De la place dé-faite à la place re-fête dépasser l’endiguement du fonctionnalisme pour une souplesse d’usages
place des Fêtes, Paris XIXè
Charlotte Kende Mémoire de travail de fin d’étude année 2014/15 directrice de mémoire : Jacquelyne Osty professeur associé : Jean-Christophe Bailly
l école nationale supérieure de la nature et du paysage
Composition du jury Président de jury : M. Christophe Degruelle Président de la communauté d’agglomération de Blois Enseignant les politiques territoriales et la géopolitique du paysage en 4è année à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage
Directrice de mémoire : Mme Jacquelyne Osty Paysagiste DPLG exerçant au sein de l’agence Atelier Jacquelyne Osty & Associés Enseignante de projet en 3è année à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage
Professeur associé : M. Jean-Christophe Bailly Écrivain, philosophe et poète Enseignant l’histoire de la ville et de la représentation urbaine en 3è et 4è années à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage
«Ne pas essayer trop vite de trouver une définition de la ville; c’est beaucoup trop gros, on a toutes les chances de se tromper.» Georges Pérec, Espèce d’espaces, 1992 (1974), p.83
Préambule
vue d'en haut
Que représente une photo aérienne ?
Un bout de la Terre, comme seul un oiseau pourrait le voir. Une vue à plat, en 2D, de notre monde en 3D. Une photographie de la réalité complexe. Rien n’est enlevé, effacé ou caché. Pourtant, ce monde, vu d’au-dessus, est simplifié. La distance crée la synthèse, et l’image qui nous apparaît subit comme un tri naturel. Les trop petites choses disparaissent et ce sont alors les masses, les rythmes, les couleurs ou les densités qui prévalent. Là, un centre moyenâgeux, tortueux et condensé, ici une grande avenue, percée qui emmène tous les bâtiments dans son sens ou, plus loin, des anciens faubourgs, denses et rangés à la fois, traversés par ces grandes routes historiques devenues rues ou boulevards. Il en sort ainsi un vocabulaire urbain synthétisant de grandes logiques organisationnelles qui retracent, en résumé, la ville et son évolution. Alors, quand une irrégularité existe, qu’une exception est présente, l’œil s’y accroche. La différence est évidente, presque trop présente, et il devient difficile de s’en détacher. L’œil, accoutumé à regarder la ville, relève ces changements d’autant plus facilement. Exercé, il s’accroche sur un vide dans un maillage serré, un vide, sûrement une place mais aux formes étranges, loin de tout axe majeur, un espace entouré, cerné de tours, semblant étrangement hautes quand l’on connaît l’aspect des immeubles parisiens.
Sommaire
Introduction Quand l’architecture est en rupture avec la société
I. Une place urbaine, c’est quoi ?
Le paysagiste dans la ville Entre réalités et utopies : la place des Fêtes, support de rêves
II. La place des Fêtes, c’est comment ?
La place urbaine dans l’histoire Les nouvelles places et le temps qui passe
L’exception qui confirme la règle Contexte parisien et quelques chiffres
La place à Paris, les places de Paris
Instantané et préjugés Une population qui se cache.
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17
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V. Pour une place vivante III. Histoire d’une place défaite
Appropriation et fierté, entre ville et village
IV. La place des Fêtes vécue aujourd’hui
Des nécessités à plusieurs échelles
Les placedesfêtois Où est passée la fête ? les usages en pleins et vides
Retour aux sources Des topinambours aux grands ensembles
De la mouvance Vers la place vivante
La place dans le futur
Réactions sociales ou l’immortalité du village Une place qui ne fait plus place
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113
131 Annexes : Cartes des contraintes et des opportunités
Réflexions sur la concertation publique Réflexions sur les formes de la nature en ville
155
bibliographie table des illustrations remerciements
Introduction ville, paysagistes et ĂŠtudiants
Introduction ville, paysagistes et étudiants
Quand l’architecture est en rupture avec la société
«Que sont donc les villes, construites sans la sagesse du peuple ?» Bertold Brecht
(1)
Un endroit pour dormir, un endroit pour travailler,
un endroit pour faire ses achats. La séparation des usages, le travail des formes, l’hégémonie de la voiture. Le fonctionnalisme architectural et son tri des usages, sa sectorisation des lieux. C’est cette vision de la ville, et donc de la vie, qui est prônée en 1933, à Athènes. Une idées de l’urbanisme qui aspirait à produire de nouvelle formes d’organisation urbaine, de nouvelles formes de sociétés. Comme Le Corbusier, de nombreux architectes avaient la volonté de créer et d’imposer un nouveau modernisme. De tracer l’avenir sur des planches à dessin, pensant qu’il devait être bien rangé. La ville devient alors objets : objet voiture et circulation, objet logement, objet équipement et, finalement, objet habitant. Chaque objet à sa place. C’est le «type idéal de l’établissement humain», selon Gropius(2). Mais, comment contenir la vie et les déplacements
de milliers de personnes dans des secteurs, des «zones», sans en endiguer les libertés, sans empêcher ce certain bazar, si propre à notre civilisation ? Sans suffisamment de possibilités et de choix propres au «climat existentiel» nécessaire «à la santé mentale [et] physique»(3) ? C’est ainsi la multiplicité des processus urbains que ces cadres rigides ont échoué à contenir(4). Car la ville est bien trop complexe pour pouvoir la résumer à des usages prévisibles et dénombrables. La ville est faite de flux, de densités, de mélanges et d’une grande part d’imprévu. De cette simplification spatiale de la ville, il a résulté une distorsion palpable entre le mode de vie urbain et l’architecture qui en est le réceptacle. Les effets sont ceux que l’on connaît : la rationalisation des espaces, la banalisation des lieux, la dilution de l’espace public. Les formes produites, souvent loin de toute histoire, s’inscrivent sans logique dans la ville. Certes, l’efficience des déplacements
1. Cité par François Tomas, 1998, p.15
3. id., 1965, p.34
2. Françoise Choay, 1965, p.34
4. James Corner, 2006, p.28, traduction personnellle
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Le Corbusier, Plan Voisin, 1925
automobiles et la masse de logements offerts sont indéniables, mais l’appauvrissement de l’offre commerciale et événementielle, l’absence de dimensions culturelles, le dénuement artistique total créent une ville dépourvue de tout plaisir. Pourtant, une ville ne devrait-elle pas offrir à ces habitants à la fois la sécurité et le bonheur(5) ? Et le bonheur ne passerait-il pas par une certaine qualité de vie, relevant aussi du divertissement et de la beauté ? Camillo Sitte nous le dit bien : «On serait en droit de penser que l’art a sa place pleine et entière précisément dans l’aménagement des villes, car la ville est une œuvre d’art qui exerce quotidiennement, à chaque heure, son action sur la masse du peuple [...]»(6)
si une ville est bien construite, ses habitants devraient aisément pouvoir s’y sentir chez eux, se projeter dans ses espaces et s’y identifier positivement, loin de tout ennui. Avoir, en quelque sorte, une fierté d’appartenance à une ville, un quartier, une place. Cela, pour aimer y être, aimer l’investir.
La ville doit aussi être pensée, non seulement pour, mais par les habitants. L’appropriation d’un lieu, qu’elle soit matérielle, ou simplement mentale, n’estelle pas nécessaire au plaisir d’habiter ce lieu ? Ainsi,
5. Aristote, cité par Camillo Sitte, (1889) 1996, p.2 Mario Chiattone, Pont et étude de volumes, 1914
6. Camillo Sitte, (1889) 1996, p.119
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James Corner, Taking Measures Across the American Landscape, 1996
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Introduction ville, paysagistes et étudiants Le paysagiste dans la ville «[...] les futurs aménagements urbains doivent découler moins d’une compréhension des formes que de celle des processus, comment les choses fonctionnent dans le temps et l’espace.» James Corner, 2006, Terra fluxus, p.29
traduction personnelle
La question du paysagiste dans la ville, terriblement
les «choses doivent être solidaires, doivent être articulées»(1), liées ente elles. Loin de nier la légitimité des architectes, urbanistes, sociologues et autres fabricants de ville, c’est avant tout un mélange de savoir qui me semble nécessaire pour tendre vers la capacité à percevoir la ville au delà de l’objet architectural et au delà d’un plan fixe dans les échelles spatio-temporelles. Ce serait alors percevoir les dynamiques organiques qui construisent, forment et modifient continuellement la ville, dans l’espace et dans le temps, pour extrapoler ces flux perçus dans un aménagement palpable. Cela, sans courir vers des règles et des généralités pour accepter l’exception, le désordre et l’unique, propre à la ville vivante. Ne serait-ce pas alors trouver un urbanisme au plus proche de la société ? Capable de fluctuer avec elle et d’évoluer de concert. De se détendre ou se resserrer, de se condenser ou s’évaporer selon les demandes, les mouvances et les besoins de ses habitants ? Un urbanisme, enfin, aussi organique, aussi vivant que les êtres qu’il héberge.
actuelle, est assez délicate. Plus que celle de la définition d’un métier, c’est la définition de la ville que l’on questionne ici. Et c’est par la compréhension de ce qu’un concepteur peut faire que l’on entrevoit ce que la ville peut être. L’interrogation n’est alors pas simplement, quelle est la place du paysagiste ? Mais plutôt que peut-il apporter de différent, par rapport à l’architecte et sa compréhension approfondie des structures de la ville, par rapport à l’urbaniste et sa maîtrise de l’organisation des usages et des mouvements, par rapport au sociologue et sa connaissance des populations et des sociétés ? Le paysagiste s’intéresse au vivant. Pas seulement à l’humain, pas seulement au végétal, « au vert » comme on le résume parfois, mais à l’organique. La ville organique, la ville comme un organisme. Pas dans le sens architecturale de la ville tortueuse, moyenâgeuse, mais dans le sens de l’être vivant, l’être avec ses cadences et ses masses, ses tensions et ses pleins, sa volupté et ses relâchements. Où toutes
1. Michel Corajoud, extrait d’un l’interview diffusé lors de l’exposition La ville Fertile, 2011, Cité de l’architecture et du patrimoine
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Introduction ville, paysagistes et étudiants
Entre réalités et utopies : la place des Fêtes, support de rêves
«Explorer les limites, les outrepasser.» Michel Corajoud, 2000, p.44(1)
L’étudiant possède, lors de son diplôme, une drôle
mais nécessaire au développement des idées. Une utopie, comme un point rouge, au loin, petit et un peu flou mais, surtout, inatteignable. Inatteignable mais vers quoi tout devra tendre et se tendre. Comme un mirage sur une route qui recule aussi vite que l’on avance, l’utopie pose l’objectif final qui tire les idées dans sa direction pour qu’elles évoluent toujours.
de position. Propulsé dans le concret par un site et des questions réels, le diplôme est un travail qui doit reposer sur une certaine faisabilité. La demande est de produire un projet qui relève du possible, voir du réalisable pour pouvoir faire écho à des besoins présents, exprimées par les acteurs du site. Or, un diplôme reste, toutefois, ancré dans son contexte scolaire. Il n’est donc pas encore entièrement dans le réel, comme à quelque pas seulement du possible. Mais ce retrait, aussi petit soit-il, cette marche qui reste à franchir conserve encore, pour quelques jours, la possibilité du rêve. Le monde professionnel possède, bien sûr (et heureusement), cette liberté, mais l’étudiant peut, en quelque sorte, l’exprimer plus entièrement, sans entraves.
La place des Fêtes, par les nombreuses questions urbaines qu’elle soulève et les idées qu’elle dénonce, se présente comme un contexte idéal à cet essai sur le rêve urbain. Devant judicieusement reposer, d’une part, sur un contexte social complexe, la reformulation de cette place n’est, d’autre part, pas endiguée par une forme architecturale historique où le passé se lit encore sur les murs. Cette partielle disparition des entraves patrimoniales souvent, très, voire trop présentes dans les villes anciennes comme Paris, permet cette liberté de
Le rêve, doucement amené vers l’utopie. Une utopie peut-être encore maladroite et timide
1. Michel Corajoud, 2000,«Les neuf conduites nécessaires pour une propédeutique pour un apprentissage du projet sur le paysage» p.37-50 , dans Le Jardinier, l’Artiste et l’Ingénieur, sous la direction de Jean-Luc Brisson, ed.: L’imprimeur, 96 pages
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urbanisme du réel
supposition, cette énonciation facilité de peut-être et de pourquoi pas. Je tenterai ainsi, dans ce mémoire, de vous présenter mon rêve pour cette place, mon imaginaire à ses prémisses, balbutiant. J’aborderai des sujets qui me semblent fondamentaux pour tout projet de place urbaine et, par des questionnements et des constats, j’essaierai de vous amener à entrevoir ce que ce bout de ville, la place des Fêtes, représente dans mon esprit. Chaque sujet pouvant être discuté et développé en un mémoire chacun, je m’attacherai à en poser les fondements et les grandes lignes, nécessaire à la compréhension globale du site et de ses enjeux.
urbanisme fantasmé
schémas de David Magin, dans La ville passante
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urbanisme du possible
Une place urbaine
c’est quoi ?
Une place urbaine c’est quoi ?
La place urbaine dans l’histoire, un fondement de l’organisation architecturale et sociale des villes «La place est le lieu où coïncident la civitas et l’urbs. [...] la ville des citoyens [et] la ville construite» Bertrand Lévy, 2008, p.65-85
Une place est d’abord un lieu, un lieu urbain. Mais
s’arrête. À l’inverse de la rue, la place, si elle est un lieu, invite à la pause(2). On s’y extrait momentanément du courant de la ville, du mouvement incessant qui parcourt ses rues. La place a toujours été un lieu de pause, comme un arrêt sur image d’un temps social et d’une forme architecturale. Historiquement, la place est un lieu où l’on vient pour quelque chose. Elle fût ainsi d’abord l’agora grecque, lieu de la démocratie et des rassemblements citoyens, puis forum romain, point de rencontres et d’affaires en tout genres. Elle s’est ensuite parée d’attraits grandioses illustrés par des monuments et des architectures plus ou moins magistrales. Ses fonctions et ses formes ont alors évoluées. S’éloignant des places antiques et de cet espace se suffisant à lui même pour devenir intrinsèquement lié à l’architecture qui l’entoure. La place devient parvis d’église, place de grève ou centre commerçant cerné d’arcades. Et les formes qui en découlent marquent
que définit un lieu ? Selon Marc Augé, un lieu répondrait à trois caractéristiques : être identitaire, relationnel et historique(1). On peut comprendre que ces trois caractères permettraient de donner de l’épaisseur à un espace, de l’inscrire dans une époque, ou à travers des époques, de le relier à une société et à des usages. Pour qu’un espace soit qualifié de lieu, il doit donc permettre aux marcheurs de percevoir ces caractères. Car, sans expérience, sans êtres pour remplir et donner vie à un espace, il ne pourra jamais acquérir de signification. Un lieu est donc un endroit, un point de la ville (nous parlons ici des villes européennes), où l’on pourrait percevoir tout cela . C’est donc un point où l’on peut contempler et prendre le temps d’ingurgiter ce qui nous entoure. Un point qui aurait conservé, en couches successives, son histoire, sa symbolique, chahutées ça et là par une matière sociale, humaine. Un point, enfin, où, pour comprendre tout cela, on
études des différentes formes de places dans l’Art de bâtir les villes, Camillo Sitte, (1889) 1996
1. Marc Augé, 1992, p.69 2. Steiner cité par Bertrand Lévy, 2008, p.65-85
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Piazza del Campo, Sienne une des places les plus harmonieuse du monde
le parvis du centre Georges Pompidou, Paris, inspiré du Campo de Sienne
les bases d’une architecture urbaine classique dont les fondements ont traversés les siècles et s’imposent comme règles encore aujourd’hui. Dans la ville européenne, la place aura conservé sa fonction de cœur de ville. Un lieu où l’on se rend autant pour regarder que pour être vu et reconnu(1). Or, cette symbolique, si propre à la place comme monument, est étroitement liée à un équilibre urbain, à un état de bien être sensible qu’elle provoque chez le marcheur qu’elle attire vers elle et retient un instant. Mais cet équilibre, qui n’est pas synonyme de symétrie et de simple perfection architecturale, mais de rapport délicat entre la forme bâtie et la fonction sociale, le besoin économique et la nécessité artistique, est un effet du temps. Une place en ville possède un passé. Elle a été dessinée, petit à petit, par les rôles et les fonctions qu’elle a rempli. Elle n’a, d’ailleurs, pas été dessinée, mais construite directement sur place, en évaluant le réel, par un travail fin de la compréhension des formes urbaines et de leur effets(2). Cette fabrication progressive et empirique de la ville, lui donne une consistance et une logique indéniable. Camillo Sitte exprime comme cela la rupture qui s’est produite plus tard :
« Autrefois, les espaces vides (rues et places) constituaient une totalité close dont la forme était déterminée en vue de l’effet qu’ils devaient produire. Aujourd’hui, on découpe des parcelles à bâtir sous la forme de figures régulières, et ce qui reste est baptisé rue ou place. »(3) La place n’est alors plus le fait progressif d’une histoire complexe et longue, ce n’est plus une volonté, une fin en soi, mais une simple résignation, le reste d’un découpage géométrique. Ses fonctions ne découlent ainsi plus d’un usage historique et l’espace, pour peu qu’il soit accueillant, invite alors à de nouvelles fonctions. La société actuelle demande, d’ailleurs, de plus en plus de lieux pouvant accueillir maints événements, «des espaces multi-options», «des lieux scéniques facilement aménageables et pratiques » (4), s’éloignant ainsi de l’hégémonie de la place historique, symbole par sa seule forme. Aujourd’hui, il semblerait que c’est par l’événement que les nouvelles places publiques résonneront. Elle prendront alors forme (parfois copiant de vieux principes historique) et acquéront leur renommée, conservant ainsi le principe fondamental d’une place, celui d’accueillir la vie publique.
3. id., p.92
1. Bertrand Lévy, 2008, p.65-85
4. Kaltenbruner, cité par Bertrand Lévy, 2008, p.65-85
2. Camillo Sitte, (1889) 1996, p.58
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Une place urbaine c’est quoi ?
La place Toscane dans la ville nouvelle de Serris
Les nouvelles places et le temps qui passe
Une place du parc d’attraction Disneyland Paris
«Les nouveaux monuments, au lieu de nous rappeler le passé, semblent vouloir nous faire oublier le futur» Robert Smithson(1)
1. cité par Francesco Careri, Walkscape, p.166, éd. : Gustavo Gili SL, 205 pages
traduction personelle
La création d’une nouvelle place pose directe-
évolution par leur finalité trop travaillée. À l’inverse, il ne s’agit pas non plus de sur-moderniser le lieu et d’endiguer les effets du temps. Cela est d’autant plus important dans le cas d’une place qui s’inscrit dans un contexte urbain empreint d’histoire. Une architecture figée, qui ne subit aucune altération, qui ne laisse transparaître ni son âge et, encore plus terrible, ni la vie en constante évolution qu’elle héberge, déséquilibrera très certainement le quartier en créant un espace ainsi figé dans le temps. Il faut, en résumé, permettre au temps d’apposer son avancée naturelle sur les lieux, sans chercher à le devancer ni à le bloquer. De fait, le temps en ville ne s’exprime pas uniquement par la présence de végétaux, comme on le dit trop souvent. Une ville est en perpétuels changements. Les habitants qui se succèdent occupent les lieux de façons différentes, les immeubles vieillissent, puis sont ravalés, vieillissent de nouveau, les commerces évoluent, se renomment, se déplacent... Mais, si aucun support pour ces changements lents et progressifs n’est présent, aucune échelle temporelle ne peut s’exprimer. L’espace est alors détaché de toute temporalité, rien ne rappelle ce qui fut et rien n’annonce ce qui pourrait advenir.
ment la question de l’attachement au passé et de l’acceptation de la modernité. Que ce soit dans des villes nouvelles ou non, les nouveaux ménagements doivent se positionner quant au vocabulaire architectural qu’ils utiliseront. Hélas, le choix est trop souvent fait de recréer des sortes de pastiches du passé. Je ne remets pas en cause ici l’influence des formes anciennes dont les nouveaux aménagement s’inspirent souvent. Au contraire, se réapproprier des principes anciens et fonctionnant depuis des siècles ne peut être que bénéfique. Je parle ici des bâtiments même qui constituent la place et du vocabulaire d’aménagement. Je parle d’aménagements où l’on refuse le neuf, où l’on veut, en quelque sorte, créer du nouveaux vieux. On force alors les formes et l’irrégularité qui, dans les villes anciennes, s’est développée organiquement pendant des siècles, est ici recréée en quelques semaines sur une planche à dessin. Cette recherche de l’ancien se lit également dans l’emploi de la couleur et des matériaux volontairement disparates. Or, il est impossible d’imiter l’action du temps et l’empirisme de la formation des villes. Ces places sont comme bancales, sonnant faux et se rapprochant parfois plus des aménagements de parcs d’attractions que de la réalité, empêchant toute 22
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Une place urbaine c’est quoi ?
