& innovation - 2015 - 2017
mastère design global recherche charlotte polat design d’espace
tome
1
developpement
02
écoles de condé paris
lieu m(émoi)re
m é m o i r e e s p a c e d’ e x p é r i e n c e l a n g a g e d u l i e u s y m b o l i q u e é p r o u v e r d i a l o g u e r r a c o n t e r i n t e r r a c t i o n p e r ç e v o i r s e n t i r f a i r e s e n s •2
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sommaire r e m e r c i e m e n t s (6) a v a n t p r o p o s (7) i n t r o d u c t i o n (8) e n j e u x (11)
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page (13)
réactiver le déjà-là le toujours là
02 .
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mettre en présence : révéler sans surexposer
A. ARPENTER, TRAVERSER A1- Arpenter : acquérir une connaissance intime d’un lieu (16) A2-Traverser un espace : directions, limites, temporalités, interactions (18)
B1-Points de repères et mémoire collective (23)
B3- Déplacements : interpeller, inciter, varier les directions (26) C. TERRITOIRE D’EXPLORATION: LES TRABOULES DÉLAISSÉS DE SAINT-ETIENNE
03 .
page (79)
faire renaître de l’oubli rendre présent l’absent
A. INTER, INTRA : DES ESPACES DE TRANSITIONS
A. PERSISTANCE DE LA TRACE : RÉMANENCE
A1- Le seuil : valoriser un entre deux, inciter à la flânerie (54)
A1- Les formes de disparition : les images architecturales de l’oubli : Aldo Rossi (81)
A2- Points de repères : déambulation, intersection (56) B. TERRITOIRE D’EXPLORATION : LA COUR CACHÉE DE L’ILÔT DES REMPARTS
B. ARTICULER, SIGNALER
B2-Séquences et mouvements : rythme et dynamique d’un parcours (24)
page (51)
B1- L’Ilôt des remparts : un lieu replié sur lui-même (59) B2- La cour : un potentiel social, une qualité émotionnelle (62) B3- Dialogue, transmission: désenclaver, re-connecter la cour cachée (70) B4- Apparition, disparition : évoquer une mémoire vivante (72)
A2- Expérimenter le souvenir d’un lieu : fragment, trace, disparition (88)
B. ESPACES AUTRES : LIEU SANS LIEU B1- Espaces autres,contres-espaces: les hétérotopies de Michel Foucault (93)
B2-Évoquer une mémoire du fleuve: illusion du lieu, entre-deux eaux (94)
B3- Une hétérotopie du fleuve : l’écluse (98)
C1- Les traboules, un patrimoine oublié : un besoin d’être révélés
C. TERRITOIRE D’EXPLORATION : LA DISPARITION DE L’ÉCLUSE DE LA MONNAIE
C2- Les différents types de tra boules : un réseau dans la ville
C1- L’écluse de la Monnaie : son histoire, sa disparition (102)
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C3- Regards sur le paysage : créer un passage d’expérience, générer des cadrages (40) C4- Rémanence, une trace qui persiste : mémoire des passages (48)
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C2- Potentialité du lieu : une mission «Ile de la Cité, horizon 2040» (110)
C3- «Exclusa agua» : une écluse, un passage. De la limite à la traversée: temporalités (112) C4- Un espace de transition, de franchissement : rencontres, flux, échanges. (114) C5- Un pavillon mémoriel sur la pointe Ouest de l’Ile de la Cité (122)
c o n c l u s i o n b i b l i o g r a p h i e s i t o g r a p h i e
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00.
remerciements, avant propos, introduction, enjeux
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7•
remerciements
À tous les créateurs, À ma mère, pour sa sensibilité et son amour de l’art, À mon père, pour son écoute et sa protection, À mon amour, mes amis et ma famille pour leur présence et leur compréhension, À Guillaume, pour sa capacité à me faire rire, à tout dédramatiser et pour sa précieuse aide, À Louise, pour son regard objectif et son talent de graphiste,
avant
À Tiphaine Kazi-Tani pour sa maîtrise du design et son ouverture d’esprit, À Gilles Le Bars, pour son soutien, ses précieux conseils et son suivi depuis 4 ans, À Stéphanie Rapin, pour son oreille attentive et simplement pour ce qu’elle est, À Lionel Hager, qui analyse, simplifie et synthétise la pensée, Et à tous ceux qui ont pris le temps de me lire.
- propos
Agir sur une dynamique de renouvellement dans la manière de communiquer et de spatialiser la mémoire dans la ville. Le travail sur la mémoire et l’Histoire est une préoccupation ancienne dans la politique de la ville. Aujourd’hui, l’Histoire et la Mémoire restent, sous des formes diverses, un champ très investi par les associations de la politique de la ville, et de nouveaux acteurs s’emparent ces questions et des travaux issus de ces territoires. Cette demande ne faiblit pas avec le temps : au niveau local comme au niveau national, les demandes et les interpellations de l’État et des élus par les associations sont désormais nombreuses et visent toujours à inscrire l’histoire de ces territoires et la mémoire de ces habitants dans la grande Histoire. Nous parlons bien d’histoire(s)… Pas encore de mémoire. Le mot Histoire domine très souvent le mot Mémoire dans la mesure où l’Histoire se partage et où, pour certains, les mémoires peuvent s’opposer. Les notions de patrimoine, d’archives, de supports ont aussi émergé dans les débats et les échanges. Car il y a des images, des documents, des bâtiments, des territoires, des architectures, et des événements sur ces territoires (lorsqu’on les regarde sur le long terme) qui parlent tout autant de ceux qui vivent aujourd’hui, de ceux qui vivent autour, que de ceux qui y ont vécu un jour ou qui vivaient avant sur ces « territoires » avant l’urbain. La question de la mémoire d’un lieu et de ses habitants mais aussi d’un évènement, au sein de l’espace urbain est un enjeu pour toutes les villes. Un lieu est conçu et bâti par l’Homme et ses interventions, il est un espace auquel du sens narratif est attaché, il raconte une histoire.
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En méditant sur les structures architecturales, il est indéniable que chacune d’entres elles d’une part, a manifestement une histoire et d’autre part est une (son) histoire. L’espace, tout comme un récit peut se construire et se reconstruire de manière permanente, et possède des valeurs d’expériences matérielles ou immatérielles, spirituelles. La ville est une mise en en scène incessante, tout comme le récit. De la même manière que le récit est exposé à des lectures plurielles, l’espace connait aussi de nombreuses juxtapositions de styles, dont les traces ne sont pas seulement des résidus mais des témoignages «réactualisés du passé qui n’est plus mais qui a été». Le lieu de mémoire serait pour Paul Ricoeur, la foule de la ville, dans lequel l’individu vient trouver refuge. Le lieu de mémoire ne nous appartient pas, c’est un lieu de passage dont on s’imprègne mais dans lequel nous restons de simples flâneurs. Dans l’idée d’un lieu m(émoi) re contemporain, plus ancré dans un présent continu en perpétuel mouvement que dans un passé figé, la mémoire du site, de l’évènement ou de l’élément architectural devra être rendu lisible, mais dans une retenue de l’intervention, en veillant toujours à stimuler l’attention plutôt qu’à la monopoliser et à signifier les strates du passé plutôt qu’à les écrire. L’objectif sera de faire de cette épaisseur mémorielle et de ces volumes d’oubli quotidiens, une métaphore ouverte, un vecteur et un véhicule possible pour l’imaginaire de ceux qui s’y exposent.
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introduction Dans son ouvrage L’image de la cité, Kevin Lynch effectue des entretiens avec plusieurs usagers, dans différentes villes. Il leur demande de représenter sur le papier la projection qu’ils se font du plan de leur ville, ainsi que de décrire de la manière la plus détaillée possible un parcours, sans hiérarchiser les informations, qu’elles soient de l’ordre du visuel, de l’audible, du senti, du ressenti… Sa méthode lui permet de projeter l’image mentale de chaque ville et de faire ressortir les traits caractéristiques des différents paysages urbains selon leurs usagers. Cette méthodologie exprime la faculté de chaque paysage urbain à agir sur la lisibilité, l’orientation,la mémoire et l’identité. Dans l’analyse de Lynch, on trouve des notions affectives et émotives dans la perception du paysage urbain. Une forme urbaine doit posséder des caractéristiques uniques qui la rende clairement identifiable. Ce sont ces caractéristiques qui vont permettre aux citadins, de manière individuelle ou par regroupement sociaux, de s’approprier l’espace urbain et de créer une image collective du paysage dans lequel ils se situent. Même si cette image n’est pas identique pour tous, il existera néanmoins des lieux communs ou des projections communes qui permettront de clairement identifier des secteurs ou des séquences urbaines. C’est ce que Lynch appelle le concept d’ «imagibilité » de la ville et qui exprime la faculté d’un environnement à provoquer une image chez son usager et qui facilitera la fabrication d’une image mentale collective. Ceci nous conduit à la définition de ce que nous pourrions appeler l’«imagibilité» : “c’est pour un objet physique, la qualité grâce à laquelle il a de grandes chances de provoquer une forte image chez
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n’importe quel observateur. C’est cette forme, cette couleur ou cette disposition, qui facilitent la création d’images mentales de l’environnement vivement identifiées, puissamment structurées et d’une grande utilité.”
Ainsi, d’après Lynch, une ville possédant une forte « imagibilité » sera perçue par les citadins comme une continuité urbaine, du moins dans leur projection mentale, alors qu’elle peut aussi ne pas l’être lorsque l’on parle de fractures physiques ou « vides » urbains. Le degré « d’imagibilité » exprime la force structurelle d’un paysage urbain, la cohérence et la logique d’objets caractéristiques qui sont mis en relation de manière claire avec d’autres objets. Cela permet de structurer un parcours urbain, une séquence, qui définissent l’identité d’une ville ou d’un projet urbain. Toutefois, la ville possède des caractéristiques physiques qui nous semblent élémentaires, mais qui apparaissent fondamentales dans leur capacité à engendrer une image perçue. Lynch dresse alors la liste de plusieurs types d’éléments constitutifs du paysage et du parcours urbain : les limites, les quartiers, les noeuds, les points de repère et les voies de circulation. Le livre de Lynch propose une analyse urbaine qui fait appel à une méthodologie d’approche afin d’identifier et évaluer les composantes physiques et humaines de la ville. Le lieu de mémoire est un lieu de ressenti, d’appréhension du passé, à travers lequel nous passons, en nous imprégnant d’une ambiance mais que nous ne devons pas nous approprier : c’est un lieu qui appartient à tout le monde, qui fait partir d’une mémoire collective.
