferme décision de retourner chez sa première major, Sony. Via la filiale Epic plus précisément, et ce pour une excellente raison : suivre Antonio L.A. Reid, l’homme qui a découvert, signé et permis aux Outkast de percer brillamment avec leur classique Southernplayalisticadillacmuzik en 1994 chez LaFace Records - et de connaître leur fantastique carrière pendant plus d’une incontournable décennie.
BOOMIVERSE tient son nom du studio de notre légende urbaine, la fameuse Boom Boom Room dans laquelle il a conçu Speakerboxxx. Et qui d’autre de mieux que le narrateur emblématique de la Dungeon Family, j’ai nommé Big Rube, pour introniser cet album sur l’outro de sa “Da Next Day” : “We spit universes / Birthing worlds with words, from darkness came the Big Boomiverse.”
Que de chemin fait ensemble ! Reste à voir comment cela va perdurer vu que L.A. Reid a récemment démissionné de son poste de CEO à cause d’une sombre histoire d’agression sexuelle…
Sans transition, le sample japonais de “Kill Jill” retient notre attention jusqu’à ce que le vieil ami Killer Mike découpe tout sur son passage et que Big Boi finisse le travail, reste le refrain pour Jeezy.
Pendant que cette sale nouvelle faisait boum, Daddy Fat Sax sortait son nouvel album.
Celui qui a le vent en poupe avec les Run The Jewels a un impact significatif sur BOOMIVERSE
TradiTions sans Trahison
L’ALBUM DE SURL
Top 5
MORCEAUX DU MOMENT
By SURL, Bigger than hip-hop
BIG BOI © DR
en posant également sur le lancinant “Made Man”, ainsi que sur le douzième morceau “Follow Deez”, avec cette bonne idée d’inviter Kurupt tchatcher quelques mots sur “Made Man” et le pilote automatique Curren$y pour le hook du titre final produit par le revenant Mannie Fresh qui manie la trap à sa sauce. Cet opus contient son lot de tracks indispensables où l’expérience parle, en passant évidemment par “In The South”, avec les rimes bleues-violettes de Gucci Mane et un Pimp C ressuscité sur le refrain de cet hymne bluesy (co-produit par Cory Mo) qui fait la part belle au dialecte sudiste. Autre morceau d’intérêt général, “Order Of Operations” (avec du Scott Storch, amateurs réjouissez-vous) qui révèle les clefs du succès du General Patton. L’alchimie avec les Organized Noise est au rendez-vous (“Overthunk”, la tuerie “Kill Jill”) mais il leur manque cette étincelle de magie de la grande époque. La machine funk spatiale, indissociable de la musique du binôme Outkast, semble un peu grippée, pire, elle sonne creux sur “Get Wit It” avec son passage négligeable de Snoop Dogg. Les conditions ne sont pas tout à fait remplies pour recréer cette atmosphère parfois mystique propre à la Dungeon Family. Musicalement, on nage en univers connu, BOOMIVERSE se rapprochant de Sir Lucious Left Foot : Son of Chico Dusty. En moins innovant, ou inspiré.
unE galaxiE à l’Expansion liMiTéE Pas si “big” mais avec des bangers universels, incluant le single “Mic Jack” (co-produit par DJ Khalil et DJ Dahi) avec un Adam Levine facilement supportable - une prouesse. Plus dangereux
pour le dancefloor, la basse infectieuse de “Chocolate” risque de faire un malheur avec son haut potentiel chorégraphique. Puis à côté, des chansons qui n’apportent pas de réelle plus-value, telles que l’hybride pop “All Night” et sa ritournelle de piano bonne pour les fêtes d’anniversaires en famille. Et “Freakanomics” qui a vite fait d’agacer tandis que Sleepy Brown ne fait rien pour arranger les choses. Nos gars d’Atlanta nous ont habitué à bien mieux ! Reste une œuvre sympathique qui compte quelques beaux moments forts, au milieu d’autres bien plus anecdotiques. Fallait-il en espérer davantage ? Finalement, c’est du Big Boi tout craché, toujours original qu’il est, virtuose du Flow (avec un “f” majuscule), plaçant rimes et syllabes de ses lyrics perchés à des cadences surprenantes. En parlant d’originalité, “Overthunk” évoque toutes ces milliers de pensées qui travaillent nos esprits et font crépiter les neurones comme des étoiles au point de s’isoler avec sa conscience. La vérité apparaît alors : vraiment BOOMIVERSE ne manque pas d’idées… quand d’autres tombent à plat. Pour la première fois, et c’est quasi-gênant de le dire, Big Boi semble manquer d’un partenaire particulier - qui a dit Andre -, ce qui peut justifier la présence par trois fois de son vieil ami Killer Mike. D’ailleurs on parle d’un projet commun entre les deux bonshommes depuis un bon moment. Plus de dix ans après le dernier album des Outkast le film Idlewild et sa soundtrack qui n’a pas convaincu tout le monde - Big Boi semble avoir atteint les limites de sa galaxie.
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✎ Sagitarius www.surlmag.fr http://urlz.fr/5ATx
COMMENT LIRE UN QR CODE ? Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de la playlist.
LIL WAYNE X JEEZY FIREWORKS
Voici donc l’EP In Tune We Trust, doté de quatre morceaux qui devraient satisfaire les fans n’ayant pas quitté le navire. On retiendra en particulier ce “Fireworks” produit par Mike Will, sur lequel il recycle quelques lyrics de “We Be Steady Mobbin”, le temps d’un feu d’artifice amorcé par Jeezy.
TYGA X TY DOLLA $IGN MOVE TO L.A.
Les deux californiens nous servent ici une ballade romantique parfaitement calibrée pour l’été. Les jaloux vérifieront que leur conjointe ensorcelée ne soit pas en train de booker un aller simple pour L.A..
HAMZA GODZILLA
Produit par Ponko, qui est à l’origine de ses plus gros bangers, le morceau est hamzaesque à souhait : mi-trap, mi-dancehall, flow planant, de quoi ravir les auditeurs de la première heure.
ROY WOOD$ SAY LESS (FREESTYLE) Roy Wood$ prépare son deuxième album prévu pour cette année et qui s’intitulera « Say Less ». En attendant sa sortie, le chanteur sur Beats 1 a dévoilé le freestyle du même nom pendant l’épisode 47 d’OVO Sound Radio diffusé samedi dernier.
HD BEEN DOPE MIRROR
Le rookie qui n’en est plus vraiment un, HDBeenDope, nous offre une pépite estivale qui mériterait que tu prennes tes vacances plus tôt que prévu, façon député Insoumis du groove. Suave à souhait, on s’imagine déjà écouter ce track allongé sur un transat aux Seychelles.
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LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI ©Potemkine
ALBUMS
Date de sortie : 09/2017 Nationalité : JP Styles : SOUNDTRACK HTTP://URLZ.FR/5HXH
GEINOH YAMASHIROGUMI AKIRA: SYMPHONIC SUITE (MILAN MUSIC) Exemple d’une bande originale qui reste tout aussi culte que le film qu’elle accompagne, Akira: Symphonic Suite a marqué toute une génération de par son mélange de musiques orientales traditionnelles, de chants choraux étranges, de synthétiseurs atmosphériques et de techniques studio high-tech. Aussi importantes à ce classique du cinéma d’animation que pouvaient l’être les partitions de Popol Vuh pour Werner Herzog, ces pièces sonores apportaient une dimension très singulière à l’œuvre futuriste et violente du réalisateur Katsuhiro Otomo. Fait assez rare pour être remarqué, cette musique fut d’ailleurs créée avant que le film ne soit terminé. Geinoh Yamashirogumi est un collectif d’artistes actif depuis les années 1970, regroupant des centaines de personnes du Japon. Sous la direction du compositeur Yamashiro Shoji, Akira: Symphonic Suite témoigne de l’ambition de cette entité sans réel équivalent, précurseur de la world music à l’aide des nouvelles technologies. Très réputé au Japon, Geinoh Yamashirogumi s’est fait connaître en Europe par cette BO qui bénéficie dès ce 15 septembre d’une ressortie. Avec ses hymnes d’apocalypse grandioses jusqu’à un final époustouflant et funèbre qui se compose de deux plages qui équivalent à elles deux à presque une demi-heure (“Illusion”/”Requiem”), cette suite symphonique impressionne par sa richesse : chants bouddhistes, bourrasques de percussions et gamelans, instruments tibétains, guitares électriques, synthétiseurs glaçants, véritable orgue d’église, chorales, et surtout de purs moments de musique traditionnelle mêlés à cet ensemble de sonorités en fusion. Le rendu s’apparenterait aux architectures du film, à la fois grandiloquent, hautement dramatique. Shoji sublime ainsi un film sombre et chaotique en jouant sur les silences (“Winds over Neo-Tokyo”) et les explosions de rythmes (“Battle Against the Clown”), éveillant l’imagination de l’auditeur en lui proposant un univers sonore insolite qui fascine toujours autant trente ans après. On retiendra également l’envoûtant “Tetsuo” ou les chants rituels mystiques de “Shohmyoh”, un grand moment de transe. ✎ Maxime Lachaud 64
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
Date de sortie : 06/06/2017 Durée : 77 min Nationalité : UK Styles : SOUNDTRACK HTTP://URLZ.FR/5JMR
ROBERT WIENE /IN THE NURSERY
LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI (POTEMKINE)
VERSION RESTAURÉE DU FILM EN BLU-RAY/DVD INCLUS ÉGALEMENT LE DOCUMENTAIRE INÉDIT DE CALIGARI À HITLER (2015), CALIGARI OU L’INVENTION DU FILM D’HORREUR (2013), PRÉSENTATION DE PACÔME THIELLEMENT ET UNE BANDE-SON DE HOCHSCHULE
Œuvre-matrice, référence absolue de l’expressionnisme allemand et considérée comme un des premiers grands films d’épouvante, Le Cabinet du Dr Caligari (1920) a profondément marqué un siècle de cinéma, et avec cette version restaurée en 4K par la fondation Murnau, le film se redécouvre dans toute sa splendeur. Jamais film muet ne s’est donné à voir avec une telle beauté. On parlerait presque de renaissance. Ajoutez à cela la musique créée spécialement pour le film par In the Nursery en 1996, et vous obtenez un des plus troublants moments d’hallucination et de film-trip que l’on puisse rêver. En mêlant électronique spectrale, romantisme synthétique néoclassique et expérimentations sombres et oniriques, les jumeaux Humberstone avaient totalement compris les enjeux de ce film-cauchemar, histoire de fou racontée par un aliéné, largement inspirée par la littérature gothique du XIXe siècle et par les avant-gardes de son époque. Avec son vieux vinyle qui craque et sa fantasmagorie enivrante, la BO d’In the Nursery crée un monde parallèle et
hors du temps, qui colle parfaitement à cet éventail fascinant de couleurs, de décors peints, de rues qui zigzaguent et de structures obliques qui semblent toutes prêtes à s’effondrer. Une des intentions de l’expressionnisme était de rejeter le naturalisme pour trouver des formes nouvelles plus en accord avec la subjectivité de l’esprit. Ici, les sons de la fête foraine flottent comme en apesanteur. Tout devient instable, comme si nous assistions au film dans un état de demi-sommeil. Effet d’autant plus fascinant quant à l’histoire d’un somnambule manipulé par un hypnotiseur pour commettre des meurtres. Tout comme Cesare (joué par Conrad Veidt) qui nous regarde en gros plan pour nous impliquer dans le film, nous devenons lui, victimes manipulées, totalement immergées dans un réel distordu. Moderne dans ses différents niveaux de narration et de perception, fascinant dans son symbolisme et ses perspectives étranges, ce film d’angoisse psychologique avait capté avec une justesse incroyable les tourments d’une Allemagne tout juste sortie de la première guerre et prête à se laisser envoûter par une figure tyrannique. Le fantastique devient prémonitoire au sein d’un film tout simplement révolutionnaire. Musique, décors et objets se trouvent alors investis d’une dimension mentale. Le monde se déstructure, sort de ses gonds, et les envolées mélancoliques et glacées d’ITN maintiennent la tension jusqu’à faire exploser l’émotion par la juxtaposition de l’image et du son. L’artifice des maquillages et décors nous offre sa force d’évocation, et on plonge dans cet univers total dont on ne sort pas véritablement indemne. Une édition magistrale réalisée par les orfèvres de Potemkine (cf. Atypeek Mag #2) qui souligne la force, l’inventivité et le caractère inspirant de ce Cabinet du Dr Caligari, souvent imité jamais égalé. ✎ Maxime Lachaud
Date de sortie : 17/03/2017 Durée : 52:18 min Nationalité : FR Styles : ELECTRONIQUE SYNTHPOP / AMBIENT
Date de sortie : 07/10/2016 Durée : 32:45 min Nationalité : FR Styles : ALTERNATIVE & INDIE
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CLARA CLARA
SAMURAI (TIGER SUSHI)
BUGARACH (CLAPPING MUSIC)
Joakim livre son œuvre la plus personnelle à ce jour mais aussi la plus libre et la plus passionnante. S’inspirant à la fois des thèmes de l’exil, de la métamorphose, de la ville de New York et de la métaphore du samouraï, ce nouveau disque est à la fois un tout et une quête. Un tout, car le compositeur y a mis tout son savoirfaire, son amour des synthés old school et monophoniques, les influences qui l’ont marqué. Une quête, car derrière les aspects autobiographiques. Samurai s’apparenterait à un idéal que l’on cherche à atteindre, une résistance qui évoque la position de l’artiste dans le monde contemporain, un cheminement où le processus aurait plus de sens que l’aboutissement en lui-même. Le mélancolique “Hope/Patience”, suggère d’ailleurs les vertus de l’attente, ce que l’on cherche à atteindre sans jamais vraiment y parvenir comme une donnée métaphysique propre à l’humain. Cette dimension passe donc par une réinvention. Très ouvertes dans leurs formes, les treize chansons brillent de par leur éclectisme : electro-funk typé eighties (“Numb”), évocation de l’univers de Haruomi Hosono et du Yellow Magic Orchestra (“Samurai”), spirales d’arpèges synthétiques envoûtants et lumineux (“In the Beginning”), déambulations nocturnes et citadines teintées de kitsch (“Late Night New City”), hommage un brin hystérique aux films Bis italiens (“Cannibale Pastorale”), appropriation des codes new age (“Green Echo Mecha”), minimalisme et émotions à nu (“Time is Wrong”), symphonie inquiétante pour gongs et gamelans (“Jocho”), réminiscences kraftwerkiennes (“Not Because You’re Sad”)… On flotte ainsi d’une ambiance à l’autre, avec la présence soutenue du saxophone sur une bonne moitié des titres. Au bout du compte, tout ce qui intéresse l’artiste est rassemblé ici comme dans un patchwork teinté d’onirisme. En juxtaposant percussions tribales, pianos romantiques ou musiques d’ascenseur parmi des centaines d’autres sons, Joakim accouche d’un album incroyablement vivant, au son superbement spatialisé, peut-être pas parfait mais en quête pour le devenir, notamment au travers d’une réécriture de soi. Un pari courageux qui a la vertu de se bonifier à chaque écoute.
« Attends, tu ne connaissais pas Clara Clara ? » / « Non, vite fait, de nom » / « Mais c’est le groupe de François Virot ! » / « À tes souhaits ». Voici grosso modo les propos tenus par une amie lorsqu’elle m’a demandé mon album du moment l’hiver dernier. Pourtant, notre pote Rémiii, poète libertaire à ces heures perdues mais surtout sur le W-Fenec à l’époque, avait déjà écrit d’une manière dont il a le secret sur ce groupe passionnant.
✎ Maxime Lachaud 66
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
Leur dernier album Bugarach m’a rempli de joie à son écoute car j’aime les groupes qui se défient eux-mêmes. Des formations capables de créer une pop a priori des plus simplistes en façade mais qui, prise dans son ensemble avec toutes les subtilités afférentes aux structures, aux arrangements et aux détails, forme un tout intelligemment bien foutu et addictif. Le chant français de Charles est un bon exemple d’un album qui se dévoile peu à peu : potentiellement repoussant au début puis exquis une fois que l’enveloppe musicale prend forme à la mesure des écoutes. Autant à l’aise dans les chevauchées mélodiques (guitare et clavier) que dans la mesure et le chant (aussi en anglais), Clara Clara est comme sa pochette : plein de couleurs, vif, et nous cache bien des choses, comme ce Félix le chat tout rouge.
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✎ Ted www.w-fenec.org CLARA CLARA ©DR
JOAKIM
AL’TARBA © Oliv Photographer
ALBUMS
AL’TARBA ©DR
ALBUMS
Date de sortie : 03/03/2017 Durée : 47:25 min Nationalité : FR Styles : RAP
Date de sortie : 31/08/2017 Durée : 06:41 min Nationalité : FR Styles : HARDCORE FUSION
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AL’TARBA LA NUIT SE LÈVE (I.O.T. RECORDS / ATYPEEK MUSIC) « LEFT(L)OVER CITY 23 NOVEMBRE, 21H37… THE STORY BEGINS » est inscrit sur la 1re page intérieur du livret de la nuit se lève. Ainsi s’entame l’album concept d’Al’Tarba. Rappelez-moi qui aujourd’hui à l’audace de se donner du mal dans le but d’aboutir à un concept album bourré de référence comme sin city, Taxi Driver, Gotham ou encore Orange Mécanique ? À part Al’Tarba ? Personne… Et cet enfoiré de droog nous plonge direct dans ce genre de métropole en perdition. Quand tu pénètres dans cette ville c’est que tu cherches quelque chose, soit ce que tu as toujours souhaité, soit un rien, un néant parce que toi-même tu ne sais pas ce que tu es ni ce que tu cherches ou ce que tu fous dans ce bourbier de timbré qu’on appelle monde. Alors tu viens voir cette merde de plus près et en extirpes quelques restants de réponses à se mettre sous la dent. Cela me parait être la bio imaginable de notre antagoniste (que l’on aura l’honneur de suivre tout le long de l’écoute) présent sur la jaquette muni d’un cuir avec patch Orange Mécanique et d’une batte ficelé de barbelés. L’Univers s’impose et en dit long avec ses immeubles à la new yorkaise noyés dans la pénombre où la lune commence son service de parrain de la nuit. Celle-ci, bad ass et cartoonesque, rappelant celle du film culte Le Voyage Dans La Lune de Georges Méliès, s’agrippe vicieusement aux buildings. Cette pochette est une merveille cauchemardesque qui nous envoie direct dans cette imaginaire et très réaliste que nous ont concoctée Al’Tarba, Shalik et Virus. Ça confirme les dires lors de l’écoute : Welcome to fear city c’est le morceau qui défile dans l’auto radio d’ta caisse au moment où t’es aux abords d’cette putain d’métropole. « You’re a sick » une pure intro instaurant avec rapidité le paysage doté de basse de samples macabres baladés par un beat à base hip-hop, bien qu’il soit indescriptible il ne reste pas moins entraînant, dans le dessein de marcher sur le rythme des habitants de la crasse !
COSMIC WURST Le problème de ce type de city c’est qu’il vaut mieux se protéger et on va vite comprendre pourquoi. Mais en attendant on va se chercher un grigri porte-bonheur tel que Ripped eyes où la transe purificatrice d’un abstract hip-hop fait danser les âmes à travers le « son d’un œil déchiré » les samples rendent le truc purement spirituel. Ah ! No more fighting, c’est un hymne aux droogz du turfu d’la street, un tube qui pourrait rivaliser avec la trap d’aujourd’hui bien que son originalité et son obscurité ne peuvent la rendre comparable et sont au-delà de tout. Tout en restant dans la trap (si l’on veut) mais avec un son parfaitement fabriqué pour une scène de film (comme le démontre le clip) Infected streets bouffe ton cerveau dès le premier beat ! Les « living dead » réveillent l’angoisse et la violence urbaine. Si on peut parler de concept album ce n’est pas pour rien ! Les interludes en sont certainement la cause. Écrites par Virus du Gouffre, on suit comme convenu le droog nihiliste et misanthrope de la cover dans lesquelles on ne sait pourquoi il vadrouille. Ce qui est sur c’est qu’on voit vite le personnage par ses altercations avec : « un taco », un épicier, une pute et un videur. Les scènes elles-mêmes dessinées en format BD par le fameux Shalik complète le livret et te plonge encore plus dans ce décor fictif de déglingué d’la street nuptiale. Mais dans l’album se côtoie autant de titres ravageurs, obscures et conceptuels que fidèles au bon trip hop/hip-hop sonnant à la Wax Tailor. Starship loopers avec son fidèle compère au scratch dit Dj Nixon en est un parfait exemple et est de plus très efficace. Dans le même lot on retrouve Bonni Li sur She’s endorphine. Quitte à parler duo on peut en citer d’autres tel que : Guillotine ft Vic et On the prowl ft Steavie Raytan. Mais sans contexte nous oublierons d’émettre le nom de Virus qui signe de sa griffe (de la nuit) sur une instru melanco-fantomas d’Al’Tarba, le morceau éponyme de l’album. La nuit se lève c’est une pierre deux coups : le bon rap français y est représenté et des lyrics qui ferment très bien les portes de Left(l)over city laissant éveiller son état d’âme dans la nuit. ✎ Locust
CARLOS RODRIGUEZ IS BACK / DIRTY RIVER / NO REFUSE ( ATYPEEK MUSIC) Avec Cosmic Wurst, GI Love et autres Witches Valley, on touche le cœur de la scène hardcore parisienne. Celle de l’underground où se marie vitesse, intransigeance, humour et bidouillages électroniques en ce qui concerne Cosmic Wurst. Leur unique album regorge de guitares wah-wah, de rythmique expérimentale, de tempo dance et de punk rigolo. A n’en pas douter, le groupe phare de cette scène éphémère. Sortie à l’origine chez Autodafé et réédité digital en 2017 par Atypeek. ✎ www.rockmadeinfrance.com
Date de sortie : 30/11/2013 Durée : 17:05 min Nationalité : FR Styles : HARDCORE METAL NOISE HTTP://URLZ.FR/5JUC
TIME TO BURN B SIDES ( ATYPEEK MUSIC) Originaire de Clermont-Ferrand, Eddy et Julien migrent à Paris en 2000 pour une classique histoire de boulot. Une occupation bassement mercantile qui ne leur fait pas oublier leurs premières amours : la musique. Naturellement, ils remontent un groupe avec deux locaux de l’étape : Christophe (Basse) et Sébastien (Guit). Time to Burn est né. Le nouveau siècle aussi. Résultat : trois albums : Burn The Lie Down, Starting Point, Is.Land. Un vrai hardcore violent et ténébreux destinés aux amateurs de Cult of Luna, Overmars ou Neurosis. à noter que l’ensemble de leur discographie et un EP B Sides inédit a été réédité digitalement sur les plateformes numériques en 2015 par Atypeek Music. Une reformation est envisagée. ✎ www.rockmadeinfrance.com ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
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ALBUMS
Date de sortie : 19/05/2017 Nationalité : US Styles : NOISE ROCK EXPERIMENTAL JAZZ HTTP://URLZ.FR/5JOM
OXBOW
THIN BLACK DUKE (HYDRA HEAD INDUSTRIES) Déjà presque trente ans qu’Oxbow traîne ses guêtres dans le milieu de la musique underground. Nous sommes quelques-uns à nous souvenir de la sortie des explosifs Fuckfest ou King Of The Jews et de leurs accents typés America’s HxC. Sublimés par la sauvagerie d’Eugene S. Robinson, ces deux premiers opus laissaient pourtant présager de choses plus complexes, sortant des limites dans lesquelles nous les avions paresseusement trop tôt enfermés. On sentait bien alors que la férocité allait muter, qu’il en sortirait quelque chose d’indéfinissable parce que leurs morceaux bileux cachaient des trucs surprenants, fuyants et déviants qui appelaient forcément l’exploration future des chemins de traverse bien plus que des grands boulevards. On ne se trompait pas puisqu’au fur et à mesure des sorties, la rébellion punk et primale des débuts a laissé la place à une énergie plus cérébrale mais toujours aussi fiévreuse, faisant doucement entrer Oxbow dans la légende. Doucement, parce qu’avec sept galettes en trente ans, on peut dire qu’Oxbow prend son temps. Mais qu’importe, de notre côté, on ne s’en est jamais lassé. Après le phénoménal The Narcotic Story de 2007, place aujourd’hui donc à Thin Black Duke, un album absolument pas concept sur pas du tout David Bowie (enfin, si, concept sur le « Thin Black Duke » en question tout du moins). Un disque suintant la douleur et à la bestialité domptée. Un disque aux relents de sécrétions corporelles et d’hémoglobine. Un disque Janus où le moindre adoucissement mène au combat, où les coups dans la gueule se transforment en gros câlins. Un disque aussi dont les sonorités suspectes participent à l’édification de grands morceaux. Un putain de chef-d’œuvre. L’écoute de Thin Black Duke est une expérience quelque part entre la partie d’échecs contre Kasparov et le combat de free-fight. Difficile de ne pas faire d’association entre son contenu et la personnalité d’Eugene S. Robinson. Comme le bonhomme, la musique est à la fois nettement intellectuelle et complètement brutale… Un mélange dangereux. Alors, c’est vrai qu’il file vite mais voilà, les morceaux sont ahurissants. Basse fretless en avant, riffs biscornus à tous les étages, piano, sifflements, cordes vibrantes et pizzicatos, cuivres
divers et toujours la voix d’Eugene qui râle, qui crie, murmure, caresse, balance ses coups et feule. Une orchestration dense, riche et raffinée (Joe Chicarrelli à la production fait une nouvelle fois des merveilles) habille désormais leur blues personnel, toujours des plus singuliers. Oxbow suit de loin la voie de The Narcotic Story, celle d’un rock sombre et élégant qui n’en demeure pas moins infiniment fracturé. Chaleureux et accueillant tout autant que baroque, Cold & Well Lit Place plante immédiatement le décor et s’il rappelle évidemment l’album précédent, on voit bien vite que cette fois-ci encore, ça sera différent. Oxbow ose le rutilant, le très produit et pourtant, ça ne sonne jamais vulgaire. C’est au contraire très pur et très beau. Ecce Homo fait de même, ça feule, c’est disloqué mais les cordes apportent leurs strates à l’écorché et on reste complètement captivé. Les plaintes mi-susurrées mi-crachées qui habitent la voix se transmettent au cortex et on vibre avec elles. Juste après, A Gentleman’s Gentleman, derrière son ossature binaire et trop carrée, se révèle lui aussi complètement déviant. Vers la fin le piano s’échappe et en casse toute l’orthogonalité. Trois titres à peine qui laissent pantois et subjuguent fatalement. Le reste est à l’avenant. Letter Of Note, Host et surtout The Hupper, diamant brut parfaitement dosé aux arrangements exubérants, au texte magnifique et au parterre complètement sec. Idem avec Other People, son « It’s so cold in here It’s so cold in here it seems hot in here » résumant parfaitement la teneur du morceau et par extension, celle du disque tout entier. Thin Black Duke souffle le chaud et le froid, parfois à la même seconde et fait transparaître dans sa musique un nombre infini de nuances. Simple et complexe, très court mais très long eu égard aux échos qui peuplent la boîte crânienne bien longtemps après son achèvement, on sent bien que celui-là aussi va durer. Ce n’est pas The Finished Line qui démentira tout ce par quoi le disque nous a fait passer. Même mélange mystico-joyeux-triste très habité qui électrise l’épiderme, il termine Thin Black Duke de la plus belle des manières avec ses cuivres tour à tour majestueux et à l’agonie. Oxbow n’a jamais paru aussi domestiqué mais dans le même temps, la puissance perdure là où on ne l’attend pas. . Même quand il se met en tête d’étoffer son squelette, le groupe le fait avec l’énergie du désespoir. Jusque-là, Oxbow sentait la rue, le cloaque et plantait ses crocs dans la jugulaire urbaine, désormais, il opte pour un intérieur cosy avec fauteuil en velours et beau parquet. Qu’importe, là aussi, il reste cet animal aux aguets prêt à vous sauter à la gueule. Derrière l’apparent apaisement, les lames de fond électriques et sombres perdurent, la dangerosité aussi. Grand.
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Date de sortie : 14/07/2017 Nationalité : FR Styles : COLD WAVE POST-PUNK HTTP://URLZ.FR/5JLT
THE BONAPARTE’S
SHINY BATTLES (ROTORELIEF)
Retour en plein milieu des années 80 quand les grandes heures de la cold wave n’étaient pas encore mortes, bien que le succès commercial commence à faire virer les grandes figures vers un son plus pop. Dans ce contexte, une formation avec un nom fort singulier sort un premier mini album qui fit vite date : The Bonaparte’s avec Shiny Battles. Reprenant une peinture du XIXe siècle pour sa couverture comme le faisaient la plupart des groupes gothiques de l’époque (Christian Death, Fra Lippo Lippi…), le groupe développe une étrange fascination pour l’empereur français, mais à ne pas prendre au premier degré : le disque se termine par une reprise du délirant “They’re coming to take me away, ha-haaa!” de Napoleon XIV, de son vrai nom Jerry Samuels. Et c’est là aussi la force de ce trio qui eut une existence très brève (un second album verra le jour en 1986, …To the Isle of Dogs puis le groupe se dissoudra en 1987), un sens de l’humour teinté de psychédélisme, qui ne les cantonne pas à un son très codé. Bien sûr, dès le premier titre, le classique “The Battle of Iena”, on ne peut s’empêcher de penser à The Cure, Siouxsie & the Banshees. Il faut préciser l’excellente maîtrise des instruments, certains membres ayant fait leurs armes chez 23 Skidoo ou Baroque Bordello. Avec ses dissonances de sax, ses percus guerrières et guitares menaçantes, “Waterloo’s Front” instaure une tension plus palpable, avec un chant plus hargneux ou désabusé. “Shiny Light” revient, quant à lui, à une cold/gothique mélancolique, presque éthérée, moment d’accalmie avant la bourrasque “Women in Light”, peut-être le meilleur morceau des Bonaparte’s, son groove déstructuré et des incantations de sax qui offrent une dynamique incroyable de ce funk psychiatrique digne des meilleurs A Certain Ratio/23 Skidoo/Hula. Fourmillant d’idées et trouvant équilibre entre mélodies et ambiances, Shiny Battles est agrémenté de six versions alternatives et sera suivi de la réédition du second album, là encore avec des suppléments, mais aussi des titres d’un troisième opus enregistré avant le split du groupe. Un bon moyen de se replonger dans l’univers de ces figures injustement oubliées du post-punk hexagonal.
✎ Leoluce www.indierockmag.com
✎ Maxime Lachaud ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
69
ALBUMS
Date de sortie : 31/03/2017 Durée : X32 min Nationalité : US Styles : INDUSTRIEL NOISE / EXPERIMENTAL
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Date de sortie : 31/03/2017 Durée : 18:03 min Nationalité : FR Styles : POST-ROCK EXPÉRIMENTAL
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SLIME
PHARMAKON
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CONTROVERSIAL / LOONY (DAMAGED GOODS)
CONTACT (SACRED BONES RECORDS)
TUNGUSKA : LAST TRANSMISSION (ATYPEEK MUSIC)
Damaged Goods poursuit sa série de rééditions punks avec l’unique 45t de Slime, gang formé par Slimey Toad, un Johnny Moped en goguette, et trois potes prénommés Jock, paru à l’origine en 78. Du punk british millésimé, aguicheur et tendu sur « Controversial », gentiment déjanté pour « Loony », sur un vinyle vert translucide. (http://damagedgoods.co.uk)
Après l’excellent Bestial Burden de 2014, Margaret Chardiet revient ici avec un nouvel album présentant l’envers du thème de son prédécesseur. Passant du thème de la périssabilité du corps humain à sa transcendance, Contact voit l’artiste explorer et accentuer la dimension tribale de ses compositions férales et oppressantes. C’est une musique cauchemardesque que nous délivre une fois de plus Pharmakon ; malsaine mais terriblement engageante, dense de son atmosphère torturée mêlant l’animalité la plus crue de l’être humain avec la froideur des arrangements électroniques. Singulière et maîtrisée, on qualifierait presque de cyberpunk cet hybride esthétique qui règne sur le chaos ambiant des circuits électroniques et des sonorités métalliques. La jeune artiste se languit et hurle à se déchirer la voix dans certaines de ses performances les plus terrifiantes et féroces de sa carrière. L’intensité des cris et l’atmosphère suffocante des titres produit une réaction physique chez l’auditeur. L’artiste se lâche totalement à chaque instant, la physicalité de la performance nous renvoyant au thème central transparaissant son œuvre, à savoir le corps humain. Sous ses couleurs sombres et sanguinaires, Contact est un album marqué par sa thématique de transcendance de l’esprit par-delà le corps auquel il est fatalement rattaché. Les éléments percussifs sur ‘Transmission’ maintiennent une cadence répétitive et entraînante, comme une musique tribale destinée à mettre l’auditeur et l’artiste dans une transe. Ceci étant dit, l’aspect remarquable de l’artiste se remarque par son sens du rythme en l’absence de percussions, établi par l’usage rythmique de nappes de bruit et de boucles de samples ambiants. Contact est la manifestation de nos instincts primaux poussés jusqu’à leurs incarnations les plus bestiales, présentée sous la forme d’une œuvre puissante. Vouée d’une maîtrise et d’une symbiose entre corps et machines, Pharmakon incarne entièrement et brillamment le propos de son œuvre avec Contact.
De la brèche ouverte d’un monde brisé jaillit un dernier signal de vie. Intervention radiophonique entrecoupée de violoncelle et d’arpèges traînants donnant toute la mesure du vide. Du vide et du froid soulignés par les martèlements percussifs secs et irréguliers. Ils enveloppent la fin d’une ère civilisationnelle dans une gangue inconfortable, hérissée de pics. Le scénario catastrophe en quatre tableaux instrumentaux dépeints par Pù, dans son Tunguska-Last-Transmission, commence par la mise en scène tragique d’un deuil du monde. La linéarité des basses de la chanson éponyme et le ton solennel et grandiloquent de Radio Prologue font peser la menace dans toute sa lourdeur. Disturbances renforce la tension en la drapant de mystères. Ceux encore irrésolus de l’évènement de la Toungouska, en 1908, durant lequel la Sibérie centrale a été soufflée sur 20 kilomètres par ce qu’on a supposé être l’impact d’un objet cosmique. Plus généralement, les incertitudes autour de l’évènement choisi comme fil directeur de l’opus font état de la complexité et de la fragilité de la vérité. Pù en fait résonner les zones d’ombres dans les réverbérations étranges des instruments, échos d’une frappe insistante sur du métal froid. Mais voilà que soudain, les nappes de synthé réinventent le goût oublié de la douceur et, avec lui, celui de la nostalgie qui éblouit l’ultime oreille errante à l’écoute de Eastern Western. À travers cette mélodie épilogue, la vacillation des sens face à l’opacité des énigmes apparaît alors comme un rapport au monde empreint d’une beauté ineffaçable.
✎ www.digitfanzine.chez.com
Date de sortie : 15/07/2016 Nationalité : US Styles : PSYCHEDELIC HTTP://URLZ.FR/5JI1
WILLIAM S. BURROUGHS LET ME HANG YOU (KHANNIBALISM) Hein quoi ?! Burroughs l’écrivain beat sous influence, le roi du cut-up, prince de mandragore… Figurez-vous qu’il y a plus de vingt ans il était question de faire un disque avec sa voix récitant quelques passages du Festin Nu et de la musique derrière. Ce sont les producteurs Hal Willner et James Grauerholz qui s’occupèrent des sessions et recrutèrent entre autres Bill Frisell et Wayne Horvitz de Naked City et le violoniste Eyvind Kang (Mr Bungle, Blonde Redhead…). Mais tout cela tourna court et l’enregistrement dut être stoppé. En 2015 Hal Willner ressort les bandes et demande à King Khan (???) de lui filer un coup de main. Ce dernier convoque un aéropage de dégénérés dont les Australiens tic, M Lamar et complète les pistes déjà enregistrées. Il en résulte cet objet insolite, Let Me Hang You, transpercé par la voix si caractéristique de Burroughs… ✎ www.digitfanzine.chez.com 70
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
✎ Robin Ono
✎ Jonathan Allirand
PÙ ©DR
Date de sortie : 1978/2017 Nationalité : UK Styles : PUNK
ALBUMS
Date de sortie : 05/05/2017 Durée : 56:37 min Nationalité : AR Styles : EXPERIMENTAL ROCK LATIN
Date de sortie : 16/02/2017 Durée : 57:51 min Nationalité : FR Styles : NOISE ROCK POST-PUNK / SHOEGAZE
HTTP://URLZ.FR/5JOO
HTTP://URLZ.FR/5JOX
OWUN - 2.5 (ATYPEEK / REAFFØRESTS)
JUANA MOLINA - HALO (CRAMMED)
I
Découverte pour votre serviteur et dénicheur de pépites musicales, car P38punk n’a jamais vraiment dépassé ses frontières préférant la persévérance de leur combat dans l’underground et leur musique de rue qu’un contrat avec un substitut de Malcom Mc Laren. Après 25 années d’existence ils reviennent avec un ep/compile 6 titres, regroupant l’essentiel de leur carrière. Chanté dans la langue de « l’amour » collectif italien qui nous braille plutôt sur le sujet de la mort des nations (ou plus précisément en VO : La morte delle nazioni) antifasciste et politiquement engagé, leur punk rock reste simple mais n’a jamais changé de fusil d’épaule. Depuis 25 ans leurs lacets rouges n’ont pas eu le temps de prendre la poussière ! Cette compile est divisée en trois parties : deux covers, deux reboot et deux nouvelles créations.
Si Owun demeure encore aujourd’hui trop méconnu, ce même dans nos contrées, son histoire ne date pas vraiment d’hier. Et pour cause, fondé en 1992 du côté de Grenoble, alors remarqué sur la scène indie avec son mélange de noise teintée de hardcore et de new-wave. Le groupe n’est plus avant de furtivement revenir aux affaires courant 2007 avec les auteurs de l’album ‘Ostensible ?’ aux commandes pour se lancer dans un projet d’enregistrement qui donnera naissance à ‘Le Fantôme de Gustav’ qui sort finalement en 2011 et ne manque pas de se rappeler au bon souvenir de la scène indie/noise/new-wave avec un soupçon de shoegaze en sus. Car l’univers d’Owun a, au fil des années – ne ressemble plus tout à fait à ce qu’il était au départ. Il n’est donc pas étonnant que le groupe, prenant comme toujours son temps, ait pris la peine de confectionner dans son coin et ce, sur une période s’étendant de 2014 à 2017 un cinquième opus long format qui voit le jour par le biais du label indépendant local [reafførests] fondé par la jeune Chloée Della Valle (Lynhood…) et le distributeur digital pointu qu’est Atypeek Music, sous le titre ‘2,5’. Un disque, qui voit le temps de quelque neuf pistes audio ambitieuses, les membres d’Owun déployer un substrat indie-rock noisy, nappé de shoegaze aux accents post-punk et à la personnalité plutôt très affirmé (à l’image de l’excellent prédecesseur qu’était ‘Le Fantôme de Gustav’). L’œuvre est plutôt ambitieuse et surtout particulièrement racée, témoignant du talent indéniable de musiciens qui ont trouvé avec ‘2,5’ une seconde jeunesse et une dynamique qui donne tout son pouvoir de fascination à un album dopé à la noise musculeuse mais volubile et à la mixture new-wave/ shoegaze/punk à la fois anguleuse et magnétique. Tout Owun est dans ces neuf titres plutôt froids mais pas pour autant totalement déshumanisés, au contraire, exigeants mais ne versant jamais dans l’hermétisme élitiste, pointu mais nullement abscons. Parce que le groupe a – un quart de siècle après ses débuts – encore des choses à dire, tout en maîtrisant parfaitement son sujet en décloisonnant son travail pour le rendre à la fois intelligible et recherché. Obsédant.