La place à Paris, les places de Paris, typologies, usages, symboliques
Origines des grandes places parisiennes ?
Paris est une ville dont le développement lent et
port voisin, alors principal port de Paris sur la Seine. Un grand marché s’établit ici où l’on venait chercher marchandises et travail, puis cette place connut aussi une période sanglante quand elle fût le théâtre de nombreuse décapitations publiques.
progressif s’est effectué au fil des siècles par cercles concentriques. La villes a repoussé ses limites et enceintes successives, agrandissant toujours son rayon dont le centre est resté l’île de la Cité. De cette île peuplée de Parisii en 52 av JC, Paris est devenue une ville moyenâgeuse et tortueuse puis, engloutissant petit à petit ses campagnes et ses faubourgs, la capitale que l’on connaît aujourd’hui. La ville s’est construite dense et complexe. Le besoin de places publiques, d’espaces vastes et dégagés sans emploi particulièrement définis ne s’est pas fait tout de suite sentir. Les premières places étaient ainsi créées avec un usage précis. Nombre de grandes places parisiennes furent d’abord des portes aux entrées de la ville, comme la place de la Nation, Italie ou Denfert-Rochereau, des anciennes enceintes ou bastions comme la place de la République. Ces espaces devinrent places à chaque avancée de la ville, se transformant généralement en carrefour et nœud de circulation. D’autres places, comme la Bastille ou le parvis de l’Hôtel de Ville, sont nées de nécessités bien particulières. La place de la Bastille, on le sait, abritait autrefois une prison. Le parvis de l’Hôtel de Ville, lui, se nommait jadis place de Grève, car il fût créé pour accueillir les marchandises déchargées du
Quelque soit le passé des grandes places parisiennes, toutes ont conservé des traces de l’Histoire. Certaines se sont vu parées d’Arc de Triomphe, d’autres de fontaines ou de statues, mais c’est principalement dans leur emplacement dans la ville, dans leur façon de s’inscrire dans la masse des bâtiments que l’on retrouve une logique historique. La plupart de ces places se situent sur des grands axes de circulations, leur offrant majesté et utilité, servant de carrefour et d’emblème à la fois. Ce sont aussi des espaces de « respiration », terme peut-être un peu osé de nos jours si pollués, mais ce sont, quand bien même, des lieux vastes, des espaces larges comparés aux rues. Leur taille, forme et organisation découlent de leurs usages mais, pour certaines places, également des restructurations et élargissements du XIXè siècle, menés par Rambuteau et Haussman.
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enceinte fortifiée de Thiers
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place Stalingrad
place des Fêtes
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place de la Bastille place de la Nation
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0
place d’Italie
1km
25
26
place Stalingrad 21 500 m²
place Vendôme 26 400 m²
place des Fêtes 37 500 m²
place Charles-de-Gaulle 57 600 m²
place de la République 33 700 m²
place de l’Hôtel de Ville 12 700 m²
place de la Nation 49 850 m²
place St-Michel 5280 m²
place de la Bastille 32 250 m²
place d’Italie 49 850 m²
place Denfert Rochereau 31 900 m²
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Une place urbaine Les places de Paris
Les circulaires place de la Nation place Charles-de-Gaulle place d’Italie
Logiques architecturales, usages et résonances En observant quelques grandes places parisiennes, on se rend vite compte qu’elles possèdent des organisations spatiales communes. Comme écrit précédemment, elles sont souvent de grands carrefours routiers, ronds-points ou croisements. Mais toutes possèdent également un signe distinctif. Que ce soit un monument central, un ou des bâtiments, une suite de façades ou un cours d’eau, ces places s’organisent toujours autour de ces symboles. Leurs usages sont assez variés. Outre leur utilité pour la circulation routière, la majorité possède des façades commerçantes, des restaurants et de nombreux cafés. Quand un parvis ou une large esplanade est présente, divers événements ont régulièrement lieu. Le parvis de l’Hôtel de Ville est ainsi occupé chaque année par une patinoire, un jardin éphémère ou d’autre événements plus ou moins exceptionnels. La place de la République est le lieu des regroupements, manifestations et grands concerts. On va place de la Bastille pour l’opéra, ses larges terrasses ou ses trottoirs à skate. On se donne rendez-vous sur la place SaintMichel pour traverser la Seine ou s’enfoncer dans les dédales du quartier Latin et l’on flâne place Vendôme, rêvant du jour où l’on pourra franchir la porte d’un de ses magasins de luxe. Que l’on fréquente régulièrement l’une de ces places ou non, on sait toujours à peu près, quelles sont leurs formes, ce que l’on y trouve et ce que l’on peut y faire. Leur résonance dépasse leurs quartiers environnant, pour s’étendre à toute la ville.
Les grandes places en ronds-points de la capitale étaient, le plus souvent, d’anciennes entrées de ville. Elles sont devenues des carrefours structurant quand la Paris a grandit. Ces places concentrent surtout leur intérêt dans la répartition de la circulation routière qu’elles permettent, même si leur façades commerçantes sont généralement développées. Le plus souvent, on trouve un monument symbolique au centre de la place. Parfois une unique colonne, ou, plus imposant, un arc de Triomphe. Dans ce dernier cas, le monument possède un intérêt culturel important qui crée la symbolique de la place. Cela dit, cette symbolique change selon les personnes. Dans le cas, par exemple, de la place Charles-de-Gaulle, un touriste pensera d’abord à l’arc de Triomphe, alors qu’un parisien n’y verra qu’un cauchemar routier.
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Les monumentales
Les esplanades place Vendôme place des Vosges place de la République Les places présentant des esplanades, des parvis, des espaces piétonniers en leur centre, sont généralement des lieux culturels importants dans la ville. Ce sont des places avec de nombreux commerces, des espace où se retrouver, se rassembler, s’asseoir, discuter... Les façades bâties ont une présence architecturale qui permet l’unité de l’espace et caractérise alors la place, l’inscrivant dans un époque. Pavée, goudronnée, ou engazonnée, ces places possèdent des atmosphères qui leur sont toujours assez propre et qui permettent, un temps, de s’éloigner de la circulation, tout en restant au cœur de la ville dynamique.
place Stalingrad place de l’Hôtel de Ville parvis Notre-Dame Les places qui se tournent vers un monument, qu’il soit religieux ou non, naturel ou bâti, sont d’abord des lieux de contemplation. L’espace y est aménagé pour mettre en valeur l’église, l’hôtel, le fleuve... Ensuite, ces lieux possèdent des usages qui, d’abord en relation avec le monument, ont pu évoluer au cours des siècles. Ces places là sont souvent très symboliques dans les villes, mais leur représentation passe d’abord par le monument qu’elles accueillent. Architecturalement, elles jouxtent, le plus souvent, un axe majeur, ou sont placées au débouché de plusieurs rues importantes. Le plus souvent, ces lieux là ont été créés, dès l’origine, en tant que place, ce qui n’empêcha pas l’évolution de leurs formes et de leurs usages.
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La place des Fêtes ...
place de la Bastille
place du parvis de l’Hôtel de Ville
30
place de la R茅publique
place Vend么me
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La place des Fêtes c’est comment ?
La place des Fêtes c’est comment ? L’exception qui confirme la règle
Monument, carrefour important, nombreux commerces... Rien de tout
cela ne correspond vraiment à la place des Fêtes. Cet espace sans centralité affirmée, sans continuité architecturale de qualité, ne brille par aucun symbole flagrant. On ne le connaît que si l’on habite à proximité. Pour certains, ce n’est que le lieu d’un grand marché, pour d’autres ce n’est que le nom étrange d’une station de métro qui ne résonne par aucun nom illustre ou aucune bataille sanglante. Sa formation est mystérieuse et sa position, en retrait des rues du quartier, n’informe en rien sur son histoire. Rien ne semble pouvoir donner une symbolique quelconque à cette place, ni son architecture ingrate, ni son passé. On y perçoit par ailleurs une complexité certaine. Difficile à cerner, la place des Fêtes peu constituer un mystère pour qui ne cherche pas à savoir ce qu’il s’y passe. Ovni dans le paysage parisien, cette place est certainement une exception qui n’attend que de s’affirmer.
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La place des Fêtes c’est comment ? Contexte parisien et quelques chiffres Dans l’est de Paris
place des Fêtes
0
2km
N
Ce qu’il y a autour
périmètre de la rénovation
rues commerçantes XIXèarr.
place Stalingrad mairie du XIX
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place Rhin-etDanube
0
square de la Butte du Chapeau rouge
100m
N
parc des Buttes-Chaumont
Portes des Lilas u bo
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boulevards, avenues, rues majeures
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parc de Belleville
place des Fêtes
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place de la République
cimetière du Télégraphe
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places
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parc, square et cimetière cimetière du Père Lachaise
0
36
ligne 2 ligne 7bis
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ligne 11
Ce qu’il y a à côté
place Rhin-etDanube
square de la Butte du Chapeau rouge
Mouzaïa Parc des ButtesChaumont
PLACE DES FÊTES XIXèarr.
église St-Jean-Baptiste de Belleville
XXèarr.
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rue de Bellevil in rue du Jourda
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cimetière du Télégraphe
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La place des Fêtes Contexte parisien et quelques chiffres Ce qu’on y trouve carte également visible sur la 3è de couverture Mouzaïa ue
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écoles et groupes scolaires
façades commerçantes
squares et jardins associatifs
locaux socioculturels
kiosque à musique
espaces verts privés
emprise du parking souterrain
regard de la Lanterne
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ancien lycée hôtelier Jean Quarré
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square du regard de la Lanterne
ancienne annexe du lycée Diderot
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Mpf : Local associatif de la Maison de la place des Fêtes
Quelques chiffres
nombre d’habitants
hauteur
emprise
place des Fêtes : 17 000
piétonne : env. 37 500 m²
densité : 58 000 hab/km²
altitude de la place des Fêtes : 122 m
totale : env. 40 000 m²
densité moy. à Paris : 27 000 hab/km²
place de la République : env. 33 700m²
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hauteur des tours : entre 60 et 84 m
La place des Fêtes c’est comment ? Instantané et préjugés
Un marcheur traversant la place pour se rendre
de Belleville aux hauteurs de la Mouzaïa, un homme d’affaire pressé surgissant du métro pour aller à son rendez-vous, une famille qui descend au parc des Buttes-Chaumont... Aucun ne s’arrête sur la place, aucun ne la connaît vraiment. Quelle image conserveront-ils alors de ce lieu ? Hautes tours grises et commerces étroits, pyramide étrange et décrépie, organisation confuse et passages étriqués, calme ambiant et désertion presque angoissante. Telles seront sûrement les quelques images, ces instantanés, que le marcheur, étranger des lieux, conservera en mémoire. « Est-on vraiment à Paris ? » ai-je même déjà entendu. Ces images peu glorieuses mènent nécessairement le marcheur à concevoir quelques préjugés sur ce lieu. Froid, parfois même qualifié d’inhospitalier, on se demande comment il peut abriter un peu de joie sociale, un peu d’effervescence urbaine. On l’assimile aux espaces délaissés voire déprimant des grands ensembles de «On est mal vu, ça fait banlieue, persuaplaisir que vous vous dé que l’insécurité intéressiez à nous» doit régner et que les nuits y sont témoignage(1) dangereuses. Pourtant, rares sont les quartiers de la capitale abritant une telle émulsion sociale. Rares sont les quartiers comptant autant d’associations, se mobilisant avec tant d’entrain. Rares sont les lieux dans Paris qui, quand ils se mettent à vivre, ressemblent autant à un bout de village, joyeux, coloré, mélangé. 1. témoignage recueilli par Charlotte Bienaimé, émission Les pieds sur Terre, 2014, France culture
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La place des Fêtes c’est comment ? Une population qui se cache
Mais voilà, cette place n’est pas toujours
Pendant ces quelques instants matinaux, la place des Fêtes mérite de nouveau son nom.
vivante. Comme un monde à deux faces, elle s’anime parfois subitement pour s’assoupir ensuite et se figer presque dans une immobilité imposante. Pendant la majeur partie du temps, c’est cette immobilité qui prône et qui lui donne cet aspect étrange, si loin de Paris, comme reculé du monde. L’animation, le mouvement, rythme toutefois la semaine. Le marché qui s’établit ici le mardi, vendredi et dimanche de chaque semaine, est le premier moment où l’on retrouve ce mouvement humain tant recherché. On y vient pour faire ces achats, on s’arrête à un café bondé, on discute dans les allées, on se bouscule, les enfants emplissent le square, courent et sautent de jeu en jeu. Subitement, on retrouve une densité sociale équilibrée, contrebalançant cette architecture du vide trop présente. L’ordre est cassé, on s’éparpille, les couleurs et les formes se mélangent, on arrête de lever les yeux vers les tours, c’est le bazar humain.
Comment permettre arlors à cette place de conserver cette atmosphère ? De pouvoir honorer son nom tous les jours, à tout moment ? Sans parler de maintenir perpétuellement une animation comme celle créée par le marché, il s’agit seulement de comprendre ce qui pourrait permettre à ce lieu d’être simplement attirant et plus agréable à vivre tout les jours.
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Histoire d’une place dÊfaite les origines de la rupture
Histoire d’une place défaite les origines de la rupture Retour aux sources XIIè et XVIIè s.
Le début de notre connaissance sur la place des
été à l’origine de sources. Ainsi, François Ier acheta, en 1530, ces terres, alors nommées « la Tillaye », pour une femme possédant l’hôtel des Tournelle, établit plus bas. Des pierrées recevaient l’eau ainsi drainée de la Tillaye pour la conduire jusqu’à l’établissement. Au XVIIè s., on bâtit l’hôpital Saint-Louis. Celui-ci acquit ces terrains pour s’alimenter en eau. Les eaux furent alors dirigées vers le regard dit « de la Chambre du Chirurgien » ou « regard Saint-Louis » d’où elles prenaient ensuite le chemin de conduites de plomb, récupérant d’autres sources au passage. Au XVIIIè s., toutes les eaux de la colline de Belleville furent cédées à l’hôpital Saint-Louis. C’est l’aqueduc de Belleville qui servit alors à récupérer l’ensemble des sources. L’aqueduc fut en partie détruit au fur et à mesure de la progression de Paris, mais certains édifices, comme le regard de la Lanterne, ont subsisté.
fêtes et son quartier est directement lié aux sources dites « du nord ». Ces sources d’eau, connues depuis plusieurs siècles, ont ainsi engendré un paysage d’aqueduc et de regard encore en partie présent aujourd’hui. Nous sommes au XIIè s. À cette époque, Belleville n’existe pas et ces terres s’étendent sur la commune de Savies. L’abbaye de Saint-Martin-des-Champs qui s’est établit ici possède des vignes et des pressoirs sur des terrains où jaillissent des sources. On suppose ces sources être les premiers témoins des dénommées sources de Belleville. Les moines construiront l’aqueduc de Belleville, pour récolter ces eaux et les mener dans la plaine, ainsi que le regard de la Lanterne qui en marque la tête. Le site même de la place des Fêtes aurait également
le regard de la Lanterne au XIXè siècle le regard de la Lanterne aujourd’hui
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Plan des eaux de Belleville, 1898, extrait d’un procès-verbal de la Commission du Vieux Paris.
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Histoire d’une place défaite les origines de la rupture Des topinambours aux grands ensembles XVIIè et XVIIIè s. - À l’origine, la campagne
À l’époque où Paris ne s’étendait guère plus loin
site des Buttes-Chaumont, aidaient à la bâtir. Au XVIIIè s., Belleville se développe doucement et le village commence à se construire. Au XIXè s., l’hôpital Saint-Louis obtient une concession d’eau de l’Ourcq. Il vend alors à la municipalité de Belleville les terres d’où venait son eau. Ce terrain, alors planté de vignes, d’arbres fruitiers et de luzernes, acquit par la suite le nom de place des Fêtes, dû aux nombreuses manifestations patronales, aux rassemblements de la Garde Nationale et aux événements communaux divers qu’elle accueillait. Ces fêtes ,qui regroupaient marchands, attractions, forains, attiraient une foule considérable et acquirent une grande renommée.
que les arrondissements centraux, Belleville n’était encore qu’un village où laboureurs et vignerons se partageaient les terres. On y cultivaient des céréales, on y faisait pousser des cerisiers et des fraisiers, on y récoltait des asperges et des topinambours. Les collines de Belleville accueillaient également des moulins à vent et de nombreuses vignes*. Ainsi, sur la Butte de Beauregard, aujourd’hui occupée par les barres HLM, se dressaient six moulins, souvent représentés comme symbole de cette campagne productrice. Tous ces produits servaient, bien sûr, à nourrir la capitale, et les carrières de plâtres et de gypse, déjà présentes sur le * Le terme de « piquette » viendrait du nom des vins produit ici. Des vins de tables jeunes, francs et courts en bouche. Il serait ensuite devenu le terme péjoratif que nous connaissons aujourd’hui
1739, plan Delagrive
1764-1773, carte topographique des environs de Versailles dite des Chasses Impériales
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XIXè s. - Annexion à Paris Par la suite, Paris qui s’étendait toujours, imposa de plus en plus son influence dans ces campagnes proches. Belleville se développait toujours, détruisant ses moulins pour construire plus d’habitations. Les cultures encore présentes commençaient, peu à peu, à laisser place à la ville qui respectait alors le parcellaire des champs et notamment celui long et étroit, caractéristique des vignes. Cette typologie devient alors propre au quartier et créera ainsi son parcellaire serrée et allongé. La proximité de Paris et la présence de nombreuses vignes ont également permis à la commune de Belleville de développer une économie de divertissement.
Ainsi, la commune était renommée pour ses nombreuses guinguettes et ses cabarets qui jouissait, de part le fait qu’ils étaient encore en dehors des limites de la capitale, de taxes peu élevées. En 1860, suivant le décret de juin 1859, sous le régime de Napoléon III et sur les conseils du Baron Haussman, les communes limitrophes de Paris, s’étendant entre l’enceintes des Fermiers généraux et l’enceinte de Thiers, sont annexées à la capitale. Belleville en fait partie.
1841 - carte topographique, statistique et militaire des environs de Paris et de ses fortifications
1840 - carte de Belleville
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Histoire d’une place défaite des topinambours aux grands ensembles Une population malmenée Cette annexion provoquera un bouleversement économique et social dans le quartier. De fait, les nombreux débits de boisson, se retrouvant alors établis dans Paris, sont soumis à des taxes élevées. De plus, un décret y interdit l’exploitation de carrières dans les enceintes de la ville. Les carrières des ButtesChaumont, furent closes, et c’est toute une population ouvrière qui se retrouva sans revenu. L’opinion publique était en majeur partie contre cette annexion. Les Bellevillois ne voulaient pas devenir Parisiens et les Parisiens ne voulaient pas accueillir les Bellevillois dans l’enceinte de leur ville. Belleville et les autres villages annexés étaient considérés comme pauvres et l’ont pensait qu’ils seraient une charge pour la capitale. Malgré un décalage d’urbanisation certain, Belleville, à l’orée de l’année
1860, comptait près de 60 000 habitants. Ce n’était donc plus un village, mais bien la douzième ville de France, qui connaissait un développement rapide. L’hostilité qui accompagna cette annexion et les tensions déjà présentes entre les Bellevillois, connus pour leur tempérament, et les pouvoirs de la capitale, poussa l’État à prendre la décision drastique de diviser Belleville en deux arrondissements différents. Cette séparation fût mal vécue par les habitants qui se retrouvèrent alors dans des quartiers régis par des instances souvent en confrontation. Cette division n’empêcha pas les Bellevillois, lors de la Commune de Paris, de combattre ardemment. Très solidaires, ils tinrent tête aux Versaillais en érigeant des barricades dans les rues et en installant des pièces d’artilleries, notamment sur la place des Fêtes.