Nous sommes les flâneurs des lieux de mémoire : il y a un rapport entre la notion de passage, traversée, et la notion de diffusion d’une mémoire. Les lieux doivent renvoyer à des appartenances et à la vie quotidienne, des coutumes; des émotions, et des sensations qui conditionnent la synergie de l’expérience individuelle et celle des autres.Dans cette deuxième partie du projet de fin d’étude, j’ai cherché a diviser ma recherche en trois territoires d’explorations. En m’appuyant sur une mémoire urbaine, je chercherai ici à évoquer un lieu de vie collective, expression d’une ville au présent. Cette mémoire évoque la ville pour l’habitant au quotidien, à la manière d’un lieu de mémoire.
Pour chacune de ses trois villes, je choisirai un élément architectural ou espace, ayant un rapport avec une mémoire quotidienne, des lieux de passages, de traversée. Ces éléments, constitutifs du paysage et du parcours urbain quotidiens, évoquent une mémoire collective. Ils représentent pour les individus, des passages, des noeuds ou bien même des points de repères.Comment porter, revendiquer et raconter la mémoire d’un lieu, sans pour autant la sacraliser et sans que l’Histoire ne prenne le pas sur le processus mémoriel ? Comment faire d’un lieu de passage quotidien, oubliés, cachés ou enfouis sous les couches du passé, un point de repère générateur d’une identité collective, afin les mettre en présence, de les faire vivre? Comment évoquer une épaisseur mémorielle urbaine à travers un élément architectural ou un territoire ?
Dans un second temps, je me suis demandée comment mettre en présence, révéler des seuils, des espaces de transitions dans l’espace urbain. Je m’attarderai plus particulièrement sur les cours, en prenant comme territoire d’exploration la cour cachée de l’Ilot des Remparts à Bordeaux. Enfin, j’évoque le fait de faire renaître un élément enfoui, voire disparu de l’espace urbain, à savoir, révéler ce qu’il reste lorsqu’il ne reste plus rien, et évoquer les couches, les strates du passé. Pour cela, j’ai choisi comme territoire d’exploration la Seine, en m’intéressant à l’Ecluse de la Monnaie, enfoui par les eaux en 1910.
A partir du dernier axe de mon tome 1 à savoir, la mémoire bâtie et construite d’un lieu, nous tenterons de répondre à ces questions, en élaborant ici, trois axes de réflexions sous la forme de 3 territoires d’explorations. Ces sites à valeurs symboliques, visent 3 échelles et trois aspects de la mémoire dans l’espace urbain : renforcer le déjà là, mettre en présence, révéler sans surexposer, faire renaître un élément disparu. Dans un premier temps, il s’agissait de se demander comment ré-activer un élément architectural déjà présent qui tend à être oublié voir même détruit. Pour cela, je choisirai un territoire d’exploration : les traboules de Saint Etienne, oubliés par rapport à ceux de Lyon, pourtant autrefois très utile et très empreintes par les passants.
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mémoire
& territoire
enjeux créatifs
Evoquer la m(émoi)re quotidienne d’un lieu par un élément architectural marquant à renforcer, à signaler ou à faire renaître. S’appuyer sur une mémoire vivante de la ville : ne rien figer dans le passé, parler d’un présent continu. Partir de ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien. Comprendre le caractère d’un lieu, en capter l’essence (l’essentiel), afin d’en restituer une évocation: envisager ce que ce lieu était hier et ce qu’il est aujourd’hui. Travailler sur la question de la temporalité, prendre conscience de l’évolution d’un projet inscrit dans un territoire : évaluer les éléments qui ont pris de la valeur, ce qui s’est dégradé, ce qui a été oublié, disparu… Prendre conscience que l’espace urbain est une histoire (un récit) qui s’écrit dans un temps long ; porter son attention sur les rythmes, les séquences les usages, les mouvements… Approfondir la question d’atmosphère d’un lieu, envisager les questions d’ambiances, travailler la perception car nous vivons dans des espaces où les choses sont essentiellement (re)ssenties.
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(ré)activer le déjà-là, le toujours là
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A.
arpenter, traverser “De toutes parts, des personnes s’arrêtent, se saluent, discutent un temps sur le trottoir; le phénomène est d’autant plus important devant les boucheries et les cafés qui apparaissent comme les repères de ces villageois d’un bourg invisible. Ces espaces font signes, ils spatialisent “l’avec”, entraînant ainsi un possible partage des milieux. Un partage du lieu et du temps qui fait alors lien et histoire. Par l’acceuil des rencontres, il est rappelé qu’un des enjeux de l’espace public, réside dans le possible séjour qu’il propose.” GAUBERT, Jéremie Dans Perception/Architecture/Urbain YOUNES C. et BONNAUD X. Dans le chapitre En marchant rue du Faubourg du temple: Chronotopie : un partage de la rue. En référence à Paquot,T. dans Lieu, hors lieu et être-au-monde Descartes et Cie, 1997, (page.13) Infolio Editions, Collection Archigraphy Poche, Paris. (pages 227,228 ) 2014
Ce chapitre En marchant rue du Faubourg du temple: Chronotopie : un partage de la rue, m’intéresse dans son entièreté même si seulement quelques reflexions sont abordées ici. Jeremy Gaubert, en s’appuyant sur les réflexions de Thierry Paquot s’intéresse à un quartier en particulier, celui du Faubourg du Temple à Paris. Il analyse les heures les plus propices au vivre ensemble et surtout à comment la diversité de la rue peut être signification du vivre avec. La rue est un paradoxe à elle toute seule, elle peut a la fois unir et diviser, partager ou délaisser, être source de promenade ou juste de passage. La rue intègre une immensité de temporalités qui agissent sur le partage, l’échange ou bien même la solidarité.
YOUNÈS, C. et BONNAUD, X. Perception/Architecture/Urbain Infolio Editions, Collection Archigraphy Poche, Pages 229, 230, 233 Paris 2014
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“ Dans cette description des microévènements du quotidien se découvrent des éléments constitutifs de la mémoire habitante qui s’inscrit dans un temps et un lieu, lui conférant un caractère partagé ou non avec l’autre mais qui d’une certaine manière signifie l’espace. Le rythme de cette rue forme diverses ambiances qui supposent autant de modes d’appropriation, un terme dont il est necessaire de rappeler “ qu’il ne signifie pas faire sien, mais devenir autre au contact de”. Ainsi, la “rue est un espace significatif du vivre ensemble et des modalités par lesquelles s’instaurent les conditions urbaines de rapprochement et d’espacement des personnes.”
Cette rue constitue un paradigme du partage de l’espace public, ni division, ni exercice de la propriété, mais le possible de la rencontre et du passage. La marche, le passage, démontrent ce qui se joue dans la pratique banale et quotidienne d’une rue les conditions de l’être-avec, avec l’autre, avec la rue et avec la ville. Nous décrivons ainsi une tension relationnelle, ce qui lie les passants réside dans l’impossibilité et l’incapacité d’être physiquement à la place de l’autre.Mais, parfois, cette tension peut impliquer des conflits, des malentendus et plus souvent des négociations, mais toujours les modalités d’un vivre ensemble. La marche est certe, un acte perceptif ou l’on éprouve son corps, sa respiration, son rythme, mais il est aussi un acte et un ancrage social et affectif : « Une promenade en commun est aussi une unité parce qu’elle réunit, pour quelques heures peut-être, un certain nombre d’individus animés par une intention commune, par exemple se dégourdir. Les marcheurs ne sont pas simplement juxtaposés dans ce cas, mais entrent dans une action réciproque des uns avec les autres » (Georg Simmel, Les grandes villes et la vie de l’esprit, 1981.) Arpenter, marcher, peut être une manière de “résister au présent” en intégrant une variation dans le rythme de la ville, un changement de temporalité. C’est aussi une façon d’appréhender la ville, en induisant une temporalité et une spatialité. Dans un espace temps quotidien, l’activité piétonne peut prendre des formes très variées inhérentes à la ville. L’ambiance urbaine, sa spatialité peut nous mener vers l’errance ou la flânerie, car elle est capable de rendre possible une mise en retrait dans un parcours, une transition d’un espace à un autre : elle a un pouvoir de figer le temps lors d’un passage,sans mettre en péril une mécanique de mouvement et de dynamisme. Arpenter ou traverser un lieu, rend compte de la multiplicité des qualitiés physiques et sensibles d’un environnement, se son impact perceptible sur le pas, et la marche.