✎ Locust
✎ Aurelio www.scoreav.com
P38PUNK ©DR
Dès les premières mesures de Paraguaya, l’Argentine donne le ton. Entre des percussions sommaires que l’on imagine presque conçues maison et qui rappellent forcément Orka, quelques synthétiseurs mélanco-cinématographiques à la Hku et cet éternel chant voilé mais malicieux qui domine une instrumentation épurée, le charme opère déjà. La pression semble d’emblée à son firmament, et Juana Molina réalise l’exploit de la maintenir telle quelle sur un Sin Dones moins rythmé mais plus riche sur le plan harmonique. Et l’ensemble est à l’avenant. Halo fait partie de ces œuvres tant il dépasse le simple recueil de compositions musicales pour transcender l’esprit de celui qui parvient à s’abandonner à l’univers de la Sud-Américaine, qui fonctionnent sur un fil ténu entre cohérence et hétérogénéité. À vrai dire, il ne reste plus grand-chose de la folk avec laquelle Juana Molina avait pris l’habitude de nous hypnotiser. Et tant mieux. Il n’est jamais trop tard pour défricher de nouveaux horizons et la quinquagénaire l’a compris depuis bien longtemps sans qu’il ne s’agisse là d’une simple pose. Voici pourquoi quelques réminiscences de ses productions précédentes apparaissent avec parcimonie et en ce sens, le point culminant semble coïncider avec le point final sur un Al Oeste qui se rappelle au bon souvenir des guitares en bois dont le gimmick répétitif semble se dédoubler pour soutenir une voix plus désemparée que jamais sur ce disque. La suite de l’album marie alternativement les sonorités andines (Andol) aux froides syncopes électroniques rappelant Björk, que ce soit celle de Post sur la candeur enfantine de A00 B01, ou celle de Volta sur le plus sombre In The Lassa où les différentes couches sonores s’unissent pour des digressions auditives rebelles. Les déambulations dans un labyrinthe glacial promises par un Lentilsimo Halo épuré, la course minérale effrénée d’un Cosoco sec et vaporeux à la fois ou la rétention forcée d’un Estalacticas aux audacieuses cascades électroniques pourront néanmoins illustrer, en plus des titres déjà mis en avant, l’ampleur de la créativité de Juana Molina qui n’a finalement d’égal que son insouciante ambition artistique. ✎ Elnorton www.indierockmag.com
Date de sortie : 2017 Nationalité : IT Styles : PUNK HTTP://URLZ.FR/5JSX
P38PUNK LA MORTE DELLE NAZIONI
I
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
71
ALBUMS
Date de sortie : 25/08/2017 Durée : 37:50 min Nationalité : US Styles : ALTERNATIF ET INDÉ
Date de sortie : 24/02/2017 Durée : 39:03 min Nationalité : FR Styles : POST-ROCK ELECTRO
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HTTP://URLZ.FR/5IWV
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CANTENAC DAGAR
LIARS - TFCF (MUTE)
STILLETONNE (ATYPEEK MUSIC/SKRECODS/ISOLA RECORDS) Incroyables sur scène où ils arrivent à créer des ambiances de transe enivrantes, les deux musiciens de Cantenac Dagar ont fait le choix d’explorer un folklore qui n’appartient qu’à eux. Mêlant banjo, parfois joué à l’archet, human beatbox, dictaphones et samples diffusés sur lecteurs cassette, Stéphane Barascud et Aymeric Hainaux sont des plasticiens du son pour qui chaque performance s’offre comme un rituel. Dans la démarche, on pense beaucoup aux Déficit des Années Antérieures et ce Stilletonne n’est pas sans rappeler le Cabaret Voltaire de « The Damage is done », période The Voice of America (1980), surtout en raison de la rythmique, des voix échantillonnées et de la masse grouillante qui convergent en une mélopée tragique et profondément belle. Malgré la restriction instrumentale et le minimalisme apparent des mises en scène, la musique de Cantenac Dagar est puissante, dense, brute et fourmillante. Composée d’un unique morceau de plus d’une vingtaine de minutes, ce premier vinyle présente sur la face A un enregistrement effectué à Dunkerque en février 2016, alors que la face B reprend le pièce sonore dans sa version originale, avec une plus longue introduction qui permet une douce mise en hypnose, là aussi dans un esprit live et spontané, sans mix, mastering et autres boulots de post-production. Du coup, ils parviennent à chaque réinterprétation à trouver cette émotion première, spontanée, magique. Un projet à découvrir d’urgence. CANTENAC DAGAR ©Fluc-Vienna
✎ Maxime Lachaud
C’est assez étrange comme avec rien, il arrive à nous faire entrer dans son monde chelou, à l’image de “Cliche Suite” ou des mariachis bourrés semblent avoir pris le contrôle du début du titre, avant de s’envoler vers une sorte de (tr)hip hop boiteux. Grâce aux beats somme toute classique dans leur façon d’arriver, on peut facilement se raccrocher à eux pour vivre ce TFCF, qui l’air de rien n’est pas non plus très facile à appréhender. Mais grâce à cette rythmique continue et hypnotique, voire rebondissante par moment, on peut facilement se faire avoir et trouver ça classique, voire accessible. C’est un peu comme si Angus se refusait à faire de la pop, pourtant les squelettes de titres coin du feu comme je vous disais au début sont facilement identifiables, mais il prend un malin plaisir à rendre tout ça crade, les machines suintent, une lenteur permanente, comme une léthargie de tous les instants, avec pour seul sursaut “No Tree No Branch” qui vient nous donner un sérieux coup de fouet bienfaisant. Il continue sur sa lancée, donnant presque un second souffle à l’album avec le génialement pupute “Cred Woes”, branleur comme on l’aime avec ces trouvailles sonores auxquelles lui seul peut penser. Pourtant le morceau tient en beaucoup de pistes, mais il a le talent pour aller droit au but, avec lui les fioritures ne sont jamais superflues. Jamais. Il rend l’accessoire indispensable. Cette fin d’album donne un peu l’impression du mec qui glande sur son canapé toute l’aprèm, et qui, sur les coups de 18h, se prend un sursaut de motivation pour faire trentesix trucs en même temps. Mais fatalement, quand le coup de bourre est trop violent, il retombe aussi vite qu’il est arrivé. Le sublime “Ripe Ripe Rot” met en musique la chute sur le canapé en slow-motion, suivi par le final “Crying Fountain” comme une douce invitation au sommeil. Encore un album pas comme les autres, même si on y retrouve quelques accointances et tics de fabriques, et sans doute très éloigné du prochain. Cette tête chercheuse qu’est Liars n’en finit pas de déstabiliser son monde, de faire vraiment ce qu’il veut, quand il veut. Et c’est aussi pour ça qu’on l’aime ce groupe, ou ce bonhomme un peu bizarre, mais tellement attachant au final.
ULAN BATOR STEREOLITH (BUREAU B) Présents depuis 1993… 1993, les frenchies du post-rock baroque et immersif, avec un turn over de musiciens aussi long que leur discographie. Un parcours de formation-reformation sans déformation de leur son racleur retournant le sol du rock pour mieux le soulever et l’exposer à l’air libre, époussetant sa traîne terreuse au vent d’une transe électronique. Ulan Bator se montre tout aussi solide dans son dernier album, Stereolith, bloc hétérogène mais dense réservant des réussites exceptionnelles. La track ayant cédé son titre à l’album est un grand moment d’oldies hard rock défibrillé par un chant majestueux et une ambiance caverneuse. Tout comme Interpol, le son d’Ulan Bator est un process constant et, cohérence de style mise à part, aucun album ne ressemble au précédent. L’opus actuel se coupe en deux parties, la première plus nerveuse, plus audacieuse, voit le planeur Blue Girl s’orienter au cœur d’un nuage de jazz instrumental, tout comme celui d’On Fire s’élance dans un a capella brut. La seconde partie glisse vers des balades imbibées de dance, de pop (Ego Trip) et de variété française (Spinach Can). Le chant alterne toujours entre français et anglais et bien que le feeling anglo-saxon sied si bien au groupe, la french touch est loin d’être désagréable. Après un départ d’opus canon, il faut accepter de se laisser porter sur ce tempo en dessous mais la diversité des inspirations du groupe contourne les lassitudes inopportunes. Les claviers l’emportent sur No Book et Lost, les guitares s’élèvent sur Icarus et l’orgue ferme admirablement la marche sur Dust. ✎ Jonathan Allirand ULAN BATOR ©Fradib
Date de sortie : 23/03/2017 Durée : 47:41 min Nationalité : FR Styles : EXPÉRIMENTAL DRONE
I
✎ X_Lok www.xsilence.net ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
73
ALBUMS
Date de sortie : 14/03/2017 Durée : 30 min Nationalité : FR Styles : MATH-ROCK NOISE
Date de sortie : 19/05/2017 Durée : 46 min Nationalité : JP Styles : MATH-ROCK POP-ROCK
Date de sortie : 10/05/2017 Durée : 01h 15 min Nationalité : FR Styles : ALTERNATIF ET INDÉ
HTTP://URLZ.FR/5JNX
HTTP://URLZ.FR/5IXT
HTTP://URLZ.FR/5I2I
TRICOT
OISEAUX-TEMPÊTE
3 (BIG SCARE MONSTERS RECORDS)
AL-’AN! (SUB ROSA)
Au vu du nom de leur groupe et des titres des pistes, il est facile de catégoriser Chaman Chômeur comme une espèce de blague. C’est loin d’en être une. À l’écoute de cet album constitué de 3 étapes (oui ça peut sembler petit-bras comme ça mais non), on sent aisément les heures passées en répétition à parfaire une formule qui n’en est pas réellement une puisque le groupe semble s’amuser à la maltraiter, à l’étirer, la concasser, la raccourcir pour aboutir à un résultat singulier. On les catégorise noise et free. Noise, évidemment. Mais l’étiquette la plus importante, c’est free. Car l’adepte du chaman est aussi avide de liberté. Constitué de deux Meurs ! + Apolune (basse et guitare) et d’un batteur fougueux mais polyvalent dont la multiplication des projets rend difficile à suivre, le groupe va durant 3 titres dévoiler une demi-heure de musique enthousiasmante et aventureuse. À ce titre, “Nostalgie du RMI” est une des plus belles déclarations d’amour faite à l’ancêtre du RSA : le morceau prolonge les free noise-stilités durant 15 minutes et en fait voir de toutes les couleurs à l’auditeur. Toutes les couleurs parce que c’est sur cette piste (et sur les autres aussi hein mais c’est moins flagrant…) que l’on ressent la méticulosité et le besoin omniscient de décloisonner, de défoncer des portes. Le groupe s’approprie les codes pour les recracher dans les enceintes à la manière du Chaman. C’est-à-dire à la fois saignante, saillante et avec un sens de la “popote” mystique affinée. Et comme ils abordent le live couteau entre les dents, on ne peut que t’inciter à aller les voir. Ces trois titres géniaux sont sublimés. Longue vie au Chaman ! ✎ Cactus www.w-fenec.org
Pour un pays retenu principalement pour son caractère décalé et “délirant”, la percée d’un groupe du calibre de tricot à l’international marque une victoire contre la caricaturisation frustrante d’une scène musicale japonaise aussi riche que talentueuse. Le trio féminin Kyotoïte nous livre un troisième album qui est enfin distribué en Europe, treize titres mêlant adroitement sensibilité pop avec la sophistication et dextérité du math rock à la Drive Like Jehu. Le groupe marque un retour haut en couleur à coups de décharges survitaminées de compositions électrisantes, régies par des cadences syncopées et des polyrythmies à se retourner le cerveau. Armé de riffs sinueux et imprévisibles, la grande force du groupe réside dans sa capacité à nous scotcher dans nos sièges avec ses compositions à la rythmique (paradoxalement) déstabilisante mais prenante. L’exécution est chirurgicale, dirigée par une batteuse de session au jeu à couper le souffle. Le savoir-faire du groupe ne s’aventure pas dans des démonstrations superflues mais reste le plus souvent tapi sous le chant, au service du morceau et du propos global. Toujours aussi pêchu sur les titres les plus énergiques (‘Tokyo Vampire Hotel’, ‘18,19’), le groupe nous révèle également un registre dynamique étendu à travers des ballades et titres plus “vococentrés” (‘Sukima’, ‘Echo’). Ceci dit, on retrouve tout de même quelques mélodies accrocheuses sur des titres comme ‘Tokyo Vampire Hotel’ ou encore ‘Yosoiki’ qui témoignent d’un progrès sur le plan mélodique. La production de ‘3’ se ré-axe en conséquence en direction d’un son plus “pop”, plus propre mais sans ajustements trop sévères. Avec une sensibilité mélodique typiquement japonaise, tricot avance le son du rock indépendant japonais dans sa forme la plus aboutie, à l’écart de tout exotisme ostentatoire et superficiel. ‘3’ marque une franche réussite pour le groupe et une belle mise en œuvre de ce que le groupe a à offrir en termes de talent et créativité.
Par son nom, Oiseaux-Tempête soulève deux idées. La première suggère que la musique ne connaît pas de frontières. Elle vit sur toutes les parties du globe en tout instant. Les grands voyagent sont pour Frédéric D.Oberland et Stéphane Pigneul une source intarissable pour la création de leur musique. La seconde approche le concept que la vie est un cycle ; derrière les orages se cachent les plus beaux jours. Formé en 2012, le groupe voyage l’année suivante dans la péninsule grecque avec le sentiment que « les crises qui secouent le vieux monde méditerranéen sont le prisme à travers lequel se lisent au mieux les enjeux contemporains ». La Grèce en pleine crise économique et sociale donne de l’idée aux musiciens qui accouchent d’un post rock qui est le terreau du premier essai d’Oiseaux-Tempête. Deux ans plus tard, Utopiya ? est l’expression urgente d’un travail différent.
CHAMAN CHÔMEUR ©DR
I
✎ Robin Ono
74
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
OISEAUX-TEMPÊTE ©Pamela Maddaleno
CHAMAN CHÔMEUR 18759 (ATYPEEK MUSIC / BECOQ RECORDS)
ALBUMS Enregistré en trois jours, Oiseaux-Tempête s’entoure d’un tas de musiciens pour livrer un son improvisé, brut et électrique. En 2016, c’est le Liban et ses sonorités orientales qui vont donner du grain à moudre à Frédéric et Stéphane. Là-bas, ils trouvent toute la matière pour sortir un nouvel album : Al’An! (And your night is your shadow - A fairy tale of piece of land to make our dreams). Sur cet album, le binôme parisien s’entoure de nombreux musiciens… Serait-il possible d’en connaître au moins un ? Toutes les cartes sont sur la table avec la participation de G.W.Sock (ex-The Ex, Cannibales & Vahinés, The And). Alors que Oiseaux-Tempête prend les allures d’un collectif, la musique s’annonce prête à nous rendre d’humeur contemplative. « Notes from mediterranean sea » déroute par son mélange de sonorités. Tandis que les instruments à vent posent un décor paisible, les notes electro font entendre les rouleaux de la mer. Quatre minutes loin du monde qui gronde, quatre minutes qui passent en un éclair. Les percussions entrent dans la danse sur le morceau suivant. C’est au tour du Oud qui complète à merveille une guitare électrique qui mène sa mélodie accrocheuse. Le oud continue sa belle aventure dans « Feu au Frontières » qui fait entendre au second plan des chants orientaux. « Baalshamin » oppose dans ses
moments les plus agités la guitare électrique et les beats électroniques. Sans effacer une certaine tension, les cuivres en viennent presque à l’improvisation. Oiseaux-Tempête sort du titre en visant le chaos. L’hypnotique et planant « I don’t know what or why » chanté par Tamer Abu Ghazaleh ressemble bien à la perle de l’album. Toute la dimension free-jazz s’impose sur « The offering » qui est agrémenté par la voix du poète palestinien Mahmoud Darwich décédé en 2008. Après un « Carnaval » où une electro en folie domine, « Trought the speech of stars » est d’un tout autre caractère. Elle culmine en temps avec ses 17:29’ dans lesquelles G.W.Sok nous livre un chant parlé, poétique et incandescent. Comme pour fermer la boucle « A l’aube » - soutenu par les percussions rappelant un cœur qui bât - nous ramène un peu à la mer dans un élan tranquille et majestueux. Dans Al-’An! Oiseaux-Tempête est à la croisée des mondes. En bordure de rêve, la musique milite pour des paysages où rien ne se ressemble. Pourtant tout semble suspendre le temps et le faire filer entre nos doigts. Où est le début ? Y a-t-il une fin ? Espérons que Oiseaux-Tempête continue de nous emporter dans les limbes tantôt pour craqueler les limites de l’univers tantôt pour les survoler.
Top 5
des meilleurs Albums Jazz
By CITIZEN JAZZ, le mag de Jazz COMMENT LIRE UN QR CODE ? Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de la playlist.
ELIOTT SHARP WITH MARY HALVORSON & MARC RIBOT ERR GUITAR © Intakt CD 281 / 2017
BILL FRISELL/ THOMAS MORGAN SMALL TOWN © ECM
I
✎ Julien www.w-fenec.org
KINTSUGI
Serge Teyssot-Gay (g), Gaspar Claus (cello), Kakushin Nishihara (satsuma biwa) YOSHITSUNE ©Intervalle triton
AFRICA EXPRESS Jacques Ponzio (p), Jean-François Merlin (b), Patrick Gavard-Bondet (g), Alain Venditti (ts, ss), Nicolas Aureille (dm)
EXPÉRIENCE © ACM Jazz Label
UENO PARK MANUEL ADNOT SOLO DIX-MILLE YEUX / FEU CLAIR ©Atypeek Music www.citizenjazz.com/
Le choix de la rédaction
sélection non exhaustive des prochaines sortie d’albums qui ont éveillé notre curiosité, ou albums tout fraîchement sorties.
heaven Upside Down MARilyn MAnsOn
27
sEPT.
ROck le prochain album studio
de marilyn manson « Heaven Upside Down », dixième album studio est provisoirement programmé pour être diffusé le 29 septembre 2017. l’album est produit par marilyn manson, twiggy Ramirez et tyler Bates. une tournée us démarre le 27 septembre.
seismic sPOTlighTs
6
OcT.
ROck le groupe de Brooklyn produit par le
batteur d’Isis Aaron harris a signé sur le label Ipecac Recordings de mike Patton. l’album « Seismic » sortira cet automne. Ce deuxième album, sera défendu sur les scènes en Amérique du Nord, notamment en première partie des Melvins - Peut-être bientôt L’Europe ?
78
ATYPEEK MAG #03
TRIANNUEL 2017
sterilize UnsAnE
29
sEPT.
ROck unsane sortira son nouvel et huitième
album Sterilize chez southern lord. l’album a été produit par Dave Curran, le bassiste au Gatos trail studios (yucca Valley), mixé par Andrew schneider à Acre (New York City), et masterisé par Carl Saff à Saff Mastering (Chicago). En tournée française à partir du 15 octobre.
Uncut TABlE
31 OcT.
ROck Réédition digitale du premier groupe
de warren Fischer des Fischerspooner, Uncut a été en partie produit par steve Albini et regroupe plusieurs 45t + un inédit live « M.E.G.O. (WNUR session) ». si l’on peut déplorer cette carrière d’étoile filante, il ne dépareillera pas dans votre discothèque entre the Jesus lizard, Big Black et metz.
strange Peace METZ
22
sEPT.
ROck le trio de toronto sortira
villains QUEEns Of ThE sTOnE AgE
« Strange Peace » le 22 septembre chez sub Pop. enregistré par steve Albini, en studio en conditions live et en quatre jours. les 11 titres de « Strange Peace » – plus variés que ceux des précédents albums selon Alex edkins (chanteur et guitariste).
ROck « Villains », septième album des
shotgunz in hell Onyx & DOPE D.O.D.
Microsoft Error Picture show AllisTER sinclAiR
RAP Onyx qui sort son nouvel album en
15
JUil.
collaboration avec le groupe néerlandais Dope D.O.D. 8e album au compteur les légendaires rappeurs du queens nous proposent “Shotgunz in Hell”. Comme toujours ils débarquent beat en main sur un flow agressif et une hargne non simulée.
25
AOûT
queens of the stone Age, sortira le 25 août 2017. Cet album à la particularité de n’avoir aucuns musiciens invités contrairement aux albums précédents du groupe. qotsA se produira le 7 novembre à Paris, à l’Accorhotels Arena. le 16 novembre à Anvers.
15
AOûT
ElEcTRO Il y a dans « Microsoft Error Picture Show » - serait-ce les reverbs utilisées - une impression de profondeur qui pousse l’auditeur à s’imaginer un espace. C’est comme si on flottait dans un espace très très grand mais indéfini, dont on ne verrait pas les limites…
The Black Box session by Peter Deimel cUT ThE nAvEl sTRing
30
sEPT.
ROck Cut the Navel string est un groupe
culte des 90, ils ont côtoyé des groupes comme Pitch Shifter, Killing Joke, Godflesh, « The Black Box Session by Peter Deimel » est en fait leur véritable premier album, première session également pour le studio Black Box qui ouvrait ses portes sous l’aile de Peter.
luciferian Towers gODsPEED yOU! BlAck EMPEROR ROck troisième sortie depuis sa refor-
22
sEPT.
mation en 2010 et 7e album de Godspeed, intitulé « Luciferian Towers », sortira sur le label Constellation. Composé de quatre titres, pour une durée de 44:54. Une tournée française démarrera le 16 octobre à toulouse et finira le 7 novembre à Paris.
spotlight shARDik
25
AOûT
The Desaturating seven PRiMUs
29
sEPT.
Buzzing but not hung up on hip PhiliPPE PETiT
14 JUin
JAZZ Chez tzadik, un nouveau projet de trio instrumental de matt hollenberg, guitariste de Cleric. mêlant Jazz traditionnel, Free Jazz, math-Rock, Noise, musique Ambiante et musique du monde. une musique d’avantgarde dans un condensé puissant. Ces pièces complexes et passionnantes devraient vous faire vriller le cerveau.
ROck « The Desaturating Seven » sortira le
29 septembre sur Ato Records. le premier album de studio de Primus en six ans et est composé des musiciens d’origine : les Claypool (voix, basse), larry lalonde (guitare) et tim Alexander (batterie). l’album est basé sur un livre pour enfants des années 1970, c’est l’histoire de sept gobelins…
ElEcTROAcOUsTic « Buzzing but Not Hung up on Hip » est une compilation qui expose un ensemble de collaborations fièrement assumées par Philippe aux côtés de personnalités aussi diverses que lydia lunch, e. Robinson, AsVA, simon Fisher turner, Cosey Fanni tutti ou murcof. un excellent condensé.
Endangered Philosophies DÄlEk
ATlAs MilkilO
Ununiform TRicky
ROck Nouvelle signature chez Ipecac
1
sEPT.
Recordings. l’album fait suite à Asphalt For Eden sur Profond lore et Deadverse Recordings. «Endangered Philosophies» sera disponible le 1er septembre. le titre «Echoes Of...» est disponible sur youtube.
25
nOv.
ROck Après avoir passé 7 ans sur les routes
d’Europe à peaufiner leur style dans l’exercice exigeant du duo basse/batterie, mIlKIlo sortira « Atlas » cet Automne. Plus réfléchit et construit, « Atlas » ne délaisse pas pour autant les accès de rage qui ont fait la réputation scénique du Duo. milkilo démarrera la tournée d’« Atlas » en Décembre 2017.
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sEPT.
ROck tricky revient avec son 13e album,
« Ununiform », en septembre sur son propre label False Idols via K7 music. en 13 titres tricky parle de son héritage, son histoire, sa famille - la mort. et dans tout cela, il trouve la chose la plus étrange, la moins familière, la paix. Avec martina topley-Bird, mina Rose, Asia Argento, scriptonite, Francesca Belmonte… ATYPEEK MAG #03
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COMING SOON
sélection non exhaustive des prochaines sortie d’albums qui ont éveillé notre curiosité, ou albums tout fraîchement sorties.
American Dream lcD sOUnDsysTEM
Aléa Deluxe EMBOE
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Add violence EP ninE inch nAils
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Electric Trim lEE RAnAlDO
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The Vietnam War : OS TREnT REZnOR AnD ATTicUs ROss
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souvenirs, souvenirs ThE Wøøøh 80
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Outrage! is now DEATh fROM ABOvE
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Order Disorder OBlik
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hiss spun chElsEA WOlfE
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O8
Twin Peaks : OS cOMPilATiOn
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Ecce homo hEliOgABAlE
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cold Dark Places EP MAsTODOn
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O8 sEPT.
15
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sEPT.
siR fischERsPOOnER
colors BEck
Mental Experiments for Missile sensations cOsMic WURsT
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v ThE hORRORs
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The saga continues WU-TAng clAn
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The Dusk in Us cOnvERgE
sEPT.
OcAT.
OcT.
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The Meadow Under a golden sun TiM
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Anthology: 20 Movie Themes 1974-1998 OcT. JOhn cARPEnTER
Triptyque AchWghâ nEy WODEi
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U-Men (Anthology) U-MEn
Memory of a Cut Off Head 17 nOv. Ocs (ThEE Oh sEEs)
sEPT.
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live MEMBRAnE
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Le choix jazz de la rédaction
la france a toujours été une terre d’asile pour le free-Jazz, gérard Terronès de futura Marge en se plaçant sur tout les fronts y contribua largement. voici donc une sélection spéciale du catalogue jazz de futura Marge. Atypeek Music gère la partie digitale de futura Marge, disponible sur Bandcamp.
Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer JAcQUEs ThOllOT
haptein RichARD BOnnET / TOny MAlABy
ici demeurent une opportunité unique pour le batteur de démontrer tout son savoir-faire derrière fûts et cymbales, armés de balais ou de baguettes. un disque proprement inclassable, qui doit autant au jazz qu’à la musique contemporaine ou électronique…
JAZZ la participation de Jaki Byard au sextet de Charles Mingus à partir de 1964 le fera connaître d’un large public. il dirigera dès la fin des années 1970 un grand orchestre à New york. Pianiste s’exprimant entre la tradition stride, le style be-bop et le free-jazz, il enregistra en 1971 ce piano solo pour Futura à la manière du grand maître Fats Waller.
My Man / Tribute to sidney Bechet Archie shepp quintet ARchiE shEPP QUinTET JAZZ Ce My Man est dédié à l’un des plus emblématiques saxophonistes et clarinettistes américains : Sidney Bechet. Archie Shepp interprète essentiellement des compositions de Sidney Bechet et utilise comme celui-ci le saxophone soprano, avec une introduction particulière de Petite Fleur à la flûte.
JAZZ haptein a été enregistré le 17 avril 2012 au John Kilgore Sound & Recording studio à New york (usA) avec Richard Bonnet (guitare électrique 7 cordes) & Tony Malaby (saxophones ténor & soprano).
Painted lady ABBEy lincOln QUinTET
Aigu-grave sUnny MURRAy QUinTET
live At The Riverbop ROy hAynEs QUARTET
JAZZ « Freedom Now Suite » rendra célèbre Abbey Lincoln auprès du grand public. Vingt ans plus tard, associée à Paris à un autre très grand contestataire afro-américain, le saxophoniste Archie Shepp, elle réalisera pour le label Marge cet album historique, l’une des plus belles rencontres entre deux figures légendaires du jazz contemporain.
JAZZ Aigu-Grave a été enregistré le 1er avril 1979 au Studio Ramsès à Paris. Avec Richard Raux (saxophone ténor), Bobby Few (piano), Alan Silva (contrebasse), Sunny Murray (batterie), Pablo Sauvage (percussions) sur deux titres.
JAZZ le batteur américain Roy Haynes s’est fait connaître sur les scènes du jazz en jouant pour des musiciens comme John Coltrane, Chick Corea ou Pat Metheny. Parallèlement il recrute Marvin Peterson et Georges Adams, et en 1979 il enregistrera en public à Paris, en quartet avec de jeunes musiciens américains, cet album pour le label Blue Marge.
Alors!!! MichEl PORTAl / JOhn sURMAn / BARRE PhilliPs / sTU MARTin / J.P. DROUET
JAZZ une grande partie des titres présentés
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Parisian solos JAki ByARD
JAZZ Ce disque enregistré sur le label Futura en 1970 est devenu historique, car il restera éternellement la première trace discographique de ce fameux « Trio » de John Sûrement, Barre Phillips et Stu Martin.
fUTURA MARgE PARteNAIRe D’AtyPeeK musIC
With (Junk-saucepan) When (spoon-Trigger) MAhOgAny BRAin
live At The Totem volume i ARchiE shEPP QUARTET
JAZZ enregistré le 15 décembre 1970 au
Avec aux : Congas - Cheikh Tidiane Fall Contrebasse - Bob Cunningham Batterie - Clifford Jarvis Piano - Siegfried Kessler saxophone tenor - Archie Shepp Vocal - Cheikh Tidiane Fall.
Gill’s Club. Avec Michel Bulteau (direction, flûte, harmonica, textes & voix), Benoît Holliger (guitare), Patrick Géoffrois (guitare basse), Gilles Mézière (piano), Yves Berg (percussions), Zéno Bianu (flûte, guitare basse & voix), Mine (thumping guitare) & Claude Talvat (violon).
JAZZ enregistré le 1er janvier 1979.
horde catalytique Pour la fin hORDE cATAlyTiQUE POUR lA fin JAZZ enregistré le 26 février 1971 à Nice
(France). Avec Richard Accart (saxophone ténor & flûtes), Francky Bourlier (harpe de verre, flûte, vibraphone & percussions), Jacques Fassola (contrebasse, guitare, banjo & orgue à bouche) & Gil Sterg (drums & percussions).
Abide With Me iRAkli QUARTET
What Matter now? JEAn-PhiliPPE Blin TRiO
la guêpe BERnARD viTET
JAZZ enregistré le 6 juillet 1971 au studio Europasonor à Paris. Avec Irakli de Davrichewy (trompette), Marc Richard (clarinette & saxophones alto et ténor), Goran Eriksson (banjo & saxophone alto) & Bert Jouis (sousaphone).
JAZZ enregistré en public le 17 décembre 1970 au Centre Culturel Américain à Paris. Jean-Philippe Blin (piano), François Méchali (contrebasse) & Jean-Jacques Schnell (drums).
JAZZ Bernard Vitet (trompette, violon, cor, piano & vibraphone), J.P. Rondepierre (trompette & marimba), Jouk Minor (saxophones, violon & clarinette traversière), François Tusques (piano), Beb Guérin (contrebasse & piano), Jean Guérin (Percussions, vibraphone, marimba & saxophone), Françoise Achard (voix) & Dominique Dalmasso (magnétophones).
Retrouvez les albums Futura Marge sur : www.futuramarge.bandcamp.com
solos JOAchiM kühn JAZZ enregistré le 19 mars 1971 au studio Europasonor à Paris. Joachim Kühn (piano).
Vega (Jeff Parker, Bernard santacruz, Michael Zerang) vEgA JAZZ enregistré en public les 2 et 3 décembre 2001 au 7 Lézards à Paris. Avec Jeff Parker (guitare), Bernard Santacruz (basse) & Michael Zerang (batterie).
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« Son nom claque et bave l’atteste : Schlaasss est punk, dans la lignée des Bérus et de l’alternatif le plus déjanté voir psychotique… » Les Inrockuptibles
© THOINE - http://www.toinebehind.com/
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INSTANTANÉS
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DES COPAINS/COPINES
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Smash est l’unique moyen gratuit et très simple d’envoyer vos fichiers à un ou plusieurs destinataires sans limite de taille. De plus, Smash permet à vos destinataires à partir de n’importe quel support de voir vos photos/images, écouter vos musiques, regarder vos vidéos et lire vos documents… avant de les télécharger. Durant le chargement de vos fichiers, Smash vous fait découvrir des artistes, designers, musiciens et toutes autres organisations axées sur la création à travers une présentation pleine écran sans aucune publicité.
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DisPOniBlE sUR TOUTEs lEs PlATEfORME DigiTAlEs
VIDÉOCLIPS PAR LÉA VINCE
ARTISTE : SCHLAASSS
RÉALISATEUR : MEKKI
STUPEFLIP - UNDERSTUP
”PHILIPE LE DAUPHIN” - LIEN CLIP : http://urlz.fr/5D1z
ALLTTA (20SYL + MR. J. MEDEIROS)
Alltta c’est l’association de 20Syl, membre éminent des ô combien connus Hocus Pocus et C2C avec J.Medeiros, rappeur et producteur US, un duo inattendu qui s’est formé en 2015. Pour le clip de Break the silence, Ils réalisent un court-métrage mêlant musique et skateboard dans les rues de Saint-Nazaire. Pour y avoir vécu 3 ans, disons que c’est pas folichon folichon là-bas. Par là j’entends esthétiquement mais ici a été réalisé l’impossible. Saint-Nazaire comme vous ne l’avez jamais vu, ville déserte et muette, air d’un ville abandonné de toute civilisation, un brin irréel même. ✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
BREAK THE SILENCE
Wah c’est le grand retour des terroristes bienveillant du Stup crou avec l’album « Stup Virus » sorti sur Youtube en mars dernier, ouais vous avez donc zéro raison de pas aller l’écouter. Un album authentique qui décape tout en restant une petite bombe d’hétéroclisme musical. L’extrait Understup représente bien l’univers du crou, mélange rap corrosif et engagé avec un clip bien pété. King Ju et son crou nous parachute dans leur petit monde, tantôt teletubbies, tantôt apocalyptique. Stup c’est de la drogue.
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Spoiler, le mystère au chocolat restera entier. ✎ Léa Vince 90
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GORILLAZ - SATURNZ BARNZ (360)
HTTP://URLZ.FR/5D4O Mon plus gros coup de cœur de ce mois-ci reste tout de même l’un des derniers clip de Gorillaz, Saturnz Barnz. Le groupe virtuel britannique nous gratifie non pas d’un, mais bien de deux clips pour le titre Saturn Barnz. Puisant toujours leurs inspirations et collaborations là où on ne les imagine jamais, tout en gardant cette identité musicale. Il existe donc une version normale du clip de Saturnz Barnz ainsi qu’une version en 360°, ce nouvel outil relativement récent sur Youtube. Le clip est de base complètement cool mais l’option en 360° amène le tout à un tout autre niveau. Une véritable expérience psyché et interactive qui nous permet d’être en immersion dans l’univers du groupe. Bref, un rendu fascinant.
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VIDÉOCLIPS PAR LÉA VINCE
XXX - LIQUOR
DJ SHADOW / RUN THE JEWELS
RED HOT CHILI PEPPERS
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NOBODY SPEAK - HTTP://URLZ.FR/5D2D
GOODBYE ANGELS- HTTP://URLZ.FR/5D2K
Beat puissant sur fond de retro gaming et d’animation asiatique des années 80.
N’étant pas la plus grande experte concernant le rap et le hip-hop, qu’elle n’a pas été ma surprise en découvrant cette collaboration entre DJ Shadow et Run The Jewels pour « Nobody Speak ». Déjà la qualité musicale est plus qu’au rendez-vous, on est ici sur un petit mélange détonnant, rap, hiphop, électro, jazz, tout ceci agrémenté de quelques riffs efficaces, de quoi contenter tout le monde. Ce qui m’a finalement le plus marqué c’est tout de même le clip ; tellement bien réalisé qu’on pourrait croire à un film d’action. Lors d’une assemblée réunissant d’éminents personnages politiques, le ton monte, la colère s’en suit et ça commence à chahuter sévèrement entre tout ce petit monde, on part sur une bonne ambiance fight club / guerre de sécession. Drôle et complètement déchaîné.
Les red hot… partenaire officiel de mes bandes-son estivale depuis mes 18 ans. J’avais été TRÈS agréablement surprise lors de la sortie du premier single « Dark necessities » de leur précédent album « The Gateway » sorti en 2016. Chanson dont j’ai allégrement abusé en replay sur Youtube l’été dernier. Ils viennent tout juste de sortir le clip de ‘Goodbye Angels’ et sans surprise c’est du RHCP à 389 %, ça fleure bon l’été californien et l’allégresse d’une jeunesse américaine. Je ressens comme une pointe de nostalgie en regardant cette vidéo, comme un clip référence à la carrière du groupe mythique et à sa communauté de fans à travers les déambulations d’une jeune fan dans le clip. Sûrement pas le clip le plus mémorable de leur carrière mais cela reste une belle vidéo ou quelques extraits live du groupe pourront vous ravir. ✎ Léa Vince
XXX, jeune groupe de hip-hop coréen originaire de Séoul, encore peu connu sur notre continent, sort un tout nouveau clip tant étrange qu’hypnotisant pour le morceau « Liquor ». Le clip réalisé par l’artiste français Mattis Dovier a utilisé un aspect « dotwork » à savoir un dessin à points où l’univers manga est extrêmement ressenti. Cela donne un esthétisme sombre mais délicieusement envoûtant. Le son permet d’introduire une atmosphère tantôt agressive tantôt rêveuse et aérienne. Sur fond de meurtre, alcool et drogues, nous suivons les déboires du protagoniste au long d’une soirée agitée. Une réflexion sordide de la culture de l’alcool et d’une réalité sociale trop oublié en Corée du sud.
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
LITTLE BIG - BIG DICK
AWKWAFINA X MARGARET CHO
MR OIZO – HAM
HTTP://URLZ.FR/3CVR
GREEN TEA - HTTP://URLZ.FR/5D7I
HTTP://URLZ.FR/5D4L
On connaît tous, ou presque, Little BIG pour leur style unique, déjanté, un peu trash, subtilement gore mais complètement cool. Le groupe d’origine russe se distingue pour leur absurdité, et le clip de Big Dick est là pour l’affirmer. Niveau musique, ce morceau est un peu moins énergique que les précédents mais AVERTISSEMENT vidéo NSFW (Not safe for work, N.D.L.R.). Vous attendiez à quoi ? Clip coloré, inventif et très visuel ou les membres du groupe s’épanchent en long, en large et en travers autour du sexe du chanteur, qui est… spoiler alert… BIG. J’ai bien rigolé et j’espère que vous rigolerez aussi !
Première artiste féminine de cette rubrique...smiley triste. Qu’est ce que c’est que cette parité de merde... smiley énervée envers moi même. Je suis choquée et déçue. Duo imprévisible et intergénérationnel entre Awkwafina, rappeuse américaine et l’actrice et humoriste Margaret Cho âgée de 48 ans. Awkwafina balance un clip détonant et satyrique pour le titre Green Tea, hymne féministe engagé. La chanson détruit les nombreux stéréotypes offensants projetés sur les femmes asiatiques prône une certaine fierté ethnique ainsi que d’assumer son originalité, sa créativité ainsi que sa sexualité avec passion. C’est beau putain.
Quentin Dupieux aka Mr Oizo est un peu la carte trash de l’écurie Ed Banger Records et il le prouve avec son clip pour « Ham ». Encore un beau clip bien dérangeant, ou le malaise s’abat sur toi alors que toi t’avais rien demandé le petit cul devant ton écran. Musicalement parlant c’est du Mr Oizo, ce petit beat sec, vigoureux et agressif qui te fait frénétiquement bouger la tête. Le clip est complètement taré et présente une vision glauquissime d’une société américaine poussée dans ses retranchements les plus stéréotypés ; personnages obsédés par la bouffe, les armes et atteignant un point de non-retour. Soyez prêt pour ce clip, conseil !