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PANTIN
LA VILLETTE LE PRÉ ST-GERVAIS
BELLEVILLE XIX X
BAGNOLET XX
XI
«Dire que nous v’là parisiens !...», lithographie publiée dans le journal Le Charivari, 1860, Honoré Daumier « La bonne ville de Paris et ses nouveaux enfants », lithographie, 1860, Charles Vernier
CHARONNE
«Moulins de la Butte de Chaumont proche Paris», de gauche à droite : Les moulins de la butte Bergeyre: Maquereau, vieux, de la folie, de la carosse, de la tour Chaumont, grand moulin Sur le «plateau» : le moulin de la chopinette qui devint une guinguette d’après Manesson-Mallet, XVIè siècle Plan du découpage en arrondissements des anciennes communes qui ont été divisées à gauche : Illustrations de la France au XIXè, une guinguette à Belleville le dimanche soir 1845
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Histoire d’une place défaite des topinambours aux grands ensembles Un air de village Los de l’annexion des communes limitrophes, l’État espérait que de riches Parisiens investiraient dans ces hauteurs, à l’est, aux airs de campagne. Or, ce ne fût pas le cas. Ces quartiers, plus ou moins vétustes et toujours bien moins chers que les arrondissements centraux, accueillirent les classes ouvrières qui ne trouvaient plus à se loger dans le centre de Paris. Belleville se densifia alors de plus belle et les champs, vignes, vergers et autres cultures disparurent définitivement. Malgré leur appartenance à la capitale, ces nouveaux quartiers conservèrent encore longtemps leur enclavement. La barrière des Fermiers généraux demeurait difficile à franchir, symbolisant le clivage persistant entre le vieux Paris
central et ses nouveaux quartiers. Malgré cela, la volonté de l’Empire de Napoléon III était d’associer pleinement les quartiers limitrophes à la ville. Pour ce faire, de nouvelles voies reliant ces deux entités et autour desquelles de nombreux commerces et équipement publics s’implantèrent, furent percées. Une voiture, appelée « la Petite monteuse » et tirée par deux chevaux, permettait alors l’ascension jusqu’à la place des Fêtes. Elle fut remplacée, en 1891, par le funiculaire de Belleville. Cette volonté de désenclavement fût conservée pendant la Troisième République, mais ne trouva pas écho au moment de la construction du métro parisien. Alors que la première ligne fût inaugurée dès l’année 1900, il fallu attendre 1911
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pour l’ouverture de la ligne 7bis (alors tronçon de la et petites usines, certains encore liées à l’exploitaligne 7) puis 1935 pour l’ouverture de la ligne 11, tion des carrières mourantes, mais également des offrant alors une liaison directe au centre de Paris. ateliers d’artistes et un foisonnement considérable Du fait de cette lente évolution, Belleville conserva de commerces et de cafés. La place des Fêtes resta son atmosphère si différente. L’on dit que les perle lieu de rencontres et de manifestations privilégié sonnes franchissant l’enceinte du quartier. Des multiples fêtes «Place des Fêtes, ce n’était que des des Fermiers généraux foraines* et bals s’y tenaient et petits artisans [...]. La couronne de la découvrait alors un Paris le square, aménagé depuis 1863 Place des Fêtes, c’était les bistrots qui en faisaient les fleurons et des petites épipittoresque et joyeux, où une et paré d’un kiosque en 1897, ceries en pagaille, et puis il y avait des atmosphère villageoise et accueillait la population. restaurants et tout cela c’était plein. On solidaire se faisait sentir. La pouvait pas l’approcher le dimanche, * Il y aurait eu, en 1887, une pétition de riverains contres «les population modeste conserva rugissement de bêtes fauves troublant le repos nocturne». c’était plein de monde...» sa majorité ouvrière. On trou1. cité par Patrick, revue Quartier Libre n°32, 1986 vait ici de nombreux ateliers Paul Adenot(1)
Photographie aérienne, 1949 La place des Fêtes en 1971, photo DF «Place des Fêtes à vol d’oiseau XIXè»
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Belleville, Belles-villes La place des Fêtes, c’était aussi son marché, déjà établi trois matinées par semaine sur la place. Mais c’est également de très nombreux cinémas. C’est sûrement suite à la suite de l’établissement, en 1905, des studio Gaumont en lisière des Buttes-Chaumont que plus de quarante cinémas s’ouvrir dans le quartier ! C’est un marchand de vin, M. Charles Chardenal, qui en 1906 transforma sa boutique, alors au coin de la rue du Pré St-Gervais et de la rue Compans, en cinématographe. Quelques années plus tard, il fût exproprié afin de laisser place au tunnel du métro de la ligne 7 bis. La plupart des cinémas se trouvaient sur la rue et le boulevard de Belleville et de nombreux théâtres venaient étoffer l’offre de divertissement alors présente dans le quartier. C’est là, dans ces cinémas, pendant les entractes, dans les théâtres et dans les cafés que les artistes en herbe, chanteurs et comédiens, venaient se faire connaître. «Mais avant la guerre, il y avait le vieux théâtre de Belleville et surtout les Bellesvilles : des revues de nues, ça attirait beaucoup de monde, et des chanteurs comme Fréhel, Jean Lumière débutaient,[...] et le Théâtre de Belleville faisait des opérettes légères.» Paul Adnot(1) 1. Interviewé dans la revue Quartier libre n°007, 1980
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gauche-haut : «Rue du Pré St-Gervais et la nouvelle station de métro (XIXè arrt)», carte postale gauche-bas : le premier cinématographe du quartier, à l’ange de la rue Compans et du Pré St-Gervais
«Place des Fêtes XIXè», C.P. Arama, carte postale «PARIS (XIXè)-Rue Compans-Place des Fêtes E.M., Cparama», carte postale
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Un quartier vétuste Mais Belleville c’est aussi un vieux quartier, vétuste et en partie insalubre. À la sortie de la 2ème Guerre Mondiale, près de la moitié des logements n’a pas l’eau courante et plus de trois quarts n’a pas de toilette ni de salle de bain. C’est la population la plus pauvre qui occupe ces habitations. Willy Ronis (1910-2009), photographe humaniste français, immortalisera ces quartiers de Belleville et Ménilmontant, y cherchant à montrer sa population malmenée par la guerre, pauvre mais toujours joyeuse, cette atmosphère villageoise et campagnarde. «Place des Fêtes, c’était des petites maisons, les plus grandes de 4 ou 5 étages, mais pas plus ; certaines étaient vétustes, surtout dans la rue Compans, mais d’autres auraient pu rester ; mais surtout, il y avait d’anciennes fermes : vous passiez sous le porche, et là, surprise, on trouvait un jardin, des cerisiers. La rue des Lilas portait bien son nom, mais maintenant, ils peuvent la débaptiser !» Paul Adnot(1)
1. id., 1980
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gauche-haut : Willy Ronis, Rue de Savies depuis la rue de la Mare, Paris 20 , 1947 gauche-bas : Willy Ronis, Au carrefour de la rue de la Mare et de la rue de Savies
Willy Ronis, Chez Victor, 1955 Willy Ronis, Devant Chez Victor
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Histoire d’une place défaite des topinambours aux grands ensembles
Le contexte politique et pensées architecturales
«La tabula rasa qui enfante des objets qui ne parviennent pas à échapper à la solitude.» Jean-Christophe Bailly, 2013, La phrase urbaine, p.106
Paris, après la 2nd Guerre Mondiale, connaît une crise du logement. Le babyboom, les migrations et l’immigration gonflent les chiffres de la capitale. C’est aussi une population toujours plus nombreuse vivant dans des habitations insalubres que la ville ne peut plus conserver. Dès 1945, toutes les forces publiques auront alors pour objectif de moderniser la ville, en accélérant volontairement l’urbanisation(1). Or, la ville déjà dense ne peut accueillir plus de constructions. On décide alors de créer de la place en suivant les doctrines hygiénistes et, ainsi, de démolir pour mieux reconstruire. C’est dans les quartiers les plus vétustes, dont Belleville faisait partie, que l’État va déclencher de grands projets de logements. Cette époque des Trente Glorieuses est la période des courants architecturaux des grands ensembles. L’hygiénisme et le fonctionnalisme en tête, on redessine des îlots entiers de la ville, faisant, le plus souvent, table rase de l’Histoire. C’est « l’architecture du bulldozer », « l’urbanisme du couteau »(2). Cette obsession rationaliste assume une rupture agressive avec le passé, imposant un style d’avant-garde qui cherchera à conquérir l’adhésion du
public par une impression de futurisme(3). C’est bien cette tabula rasa violente, détachée de tout contexte, de toute idée de ville humaine que les politiques de l’époque vont soutenir. Faisant fi des contestations, regardant ces images futuristes et aseptisées de villes ordonnées, zonées, vides, De Gaulle, Pompidou puis Giscard d’Estaing mèneront la rationalisation de la ville avec cette idée de vouloir marquer la ville par le geste architectural. Ils légueront les projets à des architectes vantant l’efficience organisationnelle de la science et de la technique, oubliant l’artistique, le poétique et parfois même le politique, pour enfin éliminer jusqu’au processus même de la création(4). La ville est alors conçue « en termes de modèle », comme « un objet reproductible », « arrachée à la temporalité concrète », «entièrement déterminé et fini»(5). La rue est éradiquée, insalubre et barbare, et la « maladie moderne de l’isolement »(6) apparaît imposant des constructions baignées de solitude, perdues dans des espaces sans but.
1. Jacques Rey, 1998, p.41
3. id., 1965, p.40
5. Françoise Choay, 1965, p.25,57
2. Françoise Choay, 1965, p.34,37
4. Jacques Rey, 1998, p.41
6. Camillo Sitte, cité par Françoise Choay, 1965, p.43
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Otto Hünte, évocation à posteriori (1929) du décor des espaces urbains de Metropolis de Fritz Lang (1926)
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Une éradication inconsciente L’état jeta ainsi son dévolu sur Belleville. Certes, Belleville était vétuste. Les habitations, des immeubles bas ou de petites maisons, bordaient des rues tortueuses d’où l’on pouvait encore apercevoir quelques potagers ou croiser les rares villas napoléoniennes qui avaient subsisté du temps des campagnes. Le quartier est décrit par les autorités de la ville comme dépourvu du charme et du pittoresque de l’ancienne commune. Formé d’un amalgame de bâtiments hétérogènes dans une sorte de banlieue mal desservie(1). À l’époque, environ 9600 personnes habitaient les environs de la place des Fêtes, composée alors de quelques 340 immeubles. De nombreux artisans occupaient les rez-de-chaussées, où l’on retrouvaient également les cafés et cabarets du quartiers. Quelques établissements industriels étaient aussi présents, notamment de petites usines de vêtements et de chaussures. Les habitants étaient conscients de la vétusté de leur quartier, mais ne le considérait pas perdu comme la ville venait de le décréter. La décision de raser le quartier de la place des Fêtes se prit sans considération aucune des volontés de ses habitants. Aucune étude considérant les fondements sociaux et économique du quartier ne fût menée.
En montant la rue des Solitaires en arrivant au pied des immenses barres construites sur ce qui fut la place des Fêtes, il est évident que les gestionnaires de la domination avaient un compte à régler à Belleville. L’aberration architecturale, le souci de rentabilité ne suffisent pas à expliquer une telle brutalité [...]. Éric Hazan, 2002, L’invention de Paris, p.276 1. extrait du rapport de l’Inspecteur de Finances de 1962, cité par Marie Chaize, 2014, p.56
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gauche-haut : Une cours d’îlot gauche-bas : Une maison face aux nouveaux immeubles François Lartigue, Vieux Belleville, 1966
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Histoire d’une place défaite des topinambours aux grands ensembles
Qui transforme fondamentalement le quartier De fait, il apparaît que ce sont des considérations purePlus de 500 artisans disparurent, près de 200 boutiques ment économiques qui poussèrent l’État à entreprendre le furent détruites et les quelques usines fermèrent. chantier. On peut lire ceci dans le rapport de l’Inspecteur Le projet, qui s’inscrit en rupture total avec le passé de des Finances : « Sans faire apparaître de surpeuplement la place, ne respecta aucun parcellaire historique. Les inquiétant, d’insalubrité généralisée ou de dévitalisation immeuble, de grande hauteur qui y furent édifié furent économique,[ces parcelles] justifient pour l’urbaniste un placé, comme arbitrairement sur le site, éradiquant des réaménagement radical dans la mesure où elles accusent rues, en recréant d’autres et s’appliquant à faire dispaune occupation aussi mauvaise qualitativement que raître tout sentiment d’espace public. Ce fût un choc quantitativement d’un site privilégié qu’il serait de l’intérêt violent pour les habitants du quartier qui général de rendre à virent leur environnement disparaître. Le pro«Ça a commencé avec les types qui sa vocation normal et ont commencé à prendre les métrés, les jet, lequel fut très mal communiqué, fit l’objet d’utiliser mieux »(1). de plusieurs modifications, laissant toujours géomètres. Mais les gens du quartier C’est la SAGI (société les habitants dans l’incompréhension. Aucune ne savaient rien. [...] Puis après, on a anonyme de gestion concertation n’eut lieu, ce chantier, qui pris fin vu arriver les engins avec leurs grosses immobilière), créée par boules d’acier qui abattaient les murs. Ça vers 1970, fût simplement imposé à la populala Ville et la Société de nous a fait mal au ventre.» tion qui déserta alors en partie le quartier. Paul Adnot(2) banques Immobilière Constructions de Paris pour remédier à la crise du logement qui obtint la maîtrise d’œuvre du projet. Le début du réaménagement du quartier de la place des Fêtes débuta en 1957 en commençant par l’acquisition, par la SAGI, des terrains privés. La société tenta, autant que possible, de traiter à l’amiable, afin de de conserver une « bonne entente » avec les habitants du quartier qui commençaient à contester de plus en plus le projet. S’en suivit un relogement massif. Environ 7000 personnes furent déplacées, pour la majorité, à l’extérieur de la ville. Seules 200 familles furent au final reloger dans le quartier. Les environs de la place des Fêtes furent entièrement rasés. À l’origine, le projet devait s’étendre sur un territoire plus vaste. En raison de la présence de nombreuses carrières aux environs de la place, et donc d’un sol très instable, le projet fût réduit aux limites que l’on 1. id., 1962, p.62 2. Interviewé dans la revue ancien parcellaire connaît aujourd’hui. Quartier libre n°007, 1980 64
photographie aĂŠrienne, 1949 photographie aĂŠrienne, 1992
photo prise lors du chantier, 1971
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En image Ce projet et la façon dont il fût mené n’indigna pas seulement la population du quartier. Des films furent réalisées discutant de ce réaménagement en perspective avec la société du moment, le développement des nouvelles technologies comme la télévision, l’évolution des mœurs et habitudes de vie de plus en plus sédentaires, ou encore la brutalité des politiciens face à une population de quartier ou la perte de tout art et humanisme architectural. Ces films présentent, entre autres, des images du chantier. Permettant de prendre conscience de l’ampleur des démolitions et de la violence du projet.
Quand on sortait du métro tous les gens s’arrêtaient et regardaient, et comptaient les étages en espérant chaque jour qu’ils s’arrêteraient. Paul Adnot(1)
«C’était la place du village, le centre, le nombril. Maintenant il n’y a plus rien. On n’a même plus vraiment le droit d’y aller. Il reste peut-être un peu de gazon et quelque fusain pour les enfants.» René Barjavel(2) 1. id., 1980
2. citation extraite de l’émission Les Copains d’abord, 1975
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page de gauche : Michel Fugain, Claude Couderc et René Barjavel dans l’émission Les Copains d’abord page de droite : Documents filmés en 1972-1973 lors de la rénovation de la Place des Fêtes de Paris 19°
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une carte postale avant les travaux
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photo du coeur de la place après les travaux, 1990
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Histoire d’une place défaite les origines de la rupture Les effets sociaux ou l’immortalité du village La naissance des associations
Bien que le projet engendra un changement profond
petit local où elle pu établir ses quartiers. Là, la bataille dans l’aspect social du quartier en amenant des milliers pour que la place des Fêtes ne devienne pas « un désert de nouveaux habitants et en éradiquant de nombreux de béton » commença.(quartier libre cf en dessous). lieux de rencontres, un air comme de solidarité villageoise L’association regroupa plusieurs dizaines d’habitants. Le persista toutfois. local était souvent occupé, vivant, abritant événements Il faut croire que Belleville restera un quartier et retrouvailles. Des stands étaient également tenus dans contestataire quoi qu’il arrive. les rues pour informer «[...] c’était comme de se retrouver devant tout Les premières mobilisations la population, questionprirent ainsi la forme d’une lutte ce qu’on déteste le plus, le phallocratisme [...], ner, mobiliser. La Ville organisée contre la Ville et avec la lâcheté, la magouille , le fric, tout un monde n’entendit rien et, dix ans qui n’est pas le notre, qui ne le sera jamais. l’appui de certains élus locaux, plus tard, le bâtiment de Et on se sentait complètement impuissantes.» pour contester les rachats de l’association fût démoli terrains aux prix dérisoires que sans annonce préalable. Michèle racontant sa rencontre avec les auteurs de proposait la SAGI à l’approche Cet événement ne la démolition sur les décombres des démolitions. Ces protestastoppa pas les avancées de la Maison de quartier(2) tions n’eurent aucun autre effet associatives pour autant. que de d’allonger considérablement la durée des travaux. Ainsi, PFA continua ses actions et appuya de plus Mais les premières associations revendicatrices étaient belle sa demande de maison de quartier. Pendant le nées. Furent également créées des associations luttant chantier, bien que la population fut comme étourdis contre le chantier, « table rase de tout un quartier […] qui par l’ampleur des travaux, de petites initiatives furent aurait pour effet de scléroser la vie économique, […] de prises, comme un « terrain d’aventure », terrain laissé faire de ce quartier une zone morte »(2). libre pendant les travaux et occupé par les habitants En 1965, ce sont aussi les premières demandes présenqui y organisèrent un jardin et divers événements, tées à la ville pour une maison de quartier et la création aussi longtemps que le chantier le leur permit. de l’association qui lui est liée : Place des Fêtes Avenir En 1982, Jacques Chirac, alors maire de Paris depuis (PFA). C’est au 9 rue de Fêtes que l’association trouva un 1977, instaure la loi PLM. Cette loi, en créant les 1. extrait du rapport de l’Inspecteur de Finances de 1962, cité par Marie Chaize, 2014, p.67
3. ibid
2. Michèle, revue Quartier libre n°13, été 1981, «du 9 ils ont fait table rase...PFA est toujours debout»
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mairies d’arrondissement et les conseils d’arrondissements facilite les discussions entre élus et habitants. Les échanges se font et les discussions aboutissent, en 1987, à la décision du maire de Paris de lancer un concours pour le réaménagement de la place qui, après le projet de 1970, ne satisfaisait pas les habitants du quartier. Chirac prend aussi la décision d’enfin permettre aux associations d’acquérir une maison de quartier, plus de 20 ans après les premières demandes. À cette période, l’association PFA devient l’Association de la place des Fêtes et continue de gonfler ces rangs. Le projet qui est lancé démarre par une concertation
entre les services de la Ville et les habitants du quartier. Cette concertation, extrêmement suivie, aboutit à une liste de demandes devant constituer la base du programme auquel répondra le projet. Un concours, basé sur ce programme, est ensuite lancé. C’est à ce moment que Jacques Chirac prend la décision, de nouveau, de bafouer les demandes des habitants. Les associations sont exclues du jury décisionnel et le projet choisi, celui de l’architecte de renom Bernard Huet, ne répond pas aux demandes établies dans le programme lors des concertations. Le choix de ce projet semble avoir été dirigé par une envie de symbolisme, de geste architectural marquant la mandature.
Le terrain d’aventure documents filmés en 1972-1973 lors de la rénovation de la Place des Fêtes de Paris 19°
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Un stand de l’Association place des Fêtes avenir
Histoire d’une place défaite les effets sociaux ou l’immortalité du village
Bernard Huet et l’achèvement de la place Ainsi, au début des années 90, la place de Fêtes fut de nouveau transformée. Cette fois, on ne toucha pas aux immeubles. Seule la place, l’espace public, fut remodelé. Huet, qui se plaçait comme l’architecte de « l’achèvement », acheva donc, ironiquement, cette place. Son projet, bien que proposant des réponses architecturales intéressantes et en partie efficaces dans cet espace aux dimensions extrêmes, ne fût pas un succès. Le projet fut assez mal accueillie et, depuis sa réalisation, fait l’objet de nombreuses critiques.
dessin du projet, Bernard Huet photographie aérienne, 1992 photographie aérienne 2004 la place vue du haut d’une tour, 2014
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Au coin de la rue Compans qui est maintenant coupée par la place.
Le kiosque à musique, autrefois centre de la place des Fêtes.
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La station de métro, au coin de la rue des Solitaires.
Le premier cinématographe à l’angle de la rue Compans et du Pré St-Gervais. Ce carrefours n’existe plus.
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Histoire d’une place défaite des topinambours aux grands ensembles
Un village qui résiste encore et toujours...