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PASSER A1. TRAVERSER, ACQUÉRIR UNE CONNAISSANCE INTIME D’UN LIEU
SERÇA, Isabelle
Marcher, monter, passer d’un espace à un autre
BENJAMIN, Walter Paris, capitale du XIXème siècle : le livre des passages. Editions Cerf 1939, page 12
RO&AD Architecten Moses Bridge 2013 Directions Variations dans un parcours
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Le passage est le lieu de circulation au sein d’un bâtiment. Les passages couverts sont des rues commerçantes abritées. Elles permettent de profiter des joies de la ville en cas de mauvais temps. Dans son livre, Walter Benjamin dans Paris, Capitale du XIXème siècle développe cette thématique du passage: il est une fusion entre un monde intérieur et un monde extérieur. C’est une nouveauté qui intègre une réalité déjà présente. Walter Benjamin cite « un guide illustré de Paris dit: ces passages,récente invention du luxe industriel, sont des couloirs au plafond vitré, aux entablements de marbre, qui courent à travers des blocs entiers d’immeubles dont les propriétaires se sont solidarisés pour ce genre de spéculation. De deux côtés du passage, qui reçoit sa lumière d’en haut, s’alignent les magasins les plus élégants, de sorte qu’un tel passage est une ville, un monde en miniature. » ( 1939, page 12)
Esthétique de la ponctuation, Literary Collections 2013 Source: Google books
“ Du paysage à la page, de la topographie à la typographie, le passage est aisé, tant l’espace urbain se laisse lire comme un espace textuel. Le parcours du citadin, qui arpente les chemins tracés dans la ville par l’urbaniste, est une façon de lire la ville de manière singulière; son cheminement rappelle cette création solitaire qu’est la lecture, silencieuse et tout individuelle, d’un texte organis” visuellement sur l’espace de la page, bref, d’un texte ponctué (...) C’est ainsi que la ponctuation joue un rôle dans l’architecture, art de l’espace qui a partie liée avec le temps. ” Le paysage et le parcours urbain possèdent une faculté psychologique d’appropriation spatiale sur les usagers. L’évolution d’un parcours peut évoluer en fonction des passages, des ouvertures, des limites, des frontières ou bien même des obstacles. Lors d’une traversée, d’une promenade, l’usager de l’espace urbain arpente le paysage en se laissant à la fois guidé par les ponctuations qui s’offrent à lui, mais en créant aussi lui-même ses propres ponctuations.
L’auteur décrit ces passages comme des mondes miniatures, rassemblant deux côtés, deux façades et créant une sorte de solidarité spatiale. Il donne aux passages une certaine singularité, un caractère « fouriéristes ». Fourier est un philosophe qui donne au phalanstère, cette notion d’absolu collectif. Le phalanstère est un regroupement organique d’éléments considérés comme nécessaires à la vie, c’est une mise en place qui apporterait selon lui une harmonie et une communauté. Il serait spatialement décrit comme un ensemble de logements entourant une cour, lieu de vie communautaire. ( exemple du Familistère de Guise)
Schéma - Ponctuation dans l’espace
La passage couvert abrite une rue, ce sont des lieux doubles, et peut être apparenté au centre commercial. Ils permettent une liaison entre deux éléments bâtis et un passage d’une rue à l’autre. C’est en cela qu’ils sont transitoires, et naissent du vide pas la construction.
Donner à l’usager de créer son propre itinéraire au sein du tissus urbain facilite la projection spatiale. L’individu choisit ses repères, pouvant à tout moment se repérer au parcours urbain, agissant comme une ligne guide.
En effet, tout comme la phrase qui est délimitée et mésurée par la ponctuation et qui crée une forme qu’est le rythme, le parcours marque des temps dans la marche d’un promeneur. La ponctuation peut être physique, sonore, visuelle, olfactive tant qu’elle rythme de manière sensorielle un parcours, un passage. La ponctuation dans un parcours fait partie de la mise en mémoire, de l’encodage du lieu que l’on traverse. Un paysage est une “superposition d’écrans ou plutôt de profondeur à la fois visuelles, sonores, tactiles, olfactives, chaque sens se mêlant aux autres.” (LE BRETON, David, Marcher: éloge des chemins de la lenteur, Paris, Métailié, 2012, page 170) Arpenter un lieu est un art des sens, une manière d’acquérir une connaissance intime d’un paysage. Arpenter permet de renouer avec un rythme intérieur, celui de l’égrenage de souvenirs, de la disponibilité à ce qui l’entoure. L’important n’est pas le but à atteindre mais le trajet parcouru. Aussi, dans un instant de présence à soi et au panorama, le marcheur peut connaître un instant de plénitude. Arpenter, ralentir le pas, prendre le temps de mémoriser l’environnement.
Les ouvertures et les passages permettent de créer des connexions, à la manière de la ponctuation dans un texte. Elles permettent de rythmer l’espace par des limites (points). Ces limites sont des obstacles qui permettent de ralentir le pas, de créer des temps de pauses (silences), mais aussi des variations dans les directions.
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A2.
TRAVERSER UN ESPACE DIRECTIONS, LIMITES, TEMPORALITÉS
TRAVERSER UN ESPACE TEMPORALITÉS Traverser signifie, passer au travers, parcourir un espace d’un bout à l’autre. La traversée est un mouvement, marqué par une différenciation entre les lieux.
Mémoire du paysage 1/ Le passage piéton
Contraction Dilatation TRAVERSÉE PASSERELLE
Epaisseur de la ligne Epaisseur mémorielle
Mémoire du paysage 2/ Pas de passage
1
RAPPORT À LA LIGNE Feu rouge Frontière
Obstacles Changements de directions
1 2 3
4 VAN VAERENBERGH, Gijs Labyrinth of Boolean Voids
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Le cheminement du labyrinthe est difficile à suivre et à saisir dans sa globalité. Ce labyrinthe à la fois élément spatial et sculptural permet d’appréhender la traversée d’un espace en prenant le temps, en relentissant le rythme. Ce labyrinthe n’a pas pour fonction de s’y cacher, ou de s’y perdre, mais par ses obstacles et cette succession de murs, de faire apparaitre des ouvertures permettant de cadrer de nouveaux point de vues sur le paysage environnant. De plus, il va permettre par ces perspectives des points de repères, voire même d’orientation tout au long du parcours. La limite n’est pas nécessairement une frontière, elle peut faire partie de la traversée afin d’encourager des exépriences perceptives.
2 PASSAGE, TRAVERSÉE Feu vert Passage
La notion de passage conduit à s’interroger sur des situations intermédiaires mouvantes ce mot renvoyant tout à la fois à l’action de passer à travers, au trajet, à l’issue, à l’entre-deux ambigu par lequel s’opèrent des relations, des transitions et des médiations. Le mot apeiron – formé de « péras » (limite) et de « a » priva – désigne ce qui, de façon irréductible, est dépourvu de délimitation physique ou logique. Il est sans fin et indéterminé. La racine « per », au sens spatial et temporel de « à travers », « pendant » (présente dans « apeiron » et « péras ») se retrouve dans plusieurs langues indo-européennes. Maldiney souligne la proximité du passage (dérivé du la n tardif passare : « passer », « traverser ») et de la limite : «Traversée répond à ce e racine indo-européenne ‘per’, ‘à travers’, qui est celle du mot expérience, comme celle du grec ‘expeira’ et d’une quantité de mots dérivés en germanique. Le grec ‘poros’ qui veut dire passage, signifie aussi bien un chemin qu’un gué, “tout ce qui permet de passer d’un en deçà à un au-delà, à travers cette ligne ou cette zone d’union et de sépara on qui définit fondamentalement la plus primi ve des situa ons humaines.”
3 ESPACE DE TRANSITION ENTRE DEUX
Atelier 9.81 Par ici ou par là Tourcoing, 2013
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Qu’est ce qui permet de traverser ? Passerelle, pont, chemin, passage...
Les limites et passages entre nature et artefact semblent plus parculièrement en crise. Leurs lignes de partage ne cessent d’être déplacées, inventées voire déniées au cours de l’histoire des hommes, en architecture comme en philosophie. Ainsi Deleuze souligne comment tout mode d’expression contribue à capter les dynamiques invisibles à l’œuvre dans le réel, à opérer des agencements machiniques tels ceux entre naturel et arficiel, entre individuel et collectif ou entre spontané et organisé...
LA PASSERELLE
LE PONT
PETITS CHEMINS
PASSAGE À GUÈS
Christo et Jeanne Claude
The Gates New York, 2005
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Le passage est déterminé par une perforation qui traverse un enchaînement d’obstacles, de limites.Cela peut se traduire en différents éléments architecturaux : passerelles, ponts, chemins, passages (traboules, passages intérieurs, passage à guès... Le parcours lui, peut s’affranchir de certaines limites ou frontières existantes. La porosité d’un lieu donne au regard et à l’individu une multitude de directions à prendre, des points de vues à adopter, observer ou parcourir. La porosité est un endroit qui se caractérise par une perméabilité face aux échanges, et aux mouvements. L’installation The Gates, met en valeur cette notion de passage et de limite, par une promenade dans le parc neworkais, avec une suite de 7500 portiques. Sur le chemin, l’intensité des pans horizontaux et la couleur sont continues. Ces portes de 5 mètres de haut, mais dont le tissu modifie la hauteur, permet de revenir à une échelle décente, plus proche de celle de l’homme face aux proportions démésurées du parc. Dans cette installation urbaine, il y a volontairement une impression pour l’usager qu’elle ne s’arrête pas, qu’il n’y a pas de destinations finales ou de récompenses, mis à part celles qui se rencontrent à l’intérieur de ce cadre géant, et dans les limites de notre propre contemplation. Chaque porte, entrée conventionnelle, représente un renouvellement constant, un changement, une différence.
Rythmer et dynamiser la traversée Rythmes, obstacles, limites
La notion de limite dans l’espace urbain /
« Ces éléments de limites, bien qu’ils prédominent probablement moins que les voies, jouent pour beaucoup de gens un rôle important de caractéristiques servant l’organisation ; une de leurs fonctions en particulier est de maintenir ensemble des zones, comme dans le cas où une ville est entourée d’eau ou cernée par un mur ». LYNCH, Kevin
Tout comme les voies, les limites sont des éléments urbains aux caractéristiques linéaires. Par définition, une limite vient marquer de manière visuelle et/ou physique le bord d’un volume ou d’une surface. On peut ici faire la comparaison avec le volume urbain. La nature des limites peut varier extrêmement facilement.
Surplus d’informations visuelles Soulèvements, séquences, accumulations
Rythmer et dynamiser la traversée Enchevêtrements, noeuds, liaisons.