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince ATYPEEK MAG #03
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VIDÉOCLIPS PAR LÉA VINCE
ARTISTE : RICHARD GOTAINER
RÉALISATEUR : LÉO GOTAINER
AL’TARBA - INFECTED STREETS
“Les Moutons” - LIEN CLIP : http://urlz.fr/5dfQ
BUSY P – GENIE F. M. HAWTHORNE
ROMANO - KLAPS AUF DEN PO
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HTTP://URLZ.FR/5D42
Al’Tarba, rappeur et beatmaker français, vient de sortir son album La nuit se lève et nous propose une vidéo pour le titre Infected Streets. Bienvenue à Leftover City, un futur dystopique et infecté, peuplé d’humains, mutants et androïdes. 23 novembre 2030, il est 22h45 dans les rues désertes de Leftover City, on sent l’atmosphère crasseuse et pesante qui envahit la scène progressivement. Un homme est présent, accompagné d’un bien étrange compagnon qui semble lui obéir au doigts et à l’œil. Réalisé par Yoann Vellaud, ce clip, est un hommage au cinéma, le clip est extrêmement bien réalisé et colle à la perfection le beat électro rétro futuriste d’Al’Tarba.
Le big boss d’Ed Banger records is back. Derrière le label, ô combien glorieux, Ed Banger revient avec le titre Genie sur des sonorités plus funk et résolument pop. Pour le clip il nous propose quelque chose de plutôt amusant, on suit la nuit plus ou moins mouvementé d’une jeune femme prise d’une crise de somnambulisme se retrouve à déambuler dans les rues en sweat, culottes et chausson moumoute. Pas la plus cool des soirées en soi, mais hey, sans mensonge, qui n’est jamais parti de chez soi en chausson ? J’aime beaucoup l’esthétique du clip, avec les néons bleus et rouges réussissent toujours à créer un effet stylé.
Romano, ovni du milieu du rap allemand fait déjà des remous. Le style vestimentaire du chanteur ou sa musique décalée l’ont fait se démarquer. Mélange total des styles musicaux et un tantinet schlager musik, qui en Allemagne correspond à notre variétoche. Le blondinet aux tresses indiennes est bien décidé à ébranler les codes du game. Romano n’est pas des plus à l’aise avec les salutations quotidiennes, il préfère gratifier ses amis les plus proches d’une tape sur les fesses *Klaps auf den Po*. La vie serait terriblement plus fun si on se claquait tous le cul en signe de bonjour.
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
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VIDÉOCLIPS PAR LÉA VINCE
Top 5
des VIDÉOCLIPS qui piquent l’œil
COMMENT LIRE UN QR CODE ? Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de la playlist.
SCHLAASSS - THUG LILITH
DATA - DON’T SING
HTTP://URLZ.FR/5D1E
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Message à caractère informatif ; cessez le visionnage immédiatement et consultez un médecin si des effets secondaires de type étourdissement, vomissement, etc. se manifestent. Schlaasss ne fait jamais dans la dentelle, plutôt l’inverse même, partenariat détonnant et plus ou moins pixélisé avec SYSTAIME. Mélange d’images ondulantes et clignotantes, le tout rendant une esthétique folle, pour faire simple Windows 95 sous LSD. Schlass nous propose pas moins de 12 clips différents pour le morceau Thug Lilith, soit accessible sur en vidéos unique sur Youtube soit accessible sur le site de SYSTAIME avec une expérience interactive dingue. Sur un fond de rap bon marché et voix autotuné, on pourrait presque se croire sur une mauvaise découverte de Skyrock, mais non c’est bel et bien cet ovni de schlaasss qui s’arrêtera jamais de nous étonner.
Le producteur français David Guillon aka datA a sorti l’année dernière ce clip bien foufou pour le morceau Don’t sing. On se retrouve dans un joli petit quartier résidentiel, un peu à la Desperate Housewives, ou tout est bien ordonné et propret pour un morceau électro pop très énergique.
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
“POST-PUNK”
AGAPES ‘Haiku’
http://urlz.fr/5D7w
Un sentiment de déjà-vu ? C’est probable je crois que la musique a été utilisé pour une pub de voiture. Un clip un brin irréaliste, mêlant et confrontant les relations entre plusieurs membre de ce même voisinage, des relations entre les personnages y sont malsaines et terriblement hypocrites.
“ELECTRO PUNK QUEER”
Je trouve le scénario et la réalisation de cette vidéo extrêmement bien faite . Entre fantaisies haineuses et rêves érotico-zoophile, un clip plus ou moins décontenancent mais terriblement drôle.
http://urlz.fr/5D7y
CHRISTEENE ‘FUK V29’
“ELECTRO INDUS”
HORSKH
‘Engaged and confused’ http://urlz.fr/5D7A
SUZANNE’SILVER – PAPER OF THE WAY
HAPPY HIPPIE - TRUE TRANS SOUL
HTTP://URLZ.FR/5D7T
REBEL (MILEY CYRUS & LAURA JANE GRACE)
Le groupe sicilien de SUZANNE’SILVER, presque 20 ans d’activité au compteur tout de même, est ici pour une session musicale toute douce. La musique de Suzanne’Silver est la rencontre entre l’esprit du Seattle des années 90 et l’indie rock de Louisville. Créé en 98 à Syracuse, le groupe n’a jamais cessé de parcourir le monde en affinant son art de la composition qui allie finesse, qualité du songwriting et explosions soniques inlassablement reconduites, le groupe mélange rock lancinant et blues expérimental dans l’extrait Paper of the way, c’est simplement beau et sincère. On se met à l’aise et on se laisse surprendre lentement.
HTTP://URLZ.FR/5D4E J’aimerais finir cette rubrique par une pointe d’amour, de douceur et d’espoir. Vous avez bien lu Miley Cyrus. Petite session acoustique pour la fondation Happy Hippie, une association crée en 2014 par la célébrissime Miley Cyrus. Elle a pour mission de rassembler et d’unir les jeunes pour lutter contre l’injustice face aux jeunes sans-abri, aux membres de la communauté LGBTQ ainsi qu’aux droits des femmes. Miley et Laura, elle-même membre de la communauté LGBTQ, interprètent une reprise de True Trans Soul Rebel, véritable hymne qui sensibilise à la dure réalité a laquelle sont confrontés les jeunes personnes transsexuelles dans nos sociétés.
✎ Léa Vince
✎ Léa Vince
“SOUNDTRACK”
KAADA/PATTON ‘Red Rainbow’ http://urlz.fr/53oo
“ELECTRO DANCE”
VITALIC
‘Sweet Cigarette’ http://urlz.fr/53q6
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LE MR. PROPRE
Article I Kiblind Magazine, J. Tourette fêTE DEs lUMièREs 2016
QUATRE ARTisTEs À sUivRE Article I Manifest XXI, Salvade Castera
Le Design et plus encore…
© DR
TRIA NNUEL 2 0 1 7
Chris Coppola - Journaliste
CAHIER DU DESIGN LiFestYLe
sneakeRs coLLection Reportage I Star Wax, Anne-Claire Gatel
inteRvieW DiRecteuR aRtistiQue De GiRL skateboaRDs
nick ZeGeL
Reportage I The Daily Board
L’été PLaisiRs
Mode I Le Village des Créateurs
venDReDis
tattooÏsMe n°1
Jean-Luc navette Article I Tattooïsme, Chris Coppola La GaLeRie
anne HoReL La GaLeRie
toine. Dans La cuisine De cHa Interview I AAARG ! Pierrick starsky
Article I Le Village des Créateurs
LaisseZ Les MuRs PRoPRes Article I Quincaillerie Moderne
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RÉCLAME MR. PROPRE
TOUJOURS IMPECCABLE, SOURIANT ET MUSCLÉ, MR. PROPRE FAIT FIGURE DE CHAMPION INCONTESTÉ DU MÉNAGE DEPUIS 59 ANS. UNE BONNE RAISON POUR CHANTONNER ENCORE UN MOMENT DANS LA CUISINE.
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MR. PROPRE 98
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ARTICLE PAR :
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VISUELS : © PROCTER & GAMBLE
Il serait connu par 95 % des Français (étude Procter & Gamble). Et en musique : « Mr. Propre rend tout 01 si propre, que l’on peut se voir dedans (bis) ». Mais plutôt que d’interroger son essence « propre », rechercher ses origines ou analyser les raisons de ce succès d’estime (et commercial), la question lancinante qui hante les forums et échauffe le bout des doigts est davantage orientée sur… son identité sexuelle : « Mr. Propre est-il gay ? » La base de l’enquête est très mince et la liste de ses attributs semble suffire à pousser massivement les détectives vers l’affirmative : un grand garçon bodybuildé, entièrement glabre (si l’on exclut ses sourcils bien apparents), une boucle à l’oreille, bien moulé dans son petit tee-shirt blanc nickel, et qui respire la propreté et le soin de soi… CQFD, en somme. À plus forte raison quand la légende veut que Mr. Propre trouve ses origines dans un univers de voile ou de vapeur. Encore une fois, une logique implacable et une argumentation minutieuse auront permis de résoudre l’une des plus grandes questions depuis la controverse sur le sexe des anges. Comme si l’on ne pouvait se baser que sur ce que l’on voit ; ou pas ! Surtout dans la publicité. Mister Clean 01 – ou encore Maestro Limpio (au Mexique), Don Limpio (en Espagne), Mastro Lindo (en Italie), M. Proper (en Allemagne), Mister Proper (dans les pays de l’Est et au Moyen-Orient), Monsieur Net (au Canada) – est apparu à Cincinnati à la fin des années 50, dans les laboratoires de produits nettoyants Procter & Gamble (P&G). À cette époque, le préfixe « Mister » était très en vogue pour caractériser un talent ou un trait de personnalité, tels que « M. Muscle », « M. Baseball », voire « M. Republican », et son utilisation pour décrire un produit capable de nettoyer n’importe quelle surface a surgi
Kiblind N°46 - Découvrez plus d’articles sur : www.kiblind.com
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presque naturellement. Sans compter que l’idée de faire entrer un homme dans la cuisine des ménagères américaines des Trente Glorieuses était, à bien des égards, révolutionnaire. Restait à lui trouver une silhouette. P&G se tourna vers l’agence Tatham-Laird & Kudner pour imaginer à quoi pourrait ressembler ce personnage, dont le nom et les exigences sémiotiques liées à la propreté étaient imposés. Chargés de l’affaire, Harry Barnhart et Ernie Allen trouvèrent un modèle adéquat en la figure d’un marin de L’U.S. Navy basé à Pensacola : ce type de caractère combinait à la fois des compétences athlétiques avantageuses et un idéal de blancheur attesté par une tenue immaculée. Parallèlement, P&G sollicita des artistes pour explorer une autre piste, afin d’affirmer le côté « magique » de son produit. Le brief présenté était clair et précis : M. Clean devrait ressembler à un génie, posture et attirail populaire compris, complètement chauve et avec trois boucles dans le nez (pour le côté exotique), tout en étant entièrement vêtu de blanc (pour le côté impeccable). Richard Black, un artiste de Dayton, releva le dé en suivant ces indications à la lettre ; mais il ne fut pas très convaincu du résultat. Il proposa alors une variante, en atténuant l’aspect « génie » et en limitant les boucles à une seule dans l’oreille gauche… Le résultat plut à P&G. Un marin génie était né, en même temps qu’une icône mondiale de la publicité dont les traits devaient se fixer durablement dans le temps. En 1958, la première apparition sur affiche de M. Clean dévoila un homme grand, fort et souriant, caricature de l’homme de ménage idéal 02 pour lequel récurer la maison de la cave au grenier peut sembler aussi simple que de briquer le pont d’un navire, ou de formuler un vœu. ATYPEEK MAG #03
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« MR. PROPRE REND TOUT SI PROPRE, QUE L’ON PEUT SE VOIR DEDANS » —
Le résultat commercial fut à la hauteur des ambitions de communication et dès la première année M. Clean rafla 14 % de parts de marché aux États-Unis. Évidemment, P&G ne s’arrêta pas à ce succès et s’intéressa à un medium particulièrement efficace pour rentrer dans les foyers américains : la télévision. Thomas Scott Cadden fut le premier réalisateur à donner vie à M. Clean sur le petit écran. Il est aussi l’auteur de la musique et du jingle entêtant qui reste 100
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encore aujourd’hui inséparable du personnage, bien que revisité dans toutes les langues : « M. Clean gets rid of dirt and grime and grease in just a minute ». Chose étonnante pour une première mise en mouvement, le M. Clean de Cadden a délaissé sa tenue blanche pour lui préférer un costume noir : incarné par le comédien House Peters Jr. 03 , c’est en véritable représentant de commerce qu’il vient vanter les mérites de son produit à une ménagère fatiguée. Sans pour autant avoir ôté sa boucle d’oreille ! L’effet est immédiat. Et en six mois M. Clean devient le favori des ménagères. Mr. Propre arrive en France en 1966 04 . Face à lui, un concurrent de taille : Ajax.
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Valentin, « Son seul amour c’est votre intérieur » ; la Fête des pères, « Comme les papas, il est musclé, mais lui, il aime faire le ménage » ; le Festival de Cannes, « Besoin d’aide pour faire le ménage dans la sélection ? » ; Roland-Garros, « Pas terrible sur terre battue, moyen sur gazon, mais admirable sur carrelage », etc. Et ça marche 05 & 06 . Au total plus d’une vingtaine d’interventions ponctuèrent cette année, redonnant un coup de neuf à la marque et délivrant un message limpide : Mr. Propre est bien au cœur de la vie des Français.
VISUELS : © PROCTER & GAMBLE
Pour livrer bataille, l’Agence Grey va orienter ses spots et ses annonces sur les thèmes « Puissance », Brillance », « Génie », usant de l’attitude charismatique et de l’opulente musculature du « champion du nettoyage ». Mais aussi avec élégance, puisqu’à partir de 1972 l’athlète s’accompagne d’une fragrance citronnée qui le distingue du sillon d’ammoniaque laissé par tous ses concurrents. Il brille. Et il plastronne en se hissant à la tête des ventes, en 1980, avec 34 % des parts de marché. Si Mr. Propre a véritablement du génie, P&G n’en eut pas moins pour dynamiser son image. En 2000, une campagne d’affichage décalée, à base de slogans sur des thèmes d’actualité chers aux consommateurs fut lancée : la Saint
Kiblind N°46 - Découvrez plus d’articles sur : www.kiblind.com
Mais depuis 2001 Mr. Propre subit le même sort que grand nombre d’icônes. La 3D étant passée par là 07 , il a pris du volume, tout en se lissant, se modernisant, se coolisant… Certes, le travail est remarquable ; et le film d’animation qu’a signé l’agence Leo Burnett en juin dernier – M. Clean, The Origin – en atteste. Pourtant il manque quelque chose. Alors heureusement, il reste les forums et les vraies déductions : « Il ressemble à Bernard Lavilliers chauve, donc je dirais hétéro qui s’assume. » (signé Darkshine, sur Slappyto. net). Comme quoi ! TEXTE : J. TOURETTE ATYPEEK MAG #03
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QUATRE ARTIS PIERRE RANZINI / YANN NGUEMA / CH
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STES À SUIVRE HRISTOPHER BAUDER / URBANSCREEN
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PAR SALVADE CASTERA
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© Pascal Strigler - OFFLINES ST GERVAIS LES BAINS
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Après l’annulation de l’an dernier, la Fête des Lumières est finalement revenue en 2016 dans une forme amoindrie. Même si beaucoup ont critiqué la qualité artistique inégale des installations proposées, des pépites se sont tout de même offertes à ceux prêts à braver la foule ou à prendre le tramway jusqu’à Confluences. Qui sont les artistes à suivre pour cette édition 2016 ?
©DR
À SAVOIR
PIERRE RANZINI (MAD RHIZOME) Placée dans les bassins de la place Bellecour, son installation Off Lines n’a pas été très plébiscitée par le public, malheureusement aimanté par le spectacle plus familial de la grande roue. Pourtant, son côté minimal, le soin apporté à l’ambiance musicale et le choix des couleurs font de cette installation la plus intéressante de toute la place.
Pierre Ranzini est un artiste parisien aux multiples casquettes (photographe, peintre, musicien, performer). Il officie à la Fête des Lumières en tant que light artist et installateur depuis 2013. Son œuvre cherche à comprendre comment notre œil s’approprie la réalité de l’espace et de la lumière, mais aussi le lien artistique et culturel entre l’Asie et l’Occident.
Manifest XXI : http://manifesto-21.com/fete-lumieres-2016-4-artistes-a-suivre
FÊTE DES LUMIÈRES 2017
LA FÊTE DES LUMIÈRES AURA LIEU DU JEUDI 7 AU DIMANCHE 10 DÉCEMBRE 2017 ARTICLE ——————————————————— DE www.fetedeslumieres.lyon.fr JONATHAN ALLIRAND
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© DR - Fête des Lumieres - 2016 - Vieux Lyon - Cathedrale Saint-Jean - Yann Nguema
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© DR - Constellations d’Yann Nguema
Évolutions - Yann Nguema, EZ3kiel. © Ville de Lyon, Muriel Chaulet
YANN NGUEMA Les projections son et lumière sur des cathédrales sont devenues des incontournables touristiques dans les villes françaises : Yann Nguema avait donc le difficile défi de renouveler le genre. Pari réussi : le mapping de Yann Nguema restera sans doute le point fort de cette édition. L’anachronisme entre les pixels, les lasers et l’architecture de la cathédrale, donne une allure singulière, mais pourtant harmonieuse et très impressionnante à l’ensemble, entre science-fiction et Moyen Âge. Yann Nguema fait partie du collectif EZ3kiel, un groupe de musique
originaire de Tours. Formé en 1993, les membres cherchent à développer une identité graphique propre ajoutée à leur musique. Bassiste à l’origine, Yann Nguema finit par prendre complètement en charge la production visuelle du groupe après avoir créé un DVD-ROM scientifico-artistique autour de l’album Naphtaline, en collaboration avec des laboratoires. Son travail mêlant « inhabituel, étrange et anachronisme » a été repéré par de fins connaisseurs comme les Champs Libres ou les Trans Musicales.
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© Ralph Larmann
© Andrea Aubert
CHRISTOPHER BAUDER Deep Web est l’une des seules installations à se dérouler en intérieur : il fallait au moins l’énorme espace de l’Hôtel de Région, pour cette expérience sensorielle totale. Le public allongé par terre est plongé dans une sorte de ballet lumineux constitué de rayons lasers rebondissant sur des balles, sur une musique de Robert Henke. Tous les spectateurs sont immergés ensemble dans cette ambiance quasi mystique, mais aussi tellement ludique que l’on a forcément envie de recommencer une fois la séance finie. Comme un enfant qui ne veut pas descendre du manège.
Christopher Bauder est un designer basé à Berlin, où il dirige le studio White Void. Diplômé de la Berlin University of the Arts en 2003, il s’est d’emblée spécialisé dans les installations interactives et l’art digital. Déjà présent à la Fête des Lumières en 2013, il a aussi présenté des œuvres au Centre Pompidou, au MUTEK Festival et dans bien d’autres endroits. Il est l’inventeur du système kinétique, vu – entre autres – dans Deep Web, où la lumière se réverbère dans des éléments en suspension.
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© Urbanscreen - Simulation Fête des Lumières - 2016 Lyon
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© Urbanscreen
© Fabrice Dimier - Urbanscreen
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URBANSCREEN Autant admiré que controversé, le musée des Confluences se devait de ne pas décevoir pour sa seconde mise en lumière depuis l’inauguration de 2014. La projection utilise l’architecture tarabiscotée du musée pour mieux le transformer en une sorte d’organisme vivant, respirant grâce à des branchies ancrées dans sa façade. Les séquences animées rappellent la vocation du lieu, espace de sciences, de découvertes, mais aussi d’émerveillement. Urbanscreen est un collectif basé en Allemagne qui conçoit
des projections architecturales, des sculptures augmentées, mais aussi des scénographies et des installations ! Le groupe, qui mêle à la fois des architectes, des geeks, des artistes et des universitaires, n’a pas chômé depuis sa création en 2005 : on les a vus se produire à l’opéra de Sydney, à la Mostra de São Paulo et au Festival de Busan. Fasciné par les nouvelles possibilités offertes par la technologie, le collectif tente de brouiller les frontières entre art, recherche et innovation en imposant ses créations digitales dans l’espace public.
Manifesto XXI : http://manifesto-21.com/fete-lumieres-2016-4-artistes-a-suivre
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Sneakers collection et sélection par Ill Yo’ (http://urlz.fr/5Dw5) Pages 90 à 91 : Puma Trinomic et Suede (puma.fr) - Veste réalisée par Elise Girault pour Esmod Rennes (esmod.com) - Table et Lampe de chevet Stereo Fields Forever (Mint - Rennes) - Boissons Vaïvaï, sans sucres ajoutés (www.vaivai.fr) - Téléphone vintage (Milk objets - Rennes) Page 92 à 93 : Montre ballerine cuir noir et plumes Opex (opexparis.com) - Lacoste Missouri (lacoste.com) - Brassière et Petite culotte noire et blanche avec motifs faits mains noirs et dorés. Ligne coton Jaad Lingerie (jaadlingerie.com) - Veste Adidas Pages 96 : Puma Suede (puma.fr) - Bustier et Tanga ligne wax Jaad - Lingerie (jaadlinpie.com) - Appareil photo Canon
Mannequin : Sophia Vagrant Réalisation : Anne-Claire Gatel Coiffure et maquillage : Vanessa Coupé Photos : Acétine, Stylisme : Delphine Km. Spécial big up à Fab et Marina Wa.
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http://urlz.fr/5ll4
DISpONIBlE EN VINYl - CD - DIGItAl
ARTICLE PAR :
INTERVIEW
NICK ZEGEL : DIRECTEUR ARTISTIQUE DE GIRL SKATEBOARDS
SANS TOMBER DANS L’IDOLATION, VOUS POUVEZ VOIR QUE JE SUIS PARTICULIÈREMENT FAN DE LA DIRECTION ARTISTIQUE DES SÉRIES DE BOARDS GIRL, du choix du thème
à la réalisation, en passant par la mise en avant des planches dans les photographies. Quand j’ai su le nom du mec derrière ça, je me suis dit qu’il était temps de le mitrailler de question.
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© Grant Puckett
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INTERVIEW NICK ZEGEL
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J’AVAIS PEUR DE FAIRE LE SAUT, MAIS J’ÉTAIS MOTIVÉ PAR LE REGRET QUE JE POURRAIS RESSENTIR… Bonjour Nick, super content de pouvoir te cuisiner de questions ! Tout d’abord, est-ce que tu peux nous en dire plus sur toi ? Nick : Je suis originaire du New Jersey et j’ai grandi dans la banlieue à l’extérieur de Philadelphie. J’ai passé beaucoup de temps dans les bois derrière ma maison familiale, à construire des forts avec des amis et imaginer des mondes plus grands et plus excitants que les miennes. On empilait des bâtons et construisait des structures, fabriquait des pièges et nettoyait la saleté de notre royaume ! Vers la troisième année (équivalent CE2), j’ai reçu ma première planche à roulettes pour Noël et je l’ai ajouté à la liste de mes intérêts croissants, qui comprenaient notamment le dessin, le football, le basketball, les jeux vidéo et la liste continue. Avance rapide jusqu’à l’école secondaire et je me suis mis à poursuivre un Bachelor of Fine Arts à l’université de Boston.
Au même moment, je venais de me proposer volontairement pour travailler gratuitement pour un couple de gars qui commencent une marque de surf au New Jersey. Entre les cours de studio et les projets collégiaux, j’ai commencé à consacrer de plus en plus de temps à construire une marque avec des amis. Après avoir obtenu mon diplôme en 2007, j’ai déménagé à Philadelphie pour continuer à poursuivre des projets entrepreneuriaux et mes humbles débuts en tant que freelance designer & artiste. En 2010, j’ai reçu un appel d’un ancien mentor me demandant si je voulais déménager en Californie pour un travail. J’avais peur de faire le saut, mais j’étais motivé par le regret que je pourrais ressentir si je loupais l’opportunité. Ça fera 7 ans que j’ai bougé en août !
Comment est-ce que ta vie t’a amené au graphisme ? Et dans le graphisme de skateboard ? Nick : Je pense que de nombreuses manières, je suis né avec un amour pour le design. Ma mère et ma tante avaient tous deux poursuivi des carrières en tant qu’artistes et designers et mon père a dirigé une petite entreprise de design d’exposition. J’ai été présenté aux arts et encouragé à les poursuivre à un âge précoce, mais ce n’est que lorsque j’ai emprunté le caméscope familial que j’ai trouvé le design tel que je le connais aujourd’hui.
The Daily Board | Skate Art Magazine : www.thedailyboard.co/fr/
“APRÈS UNE PÉRIODE ASSEZ RÉUSSIE DE DEUX ANS EN FREELANCE, J’AI RÉPONDU À UN APPEL POUR LE POSTE DE DIRECTEUR ARTISTIQUE CHEZ GIRL SKATEBOARDS. UN ANCIEN DE MES PATRONS, CRAIG METZGER DE ROXY AVAIT TRAVAILLÉ DANS LE SKATE ET EST ENTRÉ EN CONTACT AVEC ANDY JENKINS, ALORS IL M’A FAIT PASSER L’OFFRE D’EMPLOI” NICK ZEGEL
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INTERVIEW NICK ZEGEL
“JE N’AI JAMAIS VRAIMENT VOULU FAIRE DU DESIGN DE BOARD. J’AI CHOISI LE DESIGN POUR MON AMOUR POUR LA RÉSOLUTION VISUELLE DE PROBLÈMES.” J’ai commencé à filmer des potes en skate, en train de surfer et je voulais toujours partager les vidéos. C’était au début de l’ère d’internet, mais j’ai commencé à apprendre à transférer la vidéo au numérique et à éditer de petits clips de 15 secondes. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à créer un site pour partager les clips et que j’ai vraiment commencé à me trouver dans le design. J’avais créé mon propre problème et j’utilisais le design, et certaines compétences de développement que j’avais appris au cours des années pour résoudre le problème. Très vite, j’ai designé et construit un site que j’ai marqué et commencé à promouvoir. Concernant les graphiques de planche, je pense que tout designer qui a posé le pied sur un skateboard aimerait avoir l’opportunité de concevoir des board. J’ai eu la chance d’illustrer quelques boards pour un ami que j’ai rencontré par Internet lorsque je faisais tourner mon site. Je n’ai jamais vraiment voulu faire du design de board. J’ai choisi le design pour mon amour pour la résolution visuelle de problèmes.
Tu as déjà eu l’occaz de bosser sur des supports comme le snow ou surf ? Ca t’as plu / te plairait ? Nick : J’ai effectivement déjà eu la chance de concevoir pour l’industrie du surf et du snowboard. Tout comme le skate, je fais du surf et du snow et je suis très passionné par les deux, si bien que la chance d’appliquer mon amour pour le design avec mes autres intérêts rend vraiment mon travail fun et intéressant.
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J’ai vu que tu as bossé pour Quicksilver. Tu faisais quoi avant de bosser pour Girl Skateboards ? Nick : Comme je le disais, j’ai commencé à travailler avec des amis sur une petite marque dans le New Jersey (Jetty) et, au fil des années, nous avons développé cette chose et consacré énormément de temps et d’énergie. On m’a offert la chance de devenir un partenaire de la marque, alors j’ai sauté sur l’occasion mais après plusieurs années après l’université, nous étions encore en difficulté pour gagner un rond avec la marque. Tout ce qui entrait, retournait directement dedans. J’ai été contacté par Quiksilver qui m’a demandé de faire un entretien pour un poste de designer au sein du département marketing de Roxy (la marque féminine de Quiksilver). Après le déménagement en Californie et quelques années merveilleuses pour cette énorme marque de surf, j’ai décidé de quitter le bateau et de travailler pour une petite marque. J’ai rejoint une marque appelée ambsn (prononcé ambition) et j’ai commencé à travailler avec eux pour la construire.
ARTICLE PAR :
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“MA PREMIÈRE PLANCHE À ROULETTES ÉTAIT UNE BOARD GIRL EN 1993 ET JE ME SUIS : « ET MERDE, LAISSEZ-MOI VOIR CE QUI SE PASSE LÀ-BAS! »” C’était une petite opération et il fallait beaucoup d’engagement et de travail. C’était une excellente expérience d’apprentissage et nous avons fait un excellent travail avec peu de ressources, mais j’ai finalement décidé de quitter et de poursuivre le design en tant qu’artiste autonome. J’ai loué un espace d’un ami pour me mettre en place avec un environnement de travail plus formel et m’encourager à rester sur un calendrier régulier de peur de perdre mes week-ends par l’urgence des travaux freelance.
Après une période assez réussie de deux ans en freelance, j’ai répondu à un appel pour le poste de Directeur artistique chez Girl Skateboards. Un ancien de mes patrons, Craig Metzger de Roxy avait travaillé dans le skate et est entré en contact avec Andy Jenkins, alors il m’a fait passer l’offre d’emploi. Ma première planche à roulettes était une board Girl en 1993 et je me suis : « Et merde, laissez-moi voir ce qui se passe là-bas ! ».
Et comment tu en es venu à devenir le DA de la marque ? Ton boulot consiste en quoi précisément ? Nick : Après avoir passé un entretien pour le taff de Andy Jenkins, on m’a donné un projet de test ! Je me suis engagé à travailler gratuitement et j’ai passé 3 bons gros jours à construire un projet de test et une présentation pour obtenir le travail. Je pensais que si je devais le faire, autant le faire à fond. J’ai fini par appeler Andy une ou deux semaines plus tard et il m’a invité à faire partie de the Art Dump. C’était probablement le moment le plus excitant de ma carrière.
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À SAVOIR
Toutes les infos sur Nick Zegel - http://nickzegel.com - www.zeegisbreathing.com/ ARTICLE - www.instagram.com/ DE JONATHAN ALLIRAND zeegisbreathing/ - https://twitter.com/ nickzegel
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NOUS PRODUISONS 8 COLLECTIONS DE PRODUITS CHAQUE ANNÉE, SI BIEN QUE LE PROCESSUS DE CONCEPTION ET DE DESIGN DE NOUVELLES SÉRIES NE S’ARRÊTE JAMAIS Mon travail quotidien chez Girl est de gérer tout le design graphique de la marque Girl et de gérer la charge de travail pour les autres marques, Chocolate & Royal, ainsi que des projets liés à Crailtap et Fourstar. Nous travaillons à la conception de nouvelles collections de produits huit fois par an. En plus de développer des produits, nous sommes également en train de concevoir et d’exécuter le déploiement de nouveaux produits, la gestion et la conception de toutes les propriétés Web de l’entreprise, et nous essayons de nous échapper pour un déjeuner skate dans le parc.
Comment vous faites pour sortir un nouveau concept de séries ? Ça doit pas mal cogiter avant de se dire boom on fait ça ! 132
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Nick : Comme je le disais, nous produisons 8 collections de produits chaque année, si bien que le processus de conception et de design de nouvelles séries ne s’arrête jamais. Nous avons généralement des discussions quelques semaines avant chaque date limite et the Art Dump (département du design) travaillons tous à esquisser des idées et à tirer de l’inspiration pendant la gestion de la charge de travail au jour le jour. Rick (Howard) joue un grand rôle dans la décision finale quant à ce que les graphiques et les séries volent, mais avant que nous puissions obtenir une réponse de Rick, qui vient habituellement à la dernière minute, nous travaillons en groupe pour critiquer les concepts et décider lesquels valent la peine d’être poursuivis.
D’ailleurs, de la réflexion à la sortie d’une série, il se passe en général combien de temps ? Et vous avez un certain process de création ? Nick : Nous travaillons à développer des graphiques environ 6 mois avant leur arrivée dans les rues. Nous allons travailler pendant environ un mois pour concevoir de nouvelles séries, des softgoods et des accessoires, puis nous expédions les fichiers graphiques pour l’échantillonnage. Dans le même temps, nous travaillons à designer et à rassembler tous les nouveaux produits dans un catalogue que
l’on partage à l’équipe de vente pour qu’ils fassent leur part. Nous voyons généralement des échantillons quelques mois plus tard et si tout va bien, nous commençons à photographier les produits et à construire des éléments pour les équipes de vente et de marketing à utiliser. C’est là que nous avons une dernière chance d’apporter des modifications aux graphiques / couleurs / etc…
Je suis particulièrement fan de la série Twisted OG. Est-ce qu’il y en a une en particulier dont tu es ultra-satisfait ? Nick : La Twisted OG est certainement une de mes préférées et elle a été bien accueilli par une grande partie de l’équipe ce se sent toujours bon. C’est formidable de faire apparaître des éléments graphiques très forts dans des vidéos et des photographies.
ARTICLE PAR :
consommateur de déterminer où vont les graphiques. Beaucoup de revendeurs s’égareront des graphismes nerveux et provocants. Il est facile de comprendre pourquoi, mais les décisions doivent être faites pour les revendeurs et les marques quant à ce qu’ils veulent défendre et si elles sont prêtes à sacrifier des ventes pour s’affirmer leurs valeurs. Le skateboard était autrefois une poursuite jugée juste adaptée aux exclus et aujourd’hui elle est largement acceptée et défendue.
SOUVENONS-NOUS QUE NOUS AVONS DE LA CHANCE DE FAIRE DU SKATEBOARDS, DE POURSUIVRE NOS PASSIONS ET DE LA CHANCE POUR NOS LIBERTÉS D’un côté, les planches abordent de plus en plus des plys de bois apparent à travers le dessin et les graphismes ultra-provocateurs des années 90 sont moins omniprésents. Comment est-ce que tu vois évoluer les graphismes de skate dans les années à venir ? Nick : J’aime penser que tout ce qui existe a un cycle naturel et l’on verra à quel âge les anciens seront devenus les nouveaux et que les nouveaux seront devenus vieux. La barrière pour l’entrée sur le marché des planches a longtemps été diminuée. Toute personne avec quelques centaines de dollars peut mettre n’importe quelle image sur une board. Ce qui deviendra plus important que n’importe quel graphique sera ce que représente le graphique ou la marque. Avec un marché de plus en plus concurrentiel et une mer de graphiques incroyables, il incombera au
Quels sont les projets sur lesquels tu taffes en ce moment ? Nick : Nous avons une collaboration très excitante avec Kodak and Girl dans les cartons à venir plus tard cet été. Lakai finit tout juste de terminer un long-métrage, donc, dès que ça sortira, je pense qu’il y aura à nouveau de la place pour explorer plus de projets de production de films liés à Girl and Chocolate. Sur le côté graphique, nous nous concentrons sur des graphismes ponctuels au cours des prochaines semaines, et nous sommes déjà en train de réfléchir à ce que l’on sortira janvier prochain. Il y a déjà des propositions intéressantes sur la table, nous devrions avoir un passionnant six mois de création de travaux jusqu’à l’année prochaine !
Merci pour toutes ces réponses Nick ! Un dernier truc à rajouter ? Nick : Avoir une approche des choses honnête et garder l’esprit ouvert. En ce qui concerne le skateboard ou le design, essayons tous un peu plus fort de nous comprendre et de nous entendre. Nous vivons dans des moments difficiles, alors souvenons-nous que nous avons de la chance de faire du skateboards, de poursuivre nos passions et de la chance pour nos libertés. Merci de m’avoir reçu sur TheDailyBoard !
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RETROUVEZ The Daily Board sur Internet et suivez les sur Facebook : http://urlz.fr/51wS Girl Skateboards : http://girlskateboards.com/
BOARD ART
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FIGHT THE POWER PAR BILLY DAGGERS
L’illustrateur californien Billy Daggers s’est chauffé à créer cette superbe œuvre d’art intitulée ‘Fight the Power’. À travers cette board, Billy a souhaité montrer tout son amour pour son nouveau président Donald Trump. En termes de technique, c’est à l’aide de pochoirs qu’il a appliqué les couches de peinture et pour la petite anecdote, il lui aura fallu tout de même 46 couches pour l’achever ! L’œuvre est potentiellement encore visible à la galerie 63 Bluxome Street Gallery. ✎ Rom
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DEALER SERIES PAR MARCUS DIXON X ELEMENT SKATEBOARDS
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C’est la 2 fois en moins d’un an que l’autralien (à l’origine de nombreux graphismes pour la marque Pass~port) collabore avec Element. Dans cette série intitulée ‘Dealer’, Marcus Dixon rend hommage aux cartes à jouer dans les casinos dans un style graphique qui lui est bien propre ! Ces belles planches sont en vente directement sur le shop d’Element : www.elementbrand.com
Lancée par les londoniens Paul Shier & Nick Jensen, la marque Isle Skateboards a sorti une nouvelle série originale. Le concept de la Enamel series est de représenter un univers de pin’s et badge par skater, et donc par planche.
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BILLY DAGGERS CUT//SPRAY//DESTROY Dessinateur, illustrateur, designer. Alias 6GUN.
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ENAMEL SERIES BY ISLE SKATEBOARDS
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Basé à Oakland, CA
Une série de 7 planches disponibles sur le store de Isle : www.store.isleskateboards.com ✎ Rom
✎ Rom
http://billydaggers.com/about/ https://www.facebook.com/bdaggers/
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KARL SALAH | TRE FLIP
EFFORTLESSLY EGALITARIAN THE 505 BY NEW BALANCE NUMERIC
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MODE AU VILLAGE DES CRÉATEURS
L’été plaisirs
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BIJOUX EN VERRE LAURA PARISOT
MODE AU Laura Parisot crée des bijoux singuliers, confrontant les savoir-faire traditionnels aux nouvelles technologies. Fascinée par le kitsch, le baroque, elle affirme une vraie signature à travers la production de séries limitées ou la création de pièces uniques d’exception. En 2016, Laura Parisot remporte le prix du public du concours Talents de Mode. L.P. - lauraparisot.wixsite.com
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MONTRE EN BOIS - DWYT
À travers ses montres en bois, la nouvelle marque française D.W.Y.T (Do Waste Your Time) revendique un état d’esprit fort, celui de « Prendre le temps ! ». En alliant des matériaux séculaires à un style épuré, les montres D.W.Y.T invitent à la modernité et à la sobriété. Montres à partir de 109 euros à découvrir dans la nouvelle boutique du Passage Thiaffait, 19 rue René Leynaud Lyon.
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DWYT - www.dwyt-watch.com
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LAMPE « PASSE-PARTOUT » - POLOCHON ET CIE
U VILLAGE Polochon & Cie, nouvelle marque de décoration pour enfants, se différencie par sa cible spécifique (les juniors de 6 à 12 ans) et surtout par l’attention portée au design, à l’innovation et à la fabrication française. Sa première collection de lampes nomades pour enfants, illustre parfaitement ces 3 principes ! Baladeuse, accessoires de jeux, veilleuse, la lampe « Passe-partout » est au prix de 89 euros. POLOCHON ET CIE www.polochon-cie.fr
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Support pour ordinateur portable démontable, en bambou naturel découpé au laser.
SOUS-VÊTEMENTS DE SPORT - HAPPY AND SOT
Améliore le maintien du dos et la position de travail face à son laptop. Les produits Piknik témoignent d’une attention particulière dans l’expression du mobilier. Le juste nécessaire et l’émotion de la matière. Une alchimie entre le design thinking et l’art de l’artisanat, chaque pièce assemblée à la main, garantit une finition ajustée.
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Loin de la production industrielle de masse, Piknik propose une collection made in France, qui pourra selon les besoins de chacun être ajustée et proposée sur mesure.
La marque lyonnaise est diffusée en grandes et moyennes surfaces en France.
PUPITRE EN BAMBOU - PIKNIK
PIKNIK - www.piknik-store.fr
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HAPPY AND SO www.happyandso.com
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Le Village Des Créateurs - Découvrez le concept sur : www.villagedescreateurs.com
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VENDREDIS Les VENDREDIS ! Un nom à l’univers évocateur emprunté à Robin Cruosé pour qualifier cette équipe de designers-artisans. Des indigènes nés le jour de Vénus qui ont croisé sur leur île Alice, Marilou ou Jack. La jeune entreprise VENDREDIS porte les valeurs de ses fondateurs. Née sur pentes de la Croix-Rousse, quartier historique de Lyon marqué par l’activité manufacturière des canuts aux XVIIIe et XIXe siècle, VENDREDIS se veut l’héritière de métiers artisanaux de l’époque préindustrielle.