On tient au passé, mais lui, à quoi tient-il ? Jean-Christophe Bailly, 2013, La phrase urbaine, p.85
Depuis la création des premières associations, le Depuis, la Bellevilleuse est un interlocuteur privilégié nombre d’adhérents n’a de cesse de croître. Chaque de la ville pour toute question touchant au bas Bellemodification du quartier, chaque changement aura ville et l’association reste toujours vigilente. eu comme effet de pousser de plus belle à la mobiliDans le quartier de la Place des Fêtes, c’est d’abord sation. Les Bellevillois, conscient des modifications l’association Place des Fêtes Avenir qui se plaçait en profondes que leur quartier subissaient ont érigé tête des revendications. Relayée dans les années 80 la vie sociale au rang de phénomène à préserver par l’association Place des Fêtes. Leur combat était en priorité. Le quartier de la place des Fêtes ne fut d’abord dirigé par la volonté d’obtenir la Maison de d’ailleurs pas le seul de Belleville à réagir comme quartier. À la création de Place des Fêtes, ses statuts cela à de profondes restructurations. C’est toute sont rédigés ainsi : la transformation du bas Belleville, aux abords du «Vouloir mettre en œuvre tous les moyens en son Boulevard de Belleville où il y eu, là aussi, table rase et Ce premier numéro de «Quartiers Libres» est une tentative et un espoir. [...] Nous avons tours, expropriation et abus ressenti le besoin de ce journal, sa nécesdécisionnel, qui engendra des mouvements associatifs. sité, son urgence dans un quartier où nous voulons vivre et pas seulement «habiter», Comme à place des Fêtes, de nombreuses associations comme s’il n’était plus que deux chiffres de lutte virent le jour à cette d’un code postal. Et ce besoin, nous l’avons senti partagé par beaucoup. époque. La plus connue, la Bellevilleuse, naît en 1989 Quartier libre n°000, juin 1978 pour combattre l’éradication d’un quartier. Cette association, qui représente maintenant l’un des symbole de la mobilisation la couverture du numéro 62-63 de la revue Quartier Libre bellevilloise, réussit, en partie, à sauver son quartier. 76
pouvoir pour favoriser l’établissement d’une maison de quartier ouverte à tous et le moment venu participer d’une façon active à sa gestion en relation avec les autorités et les autres associations ». L’obtention de cette maison marquera un tournant dans la vie des associations. Mais aujourd’hui, cette maison qui n’est, en fait, qu’un petit local au pied d’une tour, n’est plus adéquat pour les usages des associations. Ce ne sont plus seulement des associations revendicatives qui illustrent le paysage associatif du quartier, mais une multitude de regroupements aux buts divers, allant de chorales à l’organisation de randonnées en passant par le théâtre, l’écriture ou les arts plastiques. La Maison de la Place des Fêtes, qui représente ce collectif d’association, est ainsi devenue bien trop petite et les habitants demandent alors, à nouveau, qu’on leur permette d’accéder à un lieu à leur dimension. C’est entre autre par le journal associatif Quartier Libre que les associations expriment leurs envies et leurs avis. Ce journal, dont le premier numéro parut en 1978, fut créé par la volonté des habitants en ne reposant que sur des dons d’associations. Ce « Canard de Belleville et du 19è » permet de retracer 50 ans de mobilisation, mais également de nostalgie ou
de désillusion. On y lit les déceptions des habitants mais aussi leur regain de motivation, des visions de leur quartier et leur réaction aux grands projets parisiens. L’édition papier s’est arrêtée en 2008, avec 106 numéros édités, mais le journal continue de paraître sur le site internet de l’association La vie des gens et est actuellement soutenue par le Conseil régional d’Île-de-France. Aujourd’hui, c’est l’association des Amis de la place des Fêtes qui tient la veille architecturale liée au devenir de la place. Le projet de Huet ayant profondément déçu les habitants du quartier et n’ayant pas réussi à répondre à ses besoins de dynamisme commercial et, simplement, d’espace public agréable, accueillant et attirant, cette association s’est créée afin de réunir des personnes motivées et attentives à la cause de cette place pour laquelle la bataille continue.
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60 ans après... 2014, près de 60 ans après le début des modifications qui ont transformées entièrement le visage et l’organisation sociale du quartier. Malgré les luttes et les regroupements associatifs, la Ville a enchaîné les décisions désastreuses, menant le quartier et la place des Fêtes vers une organisation urbaine loin de leurs besoins. La place et son quartier proche présentent ainsi de nombreuses aberrations architecturales et illogismes. C’est un lieu difficile à appréhender, pour celui qui n’y vit pas et difficile à s’approprier pour celui qui y vit. Malgré des défauts architecturaux certains, le quartier présente toutefois des qualités à relever, pouvant devenir des opportunités pour de futurs projets.
«[...] la métropole a cet attrait supplémentaire, qu’au travers de ce qu’elle est devenue on peut repenser avec nostalgie à ce qu’elle était.» Italo Calvino, Les villes invisibles, (1972) 1996, p.39
la place en 1909
la place en 1990
la place en 2014
photographie aérienne, 1949
photographie aérienne, 1992
photographie aérienne, 2004
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Histoire d’une place défaite les origines de la rupture Une place qui ne fait plus place, les effets architecturaux de la tabula rasa
Confrontations architecturales
Ce qui m’a arrêté sur ce lieu, ce qui surprend tout
l’inconscience des constructeur atteint son apogée. Une suite de cinq tours d’habitation, perchées sur une dalle pauvre et violente, font face à la Mouzaïa. La Mouzaïa, ce bout d’architecture de campagne ouvrière dans Paris. Cette belle et élégante réponse aux demandes de logements, ayant réussi à jongler entre besoin de densité et de fragilité du sol dû aux carrières sous leur pieds. Ces allées droites où l’on descend en tentant de percer à travers les grilles et les arbres pour apercevoir un bout de maison, un soupçon de jardin des quelques personnes aisées qui vivent là. Maintenant, ces maisons ont des voisines bien envahissantes. Les cinq tours de la dalle Compans les regardent intensément, leur cachent le soleil et créént, dans la rue de Bellevue qui sépare ces deux monde, une sensation d’entaille.
d’abord, ce sont ces tours. Des tours hautes, visibles de loin et omniprésentes de près. Ces tours qui ont rompu avec le bâti historique parisien. Côtoyant des immeubles de 5, 6 étages en brique, aux toits de zincs, balcons et cheminées. Les tours viennent les écraser, les toiser, les surplomber enfin de toutes leur hauteur dès les rues alentours. Elles s’annoncent de loin, signifiant un lieu différent, représentant la place. La ville devient lâche. Elle s’évapore au sol pour s’étendre à la vertical. C’est dans le ciel, face à nous qu’est la densité. Au sol, il n’y a plus grand chose, juste de l’espace. De l’espace, pas des lieux, de l’espace indéfini qu’on voudrait appeler nappe de parking, espace vert ou rampes d’accès. Autant de mots stériles pour parler de lieu stériles. Au nord de la place, la confrontation s’accentue. Ici, 80
bâti typique parisien
reconstrucion des années 70
quartier de villas
les différentes typologies de constructions qui se côtoient dans le quartier
le bâti typique - rues étroites et petits immeubles, cours intérieures et parcelles serrées et irrégulières regroupées en îlots. la reconstruction - rues larges, tours hautes et étroites, bâti peu dense, maillage lâche et isolement des parcelles. quartier de villas - rues rectilignes et généralement piétonnes, alignement régulier de petites maisons, parcellaire filaire et très dense
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Confrontations architecturales Ce n’est pas uniquement une confrontation de hauteurs, de densités ou d’organisation au sol qui se joue ici, mais également un conflit d’esthétique. Une rencontre de trois époques, un entrechoquement d’utopies. D’abord, c’est ce bâti parisien typique en brique et pierre de taille que l’on voit. Les façades élégamment travaillées arborent souvent de faibles décrochés et quelques balcons plus imposants. Construits aux alentours de la deuxième moitié du XIXè siècle, ces immeubles sont un humble écho à l’architecture haussmannienne plus imposante des quartiers centraux Les maisons de la Mouzaïa, qui datent de la fin du XIXè siècle, ont été construites pour la population ouvrière du quartier. Majoritairement d’un étage, elles sont de modénatures assez simples. Enduit clair, toit de brique, petit
auvent au dessus de l’entrée, petites fenêtres et entrées étroites. Malgré cette simplicité architecturale, le nombre de maisons et les petites différences de couleurs ou de dimensions qu’elles conservent, créent des rues animées et loin de toute monotonie visuelle. Enfin, les tours et barres d’habitation. Blocs massifs, réguliers, lisses. Même si de faible tentatives de recherches d’esthétisme se laissent apercevoir, ce sont des façades trop lisses et uniformes que l’ont rencontre ici. L’égalité du logement a abattue la différence, tous les étages sont les mêmes, toutes les façades sont identiques. Quelques touches de couleurs éteintes alternent parfois avec les fenêtre qui ressemblent plus à de simple percées dans les murs. La régularité de ce paysage s’impose comme un fond omniprésent, déployant sa médiocrité sur tout l’espace qui l’entoure.
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Rue des Fêtes, les tours de la place des Fêtes toisent déjà de haut les immeubles.
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Rue de Bellevue. À gauche les cinq tours Compans, alignées et semblables, à droite, les villas de la Mouzaïa.
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa
La place des Fêtes, comment ça s’organise ? Sur la place des Fêtes et dans les quelques rues qui la jouxtent, c’est l’esthétique des tours, cette utopies ratée du fonctionnalisme qui prône. Nous y retrouvons donc l’illustration des grandes règles qui l’ont dirigée : division des usages, hégémonie de la voiture, table rase du passé... Bien que Huet ai tenté
d’y amener un achèvement artistique, la place est aujourd’hui un lieu inadapté à la vie qu’elle accueille. Par une dissection architecturale des espaces et de ce qui les composent, je propose de cerner les principaux défauts, mais également les qualités et opportunités qui constituent ce lieu.
Les deux côtés d’un panneau informatif, à l’une des entrées de la place. Le plan est quelque muet.
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SOCLE
OBJETS
RÉSEAUX
EFFETS
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa SOCLE Le socle, ce sur quoi repose la vie urbaine, mais aussi les immeubles et la nature de ces espaces. Sontils publics, privés, accessibles tout le jour et toute la nuit ? Comme décrit précédemment, le maillage lâche des tours d’habitation crée à leur pieds de l’espace «libre». Ces espaces informes et compliqués sont, pour la plupart, privés. Parking ou accès, tentatives de jardins ou de cours. La majorité n’a aucune valeur 0
esthétique ni sociale. Sortis de ces lieux résidentialisés, les rues et la place, l’espace public, sont vastes. Quelques emprises privées, propriétés de tours ont été offertes à la gérance de la ville et sont donc publiques, d’autres espaces, pour cause d’organisation technique des souterrains sont inaccessibles. Les jardins publics, quand à eux, sont régis par les horaires des squares de la Ville de Paris et sont donc clos dès le coucher
du soleil. Enfin, plusieurs tours sont posées sur de larges socles regroupant divers usages. Ces socles, qui débordent donc la surface bâtie des tours, créent des terrasses inaccessibles au public et inutilisées. Ces dalles, qui nous surplombent parfois de plusieurs mètres et le parkings souterrain construit sous la dalle compliquent encore l’étagement du quartier qui évolue en pente douce vers l’ouest.
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espaces publics espaces publics semi-accessibles espaces publics inaccessibles espaces privés gérés comme espaces publics espaces privés terrasses inaccessibles bâti
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La rue Compans, coupĂŠ par la place est maintenant en partie couverte aux abords de la place.
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Un accès vers la place peu engageant. On passe entre les tours en montant depuis la rue Augustin Thierry.
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emprise du parking souterrain
dalles
pleine terre
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa RÉSEAUX La place des Fêtes et son quartier sont largement irrigués en accès carrossables. Neuf rues s’orientent ainsi vers la place créant plusieurs carrefours plus ou moins vastes. Vaste est également le mot qui pourrait être employé pour décrire la voirie qui encercle la place. Ainsi, ces rues aux largeurs plus que généreuses permettent d’écouler un trafic assez faible et 0
les passages piétons, peu nombreux, obligent les marcheurs à des détours. Aux carrefours, ce sont des suites d’îlots refuge que l’on peut observer. Les traversées deviennent alors complexes et longues et les espaces créés sur ces îlots n’ont aucun usage. On les orne stupidement de banc et garage à vélo pour remplir l’espace et on y impose des
toilettes publics et des poubelles pour s’assurer qu’ils ne soient pas agréables à l’œil. Tout cela n’a pour effet que de compliquer les accès vers la place et d’empêcher tout lien direct avec les bâtiments qui l’entourent. La priorité est, bien sûr, donnée à la voiture, le piéton doit donc s’accommoder de ce qu’on lui permet de faire.
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voirie
îlots refuges
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Depuis la rue du Pré St-Gervais, il faut traverser trois fois pour atteindre la place.
Les voiries sont largement surdimensionées par rapport à l’usage qui en est fait.
Les carrefour sont rendus complexes par des répétitions l’îlots refuge qui créent des espaces sans qualifications et inutilisés. On vient même à y installer des bancs ou des toilettes publiques.
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa OBJETS Végétation Assez étrangement et contrairement à ce que l’on perçoit quand on marche à travers ce quartier, la place des Fêtes est un lieu assez généreusement planté. Des tilleuls viennent accompagnés les habituels platanes des rues et quelques jardinières sont alignées le long des façades. Plusieurs squares publics sont répartis sur et autour de la place et de 0
nombreux espaces privés plantés ainsi que quelques jardins associatifs participent de cette masse végétale. Malgré cette présence importantes de végétaux, on constate bien vite qu’elle n’est pas significative. Tout d’abord, les nombreux squares et espaces privés n’ont aucun lien les uns avec les autres. Aucune liaison n’est présente entre public et privé,
sectorisant ainsi la végétation. Le square Monseigneur-Maillet, sur la place, est également contradictoire. Au moment de la transformation du quartier, le square, qui était en fait l’espace de l’ancienne place, fut réaménagé. Le kiosque, qui perdait alors sa centralité, s’est retrouvé entouré de pelouses inaccessibles et de vastes jeux pour enfants. Clos par de hautes
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squares jardins associatifs espaces verts privés espaces plantés inaccessibles
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Quelques arbres qui viennent chatouiller les façades des tours au fil des saisons. Ici des tilleuls et un ginkgo biloba.
grilles, ce square, malgré ses six entrées, n’invite pas à y flâner ou même à le traverser. Les arbres alignés sur la place questionnent également. Ils ont été, pour la plupart, plantés à la rénovation des années 90, pour le projet de Bernard Huet. Ce dernier a ainsi voulu réaffirmer des axes sur la place, créant alors des mails plantés. Or, ces mails
n’ont pas de logique spatiale et ne sont pas positionnés sur des axes structurants. Le résultat est qu’ils brouillent plus qu’ils ne redessinent l’espace. Cela dit, il faut noter que cette densité végétale est une richesse à conserver. De nombreuses essences dans le square sont intéressantes et, simplement nécessaires comme représentant naturel des saisons
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et des changements dans le temps, dans un lieu si urbain et figé. Les arbres sont aussi nécessaires dans le sens où ils permettent également d’atténuer la présence des tours grâce à leur hauteur et la masse de leur feuillage.
Passage étroit entre les entrées du parking souterrain. Cen entrées ont été comme camouflées par des arbres et un jeu ingrat de pelouses et de haies.
À l’automne, les nombreuses feuilles dorées qui tombent sous les arbres des mails créent, pendant quelques jours, une atmosphère rappelant presque celle d’une forêt clairsemée.
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Le square a été aménagé d’une façon surprenante. Peu de pelouses sont accessibles et nombreuses sont celle qui sont grillagées. Les arbres y sont répartis sans trop de logique ou d’effets apparents.
L’un des mails de Huet, censé structurer l’espace de la place, mène droit sur une pharmacie. Il coupe les passages qui nous permettent d’arriver par le sud et accroît ainsi l’effet de fermeture.
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa OBJETS Édicules La place des Fêtes est également parsemée d’édicules. De petits monuments historiques ou non, fonctionnel ou non. Le plus ancien est le regard de la Lanterne. Actuellement entouré du petit square de la Lanterne, au sud de la place, ce regard, qui donne accès aux eaux de Belleville, fut construit à la fin du XVIè siècle. Il représente, avec le kiosque du square Monseigneur 0
Maillet, un petit bout de patrimoine historique. Deux autres constructions ont également un certain intérêt. Ce sont les deux entrées de la station de métro de la place de Fêtes. Outre leur intérêt fonctionnel évident, ces deux stations, reconstruites en 1935, présentent un design particulier qui leur confère une certaine élégance par leur style Art déco,
unique dans Paris. Mais les édifices qui, finalement, marquent le plus le paysage de la place sont les constructions datant des réaménagements. Ainsi, on trouve sur l’espace centrale une fontaine, un long auvent ainsi qu’un abris et, au centre, la pyramide.
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station de métro
édicules
kiosque et regard de la Lanterne
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La pyramide de l’artiste Zoltán Zsakó fut édifiée au centre de la place pour cacher la sortie de secours du parking qui s’étend sous la place. Aujourd’hui, elle peine à symboliser la centralité de la place et son état de délabrement lui confère un aspect affligeant.
La fontaine de Marta Pan ainsi que l’abri de Huet échouent tous deux dans leur tentative «d’habiller l’espace». La fontaine qui complexifie encore le calepinage n’est jamais utilisée comme jeu et l’abri sous lequel un unique banc est installé est toujours déserté.
Une des entrée de la station de métro. La nuit, les inscription s’éclairent, habillant ainsi l’édifice de lumière graphique. Depuis que le square est grillagé, l’on trouve d’étranges espaces étroits et inhospitaliers entre les limites du square et les entrées du métros.
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Le kiosque à musique, autrefois centre de la place, se retrouve maintenant cerné par les grilles du square et surplombé par les tours.
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Le regard de la Lanterne est visible dans le square qui porte son nom. À l’extérieur de la place, il est un peu oublié, entouré, lui aussi, de hauts immeubles.
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hauteur symbolisme On ne sait pas bien ce que représentent tous ces petits monuments. Certes, ils attirent l’œil et le détournent momentanément des tours mais ils ne dépassent guère leur position d’objet.
utilité Fontaine, abris, accès, ils ont des utilités mais semblent déconnectés du lieu qui les entoure. Détachés, seuls, leur intérêt est contesté.
Ils viennent côtoyer la hauteurs des tours, les aidant alors à découper un horizon déjà largement disparu. Nous sommes pratiquement au point le plus haut de Paris, mais l’on ne voit rien. La rue de Bellevue ne l’est plus, les tours se détachent sur le ciel qui, parfois, rencontre ces édifices en les enveloppant d’une épaisse brume.
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masse matériaux Peu de couleurs, du béton, du métal noir, du marbre gris. Un peu de peinture couleur...saumon ? Où est la lumière ?
La place semble comme taillée dans une masse uniforme et ennuyeuse qui nous entoure, nous cerne, et nous observe. Nous épie même de ses milliers de fenêtres qui s’allignent en cadenc. Régulières elles aussi, ennuyeuses elles aussi. Tout s’éfface devant cette présence massive que l’on peine à quitter des yeux.
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa Vieillissement accéléré C’est aussi un mauvais état général que l’on peut remarquer. Sans parler de la dégradation avancée de la pyramide, c’est toute la place qui vieillit disgracieusement, On croise souvent des barrières, des grilles, des bandeaux, nous empêchant de marcher où l’on veut, sur la place ou dans le square, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Plusieurs coins et recoins de la place sont aussi totalement délaissés. Sans usage apparent, ce sont simplement des bouts de béton où s’accumulent les tags et les pubs, les déchets et les crottes de chiens.
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa
Dans le brouillard... Quand les jours sont gris et que le brouillard vient à s’abattre sur la ville, l’épaisse toile blanche du ciel descend alors jusqu’à rencontrer les tours. Leurs sommets se perdent dans la brume, là-haut semble un autre monde.
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La place vécue, aujourd’hui les effets de la rupture
Le soleil et la lune «Il pleut doucement, la nuit est venue.»(1) Les tours plongées dans le noir ne sont plus aussi préCette phrase de Paul Claudel, simple et paisible, sentes. On les devine certes toujours mais leur aspect pourrait décrire la Place des Fêtes quand le soleil, devient plus délicat. Un jeu de lumières se lit sur leurs couché, laisse place à la lune. Quand la pénombre façades entre fenêtres éclairées et fenêtres sombres de la nuit estompe un peu la masse des tours et et les quelques lampes ainsi allumées qui, inconsciemque les lampadaires ment, nous donnent un aperçu de la vie qui «Le soir c’est magique. On a baignent la place se cache dans ces immeubles, nous rassurent plus l’impression d’être dans d’une étrange lueur alors de savoir que ces tours ne sont pas tout à le 19è, y a des lumières et tout.» orange. Cette lumière fait inhumaines. presque chaude des Parfois, quand s’y prête l’heure et que le soleil (2) témoignage éclairages redessine décide de baigner enfin de sa lumière dorée alors un lieu peut-être plus abordable. Omettant les la place des Fêtes, la lumière chaude qui se déverse façades des tours et le désert central de la place, la alors sur ces lieux réconforte un peu le marcheur. Elle lumière nous guide en concentrant la vie en quelques colore les façades, habille la pyramide et ramène les points. La pyramide s’illumine, hypnotisante, et l’abri teintes claires et légères qui manquent tant ici. au banc unique nous inviterait presque sous lui. 1. Paul Claudel, «Ville la nuit», extrait de Connaissance de l’Est dans Les poètes et la ville, une anthologie, 2006
2. témoignage d’un jeune du quartier recueilli par Charlotte Bienaimé, émission Les pieds sur Terre, 2014, France culture
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Histoire d’une place défaite les effets architecturaux de la tabula rasa
Effets
Étrange endroit que celui de la place des Fêtes, accueillant tant de monde mais semblant si vide à la fois. Souffrant simplement d’une architecture irréfléchie, construite pour détourner les habitants de leur ville, de leur voisins, de leur quartier. Difficile de cerner cette place et d’y pénétrer même. Seules l’entrée sud, face à la rue du Pré St-Gervais et l’entrée nord face à la rue Compans, nous invitent timidement à franchir les limites de ce lieu. Partout ailleurs on se heurte aux tours, on se confronte à
des passages trop étroits et inaccueillants, semblant vides de toute animation. Il est aisé, alors, de ricocher sur ces murailles. Mais les rues qui encerclent la place ne sont pas plus avenantes. Et si l’on se retrouve toutefois au centre de cette place, ces murailles produisent aussi leur effet. Pour peu que l’on ne connaisse pas bien les lieux, s’y retrouver est un petit défi. Pas de signalétique, des tours identiques, et des rues qui s’échappent de la place, lointaines et à peine visibles.