Elles peuvent en effet être constituées d’éléments naturels (comme un fleuve, la topographie d’un site) mais aussi définies de manières artificielles par l’action de l’homme (voies ferrées, autoroutes, ponts, passerelles, murs). Il se peut que dans certains cas, voies et limites soient une seule et même chose, ce qui permet de hiérarchiser des espaces urbains de manière lisible. La limite participe donc bien à l’imagibilité du paysage urbain dans le sens où elle le contient. Ainsi, la continuité d’une limite rend la ville perceptible de la manière la plus efficace qui soit, puisqu’elle devine lisible depuis une multitude de lieux et permet une meilleure compréhension du parcours urbain par l’usager. Toutefois, pour qu’une limite soit continue, elle ne doit pas nécessairement être de même nature tout le long de sa composition. Il ne faut pas assimiler le concept de limite à un élément infranchissable qui emprisonnerait ou exclurait. Sa perception dans le paysage urbain ne rend pas obligatoire cet amalgame. La majeure partie du temps, la limite urbaine est travaillée de manière à hiérarchiser les espaces les uns par rapport aux autres, sans pour autant qu’il n’existe aucun lien entre eux. Il faut donc assimiler le terme limite à l’idée de couture urbaine, de maillon capable de poursuivre une logique de continuité tout en étant capable de transformer les principes urbains opérants. On peut néanmoins jouer sur le degré de perceptibilité et donc d’imagibilité de la limite en s’en servant comme un élément fort de changement de nature du paysage urbain, de part et d’autre de la limite.
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B.
articuler, signaler
B1.
POINTS DE REPÈRES MÉMOIRE COLLECTIVE
LYNCH, Kevin L’image de la cité, Page 96 Editions Dunod 2007
Duomo de la cathédrale de Florence, Italie 1296 « Le dôme de Florence est un excellent exemple de point de repère lointain : visible de près ou de loin, de jour et de nuit, on ne peut pas le manquer ; il domine par sa taille et sa silhouette ; en relation étroite avec les traditions de la ville, il coïncide avec le centre religieux et géographique ; il est couplé avec son campanile de telle manière qu’il permet de jauger de loin la direction sous laquelle on le voit. Il est difficile de penser à la ville sans que ce vaste édifice vienne à l’esprit ».
L’importance des points de repères dans la mémoire collective / Le point de repère est l’outil permettant de s’orienter dans l’espace, de localiser quelque chose ou d’évaluer une distance. Les points de repères sont des références ponctuelles dans le tissu urbain. Ce sont des éléments matériels simples, dont l’échelle est variable dans de grandes proportions. Le point de repère permet de s’orienter dans la projection mentale de la ville et du parcours que se fait chaque individu. Toutefois, cette orientation est tout-à-fait relative puisqu’elle va dépendre de la projection de l’individu. C’est en cela que le concept d’imagibilité collective du paysage urbain est intéressant et prend tout son sens : elle permet la mise en relation de points de repères identifiables par tous. Le point de repère apparaît comme un invariant de l’image collective, ce qui constitue un élément clé de chaque projet urbain ou de parcours urbain. Certains points de repères sont capables de structurer un quartier ou une ville si ils présentent une grande visibilité en tout lieu de l’espace urbain et une grande imagibilité à l’échelle de la ville. Lynch prend l’exemple du campanile de la place Saint Marc de Venise ou le Duomo de la cathédrale de Florence, qui sont des repères rayonnants sur l’ensemble du paysage urbain.
Ils doivent opérer un contraste avec les éléments qui les entourent. Dans l’imaginaire de chaque individu viennent s’ajouter des points de repère à ceux présents dans l’image collective de l’espace urbain. On constate donc une hiérarchie dans l’établissement de points de repères : tout d’abord, le repère collectif à l’échelle de la ville ou d’une vaste zone urbaine, puis le repère collectif à l’échelle d’un quartier ou d’une zone urbaine restreinte, et enfin le repère particulier ou individuel qui va concerner un parcours personnel, quotidien. Ainsi, selon Lynch, l’analyse collective du paysage urbain ne peut pas prendre en compte ces éléments particuliers car même s’ils étaient perçus par différentes personnes, leurs spécificités et leurs interprétations seraient trop personnelles pour permettre de les généraliser à l’ensemble d’une population. Cela ne pose cependant pas de problèmes puisque dans tout les cas, suffisamment de points de repères dans le paysage et le parcours urbains sont clairement identifiés et permettent d’engendrer une structuration mentale collective du plan de la ville. Comment signaler des éléments présents depuis toujours, oubliés de l’espace urbains, mis de côtés, délaissés ? Comment les articuler avec leurs environnement? Comment créer des points de repères, générateur d’une identité collective ?
Certains points de repères ont une influence nettement moins grande, mais servent à valoriser une place, une rue. Ils doivent cependant posséder les mêmes caractéristiques que les points de repères influants à plus grande échelle afin d’être clairement perçus par une personne quelconque.
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B2.
SÉQUENCES, MOUVEMENTS DYNAMIQUE, RYTHME D’UN PASSAGE
Recherches autour de l’ouverture, la continuité des passages Le passage peut devenir point de repère, élément signal, s’il est une expérience à part entière : entrer dans un univers
Recherches autour de l’ouverture, la continuité des passages Laisser entrevoir des traces du passé, créer une continuité comme des racines enfouies sous terres.
RAAF Rietveld Architecture Bunker 599 2012
L’ouverture apparaît à la fois comme une limite ou comme limite ou comme appel à la traversée.
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Le bunker 599, crée par RAAF Rietveld Architecture, parait dans un premier temps indestructible, par sa massivité et sa monumentalité. Pourtant, sa fragilité se fait sentir par cette faille, ce volume coupé littéralement en deux, de manière symétrique. Cette scission apparait comme une coupe longitudinale effectuée par une coupure un peu plus large qu’un homme et permettant de le traverser, mettant en évidence l’exiguïté de son intérieur, d’ordinaire invisible. Le bunker est posé sur la terre ferme, à un mètre d’un petit lac, le chemin devient une passerelle permettant de parcourir quelques mètres au-dessus de l’eau. Une longue promenade en bois coupe à travers la construction extrêmement lourde. Il conduit les visiteurs à une zone inondée et aux sentiers de la réserve naturelle adjacente. Le quai et les pilliers qui le supportent rappellent que l’eau qui les entoure n’est pas provoquée par, par exemple, le soulèvement du sable, mais plutôt par une plaine d’eau peu profonde caractéristique des inondations en temps de guerre. L’éventrement de ce bunker, évoque une mémoire du lieu, comme quelque chose qui s’expose au reste du monde, qui se dévoile, en créant un lien avec son environnement : sa visibilité apparaît comme un repère. On ne peut passer a côté sans passer au milieu, ce bunker, symbolisant quelque chose de non poreux, une limite infaillible, appel ici pourtant à la traversée, à un passage lent et intriguant. La passerelle permettant de passer d’une rive à l’autre, semble émerger de l’eau et de la terre, comme pour évoquer des flux anciens, le passage de l’Homme. Le lieu paraît habité. Cette tranchée apparait à la manière d’un seuil, à la fois obstacle, frontière et passage. Il inclut l’idée d’un établissement humain, il possède une dimension presque sacrée. Comme un seuil abstrait, qui marque dans l’espace, le temps ou le mouvement, une rupture, une discontinuité, ou au contraire, un trait d’union, une continuité qui amène au rassemblement.
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B3.
DÉPLACEMENTS INTERPELLER, INCITER, VARIER LES DIRECTIONS
Dynamique du parcours / Les cheminements quotidiens uniques ou répétés contribuent à forger l’image que nous nous faisons de l’environnement. Ils révèlent le monde qui nous entoure par ses caractéristiques formelles,saptiales qui mettent en valeur les évènements observés et les signications évoquées le long du parcours : «le chemin nous permet non seulement de nous déplacer de lieu en lieu, de passer près ou de traverser des lieux, mais il contrivue à nous souvenirs de choses vues et vécues.»
Casser la linéarité dans un parcours Perturber le regard, accentuer les mouvements
VON MEISS, Pierre De la forme au lieu Une introduction à l’étude de l’architecture. Chapitre 7, 1986
L’expérience du parcours est dynamique, et les termes qui lui sont associés sont des verbes d’action : se promener, trouver, pénétrer, passer, entrer, sortir, arriver, partir. Parfois, ce parcours franchit les limites, graduellement, ou au contraire brusquement : le parcours est fait de changements, de variations, de rythmes, de séquences. Le but est de travailler la limite entre le dedans et le dehors comme une ouverture existentielle. Il s’agit d’une articulation réelle, imaginaire et symbolique, qui donne à penser les différences et les passages entre l’intérieur et l’extérieur, le même et l’autre.
«L’expérience de la marche en ville sollicite le corps dans son entier en un appel continu aux sens et au sens. La ville n’est pas en dehors de lui, elle est en lui, elle imprègne son regard, son ouïe et ses autres sens ; celui-ci se l’approprie et agit sur elle sur la base des sens qu’il lui attribue » (Le Breton, 2000). Lorsqu’il y a déplacement, il y a nécessairement activation des sens et mémoire, car « le flâneur est aussi celui qui se déplace dans la mémoire». Il s’agirait donc de penser le rapport entre déplacement et mémoire. La marche,le déplacement sont avant tout une possibilité d’atteindre à travers le corps, “un mouvement à la fois comme déplacement, comme marque d’une mobilisation, d’un ébranlement et d’une évolution.” (1) L’expérience de l’espace ou d’un environnement se joue de différentes manières : par une relation à un espace limité matériellement, telle une représentation géométrique d’un point A à un point B. L’autre est celui du sens qui surgit des sensations et des émotions, qui n’est plus une représentation, mais plutôt une réalisation d’une présence, d’une sensation, d’une surprise.