« Nous sommes des indigènes, nous puisons nos matières premières dans les ressources proches. Nous sommes voisins, architectes, menuisiers, nous appartenons au tissu local comme il nous appartient. Nous nous définissons comme des faiseurs, l’amour des matériaux nobles, le goût du naturel, du produit brut, le désir de créer, nous ont réuni. VENDREDIS mélange des savoir-faire technologiques et traditionnels basés sur le partage de nos compétences plurielles. » racontent Yacine, Paul, Marc, Lionel et Anne les fondateurs.
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ZOOM CRÉATREURS ©VENDREDIS
Photo de gauche et ci-dessus ©VENDREDIS
La créativité de ses designers, de ses concepteurs et de ses artisans permet de construire des univers dans lesquels leurs imaginaires se matérialisent par des objets uniques. La haute-technicité liée à des savoirfaire manuels rares conduit à la fabrication d’objets en petites quantités tout en incorporant de fortes valeurs esthétiques autour du bois, matière naturelle devenue le matériau-cœur du projet VENDREDIS.
À SAVOIR
Retrouvez la collection VENDREDIS au Show Room + Bureaux : 6B, rue des Capucins - 69001 Lyon vs.vendredis@gmail.com +33 (0)4 78 39 99 68 +33 (0)6 07 78 50 18 Contacts : Yacine . Paul . Marc . Lionel . Anne
PLUS D’INFOS
www.vendredis.biz
Le Village des Créateurs - Découvrez le concept sur : www.villagedescreateurs.com
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À SAVOIR : Table chanterelle de la collection Alice : une table paysage au pays des merveilles. La Table Chanterelle peut s’appréhender de loin, elle apparaît alors comme un paysage fait de courbes de niveaux et de reliefs. La table se découvre également par-dessous, créant un espace de jeu inversé pour les enfants qui aiment jouer sous les tables...
ARTICLE PAR :
LAISSEZ LES MURS PROPRES Il y a 5 ans, 3 férus de graffiti et de peinture urbaine se lancent dans une vaste collecte de photos de graffitis de rue, des graffitis amateurs, faite par des amateurs et créent un blog : www.laissezlesmurspropres.tumblr.com qui rassemble aujourd’hui environ 3 000 abonnés et des milliers de vues.
©Laissez les murs propres
À l’inverse du « street art » appellation qui ne veut rien dire, « Laissez les murs propres » redonne le vrai sens du graffiti, écrire un message sur un mur !!! Tout y passe : politique, poésie, vulgarité, humour, revendications de tout poil. L’idée avec ce livre était de faire un concentré de ce que nous avions trouvé de mieux dans la rue. Au résultat : 200 pages de poésie brute, de messages qu’on ne veut pas forcément voir mais qui ont le mérite d’être là.
LAISSEZ LES MURS PROPRES - En vente dans les librairies / points de vente : http://www.quincailleriemoderne.fr/b.html
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TATTOOISME. Ce mot peut définir tout ce qui touche au tatouage et en faire un courant, une tendance et une définition. Ce qui était vu comme la marque de l infamie, le rejet social, l appartenance à un groupe, un milieu ou à une identité revendiquée, est considéré aujourd’hui comme un art entier et vivant. Mais le tatouage évolue, progresse et subit une mutation, disons artistique, ainsi que sociale. Mieux accepté, devenu aussi le frisson à la mode avec ses dérapages et son élite qui prend le train en marche, le tatouage n’en déborde pas moins d’imagination et brise son enclave. Cet art de la peau influence d’autres courants, étendant ainsi son image, son attitude et son style de vie indélébile sur un vaste horizon visible au quotidien, sur des personnes vivantes bien sûr, dans les médias encore et depuis un certain temps dans les galeries d’art, remplissant les collections privées. Le tatouage s’offre une fugue, sort des sentiers battus et découvre un terrain vierge qui est à la fois la base et la continuité logique : peinture, illustration, graphisme, customisation d’objets, design, dessin, collage, sculpture, etc... Cette évolution ne s’est pas faite sans la participation et la dévotion de certaines personnalités, artistes, tatoueurs revendiqués ou non, que vous trouverez dans les pages de Tattooisme. Offrez-vous le plaisir de découvrir ce qui anime le tatouage d aujourd’hui. 192 pages et plus de 400 photos dans un artbook tout simplement essentiel ! Chris Coppola et Frédéric Claquin
— JEAN-LUC NAVETTE — VIVA DOLOR - Lyon, France
Un personnage haut en couleur qu’on ne présente plus : peintre, dessinateur et musicien, agitateur de l’underground lyonnais. Un style reconnaissable entre tous, dans cette mouvance nouvelle école française, dont il est un des initiateurs. JeanLuc Navette a su déblayer et dépasser l’iconographie et le style traditionnel propre à l’histoire du tatouage. Illustrateur de formation (il a fait, tout comme son acolyte de studio, TopsiTurby, l’école Émile Cohl, d’où il est sorti diplômé en 1999), il croise le chemin de Sieur Yann Black (Your Meat is Mine, Montréal, Canada alors à Tribal Act) et le jeune Easy Sacha (de Tribal Act à Tin-Tin Tatouages), qui le pousse définitivement vers la peau. Créateur de la galerie d’exposition/salon de tatouage Viva Dolor, cela fait 9 ans maintenant qu’il pique, après des débuts chez Mathias Artribal (Lyon). Des dessins en noirs et blanc très contrastés et des taches d’encres qui ne sèchent jamais vraiment. Ce style sombre et macabre s’accorde à des motifs parfois morbides, mais toujours traité avec légèreté et humour. Imagerie religieuse, crânes, corbeau : un style BD et cartoons réalistes, au trait nerveux, griffé, gravé. Il est l’auteur de l’ouvrage Crève ! (Black Cat Bones Éditions), un petit théâtre des ombres où se bousculent icônes zombifiées, stars défigurées, célébrités cadavériques, mythes anonymes, avec en fond de rideau : la Mort. Ses influences ? Mieux que personne, il nous lâche : « l’Amour, la peur, la folie des hommes et la musique du diable ». Amen. Jean-Luc Navette est l’auteur de deux magnifiques ouvrages : « Dernier Été Du Vieux Monde » et le tout récent « Nocturnes » tous deux sortis chez Noire Méduse Édition. Jean-Luc Navette (Viva Dolor) sur Facebook : https://www.facebook.com/groups/17284656044/
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RETROUVEZ
“NOCTURNES“ DE JEAN LUC NAVETTE RECUEIL D’ILLUSTRATIONS DE 184 PAGES FORMAT 31 CM X 25 CM COUVERTURE CARTONNÉE SORTIE LE 15 AVRIL 2017 sur Internet : http://urlz.fr/5Chl
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Peter L. Hammond- Assembled Photography
LA GALERIE POlOck RichE cOMME RhésUs (kinETics-sPlAsh)
- PETER l. hAMMOnD Kinetics Splash est un économiseur d’écran qui affiche une image abstraite en constante évolution sur votre écran d’ordinateur. L’image générée à partir d’éclats de peinture évolue sur un canevas. Cet économiseur d’écran est également équipé d’une horloge qui apparaît sur votre écran, et vous pouvez changer la couleur du fond. L’application est gratuite.
Retrouvez plus d’infos sur
www.peterhammond.com Plus d’information sur : https://www.rokuguide.com/channels/kinetics-splash Ces images ont été généré à partir des fontes suivantes : WC Rhesus A Bta et WC Rhesus B Bta, polices de caractères disponiblent en libre téléchargement sur Dafont : http://www.dafont.com/fr/wc-rhesus-bta.font http://www.dafont.com/fr/wc-rhesus-b-bta.font 158
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La fonderie WC Fonts qui a réalisé ces polices de caractère est une filiale d’Atypeek.
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Anne Horel - Artiste des réseaux sociaux
LA GALERIE REgARDE MOi si TU PEUx - AnnE hOREl Interview original
Anne horel est une artiste protéiforme née en 1984. collagiste, gif artiste, vidéaste, chanteuse, performeuse et licorne à mi temps officiant principalement sur Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux. Multizappeuse compulsive iconophage, elle fait du “collage-avec un grand c-” son mode d’expression privilégié. Bercée à la fois par la télévision, les jeux vidéos, le Minitel et internet, Anne horel est marquée du sceau de la culture du zapping, symptomatique d’une génération passerelle post-bogue de l’an 2000. Elle glane ses matériaux dans l’iconographie contemporaine (ou pas), en extrait des mises en rapports, en paradoxes, en abîmes, cultivant ainsi une position ambigüe, à la frontière d’à la fois tout et son contraire. Anne horel aime aussi faire des gros bisous, les arts divinatoires, la gym tonique et l’eau gazeuse naturelle.
Site officiel : http://www.annehorel.com/ 172
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Toine - Photocompulsif
LA GALERIE êTES-VOUS VRAIMENT SCHLAASSS ? - TOinE. -
Interview original
TOinE. est photocompulsif depuis 18 ans, mais ça va mieux, merci.
L’ensemble de mon book sur www.toinebehind.com Mon profil Instagram : https://www.instagram.com/photocompulsif/ Mon profil Facebook : https://www.facebook.com/PHOTOCOMPULSIF-909101075814439/ Merci à Charlie Dirty Duran (aka la biguleuse) et Daddy Schwartz (le grand maigre) du groupe Schlaasss 190
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ABÉCÉDAIRECHA
DANS LA CUISINE DE CHA
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©DR
A
COMME ALICANTE
C’est là que j’habite depuis trois ans alors que je détestais l’espagnol… J’aime bien me contrarier, parfois. J’aimerais bien avoir des trucs publiés en espagnol, j’ai juste participé à un fanzine local et en ai sorti un autre en autoprod à 50 exemplaires, avec des traductions de mon blog, qui s’appelle Odio a los Españoles (« Je déteste les Espagnols »).
B
COMME BLOG…
Plus de 10 ans que mon blog existe. Il y a pas mal de vieux trucs qui me collent la honte dedans mais aussi des trucs que j’aime bien. Je le délaisse un peu depuis que je suis partie vivre en Espagne, parce que j’ai plus de boulot et autre chose à faire de mon temps libre. Mais je n’ai pas renoncé et je suis frustrée de ne plus pouvoir l’alimenter alors que j’ai toujours des conneries à y raconter. J’ai environ mille notes inachevées, commencées depuis des mois dans mes carnets… Ça me désole.
C
COMME CUBA
comme Cuba veau d’anglais qui était vraiment faible, je n’étais pas Les lecteurs fidèles de AAARG ! auront compris que le sujet m’intéresse puisque leur magazine favori a déjà publié trois trucs sur ce thème : Les Survivants, une traduction du reportage de Luis Trelles, ainsi que deux BD adaptées de nouvelles écrites par l’ami Yimel García Gongora.
Cet intérêt pour Cuba a commencé en 2012 par un refus de visa par les USA (suite à un premier refus en 2006), un voyage en Californie qui tombe à l’eau, la recherche d’une nouvelle destination pour ne pas totalement foirer les vacances et le choix de Cuba par vengeance : puisque c’est comme ça, j’irai dépenser ma fortune de touriste en pesos plutôt qu’en dollars. Mes compagnons de voyage sont donc partis aux États-Unis et moi, j’ai embarqué seule pour La Havane avec dans mes bagages toute mon inculture et mon ignorance sur ce pays, sa situation géopolitique et son histoire… et c’était sans doute une chance car j’y suis allée sans a priori, sans être ni pro ni anti, sans vouloir y voir une chose plutôt qu’une autre. Seule, ne parlant pas un mot d’espagnol, avec un niveau d’anglais qui était vraiment faible, je n’étais pas préparée du tout à ce que j’allais trouver là-bas. Un autre monde… schizophrène, hors du temps, souvent oppressant… Et moi au milieu de tout ça tartinée de crème solaire indice 50, mon nez de touriste en l’air sans rien piger… C’était parfois un peu compliqué mais ça a été une expérience tellement fascinante que je n’ai pas pu clore le dossier avec la fin des vacances et le retour à Paris. J’y suis retournée une deuxième fois la même année et je suis revenue en France bien décidée à bosser sur le sujet, j’ai lu, vu, écouté, appris, et puis je suis partie habiter en Espagne pour apprendre l’espagnol. Je bossais alors sur Un Homme de goût avec El-diablo et en 2015, une fois les deux tomes bouclés, j’ai pu retourner m’arracher les cheveux sur l’île de toutes les polémiques pour essayer d’en ramener quelque chose…
D
DERNIERS LIVRES :
- PIZZA ROADTRIP (CHA/ELDIABLO, ANKAMA EDITIONS) : HTTP://URLZ.FR/5KES - UN HOMME DE GOÛT (CHA/ ELDIABLO, DEUX TOMES CHEZ ANKAMA ÉDITIONS) : HTTP://URLZ.FR/5KET HTTP://URLZ.FR/5KEU MES PUBLICATIONS SUR CUBA SONT LISIBLES DANS QUELQUES NUMÉROS DE AAARG ! (HTTP://URLZ.FR/5KEV) ET DANS LE NUMÉRO 5 DE LA REVUE TOPO (WWW.TOPOREVUE.FR) MON BLOG (ACTU, BD ET ILLUSTRATIONS EN DILETTANTE) : HTTP://BLOG.CHABD.COM ACHETER DES ORIGINAUX, POSTERS, TIRAGES, FANZINES, IMPRESSIONS SUR DIVERS SUPPORTS… : HTTP://SHOP.CHABD.COM HTTP://URLZ.FR/5KEW ME SOUTENIR : HTTP://URLZ.FR/5KEX
COMME DON
J’étais une gamine plutôt peureuse et pas dégourdie… Mais quand les adultes complimentaient mes dessins – sans doute pour me faire plaisir car je ne crois pas qu’ils avaient quelque chose de plus que les gribouillages des autres – je prenais ça très au sérieux ! Sincèrement persuadée d’être une enfant prodige, j’ai pris confiance en moi dans ce ATYPEEK MAG #03
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domaine et quand on me demandait où j’avais appris à dessiner, je répondais très naturellement : « c’est un don ». Plus tard, j’ai découvert que non, je n’avais pas un talent exceptionnel, ça a été un peu dur à avaler. J’ai même arrêté de dessiner un temps à l’adolescence, trop deg.
E
À SAVOIR Cha a participé à Spirou, Psikopat, AAARG!, à la revue Topo... Elle travaille entre autres avec les éditions Même Pas Mal, Ankama et Casterman.
PLUS D’INFOS
https://blog.chabd.com/
COMME ENCRAGE
C’est là que tout se joue, que le dessin prend vie. Il faut être précis et souple à la fois, surtout avec le pinceau. Mon outil principal, c’est le classique pocket brush Pentel. J’aime beaucoup mon rotring aussi, un bel outil qui glisse sur le papier, un trait bien net qui fait oublier la pénibilité de devoir le déboucher tous les quatre matins. J’aime énormément les rendus à la plume aussi, même si je l’ai peu expérimentée jusqu’à présent.
F
COMME FILMS
J’aime les premiers films de Pialat. L’Enfance nue ou Passe ton bac d’abord sont fascinants. Plus récemment, je me
suis passé l’intégrale d’Almodovar et j’ai été happée par ses psychopathes attachants, ses névrosés au bout du rouleau et ses femmes qui subissent les hommes. Le cinéma cubain a ses trésors aussi : parmi les films de Tomás Gutiérrez Alea, Fraise et Chocolat et Mémoires du sous-développement sont les plus connus. Bien moins connu du même réalisateur, il y en a un qui s’appelle Los Sobrevivientes, qui raconte sur plusieurs décennies l’enfermement volontaire d’une riche famille dans son manoir, en attendant la fin de la révolution et la libération par les Américains qui évidemment ne vient jamais. Ils finissent par s’entretuer en sombrant dans la folie et le cannibalisme… enfin je crois, car la seule copie que j’ai trouvée avait une résolution de 12 x 25 pixels avec un son horrible et sans sous-titres.
G
COMME GPWS (GROUND PROXIMITY WARNING SYSTEM)
Un système d’alarme qui, comme son nom l’indique, avertit les pilotes d’avions de ligne de la proximité du sol. Je le sais
ARTICLE PAR :
car je ne manque aucun épisode de la série documentaire Dangers dans le ciel (ou Mayday, Alerte Maximum ou Air Crash, c’est selon), qui reconstitue les accidents d’avions et les enquêtes qui les expliquent. On apprend plein de trucs sur le fonctionnement des appareils et leur conception, c’est formidable et terrifiant. J’adore prendre l’avion, comme je n’ai pas du tout l’esprit scientifique, faire voler de si grosses machines me semble toujours un peu surnaturel.
H
COMME HUMUNGUS
J’ai fait partie pendant longtemps du collectif Humungus (le grand ayatollah des plaines et des montagnes dans Mad Max 2), on allait peindre des fresques dans des concerts, des festivals… C’était souvent un peu moche et brouillon mais on s’amusait bien et on voyait du pays ! La dernière que j’ai faite, c’était en Australie en équipe réduite avec Melvin Zed qui faisait son business sur Mad Max (voir AAARG ! n° 4 première
version, mai - août 2014), réalisée pendant le festival Mad Max à Silverton, sur les terres du tournage de Mad Max 2 et désormais exposée au musée Mad Max 2. Boucle bouclée !
I
PLUS RÉCEMMENT, JE ME SUIS PASSÉ L’INTÉGRALE D’ALMODOVAR ET J’AI ÉTÉ HAPPÉE PAR SES PSYCHOPATHES ATTACHANTS, SES NÉVROSÉS AU BOUT DU ROULEAU ET SES FEMMES QUI SUBISSENT LES HOMMES. CHA
COMME INFLUENCES
Mes premières lectures étaient franco-belges : Boule et Bill, Tintin, Astérix, Lucky Luke, etc., remplissaient ma bibliothèque de gamine. J’ai aussi connu l’âge d’or du Club Dorothée et ses mangas animés. Un peu plus tard sont arrivés Calvin et Hobbes et Agrippine. Encore plus tard, j’étais super attirée par le graphisme des posters de Tank Girl qui se vendaient dans mon supermarché de province, je trouvais ça super transgressif, le crâne rasé et les nichons-rockets, j’allais tout le temps les regarder. J’ai plusieurs fois emprunté Fritz the Cat à la bibliothèque et j’achetais un magazine de jeux vidéo parce qu’ils avaient une rubrique manga à la fin et les dessins me fascinaient, et puis Spirou et Fluide Glacial. ATYPEEK MAG #03
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C’est à ces époques-là que s’est construite mon envie de dessiner, donc je pense qu’à la base, il y a tout ça mélangé, c’est un peu indéfinissable.
J
COMME JEUNESSE
Un jour, j’aimerais beaucoup adapter un roman jeunesse que j’ai lu, lu et relu gamine, qui s’appelle La Sacoche jaune. Ça parle d’une gamine qui ne trouve pas trop sa place auprès des siens et qui voit sa vie transformée par l’acquisition d’une sacoche jaune, pleine de poches dans lesquelles on peut ranger plein de trucs : un coq, un parapluie cassé, une épingle à nourrice, des correspondants imaginaires… J’adorais cette histoire. Pour la jeunesse également, je bosse en ce moment sur le premier tome d’une série avec Dodo au scénario. À suivre…
K
COMME KLAXON
Selon le Code de la route et le bon sens, à n’utiliser qu’en cas de danger immédiat, surtout en milieu urbain. Sonnant entre 90 et 110 décibels, son utilisation inopinée est susceptible d’emmerder beaucoup de monde aux alentours. Ne faites pas chier le monde, ne klaxonnez pas.
L
COMME…
Il y a un mot qui commence par un L et qui est complètement banni de mon vocabulaire, qui a un énorme pouvoir de nuisance sur mes nerfs. Il agit comme un détonateur, il suffit que quelqu’un le prononce pour que je sois sur-lechamp envahie par la mauvaise humeur. C’est indépendant du sens, c’est une question de sonorité, c’est absolument insupportable. Rien que d’y penser ça me fiche en rogne. Il y a deux personnes qui connaissent l’identité de ce mot : ma mère et l’infâme Melvin MZed qui s’en sert parfois pour me faire du chantage.
M
COMME MATÉRIEL
Je suis plutôt du genre économe à tendance radine. Avec mes faibles revenus, toute dépense est potentiellement superflue. Je fais donc assez peu d’investissements en matériel. J’ai changé mon PC en 2015 au bout de huit ans parce que ce n’était vraiment plus possible de bosser avec (j’ai terminé Un Homme de Goût dans des conditions
vraiment épouvantables !). J’ai un scanner que j’ai payé 20 % de son prix car défectueux, j’utilise la même petite tablette graphique Wacom depuis plus de dix ans, ma table lumineuse est faite d’un tiroir récupéré aux ordures, d’une vitre de cadre et d’une vieille lampe… Pas de Mac ni de Cintiq. Les trucs dernier cri, ça facilite sans doute un peu la tâche mais je ne crois pas que ça me rendrait meilleure.
N
COMME NASEAUX
J’ai un Tumblr qui s’appelle « Truffes et Naseaux », ça consiste à faire des images grand angle de museaux de chiens, de nez de chevaux ou autres. Ça leur fait des têtes idiotes, Oça me fait rigoler.
O
COMME OISEAUX
Il y a une fausse croyance qui dit qu’il faut donner du pain trempé dans du lait aux oiseaux ou oisillons affaiblis, alors que c’est un poison mortel. Ne le faites jamais !
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COMME PONCHO
J’AI UN TUMBLR QUI S’APPELLE « TRUFFES ET NASEAUX », ÇA CONSISTE À FAIRE DES IMAGES GRAND ANGLE DE MUSEAUX DE CHIENS, DE NEZ DE CHEVAUX OU AUTRES. ÇA LEUR FAIT DES TÊTES IDIOTES, OÇA ME FAIT RIGOLER. CHA
J’ai longtemps pensé que les westerns ne m’intéressaient pas, au point de n’avoir jamais ressenti le besoin de voir les films de Sergio Leone. Il y a deux ou trois ans, Melvin Zed (encore lui), scandalisé, m’a forcée à regarder la trilogie des dollars. Je ne savais même pas qui allait mourir en regardant bouche bée le truel final du Bon, la Brute et le Truand ! Depuis, je suis vêtue d’une réplique du poncho de Clint Eastwood dès que le thermomètre passe sous les 20 degrés.
Q
COMME QUART D’HEURE DE GLOIRE
Je n’ai jamais été du genre très populaire quand j’étais élève, du côté de ceux qui se font moquer, immature et jamais les bonnes fringues. Pendant ma dernière année de lycée, quatre filles m’avaient prise en grippe et enchaînaient les petites méchancetés… Au bout d’un moment, j’ai décidé de me défendre avec mes moyens : une caricature plutôt cruelle des quatre morues photocopiée en plusieurs exemplaires A3 scotchés dans le lycée et un grand portrait au marqueur pas très sympa sur une porte de chiottes. Alors que je m’attendais à me prendre une ou deux baffes en retour, j’eus la surprise de me rendre compte que mon attentat ATYPEEK MAG #03
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avait eu son petit succès au bahut, je me retrouvai félicitée par des inconnus, applaudie par des gens populaires ! J’ai été collée et j’ai dû nettoyer la porte des toilettes, mais j’avais gagné un quart d’heure de popularité et les biques ne m’ont plus jamais embêtée.
R
COMME REPORTAGE
J’aime bien le concept des reportages et documentaires en BD. Ça rend accessible des sujets qu’on n’irait pas forcément lire sous une forme plus austère. En 2013, je suis partie en Pologne pour voir le groupe cubain Porno Para Ricardo qui pouvait pour la première fois sortir de l’île pour partir en tournée (avant 2013, les Cubains devaient demander un permis de sortie du territoire pour voyager). Là-bas j’ai fait la connaissance de Sara Roumette qui est journaliste, a vécu quatre ans à Cuba et a écrit un bouquin très bien fichu pour décoder la société cubaine… L’aubaine, la collaboratrice idéale ! Ça a mis un peu de temps à se mettre en place parce qu’on bossait toutes les deux sur d’autres trucs mais on a fini par monter notre projet. Je suis en train de le dessiner au moment où j’écris, ça devrait normalement paraître en mai dans Topo, la petite sœur pour les ados de la Revue Dessinée. Ça parle d’embargo, de rationnement, de double monnaie…
S
COMME SOLITUDE
J’ai pas mal de soucis pour me concentrer, ce qui fait que j’ai besoin d’un environnement très fermé au monde extérieur pour pouvoir espérer bosser efficacement. J’aurais beaucoup de mal à travailler en atelier, avec des gens qui jacassent, vont, viennent et s’agitent dans mon champ de vision.
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COMME TROUILLE
Je suis terrifiée à l’idée de parler en public, c’est toujours une catastrophe. Rien que de rédiger cet abécédaire me
coûte tellement que j’ai envie d’écrire en tout petit pour que personne Une puisse lire.
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COMME UN HOMME DE GOÛT
On a commencé à bosser ensemble avec Eldiablo en 2011 sur Pizza Roadtrip, et comme on était contents de notre collaboration on a enchaîné sur les deux tomes d’Un Homme de goût, trois bouquins qui m’ont forcée à sortir de ma zone de confort et beaucoup fait progresser. Un Homme de goût m’a permis quelques chouettes expériences : vu que c’est une histoire à flashbacks qui nous balade à travers le monde et les siècles, j’ai choisi d’utiliser des styles et techniques différents pour chaque chapitre, en rapport avec le contexte géographique ou l’époque du récit. Du coup j’ai pu toucher à des trucs plutôt inhabituels pour moi : plume, couleur directe, crayon… Et ça m’a fait plaisir d’avoir comme personnage principal une quinquagénaire pas vraiment dans les stéréotypes des rôles féminins.
V
COMME VÉGÉTARISME
Puisque cette rubrique s’appelle « Dans la cuisine de… », sachez que dans la mienne de cuisine, on ne trouve plus d’animaux morts depuis plus de 10 ans. Pour moi, c’est une question de logique, d’évolution, d’adaptation : si le milieu dans lequel je vis me permet de vivre correctement sans avoir besoin de chair animale, alors sa consommation n’est pas justifiée. Je serais complètement incapable de tuer moi-même une bête, et je suis absolument horrifiée par les abattoirs, donc pas de viande pour moi.
W
COMME WAMPAS
Je les ai beaucoup écoutés à un moment, j’aimais beaucoup le mélange entre l’agressivité de la guitare électrique et le côté fleur bleue ou naïf des paroles. J’écoute moins maintenant parce que je me suis un peu lassée du punkrock et tout ça. Je n’écoute pas beaucoup de musique
UN HOMME DE GOÛT M’A PERMIS QUELQUES CHOUETTES EXPÉRIENCES : VU QUE C’EST UNE HISTOIRE À FLASHBACKS QUI NOUS BALADE À TRAVERS LE MONDE ET LES SIÈCLES, J’AI CHOISI D’UTILISER DES STYLES ET TECHNIQUES DIFFÉRENTS POUR CHAQUE CHAPITRE, EN RAPPORT AVEC LE CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE OU L’ÉPOQUE DU RÉCIT. CHA
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INTERVIEWCHA
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pour bosser, ça ne capte pas du tout mon attention. Je préfère me passer des documentaires, des émissions ou des séries en regardant d’un œil. Par contre, la musique est indispensable pour faire la vaisselle.
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COMME XYLOPHONE
J’y connais pas grand-chose en instruments de musique mais j’adore les orchestres, que ce soit l’orchestre municipal jouant des pasodobles dans un des mille défilés annuels en Espagne ou un bel ensemble philharmonique qui te prend au cœur et aux tripes.
Y
COMME YIMEL
… que j’ai rencontré à La Havane. On a le même âge à quelques jours près et on a grandi et évolué dans deux mondes vraiment différents. Un jour en 2012, il me raconte qu’il aime bien écrire et me raconte ses nouvelles. L’idée de les adapter en BD est venue très vite, c’était une super occasion de ramener un peu de culture cubaine et de sortir quelque chose de cette chouette rencontre. En 2015, quand j’ai pu y retourner, on a donc bossé làdessus, réécrit quelques dialogues sur sa vieille machine à écrire d’un autre temps, fait quelques crobards à partir de gens qu’il me désignait dans la rue comme étant tel ou tel personnage… et je suis rentrée avec sous le bras trois histoires à dessiner, chacune sur un thème très cubain. AAARG ! a publié les deux premières : El Día de la Rebeldía Nacional qui se moque de la tournure absurde que peut prendre le climat politique à Cuba, Mucho Culo y Poco Taxi qui met en scène deux jineteras et la troisième, qui attend impatiemment que j’aie le temps de la dessiner, parle de spiritisme…
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JE N’ÉCOUTE PAS BEAUCOUP DE MUSIQUE POUR BOSSER, ÇA NE CAPTE PAS DU TOUT MON ATTENTION. JE PRÉFÈRE ME PASSER DES DOCUMENTAIRES, DES ÉMISSIONS OU DES SÉRIES EN REGARDANT D’UN ŒIL. PAR CONTRE, LA MUSIQUE EST INDISPENSABLE POUR FAIRE LA VAISSELLE. CHA
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COMME ZAMBULLIR
Un mot rigolo en espagnol qui veut dire plonger. J’ai la chance de vivre près de la mer dans un endroit où on peut se baigner sept mois de l’année et j’en profite autant que je peux entre deux planches, avec mon masque et mon tuba… Mais gare aux piqûres de méduses, ça m’est arrivé deux fois et ça m’a laissé de graves séquelles psychologiques...
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Festival des aigles à Oulan-Bator : démonstration de chasse à l’aigle avec les kazakhs de Mongolie PHOTO 2 :
yourte familiale à côté d’une ferme mongole PHOTO 3 :
concert traditionnel mongol avec les fameux « violons à tête de cheval » (morin khuur) PHOTO 4 :
Aisholpan, jeune dresseuse d’aigles et héroïne du film « La Jeune fille et son Aigle » Région d’Oulan-Bator - Mongolie, début mars 2017 par Alice Féray- Photographe
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Le Geek C’est Chic
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Arnaud Verchère - Journaliste
LE CAHIER D E S G E E K S AV I S É S cOMMEnT fOncTiOnnE (RéEllEMEnT) l’AlgORiThME DE fAcEBOOk Article I Siècle Digital
Arnaud verchère, Journaliste
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COMMENT FONCTIONNE (RÉELLEMENT) L’ALGORITHME DE ?
RÉDACTION : SIÈCLE DIGITAL RÉDACTEUR : ARNAUD VERCHÈRE
INFOS : HTTPS://SIECLEDIGITAL.FR/
Saint Graal de la portée des publications, l’algorithme de Facebook est le sujet de nombreuses conversations au sein de la communauté des social media manager et créateurs de contenus. Ce dernier évolue régulièrement et de manière soudaine au rythme de la vision stratégique de Facebook depuis maintenant 10 ans. Mais pourquoi l’algorithme de Facebook est-il sujet à tant d’attention de la part des marketeurs ? Comme nous l’évoquions dans le préambule de cet article, l’algorithme va décider quelle publication sera mise en avant selon chaque utilisateur. Donc en somme de la portée totale du contenu et de l’engagement qui en découlera. Ces deux éléments (portée et engagement) sont le nerf de la guerre sur les réseaux sociaux et notamment Facebook qui est la première plateforme mondiale avec plus d’un milliard d’utilisateurs actifs…
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QUELLE FORMULE MATHÉMATIQUE SE CACHE DERRIÈRE ? La visibilité d’une publication se fait à travers 4 critères principaux auxquels s’ajoutent de nombreux autres éléments de moindre importance. Ces principaux critères de visibilité sont : – le Créateur : l’intérêt qu’engendre l’utilisateur (profil ou page Facebook) qui publie le contenu, – le Post : la performance de la publication soit son engagement, – le Type : la publication postée que préfère l’utilisateur (statut, photographie, liens, vidéo), – la Récence : le degré de « fraîcheur » de la publication en termes de date.
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ARTICLE PAR :
LES PRINCIPAUX CRITÈRES INFLUENÇANT L’AFFICHAGE SUR VOTRE TIMELINE
Ces quatre critères cumulés forment donc ce qu’on appelle l’algorithme de Facebook sous cette formule mathématique : VISIBILITÉ = CRÉATEUR x POST x TYPE x RÉCENCE
LE CRÉATEUR OU PLUTÔT L’UTILISATEUR QUI PUBLIE :
*La récence désigne généralement, dans le cadre d’un usage marketing, le délai écoulé depuis le dernier achat réalisé par un client. La récence se calcule donc à partir de la date du dernier achat enregistré en base.
Plus vous interagissez avec l’auteur de publications (profil ou page), plus l’algorithme de Facebook vous affichera sur votre timeline les contenus de cette personne ou marque. Ce qui explique que vous ne voyez peu de posts d’amis de longue…
Les social media manager et brand manager se plaignent régulièrement du déclin de la portée organique sur Facebook. Cela est dû principalement à l’augmentation du nombre d’utilisateurs ces 10 dernières années. En plus du nombre d’utilisateurs, ces derniers sont plus enclins à partager et publier eux-mêmes des contenus (statuts et photos) qu’auparavant.
Les interactions qui ont un impact sont les mentions J’aime sur la publication, les commentaires, les partages, les clics pour afficher la publication ou encore le fait de ralentir le scroll sur le contenu.
Tout ceci limite l’affichage de contenu sur la timeline des utilisateurs.
LE TYPE DE PUBLICATION : Plus vous êtes engageant sur certains types de publication, comme par exemple les vidéos et les statuts, plus Facebook vous proposera ce genre de contenus afin de toujours fournir les publications qui vous intéressent. LA RÉCENCE OU LA « FRAÎCHEUR » DU CONTENU : L’algorithme de Facebook va privilégier les publications récentes au profit des anciennes.
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L’ENGAGEMENT SUR LA PUBLICATION : Ce critère fonctionne sur le principe que « le monde amène encore plus de monde » : plus la publication aura d’engagements, plus l’algorithme de Facebook augmentera sa portée sur les timelines. Ce qui aura un impact direct sur ce même engagement. CQFD !
Contrairement aux idées « conspirationnistes » dénonçant une manipulation de Facebook pour inciter à utiliser son offre publicitaire. L’algorithme est le résultat du succès de Facebook, ce qui fait ses affaires soit dit en passant… © DR
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DIGITAL/ANALYSE/CRÉATIVITÉ/TECHNOLOGIE
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Ce qui est assez logique pour une plateforme sociale. Cependant Facebook va vérifier la date à laquelle vous vous êtes connectés la dernière ! Donc si votre dernière connection remonte à une semaine, il est possible que l’algorithme vous affiche une publication d’un de vos amis remontant à 5 jours, car celle-ci aura reçu de nombreux engagements.
LA RÉPÉTITION DU CONTENU : Si un contenu, par exemple un lien vers le même article, a été publié par plusieurs membres de votre communauté, Facebook va interpréter cela comme une publication suscitant un grand intérêt et donc afficher ce contenu en mentionnant que : « X de vos amis ont partagé et commenté cette publication. ». LES NOUVEAUX PRODUITS DE FACEBOOK : La plateforme propose régulièrement de nouvelles fonctionnalités. comme dernièrement les Facebook Live. Ainsi une publication utilisant une des dernières fonctionnalités aura plus de visibilité dans les timelines. Une manière pour Facebook d’avoir des retours sur les performances de ses nouveaux produits.
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Enfin, l’algorithme va évoluer en fonction des comportements des utilisateurs et se caler sur ses intérêts. C’est là que rentre en jeu l’indexation des contenus pour prioriser l’affichage sur la timeline.
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Comme le montre l’exemple, page ci-contre, le score d’indexation et donc la visibilité sera propre à chaque utilisateur selon son comportement sur le réseau social.
QU’EN EST-IL DE LA VISIBILITÉ DES PUBLICITÉS ? Les Facebook ads ne viennent pas supplanter les publications naturelles de vos amis ou éditeurs, mais s’insèrent dans la timeline. L’algorithme de Facebook pour calculer la visibilité des publicités est similaire aux contenus naturels, mais avec quelques spécificités : – le nombre de publicités affichées est limité, – les publicités sont soumises aux centres d’intérêts de chaque utilisateur. Ces derniers peuvent être consultés et personnalisés.
Dans l’exemple ci-dessous, on peut distinguer les 3 éléments cités, notamment dans la publicité Facebook Advertising située dans le fil d’actualité de l’utilisateur : l’image : le fond bleu permet de faire ressortir la pub par rapport au fond blanc de l’interface Facebook le titre : l’annonceur joue sur l’urgence pour pousser à l’action le bouton : « Acheter », un appel à l’action clair, cohérent avec le titre.
FACEBOOK 360 DE NOUVELLES FONCTIONNALITÉS POUR LIVE 360 SUR FACEBOOK QUI NE LAISSENT AUCUN DOUTE SUR LA DIRECTION À VENIR En mars avait lieu le déploiement du Live 360 sur toutes les pages et les profils Facebook. La période estivale s’y prêtant parfaitement, les nouvelles mises à jour permettront d’améliorer et de partager encore plus le spectacle de la vie qui suit son cours mais surtout de monétiser encore un plus son contenu. À ce titre, Facebook lance divers supports pour le Live à 360 degrés. LIVE 360 READY PROGRAM Le programme est ensemble de caméras 360 et de logiciels tiers qui fournissent des expériences Live 360 de très haute qualité, composé de 11 caméras et de 7 suites logicielles, il couvre un large éventail d’options. Qu’il s’agisse d’un moment personnel que vous voulez partager avec vos amis ou que vous soyez un professionnel qui a besoin d’une caméra et d’un logiciel qui tient la route, le programme couvre aussi bien les deux besoins. Via le logo Facebook Live sur les emballages de ces produits vous saurez quels produits font parti du Ready Program. Si vous êtes constructeur vous pouvez vous renseigner sur l’adhésion au programme en allant sur cette page (http://urlz.fr/5CC9). 4K ET RÉALITÉ VIRTUELLE Désormais l’entreprise au grand « F » ajoute la résolution en 4k pour ses Live 360. Conformément à ses annonces stratégiques lors du f8, les utilisateurs pourront profiter de Live en 4k ET en réalité virtuelle ! Disponible dans l’application gratuite Facebook 360 pour Gear ou sur le site d’Oculus cette fonctionnalité attirera sans doute les influenceurs et les marques.
Une mise à jour qui est aussi clairement orientée pour les influenceurs et les marques. Plus encore, dans le but de garder plus longtemps le spectateur dans l’écosystème et générer des discussions même après le Live il y a une option Guide360 qui aura pour rôle de diriger le spectateur vers les moments les plus importants de la diffusion. L’option permet de configurer ses centres d’intérêts tout au long de la diffusion et de diriger la diffusion vers ces derniers. Avant de créée pour les vidéos 360, le guide devient accessible aux diffusions en direct. WEEK-END LIVE 360 Enfin, en partenariat avec Blend media, Facebook lance Week-end Live 360, un flux de ce qui s’est passé dans le monde en 360 le week-end du 28 au 30 juillet. Une expérience qui sera disponible sur la page Facebook 360. Ces annonces sont l’illustration d’un mouvement amorcé depuis l’avènement des réseaux sociaux, à savoir que les marques ont compris qu’elles devaient être des médias et les médias ont compris qu’ils devaient être des marques. Une vision à 360° du business.