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La place vécue, aujourd’hui les effets de la rupture
La place vécue, aujourd’hui les effets de la rupture Les placedesfêtois
Victor locuratolo, Hauteurs de Belleville, 2013
Un quartier d’immigration
Belleville, quartier populaire, Belleville nouveau quar-
spéculation immobilière sera tardive, cette population ouvrière sera donc largement représentée jusqu’au grands travaux qui sévirent là au XXè s. Pendant ce siècle, Belleville connut plusieurs phases d’immigration. La première Guerre Mondiale suivie de l’entre-deux-guerres provoquèrent d’abord l’exode des Ashkénazes et Arméniens. Après la seconde Guerre Mondiale, le quartier accueille l’immigration maghrébine. Les années 60 marquent le début de l’arrivée des juifs venus de Tunisie puis des asiatiques. Les Chinois immigreront en masse pendant les années 80 qui marquèrent également le tout début de l’exode vers l’est de Paris des « bobos » ou, comme on l’appelle maintenant, de la gentrification du
tier bobo, Belleville quartier sensible ou trop cher, on ne sait plus bien. Le fait est que Belleville est un mélange de tout cela. Depuis plusieurs siècles, ce quartier accueille les populations venues de classes, de milieux et de pays très divers. Dès les origines, le village de Belleville abrite les opposés. De fait, entre les maillages de champs et les fermes, se trouvent quelques résidences de campagnes de parisiens fortunés. Au XIXè s., c’est l’exode ouvrier. Chassée du centre de la capitale par les travaux d’Haussmann, cette population moins aisée va venir s’installer dans les provinces voisines de Paris comme Belleville. Dans ce quartier, la
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Quelques chiffres sur les habitants ménages famille : 52% ménage seul : 43%
Paris : 44% Paris : 52%
ancienneté 10 ans et + : 46% 5 à 9 ans : 29% 2 à 4 ans : 19% - de 2 ans : 10% logements sociaux place des Fêtes : 36% Paris : 33% La place des Fêtes est également un quartier qui se distingue par l’importance du nombre de familles qu’il abrite et l’ancienneté de ses habitants et dont le nombre de logements sociaux est au dessus de la moyenne parisienne.
Chiffres tirés de l’étude de C. Garin, R. Hakim et A. Oddoux, Des villas de la Mouzaïa aux grands ensembles de la place des Fêtes : quelle articulation des quartiers entre eux ?, 50 pages
Une épicerie orientale sur la place des Fêtes.
quartier. Cette « ruée vers l’Est »(1) des classes aisées des arrondissements centraux de Paris est expliquée en partie par les loyers plus accessibles mais également par l’attrait de cette population pour un quartier aux aspects de village. Ainsi, Belleville est une terre d’accueil pour de nombreux immigrés venus de tous les pays. Ces installations successives et étalées dans le temps ont permis le développement progressif de multiples lieux communautaires, de commerces ethniques et de lieux de cultes. Belleville est devenue alors un symbole de quartier pluriethnique. Mélange cosmopolite, c’est un « raccourci de village planétaire »(2). Au regard de cette richesse populaire, on pourrait s’inquiéter
de cet exode «bobo» et des méfaits connus de la gentrification d’un quartier. Or, il faut souligner que Belleville et, notamment, le quartier de la place des Fêtes, est un lieu où les logements sociaux et les HLM sont présents en grand nombre. Cette particularité devrait persister encore longtemps, ainsi logements sociaux et villas comme l’on en trouve dans la Mouzaïa cohabitent ici, illustrant parfaitement le mélange des populations et des revenues du quartier. Ce mélange ethnique n’a pas terni la dynamique villageoise si propre à Belleville. Au contraire, elle en serait même renforcée par la multiplication des pratiques communautaires qui se juxtaposent et l’absence de conflits entre les différentes nationalités représentées.
1. extrait du titre du livre de Sophie Corbillé, Paris bourgeoise, Paris bohème la ruée vers l’Est, 2013, aux éditions Puf, 304 pages
2. Patrick Simon, «L’esprit des lieux», dans Belleville, belleville, visages d’une planète, Françoise Morier, 1994, p.435
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La place vécue, aujourd’hui les effets de la rupture Où est passée la fête ?
Récapitulatif des usages La place des Fêtes est un quartier très densément peuplé. Ici habitent environ 17 000 personnes, créant une densité de 58 000hab/km², alors que Paris présente une densité moyenne de 27 000 hab/km² ! Or, comme décrit précédemment, cette densité n’est étrangement pas visible place des Fêtes. Cette place qui fût le centre d’un village, l’endroit de regroupement où les bistrots et les guinguettes s’enchevêtraient est maintenant bien loin de la fête. Ainsi, le nombre de commerces y est remarquablement faible : 0,012 commerces/hab, alors qu’il y en avait 0,016 au XIXè s., et que la moyenne parisienne s’élève à 0,028 commerces/hab. La place des Fêtes ne représente pas seulement une rupture architecturale, mais également une rupture socio-économique. Elle contraste fortement avec le quartier qui l’entoure, connu pour sa profusion de pe-
tites boutiques en tous genres et le nombre important de commerces de bouches de toutes les nationalités. À la construction de ce nouveau quartier, très peu d’équipements furent installés, contrairement à ce qui avait été promis par la ville. Peu à peu, ce manque s’est en partie comblé et quelques équipements socioculturels firent leur apparition. Bien que la place usurpe, en quelque sorte, son nom, elle concentre toutefois un certains nombre d’usages. Nous verrons ainsi dans les pages suivantes où se situent les principaux usages que l’on retrouve sur la place et quelles formes, souvent contradictoires, ces derniers prennent.
La rue de Belleville et quelques commerces, au niveau de la place des Fêtes.
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Déplacements, transports et jardins
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300 620
voirie
squares et jardin associatifs
stations de métro
jeux et manège
nombre de véhicules à l’heure de pointe du matin chiffres tirés de l’étude de l’agence AME-Trait Clair
sens de circulation accès parkings
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arrêts de bus
espaces extérieurs privés
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kiosque à musique
passagess les plus empruntés
Équipements, commerces et écoles
0
groupes scolaires
locaux associatifs et socioculturels
équipements et services
futurs équipements socioculturels
commerces restaurants et cafés
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marché
100m
La place vécue, aujourd’hui où est passée la fête ?
Les usages de la place en plein et vide(1)
LE VIDE Comme précisé précédemment, la place regroupe peu de commerces en comparaison à sa surface et son nombre d’habitants. Les quelques commerces présents se répartissent autour de la place, au pieds des tours et à l’abri de galeries plus ou moins profondes et dans les rues avoisinantes donnant sur la place. C’est le cortège de commerces de proximité habituel que l’on trouve ici, mais il existe une particularité curieuse dans leur implantation. Assez ironiquement, ce sont les supermarchés, les banques et autres services qui jouissent de l’exposition au sud, la plus ensoleillée. La plupart des cafés et restaurants
sont répartis au pieds des façades exposées au nord. Bien qu’ils fonctionnent correctement, il est rare, en dehors des matinée de marché, d’y rencontrer beaucoup de monde comme l’on peut en voir à midi ou en fin de journée dans des cafés de la rue de Belleville voisine. Peut-être que cette place si vaste, sans hiérarchie dans ses espaces, impose-t-elle sa présence froide sur ces lieux, détournant les marcheurs pour ne laisser que les habitués en prendre possession et laissant son centre, délaissé de tout usage, toujours aussi vide.
1. D’après le titre de l’étude de Vanessa Leviol, La place des Fêtes (Paris, 19è), le plein du vide, 2010, 57 pages
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Le nord de la place avec le square Monseigneur Maillet ainsi que le square du regard de la Lanterne et le site de l’ancien lycée hôtelier Jean Quarré sont les sites les plus ensoleillés du quartier. Ils sont ici mis en évidences lors d’un ensoleillement maximal d’un 21 juin.
Des commerces sous la haute galerie de Huet. Les enseignes sont peu travaillées mais apportent toute fois un peu de couleur bienvenue.
Derrière quelques jardinières, un opticien et une boulangerie font face à la place. Au fond, caché du soleil quelque soit l’heure, un fleuriste tient sa boutique dans le passage Compans.
Les arcades au nord où l’on trouve notamment le Monoprix, des banques et la poste.
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image créée à partir de l’étude de site de l’agence AME-Trait clair
Le centre de la place, rarement traversé pendant la journée, reste vide.
La place vécue, aujourd’hui où est passée la fête ? Les usages de la place en plein et vide
LE PLEIN Trois jours par semaine, la place fait le plein. Mardi, vendredi et dimanche, le marché colonise les lieux s’étalant de part en part. Si la place n’est pas occupée par des stands, elle l’est par les camions et les voitures des commerçants. On se sentirait presque à l’étroit ! « Oranges bien juteuse un euro le kilo ! », « tout à 5 euros, venez, venez ! », « vous pouvez vous battre, y en aura pas pour tout le monde ! », voilà le genre d’appel que l’on entend au détour des étals, entre les poisons et les marchands de tissus, les primeurs et les babioles. On vend plus ou moins de tout, c’est le grand mélange, autant sur les stands que dans la clientèle. Tout le quartier se retrouve ici, on vient même de plus loin, et tandis que les cabas se remplissent, ce sont les cafés qui débordent enfin. En dehors des journées de marché il arrive que d’autres
événements remplissent un peu la place . Brocantes et vides greniers, petites manifestations, journées associatives ou événements estivaux comme des projections cinématographiques de plein air. C’est pendant ces rares moments de densité sociale que l’on peut embrasser d’un regard la riche diversité ethnique de ce quartier et saisir, au même moment, cette atmosphère invinsible et toujours palpable de village aux proportions maintenant démesurées.
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photographies aériennes de la place sans et avec le marché installé
Photographie d’une brocante, vue depuis une tours, Jean-Claude
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La place vécue, aujourd’hui où est passée la fête ? Les usages de la place en plein et vide
MARCHEURS, PASSANTS, FLÂNEURS Sous les arbres, le long des murs, près du square. Voilà les endroits les plus fréquentés. Les lieux où, même en pleine journée, on peut apercevoir quelques personnes. Souvent, elles traversent la place, se rendant à un magasin ou, plus souvent, à une entrée du métro. C’est autour des deux stations de métro que gravite le plus de monde. Procession pressée sous les mails pour s’engouffrer sous terre. Le centre de la place, comme toujours, est bien vide. Peu de personnes osent s’aventurer seules sur son étendue, seulement occupée par la pyramide. Parfois, on s’arrête à l’abri d’une tour, comme si elle nous protégeait des regards. Les jeunes de la place se
retrouvent ainsi souvent près du passage Compans, au sud. Entre la façade de la tour et les jardinières. Serait-ce l’endroit le plus intime de la place ? De là, en tout cas, il est possible d’observer ce qu’il se passe autour et jusqu’au square. Comme un perchoir avant de se jeter dans la place. Mais les jeunes, eux, ne se jettent pas, ils restent là, à l’abris, en dépit des habitants qui les surplombent.
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La place vécue, aujourd’hui où est passée la fête ?
LA PLACE DES ENFANTS Avec une telle population et tant de familles, il n’est pas surprenant de constater que la place est souvent occupée par les enfants. En fin de journée et les week-ends, le square Monseigneur Maillet déborde généralement d’enfants qui sautent, grimpent et escaladent ses jeux. Le kiosque à musique est aussi pris d’assaut, tout comme le manège qui s’est établi près de la fontaine et devant lequel les parents attendent sagement leurs progénitures. Plus intéressant, c’est souvent l’espace central de la place que les enfants occupent. Bien indifférents au regard que peuvent leur jeter des centaines d’habitants depuis leur fenêtres, ils prennent souvent possession de l’esplanade pour jouer au ballon, faire du vélo ou du roller. Il arrive souvent que les piquets
des stands du marché soient laissé sur place entre deux utilisations. Alors, cet environnement, comme une petite forêt métallique, abrite de plus belle les jeux. On ne rechignent pas non plus à occuper le socle de la pyramide qui devient alors la scène de représentations improvisées. Il faut noter que cette appropriation de l’espace d’une place par les enfants est exceptionnel. L’une des particularité de la place des Fêtes est d’offrir un espace piéton très vaste, loin de tout trafic et donc de tout danger. Le peu de personnes qui traversent les lieux, comparé avec la place de la République, elle aussi largement piétonne, rajoute une atmosphère de proximité et de sécurité toujours propice à la liberté des enfants.
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La place vécue, aujourd’hui les effets de la rupture La place des Fêtes dans le futur
La place des Fêtes, de nouveau en chantier
Grâce notamment à la pression constante des habitants
doute quant au budget qui sera alloué à ce projet. Ainsi, la somme de 35 millions d’euros, pour l’ensemble de sept places, aurait été évoquée. Ce montant assez faible pour l’ampleur et le nombre de ces travaux laisse présager que le budget alloué à la place des Fêtes ne sera pas très conséquent. Il est à craindre que les chantiers des autres places, dont les noms plus glorieux résonnent dans Paris, demanderont une grande part de ces 35 millions d’euros. Les associations et les élus restent donc sur le qui-vive pour veiller à ce que le projet ne soit pas bafoué. Mais le manque de budget laisse malheureusement présager un projet timide qui ne permetra de répondre qu’en partie aux besoins de la place. Ce sont les services de la DVD qui travaillent sur la conception du projet, épaulés par l’agence AME-Trait clair qui continue les concertations et par des appels d’offres pourront être lancés, au cours de l’élaboration du projet, pour des aspects bien particuliers de l’aménagement.
et des associations du quartier, la place des Fêtes est, de nouveau, sur les rails d’un réaménagement. Ce nouveau chantier doucement a commencé en 2010, par le lancement d’une concertation publique dirigée par l’agence AME-Trait clair, elle même mandatée par la mairie du XIXè et les services de la voirie et des déplacements (DVD) de la Ville de Paris. Cette étude s’est développée jusqu’à la fin de l’année 2014 où elle prit enfin un statut plus officiel lors de l’annonce, par le conseil de Paris, du projet de réaménagement de plusieurs grandes places parisiennes. Ainsi, dans le cadre du PIM (projet d’investissement de la mandature), la place des Fêtes fera l’objet d’un réaménagement aux côtés des places de la Bastille, du Panthéon, de Montparnasse, d’Italie, de Denfert-Rochereau et de la Nation. Déjà bien avancée dans l’étude, la place des Fêtes sera la première à entrer en chantier. Bien que cette annonce officielle ait concrétisé ce changement futur, réjouissant les habitants de la place, il crée également un 128
Première page d’un document de présentation de l’agence AME-Trait clair
Image du projet «Le Cube»
Accompagnée de projets socioculturels Ce projet sera accompagné par la création d’un nouvel équipement culturel. L’ancien lycée hôtelier Jean Quarré accueillera ainsi une nouvelle médiathèque dans ses locaux, sur une surface de 2500m², devenant alors la plus grande médiathèque du nord-est parisien. En attendant la réalisation de ce projet, les locaux désaffectés du lycée font l’objet de plusieurs propositions. Une proposition a particulièrement retenu l’attention des habitants et des élus dans le cadre du budget participatif et de de la démarche « Madame la Maire, j’ai une idée ». Cette idée, du collectif Lab-AU, se nomme Le Cube et propose d’utiliser ces locaux pour développer « un tiers lieu dédié à l’agriculture urbaine et à la résilience ». Potager, rucher, serre, jardin partagé, ateliers, verger, constitueraient cette ferme urbaine qui se présente comme un espace d’expérimentation collective et d’éducation. La ville étudie également la possibilité d’utiliser temporairement ces locaux pour accueillir le Théâtre
de Verre, compagnie alternative des arts du spectacles qui prône l’utilisation de bâtiments désaffectés, délaissés, oubliés pour installer à court terme des ateliers de théâtre participatif. Quoi qu’il en soit, il apparaît que le besoin de prendre possession de ces lieux est fortement ressenti. Que ce soit pour un usage ou un autre, les habitants du quartier revendiquent des projets temporaires. Le lycée hôtelier a quitté les locaux de la rue Jean Quarré en 2007. Alors que l’espace libéré est important, avec un terrain de 5500m², il ne fut pas souvent utilisé. Les associations, qui demandent une nouvelle maison de quartier, sont frustrées par cet oubli qui néglige un site aux possibilités d’appropriation multiples. Il en va de même pour des locaux, autrefois utilisés par le lycée Diderot, rue du Docteur Potain, et qui, comme les précédents, sont inutilisés, malgré les larges surfaces qu’ils offrent.
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Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes
Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes schéma faisant partie du masterplan de Yokohama, Japon, 1992, agence OMA, Rem Koolhas
Appropriation et fierté, entre ville et village
Appropriation - le village
La place des Fêtes fut et est encore une place de
sont multiples. Regroupées au cours des concertations, elles forment un florilège d’idées censées guider le projet pas à pas. Mais, à mon sens, trop de détails sont abordés trop tôt, soulevant rapidement des désaccords et menant le projet vers une gadgetisation de l’espace. On se questionne sur la présence de la pyramide, sur l’emplacement de futures « végétalisation » type jardinières ou murs végétaux, on se disperse dans des questions accessoires qui ne changeront pas fondamentalement les bases du projet. Néanmoins, ces discussions font ressortir une tendance commune, celle d’un besoin d’appropriation. Par ces prises de petites décisions à leur porté, les habitants sont comme à la recherche d’illustrations palpables de leur investissement dans le quartier. Or, une réelle appropriation aura lieu si le futur projet, suffisamment réussi, les pousse à continuer à investir
village. Par les usages de proximité qu’elle accueille et même dans sa forme, bien qu’imposante, qui s’écarte des places monumentales, symboliques par leur emplacement et leur histoire. Ici, le timide passé de la place lui a permis de conserver cette richesse d’humanité. Cette discrétion dans le paysage parisien lui soustrait aussi la contrainte de l’image. Pas d’attentes de grande envergure, ni de symbole à maintenir. La place des Fêtes est libre de son évolution, allégée de toutes expectatives. Mais cette liberté qui touche son image de place parisienne est d’autant plus importante que les attentes des habitants, pour leur place de quartier, sont grandes. On veut pouvoir s’y promener, s’y restaurer et y faire ses courses, pouvoir sentir des fleurs voire y jardiner, y amener ses enfants sans danger et y flâner avec insousciance... Les attentes des habitants 132
lisibilité et facilité d'accès
ouverture, attraction et visibilité
la place et à y prendre des décisions. Souvent, une telle mobilisation passe par une fierté réelle de son lieu de vie, poussant à l’améliorer toujours et à l’investir régulièrement. Ici, cette fierté est déjà présente. Les habitants de la place des Fêtes aiment leur quartier, aiment ce lieu et sont fiers, non pas de sa forme même mais plus de ce qu’il représente pour eux. Or, cette fierté ne dépasse pas, dans la conscience commune, les limites de la place. Pourtant, elle voudrait s’en libérer.
un système de réseaux
Cela dit, il ne me semble pas qu’il serait dans l’intérêt de la place de la sortir entiérement de son contexte de quartier. Il n’est pas question, et d’ailleurs sûrement impossible ici, de créer une dynamique telle que celle des places de la Bastille ou de la République. Si la place des Fêtes doit évoquer quelque chose dans l’esprit des Parisiens ce serait précisément l’image d’une place de quartier, vivante, accueillante et ouverte vers l’extérieur, que l’on découvrirait alors à l’occasion d’événements plus ou moins importants qu’elle accueillerait.