Casser la linéarité d’un passage Inclure des étapes, inciter à la flânerie
Variations de niveaux Différents niveaux de lecture
Le passage comme moment de flânerie Séquences visuelles
Schémas de circulations Intégrer des étapes, des obstacles
« L’événement d’une sensation dans sa proximité est un avènement de tout le fond du monde, comme lorsqu’au détour d’une rue, un visage, une voix, une flaque de soleil sur un mur ou le courant du fleuve, déchirant tout d’un coup la pellicule de notre film quotidien, nous font la surprise d’être et d’être là. Le Réel c’est ce qu’on n’attendait pas – et qui toujours pourtant est toujours déjà là. Et le rythme est la vérité de cette communication première avec le monde, (…) la sensation dans laquelle le sentir s’articule au se mouvoir. » (2) (1) BONNET, Aurore Qualification des espaces puvlics urbains par les rythmes de marche, page 69 2013 (2) MALDINEY, Henri Regard Parole Espace Edition l’Age d’homme, collection Amers, 1994
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Les successions visuelles, que David Lynch appelle “séries temporelles”, sont perçues dans le temps telles des séries de points de repères “de nature mélodique”. L’expérience urbaine n’est pas celle d’une simultanéité du plan : elle est un parcours qui mêle différentes séquences temporelles et spatiales. « Comme un morceau d’architecture, la ville est une construction dans l’espace, mais sur une vaste échelle et il faut de longues périodes de temps pour la percevoir. La composition urbaine est donc un art utilisant le temps, mais il est rare qu’on puisse y employer les séquences contrôlées et limitées d’autres arts fondées sur le temps, telle la musique. » En effet, l’expérience de la ville moderne est celle d’une multitude voire d’un excès de sensations, et « presque tous les sens interviennent et se conjuguent pour composer l’image ». Cette expérience prend souvent la forme d’une secousse mais elle reste successive et fragmentaire, et donc se déroulant dans des séquences temporelles, des moments. De plus, ce n’est pas uniquement une expérience réeelle et présente qu’offre le parcours dans la ville, mais bien une réminiscence, des souvenirs du passé et des désirs, des projections dans le futur. Et ce n’est pas seulement l’observateur qui se déplace mais la ville entière qui change, car “on voit la ville sous tous les éclairages, par tous les temps” , dans sa danse quotidienne. La ville est en perpétuel changement mais se répète, elle a aussi ses rythmes. Il ne faut pas se placer face à la ville comme face à un tableau, une fenêtre ouverte sur l’extérieur. Si l’on peut parler d’une expérience esthétique de la ville, ce n’est pas celle d’une contemplation car « nous ne faisons pas qu’observer ce spectacle, mais nous y participons, nous sommes sur la scène avec les autres acteurs ». LYNCH, Kevin L’image de la cité, Pages 1-3 Editions Dunod 2007
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En effet, se déplacer dans la ville est une conjugaison de plusieurs vitesses qui permet à l’usager de ressentir un parcours de différentes manières : la perception de l’espace urbain, les repères, les articulations, les limites diffèrent ainsi que les points de vues. Sur ce point la, les différents plans présents dans un parcours sont très importants. Par exemple, un trajet dans un parcours urbain, dans une direction bien déteminée, peut être l’objet d’un découpage fragmenté, de séquences, qui peuvent être eux même découpés en plusieurs plans successifs. Le regard, le champ visuel sera sans arrêt sollicité afin de percevoir les éléments du parcours selon des points de vues différents. Chaque plan isolé, chaque succession de plan, chaque mise en séquence permet de donner du sens à un parcours, en mettant en place une symbolique dans la perception du déplacement. Un plan visuel peut être comparé à un tableau, une photo, qui permet un arrêt sur image et une vision objective de l’espace dans le parcours urbain. Les successions de plans permettent des rapports géométriques des sensations visuelles telles que la symétrie, l’asymétrie, l’ouverture de chanps, la fermeture, les déformations spatiales. Ils permettent aussi de se rendre compte si le nouveau plan va venir en continuité ou en rupture avec le plan de départ. De plus, le passage d’un plan à un autre peut être différent, être progressif, brutal, ou se superposer à d’autres plans, se construisant par une accumulation d’éléments constitutifs du paysage urbain. Cette succession de plans permet de briser un processus de linéarité en mettant en place des sinuosités et des variations apportant dynamisme au parcours : “la rupture provoquant le changement de séquence est liée à un changement des éléments perçus dans le champ visuel ou par un changement dans la façon de les percevoir.” L’enchaînement de différents plans permet de constituer une séquence visuelle, uniquement si une rupture est présente.
CABARET, Jocelyn
Séries temporelles Variations de plans, champs visuels, cadrages
Arpenter la ville Pages 35-36 2015
Casser la linéarité d’un passage Recherches formelle sur l’enroulement, l’enveloppe, la seconde peau.
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Lorsqu’il y a déplacement, il y a nécessairement mémoire, car l’usager ne se déplace pas tant dans la mémoire que dans sa mémoire. Pour Bailly la mémoire est un lien essentiel entre l’espace urbain et ceux qui le pratiquent au quotidien. Non pas une mémoire donnée et acquise, mais une mémoire dynamique, en mouvement, qui s’actualise en permanence dans la marche et l’errance. «La phrase urbaine» peut se comprendre ici, comme cette relation entre la marche et la parole. Selon l’auteur, l’espace urbain se prête de moins en moins à l’errance de part ses formes et ses limites. Les obstacles physiques à la marche se répercutent alors dans la décomposition de la parole sur la ville et menacent le libre mouvement du flâneur. La ville se réécrit concrètement et en permanence par le pas des passants qui la traversent, par la mémoire multiple de la ville qui se réactualise perpetuellement. La mémoire du patrimoine est en quelque sorte factice car elle fige le temps, alors que la mémoire du passant, est un fil vivant qui se régénère sans cesse : « Le passant, l’enfant du temps qui passe [...] Quelqu’un qui passe, qui habite le temps, la résidence mobile du temps où la ville s’inscrit elle aussi en s’usant » (p. 179) Il y a un rapport direct entre la fluidité de l’espace et la fluidité du temps, mais aussi entre la libre errance et la venue du temps. La ville se déploie non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps : le caractère de palimpseste du texte urbain fait partie de sa définition.
BAILLY, Jean Christophe,
«Geste déplacement-mémoire» Le rythme, les étapes.
Le corps est mis en jeu dans la variation de hauteurs (voir schéma ci-dessous) ou la variation d’éléments visuels, traduit par la ligne elle-même ou l’épaisseur de celle-ci. Une ligne plus épaisse indiquerait un ralentissement, une prise de temps, tandis qu’une ligne fine suggèrerait une légèreté et plus de rapidité. “ La ligne géométrique est un être invisible. Elle est la trace du point en mouvement, donc son produit. Elle est née du mouvement, et cela en premier lieu par l’anéantissement de l’immobilité suprême du point. Ici se produit alors le bond du statique vers le dynamique.“ (KANDINSKY, Vassily, Point et ligne sur plan, 1991, page 67) «Geste déplacement-mémoire» Jouer sur les hauteurs, changements de sens
Le projet de la High Line de New York par exemple, consiste en la requalification d’une ancienne voie férrée aérienne pour être retransformée en une ligne verte suspendue au dessous de l’espace de la rue. A la manière d’un belvédère ce parcours urbain offre une nouvelle perception de la pratique de la ville. De par ses variations de hauteurs en plus de se démarquer du niveau de la rue, la High Line propose une variation typologique afin de créer des couloirs visuels sans pour autant prendre le dessus sur l’environnement.
L’enchaînement de plans, la variation de hauteurs permet d’offrir une modification du champ visuel en provoquant un effet de surprise, “ une mise en scène de la destination que l’on peut percevoir qu’en toute fin de parcours.” Le plus interessant étant de proposer une progression lente “limitant les effets de rupture afin de ne pas perdre l’objectif du parcours et ainsi brouiller les sens que l’on souhaite donner à l’enchaînement des plans.” Ces séquences visuelles permettent de diviser un parcours en plusieurs temps : des temps de marches, des temps de contemplation et des temps de pause. Il est cependant necessaire de lier, d’articuler ces espaces afin de densifier le réseau et de varier les parcours. La ligne d’un parcours possède un rythme qui permet de suivre un trajet définit. La rapidité de celle ci est traduite soit par des lignes droites, rectilignes soit par des détournements, impliqant un ralentissement du pas, une flânerie. La dynamique d’un parcours varie par les détournements, les changements de directions mais aussi des croisements, points de rencontres, qui incitent à une pause ou une contemplation.L’articulation dans un parcours peut être physique ou visuel.
Diller Scofidio + Renfro High Line New York 2003
CABARET, Jocelyn Arpenter la ville Pages 42-43 2015 Schéma d’une séquence visuelle Deux traversées qui jouent sur les hauteurs, les variations de niveaux (physiques, corporelles) et les variations rythmiques (visuelles)
« La phrase urbaine» Editions Le Seuil, 2013
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C.
territoire d’exploration, les traboules de saint-etienne
C1.
DES PASSAGES OUBLIÉS UN BESOIN D’ÊTRE RÉVÉLÉS
Traboules de Saint Etienne Traboules de Lyon
Les traboules sont des passages piétons à travers des cours d’immeuble qui permettent de se rendre d’une rue à une autre. Les plus connues sont à Lyon. Le mot « traboule » est un mot typiquement lyonnais. Amable Audin, historien archéologue, décompose le mot traboule en « trans-ambulare » qui signifie littéralement « passer à travers » d’où le verbe trabouler et le nom qui en découle, « traboule ». À Saint-Étienne le réseau probablement plus restreint qu’à Lyon - a été largement détérioré par l’aménagement des espaces privés. Aujourd’hui deux quartiers historiques, Saint Jacques et le Crêt de Roc, possèdent leurs traboules. Le modèle fut repris jusqu’au xixe siècle lors de l’aménagement des immeubles à cour (recettes) du centre-ville afin d’assurer la circulation entre les îlots. Les traboules et les montées de Saint Etienne sont présentes, mais presque insignifiantes. Ces éléments architecturaux font partie d’un passage quotidien, devenu acquis voire même invisible .Elles étaient et sont toujours très importantes dans la ville, car elles permettent d’assurer une articulation, une circulation entre les îlots.