LIVE PROGRAMMÉ Via l’API Live il est possible de faire savoir à votre réseau l’heure et la date de votre émission Live 360, cela se présentera sous la forme d’un message d’annonce dans le News Feed. Les abonnés pourront opter pour une notification de rappel lorsque le Live commencera. © DR
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VINyl - CD - DIGItAl
www.lesDIsquesDuhANGAR221.woRDPRess.Com
soRtIe le 15 sePtemBRe 2017
www.AtyPeeKmusIC.Com
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On vous dit tout, on ne vous dit rien
© Vincent de White
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Laurent Courau - Journaliste
LE CAHIER RESPONSABLE GARETH BRANWYN : « BORg likE ME Interview I La Spirale
Propos de laurent coureau et de soizic sanson
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INTERVIEW LA SPIRALE
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OLIVIER NEROT « LE FUTUR
EST MAINTENANT ! » UN TRANSHUMANISME À LA FRANÇAISE ? L’idée fait son chemin depuis quelques mois dans les médias français et internationaux, comme pour indiquer que des pistes vers d’autres futurs ouverts et pluriels sont encore ouvertes et praticables. Occasion pour LaSpirale.org de refaire le point sur ce courant de pensée, présent sur nos pages depuis 1999 et notre première interview de Natasha Vita-More, l’une des figures de proue de la branche nord-américaine du transhumanisme.
ARTICLE PAR :
©Roman Kosolapov
©Danny Hellman
UNE INTERVIEW DE LA SPIRALE
Sans aller jusqu’au terme de scission, comme dans toute pensée qui se résume à un terme, il y a en effet plusieurs courants.
Diplômé en sciences cognitives, par le biais d’une thèse sur l’analyse du chaos dans les réseaux neuronaux et leur application à un modèle de mémoire par anticipation, Olivier Nerot est également viceprésident de l’Association française transhumaniste (AFT) et fondateur de la galerie H+, basée à Lyon sur les pentes de la Croix Rousse. Un lieu d’exposition et d’expérimentation, consacré à l’innovation culturelle et à la création digitale, bientôt reconverti en « cabinet de curiosités du XXIe siècle ».
L’essor du transhumanisme peut se situer autour des années 90, en Californie, avec les groupes extropiens, menés en particulier par Max More. Le terme « extropien » vient du concept s’opposant à l’entropie, mesure physique du degré de désordre d’un système, et qui augmente inexorablement, selon la seconde loi de la thermodynamique, et mène donc toute structure à sa mort. Il s’agit donc, par la science, de s’opposer à cette dynamique : chimie, nootropes, intelligence artificielle… Voire d’accélérer la singularité : cette transformation extrême et irréversible du vivant, pour passer à une nouvelle ère.
On a pu lire récemment quelques articles dans la presse française et anglo-saxonne traitant d’un transhumanisme à la française, soit différent des visées parfois élitistes des racines américaines. Est-ce que cette scission existe réellement et, si c’est le cas, peux-tu nous éclairer sur ses particularités ?
C’est dans ce contexte que les idées d’upload de la conscience, de réparation sans limite du corps, ou de manipulation génétique pour stopper le vieillissement cellulaire sont défendues comme futur possible de l’humanité. Je participais à l’époque aux forums extropiens, découverts durant ma thèse de sciences
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“L’ESSOR DU TRANSHUMANISME PEUT SE SITUER AUTOUR DES ANNÉES 90, EN CALIFORNIE, AVEC LES GROUPES EXTROPIENS, MENÉS EN PARTICULIER PAR MAX MORE” ARTICLE DE LAURENT COURAU COPYRIGHTS : LA SPIRALE.ORG UN EZINE POUR LES MUTANTS DIGITAUX !
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cognitive où j’étudiais et simulais des modèles neuronaux chaotiques. Les liens entre naturel et artificiel faisant partie de mon univers de recherche, je suis peu à peu passé d’un enthousiasme pour une pensée scientifique aussi radicale, à un questionnement face à une forme de rejet du biologique, peu à peu vu comme obsolète. Cette caricature colle encore au transhumanisme, souvent critiqué comme une forme d’eugénisme technologique à tout prix, réservé à l’élite. C’est là que se positionne le transhumanisme dit « à la française », porté par l’AFT : accompagner ces révolutions technologiques inévitables, vues comme la continuité de l’histoire du vivant, avec une dimension humaniste et sociale. Conserver la continuité de la fibre humaine, sans mettre de côté ceux qui n’y auraient pas accès. Nous militons donc pour une science ouverte, les débats sociétaux, ou l’éducation pour tous, afin de dépasser les peurs qui voudraient figer l’humain dans son évolution. De plus en plus, nous constatons que la peur pour le changement est souvent le premier frein, oubliant l’apport des changements radicaux déjà réalisés dans toute l’histoire de l’univers : de l’apparition de la vie, à celle du langage, des sociétés, de nos technologies… Le transhumanisme que nous développons inscrit donc notre futur technologique dans la continuité de cette évolution, et nous essayons d’ouvrir un territoire de pensée où les travers humains ne transformeront pas notre futur en catastrophe.
La première interview de Natasha Vita-More sur LaSpirale.org date de 1999. Quelle fut l’évolution du transhumanisme au cours des quinze ou vingt dernières années ? Il y a à mon avis deux évolutions fondamentales, qui vont dans le bon sens. Tout d’abord notre société est de plus en plus imprégnée de technologie, et peut en mesurer l’apport : réparation du vivant et combat contre la maladie, essor d’une robotique utile qui s’inspire du vivant, intelligence artificielle de plus en plus naturelle. L’humain pratique de plus en plus la technologie, qui diffuse dans le monde, et les peurs rétrogrades s’amenuisent. La technologie qui nous entoure devient de plus en plus « naturelle ». La seconde évolution porte sur la diffusion plus large de la pensée transhumaniste, au travers des jeux, des séries et de reportages. Même si la conclusion est souvent dystopique, elle ouvre au débat, et nous permet de rappeler l’apport technologique pour chacun, et les espoirs que nous pouvons avoir. Durant ces années, nous avons parallèlement assisté à l’essor de Google, qui illustre parfaitement ces deux axes : l’apport de technologies nouvelles, pour la plupart accessibles à tous, et l’affichage d’une pensée transhumaniste, portée par ses deux fondateurs. Aujourd’hui, plusieurs sociétés portent des technologies de culture transhumaniste, et rendent concrètes leur application : voitures autonomes, robotique médicale, voyages dans l’espace… D’une certaine façon, pour reprendre une expression transhumaniste, le futur est (un peu plus) maintenant ! Que penses-tu du rôle et des prises de position de Ray Kurzweil, personnalité aussi intrigante que clivante ? Kurzweil est un communicant : il porte et incarne aujourd’hui l’axe transhumaniste de Google, en ayant pris la direction de ses X-Labs. Il doit donc travailler sur deux priorités : imaginer les technologies du futur, et les faire accepter. Il représente cette première pensée transhumaniste que nous évoquions, et en ce sens, il part au front, et teste les réactions du public par quelques
©DR / Ray Kurzweil
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“AUJOURD’HUI, PLUSIEURS SOCIÉTÉS PORTENT DES TECHNOLOGIES DE CULTURE TRANSHUMANISTE, ET RENDENT CONCRÈTES LEUR APPLICATION : VOITURES AUTONOMES, ROBOTIQUE MÉDICALE, VOYAGES DANS L’ESPACE…” postures et annonces fortes : la singularité en 2045, comment construire une intelligence, l’immortalité humaine… Je ne prends donc pas pour vérité les annonces de Ray Kurzweil, mais les vois plus comme des indices de ce qui se prépare. De façon assez stratégique, cette approche mesure à quel degré le monde est prêt à s’imprégner du futur en préparation. C’est ainsi que l’on a pu voir l’abandon des Google Glasses, ou la revente de Boston Dynamics, les deux pouvant provoquer un rejet des technologies qu’ils portaient. Il y a une grande vigilance à faire accepter le futur qui se prépare, et en ce sens, je suis très curieux de voir la communication et les réalisations que Google prépare dans le domaine de la santé, où de véritables ruptures sont probables,
©Syda Productions
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© laurent courau
JUSQU’ICI TOUT VA BIEN
un film de laurent courau, avec lionel ‘foxx’ magal musique du crium delirium ‘PSYKEDEKLIK’ - PRODUCTION LA SPIRALE.ORG - avec de VRAIs morceaux du mupop, du cirque électrique, DU TRANSPALETTE et de LA DEMEURE DU CHAOS - SORTIE AU PRINTEMPS 2017 SUR TOUS VOS ÉCRANS ÉBAHIS ! « FRANCHISSONS ENSEMBLE LES FRONTIÈRES DE L’ESPACE ET DU TEMPS »
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par une médecine systémique, globale et préventive (cumuler deep learning, ordinateur quantique, mesures physiologiques temps réel, et blockchain pour le stockage anonymisé, ouvre des progrès médicaux radicaux). C’est un sujet sensible, qui doit éviter l’écueil du contrôle et de l’hyper surveillance, tout en abordant le domaine le plus privé qui soit : nos propres vies. Peux-tu nous présenter l’Association Française Transhumaniste, dont tu fais partie ? Ses missions, son fonctionnement et ses buts ? L’AFT se qualifie de techno progressiste afin de marquer sa différence avec une pensée transhumaniste qui négligerait son impact social et la nécessité d’un progrès pour tous. Elle a été co-fondée par Marc Roux en 2009, qui la dirige depuis. Son nombre d’adhérent reste modeste (quelques dizaines de cotisants très actifs), mais sa diffusion devient de plus en plus large, via ses publications régulières sur son site (http://transhumanistes.com) et différentes revues (H+ Magazine par exemple), et elle est suivie régulièrement par un lectorat grandissant. L’équipe de l’AFT réalise régulièrement des conférences, visibles pour la plupart sur notre chaîne Youtube, sur les thèmes principaux du transhumanisme : allongement de la vie en bonne santé, rapport au cybord, intelligence artificielle, singularité… Nous avons aussi organisé le principal évènement international Transvision à Paris en 2014, qui a réuni de nombreux représentants transhumanistes internationaux, ouvrant le débat autour de certains sujets (par exemple sur le thème de l’implant cochléaire, qui illustre les problématiques et réticences possibles autour de l’appareillage du corps, en invitant des opposants pour en débattre, et illustrer que l’évolution humaine est multiple et doit toujours être un choix individuel). Cette posture me semble pertinente, et nous permet de nous confronter aux concepts fondamentaux du transhumanisme, par exemple que signifie « améliorer » ? On entend souvent que la manipulation génétique est dangereuse, permettant la sélection de ses enfants ; pourtant le même principe est appliqué, naturellement, lorsque l’on est attiré par la beauté… la nature fait déjà son œuvre de sélection. Si cette technologie est utilisée
pour ‘améliorer’ sa descendance, il faut le voir comme une dynamique déjà ancrée en nous… Il faut donc éduquer autour du pouvoir qu’offre la technologie, et sortir simultanément des principes de compétition, de recherche de puissance, présents en l’humain. C’est à cette interface que se situe la démarche de l’AFT : faire connaître et comprendre notre futur technologique, pour co-évoluer avec les révolutions qui se préparent, et espérons-le, nous ouvrir à plus de sagesse, appliquant la magie technologique au bienfait humain. Comment en es-tu venu, toi-même, à t’intéresser au transhumanisme ? Quel fut le déclencheur ? Et nous éclairer sur le rôle que tu entends jouer dans ce courant de pensée ? J’ai l’impression d’avoir toujours été transhumaniste, fusionnant avec la machine dès mes 12 ans en codant en assembleur sur l’un des premiers ordinateurs. Je connaissais par cœur les codes des instructions, et codais directement en mémoire… Sentiment quasi mystique de faire corps avec la machine, et d’y trouver donc un espace d’humanité, découvrant simultanément l’essor d’une musique électronique expérimentale d’un Front 242 et de Fad Gadget, le choc d’un Blade Runner ou de 2001. Peu après, je découvrais la pensée de Gödel, qui prouvait mathématiquement l’incapacité à tout formaliser, me rassurant par la découverte d’une pensée plus systémique, par la cybernétique de Wiener. Cela m’a rapidement plongé dans l’idée que le désir de formalisation humaine était vain, et qu’il fallait s’orienter vers une pensée plus ouverte, plus complexe, où les frontières entre naturel et artificiel s’estompent. La cold wave de l’époque portait mes états d’âme, par une émotion synthétique, avec une affinité cyberpunk : « No future », non pas dans le sens d’une fin du monde, mais du refus du futur normatif qu’on me proposait, à la recherche de tous les futurs possibles, excepté celui qui n’était que le prolongement raisonnable de notre passé. C’est ce qui m’anime encore aujourd’hui, dans ma démarche transhumaniste : imaginer un futur déraisonnable et enthousiasmant.
Ce furent là des expériences qui ont forgé ma pensée : j’étais fasciné par le trouble que procure Hal, la poésie d’un cyborg sous la pluie, et l’émotion froide de Kraftwerk. Cela a construit ma pensée autour de ce rapport entre naturel et artificiel, et des croisements possibles, m’extirpant d’une formation d’ingénieux ingénieur par un doctorat en sciences cognitives, pour étudier le chaos neuronal pour poser les bases d’un modèle de mémoire artificielle biologiquement plausible. Autant dire qu’en découvrant le transhumanisme, cet univers m’est apparu comme naturel, et que les échanges dans les groupies extropiens me passionnaient, d’autant plus flatté que j’avais l’occasion d’échanger avec Marvin Minsky ! Mon premier contact avec cette pensée fut donc enthousiaste, pouvant échanger avec des personnes de même culture, imaginant ensemble un futur pas éloigné de ce que nous vivons aujourd’hui… Mais certains concepts me semblaient dissonants, voire incohérents ou choquants : fantasme de cyborgisation du corps, surenchères expérimentales sur les prises extrêmes de nootropes, cités spatiales pour s’isoler, cryogénisation, upload de conscience. Certaines postures s’isolaient dans un rejet de l’humain biologique, jusqu’au paradoxe (la possibilité d’un upload de conscience revient à accepter une forme de dualisme, contraire au matérialisme nécessaire à l’étude de la conscience comme objet…). ATYPEEK MAG #03
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Cela provoquait des débats stériles entre fantasme et recherche, et des crises de posture, qui m’ont peu à peu éloigné de cet univers. Je devais de plus finir ma thèse, qui m’ouvrait à ma propre pensée, dérivant peu à peu de la bio-informatique à une forme de philosophie, abordant les notions de mémoire, d’autonomie ou de liberté, issue de mes expériences sur le chaos neuronal. Tout semblait lié : liberté, chaos, entropie, mémoire ; et le vivant apparaît comme la propriété d’un système à maintenir sa structure, comme l’attracteur étrange d’une dynamique chaotique, qui réussit à concilier sensibilité et robustesse. C’est l’évolution de cette pensée qui m’a ramené au transhumanisme dans sa nouvelle forme : réussir à faire entendre que le vivant en général, et l’humain en particulier, fait partie d’une dynamique beaucoup plus large, et que son histoire est loin d’être finie. Parmi tes diverses casquettes, tu opères à Lyon la galerie H+, consacrée à l’innovation culturelle et à la création digitale. Qui sont les artistes exposés et quel type d’œuvres y sont présentées ? J’ai ouvert cet espace comme une zone d’expérimentation, pour présenter au public que la technologie peut être sensible, pour décloisonner aussi l’idée que l’on se fait de l’art, qui à mon sens n’est pas un objet, mais une démarche : donner plus à voir, à sentir, que l’objet présenté. D’une certaine façon, partager l’émotion que j’ai pu avoir avec l’innovation technologique : beauté d’un code, sensibilité d’un robot, fragilité d’une électronique. Il existe dans l’art digital une expérimentation fabuleuse, source d’émotion réelle, qui fait oublier même le support « artificiel ». Cela me semble une évolution naturelle : en son temps, un pigment, une huile, une acrylique étaient aussi des évolutions technologiques ! Il faut donc faire évoluer le regard, et dépasser l’idée que l’artificiel serait froid, bien séparé de l’émotion du vivant. C’est en ce sens aussi que j’ai réalisé des conférences sur ‘Émotions et Machines’. Parmi quelques expositions, j’ai ainsi présenté le travail de Fabien Zocco, qui réussit la prouesse de développer dans ses œuvres une sensibilité extrême par
des moyens technologiques minimalistes. Il privilégie le sens à l’effet. Récupérer par exemple les bas morceaux d’ordinateurs pour en faire une rivière de ventilateurs dont le bruit rappelle la sensation naturelle du ruisseau, d’une poésie totale. Ou faire entendre par un simple casque la voix des machines qui chuchotent autour de nous leurs messages wifi. À chaque fois, mon plaisir était de voir la sensibilité du visiteur stimulée par un artifice technique, sobre, efficace, intelligent ; illustrant que l’art, la sensibilité dépasse la nature du support, et que la technologie est source d’émotion. Il y a eu aussi Spectre (que j’avais rencontré durant leur collaboration à la performance de Lukas Zpira à la Demeure du Chaos), dont le travail est diversifié et expérimental, concevant un tableau qui appelle le regard (Guarda Mi) et se retourne quand on l’approche, comme un symbole de la démarche artistique qui demande un regard jamais suffisant. Ils avaient conçu aussi une machine qui souffre, qui nous a perturbés en deux temps. Cela devait être au départ une sphère transparente, au cœur battant, qui se dissimule par diffusion de sang quand on l’approche… Promesse esthétique intelligente. J’ai reçu à la place une pauvre carte électronique avec deux fils, une diode erratique, le tout mal protégé par un bandage. Déçu, je ne l’ai pas exposée, jusqu’à ce que, me demandant à la voir, les gens soupiraient « La pauvre… », en la voyant clignoter sans raison au fond de son tiroir… Pari réussi : la souffrance ne peut pas être qu’un simulacre esthétique ! Cette petite machine a su l’imposer. J’ai aussi eu le plaisir de présenter Scenocosme, dont la démarche fusionne la technologie à la poésie de la nature : plantes affectives qui vous poursuivent et chantent, planches qui résonnent au contact de la main. Ils travaillent sur le lien naturel qui relie ces univers, humains, technologies et spirituels, avec une grande sincérité et une vraie intelligence. C’était un plaisir de voir le public se demander pourquoi la plante semble l’apprécier, ou non, et chercher le mode de communication le plus adapté, sensibilisé par le fait même que la plante était accrochée dans un coin, par une chaîne… Prisonnière de trop d’affection ?
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“IL EXISTE DANS L’ART DIGITAL UNE EXPÉRIMENTATION FABULEUSE, SOURCE D’ÉMOTION RÉELLE, QUI FAIT OUBLIER MÊME LE SUPPORT « ARTIFICIEL ». ” Paul le robot, de Patrick Tresset, fut aussi un moment remarquable. Patrick travaille depuis plus de dix ans à concevoir un robot artiste, à lui transmettre sa propre sensibilité, faisant vivre au public une expérience empathique rare. Durant près d’une demi-heure, le modèle doit poser, regardé par une webcam mobile dont le regard passe de la feuille au modèle, le bras ne pouvant dessiner que sous le contrôle de l’œil. Cette installation donne une intensité réelle au regard, et l’expérience est intense, d’autant plus que l’on voit peu à peu l’œuvre se faire, inégale, sensible, fragilisée par les petits hasards robotiques. La sobriété et la sensibilité de cette performance est remarquable, et le public en sortait souvent troublé, avec parfois même des sourires, voire des rires complices partagés avec le robot ! J’ai aussi eu l’honneur d’accueillir Cécile Babiole, avec deux œuvres : Bzzz ! Sa sculpture sonore, troublante car elle donne forme à l’immatérialité sonore, par 48 haut-parleurs émettant des phases pures créées par de
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simples cartes Arduino. En se promenant dans l’œuvre, on sent le son faire matière, ouvrant nos sens et notre imaginaire. Imaginaire stimulé par la seconde œuvre, Je ne dois pas copier, qui est une impression 3D de cette phrase, dont chaque lettre est scannée, puis copiée, puis scannée, laissant le bruit fondre la phrase. Mise en abîme de cette machine qui se révolte à l’interdiction de copier, sa fonction même, et se réapproprie une forme de créativité. Aujourd’hui, je suis en train de repenser cet espace, car j’ai dû constater qu’il m’est difficile de concilier ma vie professionnelle et la galerie, créée pour le plaisir. L’expérimentation aura été riche, et je pense la continuer en imaginant une forme de « cabinet de curiosités du futur ». Plutôt que de penser exposition, pas toujours facile à préparer, l’idée est d’accumuler et présenter ces objets qui construisent notre futur, avec les mêmes critères de sensibilité décloisonnant les frontières entre naturel et artificiel. Je suis en train de rassembler les artistes et œuvres qui pourraient être présentées, et ce projet reste ouvert à toute proposition et collaboration. Quels sont, selon toi, les axes de travail à privilégier pour aider nos sociétés dans leurs « métamorphoses, le changement radical des pratiques et des mentalités », que tu appelles de tes vœux ? Merci pour cette question ! Tu as su déceler la dynamique qui dépasse la simple posture transhumaniste. La notion de métamorphose, étudiée par Edgar Morin, père de la pensée complexe, est en effet le point commun entre les sujets évoqués ici.
— Humilité — Le premier d’entre eux me semble être l’humilité. Cela peut surprendre venu d’une pensée transhumaniste, souvent perçue comme prétentieuse, nourrie d’un désir fantasmé d’amélioration. Et pourtant, a contrario, quoi de plus prétentieux que de considérer que l’humain serait à l’apogée de son évolution biologique et spirituelle, intouchable et exceptionnellement spécifique ! Toutes les croyances humaines ayant défendu ce
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principe tombent peu à peu, jusqu’aux Dieux qu’il a dû s’inventer dans ce but. Si je considère que la machine peut évoluer à un niveau de complexité similaire au vivant, c’est justement que je ne vois pas de frontière entre naturel et artificiel : il y aurait une forme de continuum, illustré par notre complexité à définir le vivant et par exemple la découverte de macro-virus, d’intelligences artificielles créatives ou de robots autonomes… La science aborde aujourd’hui ce thème, et la théorie de l’information intégrée de Giulio Tononi et Christof Koch, par exemple, pose les bases d’une continuité de la conscience, comme propriété même de la matière ! Cette humilité nous permettrait de comprendre que nous sommes dans le flux de l’histoire de l’univers, dont le potentiel nous dépasse. Rappelonsnous que tout cela a commencé par quelques particules, assemblées en atomes, puis en molécules, puis en cellules. Qui se sont assemblées en organismes, évoluant pour maintenir leur structure, et développant peu à peu la conscience, le langage, les sociétés. Il n’y a aucune raison que ce mécanisme s’arrête, ou soit sous notre contrôle, comme a pu l’aborder la spiritualité de Teilhard de Chardin. Cela ferait tomber bien des certitudes et des prétentions sur notre désir politisé à contrôler le monde. Cela se fera peut-être lors de notre confrontation à une intelligence artificielle forte, qui nous troublera, et nous forcera à accepter que l’intelligence, la conscience peut être, ne sont plus une spécificité humaine. Comme cela fut le cas en devant admettre que les Indiens ou les esclaves pouvaient eux aussi posséder une âme…. Ou qu’un cyborg peut développer plus de poésie et de désir de vivre que son bourreau humain, comme dans Blade Runner.
— Curiosité — Le second axe à privilégier, qui en découle, sera à mon sens la curiosité. C’est aussi une façon de sortir de ses certitudes, d’humilité face à la pensée différente, à l’autre. Cette curiosité devrait être une caractéristique fondamentale de l’humain, qui cherche à savoir, à comprendre, à apprendre, à s’enrichir de la différence de l’autre, vu comme individualité spécifique.
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Elle est encore malheureusement peu stimulée dans notre éducation normative (la curiosité est un vilain défaut), qui ne récompense que le résultat, et non pas la démarche. J’avais par exemple dans ma galerie une machine à couper les doigts, d’Adelin Schweitzer qui avait créé des machines qui se rebellent, comme de nouveaux esclaves. Cette machine est composée d’une guillotine descendant lentement lorsqu’on pose sa main dessous, et l’expérience consistait à vivre cette attente, à donner de soi pour comprendre, ressentir. J’ai peu à peu vu cette œuvre comme un « testeur d’humain » : il y avait ceux qui n’y voyaient qu’une machine inutile et repartaient vite à leurs priorités, et d’autres en confiance, irrésistiblement attirés par l’expérience, par le plaisir absolu de savoir. Ces derniers construisent le futur, car ils se donnent pour savoir, sans recherche d’utilité ou de bénéfice court terme ! Lorsqu’il n’y a plus de curiosité, il n’y a plus que des certitudes, sources des pires postures, qui finissent pas imposer leur croyance figée par la morale et la force. C’est ce monde que je combats, comme un enfant rebelle et curieux. Humilité et curiosité stimulent le dernier axe qui me semble souhaitable : la complexité. Tout vouloir simplifier, c’est imposer ses certitudes, non confrontées à l’expérience, nourrie de curiosité. À vouloir ranger le monde, on le détruit car on fige ses frontières ; à vouloir éviter toute tension, on prépare les crises (comme l’illustre la loi en 1/f des systèmes critiques auto-organisés) ; à vouloir contrôler et centraliser, on fabrique des puissants qui abusent de l’ordre du monde. Bref, sans complexité, toutes les prétentions humaines se développent, jusqu’aux crises et aux guerres, qui ne sont au final que la petite comptabilité humaine d’un suicide collectif, nourri de l’énergie d’un déséquilibre que nous avons nourri de nos prétentions et certitudes.
— Complexité — Ces trois axes forment la base d’une pensée dite complexe, systémique, où l’on ne cherche plus à ordonner le monde, mais à le voir comme un tissage de relations en mouvement (cum plexus signifie « tissé ensemble ») . Détruire l’idée que la cause est unique, simple, qu’il suffit de contrôler pour simplifier notre avenir. Et pour cela, il faudra repenser tout notre système : éducation, travail, monnaie, politique… Le travail est long, et passera probablement par une crise systémique, par l’autodestruction d’un modèle qui se sera trop obstiné, imposant sa raison. Il y a heureusement parallèlement beaucoup d’expériences locales qui préparent cet avenir, et forme le terreau d’une nouvelle civilisation : open society, théorie des communs, p2p, crypto-monnaies. Ces expérimentations me semblent être corrélées à cette pensée transhumaniste nouvelle, sous un jour plus politique ; par exemple, certains imaginent que la robotique peut créer une rentabilité suffisante pour la création d’un dividende universel, où la notion de travail monolithique est repensé, l’humain pouvant alors se consacrer à plus de créativité et d’humanité, libéré d’une structure pyramidale de contrôle. Malheureusement le politique actuel a été pensé et désigné pour conserver le monde en l’état, et se retrouve à combattre une dynamique de complexification naturelle, jusqu’à l’obstination qui nourrit les crises géopolitiques en cours. C’est une forme de piège abscons, où l’on ne mesure la valeur des choses que par les efforts qui ont été réalisés : culte de l’effort, qui oublie la légèreté du désir, sans finalité. Là encore, on retrouve la peur d’un futur inconnu, qu’il nous faut rassurer, afin d’accompagner l’humain vers une nouvelle ère. C’est l’apport que je vois dans le transhumanisme, dans sa dimension culturelle et éthique, plus que technologique, car le progrès est multiple et peut aussi bien être un renouveau écologique, peu importe.
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Comme l’exprimait Henri Laborit : « L’ordre ne peut naître que du désordre, car seul le désordre permet les associations nouvelles ». Et ce désordre créatif, productif, source de vie et d’avenir, est stimulé par notre humilité, curiosité, et complexité. Il faut donc les développer pour continuer à découvrir le sens de l’univers. « L’homme pense, donc je suis », dit l’univers. Paul Valéry exprimait là l’idée de notre privilège, notre petit rôle si fondamental dans l’aventure du vivant. Et s’autoriser à s’émerveiller devant le futur qui se propose à nous, où naturel et artificiel co-évoluent, où la conscience continue à diffuser et se complexifier, où nos peurs primaires sont rassurées, où l’humain s’ouvre au potentiel infini qui se présente à lui, qu’il soit nommé transhumaniste ou non, peu importe le terme, finalement.
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Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. Citation de Montaigne - Essais (1580)
© Daniel Nguyen
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Flore Cherry - Journaliste
LE CAHIER SEXY cOMME UnE cOUillE DAns lE POTAgE Chronique I Union
flore cherry, Journaliste
lA gAlERiE L’image à fleur de Peau
Delphine cencig, Photographiste
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LA RUBRIQUE SEXUALITÉ DE FLORE CHERRY
COMME UNE
COUILLE
DANS LE POTAGE JOURNALISTE : FLORE CHERRY ILLUSTRATION : ALAIN R. (http://alain-r.blogspot.fr/) WEB : www.union.fr
Vous avez dit « couille » ?
Flore Cherry, journaliste pour le magazine Union et passionnée de sexualité, décrypte pour vous ce qui a fait l’actualité insolite des trois derniers mois. Et ces derniers mois, la politique et les élections présidentielles ont été au cœur du débat public. Retour sur les trois meilleures news qui nous font confondre élection et érection…
« AUX BURNES CITOYENS ! » C’est le cri du cœur de la marque Callvin, spécialiste depuis 2005 les « mentions humoristiques » sur préservatif. A l’occasion de l’élection présidentielle 2017, l’enseigne a fait le buzz en présentant sa collection de capotes aux noms de nos partis préférés (les partis politiques, bien évidemment !). « La turlutte ouvrière », « La fesse insoumise », « Jean Sallasse » ou encore « François Pilon »… aucun clan n’est épargné par les jeux de mots à double sens. Vous pouvez tous les retrouver sur le site www.callvin.com, les petits emballages sont vendus 1,90¤ l’unité, soit une douzaine de pains aux chocolats si l’on compte comme Jean-François Copé. 250
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© Istock
DANS L’OMBRE DES PENSÉES ÉROTIQUES DU PREMIER MINISTRE Coécrit avec Gilles Boyer et paru aux éditions Lattes, « Dans l’Ombre » le roman politique de notre – tout frais - premier ministre Édouard Philippe fait couler beaucoup d’encre à son propos… pour sa partie érotique et sa vision des femmes ! « Une vraie poitrine… c’est rond, c’est confortable, c’est accueillant et on doit pouvoir mettre son nez au milieu avec jubilation » ou encore la description de cette « imperceptible sécheresse des femmes qui ne seraient jamais mères, ce qui en faisait, assurément, une redoutable politique : un cœur d’homme dans un corps de femme » Des propos évidemment tenus par le narrateur, qui ne pourraient être mélangés avec les véritables pensées du premier ministre. Mais cela n’empêche pas la presse et la twittosphère de remettre en question les positions du ministre sur son rapport à la gent féminine.
ARTICLE PAR :
À SAVOIR © Shutterstock
« UNE VRAIE POITRINE… C’EST ROND, C’EST CONFORTABLE, C’EST ACCUEILLANT ET ON DOIT POUVOIR METTRE SON NEZ AU MILIEU AVEC JUBILATION »
DU PLUMOIR À L’ISOLOIR : ON FAIT TOUT À DEUX ! D’après un sondage IFOP pour Wyylde, la politique se fait de plus en plus d’un commun accord sur l’oreiller !
© Shutterstock
Depuis 1972, le magazine pionnier Union est un moyen d’expression libre sur le sexe, l’érotisme et les relations amoureuses.
PLUS D’INFOS www.union.fr
75 % des personnes en couple se déclarent du « même bord politique » que leur conjoint (ou du moins le pensent) et 84 % des personnes interrogées ont affirmé aller voter pour le même candidat que leur conjoint à l’élection présidentielle 2017.
Cette belle synergie gagne du terrain d’années en années : en 1978 ils n’étaient, paraît-il, que la moitié à s’accorder sur le même vote ! Et les jeunes de moins de 25 ans seraient les plus « ouverts » à un partenaire idéologiquement différent, ils seraient près de 41 % à voter différemment.
Pour plus de news insolites, rendez-vous sur : www.union.fr
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Alt : (Autoportrait) - © Delphine Cencig
LE CAHIER SEXY
Delphine Cencig - Photographiste
LA GALERIE l’iMAgE À flEUR DE PEAU - DElPhinE cEncig Interview originale
« J’ai grandi avec un crayon entre les mains en cherchant mon chemin à travers un parcours très éclectique qui m’a permis d’explorer l’Art sous différentes formes, en passant de l’esthétique au graphique, de la somato-psycho à la communication visuelle, où j’ai exercé en tant que Directrice Artistique dans différentes sociétés. Je me suis ensuite découverte une passion, et j’ai décidé de passer du crayon à la digitalisation, … Je suis Photographiste »
EN SAVOIR PLUS : https://www.delphinecencig.com/ https://www.facebook.com/D.Cencig/r Merci à Audrey Charles, Joanna Pham, Sokhna Niang, Romy Bondy, Kermaron Zot, Jonathan Herzog
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2.0 (Madone) : Modèle : Audrey Charles - © Delphine Cencig
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Poulpe Fiction : Modèle : Audrey Charles - © Delphine Cencig
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Blackbird : Modèle : Sokhna Niang - Hair : Jonathan Herzog - © Delphine Cencig
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Je te vois, je t’entends, je te parle : Modèle : Joanna Pham - © Delphine Cencig
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Body Spirit : Modèle : Joanna Pham - © Delphine Cencig
Insolence : Modèle : Audrey Charles - Hair : Jonathan Herzog - © Delphine Cencig
Instinct Sauvage : Modèle : Audrey Charles - Hair : Jonathan Herzog - © Delphine Cencig
Madone 2.0 : Modèle : Audrey Charles - Kermaron Zot - © Delphine Cencig
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Par le vide : Modèle : Joanna Pham - © Delphine Cencig
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La culture fait-elle l’homme ? (ou la femme)
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Maxime Lachaud - Journaliste
LE CAHIER CULTUREL TOUTEs lEs cOUlEURs DU Bis
liTTéRATURE
LYDIA LUNCH :
Jérôme Tranchant, Journaliste
DéséQUiliBREs synThéTiQUEs ET AUTREs vOMissUREs vERBAlEs
lA fAcE cAchéE DEs “WhiTE TRAsh”
Chronique I The Artchemists
Article Cinéma et DVD
ROBERTO MinERvini Interview
Maxime lachaud, Journaliste
vERnOn sUBUTEx 3 Chronique
Un adieu à la hauteur, chronique “Des livres et nous”
lE livRE DU MOis ALAIN GARLAN
Rois de la forêt
Padme Purple, Journaliste
cUlTURE fAnZinE
lOBOTOMy cOnTingEnT PRODUcTiOns fRAcTiOn WAW Un-liMiTED Article I L’hirsute fanzine John hirsut, Journaliste
lA scènE inDéPEnDAnTE En iMAgEs Galerie Photos
hazam, Journaliste / Photographe
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©DR - Le chien des baskerville
— LES DÉBUTS DU BIS —
©DR - Peter Cushing / Le chien des baskerville
de Terence Fisher (1959) avec Peter Cushing, André Morel et Christopher Lee Distribué en DVD et Blu-ray par MGM Grande Bretagne La plus célèbre aventure de Sherlock Holmes, adaptée par Hammer Film Productions. Le fameux détective est chargé de protéger un aristocrate, menacé par une malédiction mortelle. Habitué aux films d’horreurs, le studio britannique injecte dans cette histoire une touche bienvenue de fantastique, lorgnant par moments vers l’épouvante. Conjugué à de superbes décors gothiques (la demeure inquiétante, la lande sinistre…), cet ensemble dispose d’une ambiance stylisée. Par ailleurs, la réalisation de Terence Fisher est assez inspirée, et l’enquête, mêlant intrigues secondaires et faux coupables, s’avère prenante. Enfin, si Christopher Lee fait comme souvent forte impression, on relèvera un Peter Cushing délectable en Sherlock Holmes malicieux, ingénieux, et flegmatique. Probablement l’un des meilleurs films de la Hammer.
GOTHIQUE ESPAGNOLE L’horrible docteur Orloff
de Jesus Franco (1961) avec Howard Vernon, distribué en DVD par Openning. Espagne/France Un docteur fou enlève et tue des jeunes femmes afin de prélever la peau de leur visage, comptant ainsi sauver sa propre fille défigurée par sa faute. Ce Docteur Orlof est le quatrième film de l’Espagnol Jesus Franco et il marque sa première incursion dans le domaine de l’horreur, genre auquel son nom reste attaché. Racontant exactement la même histoire que Les yeux sans visage (1960), chef-d’œuvre horrifique de Georges Franju, Franco délaisse le mystère en exposant très rapidement la situation. Pourtant, son film reste intéressant à suivre grâce à un vrai sens de la mise en scène et de l’atmosphère. Il utilise judicieusement son décor et privilégie une photographie noir et blanc très contrastée. On sent à chaque instant l’influence du cinéma américain des années 30, comme celui de Tod Browning ou de James Whale, mais aussi de l’expressionnisme
allemand des années 20. L’interprétation est de qualité et même le monolithique Howard Vernon compose un personnage inquiétant. Enfin, le cinéaste a recours à une musique contemporaine déstructurée et atonale, particulièrement bienvenue pour susciter la peur. Cette première œuvre fantastique de Franco explique sa popularité, même s’il a ensuite plongé dans les profondeurs du cinéma Z en tournant plus que de raison (pas loin de deux cents films en seulement quarante ans de carrière). Il a luimême réalisé en 1988 un bien triste remake des Yeux sans visage intitulé Les prédateurs de la nuit avec l’inénarrable Brigitte Lahaie. Une chute très sévère pour un cinéaste sympathique ayant lutté dans les années 60 contre la censure franquiste.
©DR - L’horrible docteur Orloff
GOTHIQUE BRITANNIQUE Le chien des baskerville
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— PERSONNALITÉ DU GOTHIQUE —
BARBARA STEELE
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Visage parmi les plus célèbres du cinéma d’horreur italien, Barbara Steele a bien failli exercer ses talents dans d’autres registres et pays. Née en Angleterre, elle étudie d’abord pour être peintre, puis devient modèle, et ce n’est qu’à la fin des années 50 qu’elle rejoint la compagnie de J. Arthur Rank et fait ses premiers pas à l’écran, dans la comédie « Bachelor of Hearts » (1958). Un petit rôle qui sera suivi par d’autres, jusqu’à ce qu’Hollywood ne la remarque et l’engage pour donner la réplique à Elvis Presley dans Les Rodeurs de la plaine. Sauf que l’expérience tourne court, ses nombreuses prises de bec avec le réalisateur Don Siegel ayant raison de sa participation au long-métrage. Remplacée par une autre Barbara (Eden), elle rentre en Europe aussi vite qu’elle en est partie. Pas en Grande-Bretagne, mais en Italie, où Mario Bava lui confie le rôle principal de son premier film : Le Masque du démon (1960). Salué pour la qualité de sa photographie et son atmosphère inquiétante, le long-métrage fait de Barbara Steele une icône instantanée du cinéma fantastique.
Bien que remarquée chez Fellini, Barbara Steele ne se défait pas si facilement de l’étiquette acquise chez Mario Bava, et les années 60 la voient apparaître dans Le Spectre du Professeur Hichcock, Danse macabre, La Sorcière sanglante, Cinq tombes pour un médium, Les Amants d’outre-tombe, Un Ange pour Satan ou La Maison ensorcelée avec, toutefois, quelques pauses grâce aux Les Heures de l’amour, à « Amours sans lendemain », Le Sexe des anges ou Le Monocle rit jaune, sous la direction de Georges Lautner. L’année 1968 est celle où, trouvant sa couronne de reine de l’horreur trop pesante, elle déclare qu’on ne la reverra plus jamais « dans un foutu cercueil ». Mais les choses ne sont pas si faciles pour autant : si son mari, le scénariste James Poe, lui écrit un rôle dans l’adaptation d’On achève bien les chevaux (1969), ce dernier revient finalement à une autre Anglaise, Susannah York. Il faut donc attendre 1974 pour revoir Barbara Steele sur grand écran, grâce à 5 femmes à abattre, premier long-métrage de Jonathan Demme. C’est aussi à ce moment-là qu’elle replonge dans l’horreur, devant la caméra de deux jeunes réalisateurs, David Cronenberg et Joe Dante, qui lui offrent de participer à Frissons et Piranhas, puis elle apparaît dans « Le Silence qui tue » (1979), après une légère parenthèse plus dramatique face à Patrick Dewaere et Annie Girardot (La Clé sur la porte). Éloignée des écrans pendant quelques années, elle revient d’abord sur le petit, par le biais de séries, et il faut attendre 1994 pour la revoir dans un long-métrage. Mais, de Prophet (1999) à « The Butterfly Room » (2012), en passant « The Boneyard Collection » (2006) ou Her Morbid Desires (2008), elle s’affiche surtout dans des thrillers mineurs, à tendance plus ou moins horrifique. Reine de l’horreur un jour, reine de l’horreur toujours… 270
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©DR - Barbara Steele
Un succès qui lui vaut de repartir aussitôt aux États-Unis pour jouer sous la direction de Roger Corman dans La Chambre des tortures, puis dans un épisode de la série Alfred Hitchcock Présente, avant de remettre le couvert en Italie, avec L’Effroyable secret du Docteur Hichcock. Un film qui a d’ailleurs réduit son temps de présence dans le Huit et demi de Federico Fellini : séduit par son visage voluptueux et sa voix sensuelle, le metteur en scène à en effet dû se résoudre à ne pas lui confier plus que le petit (mais marquant) rôle qu’elle tient dans son film, à cause de son engagement dans le suivant.