Fierté - la ville
Jongler entre usages de proximité et résonance à l’échelle de la ville demande une grande visibilité de l’espace. La place doit être facile d’accès et lisible, attirante et poreuse vers l’extérieur. Tout cela en étant profondément réinscrite dans son quartier. Ainsi, des enjeux à plusieurs échelles se définissent.
Il me semble que les habitants, tout comme les élus de l’arrondissement, ont cette envie de fierté, cette volonté de faire résonner le nom de la place des Fêtes dans Paris. Comme un besoin de redorer son image, de rendre la fête à la Fête. 133
Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes Des nécessités à plusieurs échelles
à Paris Un nom à redorer Point haut de Paris Les eaux de Belleville
dans le quartier Lier la place aux quartiers voisins Inscrire la place dans des réseaux Affirmer le marché
sur la place Dessiner une place facilement appropriable Travailler les formes Relancer le dynamisme commercial Définir une place pour la nature
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à Paris Un nom à redorer - ramener la fête Ce n’est ni par son symbolisme ni par sa situation dans Paris que la place des Fêtes pourrait acquérir un nom plus résonnant qu’aujourd’hui. Ce serait par une programmation événementielle et par les commerces et centres culturels qu’elle accueille et accueillera. En simple, il faudrait relancer la fête. Asseoir la place dans un paysage parisien permettait ainsi d’attirer de l’investissement et de relancer une économie propre au lieu. Encore une fois, il ne s’agit pas d’imposer de nombreux événements de grandes échelles, mais simplement d’offrir un cadre de qualité pouvant accueillir toutes sortes de manifestations et regroupements. Organisée avec les cafés et commerces qui jouxtent la place, la fête permet de maintenir le dynamisme commercial mais, amener la fête sur la place n’aurait pas que des bénéfices économiques.
La fête est également un puissant de la place des Fêtes ». Or, ce qui créateur de lien social. C’est un surprit l’élu ce soir là fut que le moment où les communautés se sentiment d’appartenance à la retrouvent en grand nombres et place s’était propagé plus loin qu’à se mélange aussi entre elles. La son habitude. La cohésion sociale fête, en engendrée rendant «Faire la fête et la faire bien, c’est le par cet évéainsi nement et la résultat du bien être dans sa peau.» visible la fierté de son Michel Fugain(1) richesse succès ont d’un quarpoussé les tier, fixe la solidarité, accroît l’effet habitants à se définir de nouveau de quartier. comme habitants de la place Lors de la Nuit Blanche 2014, Éric des Fêtes. Thébault, maire-adjiont chargé de Politisée, la fête peut également è la culture à la mairie du XIX , a oraider à convoyer des messages, ganisé, dans les locaux de l’ancien sous des formes moins convenlycée Jean Quarré, une manifestionnelles, loin des tables de négotation artistique. Plus de 2000 ciations. Et si les fêtes gagnent personnes se sont succédées ce en renommée, au delà des limites soir là pour découvrir les lieux et du quartier, c’est également une les installations. La plupart des image positive de leur mandature personnes venues des quartiers que les élus acquièrent. proches comme la Mouzaïa, ne se définissent habituellement pas comme étant « du quartier
1. citation extraite de l’émission Les Copains d’abord, 1975
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à Paris Point haut de Paris - signifier l’invisible La place des Fêtes à 122m de hauteur. Après Montmartre qui atteint les 130,5m et Télégraphe les 128,5, c’est l’une des places les plus hautes de Paris. Si on lui ajoute les 84m des plus hautes tours qui s’y trouve, on obtient le plus haut point habité de Paris, et la vue le confirme. Autrefois, la rue de Bellevue était à l’image de son nom. On y surplombait la ville on l’on voyait jusqu’aux campagnes. Aujourd’hui,
on ne voit plus rien d’autre que des maisons et des tours. Après la construction de ces dernières, un passage permettait de traverser la dalle depuis la rue Eugénie Cotton pour descendre rue de Bellevue. On passait sur des terrasses qui nous offraient encore cette vue de Paris. Mais, comme partout dans le quartier, les problèmes d’insécurité que le quartier connaissait alors poussèrent les propriétaire et la ville à résidentialiser les terraces en pied d’immeubles. Elles
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ne sont ainsi plus accessibles au public et, comme sur la place des Fêtes, rien ne laisse deviner que l’on se trouve sur un des points culminants de la ville. Il semblerait ainsi intéressant de signifier cette hauteur, d’aider les passants à appréhender la géographie de la ville, notamment pour comprendre l’importance historique de la présence des sources de Belleville, à deux pas. la vue vers l’ouest depuis une tour de la place, photo de Jean-Claude
à Paris Les eaux de Belleville - une accroche vers l’Histoire Tout comme l’altitude de la place, la présence des eaux de Belleville est aujourd’hui difficilement visible. Le dernier témoin de cette ressource, encore présent aux environs de la place, est le regard de la Lanterne. Ce regard, certainement l’un des plus intéressants de Paris de part son ancienneté et son architecture ronde, se situe actuellement dans le petit square
qui porte son nom, dans la rue Compans. Il se tient, là, comme un monument un peu oublié, étrange voisin de pierres des hautes barres de béton. Rien ne signifie son existence au delà des limites du square, tout comme rien ne rappelle le tracé historique des eaux de Belleville dans le quartier. C’est un oubli progressif de ce qui fut l’un des fondements du quartier.
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Rappeler la présence de cet élément naturel dans ce contexte si éloigné de tout élément organique, dans ce lieu qui a oublié son passé, pourrait aider à redéfinir l’histoire de la place et de son quartier malmenée. Ce serait une opportunité de rappeler ce passé éloigné, fait de campagnes et de vignes, de guinguettes et vergers.
Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes Des nécessités à plusieurs échelles
à Paris Un nom à redorer Point haut de Paris Les eaux de Belleville
dans le quartier Lier la place aux quartiers voisins Inscrire la place dans des réseaux Affirmer le marché
sur la place Dessiner une place facilement appropriable Travailler les formes Relancer le dynamisme commercial Définir une place pour la nature
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dans le quartier Lier la place aux quartiers voisins - le désenclavement de la place La fracture créée par les démolitions des années 70 n’est pas uniquement architecturale. La forme bâtie, l’expression bien sûr la plus évidente de cette séparation, est avant tout le déclencheur d’une fracture sociale et économique. Le quartier de la place des Fêtes semble ainsi tourner le dos à ses voisins. Les liens avec la Mouzaïa, sont quasi inexistants. Architecturalement, la rue de Bellevue se dresse comme un mur auquel les habitants des villas ont choisi de
ne pas venir se frotter. Pourtant, la place et le quartier Jourdain, qui s’étend plus loin, sont les pôles commerciaux les plus proches de la Mouzaïa. Le quartier Jourdain, par ailleurs, n’est pas non plus relié à la place de façon très visible. Les hautes tours appellent les marcheurs depuis la rue de Belleville, mais l’aménagement, peu engageant, des rues, n’aide pas à apaiser cette présence. En s’inscrivant de nouveau dans le rythme parisien par une conti-
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nuité d’aménagement, la place gagnerait en visibilité et donc en attraction, renforçant ainsi son dynamisme économique. Cela passerait par un travail fin du vocabulaire employé, clair et lisible, et par une attention particulière portée aux cheminements piétons et aux traversées. La place pourrait représenter une sorte d’appel élégant, visible de loin, effaçant l’omniprésence des tours qui surplombent agressivement les alentours.
dans le quartier Inscrire la place dans des réseaux - ouvrir les possibilités Autour de la place se trouvent un certain nombre d’équipements. Il y a, tout d’abord, la multitude de petits squares et jardins ouvriers. Ces derniers, plus ou moins fonctionnels, créent tout un réseaux mal connecté de jardins. Il faut bien chercher entre les tours pour les trouver et rien n’indiquent leur présence avant que l’on ne les découvre. L’aspect secret de certains squares comme le jardin Compans ne doit pas leur être enlevé. C’est une richesse dans un quartier où l’on se perd parfois dans de vastes espaces. Malgré cela, un travail de lien végétal ou architectural avec la rue et les autres square, tout comme une connexion avec les jardins associatifs, permettrait de
créer une densité végétale contre balançant l’omniprésence froide des tours et barres d’habitation. Le quartier de la place des Fêtes compte également un grand nombre d’écoles regroupées au sein de groupes scolaires. Ce sont des milliers d’enfants et élèves qui se retrouvent dans ces établissements. Alors pourquoi ne pas utiliser la position centrale de la place et son vaste espace piéton pour y organiser des événements scolaires ? Le quartier souffre d’un manque d’équipement sportif par exemple, l’unique gymnase, rue des Lilas, n’étant pas suffisamment grand. Ne pourrait-on pas alors envisager la place comme terrain géant pour les écoles qui
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viendraient animer cet espace pendant la journée ? À l’inverse de ce mouvement des écoles vers la place, cette dernière pourrait s’étendre au delà de ses limites à la rencontre des équipements socioculturels. Ainsi, il semble incontournable de repositionner le centre d’animation, se trouvant au croisement des rues du Pré St-Gervais et des Lilas, comme partie intégrante de la place. Il en ira de même pour la future médiathèque du lycée Jean Quarré et pour l’ancien bâtiment technique du lycée DIderot, rue du Docteur Potain.
dans le quartier Affirmer le marché - une invitation informelle Le marché de la place des Fêtes constitue l’essence même de ce lieu. Survivant du passé et toujours aussi fréquenté, on y rencontre tout et tout le monde. À l’image des marchés parisiens, anciens et ancrés dans leur quartier, il reflète l’ambiance générale des lieux en concentrant, l’espace dune matinée, un bout représentatif de sa population. Nécessaire aux Parisiens comme source d’approvisionnement en fruits et légumes frais, les marchés semblent survivre à l’avancée des grandes surfaces et trouvent même dans l’agriculture biologique un nouveau terrain d’évolution. Mais les marchés sont également incontournables pour la proximité sociale qu’ils offrent. On s’y retrouve et on y a ses habitudes bien sûr, on écoute les conseils des vendeurs et on
discute dans les files. Pour beaucoup, et pour les personnes âgées surtout, cette opportunité de discussions est nécessaire. Pour les personnes âgées, le marché est d’ailleurs souvent un lieu privilégié pour les courses alimentaires. Elles y trouvent un service attentionné et personnalisé qui n’existe plus dans les grandes surfaces. Aujourd’hui, le marché de la place des Fêtes est installé autour du square Monseigneur Maillet et le long des entrée du parking. L’espace central de la place est, quandt à lui, occupé par les voitures et camionnettes des marchands. L’emprise marché est ainsi relativement importante mais se retrouve comme enfermé dans des limites bien strictes. Ce n’est pas forcément l’augmentation du nombre d’étals qui serait
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ici recherchée, mais plutôt une reformulation du marché pour qu’il puissent accueillir des stands comme des relais associatifs, des stands de petite restauration ou café éphémère, d’activité éducatives... En d’autres termes, offrir plus de liberté au marché, ouvrir ses limites pour inviter d’autres activités à profiter de ces moments privilégiés au sein du quartier. À l’image des marchés de provinces, il pourrait devenir ce lieu où les gens viennent parfois plus pour discuter autour d’un verre de vin que pour faire leurs courses. Les cafés sont déjà remplis sur la place des Fêtes les dimanches matin, et la situation privilégiée de cette place de quartier, largement piétonne, pourrait encore amplifier cette convivialité villageoise.
Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes Des nécessités à plusieurs échelles
à Paris Un nom à redorer Point haut de Paris Les eaux de Belleville
dans le quartier Lier la place aux quartiers voisins Inscrire la place dans des réseaux Affirmer le marché
sur la place Dessiner une place facilement appropriable Travailler les formes Relancer le dynamisme commercial Définir une place pour la nature
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sur la place Dessiner une place facilement appropriable - la place modulable Nous l’avons vu au cours de cette étude, les habitants de la place des Fêtes ont envie d’y vivre. Ils ont envie de prendre possession de ces lieux, de combattre cette intimidante place. Cette dernière concentre déjà un certain nombre d’usages, mais elle est si étendue qu’il est facile de concevoir qu’elle pourrait en accueillir beaucoup d’autres. Marché, jeux d’enfant, commerces, manifestations sportives, regroupement associatif, festivals d’été, concerts, bals... la liste pourrait être longue. Mais, si l’on veut tendre vers un lieu capable d’offrir le décor et le support nécessaire à tout cela, il faut penser « espace modulable ». Des places comme celle de la Bastille ou de la République accueillent beaucoup d’événements. Leur configuration en
grande esplanade dégagée offre cette liberté nécessaire. Or, place des Fêtes, un grand espace dégagé est précisément ce qu’il faudrait éviter. Il faut conserver de la place certes. De la place pour courir, s’étaler, respirer un peu et voir loin. Mais les proportions de cet espace devront être délicatement définies en rapport aux tours pour ne pas, de nouveau, les laisser nous écraser. Un espace modulable donc. Un espace qui offre suffisamment de souplesse dans ses formes et ses limites pour s’adapter aux usages. C’est donc un travail de mobilier, d’agencement et de matériaux vers lequel il faut aller. Mais également un travail fin de hiérarchisation des espaces pour créer des ambiances différentes, parfois tranquilles et intimes, parfois
des commerces
ouvertes et rythmées. Le projet devra conserver une certaine humilité. L’extravagance ne conviendrait pas à une place de quartier. Il devra aussi chercher à simplifier l’expression de certain support d’usage pour les intégrer au mieux à l’ensemble. On pourrait ainsi rappeler que les jeux pour enfants, par exemple, peuvent prendre des formes très variées. Les habituels jeux, construits à la chaîne et installés égard pour le contexte ne sont pas les seules réponses. Comme pour n’importe quel usage, un travail de conception peut offrir une réponse plus fine, directement inspirer du lieu. L’usage de la topographie, le détournement d’objet sont souvent des pistes de départ.
des événements exceptionnels
de la place à investir le marché de la végétation
les enfants 143
sur la place Travailler les formes - accessibilité, visibilité et mise en scène La place des Fêtes souffre aujourd’hui d’un enclavement certain. Recluse sur son îlot, cernée de larges voies difficiles à traverser. Quand ce ne sont pas les rues trop larges, ce sont les tours et les dalles trop hautes, quand ce ne sont pas les tours et les dalles trop hautes, ce sont les arbres et le square trop incertain. La place a besoin d’être plus facilement accessible, elle a besoin d’être lisible. Ces nécessités ne sous-entendent pas d’ouvrir les limites et de tenter, autant que possible, de donner l’espace à voir uniformément. La place est irrégulière et le restera. Ce caractère architectural n’est en aucun cas un défaut. Il complique, certes, tout réaménagement, mais peut être employé comme
une qualité. L’irrégularité offre la vêtent les places face au caractère possibilité des mises en scène. Par « ordinaire » des rues. exemple : les accès étroits vers Outre un travail de fond sur les la place, comme le passage de ambiances et l’organisation généla rue Compans ou, plus encore, rale de la place, il nous faut égacelui de la rue Augustin Thierry, lement penser à son accès. Ainsi, peuvent être utilisés comme tel. aux abords de la place, la priorité Aujourd’hui, quand l’on arrive doit être donnée aux piétons. Les sur la place, on se trouve encore trottoirs, chaussées et revêtement derrière des jardinières, sous des de la place demandent d’être arbres et travaillés en sous les abris continuité «Partager la rue, ce n’est pas la diviser» de Huet. La pour une transition cohabita(1) Nicolas Soulier, 2012, p.230 de la rue à tion aisée la place est ainsi incertaine alors et équilibrée des usagers de la qu’elle pourrait être théâtrale. rue. Cela permettra également Déboucher sur une vaste place de faciliter les «mises en réseau» depuis une rue étroite est souvent décrites précédemment. un plaisir. Cela participe d’ailleurs de l’attrait exceptionnel que re-
1. Reconquérir les rues, éd. : Eugen Ulmer 288 pages 144
sur la place Relancer le dynamisme commercial - sortir des murs C’est en partie par toutes les actions citées précédemment que le dynamisme commercial de la place pourrait être soutenu. Cela dit, certaines mesures pourraient être prises au sein même de la place. L’illogique implantation des commerces par rapport à l’ensoleillement est un réel handicap. On pourrait alors concevoir de réorganiser l’offre commerciale de façon à ce que les cafés et restaurants puissent jouir de la lumière. Une question de densité se pose également. De fait, la largeur de la place ne permet pas de vis-àvis commercial efficace. Il n’y a, en somme, pas d’effet de masse commerçante. On pourrait ainsi envisager de développer de petits commerces dans l’épaisseur même de la place. Rechercher le vis-à-vis et la proximité des enseignes et,
ainsi, s’interroger sur la question de la densité bâtie du quartier. Car, assez ironiquement, les architectures de tours ont pour effet de créer une densité de population qui ne se perçoit pas, au sol, dans la densité bâtie. Il y a de la place dans ce quartier. Alors quelle densité y voulons-nous ? N’y en aurait-il pas, simplement, trop d’espace sur la place ? Les liens avec les rues commerçantes de Belleville et Jourdain sont également très importants. Aujourd’hui, ce sont ces rues qui forment l’offre commerciale la plus dense aux abords de la place. Ainsi, si l’on cherche à renforcer celle de la place, les liens structurels et commerciaux avec ces rues seront déterminants.
La place des Fêtes, et le quartier de Belleville en général, possèdent également une particularité rare dans Paris. Cette particularité est la grande diversité des commerces. « La diversité des commerces montre très bien, par ce qu’ils vendent, la diversité des habitants de la place », me disait Éric Thébault, maire-adjoint chargé de la culture. Et cette diversité est à conserver. Il conviendrait également de développer la capacité des commerces à rythmer, par leurs enseignes colorées, l’espace public qu’ils habillent alors un peu. Il faut concevoir ces enseignes comme des objets décoratifs plus ou moins éphémères qui s’ajoutent à l’architecture, créant un lien entre le bâti et la rue, la pierre et les passants, aidant à humaniser des bâtiments hors échelles.
Quelle densité pour le quartier et sa place ?
145
sur la place Définir une place pour la nature - le végétal matière de la ville La place des Fêtes est densément « végétalisée ». Nous l’avons vu, parcs, mails, pelouses, bosquets, jardinières, se côtoient sur cet espace. Or, ils n’aident en rien à sa lecture et son organisation. L’effet des arbres est certain, nous ramenant à une échelle plus proche de la nôtre, moins agressive que celle des tours, mais les passants ne semblent plus les remarquer. Si l’on demande à l’un d’eux ce qu’il retient de la place, ce ne sera jamais sa multitude d’arbres et autres végétaux. Il me semble donc nécessaire de
repenser l’organisation végétale de la place pour que cette matière, malgré tout très riche, serve l’organisation de l’espace et permette de mieux le définir. Le végétal est un matériau (vivant) à part entière dans l’aménagement et ne doit pas être utilisé comme simple embelisseur ou apaiseur d’esprit face à la ville. J’aime aussi à penser qu’il serait possible de développer une nature urbaine. Une nature issue de la ville même. De concevoir la ville comme écosystème vivable pour la matière végétale. Cette conception de
l’écologie urbaine essaye de se détacher des mouvances tendant vers une surcharge végétale des espaces. Ce parti pris ne remet pas en question l’implantation ancienne et travaillée des parcs et jardins parisiens qui ont su s’imposer comme nécessaires dans le tissus urbain, autant au niveau écologique que social. Il cherche plutôt une réflexion vers de nouveaux dynamismes urbain, générateurs de formes de dialogues entre la ville et sa nature.
Après tout, le paysage est-il voué à porter le souvenir nostalgique d’un passe arcadien perdu depuis longtemps, ou peut-il s’adapter pour changer et s’engager vers de nouvelles formes dynamiques de la nature de demain ? Christophe Girot, Human nature, p.9
traduction personnelle
146
147
Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes
Schéma des enjeux structurels
créer des liens matériels clairs avec les équipements socioculturels
travailler les limites de la place et adoucir les transitions
permettre aux écoles de s'approprier la place
requalifier les voiries et trottoirs en donnant la priorité aux piétons
travailler les accès aux squares et leur lien à la végétation du quartier
soigner les carrefours et les liens entre îlots
donner plus de liberté au végétal sur la place
rendre à la place une lisibilité et travailler sur la signalétique
repenser la centralité de la place
soigner les appels et les transitions de quartiers
travailler sur l'offre commerciale et sur l'esthétisme des façades
mettre en valeur et désenclaver le kiosque à musique et le regard de la Lanterne
148
0
100m
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Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes
De la mouvance
À chaque envie sa place
Une place souple dans ses formes pour répondre
socioculturels qui entourent la place et dans les écoles. L’aire d’influence de la place s’étendrait alors, créant une unité sur l’ensemble de l’espace. On pourrait concevoir d’élargir même cet espace jusqu’aux nombreux jardins et squares du quartier. Cela impliquerait une modification temporaire de l’accès et de la circulation routière, permettant une appropriation aisée des rues.