Saint-Étienne possède bien un important réseau de passages plus ou moins discrets, pour certains privatisés ou abandonnés, pour d’autres encore empruntés régulièrement, mais sur lesquels on ne porte pas le regard que l’on devrait. Ces passages et traboules sont le témoignage vivant d’une autre époque, un enchevêtrement des différents siècles: à Saint-Etienne, on ne détruisait pas on construisait en plus, dans les lieux qui demeuraient. Ces passages secrets font partie de la m(émoi)re du lieu, qui sera travailler dans l’optique de renforcer le déjà-la. Il s’agira d’articuler ces éléments architecturaux de traversée, avec leur environnement en travaillant les rythmes, la perception,les points de vues par le biais de séquences paysagères. La traboule est une voie réservée aux piétons, souvent étroite, débutant par un couloir d’entrée et traversant un ou plusieurs bâtiments (et/ ou une ou plusieurs cours) pour relier une rue à une autre ». Une traboule peut être horizontale quand elle se traduit par une succession d’allées et de cours, ou verticale quand elle attaque les volées d’escaliers qui rattrapent les dénivelés.
Les traboules s’appréhendent à différents niveaux de lectures, elle propose des choix. L’usager qui l’emprunte entre physiquement, sensoriellement en relation avec elle.
En effet, les traboules par exemple, sont des points de repères dans la ville de Lyon, ils ont une histoire, et possédaient une fonction très importante à l’époque. Ce patrimoine a été conservé et mis en avant dans le Vieux Lyon, notamment à travers le biais du tourisme. A Saint Etienne, ses points de repères tendent à disparaitre, et sont parfois même rebouchés. Le territoire stéphanois est parsemé de vestiges et de ruines d’un passé industriel. Traboules, crassiers, usines, entrepôts, voies de chemins de fer, sont les traces d’un paysage en disparition. Les mutations modernes, puis contemporaines du territoire, tendent à absorber de manière particulière ces traces. Les formes industrielles sont en phase de recouvrement – il faut donc les traiter selon une approche sédimentaire comme l’archéologue traite les superpositions sédimentaires qui contextualisent les productions humaines. Comment revaloriser ces traboules stéphanois, sans en faire un patrimoine touristique ?
On ne les voit pas forcement, elles passent inaperçues, perdant leurs âme de « passages secrets ». Il y en avait 200, il en reste aujourd’hui 70, par la construction d’immeubles modernes.Certaines personnes ferment même les traboules par des murs. S’égarer dans les dédales des traboules. Ces traboules ont un côté fascinant, mystérieux, un peu comme une Madeleine de Proust. Saint-Étienne en compte environ 200 mais elles disparaissent.C’est un élément architectural de passage, faisant parti des trajets quotidiens, un patrimoine qui se perd et presque méconnu des habitants.
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SAINT ETIENNE LOCALISATION DES TRABOULES
Saint Etienne Centre ville
Longtemps connue comme étant la ville française « de l’arme, du cycle et du ruban » et un important centre d’extraction houillère, Saint-Étienne est actuellement engagée dans un vaste programme de rénovation urbaine visant à conduire la transition du stade de cité industrielle héritée du xixe siècle à celui de « capitale du design » du XXIème siècle. Cette démarche a été reconnue avec l’entrée de Saint-Étienne dans le réseau des villes créatives UNESCO en 2010. La ville se trouve sur la vallée du Furan (ou Furens), qui prend sa source dans le massif du Pilat au sud de la ville. Comme toutes les villes, Saint-Étienne dispose de quartiers très variés qui reflètent sa sociologie : cœur historique (Saint-Jacques, Badouillère / Saint-Roch, Jacquard), faubourgs (Crêt de Roc, Colline des Pères, Tarentaize / Beaubrun / Severine) ou encore grands ensembles (La Métare / Le Portail Rouge, Beaulieu / Montchovet / Marandinière, Montreynaud).
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Saint Etienne Localisation des traboules et des montées
Une traboule est un passage étroit, généralement couvert, qui relie deux rues en traversant un pâté de maisons. Ce terme est employé surtout à Lyon et à St-Étienne. A St-Étienne, les traboules, qui se trouvent plutôt au centre ville, présentaient des accès piétonniers ou cochers. Elles donnaient souvent accès à une cour intérieure. Les accès sont aujourd’hui le plus souvent fermés. Comme la ville présente plusieurs collines, il y a également de nombreuses montées, souvent en escaliers, ainsi que des passages.À Lyon, on dénombre environ 500 traboules. Elles se situent majoritairement dans les quartiers du Vieux Lyon (215 cours et traboules recensées), de la Croix-Rousse (163 cours et traboules recensées sur les pentes) et de la Presqu’île (130 cours et traboules).Cependant, dans la ville de Saint Etienne, les traboules sont complètement délaissées, voire même oubliées.
Les traboules de Saint Etienne se trouvent plutôt au centre ville, présentaient des accès piétonniers ou cochers. Elles donnaient souvent accès à une cour intérieure. Aujourd’hui deux quartiers historiques, Saint Jacques et le Crêt de Roc, possèdent leurs traboules. Le modèle fut repris jusqu’au XIXe siècle lors de l’aménagement des immeubles à cour (recettes) du centreville afin d’assurer la circulation entre les îlots. Les accès sont aujourd’hui le plus souvent fermés. Comme la ville présente plusieurs collines, il y a également de nombreuses montées, souvent en escaliers, ainsi que des passages. Les montées Centre ville de Saint Etienne
Il en existe de plusieurs types : - Traboule directe : on voit la sortie dès l’entrée - Traboule en angle : traversant deux ou plusieurs bâtiments à l’angle de deux rues ; - Traboule rayonnante : une cour au cœur d’un îlot d’habitations comportant plusieurs accès ; traboules à détours. Certaines comportent des escaliers car elles relient des rues ayant un fort dénivelé, d’autres cumulent ces différentes caractéristiques. Chacune d’entre elles se définit et se dessine selon les caractéristiques paysagères spécifiques du lieu d’où elle émerge.
Les montrées Centre ville de Saint Etienne
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C2.
LES TYPES DE TRABOULES UN RÉSEAU DANS LA VILLE
Les traboules, un réseau dans la ville Expérimentations, trames, enchevêtrements
Mettre en avant le mouvement, les intersections, la verticalité Trait d’union, lien, entrelacement.
Traboules directes Ces traboules sont linéaires, elles permettent de voir la sortie dès l’entrée. Elles permettent de se rendre d’une rue à l’autre, elles sont un espace de transition, un entre deux entre un point de départ et un point d’arrivé. Certaines comportent des escaliers car elles rellient des rues ayant un fort denivellé, tandis que d’autres cumulent plusieurs caractéristiques.
Espaces de traversées Passages, arches, portes .
La traversée est l’action de traverser un espace, une période d’un point à un autre. La traversée est à la fois physique, matérielle, par des éléments architecturaux tels que des passages, des ponts, des passerelles, des arches, des portes, des fenêtres...
Traboules en angles Ces traboules traversent deux ou plusieurs bâtiments à l’angle de deux rues
Cependant, la traversée n’est pas seulement rendue possible par des éléments palpables, elle est aussi immatérielle et peut se faire par le biais de sens tels que la vue, ou par l’ombre et la lumière. Le lieu et la forme d’un élément architectural sont des images qui entrent dans une mémoire collective. Ils nous sont racontés, nous les voyons depuis notre enfance. «Peu à peu, ce qui n’etait d’abord qu’un édifice ou un élément comme un autre prend une vlauer collective, se perpétuant dans le temps. C’est histoires et ces connotations se transmettent et se modifient de mémoire en mémoire; elles nous enracinent dans le temps et le lieu.»
Traboules rayonnantes Une cour au cœur d’un îlot d’habitations comportant plusieurs accès.
VON MEISS, Pierre De la forme au lieu, Chapitre 7, page 156. 1986.
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RENDRE VISIBLE ÉLÉMENT SIGNAL,RÉSEAU Les traboules : un tissus urbain,des connexions Jouer des hauteurs et des niveaux : différentes postures, différents temps de parcours
Traboules, passages : un dédale ignoré ou caché. Créer un parcours d’expériences sensorielles.
Recherches graphiques sur l’idée d’un réseau dans la ville. Expérimentations - argiles, dessin, photographie
De la rue à l’utilisateur : la pratique de l’espace public par l’usager/ Les rues apparaissent comme une part structurante du paysage urbain car elles permettent le déplacement, organisent et régulent la vitesse. Les rues accueillent une bonne partie des moyens servant à se déplacer d’un point A à un point B, et sont donc réceptives à tout type d’usager. Ce qui les rend constitutives du paysage et du parcours urbain, c’est le réseau qu’elles engendrent, les connexions qu’elles permettent à travers l’espace. Une image mentale est provoquée par le parcours d’un passant dans une rue : les rues sont la base de notre système urbain actuel. Toutefois, on peut aisément les hiérarchiser, et cette hiérarchie induit des comportements et des usages spécifiques. La perception que l’on a de la rue et sa capacité à provoquer une image mentale est augmentée grâce à plusieurs facteurs comme leur continuité (aspect continu d’un point de départ jusqu’à une destination, identification, largeur de la chaussée…), leur étalonnage (quels éléments permettent de lire sa continuité tout au long du parcours, entre les éléments repères de début et de fin), les connexions qui s’opèrent avec le reste du réseau (connexion angle droit, voie parallèle, dilatation spatiale). D’autres caractéristiques des rues permettent une imagibilité forte. Il peut par exemple s’agir du champ visuel qu’elles proposent, large ou resserré, mais également des sensations qu’elles peuvent provoquer, comme une sensation de vitesse, d’entrée ou de sortie d’un environnement. Les traboules forment un réseau dans la ville, a la manières de rues intérieures qui rythment un parcours dans l’espace urbain. Faut-ils les harmoniser, les identifiées de manières individuelles ? Comment créer des expériences sensorielles qui marquent l’usager, qui provoquent des émotions lors des traversées? L’intervention doit-elle necessairement avoir un rapport à l’histoire de ses éléments pour traiter la mémoire de ce lieu ?