GOTHIQUE ITALIEN L’effroyable secret du docteur Hichcock
De Riccardo Freda (1964) avec Barbara Steele et Robert Flemyng. Distribué en DVD par Artus Italie/Grande Bretagne
En pleine vague “Hammer” le cinéaste transalpin Riccardo Freda entend ne pas s’en laisser compter, lui qui comme son chef opérateur Mario Bava a déjà tâté du genre avec “Les vampires” en 1957. Riccardo Freda qui est alors un cinéaste reconnu en Italie n’en est pas moins pragmatique comme le sont souvent les Italiens. Pour surfer sur la vague qui porte les films de vampires made in England, il n’hésite pas à angliciser son propre nom qui devient ici Robert Hampton. Le titre indique clairement un hommage appuyé au maître du suspense
Alfred Hitchcock pour ce film qui s’inspire assez franchement de “Rebecca”, même s’il n’en a pas loin de là, la cohérence scénaristique. Le charme opère essentiellement grâce à l’attention toute particulière que porte Freda à son actrice principale la très étrange Barbara Steele, actrice anglaise devenue culte depuis son apparition dans “Le masque du démon” de Mario Bava. Si son jeu n’est pas de première qualité, son regard tout à la fois inquiet et inquiétant renforcé par ses yeux globuleux convient parfaitement au genre dont elle n’arrivera jamais vraiment à s’extraire. Robert Flemyng au regard marmoréen et au jeu minimaliste fait froid dans le dos dans ce rôle de médecin nécrophile. C’est ici l’innovation de Freda qui pousse un peu plus loin le propos que les films de la Hammer en abordant de front un tabou quasiment absent de l’histoire du cinéma mondial. Le tout est parfaitement mis en image par un Freda très soucieux de l’esthétique dont il sait bien qu’elle importe plus dans le genre que la rigueur du scénario ou le jeu des acteurs.
SUR VOS LECTEURS DVD, BLU-RAY
— WESTERN — L’AGE D’OR
WESTERN PRO-INDIEN La révolte des indiens apaches (Winnetou)
WESTERN SOUS LEONE Django
de Sergio Corbucci (1966) avec Franco Nero Distribué en DVD par Wild Side
de Harald Reinl (1963) avec Pierre Brice et Lex Barker Allemagne/France/Yougoslavie Coffret DVD distribué par M6 vidéo
©DR - La révolte des indiens apaches
Adaptation des Romans de Karl May, contemporain de Jules Vernes, les aventures du chef Winnetou et du Cow Boy justicier Old Shatterland furent un grand succès littéraire, cinématographique et télévisuel, jusqu’au milieu des années 1990. Bien sûr, Pierre Brice, un grand acteur Français qui incarnait Winnetou et qui outre Rhin, en Russie, jusqu’aux USA, fut une star internationale adulée des enfants qui le voyait défiler à cheval dans son costume d’Indien était complètement ignoré dans son propre pays. Un grand bonhomme qui ne fut l’interprète que d’un seul personnage, mais quel personnage ! Il est mort l’été dernier dans l’indifférence totale des Français alors que toute l’Allemagne lui a rendu hommage. Ce film, le premier d’une série aux belles couleurs et à la superbe photographie, qu’il tourna jusqu’en 1970, est un excellent divertissement d’aventure.
Comme son compatriote Sergio Leone, Sergio Corbucci a lui aussi influencé le cinéma et plus particulièrement le genre des westerns. Et justement, l’un de ses films qui a le plus influencé n’est autre que son « Django », réalisé en 1966. Ce film a eu beaucoup de succès et de nombreux autres westerns ont tenté de surfer sur la vague de ce succès en reprenant dans leur titre le nom de Django. Mais tout le monde ne s’appelle pas Sergio. Pour en revenir à ce qui nous intéresse, « Django » retrace l’histoire de Django (on s’y attendait un peu en même temps) de son arrivée dans une petite ville fantôme jusqu’à son départ, sur pied ou dans un cercueil. Le cercueil justement, parlons-en ! Django transporte avec lui pendant une bonne partie du film un cercueil dont on ignorera pendant un temps ce qui s’y cache. Ce cercueil devient rapidement un personnage à part entière du film, il est à la fois intriguant et plein de surprise. Bon, bien sûr, il n’a pas beaucoup de temps de parole mais c’est là toute la force de ce film. Sergio Corbucci est parvenu à rendre vivant un cercueil (fallait le faire quand même !) grâce à sa mise en scène où il n’hésite pas à donner plus d’importance à une boîte qu’à ses acteurs. Les acteurs justement, parlons-en ! Tous sont convenables mais il y en a un qui attire toute l’attention. Cet acteur est Franco Nero, c’est lui qui joue Django et il est épatant de charisme ainsi que de confiance en lui. Il fait un peu penser à un mélange entre Terrence Hill et Clint Eastwood, autant physiquement et dans son jeu d’acteur. Il est parfait dans son rôle, tout comme la BO. La BO justement, parlons-en (que de transitions aujourd’hui !) ! Composée par Luis Bacalov, elle accompagne ce western spaghetti avec toutes les épices qu’il faut. Elle conclut la scène finale qui est de toute beauté. Ce n’est pas pour rien si Tarantino la reprendra dans son « Django Unchained » (excellente idée qu’il a eu d’ailleurs le grand Quentin). Longtemps considéré comme le plus violent de tous les westerns (spaghetti à la bolognaise alors - jeu de mot facile), « Django » est un très bon représentant du genre.
WESTERN BAROQUE Tire encore si tu peux
de Giulio Questi (1967) avec Tomás Milián, Ray Lovelock, Piero Lulli Distribué en DVD et Blu-Ray par Rimini. Espagnol, Italien Film maudit à l’époque de sa sortie, victime de la censure qui tailla dans les débordements sadiques et sexuels de ses images, le western de Giulio Questi est devenu au moment de la redécouverte du cinéma bis transalpin un objet de culte, adulé par les amateurs de pellicules déviantes. Tire encore si tu peux est l’avatar monstrueux et westernien de la modernité italienne, dans la lignée des films de Tinto Brass et Bernardo Bertolucci, eux-mêmes sous l’influence croisée de Godard et d’Antonioni. Le rapprochement n’est pas fortuit puisque Brass, Bertolucci et Questi partagent alors le même scénariste et monteur, Franco Arcalli surnommé Kim Arcalli, personnage assez génial qui aura une influence artistique et intellectuelle souterraine et néanmoins déterminante sur tout un pan du cinéma moderne italien jusqu’à son décès prématuré en 1978. C’est peut-être le western psychédélique ultime – du moins le plus réussi – qui pousse à leur paroxysme la transgression, la distorsion voire la destruction non seulement des figures du genre, mais aussi de la narration classique. Un métis bisexuel (Tomás Milián), héraut prolétaire des westerns de Sollima – photo en tête de texte), trahi et enterré vivant par ses complices, débarque dans une ville pourrie où deux clans se disputent de l’or volé. Tire encore si tu peux n’est pas le seul western italien à lorgner vers le film d’horreur, mais ce résumé ne donne qu’une faible idée du vent de démence qui souffle sur le film, véritablement possédé par la mauvaise pulsion (torture, viol collectif homosexuel, inserts gore) et le fétichisme. Tomás Milián, comme un ange ivre, incarne une sorte d’icône christique – il ressuscite au début du film, puis se fait crucifier à moitié nu dans une geôle – déchiré entre le souvenir d’un éphèbe blond et une prostituée. (suite page suivante)
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ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 273 ©DR - Barbara Steele / Le Masque du démon
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Ennio Morricone, auteur de musiques pour Bernardo Bertolucci ou Marco Bellocchio, c’est surtout avec Sergio Leone et la partition de Pour une poignée de dollars qu’il acquiert une renommée internationale et la reconnaissance quasi immédiate de ses pairs.
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SUR VOS LECTEURS DVD, BLU-RAY
— WESTERN —
— PERSONNALITÉ DU WESTERN —
L’AGE D’OR
ENNIO MORRICONE
©Pascal Le Segretain - Ennio Morricone
©DR - Tire encore si tu peux
de Damiano Damiani (1967) avec Gian Maria Volonté, Lou Castel et Klaus Kinki. Distribué en DVD par Wild Side Italie.
L’acteur cabotin au charisme indéniable trouve l’un de ses rôles le plus grandioses dans ce film infernal, véritable chaînon manquant entre les collages pop de Tinto Brass et l’érotisme pasolinien. La violence du film n’est pas seulement graphique et outrancière, elle est aussi politique. Ancien résistant comme son ami et complice Kim Arcalli Giulio Questi transpose dans ce western des épisodes de son expérience dans le maquis et les souvenirs de tortures et de massacres de populations civiles. Tire encore si tu peux, qui provoqua un terrible scandale à sa sortie, fut ainsi expurgé de ses passages les plus explicitement sadiens et homophiles qui furent ensuite restitués lors d’une première diffusion télévisée dans les années 90 en France et dans les différentes éditions DVD qui suivirent. Le film devint alors l’un des titres favoris d’une nouvelle génération de cinéphiles et de cinéastes amateurs d’objets déviants, comme Nicolas Winding Refn qui le cite souvent parmi ses films de chevet. La scène dans laquelle Uma Thurman est enterrée vivante dans Kill Bill vol. 2 provient directement de Tire encore si tu peux (et de Frayeurs de Lucio Fulci).
Travaillant dans l’ombre du maestro Sergio Leone, Damiano Damiani a lui aussi réalisé quelques films solides. Collaborant avec Gian Maria Volonte et Ennio Morricone, le réalisateur transalpin, donc auteur de westerns spaghettis s’attaque à un sujet politique qu’est celui de la révolution mexicaine, un thème qui sera repris par Sergio Leone quelques années plus tard dans « Il était une fois la Révolution ». « El chuncho » relate l’histoire et l’amitié de deux hommes, l’un Mexicain, l’autre Américain, chacun ayant un objectif radicalement différent mais nous ne donnerons pas la raison pour laisser la surprise aux spectateurs de ce long-métrage. Au menu de ce western spaghetti : de très nombreuses fusillades, la guerre dans son état le plus répugnant avec un début qui annonce la couleur de ce film. Ici, pas de pitié, on tue pour un rien, même entre amis pour des motifs dérisoires et idiots. Que veut montrer le réalisateur en fin de compte ? Il désire simplement montrer qu’une révolution se fait dans l’ignominie et dans le sang et que les hommes qui participent à cet évènement finissent par devenir tous plus fous et plus sauvages les uns que les autres autrement dit la vie là-bas ne vaut rien, seuls la gnôle, l’argent, la bagarre, le respect comptent. Et attention avec le mot respect ! Celui qui provoque un autre avec une simple phrase peut recevoir une balle dans la tête ! Le film, vous l’aurez compris est une critique de cette guerre au Mexique où se multiplient les meurtres gratuits et sans motif valable mais il reflète également comment deux hommes si différents l’un de l’autre peuvent s’entraider, les deux protagonistes étant et restant très proches tout le long du film. Amitié, haine, trahison, meurtres, voici le quatuor de ce western qui ne laisse jamais place à l’amour entre homme et femme. Damiano Damiani élabore un long-métrage au scénario très riche et très dense et donne au spectateur un spectacle de très grande qualité, prouvant la magnificence du cinéma italien.
Élève de Goffredo Petrassi et diplômé de l’Académie Santa Cecilia de Rome, où il a raflé les premiers prix de composition, d’instrumentation et de direction d’orchestre, Ennio Morricone débute dans la musique dite “sérieuse” ou expérimentale, évoluant dans des groupes d’improvisation, avant de s’intéresser peu à peu à la musique de film à partir de 1961. Auteur de musiques pour Bernardo Bertolucci ou Marco Bellocchio, c’est surtout avec Sergio Leone et la partition de Pour une poignée de dollars qu’il acquiert une renommée internationale et la reconnaissance quasi immédiate de ses pairs. Réitérant avec succès sa collaboration avec Leone, pour des classiques comme Le Bon, la brute et le truand ou Il était une fois dans l’Ouest qui obtient un triomphe discographique sans précédent, ou encore avec Il était une fois la révolution, Morricone poursuit également son travail dans des domaines de plus en plus divers, touchant à tous les genres. Au cours des années 60, 70 et 80, son style fait de nervosité et de lyrisme est maintes fois imité tout en inspirant également l’univers des variétés. Le succès discographique accompagne par ailleurs souvent ses œuvres, comme la chanson Here’s to You que chante Joan Baez pour Sacco et Vanzetti ou le fameux Chi Maï qui rythme Le Professionnel avec Jean-Paul Belmondo. À partir de 2001, le Maestro ralentit son travail pour le grand écran, souhaitant aller à la rencontre du public, à travers une tournée musicale où il se produit à la tête de l’Orchestre Symphonique de Rome, jouant à cette occasion quelques-unes de ses pages les plus belles, comme Mission ou Cinema Paradiso. Ennio Morricone est l’auteur de plus de 500 partitions pour le grand écran. Le musicien est sorti plusieurs fois de sa retraite dans les années 2010, collaborant notamment avec Christian Carion pour En mai fais ce qu’il te plaît et Quentin Tarantino pour Les Huit salopards. Le compositeur de 88 ans remporte d’ailleurs en 2016 l’Oscar de la meilleure musique pour son travail sur ce western, le seul de sa brillante carrière.
©DR - Ennio Morricone
WESTERN ZAPATISTE El Chuncho
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— WESTERN —
— PERSONNALITÉ DU WESTERN —
L’AGE D’OR
SERGIO LEONE
Suite au succès de cette aventure, il se voit confier la réalisation d’un péplum, Le Colosse de Rhodes (1961). Après avoir dirigé la seconde équipe du film de Robert Aldrich, Sodome et Gomorrhe (1961), et face au déclin progressif du western américain, le cinéaste italien s’approprie ce genre en accouchant d’un remake du film Le Garde du corps d’Akira Kurosawa : Pour une poignée de dollars (1964), qu’il réalise sous le pseudonyme de Bob Robertson. Par ce deuxième long-métrage, Leone s’impose comme le chantre d’un style nouveau, celui du western “spaghetti”. Le cinéaste s’évertue en effet à briser les codes du western traditionnel, en en parodiant les situations typiques, en privilégiant la lenteur et en étirant les scènes à l’excès, en usant des gros plans (colts, visages, regards) comme s’il filmait des paysages… La naissance de ce style propre à Leone marque aussi la première collaboration du maître avec le décorateur Carlo Simi et le compositeur Ennio Morricone, qui signera la bande originale de tous ses autres films. En plus d’être un succès mondial, le film contribue à l’émergence d’une star américaine, Clint Eastwood, qui reprendra d’ailleurs le rôle du célèbre Homme sans nom dans les deux autres opus de la trilogie dite “des dollars”.
Malgré une certaine lassitude face aux westerns, Leone s’associe à la Paramount pour réaliser l’ambitieux Il était une fois dans l’Ouest (1968), véritable opéra moderne dans lequel le cinéaste convie des stars internationales comme Henry Fonda, Charles Bronson et Claudia Cardinale. Le film s’effondre au box-office américain, mais triomphe en France (14 millions d’entrées). Beaucoup le considèrent comme son chef-d’œuvre. Il était une fois dans l’Ouest, dont l’histoire fut cosignée par Bernardo Bertolucci et Dario Argento, est aussi l’œuvre introductrice d’une seconde trilogie, consacrée à l’histoire de l’Amérique. Après trois années d’absence, Leone réalise péniblement Il était une fois la révolution (1971), avec Rod Steiger et James Coburn, film dans lequel il dépeint la révolution mexicaine et les massacres de 1913. Par ailleurs, il produit et participe à la réalisation de deux westerns spaghettis, Mon nom est Personne (1973) de Tonino Valerii et Un génie, deux associés, une cloche (1975) de Damiano Damiani, tous deux avec Terence Hill. Après avoir décliné la réalisation du premier Le Parrain (1972), qui sera finalement confiée au jeune Francis Ford Coppola, le cinéaste italien se penche sur son propre projet de film de gangsters, Il était une fois en Amérique (1984). Leone mettra plus de dix ans à monter cette fresque new-yorkaise, qui s’étend des années 20 aux années 60, et dans laquelle on retrouve notamment Robert De Niro, James Woods et Joe Pesci.
WESTERN PARODIQUE On l’appelle Trinita
De Enzo Barboni (1971) avec Terence Hill, Bud Spencer. Distribué en DVD par TF1. Italie
Peu avant sa mort, qui survient le 30 avril 1989, le cinéaste avait développé un ultime scénario, construit autour du siège de Leningrad entre 1941 et 1944. En seulement six films, Leone a su imposer un style cinématographique personnel. Son œuvre a exercé une influence fondamentale sur le cinéma contemporain, particulièrement chez les réalisateurs cinéphiles comme Quentin Tarantino.
Le duo Terence Hill/Bud Spencer est ancré dans les années 70/80, ayant inventé à partir des recettes du western spaghetti un genre basé sur une opposition de personnalités dans la lignée de leurs illustres prédécesseurs, Laurel et Hardy. Les gags ne sont pas toujours très fins et les temps morts ne sont pas absents dans une intrigue des plus simplistes mais la bande de pleutres qui entourent les deux héros contribue largement à déclencher les rires avec à leur tête un Riccardo Pizutti dont il convient ici de saluer la force comique. L’acteur né à Catrato en Calabre sera d’ailleurs de pratiquement toutes les aventures des deux compères. Sa manière d’attirer sur lui les claques est impayable. En réalité on devrait plutôt parler d’un trio, mais comme souvent l’histoire est injuste.
©DR - Sergio Leone
Dans Et pour quelques dollars de plus (1965), Leone peaufine et approfondit ce qui faisait l’esprit et l’atmosphère de son premier western, et travaille avec des pointures comme les comédiens Lee Van Cleef et Gian Maria Volonte (que l’on avait déjà vu dans Pour une poignée de dollars).
Le troisième volet de sa trilogie, Le Bon, la brute et le truand (1966), peut se voir comme l’affirmation pleine et entière de son style, auquel il adjoint une dimension historique. Clint Eastwood partage l’affiche avec Lee Van Cleef et Eli Wallach.
©DR - On l’appelle Trinita
Né le 3 janvier 1929 à Rome, fils du metteur en scène italien Roberto Roberti et de l’actrice Bice Valerian, Sergio Leone était, comme qui dirait, prédestiné au cinéma. Il débute dans le milieu en tant qu’assistant, aussi bien de cinéastes italiens (Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica, 1949) que de cinéastes américains tournant en Italie (Quo Vadis de Mervyn LeRoy, 1951 ; Ben-Hur de William Wyler, 1960). C’est vers la fin des années 50 qu’il commence à écrire ses premiers scénarios, puis remplace le réalisateur Mario Bonnard sur le tournage de Les Derniers Jours de Pompéi (1959), au générique duquel il sera crédité comme coréalisateur.
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Tout ceci n’est pas sérieux et n’entrera pas au panthéon du cinéma mondial mais il se dégage une telle bonne humeur de ces films qu’on peut être sûr qu’à un moment ou à un autre nos zygomatiques vont se distendre.
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— AVENTURE —
L’AGE D’OR SECONDE PARTIE PEPLUM Les Titans
de Dussio Tessari (1962) avec Giuliano Gemma Distribué par René Château vidéo France. Italie Réalisé à l’époque où les péplums italiens mettaient en valeur les héros à force virile avec sérieux (Les Travaux d’Hercules), les Titans prend le genre à contre-courant en adoptant comme ton celui de l’humour décontractée sans jamais tomber dans la parodie, ni dans le ridicule. Mais l’humour provient surtout du héros incarné par le superbe Giulano Gemma, bondissant, charmeur, moqueur et qui se sert de son intelligence et non de ses muscles pour triompher, évoquant de ce fait un Robin des Bois égaré plutôt qu’un ersatz d’Hercule ou de Masciste. Bien qu’il soit un péplum mythologique, le film évite, à juste titre, toute représentation des dieux grecs, leur présence étant seulement évoquée dans le dialogue (soulignant ainsi sans l’illustrer leur importance dans le quotidien de ces croyances) ou de manière assez discrète tel la séquence très réussi avec Pluton. Le cinéaste Ducio Tessari, scénariste ayant beaucoup œuvré dans le péplum italien, et qui réalisera plus tard le célèbre un pistolet pour Ringo et l’excellent Zorro, nous offre une mise en scène de qualité, aidé d’un scénario qui recycle habilement plusieurs éléments de la mythologie grecque.
CAPES ET D’ÉPÉES Angélique, marquise des anges
de Bernard Borderie (1964) avec Michèle Mercier, Robert Hossein, Jean Rochefort, Claude Giraud et Giuliano Gemma. Distribué en DVD et Blu-Ray par Studiocanal France/Italie/Allemagne. La saga Angélique (1964-1968) réalisée par Bernard Borderie est une adaptation cinématographique de la série de romans historiques écrite par Anne Golon à partir des années 1950. Charme, douceur et sensualité s’entremêlent autour de l’envoûtante Angélique, dont l’image filmique semble immortalisée sous les traits de la belle Michèle Mercier, accompagnée par des acteurs charismatiques tels que Robert Hossein et Jean Rochefort. Le bal passionné entre romance, Histoire et aventure entraîne le spectateur dans un univers poétique, pittoresque, romantique, tout aussi cruel et sauvage. Ce mélange judicieux assure au fond, éloigné du simple récit à l’eau de rose, une couleur authentique. La chute de chaque épisode, attise la curiosité du public, l’invitant à poursuivre le tumultueux voyage aux côtés d’attachants personnages au destin souvent tragique. L’élégance à toute épreuve de ces derniers est, cela dit en passant, à souligner. Les costumes somptueux -notamment les robes- l’atmosphère douce-amère, les décors champêtres ou les vastes étendues offrent, de surcroît, un spectacle inoubliable aux amoureux du genre. Le temps a malheureusement fait son œuvre.
L’esthétique visuelle et la bande sonore des différents films s’en trouvent dépassées, bien que parfaitement adaptées à l’époque de réalisation. Par ailleurs, si le jeu caricatural des comédiens, les scènes érotiques excessivement pudiques, le manque de rythme dans l’action, de réalisme dans l’élaboration des combats ou de dynamisme dans les mouvements de caméra peuvent déstabiliser les jeunes générations, la beauté de la saga n’en demeure pas moins intacte, éternelle, intouchable. L’érotisme – concernant principalement la nudité féminine et masculine – est effectivement bridé au profit d’une pudeur certes louable, puisque pure, sensuelle, élégante, mais étonnante au regard du paradoxe crée au niveau de la violence physique affichée lors de quelques épisodes de viol, par exemple. Concernant les vrais points problématiques, il est bon d’évoquer les relations entre les différents protagonistes qui, à l’image de certains passages, manquent cruellement de profondeur. L’émotion s’en trouve automatiquement amoindrie. En ce sens, l’idylle entre Jeoffrey de Peyrac et Angélique n’exhale pas l’intensité espérée légitimement et la fin de leur épopée, plus que décevante, ne présente rien de palpitant, piquant, percutant. Unanimement désirée, convoitée, aimée, la parfaite jeune femme, dévoilée dans toute sa splendeur, serait toutefois à même de créer des complexes féminins auprès de ses spectatrices, tant l’adoration de la gent masculine à son égard détonne avec la réalité du monde de la séduction. Cette saga, bien que romancée à souhait, se savoure le temps d’un rêve, à condition d’être sensible au registre, mais aussi à la singularité des œuvres passées.
©DR - Angélique, marquise des anges - Michèle Mercier
Parmi les très bons moments, les scènes de séduction entre Gemma et l’incroyable beauté qu’est Jacqueline Sassard sont charmantes notamment grâce à la candeur de cette dernière en Antiope inconsciente de son charme. Un héros parfait, drôle, fier et bondissant, une belle princesse à charmer et à secourir, un méchant roi despotique, du fantastique, de l’action, de la romance, et de l’humour dans le pur style d’Astérix (le dialogue entre deux soldats l’un poète l’autre grognon, la baston finale où les Titans ridiculisent l’armée de Cadmos)… tous les ingrédients sont présents pour un film familial, très sympathique, bien divertissant et agréablement jouissif à partager avec ses enfants.
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Angelique, marquise des anges : Charme, douceur et sensualité s’entremêlent autour de l’envoûtante Angélique, dont l’image filmique semble immortalisée sous les traits de la belle Michèle Mercier, accompagnée par des acteurs charismatiques tels que Robert Hossein et Jean Rochefort. Le bal passionné entre romance, Histoire et aventure entraîne le spectateur dans un univers poétique, pittoresque, romantique, tout aussi cruel et sauvage.
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— AVENTURE —
L’AGE D’OR SECONDE PARTIE FUMETTI Danger Diabolik
ESPIONNAGE Banco à Bangkok pour OSS 117
D’André Hunnebelle (1964) avec Kerwin Mathews, Robert Hossein, Pier Angeli Distribué en DVD et Blu-Ray par GAUMONT.
Le premier film dit “fumetti” donc, mais aussi le plus mémorable grâce au savoir-faire de Mario Bava qui s’exerce à un genre pas si loin du fantastique dans lequel il a acquis sa renommée.
SCIENCE-FICTION Barbarella
Le rôle-titre de Diabolik, qu’incarne l’américain John Philip Law, est un cambrioleur implacable, que ses créatrices (les sœurs Angela et Luciana Giussani) reconnaissent être inspirées de Fantomas, qui multiplie sans vergogne ses crimes malgré les efforts vains d’un inspecteur de police interprété par Michel Piccoli.
de Roger Vadim (1968) avec Jane Fonda, Ugo Tognazzi, David Hemmings Distribué en DVD et Blu-Ray par Paramount France/Italie
Ce casting international est mis au service d’une série B pleine de rythme, délicieusement kitsch et accompagnée d’une excellente bande originale signée par Ennio Morricone qui nous fait découvrir un aspect méconnu de ce que fut le cinéma italien sous les années de plomb.
Cette fois-ci en couleurs et en cinémascope, ce quatrième film joue sur l’exotisme de Bangkok, ses habitants respectueux et ses paysages de rêves pour totalement nous dépayser. En ce qui concerne Kerwin Mathews, on le sent plus à l’aise dans la peau d’un OSS 117 encore plus cynique, misogyne, hautain et quasi-raciste. L’aventure se rapproche encore une fois énormément de Dr No avec son pays exotique, ses sbires muets et surtout son grand méchant mégalo, ici le Dr Sinn, interprété avec malice par le savoureux Robert Hossein. Ainsi, malgré des tics de réalisation tricolores, des dialogues toujours aussi simplistes et de nombreux combats mano a mano, cette “suite” a le mérite de suffisamment divertir, surpassant de loin son prédécesseur.
©DR - Danger Diabolik
©DR - Angélique, marquise des anges - Michèle Mercier
Un an après OSS 117 se déchaîne, revoici le tandem André Hunebelle / Kerwin Mathews pour une nouvelle aventure tirée du personnage de Jean Bruce. Oubliant la Corse pour la Thaïlande, notre espion va vite multiplier les scènes d’action et rencontrer de nouveaux personnages intrigants au cours de son enquête visant à démanteler une organisation criminelle qui échange des vaccins contre des bacilles de peste.
Le plus célèbre personnage des fumetti, ces petites bandes dessinées italiennes à la mode dans les années soixante, a logiquement été le premier à être mis en scène dans une œuvre cinématographique.
©DR - Barbarella
©DR -B anco à Bangkok pour OSS 117
de Mario Bava (1968) avec John Phillip Law, Marisa Mell, Michel Piccoli Inédit en DVD Italie/France
Objet de tous les fantasmes, Barbarella la « meilleur pilote spatial du XXXXIème siècle » doit, sur ordre du président de la terre, retrouver le savant disparu Durand-Durand, inventeur d’une arme absolue qu’il veut vendre à une planète ennemie. Tout est ancré dans son époque, le message (« faite l’amour par la guerre », il se salue en levant la main et en disant « Love », c’est impensable qu’un type puisse construire une arme…), la musique, ou encore les décors mais c’est aussi ces excès de tout et cette extravagance qui fait une partie de son charme. L’autre élément important, c’est que Vadim a l’excellente idée d’inclure une très sensuelle (que ce soit son strip-tease qui ouvre le film ou lorsqu’elle est nue sous les fourrures) Jane Fonda sur quasiment tous les plans. D’ailleurs, toute la laideur qui l’entoure (le monde inventé, les décors…) ne fait que la sublimer. Néanmoins, l’absence de véritable scénario devient un obstacle bien trop important pour pleinement apprécier le film avec notamment quelques passages qui sont assez ennuyeux et trop longs (lorsqu’elle rencontre l’ange, en milieu de film…) et ce malgré quelques trouvailles plutôt sympathique et parfois très inattendues (comme cette sorte de raie orange qui glisse sur la glace). ATYPEEK MAG #03
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— POLAR URBAIN — LES ANNÉES SOMBRES POLAR ANTI-MAFIA Lucia et les gouapes
L’étrange vice de madame Wardh
de Sergio Martino (1971) avec Edwige Fenech, George Hilton. Distribué en DVD par Neo Publishing. Italie
Dans le rôle de Julie Wardh, Edwige Fenech, déploie toute sa sensualité. La première partie du film est baignée d’érotisme et les formes de l’actrice, largement dévoilées, n’y sont pas étrangères. L’intrigue, qui enchaîne les rebondissements sans craindre les excès dans sa conclusion, emprunte certaines des caractéristiques de deux chefs-d’œuvre d’Henri-Georges Clouzot et d’Alfred Hitchcock. Les citer risquerait de spoiler le fin mot de l’histoire. Mais que l’ombre de ces grands noms recouvre le film donne une idée du suspense qu’a voulu échafauder -avec succès- Sergio Martino. Plusieurs scènes mémorables jalonnent le film. Celle du “verre pilé”, onirique et sensuelle, celle du parking souterrain, mais surtout celle du parc. L’étrange vice de Mme Wardh constitue une parfaite première approche du giallo. Et pour tous les amateurs du genre, le visionnage de cette pièce maîtresse est inévitable. 282
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POLAR FACHO Big racket
de G. Castellari (1976) avec Fabio Testi, Vincent Gardenia, Renzo Palmer. Distribué en DVD chez Artus. Italie S’il était avant tout récupérateur d’une mouvance qui connaissait un fort succès populaire à l’époque, Big Racket (et le néo-polar italien en général n’en est pas moins pour autant le résultat d’une production bisseuse née d’une logique implacable. Le film de Castellari profitait d’un contexte spécifique qui lui donnait presque des allures d’exutoire cinématographique, le cinéaste portant avec fracas à l’écran, un quotidien devenu banalement insoutenable à l’époque. Violence, insécurité, pègre locale se livrant au racket et aux trafics en tout genre, crime organisé venu des quatre coins du monde, drogue, corruption policière, morale jetée en pâture aux cochons, justice entravée par l’inertie de la bureaucratie… Avec Big Racket, Castellari livre finalement plus qu’un simple polar « vigilantesque » violent. Il signe un film-témoin et cathartique, certes d’exploitation et cédant aux viles pulsions du registre avec toute la générosité reconnue du cinéaste, mais dont les fondations sont à piocher dans les maux qui scarifiaient la société italienne de son temps. Marqué par les nombreux faits divers sur la criminalité romaine et les commerçants dépouillés par des gangs organisés, le cinéaste aura su tirer une œuvre finalement plus ambitieuse qu’il n’y paraît au premier coup d’œil, brassant tout ce climat terrifiant dans un film-miroir à l’efficace sans faille.
©DR - L’étrange vice de madame Wardh
GIALLO
La beauté du vieux Naples et les étonnements qu’elle procure dans ce quartier misérable de la fin du XIXe siècle n’ont pas laissè insensible Pasquale Squitieri (cinéaste italien ambitieux dont l’oeuvre mèrite d’être rèhabilitèe à sa juste valeur) qui installa en 1974 sa caméra pour tourner “I Guappi” avec un casting parfait : Claudia Cardinale (juste belle à tomber) en Lucia Esposita, Franco Nero en ex-détenu sans le sous et Fabio Testi en maître de quartier ! Son atmosphère si particulière de ses rues a contribué à la célébrité de la ville mais il fallait aussi compter sur la surveillance très précise de la Camorra ! Car même si “I Guappi” se passe dans un autre siècle que le notre, la puissance de celle-ci est tout aussi réelle de nos jours ! L’autre atout de Squitieri, c’est qu’il fait tout simplement confiance à son sens de cinéma ! D’abord parce que son film témoigne d’une maîtrise rare (violence, lyrisme, caméra à l’épaule, plan séquence, direction d’acteurs…). Ensuite, parce que, comme il ne met pas en doute sa démarche une seule seconde, son mélange de flamme (Testi) et d’innocence (Nero) lui permet d’avancer droit au but et d’atteindre des sommets de vérité et d’émotion, avec une très belle réplique de Testi à Nero : “Ce vieux est comme toi, il m’appartient”. Même si Nicola n’approuve pas les méthodes de l’organisation de Gaetano, on voit bien qu’il y a de l’amitié entre les deux hommes ! Certaines scènes sont tout de même d’une violence qui peuvent mettre mal à l’aise, plus particulièrement la torture infligée à Don Gaetano ! Mais à la manière d’un Mauro Bolognini, le cinéaste n’hésite pas à convertir cette violence en un romantisme fiévreux et noir, placé sous le signe de la douleur et du pessimisme ! C’est en tout cas un grand film, indiscutablement, qui figure parmi les plus belles réussites du cinéma italien des années 70 ! Avec la formidable musique de Gigi et Franco Campanino qui accompagne le tout ! La vie est un droit, pas une aumône ! Souvenons-nous en...
©DR - Big racket
©DR - L’étrange vice de madame Wardh
de Pasquale Squitier (1974) avec Claudia Cardinale, Franco Nero, Fabio Testi. Distribué en Dvd par Sevensept. Italie
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L’étrange vice de Mme Wardh constitue une parfaite première approche du giallo. Et pour tous les amateurs du genre, le visionnage de cette pièce maîtresse est inévitable. ATYPEEK MAG #03
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Remake inavoué de La Dernier maison sur la gauche de Wes Craven ou Macha Méril interprète une étrange femme bourgeoise perverse, nymphomane et manipulatrice… une belle garce anthologique pousse au crime… et aux pires délits entre torture et viol…
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— L’HORREUR — LA DÉGÉNÉRESCENCE
RAPE AND REVENGE Le dernier train de la nuit
©DR - Le dernier train de la nuit
d’Aldo Lado (1975) avec Macha Meril et Enrico Maria Salermo. Distribué en DVD par Neopublishing. Italie Le dernier train de la nuit (titre original : L’Ultimo treno della notte) ou La Bête tue de sang-froid est un bon Rape et Revenge italien réalisé par Aldo Lado, écrit par Roberto Infascelli et Ettore Sanzò qui met en scène Lisa Stradi (jouée par Laura D’Angelo), une jeune étudiante italienne vivant en Allemagne et avec l’une de ses amies Margaret Hoffenbach (jouée par Irène Miracle qui reverra par la suite dans dans Midnight Express d’Alan Parker ou elle joue Susan, la petite amie de Billy Hayes et dans Inferno de Dario Argento) rentre par train de nuit pour voir sa famille pendant les vacances de Noël… Pendant leur trajet en train, elles font la connaissance de deux fraudeurs un peu étranges qui seront rejoints par une mystérieuse femme (superbe Macha Méril) qui est une véritable pousse au crime… car les deux jeunes femmes vont subir la pire nuit de leur vie… Remake inavoué de La Dernier maison sur la gauche de Wes Craven ou Macha Méril interprète (son meilleur rôle… Pourquoi pas ?) une étrange femme bourgeoise perverse, nymphomane et manipulatrice… une belle garce anthologique pousse au crime… et aux pires délits entre torture et viol… La Bête tue de sang-froid… qui consiste à reprendre fidèlement le contenu du très mauvais La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven (il y a la même fin… À noter par ailleurs, que c’est l’acteur Enrico Maria Salerno qui joue le père de la jeune étudiante)… Mais en beaucoup mieux sur une très bonne musique d’Ennio Morricone (A noter par ailleurs, que la chanson du générique est interprétée par Demis Roussos) et une très belle photographie (ce qui n’est absolument pas le cas du film de Craven) de Gábor Pogány (Spartacus de Riccardo Freda, Les Adolescentes d’Alberto Lattuada)… Ce film est aussi une sorte de métaphore politique ou la classe dominante exploite le prolétariat pour son propre plaisir… Réalisé par Aldo Lado a qui on doit l’étrange giallo Je suis vivant (La corta notte delle bambole di vetro) et L’Humanoïde avec Richard Kiel, Corinne Clery et Barbara Bach… signe un petit classique du cinéma Bis et malsain…
CANNIBAL Holocaust
ZOMBIE Cannibal
de Ruggero Deodato (1981) avec Robert Kerman, Francesca Ciardi, Perry Pirkanen Distribué en DVD et Blu-RAY par Openning. Italie/ Colombie Cannibal Holocaust est un film à voir avec l’objectivité du vrai critique, qui ne doit avoir, pour seuls éléments dans le jugement d’un film, que le métrage lui-même et la fiche technique. Franchement, Deodato livre une œuvre choc, brut de décoffrage, qui a révolutionné le cinéma de genre et consacré un sous-genre, celui des films de cannibales. Certes la photographie est lègère, certes il y a quelques longueurs, mais enfin il faut être honnête : Cannibal Holocaust est un film abouti, qui fait beaucoup avec un budget totalement dérisoire et dont il faut tenir compte. Tourné en décors naturels, ceux-ci sont d’une grande beauté, et donne au film une réelle atmosphère. C’est l’enfer vert, et non la forêt du coin avec des chemins de randonnées. La musique de Riz Ortolani est un classique devenu culte aujourd’hui. Les effets gores sont une grande réussite, et si certains ne feront peut-être plus parfaitement illusions aujourd’hui, la majorité reste impressionnante et plante un demi-siècle en arrière les effets numériques approximatifs de beaucoup de productions actuelles. Le scénario est pour sa part très intelligent. Sa construction via l’intermédiaire d’une bande-vidéo retrouvée était précurseur en son temps, et il évite le manichéisme ridicule avec d’un côté les méchants et de l’autre les gentils, chacun donnant et subissant son lot de cruautés. La fin est parfaitement celle qui convenait, et au final voilà un film qui fait réfléchir. Il ne faut sûrement pas s’arrêter à l’aspect visuel, et quoique Deodato n’aille pas avec le dos de la cuillère, ce qui séduit le plus dans Cannibal Holocaust c’est le fond. La violence et la perversité sont sans borne, et le pire est de savoir que ce film n’est qu’une vision édulcorée de tant de réalités passées et présentes. Dans l’enfer vert, ou dans nos sociétés urbanisées. Alors certes l’équipe de tournage a rentabilisé au maximum le budget (en utilisant des scènes d’abattages des animaux qui on servit à nourrir l’équipe pour gonfler le métrage), mais on ne peut pas s’arrêter à cela, et après tout, combien de végétarien sont nés avec Cannibal Holocaust ?