à différents usages peut aussi être envisagée modulable dans son étendue. Ainsi, au cours des jours « ordinaires » sans événement particulier sur ou autour de la place, cette dernière conserverait son fonctionnementhabituel. On peut ensuite imaginer qu’il y ait, par exemple, un festival des Fêtes, et que des activités et spectacles variés soient organisés dans les différents locaux
usages quotidiens
usages élargis
usages élargis utilisation des locaux socioculturels et scolaires
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utilisation des locaux socioculturels et scolaires utilisation des square et jardins
Les formes du temps Une place mouvante, qui vit, est également une place qui vieillit, change d’aspect. L’architecture aujourd’hui recherche souvent des façons de stopper cette avancée naturelle. Vieillir ne veut pas dire s’enlaidir, mais, plutôt, évoluer, changer constamment. En ville, outre le vieillissement naturel des pierres, c’est la vie qui permet ce rythme. La vie dans sa façon de déborder sur l’espace public. C’est des plantes aux balcons et des rideaux colorés, des portes que l’on repeint et des boutiques qui changent. La ville ancienne change toujours et constamment. Alors pourquoi aucun témoin ne laisse-t-il transparaître ce qui se trame sur la place des Fêtes ? Cette place qui semble comme figée, ne se modifiant que par l’aspect de ses végétaux. De fait, l’architecture de la place fait le choix d’endiguer cette évolution. Dans sa rigidité, dans son absence d’exception et d’irrégularité, elle ne fournit aucun support d’appropriation, aucun moyen d’exprimer la présence humaine, à l’image des façades plates et mornement régulières des tours qui ne laissent deviner la vie qu’elles abritent. Comme un manque de porosité, tout est conservé à l’intérieur, caché. Pour évoluer vers une place vivante, à l’image de son quartier et de ses habitants, la place a besoin de laisser filtrer cette présence humaine, de la donner à voir et d’accueillir le changement pour s’inscrire de nouveau dans l’avancée du temps.
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Pour une place vivante enjeux, intuitions, attentes
Vers la place vivante
Refaire la place défaite, l’emmener jusqu’à la
fête. Retrouver cette densité et cette familiarité qui régnait toujours ici, mais ne se fait plus sentir maintenant que les matins de marché. Les Placedesfêtois sont des citoyens engagés qui aiment leur quartier et ont besoin de l’exprimer sur leur place. Ils ont besoin que leur lieu de vie reflète cette humeur et accueille leurs envies. Et leurs envies sont nombreuses ! Promenade solitaire ou en famille, retrouvaille autour d’un café, au soleil, course en trotinette et jeu de ballon, manifestation, vide grenier et petit concert improvisé, spectacle de plein air et projection nocturne, bal-guinguette... Petites ou grandes envies, elles prendront forme sur une place des Fêtes, modulable et souple, colorée et accueillante, loin de toute rigidité fonctionnelle. La place dé-faite re-fête, la place des Fêtes refaite.
Annexes
cartes et réflexions complémentaires
Annexes cartes et réflexions complémentaires Cartes des lieux de contraintes et d’opportunités Contraintes
0
100m
dalles
accès carrossable
stations de métro voies carrossables
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emprise du parking souterrain
Ă€ investir
0
100m
terrasse façades
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Annexes cartes
Cartes des lieux de contraintes et d’opportunités Modifiables
organisation générale de la place et son calepinage
limites de dalles
squares
façades commerciales
le végétal sur la place
accès du parking
centralité de la place
jeux pour enfants
espaces privés peu qualifiés en bordure de voirie
kiosque à musique
voiries et trottoirs
regard de la Lanterne
0
158
100m
Annexes cartes et réflexions complémentaires La concertation publique, une démarche incontournable mais avec ses limites
Les habitants et associations sont attentifs au dérou-
nies et suffisamment rapprochées. Si l’on considère un site urbain vaste et complexe comme celui de la place des Fêtes, plusieurs questions se posent rapidement : quelles échelles spatiales pour les consultations ? Les participants sont-ils représentatifs de la population ? Jusqu’où, dans l’élaboration du projet, la consultation doit-elle être menée ?
lement du projet, venant très nombreux aux ateliers participatifs et réunions publiques et maintenant ainsi une certaine pression sur les services de la Ville. Au regard du passé tumultueux de la place des Fêtes et des relations entre les habitants et la ville, une concertation publique approfondie semble incontournable. Cela dit, il faut être conscient des limites que cette démarche présente généralement.
Tout d’abord, l’échelle spatiale de la consultation. Cette question pose en fait le problème de l’aire d’influence du site. Jusqu’à quel point les habitants du quartier se considèrent-ils usagers ? Ici, cette question est d’autant plus importante que la place des Fêtes regroupe des services et transports attirant parfois des personnes de loin. Tous ne côtoient pas la place de la même façon, mais tous auraient leur avis à donner. Comment, alors, recueillir ces avis émanant d’usagers parfois occasionnels mais tout aussi déterminants ? Il est difficile de trouver une réponse
De nos jour, tout projet de construction ou de réaménagement est d’abord conduit au travers d’une concertation. La consultation directe des habitants, le recueil de leur avis et idées, est souvent la base du programme du futur projet. On peut imaginer que ce programme, émanant des usagers eux-même, représente donc une sorte d’avis commun et démocratique. Or, ceci n’est le cas que dans un contexte de projet dont les limites spatiales sont clairement défi160
Photographies de l’Atelier Permanent d’Architecture : « Construire ensemble – le Grand Ensemble » à Boulogne-sur-Mer, pendant lequel l’architecte Sophie Ricard, de l’équipe de Patrick Bouchain, occupa sur place une maison pendant 3 ans, afin de faire partie du quartier dont elle allait travailler à la restauration avec les habitants. Cette démarche lui a permis d’être totalement intégrée dans le quartier et de gagner ainsi la confiance de tous pour regrouper l’ensemble des habitants lors des ateliers.
à cette question. La mobilisation des usagers dépend de leur bonne volonté. Cela dit, on peut préciser que la concertation de la place des Fêtes, qui jouxte le XXè arrondissement, ne s’est pas étendue de façon très appuyée de l’autre côté de la frontière délimitée par la rue de Belleville. La communication sur ce projet est donc restée centrée sur la place et son quartier proche. Ce choix de départ, souvent lié à des contraintes de mise en œuvre ou des choix politiques, nous amène à la question suivante, celle de la représentativité des participants. Dans le cas de la concertation menée place des Fêtes, la participation semble très importante. Les ateliers participatifs regroupent toujours beaucoup de monde et les votes et réunions publiques sont très suivis. Ainsi, la dernière réunion publique a rassemblé plus de 200 personnes, et le vote qui s’en suivi plus de 2500 votants, surprenant même les organisateurs. Bien que ce chiffre paraisse important, il faut rappeler que la place compte plus de 17 000 habitants directs. Ce n’est donc qu’une infime partie de la population qui s’est retrouvée ce jour là. De plus, il faut souligner que les personnes présentes n’étaient pas non plus représentatives de la population du quartier. Ce sont en majorité des personnes issues de classes intellectuelles supérieures ou de classes moyennes qui s’intéressent à la question. Des personnes déjà en partie aguerries aux questions
urbaines, sachant lire un plan ou commenter des question d’urbanisme et de législation. Or, le quartier possède une population très diversifiée, dont une grande part de personnes au niveau de formation moins élevé. Le défaut de ces dialogues, souvent très constructifs par ailleurs, est alors d’écarter naturellement ces personnes les plus timides qui ne se sentent pas suffisamment expertent de ces questions là pour prendre part aux débats. La représentativité de la population est donc biaisée et les classes « supérieures » imposent une sorte d’hégémonie. Cet effet pervers des concertations est très souvent observé dans les grands projets de réaménagement. En Angleterre, pour palier à ce problème, les maîtrises d’ouvrage mettent en place des tirages au sort totalement aléatoires pour convier une part représentative de la population aux réunions. Malgré cela, rien n’oblige les personnes ainsi élues à venir assister aux réunions. Au final, c’est une question d’éveil de la curiosité et de mise en confiance qui se pose ici. Une réponse partielle à ce problème trouve forme dans une information abondante et facile d’accès. Aujourd’hui, les informations relatives à l’avancement du projet se trouvent sur les pages des sites internet de la Ville de Paris, de la Mairie du XIXè et de l’association des Amis de la Place des Fêtes. Mais, dans aucun de ces trois cas, les informations ne sont aisées à trouver. Il semblerait alors assez simple de 161
Annexes La concertation publique
faciliter l’accès à l’information en l’extrayant des réseaux internet et en travaillant sur des panneaux informatifs directement mis en place sur le site et régulièrement tenus à jour. Un dispositif simple comme celui-là pourrait déjà éveiller la curiosité des passants et aider à tenir informé le grand nombre d’usagers de la place.
Déjà, le projet de la place des Fêtes s’éloigne de cela. À peine commencé, l’on demandait aux habitants de prendre une décision structurelle. En novembre dernier, sans présenter les raisons de cette modification, les habitants durent choisir entre deux scénarios de réaménagement du marché. Ces scénarios furent présentés à l’aide de plan et de vues photomontées mais, ni dans un cas comme dans l’autre, les effets de ces modifications sur le reste de la place (son organisation, la hiérarchie de ses espaces, de ses voiries, les déplacements...) ne furent abordés. Les scénarios n’étaient que des traits sur un plan, évoquant un choix conceptuel qui aurait dû être présenté dans un contexte général. Malgré cela, on constate le fait que cette démarche permet aux habitants d’obtenir un pouvoir décisionnel. Sans connaître encore la porté que ce pouvoir conservera dans l’avenir, on peut déjà supposer que la consultation aura comme effet principal d’aider à l’appropriation de la future place.
La question de la durée de la concertation est directement liée aux problématiques que concentre la place des Fêtes. Actuellement, ce sont les services de la DVD qui travaillent sur le projet. Aucun concours ou appel d’offres n’a été lancé pour la conception. Par ailleurs, un appel offres a eu lieu pour continuer à mener les concertations en parallèle de l’élaboration du projet. Le choix a donc été fait de consulter, aussi longtemps que possible, la population. Mais une telle volonté pose question quant à la démarche de projet. Peut-on réellement concevoir un projet, morceau par morceau, de façon à pouvoir consulter la population à chaque décision ? Un projet ne doit-il pas, à un moment, prendre forme comme un tout, où chaque décision et parti pris est mis en relation directe avec le projet général ? Ou chaque choix engendre des répercutions traitées par d’autres décisions ? Un projet, enfin, présenté comme une démarche réfléchie d’un bout à l’autre où toutes les questions soulevées trouvent successivement leurs réponses dans un ensemble cohérent et fini.
C’est un sujet complexe que l’appropriation d’un lieu par ses habitants. Relevant autant d’une prise de possession matérielle que d’un sentiment relationnel d’appartenance. Ici, il ne faut pas considérer uniquement l’appropriation comme le résultat positif d’un travail attentif des concepteurs à répondre consciencieusement aux demandes des usagers. Mais également comme le processus engageant l’usager 162
lui-même à s’approprier ces connaissances et, ainsi, les faire siennes. On parle donc ainsi d’un processus de prise en connaissance et non simplement d’information. La connaissance approfondie de tout ce qui constitue le projet afin de minimiser, pour les usages, le décalage entre projet dessiné et projet réalisé. Dans ce contexte, la concertation, qui sous entend un certain nombre d’échanges, semble être un média adapté pour permettre le développement de cette appropriation. Cela dit, les limites précédemment évoquées concernant la représentativité des usagers lors des concertations entravent les effets de cette démarche.
163
Annexes cartes et réflexions complémentaires Réflexions sur l’écologie urbaine et les formes de la nature en ville
Quelle place pour la nature en ville ? Cette interro-
graphiques par exemple, où la nature déployant son pouvoir de destruction reprend violemment ces droits, alors légitimes, sur les humains indignes. Comment, devant de telle représentations, ne pas se sentir coupable ? Ainsi, dans un contexte pareil, il n’est pas surprenant que cette question de la nature en ville soit devenue, non seulement une considération générale, mais une mode. Or, la mode doit être approchée avec précaution, car c’est une tendance qui érige des modèles, faisant oublier les fondements du débat et déclenchant la confusion dans toutes ces idées bien pensantes et actions faussement valorisantes. Alors que si l’on se penche sur l’histoire du terme «nature», nous pouvons en apprendre beaucoup sur la ville. Le terme de nature est apparu au VIè siècle avant Jésus-Christ, pour nommer les terres intouchées par les humains. Elles étaient alors opposées aux terres
gation est peut-être l’un des débats les plus abordés dans les réflexions actuelles sur la ville. Elle fait l’objet de nombreuses publications, de colloques et même d’expositions. Malgré ce brassage d’idées, ce raisonnement collectif, je ne suis pas sûre que nous approchions d’une réponse reconnue unanimement. À mon sens, la question de la nature en ville relève tout d’abord d’une prise de conscience et de connaissances sur notre environnement urbain. Aujourd’hui nous souffrons d’une représentation des relations entre la matière végétale et la ville réduite à une violente opposition. L’une, la nature, représente ainsi l’essence même de l’évolution biologique de la vie, libre de tout impact humain. Un ordre sauvage mais sain opposé à l’organisation artificielle, désordonnée, sale, voir pécheresse des villes et de la vie humaine. Cette simplification extrême est illustrée par de nombreuses réalisations littéraires ou cinémato164
L’Allianz Arena par l’agence Vogt Le projet n’utilise que des espèces végétales endémiques du site. Le lieu n’est pas particulièrement accueillant mais représente l’une des images que l’on doit accepter de la nature qui, si elle suit son environnement, ne répond pas toujours aux ambiances que l’on voudrait.
habitées ou cultivées, ce que les Grecs appelaient Cité au sens large. À la création de ce terme, aucun connotation bonne ou mauvaise n’était sous-entendue. C’était simplement l’expression d’un fait permettant de différencier deux environnements. De plus, les Grecs considéraient la cité comme environnement naturel pour les humains. Et cela, nous l’avons oublié. Les révolutions industrielles et l’accélération du développement urbain nous ont détachés de cette idée. En quelque sorte, nous n’assumons plus les villes, nous n’assumons plus ce que l’Homme a créé. À cause de ce déni, nous cherchons, par tous les moyens, à réinstaller de la matière végétale en ville. Or, si les villes sont toujours notre environnement naturel, pourquoi nier qu’il ne contiendrait pas sa matière vivante en lui-même. Ce que j’entends par là est que, trop souvent, ce besoin de nature en ville est ramené à l’implantation en masse d’espèces tropicales, à l’essai de jardin-potager-ferme, à la création d’écosystèmes entiers, artificiels et détachés de leur contexte urbain. Ce que l’environnement urbain possède naturellement est oublié. Cet oubli est majoritairement dû au fait que les formes que cette nature, issue de la ville, prend naturellement, ne rentrent pas dans les canons de la beauté végétale et de la beauté urbaine que l’on cultive aujourd’hui. Un peu de mousse fait sale et la moindre plante spontanée tend à être éradiquée par des produits chimiques. Bien que l’on voit apparaître doucement le « zéro phyto » dans les villes et que des
initiatives telles que « Sauvage de ma rues » (recueil des plantes poussant naturellement dans les rue de Paris), développent la pensée d’une nature saine, issue de la ville, l’image que les gens se font de la nature reste celle, sur-médiatisée, de la « ville fertile », nécessaire à la « compensation de la ville déficiente »(1). Des paysagistes comme Gilles Clément et Michel Corajoud en France, ou James Corner aux États-Unis, ont et développent encore des projets tentant de réconcilier nature et ville en un et unique écosystème.
1. Propos de Michel Corajoud, 2011, recueillis lors d’un interview pour l’exposition La Ville Fertile à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine 165
Bibliographie sitographie À propos de la ville
À propos des espaces et des lieux
Bailly Jean-Christophe, 2013, La phrase urbaine, éd. : du Seuil, 275 pages
Augé Marc, 1992, Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, éd. : du Seuil, 150 pages
Calvino Italo, (1972) 1996, Les villes invisibles, éd. : du Seuil, 188 pages
Careri Francesco, 2001, Walkscape : walking as an aesthetic practice, éd. : Gustavo Gili, 216 pages
Choay Françoise, 1965, L’urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, éd. : du Seuil, 446 pages
Éveno Claude, 2011, Histoires d’espaces, éd. : Sens & Tonka, 67 pages
Corner James, 1996, Taking Measures Across the American Landscape éd. : Yale Press, 208 pages
Levy Bertrand, 2008, «La place urbaine en Europe comme lieu idéal», dans Lieux d’Europe, éd. : La maison des sciences de l’homme, p.65-85
Corner James, 2006, «Terra Fluxus», dans Charles Waldheim, The Landscape Urbanism Reader éd.: Princeton Architectural Press, p.21-33
Pérec Georges, (1974) 1992, Espèce d’espaces, éd. : Galilée, 123 pages
Mangin David, Philippe Panerai, 1999, Projet urbain, éd. : Parenthèses, 185 pages Mangin David, 2008, La ville passante, éd. : Parenthèse, 123 pages Toussaint Jean-Yves, Zimmerman Monique, 1998, Projet Urbain, Ménager les gens, aménager la ville, éd. : Architecture + Recherche, 199 pages notamment Tomas François, «Vers une nouvelle culture de l’aménagement des villes» Rey Jacques, «Une nouvelle manière de faire la ville ?» Sitte Camillo, (1889) 1996, L’art de bâtir les villes, l’urbanisme selon les fondements artistiques éd. : du Seuil, 187 pages Les poètes et la ville, une anthologie, 2006, éd. : Gallimard, 223 pages
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À propos de l’histoire du quartier
À propos de la place des Fêtes aujourd’hui
Beaumont-Maillet Laure, L’eau à Paris, 1991, éd. : Hazan, p.261
Garin C., Hakim R., Oddoux A. , Des villas de la Mouzaïa aux grands ensembles de la place des Fêtes : quelle articulation des quartiers entre eux ?, 50 pages, [en ligne] URL : http://www.mpdf.fr/sites/default/files/pictures/des_ villas_mouzaia_aux_grands_ensembles_place_des_fetes_garin_ hakim_oddoux_2013.pdf
Chaize Marie, 2014, Des maisons ouvrières aux grands ensembles, une consultation assumée ?, mémoire de Master 2, 98 pages Hazan Éric, 2002, L’invention de Paris, éd. : du Seuil, 481 pages
Leviol Vanessa, 2010, La place des fêtes, le plein du vide, 57 pages, [en ligne] URL : http://www.mpdf.fr/sites/default/files/pictures/place_ des_fetes_etude_vanessa_leviol_2010.pdf
Morier Françoise, 1994, Belleville, Belleville, visages d’une planète, éd. : Creaphis, 497 pages Vidéo de l’émission les Copains d’abord avec Michel Fugain, Claude Couderc et René Barjavel 31 aout 1975, 05min24s Archive de l’INA, [en ligne] URL : http://www.ina.fr/video/I11054366
Perianiez Manuel,1995, Architectures achevées, imaginaires en chantier, [en ligne] URL : http://mpzga.free.fr/PDF.htm
Vidéo la Place des Fêtes,Paris 19°,1973 Documents filmés en 1972-1973 lors de la rénovation de la Place des Fêtes de Paris 19° 18min42s, [en ligne] URL : https://www.youtube.com/watch?v=2erl1OHmqi8 https://www.youtube.com/watch?v=iV8sc-lu7U8 La ville des gens, [en ligne] URL : http://www.des-gens.net/Breves-et-cetera-9566 http://www.des-gens.net/Place-des-Fetes-Place-defaite http://www.des-gens.net/spip.php?page=print_article&id_ article=5741 http://www.des-gens.net/Du-9-ils-ont-fait-table-rase-PFA http://www.des-gens.net/Eaux-et-soifs http://www.des-gens.net/Promenade-a-travers-l-Histoire-de http://www.des-gens.net/Le-coin-des-associations,6443 http://www.des-gens.net/Paul-Adnot http://plateauhassard.blogspot.fr/2013/12/la-renovation-debelleville.html Plateau Hassard, [en ligne] URL : http://plateauhassard.blogspot.fr/2013/03/histoires-deauxbelleville.html http://plateauhassard.blogspot.fr/2013/12/la-renovation-debelleville.html 167
Bibliographie sitographie À propos de Belleville aujourd’hui
À propos de la nature en ville
De Villanova Roselyne, Deboulet Agnès, 2011, Belleville, quartier populaire ?, éd. : Créaphis, 208 pages Notamment
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Deboulet Agnès, De Villanova Roselyne, «Belleville, un laboratoire social ?» p.5-18
Gilles Clément, 2004, Manifeste du Tiers paysage, éd. : Sujet, 70 pages
Sellali Amina, «L’épopée de l’ouvrier propriétaire», p.18-32
Waldheim Charles, 2006, The Landscape Urbanism Reader éd.: Princeton Architectural Press, 150 pages notamment : Corner James, 2006, «Terra Fluxus», p.21-33
Bonnin Philippe, «Belleville : un habitat populaire», p.33-42 Clerval Anne, Fleury Antoine, Humain-Lamoure Anna-Lise, «Belleville, un quartier parisien», p.51-64
Interviews de Gilles Clément, Erik Orsenna, Michel Corajoud et Michel Desvignes, 2011, lors de l’exposition La Ville Fertile, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, |en ligne] URL : http://webtv.citechaillot.fr/thematiques-collections/villefertile
Bailly Emeline, «De l’îlot insalubre à la politique de la ville», p.65-78 Salzbrunn Monica, «Identitées et appartenances multiples : le rôle de la fête urbaine», p.109-124
à voir
De Villanova Roselyne, «Belleville, créativités et démocratie local ?», p.185-205
High Line de New-York, de l’agence James Corner et Piet Oudolf La Coulée verte de Paris, du syndicat SMER L’Île Derborescence à Lilles et Le Jardin du Tiers Paysage à Saint-Nazaire, de Gilles Clément L’Allianz Arena park à Munich, de l’agence Vogt
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À propos de la concertation publique
Autres sujets
Bacqué Marie-Hélène et Gauthier Mario, 2011, «Participation, urbanisme et études urbaines : quatre décennies de débats et d’expériences» depuis A ladder of citizen participation de S. R. Arnstein», [en ligne], consulté le 16 octobre 2014 URL : http://www.participation-et-democratie.fr/fr/content/ participation-urbanisme-et-etudes-urbaines
Sur l’apprentissage du métier de paysagiste
Barbier R., 2005, «Quand le public prend ses distances avec la participation, Topiques de l’ironie ordinaire» dans Natures Sciences Sociétés 13, 258–265 [en ligne], consulté le 15 octobre 2014 URL : http://engees.unistra.fr/site/fileadmin/user_upload/pdf/gsp/ NSS-Barbier.pdf
Corajoud Michel, Les neuf conduites nécessaires pour une propédeutique pour un apprentissage du projet sur le paysage, texte publié en septembre 2000 aux éditions de l’Imprimeur dans le livre: «Le Jardinier, l’Artiste et l’Ingénieur», sous la direction de Jean-Luc Brisson, [en ligne] URL : http://corajoudmichel.nerim.net/10-textes/elements-des9-conduites/00neuf-cond-vignettes.html Sur le jeu dans l’espace public
Boyer Jillian, «Sur l’appropriation de l’espace», dans Urbalyon [en ligne], consulté le 15 octobre 2014 URL : http://www.urbalyon.org/AffichePDF/Sur_l-appropriation_ collective_de_l-espace-_Etudes_et_reflexions_specifiques_sur_le_ quartier_Sainte-Blandine_-_Confluence_a_Lyon-2906
Curnier Sonia, 2014, Programmer le jeu dans l’espace public ? revue en ligne Métropolitiques, [en ligne] URL : http://www.metropolitiques.eu/Programmer-le-jeudans-l-espace.html
Davodeau Hervé et Gomes Sant’Anna Camila, 2013, « La participation du public et ses incidences sur l’évolution des théories et pratiques du projet des paysagistes », dans Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], consulté le 14 octobre 2014. URL : http://tem.revues.org/1225 *
Sur le «Cube» Ville permaculturelle, [en ligne] URL : https://villepermaculturelle.wordpress.com/2015/02/08/ le-cube-tiers-lieu-dedie-a-lagriculture-urbaine-et-a-laresilience/
Propos recueillis par Hallauer Édith, 2011, «Interview de Patrick Bouchain : ma voisine, cette architecte», dans Strabic [en ligne], consulté le 16 octobre 2014 URL : http://strabic.fr/Patrick-Bouchain-ma-voisine-cette,48 Milot Grégoire, 2012, «La concertation est-elle une codécision ?», dans Une ville en débat [en ligne], consulté le 15 octobre 2014 URL : http://www.cahiersvilleresponsable.fr/la-concertation-est-elleune-codecision/ Verdeil Éric, 2008, « Nora Semmoud, La réception sociale de l’urbanisme », dans Géocarrefour [en ligne], Vol. 83/1 | 2008, consulté le14 octobre 2014 URL : http://geocarrefour.revues.org/2802 .pdf Direction de l’information légale et administrative, 2008, Les formes de participations, consulté le 15 otcobre 2014 URL : http://www.vie-publique.fr/forums/rub1308/formesparticipation.html 169
Table des illustrations Les cartes et photographies aériennes non répertoriées sont éditées à partir de documents IGN. Les photographies, dessins et schémas non répertoriés sont des productions personnelles.