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C3.
REGARDS SUR LE PAYSAGE CRÉER UN PASSAGE D’EXPÉRIENCE, AGÉNÉRER DES CADRAGES
La ligne, la traversée Rythmes, épaisseurs, séquences, vides, pleins.
Vide délimité par un plein - Interraction
Entre deux / interstices Intervalles / distances
Architektur and Landschaft. Landmark Lusatian Lakeland, 2014
Vides génèrent des points de vues, des cadrages
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Les traboules forment un enchevêtrement de passages dans la ville, elles invitent au parcours. La dynamique du parcours varie par des détournements, des pleins et des vides, des changements de directions. Ce réseau se traduit par des lignes, des croisements entre deux lignes, des points de rencontres, des intersections. Ces lignes varient dans leurs ryhtmes, leurs épaisseurs, leur séquences transposant alors le parcours en différents temporalités: des temps de marche, de pause, d’arrêt, des suspensions du rythme dans le trajet. Dans le projet Landmark Lusatian Lakeland de Architektur and Landschaft, le passage apparait comme une sculpture dans le paysage, un point de repère, voire même un observatoire. Une tension se crée entre le côté industriel de l’acier corten et la nature environnante. Le Landmark réagit intentionnellement à l’origine industrielle et à l’histoire des terres de l’acier et des machines minières, tandis que l’escalier sculptural est le symbole de la réalisation humaine et du futur. À partir d’une hauteur de trente mètres, ses utilisateurs peuvent voir trois lacs ainsi que les centrales électriques à l’horizon. De plus, la minceur du matériau et la manière particulière de la construction à partir de corps creux, le visiteur est sonore lors de l’ascension et de la descente. Chaque étape est une expérience acoustique. Ici, le passage est un symbole de la transformation du paysage, mais il est aussi un élement signal, une traversée d’expérience, un point de vue innédit. De plus, les différentes hauteurs et les différents points de vues permettent de nouveaux regards sur le paysage environnant.
Les traboules pourraient être mis en avant, signalés, par des évènements dans la ville qui reprennent les symboliques de traversées, de réseaux, de trait d’union entre deux entités, deux bâtiments ou deux rues. Ces passages sont, en quelques sorte une articulation, une coordination entre deux ou plusieurs pôles, coins opposés qui gènèrent des chemins qui rythment le passage et la limite d’un espace. La notion de passage conduit à s’interroger sur des situations intermédiaires : ce verbe renvoie à la fois à la notion de passer à travers, au trajet, à l’issue, à “l’entre-deux ambigu par lequel s’opèrent des relations, des transitions et des médiations.” Ces relations, médiations pourraient être mis en scène au dessus des rues, à la manière de fils tendus entre deux immeubles. Il serait aussi interessant, de mettre le corps de l’usager en jeu, dans sa manière d’arpenter, de marcher durant cette traversée. Comme le disait Claude Parent en parlant de la fonction oblique, le plan droit ne force pas à l’attention “ il vous met dans l’oubli dans forces qui vous soutiennent”. Le pan incliné en revanche peut permettre de solliciter le corps et exige une attention, des pauses, qui obligent un ralentissement du pas et une observation du paysage. Ce rapport au sol est basé sur l’instabilité, le déséquillibre, à la manière de racines dont l’irruption viendrait briser la monotonie horizontale d’un passage normal. Les traboules pourraient devenir des paysages presque accidentés, en rupture ou en continuité avec leur environnement. Les traboules ne seraient plus des passages couverts ou ouverts qui permettent de traverser plus rapidement afin d’aller d’un point A à un point B, mais il deviendrait un passage d’expérience, permettant de décrocher avec la 2D, cet accord entre la verticalité et l’horizontalité.
Des regards sur le paysages. Rellier, faire passer, transmettre : des traversées d’expériences
Croisements, réseaux Différentes étapes, différentes vitesses.
PARENT, Claude Architecture oblique
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EXPÉRIENCE PERCEPTIVE I M A G E D U L I E U, P E R C E P T I O N Dynamisme, profondeur par les matériaux et les jeux d’ombres et de lumière
PASSAGE SENSORIEL D U L I E U À L’ É M O T I O N
Recherches sur la perception Projections qui rythment le passage.
Cette oeuvre de Buren m’interesse ici pour son échelle inhumaine et surdimensionnée. Il souhaite que son oeuvre nous ramènent à échelle humaine. C’est une seconde verrière, plus proche de nous, sous la verrière du Grand Palais. Le centre de l’installation est une clairière au milieu d’une forêt de poteaux et de couleurs. Seuls de grands miroirs ronds sont au sol, sur lesquels on peut circuler. Dans ce parcours sensoriel, on y explore une forêt enchantée, sous des parasols géants, en sautant dans des flaques de couleurs acidulées. Debout sur les miroirs, le visiteur est surpris d’y voir à la fois le reflet de la verrière et son propre reflet. Cette installation pourrait être l’image déformée un d’un souvenir, à la manière d’un paysage imaginaire, d’une rêverie.
BOTTA, Mario Wohnsiedlung in Novazzano BUREN, Daniel Monumenta, 2012
Nos expériences perceptives lors de notre passage dans un lieu, sont stockées sous forme de représentations mentales qui se distinguent de la réalité. L’image d’un lieu est dominée par des facteurs affectifs qui orientent nos rapports aux espaces et à toutes les images qui de manière presque permanente « se dédoublent des perceptions quotidiennes ou moins ordinaires, et mémorisées, recomposées, accompagnent la trame des jours et nourrissent la manière dont chacun rêve d’un ailleurs à partir d’un ici.»
Recherches sur la perte de repères, les troubles. Dédoublements, accumulations, multiples/ Recherches sur une installation à l’intérieur des traboules Déformations des images mentales par le souvenirs : couleurs, ouvertures...
SANSOT, Pierre La poétique de l’espace Editions PUF, 2001, page 237
Les traboules font parties d’un paysage connu, quotidien, voire presque acquis pour les stéphanois. Au cours de nos trajets quotidiens ou de nos visites, voyages, il peut nous arriver d’être touchés par un paysage, une couleur, un moment lumineuse. Commment expliquer ces rêveries, ces émotions, ces absences? Comment créer un passage “d’expérience” au sein des traboules afin de les rendre attractifs ? Comment comprendre l’origine de ces sentiments ? Quels sont les éléments du contexte qui participent à de telles perceptions? Pour Sansot, les souvenirs déforment les images que l’on garde d’une expériences, en se transformant par des images presques excessives. Il existe une perméabilité dans l’expérience sensible, une cohabitation entre ce qui me touche (l’émoi) et ce que j’affecte en retour, entre le dedans et le dehors. « (…) les subjectivités habitantes, les imaginaires particuliers ou collectifs, les expériences indéchiffrables, les sensations fugaces, les mémoires morcelées, brisées, les imperceptibles ou les aperçus, les pulsions et les pulsations des corps dans l’espace. »
Recherches sur la notion de couches Dévoiler par le soulèvement : intérieur / extérieur
CLAVEL Maïté, Sociologie urbaine, Editions Economica, Anthropos, Paris, 2002, page 43. Source: https://labyrinthe.revues.org/470
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Recherches - modélisation 3D Effet d’optique, perspective, profondeur.
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POINT DE REPÈRE V I T E S S E, E F F A C E M E N T « Les formes s’achèvent. Les matières jamais. La matière est le schème des rêves indéfinis » Gaston Bachelard
Traboule Passage couvert Lieu d’intervention Entrée et sortie Recherches sur les temporalités dans la marche, la vitesse, l’éffacement.
Bornes sonores
Entrée du passage Element signal, invitation à la traversée Ambiances lumineuses et colorées Animation nocturne
Les traboules peuvent devenir des portes d’entées vers des univers. Parcours dans la ville ?
Dans l’imaginaire de chaque individu viennent s’ajouter des points de repère à ceux présents dans l’image collective de l’espace urbain. On constate donc une hiérarchie dans l’établissement de points de repères : tout d’abord, le repère collectif à l’échelle de la ville ou d’une vaste zone urbaine, puis le repère collectif à l’échelle d’un quartier ou d’une zone urbaine restreinte, et enfin le repère particulier ou individuel qui va concerner un parcours personnel, quotidien.
Recherches plastiques à partir de plaque de cuivre et de projections lumineuses Variations de couleurs, action du temps sur le matériau.
Ainsi, selon Lynch, l’analyse collective du paysage urbain ne peut pas prendre en compte ces éléments particuliers car même s’ils étaient perçus par différentes personnes, leurs spécificités et leurs interprétations seraient trop personnelles pour permettre de les généraliser à l’ensemble d’une population. Cela ne pose cependant pas de problème puisque dans tout les cas, suffisamment de points de repère dans le paysage et le parcours urbains sont clairement identifiés et permettent d’engendrer une structuration mentale collective du plan de la ville. L’intervention d’un matériau et de la lumière pourrait permettre une sensation de confort dans l’orientation au sein de l’environnement urbain pour l’ensemble des citadins, qui arrivent très rapidement à se créer une projection mentale et à se situer dans le lieu où ils se trouvent. Architecture SATIJN plus Architecten Kruisherenhotel Maastricht 2005
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C4.
RÉMANENCE LA TRACE QUI PERSISTE : MÉMOIRE DES PASSAGES
Faire apparaître l’épaisseur mémorielle du lieu Espace narratifs - L’espace s’ouvre à la manière de pages qui se déploient
Expérimentations lumineuses Conserver, archiver les flux, les passages
Recherches à partir du phénomène de «rémanence» Expérimentations sur la disparition et de l’apparition de l’arrête du cube - trace qui persiste Installation lumineuse - Cubes de plexiglass colorés.