L’au-Delà
de Lucio Fulci (1981) avec Catriona MacColl, David Warbeck. Bientôt en Blu-Ray et DVD chez Artus. Italie Le scénario de son côté est intéressant. C’est un très bon point du métrage. On retrouve le style un peu saccadé de Fulci, avec un film davantage composé de tableaux, que d’une narration fluide traditionnelle. Il y a de superbes moments, un rythme soutenu, et comme dans Frayeurs une gradation parfaitement maîtrisée qui triomphe dans un final anthologique. L’au-delà propose une des fins les plus marquantes du cinéma. Visuellement, c’est un triomphe. Fulci livre une mise en scène absolument magistrale, avec des passages magnifiques. L’arrivée de la voiture au milieu du désert par exemple, sur le début du film, au moment ou McColl rencontre l’aveugle est sublime. Il parvient par son travail de réalisation à sauver des séquences aux trucages discutables (les araignées par exemple), et il magnifie les passages gores avec ses gros plans inimitables. Là-dessus il dépasse Frayeurs sans problème. La photographie est elle aussi parfaite. Le début en sépia est une grande réussite, mais la suite du film ne l’est pas moins, avec des contrastes lumineux parfaitement gérés. Le final, tout de gris et de noir est une pépite, avec une vision de l’au-delà qui scotche littéralement en un seul plan. L’hôtel a vraiment une âme, on sent le poids de la malédiction qui pèse sur le lieu. Les effets gores sont à la hauteur. Ils sont pour certains franchement impressionnants, et les maquillages des zombis ne tiennent pas en deux coups de peintures vertes ! Là-dessus les amateurs seront ravis. Enfin, que dire sur la musique ? C’est une bande-son magistrale, lourde, épique, tragique, lyrique, tous les sentiments passent dans la musique, et elle est littéralement envoûtante. C’est l’élément grandiose du film. Au final, que dire de L’au-delà ? Si Fulci a un chef-d’œuvre, c’est bien ce film. En dehors de quelques interprètes faiblards et de quelques éléments discutables dans l’histoire, L’au-delà est un film parfaitement maîtrisé, qui appartient aux incontournables de l’horreur. Un très bon choix en tout cas pour l’amateur, qui désire savoir s’il est sensible au style fulcien ou s’il est irrémédiablement allergique à celui-ci. ATYPEEK MAG #03
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— ÉROTIQUE —
— PERSONNALITÉ DE L’ÉROTIQUE —
EROS ET THANATOS
ÉROTIQUE/ FANTASTIQUE Fascination
Brigitte Lahaie commence sa carrière de comédienne vers l’âge de vingt ans en tournant des films pornographiques de 1976 à 1980, parmi lesquels La Clinique des fantasmes (1978) de Gérard Kikoïne, Bordel SS (id.) de José Bénazéraf ou encore Les Petites écolières (1980) de Claude Mulot. Parallèlement, elle s’illustre dans quelques films d’horreur réalisés par Jean Rollin, dont Les Raisins de la mort (1978), Fascination (1979) et La Nuit des traquées (1980). Leur fructueuse collaboration se poursuivra en 1997 avec Les Deux Orphelines vampires et en 2000 avec La Fiancée de Dracula.
de Jean Rollin (1979) avec Brigitte Lahaie, Franca Maï, Jean-Marie Lemaire, Distribué en DVD par LCJ. France
En 1980, celle qui est devenue l’égérie de l’âge d’or du X décide de mettre un terme à sa carrière sulfureuse et s’oriente vers le cinéma dit “traditionnel”. Brigitte Lahaie multiplie alors les courtes apparitions dans de grosses productions comme I comme Icare d’Henri Verneuil, où elle incarne une prostituée retrouvée pendue, Diva (1980) de Jean-Jacques Beineix, Pour la peau d’un flic (1981), où, encouragée par Alain Delon, elle joue le rôle d’une infirmière, et Henry & June du cinéaste américain Philip Kaufman, où elle se glisse à nouveau dans la peau d’une prostituée. Toutefois, dans les années quatre-vingt, elle continue à jouer dans quelques films érotiques. Parmi les plus célèbres figurent Erotica (1981) de Brian Smedley-Aston, Joy & Joan (1985) de Jacques Saurel, ou encore Le Diable rose (1987) de Pierre B. Reinhard, où elle interprète une danseuse de cabaret durant la Seconde Guerre mondiale. En 1986, Michel Caputo lui offre le rôle-titre dans son polar L’Exécutrice, tandis que Jesus Franco l’imagine en infirmière machiavélique dans son film d’horreur Les Prédateurs de la nuit (1988). En 1990, elle est dirigée par Philip Kaufman dans Henry & June avec Uma Thurman et trois ans plus tard, elle joue aux côtés d’Elise Tielrooy dans Illusions Fatales. Jean Rollin l’a fait tourner en 1997 dans Les deux Orphelines vampires puis en 2002 pour La Fiancée de Dracula, dans lequel elle interprète le personnage La Louve. Toujours dans le registre de l’épouvante, elle apparaît dans le film de Fabrice Du Welz, le très violent Calvaire (2005).
©DR - Joy and Joan / Brigitte Lahaie
Parallèlement à sa carrière cinématographique, elle intervient à la radio dans l’émission “Les Grosses Têtes” sur RTL, puis tente une entrée dans le milieu musical avec le titre “Caresse tendresse” qui ne rencontre pas le succès voulu. Elle publie plusieurs romans et essais sur la sexualité, tout en présentant des émissions à la thématique semblable sur des chaînes câblées. Plus tard, Brigitte Lahaie présente sur RMC sa propre émission avec “Lahaie, l’Amour et Vous”. Elle revient au cinéma en 2013 dans un drame de Fabrice Grange, Le Bonheur, puis dans un documentaire de Denys Maury Les Filles d’Eve et du Serpent.
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Fascination s’il n’est pas un des films les plus connus de son auteur n’en reste pas moins un des plus accessibles et recommandables pour l’imprudent qui aimerait découvrir l’œuvre du sieur qui fut estampillé de manière triviale “pape du Z français”. Accessible et par conséquent (?) légèrement à part dans la filmographie du réalisateur de la Vampire nue, le long-métrage s’écarte quelque peu du thème central cher au cinéaste pour en proposer une version alternative car suggérée. Rollin quitte le fantastique tel qu’on l’entend de nos jours pour revenir aux racines du genre, à la croisée du surnaturel et de l’étrange dans le sillage d’un Edgar Allan Poe. 1905, pour combattre l’anémie des jeunes filles de la bonne société, une thérapeutique nouvelle leur est proscrite, boire du sang frais de bœuf. Voici en quelques mots, la scène introductive de Fascination, scène “anodine” qui aura néanmoins de graves répercussions par la suite tant sur le récit que sur ses divers protagonistes. Quelque temps plus tard, Marc (Jean-Marie Lemaire, mix improbable entre Plastic Bertrand et François Valéry, et ayant la particularité d’avoir un talent similaire à celui des deux chanteurs précités…) chef d’un groupe de malfrats, fuit ses anciens condisciples, ces derniers appréciant peu sa trahison et ses envies égoïstes légitimes de vouloir garder le magot, soit quelques pièces d’or pour lui seul. Il trouve refuge non loin de là dans un château gardé par deux jeunes femmes mystérieuses, Eva (Brigitte Lahaie) et Elisabeth (Franca Maï). Dans un premier temps, les deux jeunes domestiques restent soumises au bon vouloir du nouveau maître des lieux, mais celles-ci n’ont qu’un seul but, que Marc soit leur hôte et reste au château jusqu’à minuit. Le soir même, le jeune homme devient le pôle d’attraction des diverses invités féminines au cours d’une étrange cérémonie… Seconde collaboration avec la jeune Brigitte Lahaie après (justement) les Raisins de la Mort (1), Fascination est comme il l’a été écrit plus haut un film “à part” chez ce cinéaste estampillé Z. Après plusieurs années de mise en scène alimentaire à partir de la moitié des années 70
sous les pseudonymes Robert Xavier et autre Michel Gentil où il tourna par exemple les “mémorables” : Lèvres entrouvertes pour sexes chauds (1978) mais encore La romancière lubrique (1976), Rollin s’essaie de nouveau au cinéma fantastique. Fascination, éloigné du pur vampirisme cher à son auteur, n’en demeure pas moins marqué par le sceau made in Rollin. L’amateur de Rollinades saura retrouver les caractéristiques propres à la production cheap du cinéaste : des dialogues faiblards, une interprétation hasardeuse, un érotisme lesbien plus ou moins éventé… à ceci près qu’étonnamment ses défauts qui provoquent les sarcasmes ou les sourires en général n’entachent en rien les autres qualités de ce présent film.
ACTION Crime à froid
de Bo Arne Vibenius (1973) avec Christina Lindberg Distribué en DVD par Bach Films. Suède Madeleine se fait violer par un vieux clodo dans la forêt quand elle est encore gamine, traumatisée elle ne parle plus, un jour elle tombe sur Tony qui semble sympa mais qui va vite finir par montrer sa véritable facette, un manipulateur qui va la forcer à prendre de l’héroïne pour ensuite la forcer a se prostituer contre sa dose quotidienne de drogue. Madeleine détruite par ce qui lui arrive ne se laisse pas abattre et commence peu à peu à planifier sa vengeance. Ce rape and revenge se démarque des autres par sa froideur et sa violence viscéral très osée pour l’époque, chaque exécution est filmé au ralenti, ça saigne et c’est cru. Cru aussi dans les scènes de sexe non simulées ou l’on voit tout en gros plan (bon après vu que ce sont des gros plans je ne sais pas si c’est bien l’actrice principale). Cru entre un film x et froid entre le film de vengeance sans répit, crime a froid est un de ces films ancré dans les années 70 qui n’aura malheureusement pas réussi a se forger une grande réputation en dehors de ces années-là. On ressent tout de même que ce film fut une source d’inspiration pour une réalisation réputée de nos jours. A ranger dans la catégorie classique du rape and revenge, ce Crime a froid montre que les Suédois pouvaient aller très loin dans les années 70 .
©DR - Joy and Joan / Brigitte Lahaie
BRIGITTE LAHAIE
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Brigitte Lahaie débute sa carrière de comédienne vers l’âge de vingt ans en tournant des films pornographiques de 1976 à 1980, parmi lesquels La Clinique des fantasmes (1978) de Gérard Kikoïne, Bordel SS (id.) de José Bénazéraf ou encore Les Petites écolières (1980) de Claude Mulot. Parallèlement, elle s’illustre dans quelques films d’horreur réalisés par Jean Rollin…
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— ÉROTIQUE — EROS ET THANATOS
NAZI-EXPLOITATION 99 Femmes
de Jésus Franco (1969) avec aria Schell, Herbert Lom, Mercedes McCambridge Distribué en DVD par OPENNING. Britannique, Espagnol, Italien, Ouest-Allemand, Premier film de “W.I.P.” (Women in Prison) réalisé par Jess Franco et considéré comme l’un des films précurseurs de ce sous-genre sulfureux, ce 99 women (connu chez nous sous ses titres alternatifs de L’amour dans les prisons de femmes et de Les brûlantes pour sa version comportant des inserts “hardcore” disgracieux et disponible sur cette édition DVD) tranchera avec les autres titres du sous-genre (comme Women in cellblock 9, Barbed wire dolls ou encore Sadomania) tournés ultérieurement par le réalisateur en étant guidé par une suggestion écartant toute dérive graphique ou trop érotique au sein d’une intrigue dévoilant déjà les situations récurrentes à venir et portée par une salve sociale guère optimiste qu’il conviendra de replacer dans le contexte de la fin des années soixante. Le script va laisser de nouvelles détenues débarquer sur une île où se tient un pénitencier destiné aux femmes dirigé par une femme sévère et sadique. Et effectivement, dès sa première séquence, Jess Franco va nous présenter ces trois demoiselles arrivant sur cette île isolée et notamment Nathalie et Marie une jeune femme blonde dont ce sera le premier séjour dans cet endroit décrit comme un enfer à cause de cette directrice réputée pour sa méchanceté. Et nous allons pouvoir rapidement pouvoir constater l’étendue de la mesquinerie de cette responsable, prénommée Thelma, qui va commencer par houspiller les gardiennes ayant accompagné les nouvelles détenues à cause de leur retard, pour ensuite recevoir les prisonnières et leur indiquer leur matricule qui devra être désormais la seule façon pour elles de s’identifier, leur nom et prénom devant être oublié. Cette entame restera assez classique dans son agencement pour immédiatement indiquer quel sera le personnage central du film, cette jeune et fraîche Marie qui va très vite faire la connaissance de ses compagnonnes de cellule et principalement de Helga qui s’exposera en collant devant elle pour l’accueillir et exprimer sa supériorité de fait. Le métrage va alors avancer 290
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un autre personnage clé en mettant en avant le gouverneur Santos. La suite verra d’abord Marie essayer d’alerter sans succès les gardiennes sur l’état de santé de Nathalie (une droguée en manque arrêtée en possession d’héroïne) qui se dégradera jusqu’à ce qu’elle en meure, ce qui ennuiera profondément le gouverneur et Thelma puisque cela portera à trois le nombre de décès dans la prison au cours d’une même année, ceux-ci redoutant que le ministère de la justice cherche à en savoir plus sur ce qui se passe à l’intérieur de la prison, tandis qu’après une bagarre initiale entre Helga et Zoé, une autre détenue, va se terminer par la mise à l’écart dans l’infirmerie de Helga et de Marie qui aura voulu s’interposer, et ce sera dans cet endroit que le gouverneur va venir trouver les deux jeunes femmes, sous-entendant un rapport sexuel forcé pour Marie. Le premier tournant du métrage surviendra avec l’arrivée au pénitencier de Leonie Caroll, missionnée par le ministère pour enquêter sur Thelma et sur ce qui se passe dans la prison, cette jeune femme se liant d’entrée d’amitié avec Marie au point de la croire innocente de son crime (avoir tué un de ses violeurs) et de chercher à faire réviser son procès tandis que bien entendu Thelma et le gouverneur Santos vont voir d’un très mauvais œil l’arrivée de ce personnage qui va restreindre les punitions infligées aux détenues, bridant ainsi les pulsions de deux comparses. Cela donnera lieu à quelques situations tendues au cours desquelles Leonie va s’imposer à la plus grande joie des prisonnières mais le métrage orientera par la suite son action en amorçant une tentative d’évasion de trois femmes, Marie bien entendu, Zoé et Rosalie, une détenue devant retrouver son petit ami incarcéré quant à lui dans la prison réservée aux hommes de l’île et ayant projeté de s’enfuir. Cette dernière partie qui verra les trois femmes bientôt rejointe par un autre prisonnier tenter d’échapper aux gardiens lancés à leurs trousses dans la jungle reprendra à son compte quelques clichés du “film de jungle” (le serpent par exemple) avant de faire preuve d’un sadisme typique du réalisateur avec ce viol collectif imagé plutôt que montré pour laisser déjà une note terriblement pessimiste clore le métrage, ce qui se retrouvera souvent par la suite dans les autres “W.I.P.” de l’auteur, même si ici le final éludera grandement quelques sous-intrigues embryonnaires laissées à l’abandon par la fuite des
trois détenues privilégiée à l’écran. Doté d’un budget confortable, Jess Franco nous livrera une œuvre classieuse dans ses décors et sa mise en scène pour dérouler une intrigue certes assez classique dans son déroulement et ses situations pour laisser présager des sévices à venir qui ne seront ici que sous-entendus ou très rapidement montrés (les coups de fouets du final) et entériner la plupart des passages obligés du sous-genre en gestation, avec cette tentative d’évasion, ces bagarres entre détenues, ces descentes aux cachots servant à calmer les récalcitrantes ou encore en avançant cette directrice à la sévérité sans limite et qui sera une adepte des gifles pour se faire respecter, tandis que les rapports saphiques entre les détenues privées d’hommes seront eux aussi évoqués. Mais même au travers d’une œuvre formellement classique, on retrouvera quand même sporadiquement la “patte” de Jess Franco, notamment lors d’un flash-back retraçant les motifs de l’incarcération de Helga et qui préfigurera de manière évidente les phases érotiques de Vampyros lesbos aussi bien avec ce spectacle érotique éclairé aux chandelles que par cet amalgame de plans érotiques certes guère osés mais qui trancheront avec la retenue du reste du film, si on excepte ces inserts “hardcore” disséminés tout au long du métrage et qui ne serviront franchement à rien car en plus d’être d’une laideur absolue, ces plans ne parviendront même pas à cacher les “acteurs” différents de ceux du montage d’origine qui se livreront à quelques ébats classiques filmés par des gros plans sals et contrastant avec une certaine fraîcheur se dégageant du montage “classique”, en plus de venir également perturber de manière inopportune le déroulement de l’action. La mise en scène de Jess Franco est ici plutôt classique pour ainsi rendre le métrage bien rythmé et lisible, tandis que quels tics de son style se retrouveront quand même déjà, car s’il évite ses gros plans intempestifs sur l’anatomie des actrices, sa propension à cadrer des éléments extérieurs à l’action se retrouve régulièrement. Donc, ce 99 women, pierre angulaire du “W.I.P.”, offrira l’occasion à Jess franco de démontrer sa capacité de mise en scène au service d’une intrigue impliquant, judicieuse et prenante qui ne versera jamais dans le sordide ou l’abject pour laisser travailler l’imagination du spectateur, conservant ainsi intact son pouvoir de séduction malgré le poids des années !
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JESUS FRANCO
EROS ET THANATOS
de Tinto Brass (1983) avec Stefania Sandrelli et Frank Finlay. Distribué en DVD par BACH FILMS. Italie Quatre ans après avoir réalisé le sulfureux “Caligula”, Tinto Brass reste dans le registre de l’érotisme mais contrairement à son précédent film, le spectateur n’est soumis à aucune image violente ou choquante, au contraire le réalisateur qui a écrit lui-même le scénario de ce long-métrage veut passionner le spectateur sur une simple histoire d’érotisme qui sépare un homme et sa femme en intégrant des éléments qui poussent le spectateur à pouffer de rire dans chaque situation soit en insérant des dialogues d’une crudité sans nulle autre pareille soit en mettant en scène des personnages qui effectuent des actes qui vont à l’encontre de la moralité. Tinto Brass est un provocateur puisqu’il installe cette histoire en 1940 donc en pleine période pendant laquelle le pays est dominé par le fascisme de Mussolini. L’histoire se passe dans l’un des sites les plus convoités au monde, Venise. Le scénario pour un film purement érotique est extrêmement riche, le réalisateur désirant attirer le regard du spectateur du début à la fin sans l’ennuyer et il y parvient et sans image répugnante, c’est ce que l’on pourrait appeler l’hymne à la joie et au plaisir culinaire et sexuel. Le réalisateur sait très bien que la musique compte énormément dans un film et il a donc engagé le plus grand compositeur Italien Ennio Morricone. Ce qui est plus surprenant, c’est le choix de l’actrice, elle qui a enchaîné les longs-métrages dont “Police Python 357” et “1900” sans jamais vraiment dévoiler son corps par pudeur décide de briser le tabou en laissant le réalisateur filmer ses formes généreuses et la montrer nue en train de faire l’amour avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le réalisateur sait faire rire le spectateur sans le dégoûter, chose qui lui avait été reprochée auparavant. Ici, le sexe est bonheur et nature et c’est cette conception de cette liberté sexuelle qui rend le film si touchant. Stefania Sandrelli est sublime dans ce film si intimiste!
COMÉDIE Bananes mécaniques
de Jean-François Davy (1973) avec Marie-Claire Davy, Elisabeth Drancourt Distribué en DVD par Potemkine. France Bananes mécaniques n’est en fait pas vraiment un film érotique, c’est plus une comédie avec un peu de sexe, mais c’est surtout un document seventies des plus typé. Coté acteur on a une belle galerie de jeunes femmes, à vrai dire pas des plus talentueuses, mais indéniablement charmantes (quoique casse-pieds) et pleine de naturel. Elle dégage une agréable fraîcheur, et elles font plaisir à voir dans cette décontraction, cette joie de vivre, même si, et je le reprécise, on n’a pas à faire à des talents mirobolants. Le casting masculin n’a d’ailleurs guère plus d’intérêt, avec des acteurs plus là pour agrémenter l’histoire que pour avoir une réelle place. Le scénario n’a pas grand sens. En fait on assiste aux tribulations d’une bande de filles dans les années 70. On est aujourd’hui quasiment dans le documentaire, car si l’humour ne vole pas haut et laissera souvent pantois, si l’érotisme est somme toute très limité, en revanche l’atmosphère seventies est terrible. Souffle libertaire, love and peace à outrance, on cite Mao Zedong sans problème, bref, le film est devenu assez fascinant aujourd’hui par cet aspect-là. Si l’intérêt global reste limité, avec une comédie qui n’est par ailleurs pas très bien écrite mais bien rythmée, en revanche ceux qui veulent se replonger dans leurs jeunes années trouveront à n’en pas douter ici un métrage des plus plaisants, qui souvent ressemble à ces vieux films de famille tournés l’été en vacance. Visuellement l’ambiance est là aussi très seventies. La photographie est haute en couleur, les costumes les accessoires sont d’un rétro réjouissant, quant aux décors ils restent tout de même un peu faible. On sent que Bananes mécaniques n’avait pas un gros budget, et les lieux sont peu nombreux, et souvent des plus modestement aménagés. Quant à la mise en scène elle est assez dégingandé. À l’image du film d’ailleurs qui part dans tous les sens, Davy livre un travail éclectique, avec même
JOURNALISTE : JÉROME TRANCHANT - BLOG : www.facebook.com/jerome.cineradical
Personnage de légende Jesus Franco peut s’enorgueillir d’une filmographie aussi prolifique que celle d’un John Ford ou d’un Raoul Walsh. Plus de 170 réalisations au total, signés de l’un des 60 pseudonymes (parmi lesquels Jess Frank ou encore Jack Griffin) dont il usa au cours d’une carrière débutée comme assistant réalisateur sur Cosmitos (Juan Antonio Bardem, 1954). Son premier long métrage, (L’Horrible Docteur Orlof en 1963) est placé sous le signe de l’horreur. Mêlant l’érotisme à l’épouvante (Les Avaleuses), passant allégrement du polar à l’anticipation, adaptant des classiques de la littérature fantastique (Dracula : Les Nuits de Dracula, Fu Manchu : Blood for Fu Manchu et The Torture Chamber of Fu Manchu d’après Sax Rohmer, avec Christopher Lee), faisant même quelques incursions, à son corps défendant, dans le porno, Jesus Franco s’est imposé comme le maître incontesté du cinéma bis, qu’il sert avec respect et un enthousiasme inaltérable. Adulé par certains, honni par d’autres, ce cinéphile fou, Jesus Franco ne cesse de rendre hommage à ses glorieux aïeuls et à ses pairs, de Fritz Lang à Godard. Mais le réalisateur ne se contente pas d’admirer, il suscite également l’intérêt de ses modèles. Ainsi, en 1965, Orson Welles lui offre de superviser la deuxième équipe de tournage sur Falstaff. Par ailleurs, Jesus Franco reprend, au début des années 1990, le montage de l’adaptation de Don Quixote que Welles ne put mener à bien, faute de moyens. Ce travail mobilise Franco durant un an et demi, une durée peu habituelle pour le cinéaste, qui réalise de trois à quatre longs métrages chaque année.
©DR - Jesus Franco
— ÉROTIQUE — MÉLODRAME ÉROTIQUE La clef
— PERSONNALITÉ DE L’EROTIQUE —
parfois des effets de style aujourd’hui très ringards comme des accélérations impromptues (vous savez, l’effet « Benny Hill »). Malgré cela la mise en scène est convenable, mais elle ne fait pas d’étincelles dans les scènes érotiques. Clairement Bananes mécaniques n’est pas dans ce registre-là, et vous verrez certes de très jolies jeunes femmes nues, mais rien de plus. Je dirai qu’il y a un côté naturiste dans Bananes mécaniques, avec une nudité qui ne semble visiblement choquer pas grand monde dans le film. En tous les cas ce n’est pas désagréable à l’œil, il faut l’avouer, et il se dégage un réel charme typique de cette candeur seventies. Niveau bandeson, j’ai trouvé l’ensemble plutôt convaincant, sans être non plus tout à fait en adéquation avec l’ambiance du film. En clair Bananes mécaniques est un film sympa des années 70. ATYPEEK MAG #03
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INTERVIEW
LA FACE CACHÉE DES “WHITE TRASH”
ROBERTO MINERVINI ENTRETIEN : MAXIME LACHAUD
INFOS : HTTP://URLZ.FR/5KCJ
C’est avec Le cœur battant (Stop the Pounding Heart), découvert sur les écrans français en 2014, que l’œuvre de Roberto Minervini est arrivée pour la première fois à nous. Brouillant les frontières entre documentaire et fiction, le cinéaste n’en était pourtant pas à son coup d’essai, vu qu’il s’agissait du dernier volet d’une trilogie sur le Texas, commencée avec The Passage (2011) puis Low Tide (2012). Instaurant une intimité rarement vue à l’écran avec cette classe blanche qu’on nomme les rednecks ou white trash, le réalisateur a apporté une dimension beaucoup plus politique, physique et rentre-dedans à son cinéma avec son dernier film en date, le bouleversant The Other Side,
offrant une vision glaçante de la Louisiane des laissés-pour-compte. Un cinéma définitivement moderne, ayant su tirer les meilleures leçons du cinéma-vérité et de l’« anthropologie partagée » selon Jean Rouch. Repoussant sans arrêt les limites d’un langage filmique qui ne laisse pas indemne, Minervini ne s’impose aucune censure, met les âmes à nu, brouille les pistes et questionne aussi notre propre rapport au médium. C’est dans un café de Houston où il se rend régulièrement, A 2nd Cup, que nous avons pu rencontrer le plus américain des metteurs en scène italiens, le lieu lui-même étant assez insolite car les bénéfices y sont entièrement reversés à la lutte contre l’esclavage et le trafic humain tel qu’il se pratique encore de nos jours. Roberto, j’ai découvert ton travail avec le film The Passage mais peux-tu revenir sur les courts-métrages que tu as faits avant ce film ? J’ai fait environ cinq courts-métrages avant mais, étant donné que je suis un mauvais archiviste, j’ai perdu beaucoup de matériaux originels, j’ai aussi perdu des négatifs de The Passage. Je suis un archiviste catastrophique, dangereusement mauvais. Je ne retrouve jamais mes boîtes de négatifs. J’ai fait beaucoup de petites choses pour moi-même en commençant par des travaux vidéo expérimentaux où je faisais tout. J’ai aussi réalisé deux clips vidéo, mais j’ai surtout fait beaucoup de documentaires photo, en Thaïlande notamment pendant le coup d’État
ROBERTO MINERVINI RÉALISATEUR
©DR / ROBERTO MINERVINI
“J’AI TOUJOURS DIRIGÉ MON REGARD VERS LE MONDE RÉEL, EN PARTICULIER AVEC L’APPROCHE DE PHOTOJOURNALISTE. MES VIDÉOS ET MES PREMIERS FILMS PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉS COMME DES DOCUMENTAIRES EXPÉRIMENTAUX, EN PARTICULIER LES TRAVAUX QUE J’AI FAITS SUR MOI-MÊME. PUIS IL Y A EU DES FICTIONS PURES, MÊME SI ELLES SE BASAIENT SUR DES HISTOIRES VRAIES. EN THÉORIE, JE ME SUIS TOUJOURS PLUS INTÉRESSÉ À LA FORME DOCUMENTAIRE”
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À SAVOIR Le DVD du dernier film de Minervini, THE OTHER SIDE, est paru en France en mai 2016, distribué par les éditions Shellac.
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FICTION OU DOCUMENTAIRE ? contre Thaksin. J’ai aussi fait un documentaire sur les transgenres dans la Thaïlande rurale. Seules quelques photographies ont survécu à mon manque d’organisation. Donc j’ai fait plusieurs choses mais je me destinais à une carrière universitaire, pas à celle d’un réalisateur de films. Donc dès le départ, tes travaux s’orientaient vers la forme documentaire ou est-ce que parfois tu commençais à y intégrer des éléments fictionnels ? J’ai toujours dirigé mon regard vers le monde réel, en particulier avec l’approche de photojournaliste. Mes vidéos et mes premiers films peuvent être considérés comme des documentaires expérimentaux, en particulier les travaux que j’ai faits sur moi-même. Puis il y a eu des fictions pures, même si elles se basaient sur des histoires vraies. En théorie, je me suis toujours plus intéressé à la forme documentaire, mon travail vidéo était au service de mon approche théorique et de mes recherches académiques. Le travail vidéo est devenu un terrain d’étude pour moi.
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D’où est venue l’idée de ton premier long-métrage, The Passage, et ce désir de suivre ces trois personnages ? J’étais à Houston et bien que je travaillais toujours sur mon doctorat en Espagne en histoire du cinéma, je pensais avoir définitivement arrêté toute forme de réalisation de films. Puis ma belle-mère est tombée malade, elle était condamnée par le cancer. Elle s’est alors mise au bouddhisme avec moi. Je pratique le bouddhisme tibétain depuis longtemps. Le film a été inspiré par son trajet mental, vers l’acceptation ou le rejet, alors qu’elle approchait de la mort. J’ai trouvé cette femme qui avait survécu au cancer, qui est devenue la protagoniste, puis j’ai trouvé des personnes autour d’elle qui ont apporté leurs propres histoires. L’Anglais est en fait un ancien de mes étudiants quand je travaillais dans les Philippines, il a fui de là-bas après avoir été abandonné par sa femme. Et Gene, l’homme aux cheveux longs, est aussi quelqu’un qui avait perdu sa famille, il ne pouvait plus voir son fils. Il transportait cette douleur avec lui. Le film est né de ces trois personnages, solitaires face à leur propre souffrance. Dans ce film, les personnages jouent leur propre vie. Comment parvient-on à obtenir de personnes qu’elles se prêtent à ce jeu d’acteurs ? Mon approche n’était pas très bien définie à l’époque. J’avais écrit un scénario de 58 pages, avec des parties de dialogue. Dans la première partie du film, on peut voir que ces non-acteurs jouent, ils récitent des phrases.
“C’EST PENDANT LA PHASE DE MONTAGE QUE J’AI RÉALISÉ QUE L’IMPROVISATION ET LE FAIT DE LAISSER UNE HISTOIRE OUVERTE OFFRENT BEAUCOUP D’OPPORTUNITÉS. CELA M’A AIDÉ POUR LES FILMS SUIVANTS” C’est seulement après avoir quitté la ville physiquement dans le film et que le road trip commence, que j’ai alors compris, en rencontrant des gens, que je n’avais pas besoin d’un scénario comme guide. À ce moment-là, le film est devenu plus improvisé, à l’exception de la fin. J’avais peur des fins ouvertes, ne pas savoir où cela allait me mener. Cela me terrifiait à l’époque. Je pensais qu’il fallait une résolution à l’histoire. C’est pendant la phase de montage que j’ai réalisé que l’improvisation et le fait de laisser une histoire ouverte offrent beaucoup d’opportunités. Cela m’a aidé pour les films suivants. Quelles sont ces leçons que tu as apprises avec ce film qui t’ont mené à travailler sur ce qui allait s’appeler la trilogie texane ? Il fallait que je fasse confiance au processus même de filmer, se libérer de toutes les contraintes d’un scénario car un scénario n’est pas qu’un guide pour les acteurs mais aussi pour la production. Cette pré-production est la plus grande des limites. Je devais prendre le risque de ne pas avoir cette organisation a priori, ce qui est très angoissant. Cela peut être suicidaire financièrement. Je dis que c’est suicidaire en raison de l’urgence de faire un film comme si c’était une raison de vie ou de mort. Tout ce que l’on filme quand on improvise pourrait être la dernière chose que l’on filme car tu n’auras peutêtre plus de monnaie pour continuer.
Chaque étape est prise avec beaucoup de sérieux, de profondeur. Il y a un investissement total dans un projet ouvert, sans beaucoup d’argent mais avec beaucoup de risques. Ce fut la leçon que j’ai apprise. Cela m’a libéré. Je pouvais me lancer dans un autre film et je serai prêt à travailler avec le sens de l’urgence et de l’immédiateté, sachant qu’on peut aussi échouer. Cela demande plus de force de travailler sur un projet qui peut mener nulle part. J’ai alors commencé une trilogie basée sur des éléments communs comme les différents âges de la vie. J’avais commencé par la mort puis je me suis tourné vers la jeunesse puis la naissance et peut-être la renaissance avec Stop the Pounding Heart dans lequel on trouve une scène de naissance que je cherchais vraiment. Comme tu l’as dit, tu viens du cinéma expérimental, est-ce que c’est important pour toi de continuer à expérimenter que ce soit sur le plan visuel ou de l’écriture et dans la façon de travailler avec les “acteurs” ? Oui, j’ai toujours expérimenté. C’est aussi quelque chose qui a évolué entre The Passage, Low Tide, Stop the Pounding Heart et The Other Side. Pour The Passage, je pensais que la caméra devait tout enregistrer, et la caméra bouge violemment d’un lieu à l’autre. Elle suit presque l’œil de façon schizophrène. C’est une façon de filmer très agressive. Je domine le film car j’avais besoin de tout contrôler. Avec Low Tide, l’expérimentation était justement de se mettre en retrait et laisser les sujets mener le film. La caméra ne devait pas savoir quoi filmer et s’ajuster aux mouvements des personnages. Cela a été poussé plus loin dans Stop the Pounding Heart. Je suis passé au digital car je ne voulais pas cutter. Low Tide était encore tourné en 35 mm. Les dernières semaines, chaque scène représentait un rouleau. Car suivre les gens dans l’improvisation, cela demandait des prises longues. Avec le digital, on peut tourner trente minutes sans faire de coupure et en changeant le point de vue en permanence.
Et dans The Other Side, je suis allé encore plus loin. Car là j’ai commencé à questionner le système de contrôle qui est représenté par le réalisateur. Ce film garde mon style, il représente mon évolution sur le plan conceptuel. Dans The Other Side, je me suis donc mis également en retrait, j’avais un autre chef opérateur, et il y a eu plusieurs moments où je n’étais pas présent sur le tournage. Je me suis retiré. Il y avait de l’absence physique de contrôle. Ce fut une expérimentation vraiment importante pour moi : réduire mon rôle de contrôle. Au final, je peux parler d’une approche libre mais qui reste malgré tout en mon pouvoir, même si je suis physiquement absent. Même moi j’ai été surpris par ce qui se produisait. C’était un sacré pari que de se dire que la présence physique n’est parfois pas nécessaire. Est-ce que cela se rapproche de l’idée d’être plus un observateur plutôt qu’un réalisateur qui maîtrise tout ce qui se passe ? Je le pense. En même temps, je change à nouveau à présent. Comment être un observateur après avoir défini les paramètres de la situation ? ATYPEEK MAG #03
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Dois-je définir les paramètres à l’avance, les prémices de chaque moment que l’on voit ? Comment apporter des règles et observer ce qu’ils font de ces règles ? Ils peuvent briser ces règles. Ces limitations sont mon intervention forte. Mais après cela, voir leurs réactions. C’est comme un laboratoire, un atelier. Observer leur réaction face à une opinion. Du coup, cela va un peu au-delà de l’observation, c’est regarder comment ils réagissent. C’est plus anthropologique d’une certaine façon. Cette focalisation sur cette partie des États-Unis et cette communauté que l’on identifie souvent comme les white trash, les pauvres Blancs, pourquoi l’envie de s’attarder sur cette version de l’humanité au sein des États-Unis ? Il y a une dimension personnelle là-dedans. Mes origines sont ouvrières. J’ai connu la misère, devoir aller travailler à 14 ans, sans ambition, sans possibilité d’aller à l’école, même le lycée. Là où j’en suis arrivé aujourd’hui ce sont des coïncidences. Je suis allé au lycée car il y avait des cours en informatique qui pouvaient m’ouvrir les portes de la grande ville. Je viens d’un endroit où il n’y avait que 7 000 habitants. Tous mes amis travaillaient. À 14 ans, ils gagnaient mille euros. En général, quand tu gagnes cet argent si jeune, tu fais des choses autodestructrices. J’ai vu beaucoup de drogues, de morts, de suicides, de violence, des familles se déchirer. Je haïssais l’école, je n’avais pas d’argent mais je voulais devenir fabricant de chaussures. Puis j’ai étudié le monde des affaires, j’ai trouvé un boulot, je suis parti en Espagne, donc le pacte pour moi a été différent. En regardant d’où je viens, je me sens quelque part coupable, je suis devenu un privilégié qui s’adresse à des intellectuels, et je sais que je ne suis là que par coïncidences. Je me sens coupable, comme si je n’appartenais pas à ce monde. Entrer en connexion avec des gens qui viennent des couches les plus basses, qui font face au monde, je me sens bien et en lien avec eux. Je comprends leur colère, leur monde. Cet apprentissage de ce contexte américain répond à des codes qui sont très différents des codes européens, comment s’est-il passé ? Cela a été bien plus doux que ce que je pensais. C’est sûr qu’il y a un clash des cultures.
La culture des armes à feu, c’est quelque chose que je ne connaissais pas du tout par exemple. Vu que j’ai ce sens de ne pas appartenir à mon milieu, j’aspire à comprendre la culture. Pour moi il était essentiel de comprendre les racines de certaines croyances, comme la culture de la chasse, des armes à feu. Et aussi à chaque fois que j’ai vécu dans un pays étranger - ce que j’ai commencé à faire très tôt, j’ai quitté l’Italie à 21 ans -, j’ai longtemps été un étranger et la seule façon de survivre pour moi était d’apprendre la culture locale. J’ai été coupé de mes racines assez tôt, donc il fallait que je m’ouvre aux autres cultures et que je les fasse miennes pour me sentir mieux intégré en tant qu’immigrant. C’est donc à la fois un désir de comprendre l’autre mais il y a aussi cette raison égoïste, ce besoin d’être intégré. Ce thème de l’appartenance est intéressant car dans tes films on retrouve toujours le thème de l’isolement et de la communauté. C’est vrai qu’on trouve toujours cela dans mes films, l’isolement, la volonté d’être intégré et la peur d’être seul, qui sont des thèmes très personnels. Pour Low Tide, ton second film, nous sommes plus dans l’esprit d’un adolescent isolé et sa relation avec sa mère. Pourquoi le désir de se focaliser sur ce personnage et de le suivre ? Après The Passage, je voulais me recentrer sur la réalité. L’idée de Low Tide est venue de l’histoire de ce jeune garçon et de sa sœur qui joue la mère dans le film. Cela aurait été trop douloureux pour la vraie mère de jouer son propre rôle. La mère était alcoolique et elle a négligé ses enfants jusqu’à un certain moment où elle a fait face à une crise dans sa vie. Maintenant elle est une mère dévouée. Ils étaient amis avec Gene, le personnage de The Passage. Quand je les ai rencontrés, j’ai eu envie de raconter leur histoire mais de protéger les enfants avec une aura de fiction. Le garçon découvrait l’histoire au fur et à mesure du tournage. La sœur comprenait et c’était très douloureux. Là encore, il y a quelque chose d’autobiographique, se battre avec la solitude, un environnement dysfonctionnel mais le thème de la peur de la solitude pour un enfant, c’est souvent un manque d’amour, et ce manque d’amour pour lui représente la mort.