P.11 Le Corbusier, Plan Voisin, 1925 ; croquis d’étude, perspective d’ensemble des bâtiments de la rive droite vue de l’île Saint-Louis. Crayon noir et encre de Chine sur calque d’étude, 58,5x114 cm. Fondation Le Corbusier, Pairs, inv. n°29721
Place à Disneyland Paris http://www.ooparc.com/fr/178-Walt_Disney_Studios/Articles/1780002-On_a_teste_ Ratatouille_l_Attraction_a_Disneyland_Paris/
Mario Chiattone, Pont et étude de volumes, 1914. Encre de chine et aquarelle sur papier, 65x47 cm. Dipartimento di Storia dell’Arte, Gabinetto Disegni e Stampe, Pise, inv. n°13937
P. 25 Image réalisée à partir du plan : http://lesgrandsparisiens.fr/uncategorized/pourquoi-banlieusards-et-parisiens-nontrien-a-voir-en-apparence/
La Ville, art et architecture en Europe, 1870-1993, 1994, sous la direction de Jean Dethier et Alain Guilheux, éd. : Centre Geaorges Pompidou, 468 pages pages 291 et 196
P. 30-31
P. 12
Place de la Bastille http://fr.wikipedia.org/wiki/Place_de_la_Bastille#mediaviewer/File:P1160484_Paris_ IV-XI-XII_place_de_la_Bastille_rwk.jpg
James Corner, Taking Measures Across the American Landscape, 1996, éd. : Yale University Press, 206 pages http://representation3.blogspot.se/2013/12/text-1-james-corner-agency-ofmapping.html
Place de l’Hötel-de-Ville http://images2.livreshebdo.fr/sites/default/files/assets/images/paris_hoteldeville.jpg
P. 15
Place de la République http://stephanekirkland.com/wp-content/uploads/2013/06/IMG_3322.jpg
David Mangin, L’urbanisme du réel, l’urbanisme fantasmé et l’urbanisme du possible, croquis, 2008, La ville passante, éd. : Parenthèse, 123 pages
Place Vendôme http://www.hotellouvremarsollier.com/images/nearby/Place-Vendome_Paris-000. fullsize_.jpg
P. 19 Camillo Sitte, études des différentes formes de places l’Art de bâtir les villes, 1996 (1889), éd. : Seuil, 187 pages
P. 48-49 Le regard de la Lanterne au XIXè siècle L’eau à Paris, Laure Beaumont-Maillet, 1991, éd. : Hazan, p.52
P. 20 Piazza del Campo, Sienne Vue de Street view, googleearth, 2009
Plan des eaux de Belleville, 1898, extrait d’un procès-verbal de la Commission du Vieux Paris. http://fr.wikipedia.org/wiki/Eaux_de_Belleville
Parvis du centre Georges Pompidou, Paris, Fabrice Neaud http://s.soleille.perso.sfr.fr/fabriceneaud/biblio/images/photos/beaubourg.jpg
P. 50-51 1739, plan Delagrive http://plateauhassard.blogspot.fr/2012/06/les-plans-du-quartier-travers-les-ages. html
P. 23 La place de Toscane à Serris, dans le secteur du Val d’Europe http://fr.wikipedia.org/wiki/Marne-la-Vall%C3%A9e#mediaviewer/ File:Serrisplacetoscaneserris.jpg
Carte topographique des environs de Versailles dite des Chasses Impériales, levée et dressée de 1764 à 1773 par les ingénieurs géographes des Camps et Armées Archives numériques de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b7200171s/f12.item.r=carte%20 topographique%20versailles
170
P. 54-55
Carte topographique, statistique et militaire des environs de Paris et de ses fortifications : donnant le tracé de l’enceinte continue, des forts, redoutes, etc.; avec la population de chaque commune, et des notes sur ce qu’il y a de plus curieux à y voir / autographié au Dépôt de cartes géographiques de L. Letronn Archives numériques de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530874620/f1.zoom.r=carte%20 topographique%20paris.langFR
Photographie aérienne, 1949 GoogleEarth La place des Fêtes en 1971. On reconnaît le square Mgr Maillet. Aménagé en 1863, ce square jouxtait la place des Fêtes, ainsi nommée parce qu’elle accueillait les festivités de la commune de Belleville, DF http://www.des-gens.net/A-Belleville-Place-des-Fetes
plan de belleville 1840 http://1.bp.blogspot.com/-aQ7W8up2rjs/UcmIcq8_33I/AAAAAAAADAQ/rEBJ2sb_ ERw/s1600/planbelleville+1840.jpg
«Place des Fêtes à vol d’oiseau XIXè», Collection maily, carte postale http://www.paris-unplugged.fr/1836-place-des-fetes/
P. 52-53
P. 56-57
Illustrations de la France au XIXe 565 une guinguette a Belleville le dimanche soir 1845 http://informations-documents.com/environnement/coppermine15x/displayimage. php?pid=40774 http://www.parismetropolitaine.fr/naissancedes20arrondissementsparisiens/ diapo3-2.html
«Rue du Pré St-Gervais et la nouvelle station de métro (XIXè arrt)» «Place des Fêtes XIXè», C.P. Arama «PARIS (XIXè)-Rue Compans-Place des Fêtes E.M., Cparama» http://www.paris-unplugged.fr/1836-place-des-fetes/ le premier cinématographe du quartier, à l’ange de la rue Compans et du Pré StGervais, document des Archives de Paris http://plateauhassard.blogspot.fr/2012/07/la-fete-dans-notre-quartier_07.html
Dire que nous v’là parisiens !...». 23 janvier 1860, Honoré Daumier (1808-1879) Lithographie en noir. «Le Charivari» Musée Carnavalet-Histoire de Paris © Roger-Viollet http://www.parismetropolitaine.fr/naissancedes20arrondissementsparisiens/ diapo3-2.html
P. 58-59 «Rue de Savies depuis la rue de la Mare - Paris 20 - 1947 (c) Willy Ronis» http://www.parisianshoegals.com/2015/01/paris-les-sources-de-belleville-part2. html
« La bonne ville de Paris et ses nouveaux enfants » 1860, Charles Vernier (1831-1887) Lithographie, Actualités, pl. 143 Musée Carnavalet-Histoire de Paris © Roger-Viollet http://www.parismetropolitaine.fr/naissancedes20arrondissementsparisiens/ diapo3-2.html
Willy Ronis, Au carrefour de la rue de la Mare et de la rue de Savies http://le75020.fr/paris-XXe-75020-20e-arrondissement/culture/3171-bellevillemenilmontant-dans-loeil-de-willy-ronis.paris-75020-info#.VNI7GJ2G-eR
«Moulins de la Butte de Chaumont proche Paris», de gauche à droite : Les moulins de la butte Bergeyre: Maquereau, vieux, de la folie, de la carosse, de la tour Chaumont, grand moulin Sur le «plateau» : le moulin de la chopinette qui devint une guinguette d’après Manesson-Mallet, XVIè siècle http://www.des-gens.net/Promenade-a-travers-l-Histoire-de moulins des buttes-chaumont, d’après Manesson-Mallet
Willy Ronis, Chez Victor, 1955 http://le75020.fr/paris-XXe-75020-20e-arrondissement/culture/3171-bellevillemenilmontant-dans-loeil-de-willy-ronis.paris-75020-info#.VNI7GJ2G-eR
Plan des arrondissements réalisé depuis le document : http://www.parismetropolitaine.fr/naissancedes20arrondissementsparisiens/ diapo3-2.html Les arrondissements de Paris avant et après 1860 Cartographie : Atelier Lacombe © Archives de Paris
P.61
Willy Ronis, Devant Chez Victor http://file.blog-24.com/utili/30000/31000/30804/file/Ronis1.jpg
Otto Hünte, évocation à posteriori (1929) du décor des espaces urbains de Metropolis de Fritz Lang (1926). Crayons sur carte, 73x51 cm. Stiftung Deutsche Filmmuseum, Francfort-sur-le-Main La Ville, art et architecture en Europe, 1870-1993, 1994, sous la direction de Jean Dethier et Alain Guilheux, éd. : Centre Geaorges Pompidou, 468 pages, p.257
171
Table des illustrations
P.62-63
P.70-71
Une cours d’îlot
Place des Fêtes,Paris 19°,1973 Documents filmés en 1972-1973 lors de la rénovation de la Place des Fêtes de Paris 19° 18min42s https://www.youtube.com/watch?v=2erl1OHmqi8 https://www.youtube.com/watch?v=iV8sc-lu7U8
Une maison face aux nouveaux immeubles http://plateauhassard.blogspot.fr/2013/12/la-renovation-de-belleville.html François Lartigue, Vieux Belleville, 1966 http://ruedupressoir.hautetfort.com/
Un des stands... Celui de Place des Fêtes http://www.des-gens.net/Le-coin-des-associations,6443
P.64-65
P.72
document réalisé à partir du plan : http://plateauhassard.blogspot.fr/2013/12/la-renovation-de-belleville.html
Dessin du projet, Bernard Huet http://www.ville-et-architecture.com/portfolio_projets/paris_pl_des_fetes/place_des_ fetes.shtml
Photographie aérienne, 1949 GoogleEarth
Photographie aérienne, 1992 source inconnue
Photographie aérienne, 1992 source inconnue
Photographie aérienne, 2004 GoogleEarth
Photographie du chantier, La place des Fêtes en 1971, DF http://www.des-gens.net/A-Belleville-Place-des-Fetes
P.74-75
P.66-67
«Place des Fêtes XIXè», C.P. Arama «PARIS (XIXè)-Rue Compans-Place des Fêtes E.M., Cparama» «PARIS - Place des Fêtes, R. Nugue Editeur» http://www.paris-unplugged.fr/1836-place-des-fetes/
Émission les Copains d’abord avec Michel Fugain, Claude Couderc et René Barjavel 31 aout 1975, 05min24s Archive de l’INA : http://www.ina.fr/video/I11054366 Place des Fêtes,Paris 19°,1973 Documents filmés en 1972-1973 lors de la rénovation de la Place des Fêtes de Paris 19° 18min42s https://www.youtube.com/watch?v=2erl1OHmqi8 https://www.youtube.com/watch?v=iV8sc-lu7U8
le premier cinématographe du quartier, à l’ange de la rue Compans et du Pré StGervais, document des Archives de Paris http://plateauhassard.blogspot.fr/2012/07/la-fete-dans-notre-quartier_07.html P.76 Couverture du numéro 62-63 de la revue Quartier Libre http://www.des-gens.net/spip.php?page=quartier_libre_archives&id_rubrique=6
P.68-69 «PARIS (19È) - Place des Fêtes. Sur cette place avait lieu autrefois les fêtes de l’ancienne comune de Belleville. J-H » http://www.cparama.com/forum/metropolitain-metro-paris-t431-1520.html
Logo de la Maison de la place des Fêtes http://www.mpdf.fr/ Logo de l’Association des Amis de la place des Fêtes http://lesamisdelaplacedesfetes.blogspot.fr/
photo du coeur de la place après les travaux, 1990 soucre inconnue
172
P.79
P.131
«La place des Fêtes, le square - Entre la rue de Balleville et la rue Compans», 1909 http://www.paris-unplugged.fr/1836-place-des-fetes/
Première page d’un document de présentation de l’agence AME-Trait clair http://www.mpdf.fr/2013-2014-etude-reamenagement-place-des-fetes Image du projet «Le Cube» https://idee.paris.fr/le-cube-tiers-lieu-dedie-lagriculture-urbaine-et-la-resilience
Photographie de la place, 1992 source inconnue Photographie aérienne, 1949 GoogleEarth
P.134
Photographie aérienne, 2004 source inconnue
Agence OMA, Rem Koolhas, schéma faisant partie du Masterplan de Yokohama, Japon, 1992 http://www.oma.eu/projects/1992/yokohama-masterplan/
P.110
P.138
Photographie en contre-plongée Bug de Google street veiw
Photographie de Paris depuis une tour, Jean-Claude http://fenetres-sur-tours.tumblr.com/
P.114
P.160
Victor locuratolo, Hauteurs de Belleville, 2013 scan depuis original
Photographies de Atelier Permanent d’Architecture http://strabic.fr/Patrick-Bouchain-ma-voisine-cette,48 P.164
P.120
Allianz Arena, Vogt http://www.vogt-la.com/en/project/allianz-arena
Les chiffres indiquant nombre de véhicules sont tirés de l’étude de l’agence AME-Trait clair http://www.mpdf.fr/2013-2014-etude-reamenagement-place-des-fetes P.123 Carte de l’ensoleillement créée à partir du document de l’étude de l’agence AME-Trait http://www.mpdf.fr/2013-2014-etude-reamenagement-place-des-fetes P.125 Photographie aérienne avec le marché Bing map Photographie d’une brocante depuis une tours, Jean-Claude http://fenetres-sur-tours.tumblr.com/
173
Remerciements
Merci à mes professeurs, Mme Jacquelyne Osty et M. Jean-Christophe Bailly pour leur suivi si plein de savoir et leur confiance. Merci à M. Jean-Claude Convert pour sa disponibilité et son entousiasme et merci à Mme Halima Jemni pour sa présence et ses conseils. Merci également à tous les membres de l’association des Amis de la place des Fêtes, curieux et attentifs à mon travail. Merci à M. Éric Thébault, M. Jean-Pierre Le Dantec, M. François Prinvault, Mme Sophie Rabbat et Mme Céline Richet-Martin pour le temps qu’ils m’ont accordé et les informations précieuses qu’ils m’ont fournies. Un merci impossible à exprimer à ma promo, merci à tous les copains de l’école et merci aux survivants de l’atelier. Une pensée particulière à tous mes colloc’ de ces cinq ans et un infini merci à Albane, pour avoir été là, tout simplement. Merci à toute ma famille, pour leur intérêt et leur enthousiasme. Merci infiniment à mes parents pour leur soutien sans relâche. Merci à ma mère pour m’avoir guidée dans mes prémisses et suivie si attentivement. Enfin, une reconnaissance éternelle à cette si belle école (qui ne doit jamais disparaître). À tous mes professeurs de ces cinq années, si passionnés et curieux, attentifs et bienveillants, et à tous les membres de l’administration et des divers services de l’école pour leur travail et leur présence si chaleureuse et amicale. 174
«La ville pour celui qui y passe sans y entrer est une chose, et une autre pour celui qui s’y trouve pris et n’en sort pas ; une chose est la ville où l’on arrive pour la première fois, une autre celle qu’on quitte pour n’y plus retourner ; chacune mérite un nom différent [...].» Italo Calvino, Les villes invisibles, 1996 (1972), p.145
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Mpf : Local associatif de la Maison de la place des Fêtes
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De la place dé-faite à la place re-fête dépasser l’endiguement du fonctionnalisme pour une souplesse d’usages place des Fêtes, Paris XIXè
La place des Fêtes, étrange lieu de l’Est parisien
où, subitement, on s’extrait des rues tortueuses et accueillantes de Belleville pour plonger dans cette vastitude froide et inhospitalière. Une étendue de béton, cernée de rues trop larges et de tours trop hautes qui nous observent de leurs milliers de fenêtres identiques. Une pyramide, seule et ravagée, qui essaye de leur tenir tête, perdue au centre de cet espace, et un square, petit et enserré dans un coin de la place. Voilà cette place dé-faite et son architecture affligeante du fonctionnalisme d’après-guerre. Pourtant, ce lieu, aux échelles inhumaines, abrite les Placedesfêtois, une population nombreuse et cosmopolite, qui tient à son quartier.
Longtemps renomée pour sa vitalité et la diversité des événements qu’elle accueillait, la vie aujourd’hui s’y étiole, endiguée dans un carcan trop rigide et monotone. Les habitants réclament qu’elle soit rénovée, revitalisée, reformulée. La nouvelle place des Fêtes devra être accessible et attirante. Résonner dans Paris tout en restant une place de quartier, proche des habitants. Elle devra être souple et appropriable. Tout simplement accueillante pour que la fête y revienne.
école nationale supérieure de la nature et du paysage www.ensnp.fr tèl. : +33(0)2 54 78 37 00 fax : +33(0)2 54 78 40 00 9, rue de la Chocolaterie, 41000, Blois