“LA NATURE AU TEXAS C’EST DE LA NATURE SOUS STÉROÏDES. C’EST AGRESSIF, TRÈS VARIÉ, ÇA NE PARDONNE PAS POUR LES NAÏFS ET LES INNOCENTS, ELLE PEUT ÊTRE MORTELLE. POUR MOI ÇA A ÉTÉ COMME UN GROS COURS INTENSIF SUR LA NATURE” La souffrance de la solitude est donc vitale, primordiale. Si je me sens seul, comment puis-je survivre ? C’est un comportement lié à l’enfance. Il y a donc une histoire vraie à laquelle je me sens lié. C’est toujours comme cela que j’opère. Je recherche des histoires réelles dont je me sens proche. Sur un plan psychologique, n’est-ce pas dangereux d’amener les gens dans ce monde et y a-t-il des moments où l’on perd le contrôle ? Y a-t-il aussi des situations où il devient trop difficile d’être un réalisateur psychologiquement ? Oui, c’est très cathartique mais la catharsis c’est aussi très dangereux. Pendant une phase très difficile de ma vie – il y a environ neuf ans – j’ai tout quitté et j’ai suivi une psychanalyse pendant deux ans. J’ai appris beaucoup d’outils et aussi le pouvoir de la catharsis et la connaissance de soi.
Je suis donc très influencé par l’approche psychanalytique. Pour les films, nous avons de longues sessions où nous parlons et nous ouvrons à l’autre. Nous partageons et nous nous soutenons. C’est une approche très thérapeutique. C’est la définition académique de l’intimité : créer un espace à soi où l’on peut être entendu sans être jugé. Et c’est ce que nous faisons. C’est là qu’on se sent en sécurité. On parle du passé et on le partage, c’est très libérateur. Nous écoutons et nous recevons tout ça. Je fais ça avec eux, comme un système de soutien. C’est plus qu’être juste observateur. J’ai traversé les mêmes crises dans ma vie. En dehors du travail sur la forme entre documentaire et fiction, il y a aussi une approche très poétique et métaphorique assez évidente dans Low Tide, où nous sommes dans les éléments, avec la symbolique de l’eau bien sûr liée à la mère. Y a-t-il aussi des outils que tu utilises pour jouer plus avec cette abstraction, cette poésie ? Je n’ai pas d’autre choix que de symboliser, voire d’iconiser le paysage, car dans ma vie, je n’ai jamais été en contact avec la nature. J’ai grandi dans une petite ville industrielle, trop petite pour être une vraie ville mais isolée de la nature en même temps. Pour moi il y a beaucoup de curiosité, d’attention et de peur vis-à-vis de la nature, des soupçons envers le paysage. La nature au Texas c’est de la nature sous stéroïdes. C’est agressif, très varié, ça ne pardonne pas pour les naïfs et les innocents, elle peut être mortelle. Pour moi ça a été comme un gros cours intensif sur la nature. Ce sont les habitants du coin qui m’ont expliqué cette nature. J’ai comme les yeux dilatés quand je regarde la nature et inévitablement je la rends iconique, je la regarde avec beaucoup de crainte. Même avec la faune, les chiens, j’ai eu très peu de contacts dans ma vie. Mes contacts avec tout ce qui est non humain sont très limités. Et les contacts humains dans ma vie n’ont pas été franchement agréables pendant longtemps. Je suis encore comme un petit garçon qui découvre le monde. Je suis comme une tortue qui sort sa tête de la carapace et observe. Je découvre la beauté mais avec un peu de distance. Est-ce de la poésie ? Je ne sais pas. C’est très instinctif, très primordial, lié à ma grande sensitivité envers le paysage.
Stop the Pounding Heart parle de deux communautés et se focalise sur deux personnages qui en sont issus et les liens entre eux. Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour ces communautés qui sont quand même assez étranges, car il y a ce mélange de rodéo et de religion. J’étais déjà en lien avec ces communautés. Les Carlson, les fermiers, se trouvent dans The Passage. La famille Trichell qui fait du rodéo se retrouve dans Low Tide. Je voulais travailler avec eux, les observer, voir ce que cela représente d’être un homme parmi les hommes dans ce coin des États-Unis. Le lien était la passion pour le rodéo que certains des enfants du fermier partageaient. J’ai donc mis les deux familles en lien. Mais j’ai compris que le focus devrait changer vers cette perception féminine, qu’est-ce que cela signifie de devenir une femme dans cette zone des USA ? J’ai parlé à Tim et Lee Ann pour impliquer Sara. Ils n’étaient pas partants et ils ont expliqué pourquoi. Ils ne voulaient pas que Sara soit exposée à un tsunami émotionnel. J’ai vite compris que le film serait meilleur s’il se recentre autour de Sara et son devenir femme et de ce jeune garçon qui devient un homme. Après avoir réussi à faire accepter les parents de Sara, le film s’est focalisé sur cette jeune fille et ce jeune garçon et les dynamiques entre eux. En regardant le film on a un sentiment d’être hors du temps, même si on y retrouve des codes liés à la culture texane. Cette jeune fille pourrait venir d’un film d’une autre époque. On en revient à ta question précédente sur la symbolisation. Le matériau a une origine, une observation, un lieu, un temps. Ce que tu mentionnes, c’est ce qui se passe. Les pique-niques. Tous les jours, les jeunes filles mettent en scène des livres. Je choisis aussi dans les rushes les moments qui sont forts et poétiques que j’iconise et que j’utilise à un niveau d’hyperréalisme. Je recherche l’hyper réel en observant le réel. Ce sentiment d’être hors du temps, hors du lieu dérive peut-être de cette poésie visuelle. Dans The Other Side, tu vas encore plus loin que tout ce que tu avais fait auparavant. C’est plus frontal, violent, agressif, avec de la nudité, des armes, du sexe sale, des discours violents.
“JE RECHERCHE L’HYPER RÉEL EN OBSERVANT LE RÉEL. CE SENTIMENT D’ÊTRE HORS DU TEMPS, HORS DU LIEU DÉRIVE PEUT-ÊTRE DE CETTE POÉSIE VISUELLE” Vois-tu cette approche plus frontale comme logique dans ton parcours, une approche qui se révèle même plus agressive envers le public lui-même ? Avec Stop the Pounding Heart, les bouleversements des personnages dans leur accès au devenir homme ou femme étaient moins viscéraux, c’était plus spirituel, lié à l’âme. D’un côté, c’est parce que j’étais intéressé par cet aspect spirituel, mais aussi car il était impossible de creuser la dimension plus physique, primordiale de cette transition. Le désir, la peur du désir est cela dit très présente. Ce dernier film, je voulais qu’il soit plus humaniste, qu’il y ait une dimension animale primordiale. Tous les sentiments sont exprimés de façon physique. La douleur, la sexualité, tout devient physique. J’aime beaucoup le fait que le film soit graphique. Mon expérience a été beaucoup plus directe. En même temps, il y a ce message politique qui m’intéressait beaucoup. Cette colère contre leur propre pays. Cela fait 15 ans que j’absorbe ce pays et 9 ans que je vis au Texas. ATYPEEK MAG #03
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À SAVOIR Le prochain film de Minervini s’intéressera à la vie du musicien Lead Belly, qui fit plusieurs séjours en prison et que John et Alan Lomax, ont enregistré plusieurs fois entre 1934 et 1943.
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Cette rage, ce manque de confiance envers les institutions les poussent aux limites de la violence ou de l’autodestruction. Il y a deux aspects, le politique, ce que traverse ce pays, et l’expression physique émotionnelle de tout cela. Être le témoin de cela n’a pas été facile. Cela a été inconfortable pour moi, tout autant que cela peut l’être pour le public parfois. C’était inévitable.
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Dans un des premiers plans, Mark est nu, dans les deux sens du terme. C’est un film dans lequel on se déshabille, on est vulnérable, comme si on allait à la rencontre de la chair. Après un tel film, est-ce que le physique fera toujours partie de ton cinéma ? Tu es allé assez loin dans ce film et il semble impossible de revenir en arrière. C’est difficile à dire. Je suis parti d’une approche spirituelle, j’ai fait un film qui est très physique, mais ce n’est pas préconçu. Cela vient des personnages. Aujourd’hui, je suis face à une autre réalité, d’autres personnes, et je pense que c’est une combinaison des deux. Le film sur lequel je travaille en ce moment est politique mais rarement articulé car nous parlons d’une époque en Amérique où les positions politiques n’étaient pas exposées. Il y avait des dogmes dans cette Amérique post-ségrégation où les conventions sociales étaient très présentes. Les minorités raciales avaient encore du mal à s’exprimer, à parler de leurs droits,
en dehors des instances organisées. Donc avec le film actuel je reviens au politique mais pas aussi physique que The Other Side. Je ne sais pas encore comment cela va se développer, tout dépend des sujets que j’ai trouvés. Je ne peux pas encore évaluer le niveau de violence ou de physicalité qu’il y aura dans ce film. Je ne peux le prédire mais je suis ouvert à toutes formes de développement. Le spirituel a toujours un grand effet sur le domaine physique. Et le domaine physique peut être très inconfortable quand confronté au domaine spirituel. Et vice versa. Ils interagissent ensemble. Trouver la symbiose est très difficile. Même si je pratique la méditation, je ressens constamment cet alignement entre le physique et le spirituel. Tu mentionnes ce projet de film actuel qui mêlera aussi la fiction et la forme documentaire ? Oui, définitivement. Ce n’est pas tellement une tentative d’imposer cette forme hybride, mais pour moi cela a du sens de rester en lien avec la réalité quand je raconte une histoire qu’elle soit fictionnelle ou qu’elle soit liée au passé comme dans ce film. J’essaie d’y raconter l’histoire d’un musicien blues/folk, à travers les yeux, les actions et les événements de la vie d’un jeune musicien qui connaissait à peine l’existence du musicien passé. L’approche sera de définir des limites pour les
sujets qui viennent de l’histoire qui a eu lieu, mais les laisser libres d’y réagir. C’est comme revivre l’histoire. C’est une nouvelle genèse plus qu’une reconstitution. Après quatre films, je dois dire que cette limite entre la fiction et le documentaire est ma zone de confort. C’est l’endroit où je veux être. Observer la réalité et trouver un langage pour raconter une histoire qui soit plus proche de la fiction. Il y a eu un artiste comme Faulkner en écriture qui a créé un comté imaginaire et des personnages qui reviennent d’un roman à l’autre. Si on parlait de ton cinéma comme de ces sortes de sagas familiales où les personnages reviennent d’un film à l’autre, est-ce que, comme Faulkner avec Yoknapatawpha, tu crées un lieu qui serait une projection de l’Amérique d’aujourd’hui avec ces personnages qui sont réels mais qui sont aussi des personnages romanesques ? ATYPEEK MAG #03
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Oui, dans le prochain aussi, il y aura des personnages du film précédent. Il y a quelque chose de très romanesque, de proche de la saga dans le fait de raconter des histoires de gens et de lieux. Faulkner est un bon exemple et aussi une source d’inspiration bien que son langage sudiste soit utilisé à la perfection, tellement parfait qu’il en devient stérile, rigide, austère. C’est presque didascalique, il y a un effet note de bas de page. Le langage sudiste propre. C’est pourquoi je recherche des formes nouvelles. Un nouveau langage pour raconter une histoire. D’une certaine manière, Richard Ford a essayé de raconter l’histoire de Faulkner, ou même Bukowski. Trouver de nouveaux langages qui peuvent sonner moins académiques d’une certaine façon. C’est ma tentative, de faire ce que Faulkner a fait mais dans le cinéma. Essayer de trouver un langage qui est plus à l’écoute des gens et pour que les gens écoutent ces histoires. 304
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Il y a peut-être là une évolution dont je suis peu conscient, mais c’est ma recherche. C’est loin de la perfection, justement car c’est une recherche. Les films qui ont été importants pour toi pour trouver ton style en tant que cinéaste ? C’est difficile à dire. Mais si je devais nommer une école de pensée ce serait le cinéma marginal du Brésil, des gens comme Rogerio Sganzerla, Ruy Guerra, Nelson Pereira dos Santos et tous ces gens car ils travaillaient sous les strictes limitations de la dictature dans le Brésil des années 60 et 70. Ils venaient du cinéma Novo. Il y avait beaucoup de gravité, ils devaient trouver un langage qui allait faire bouger les choses tout en outrepassant la censure du gouvernement. Il y avait un aspect militant dans ce cinéma. Ils utilisaient cette langue qui était presque incompréhensible pour le gouvernement mais c’était très en accord avec les gens, qui comprenaient. Ils se dirigeaient vers les gens
pas vers le gouvernement. Par exemple dans Os Cafajestes de Ruy Guerra, il y a cette femme nue qui est abusée par deux hommes qui est une part centrale du film, cela a créé une controverse, la censure ne savait pas quoi faire avec ça. Ils ne pouvaient pas couper que la scène, il fallait couper le film entier. Cela posait la question de la violence, des rôles attribués aux genres, la culture macho du Brésil mais avec une nouvelle lumière, un nouveau langage. ENTRETIEN : MAXIME LACHAUD
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VIRGINIE DESPENTES : « VERNON SUBUTEX 3 » : UN ADIEU À LA HAUTEUR Subutex, le disquaire devenu SDF, vit dans une communauté nomade. Il a quitté Paris pour devenir le leader du groupe et organise des soirées appelées « convergences » dans lesquelles il mixe les bandes de Bleach. La dimension qu’il prend est celle d‘un chaman, il envoûte et met en transe toutes les personnes présentes lors de ses prestations. Depuis 1993 avec « Baise moi » Virginies Despentes est incontournable. Elle porte en elle un esprit révolté, elle sent la clope, 306
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la rébellion et la transgression. Féministe, femme engagée, gueule cassée, elle traverse son époque à coups de hache. Aujourd’hui, elle a 45 ans, le regard qu’elle porte sur notre monde est, certes plus serein, mais elle n’a rien perdu de sa fougue. Elle est d’une intelligence, d’une sincérité et d’une lucidité rare. Elle est la rose qui a poussé au milieu d’une décharge. Vous l’aurez compris, le respect et l’estime que je porte pour cette femme sont sans limite.
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DES LIVRES ET NOUS
Ici encore, dans son dernier roman, en peintre de génie, elle dessine des personnages aux nuances subtiles. Elle peint une galerie de portraits d’un incroyable réalisme et n’hésite pas à mélanger les classes sociales, les religions, les ambitions et les désespoirs. Les extrêmes se côtoient, se jugent et se mélangent. Son récit est ancré dans notre réalité, le terrorisme touche tout le monde, les riches comme les pauvres et chacun a une manière particulière d’appréhender la violence. Despentes plonge au cœur des places Parisiennes, dans les mouvements de « nuit debout », elle monte au créneau, défend les opprimés, elle ne lâche rien. Le roman est doté d’une vraie bande-son, l’auteure connaît la musique et ses
pouvoirs, elle transcende les mœurs, elle est ce langage universel qui met tout le monde d’accord. Vernon est un superhéros dont le pouvoir est de trouver la bonne musique au bon moment, il fait plier les plus réfractaires. Un petit point négatif, je n’ai pas compris l’intérêt des 4 derniers pages… Despentes nous offre une sorte de postface complètement délirante… Je n’en dis pas plus. Beaucoup comparent cette trilogie avec la « Comédie humaine » de Balzac, qu’ajouter à cela, mis à part que Despentes est une des meilleures choses qui soit arrivée à la littérature Française depuis bien longtemps !
Retrouvez d’autres chroniques “Des livres et nous” : http://deslivresetnous.fr
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CHRONIQUELITTÉRAIRE
“La transgression des normes du passé était pour vous un devoir moral, une arme pour hâter le changement, un acte de rébellion salutaire”
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ALAIN GARLAN
ROIS DE LA FORÊT
CHRONIQUE DE ROSE - ALAIN GARLAN, MYTHOLOGIE ET RITES D’UNE TRIBU DE L’UNDERGROUND DES ANNÉES 80
Avec un livre “témoignage écrit” sortie à l’occasion d’une superbe rétrospective du collectif Frigo au Musée d’Art Moderne de Lyon cette année, Alain Garlan co-fondateur de «Frigo » nous plonge dans l’univers artistique de cette étrange entité.
DE QUOI S’AGIT-IL ? «Frigo» sera de 1978 à 1990 le laboratoire artistique lyonnais digne héritier de la Factory d’Andy Warhol. On suit l’aventure effervescente de ces artistes touchent à tout, certains connus et même très connus et d autres anonymes mais tous des mordus, des passionnés de l’art sous toutes ses formes. Radio libre, Art vidéo, TV Pirate, performances avant-gardistes, les tribus de « Frigo » investissent l’espace médiatique et les centres d’art.
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Maître de la provocation, ils bousculent les conventions et leurs installations sont régulièrement fermées manu militari. Dadaïste dans l’âme ils créent pour se faire entendre comme nous le raconte l’auteur “un amplificateur de voix” c’est la naissance de Radio Bellevue, radio pirate qui trouvera rapi-
dement ses auditeurs. Disques sous le bras les pirates de Bellevue constituent une bande de passionné de musique en tout genre. Passion qui fait vibrer cette radio au style hétéroclite du rock, à l‘opéra, à la musique classique en passant par les émissions culturelles invitant des artistes pour des performances en direct et des interviews.
OÙ TOUT CELA NOUS MÈNE-T-IL ? C’est ça le bouillonnement culturel alternatif de «Frigo», la rencontre entre la danse, la musique, la vidéo, le graphisme, la TV pirate, la radio et les performances des plus extrêmes au plus étranges, comme transporter un gros caillou de Stonehedge au Gange, sans oublier au passage de faire bénir le caillou par le Vatican.
Retrouvez “Rois de la forêt” chez Hippocampe Editions : www.hippocampe-editions.fr
Ce livre est aussi un hommage à tous ceux et celles qui ont participé à cette aventure, ceux qui nous ont quittés et ceux qui continuent dans d’autres structures à porter l’art sous toutes ses formes. Le collectif « Frigo » est devenu un mouvement artistique de grande ampleur qui prend une dimension européenne et internationale, avec ses collaborations avec d’autres agités de l’art dans le monde. La naissance d‘Infermental le seul magazine de vidéo (en vidéo !) amplifie le phénomène, chaque magazine sera fait “ailleurs” par une nouvelle équipe de rédaction, des heures de vidéo venues de tous les horizons. L’exposition L’eau, installation vidéo de « Frigo » à Beaubourg (1983) fait entrer le collectif dans le monde officiel de l’art, la suite sera épique, le Musée d’Art Moderne de Paris ferme à l’issue d’une de leur performance… Je vous laisse découvrir la suite ou la redécouvrir dans le livre d’Alain Garlan “Les rois de la forêt”.
LITTÉRATURE
THE ARTCHEMISTS
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LYDIA LUNCH : DÉSÉQUILIBRES SYNTHÉTIQUES ET AUTRES VOMISSURES VERBALES On ne présente plus la papesse du spoken word à l’américaine, druidesse punk shootée à la coke et au cul, adepte d’un SM de bon aloi, tentatrice absolue qui traque la perversion au tréfonds des autres comme d’elle-même. Édité en 2010 au Diable Vauvert, Déséquilibres synthétiques tente de restituer la verve corrosive de cette artiste polymorphe exceptionnelle.
ET PLUS SI AFFINITÉS http://urlz.fr/5CMM
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Virginie Despentes, Wendy Delorme et Busty se mobilisent pour effectuer la traduction de cette tempête rédactionnelle, et elles n’en sont pas trop de trois. Car il faut au moins ça pour retranscrire dans la langue de Molière la verve enfiévrée et coléreuse de ce perpétuel volcan féminin qu’est Lydia Lunch. Ici l’éruption est constante, dans ce florilège de textes où l’auteure se livre, évoquant son enfance malmenée (litote) par un père ivrogne et violeur, une mère brutale et absente. Des désaxés complets qui vont planter bien profond la déviance solaire d’une enfant vouée à la lutte et à la dénonciation. TRIANNUEL 2017
Lydia la rebelle hurle sa rage, sa frustration, en des mots dégueulasses et glorieux, cherchant dans ses amours, son quotidien, ses rencontres artistiques le parfait reflet de ses angles morts. Elle ne mâche pas ses mots, elle les éructe, avec la fierté des déesses vengeresses qui crachent leur venin. Et un humour incroyable, notamment lorsqu’elle parle de maternité ou de l’hypocrisie religieuse de l’humanité. Virago punk bien campée dans sa démesure, on sent la fille épanouie qui ne veut pas l’admettre, heureuse dans ce déséquilibre entretenu. Sa rencontre avec Ron Athey, chantre du bod mod, de la scarif et de la performance SM, vaut le détour, par l’originalité des questions posées, le lien immédiatement tissé entre ces deux hydres. On sent le besoin de vivre sa vie, jusqu’au bout de fantasmes, de désirs assumés, savourés malgré leur violence, leur marginalité. Extrêmement dérangeante de prime abord, l’écriture de Lunch est exutoire, une bouffée d’oxygène nauséabond certes, mais cela reste de l’oxygène quoi qu’il en soit, une énorme bouffée de vie. ✎ Padme Purple
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STRATÉGIES OCCULTES POUR MONTER UN GROUPE DE ROCK : « DESTROY ALL MUSIC! »
Je vous préviens tout de suite, si vous sortez des formations d’Issoudun, que vous avez une haute conception de votre métier de programmateur, que vous êtes un impeccable produit de l’industrie du disque ou un blogueur musique bon teint, vous ne survivrez pas au-delà de la dixième page de ce cocktail Molotov rédactionnelo-rock lacéré de main de maître par un Ian Svenonius halluciné et corrosif. Quant à ceux qui sont bercés par l’esprit du punk et du bruitisme, qui ont adoré le gigantesque Frank et traquent les petites formations en devenir qui irisent Bandcamp de créations aussi barrées que sans scrupule, il y a moyen que ce bouquin les marque pour longtemps. Il faut dire que Svenonius y pratique un jeu de massacre particulièrement jubilatoire, dans l’esprit de son action avec The Make Up ou Nation of Ulysses, d’où la citation ô combien adaptée de The Weirdos : « Destroy all music! » Donc,
vous voulez toujours monter un groupe de rock ? Spécialiste en la matière, le monsieur va vous remettre les idées en place, en profitant pour faire le nettoyage dans vos illusions et vos préjugés… et vous éviter le pire. Car la musique tue, braves gens, et l’auteur prend plusieurs pages pour vous en convaincre. Si malgré tout vous vous obstinez dans cette voie dangereuse, il va falloir changer deux trois petits trucs dans votre comportement et votre conception. Et Svenonius d’éplucher par le menu toutes les étapes de ce long chemin de croix, avec des démonstrations hilarantes, décalées, provocatrices – eh oui on peut être provo en parlant de rock, qui reconnaissons-le est quand même devenu une grosse machine à fric en place de l’acte rebelle de jadis – l’auteur avance même une théorie décapante en prétendant que le rock a servi d’arme d’annihilation des populations dans la globalisation entreprise par le capitalisme durant la Guerre froide. Et des comme ça il nous en sort à toutes les pages de ce truculent exposé, un vrai délice doublé d’un humour noir d’une grande qualité et de beaucoup d’esprit. Du coup Stratégies occultes pour monter un groupe de rock dépasse le cadre du fascicule d’astuces pour embobiner managers, groupies et fans afin de proposer une histoire du genre aussi surprenante que pertinente. Bref voici un must have que vous bouquinerez avec délectation les pieds dans l’eau, et collecterez ensuite avec respect et un brin d’angoisse dans votre bibliothèque avant de le ressortir religieusement pour foutre le dawa dans les RDV pros du MaMA et de la JIMI. ✎ Padme Purple
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PHILIPPE WILL – DEALER : MAUDITES SIXTIES ! Nous l’avions laissé en refermant avec bien des regrets le somptueux Guerilla. Philippe Will nous revient au détour d’un mail (que ferions-nous sans la magie web, mon Dieu ???) avec l’édition poche de l’abrasif Dealer sous-titré « La valse des maudits ». Au centre du récit, Jean de Breteuil, rejeton de la haute noblesse française et fournisseur es cames de haut vol pour les stars et les people de la jet set des sixties. Parmi ses clients et amis, Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, les Rolling Stones, plus particulièrement Brian Jones… sans compter Anita Pallenberg, Pamela Courson, les Getty, bref tout le gratin musical et financier de l’époque… Cela fait un peu de rock d’anthologie, mais surtout beaucoup de fric, beaucoup de drogues, d’orgies… et d’overdoses fatales. La légende du club des 27 prendrait-elle sa source dans la dope du « Comte » ? Will, de sa plume éclatante et incisive, laisse entendre que oui, bâtissant sur des faits réels scrutés à la loupe un suspens proprement hypnotique, dont on dévore les péripéties comme d’autres se feraient un trip à l’acide. Cette odyssée de la mort nous conduit frénétiquement de Marrakech, alors plaque tournante de toutes les turpitudes, en Californie où le mouvement hippie naissant va très vite s’éroder alors, que la horse s’impose en impératrice dans les veines de tout ce beau monde. Le Swinging London comme New York vont également sombrer face au juteux commerce de la French Connexion, dont Breteuil fut probablement l’un des leviers, propulsant l’héroïne jusqu’alors ultra-élitiste et rarissime sur le devant de la scène sixties, avec les conséquences fatales que l’on sait. C’est cette lente métamorphose qu’on découvre page après page, une mutation sociétale terrifiante qui en dit long sur l’esprit de l’époque. Will enfonce le clou en élaborant une théorie des plus intéressante sur ce cataclysme, stratégie politique visant à neutraliser définitivement les artistes contestataires et leurs ouailles en les éradiquant via leur faiblesse : l’addiction. À l’heure de la débandade vietnamienne, tout est bon pour reprendre la main sur une population en proie à l’émeute ? À voir. Le récit de Will se tient, et on en sort complètement abasourdi, par la force de son hypothèse, par la justesse de sa description, par le rythme de son style, la dureté du monde qu’il évoque. Pour sûr, Dealer démonte le schéma d’une époque sans pitié, au charisme trompeur, qui nous fascine alors qu’elle devrait nous faire trembler par son pouvoir de nuisance. Malicieusement il évacue le rock, la musique, la création artistique, les combats sociaux et idéologiques qu’on met généralement en avant pour vanter ces temps maudits, et insiste avec justesse sur les dégâts irréversibles des psychotropes, d’un mode de vie autodestructeur qui, débarrassé des glorioles de l’imagination, du glamour et de la liberté, a tout du suicide de masse, par nonchalance et ennui. ✎ Padme Purple
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CULTURE FANZINE
LOBOTOMY CONTINGENT PRODUCTIONS
FRACTION WAW UN-LIMITED ARTICLE : JOHN HIRSUTE
INFOS : http://urlz.fr/5DtO
FRACTION WAW UN-LIMITED : http://urlz.fr/5Duc
« Fraction waw un-limited – Qu’Elvis explique à ceux qui méritent » – 2017 – 313 pages Le Rock’n’roll est né à Aurillac un soir de pleine lune, mais comme il ne pouvait tenir en place, tel un hooligan à jeun, il décida d’aller contaminer l’Alsace de son esprit « Déraille-contrôle » en posant sa guitare et ses vinyles à Strasbourg. Ce copieux ouvrage a pour thème central, Grosbert-le-Malfrat, personnage haut en couleur, pour qui le Rock’n’roll est apparu (à l’âge de 12 ans) sous forme d’une cassette des FLAMIN’ GROOVIES, laissée par le vendeur, à l’intérieur du magnétophone qu’il venait de s’acheter pour enregistrer le bruit des « chiottes ». Il fait partie de cette trempe de « Malfrat » pour qui il ne suffit pas d’écouter du Rock’n’roll pour en être ! J’ouvre une parenthèse pour préciser que sous le terme Rock’n’roll, on peut trouver aussi bien VINCE TAYLOR (à la vie à la mort !), que Dr FEELGOOD, CAMERA SILENS, GUN CLUB, PENETRATOR, MC5, DAMNED, JOHNNY HALLYDAY (les débuts), BLACK FLAG, ELVIS HITLER, THE SAINTS, CARLOS GARDEL, DEAD KENNEDYS…
Grosbert nous conte ses anecdotes, que ce soit au sein de ses différents groupes : DELENDA POLIS, A BOMB, SHORTNIN’ BREADS, LES LADAZZ… ou lors de ses virés pour aller écouter tel ou tel groupe en live. Anecdotes des plus croustillantes, comme ce concert de VINCE TAYLOR à Saint-Flour à la fin des années 70. Grosbert et son « grand frère » partent en stop, sous la neige, d’Aurillac (70 km de Saint-Flour), finissent le trajet en tracteur et débarquent devant la salle du concert remplie de Teddy Boys. Là on leur explique que les musiciens de VINCE TAYLOR chauffent la salle, mais que VINCE est « raide mort » dans sa chambre d’hôtel et qu’il ne viendra sûrement pas. Un des Teddy Boys leur lance : « Ah, vous n’êtes pas contents, ben vous avez qu’à aller le chercher en face, il est dans l’hôtel au troisième étage, dans la chambre 300 je ne sais pas combien, et il est raide, sur le ventre, la tête dans le coussin, il n’a pas bougé depuis au moins 4 heures ! ». Ni une ni deux, Grosbert (14 ans à l’époque) et son frère Jérôme (19 ans), les prennent au mot, un prend VINCE TAYLOR par la tête et l’autre part les pieds, et ils le déposent sur la scène. VINCE TAYLOR, se lève… Fait craquer ses boutons de chemise et c’est parti pour une heure et demie de concert. Cette anecdote représente bien l’esprit de Grosbert, et d’autres protagonistes qui ont croisé la route du « Malfrat » : « On l’dit… On l’fait ! ».
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UNE AVENTURE PAS TOUJOURS ROSE, CERTAINS Y ONT LAISSÉ DES PLUMES, D’AUTRES N’EN SONT PAS REVENUS, MAIS QUE DE BONS SOUVENIRS QUAND MÊME ! IL NE S’AGIT PAS DE DIRE C’ÉTAIT MIEUX AVANT, MAIS PLUTÔT C’EST MIEUX PENDANT JOHN HIRSUTE ACTIVISTE
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CULTURE FANZINE
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IL NE S’AGIT PAS DE DIRE C’ÉTAIT MIEUX AVANT, MAIS PLUTÔT C’EST MIEUX PENDANT
RIDERS, fanzine « Aga »), Renaud « Maitre Follas » (fanzine « Rock’n’Roots ») et Thierry de REST (fanzine « Rotten Eggs Smell Terrible »). Vous trouverez l’intégrale du fanzine « Fraction Waw Limited » ainsi qu’un Bonus avec des planches extraites d’autres fanzines et des inédites réalisées spécialement pour cet ouvrage. Mais qui se cache derrière cet hommage me direz-vous ? Car il s’agit bien d’un hommage…
Vivre continuellement sur le fil du rasoir avec certaines fréquentations qui étaient dans le « mauvais camp » ou qui n’étaient pas des anges, car le Rock’n’Roll c’est méchant !!! Avoir un côté Marseillais plus ou moins développé selon les occasions, et parfois prendre des libertés avec l’histoire du Punk, le personnage est là ! Mais mettez 50 Punks dans une salle, demandez-leur ce qu’est le Punk pour eux ? Quels sont les groupes qui représentent le plus le mouvement Punk à leur avis ?
Un hommage réalisé par l’auteur des illustres fanzines « Dead Fuck Commando » et « Gabba Gabba Fuck » à celui (Grosbert) par qui l’envie de créer son propre fanzine est arrivée. Certains pourraient se dire, on s’en fout d’Aurillac et Strasbourg dans les années 80 ! Mais détrompez-vous car il s’agit aussi d’un témoignage d’une certaine époque… D’une époque certaine, où des individus au travers de l’Hexagone (et bien plus encore), de Fumel à Longwy, d’Aurillac à Villebarou, se sont jetés à corps perdu dans une aventure qui laissera des traces à jamais.
Vous aurez sûrement cinquante réponses différentes, des haussements de ton, des crêpages de spike ou de crêtes. Puis demandez qui veut boire une mousse, et là ça fera l’unanimité et ils trinqueront au PUNK ! Grosbert-le-Malfrat n’est autre que le nom donné à son personnage BD, par Grégoire, dans son fanzine « Fraction Waw Limited » (1981/1983), mais comme chacune des aventures relatées dans ses BD, est une aventure vécue… On trouve aussi dans cet ouvrage des interviews de personnes ayant côtoyé Grosbert, soit à Aurillac, soit à Strasbourg, ou ayant publié certaines de ses BD : Asphalt Ogareff (MALADIE WARGASM, fanzine « Le journal des bestioles »), Philippe (MALADIE WARGASM, Fanzine « Le journal des bestioles »), FJ Ossang (MKB Fraction Provisoire, DDP/DELENDA POLIS, Ecrivain, Cinéaste), Kroterz (HOT
Une aventure pas toujours rose, certains y ont laissé des plumes, d’autres n’en sont pas revenus, mais que de bons souvenirs quand même ! Il ne s’agit pas de dire c’était mieux avant, mais plutôt c’est mieux pendant. L’édition et la distribution de cet ouvrage étant des plus DIY, si vous avez quelques adresses de bons « crémiers » vers chez vous, n’hésitez pas à en faire part à LOBOTOMY CONTINGENT PRODUCTIONS. Parce que c’est comme ça que ça marche !
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LAbEL iNdÉPENdANt Et diStribUtEUr NUMÉriqUE dE roCK SoUtErrAiN. PoUr
q U E L E S h É r o S d U P E U P L E d E M E U r E N t i M M o r t E L S … www.NINeteeNsomethING.FR
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PAR HAZAM
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LA SCÈNE INDÉPENDANTE EN IMAGES
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Droite : KK Null www.facebook.com/Deborah-Kant139827399416680/?fref=ts
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Droite : Torticoli https://www.facebook.com/Torticoli-160408210727855/
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PHOTOGRAPHIES : ©HAZAM Gauche : Big’n https://www.facebook.com/Bign-137327156310591/
Droite : Malaïse https://www.facebook.com/Malaisemusic/
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L’ÉQUIPE ATYPEEK MAG
MÉDIAS PART
ATYPEE LÉA VINCE Rubriqueuse vidéo pour Atypeek Mag à mes heures perdues du mardi soir. je suis là pour faire vous faire découvrir mes vidéos coups de cœur du moment.
MAXIME LACHAUD Journaliste, essayiste, programmateur, auteur de deux grosses anthologies sur le cinéma de redneck et sur les mondo movies, et une passion pour les cultures sombres et délicieusement subversives.
JONATHAN ALLIRAND Un surdosage d’artistes barrés, un excès d’albums audacieux, voilà ce que je souhaite partager au sein de mes chroniques et interviews dans les pages décalées de l’Atypeek Mag.
JÉRÔME TRANCHANT Autodidacte passionné de cinéma j’ai plaisir à partager mes coups de cœur et chroniques.
OLIVIER CHERAVOLA Co rédacteur en chef de SURL le jour, DJ et MC la nuit. L’homme au curriculum vite fait. Sujet, verbe et compliment. La biture avec une plume. Lyon.
AAARG !
LA SPIRALE
AAARG ! Mensuel : magazine de bande dessinée & de culture(s) populaire(s) disponible en kiosque ou chez votre libraire préféré.e !
Mutations / Underground / Gonzo / Cyberpunk / Nomadisme / Freaks / Finance / Chaos / Activisme / Robots / Prospective / Résistance / Fantastique
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JANE FONDA / BARBARELLA ©David Hurn / Magnum
LOCUST Écrivain et journaliste, présent dans la street des limbes, prêt à vous trouver tout ce qu’il y a de déjanté, niqué et qui dispose surtout d’un état d’esprit rock’n’roll.
FLORE CHERRY Journaliste, blogueuse et organisatrice d’événements dans le milieu de l’érotisme, Flore Cherry est une jeune fille qui parle de sexe sans complexe (et avec une pincée d’humour, pour que ça glisse mieux...)
HAZAM Je suis petit, moche, gros, vieux et con mais je ne me prends pas pour de la merde. Et éventuellement j’écris des chroniques de disques et je prends des photos.
ROBIN ONO Journaliste Musical chez Echoes & Dust, NewretroWave et Atypeek Mag.
SILENCE AND SOUND Webzine dédié aux musiques actuelles.
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DIG IT! Dig It ! est embringué dans le Garage Punk au sens très large, ça se lit et ça s’écoute !!!
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ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO Léa Vince - Juan Marcos Aubert - Jonathan Allirand - Roland Torres - Maxime Lachaud - Hazam - Fisto (Olivier Cheravola) - Oli - CF Aleksandr Lézy - Antoine Gary - Pierrick Starsky - Valentin Blanchot - Arnaud Verchère - Robin Ono - Laurent Coureau - Alain R. Flore Cherry - Jérôme Tranchant - Locust - John Hirsute - Salvade Castera - Lühje - Cha… et les journalistes des médias partenaires. Contact : cf@atypeekmusic.fr
JOURNALISTES &
PARTENAI
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TENAIRES
EK MAG SIÈCLE DIGITAL
SCORE A/V
KIBLIND
STAR WAX
SURL
Siècle Digital est déjà un média de référence pour les professionnels du numérique. Siècle Digital a vocation d’être un des référents du domaine.
Du rock, du hard, du pas hard du tout, de l’indé, de l’electronica, du classique même et des bollocks (surtout). En clair : un zine digital qu’il est bien.
Une zone en chantier, convoquant l’art d’aujourd’hui pour comprendre ce qu’il sera demain et provoquant l’émulation par le mélange et le partage.
Star Wax, le magazine Français N°1 gratuit pour les DJs, Diggers, Beatmakers et amateurs de musique. Depuis 2006.
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Média online sur la culture hip-hop aspire à proposer une expérience complète, collective et excitante autour de la culture hip-hop avec une exigence et une curiosité inédites en France.
THE ARTCHEMISTS
CHROMATIQUE Webzine des musiques progressives, complexes, innovantes et inclassables.
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XSILENCE XSilence est un site sur le rock indé, ou rock indépendant, et plus précisément, un webzine communautaire sur le rock indépendant.
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Webmagazine dédié à la transversalité artistique et aux talents émergents, bref un générateur d’étincelles culturelles !
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IRES
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LE VILLAGE DES CRÉATEURS
Le VDC, fédère une communauté de créatifs qui échangent, partagent et coconstruisent des projets. Cette synergie favorise les passerelles entre la mode et le design.
EXIT MUSIK
Chroniques de sorties récentes et d’albums marquants, Live Reports, News, Interviews, Photos, Playlists...
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INDIE ROCK MAG
UNION
W-FENEC
CITIZEN JAZZ
Indie rock, pop, folk, noise, drone, ambient, électronica, IDM, hip-hop, metal, jazz... toutes les bonnes musiques sont sur IRM.
Le plus ancien des magazines de charme. Au programme : le courrier des lecteurs, bonnes adresses, rubriques conseil, ...
Mag digital indépendant pop rock metal indus branché sur courant alternatif.
Premier magazine de jazz en ligne : Le jazz a sa tribune. Un sommaire complet entretiens, articles, chroniques de disques, photo reportages, et playlist reflétant l’actualité du jazz en France.
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Magazine trimestriel collaboratif réalisé à l’initiative d’Atypeek Music
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Triannuel 2017
ATYPEEK MAG TRIANNUEL COLLABORATIF D’ACTUALITÉS GÉNÉRALES
PROCHAIN NUMÉRO 31 DÉCEMBRE 2017 www.atypeek.fr Rejoignez-nous et suivez notre actualité sur notre facebook.com/AtypeekMusic/
REMERCIEMENTS Léa Vince - Juan Marcos Aubert - Jonathan Allirand - Roland Torres - Maxime Lachaud - Hazam - Fisto (Olivier Cheravola) - Oli - CF - Aleksandr Lézy - Antoine Gary - Pierrick Starsky - Valentin Blanchot - Arnaud Verchère - Robin Ono - Laurent Coureau - Alain R. - Flore Cherry - Jérôme Tranchant - Locust - John Hirsute - Salvade Castera - Lühje - Cha… et les journalistes des médias partenaires. Contact : cf@atypeekmusic.fr
PRIX LIBRE