Le mot rémanence signifie « demeure, résidence», ou encore « continuation d’un effet après que la cause ait été supprimée». La rémanence est le faire de se maintenir, de persister de rendre quelque chose permanent quelque temps après que le stimulis ai disparu. La trace est une condensation de temporalités produits dans l’instant présent et qui persiste dans un présent cotninu. Cette expérimentation tente de conserver par la lumière et de faire apparaître des fragments, des stimulis du passé, en endant visible seulement des arrêtes du cube, en mettant en mouvement la superposition des fils colorés, comme pour suspendre le temps, saisir l’instant.
Faire apparaître l’épaisseur mémorielle du lieu Recherches d’effets visuels, graphiques et colorés. Mémoire des passages, des flux Espace à «mémoire de mouvements» : retranscrits la nuit par des jeux de lumières
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Nous avons vu précedemment comment ré-activer ces passages oubliés, délaissés. Il serait intéressant non plus seulement de remettre en évidence un lieu de passage quotidien, mais aussi de garder en mémoire les flux qui ont traversés ces passages : comment suggérer la mémoire d’un lieu? Un lieu est composé des personnes qui le traversent, car les usagers de l’espace urbain laissent toujours leurs trace: par ces expérimentations, il serait ici envisagé de conserver les mouvements des usagers, mais aussi leur pas, leurs directions, leurs voix par des jeux de lumières la nuit : comme si le lieu archivait toute la journée des informations et les retranscrivait la nuit, à la manière d’une mise en scène, d’une expérience visuelle.
Les traboules sont des passages couverts, qui nous coupent de l’extérieur le temps d’un instant. Comment évoquer la mémoire d’un lieu, tout en le rendant attractif et vivant ? Se saisir d’un existant afin de confronter un dispositif spatial source de poésie et d’imagnation. Comment exacerber ces sensations du passage, de la traversée, du mouvement afin de les faire ressentir au passant ? Les superpositions d’usages par le passé, d’ambiances, et la sensation d’un lieu vivant et habité sont les thèmes de cette recherches. Ces traboules oubliés des regards, peuvent être comparés à une ruine, non pas parce qu’ils sont desafectés ou abandonnés d’un point de vue physique, mais parce qu’ils sont laissés de côtés. Dans la ruine, le temps est comme suspendu, arrêté, un entre deux un stade intermédiaire entre le matériel et l’immatériel.
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02.
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mettre en présence, révéler sans surexposer
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A.
inter : intra des espaces de transition
LYNCH, Kevin L’image de la cité, Chapitre 3 : La ville et ses éléments Paris, Dunod, 1969
La lecture de la ville peut s’effectuer à la manière d’un palimpseste, de couches qui se superposent et qui créent la mémoire d’un lieu. La ville porte en elle les souvenirs du passé, leur durabilité, leur renouvellement, leur profondeur. Les espaces de transitions; comme les traboules vuent précédement, sont omniprésents. La cour par exemple, est une figure de composition, de transition entre les bâtiments. Elle comporte une dimension vaporeuse, issue de l’imaginaire , relative au passage, à la traversée. La cour , espace transitoire, pourrait être assimilée à un “noeud” dans l’espace urbain, comme le dit Kevin Lynch dans son ouvrage L’image de la cité. Les voies sont les éléments les plus prédominants dans l’architecture de la ville, elles sont une ligne de déplacement essentielle à son organisation interne. La voie est le fil conducteur du mouvement: “ les gens observent la ville quand ils circulent, et les autres éléments de l’environnement sont disposés et mis en relation le long de ces voies.” La cour serait donc un noeud, comme la plupart des espaces de transitions, car ils mettent en rapport des voies. Les cours servent de repères, elle jouent avec les limites, établissent des rencontres. Elle peut être définit comme un espace médian : “ nous l’avons défini en tant que “centre de gravité” afin de souligner sa fonction de rassemblement”. En effet, l’espace médian se forme au croisement de lieux, de directions. Le centre de gravité est un point commun à ce qui l’entoure car il permet une centralisation du mouvement et des itinéraires. Le seuil est un élement ponctuel de transition, qui, à la manière d’un élément médiateur, permet de passer d’une chose à une autre, souvent d’un intérieur à un exterieur. Ces passages de constitutifs de transitions peuvent être le passage de la cour, du portail, d’un renfoncement, d’une cour...
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Ces espaces intermédiaires peuvent être considérés comme des “espaces autres.” En effet, “inter” signifique “relation réciproque, éléement entre” , c’est une intersection, un croisement, un inervalle, une distance d’un point à un autre. L’inter peut être une étape dans un parcours, mais il peut aussi être, comme dans l’exemple de la cour, un moment de pause, de contemplation, dans lequel le passage n’est pas necessairement rapide. Une personne rentrant dans une cour, va franchir un certain nombre de seuils, qui seront subit consciemment ou inconsciemment, à la manière d’une transition spatiale. En tant qu’élément fixe et répété, le seuil est un élément signal, un élément de repère visuel. Il marque tout simplement un passage entre deux milieux, entre un intérieur et un extérieur. L’inter permet une interaction spatiale, afin de comprendre les liens entre les éléments architecturaux. Ces espaces autres sont des lieux de médiation où l’on coexiste. De plus, ces espaces de transitions peuvent être considérés comme des points d’articulation qui réunissent ou déterminent une déviation. Comment rendre mémoire, mettre en présence, révéler ces espaces de transitions, ces lieux de passages quotidiens?
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A1.
LE SEUIL VALORISER UN ENTRE DEUX, INCITER À LA FLÂNERIE
LA COUR CIRCULATION- TRANSITION
Les différents éléments architecturaux qui évoquent les notions de seuil, d’entre-deux, d’espace de transition. Les passages Passages couverts.
Les couloirs Passage d’une pièce à une autre
Les places, les cours Entre deux : de l’espace public à l’espace privé
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Les escaliers Passage d’un niveau à un autre
Le pas de porte Passage d’un extérieur à un intérieur
La rue, les voies Passage d’un point A à un point B
Le seuil /
Schéma - Espace urbain Seuils et espaces intermédiaires.
Le seuil matérialise un changement de lieu. C’est un point significatif, de départ, elle donne une première impression au visiteur puisqu’elle est conçue en fonction du bâtiment. Le seuil est un espace d’entrée, d’accès. En cela, il devient une limite, protectrice, qui différencie le dedans et le dehors. Le seuil est une notion paradoxale puisqu’il est à la fois une limite franche mais aussi un lien, un trait d’union voire un espace de jonction entre deux lieux. C’est un entre-deux. Il est à la fois point de réunion, centrifuge, mais aussi centripète. Les principaux mouvements entrer, sortir, se font à partir de ce lieu. Cela implique une progression et une communication entre deux entités. Le passage peut être une transition entre deux mondes, une transmission, un échange de pensées. Dans le seuil, il existe plusieurs temporalités : la pause, l’arrêt complet, la marche, la flânerie, le passage d’un état à un autre, à la manière d’un interstice. Le seuil a évolué au fil des époques, passant de limites monumentales, valeurs de frontières, à un élément peut distinctif lors de la suppression des limites entre intérieur et extérieur. Il se veut toujours néanmoins composant de communication entre deux espaces et annonce un passage, lui procurant une certaine importance à chaque visite. C’est un lieu de confrontation, d’opposition mais aussi de connexion. Cet univers du milieu est un point de réunion ou le changement d’état se fait progressivement. Tous les seuils possèdent leur propre histoire. Il est également un élément d’évolution, un symbole d’intermédiaire une suspension temporelle est spatiale. Son évolution dans le temps représente à la fois un espace privé et un espace public, une foule ou de l’intimité, une exposition, ou un replis.
Seuils / Entre deux Passage intérieur/extérieur Espace intermédiaire Espaces autres Enclave, «espace entre»
Recherches de circulations Circularité, linéarité
1
La cour Un vide entouré de pleins.
2 3
4
5
INTERSTICE
INTERSTICE
INTERSTICE
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A2.
INTERSTICES TEMPORALITÉS
POINT DE REPPÈRES DÉAMBULATION, INTERSECTION
1 / Temps d’arrêt
Déambulation, rythmes Temporalités par la courbe.
Intersections Noeuds, point de repères
Les espaces intermédiaires, comme les places ou les cours sont des lieux de vie qui ne se limitent pas aux frontières imposées par les murs.
Désaxer pour dynamiser Différentes déambulations : déplacer le centre de gravité Etendre
Espaces circulaires qui viennent casser l’ortogonalité de la cour.
La courbe Prendre le temps, ralentir le rythme
Latéraliser
Polariser
Plan
La mémoire d’un lieu passe par une «imagibilité» de l’environnement urbain, qui consiste comme le dit Lynch, à facilter son identification mais aussi sa structuration visuelle. Les voies, les points de repères, les limites les noeuds, sont les fragments d’un jeu de construction servant à fabriquer la structure et les caractéristiques d’un environnement urbain. Une voie peut posséder un caractère kinestésique, qui fait que celle-ci reste en mémoire, dans les souvenirs d’un trajet : l’impression de mouvement que l’on peut ressentir lorsque l’on suit une ligne courbe, les tournants, les montées, les descentes... La mise en forme de la ligne dynamique, donne une identité à la circulation, elle engendre une expérience continue, dans le temps. Les obtacles, ou intersections sont autant d’éléments qui renforcent la mémoire et l’imagibilité. La question de la vitesse est aussi importante dans le caractère kinesthésique de la ligne : « les sens du toucher et de l’inertie interviennet dans cette perception du mouvement, mais c’est la vue qui semble prédominante.» Afin de mettre en avant des couches du passé, désaxer les zones d’interventions permettent de leur donner de l’importance plutôt que de les centraliser : plusieurs entités, plusieurs mémoires.
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2/ Replis dans la ville
Cobe Architecture Israel’s square Danemark 2013
Espaces de pauses
Plan Creuser, enfouir
Créer des limites afin d’induire plusieurs directions possibles : intégrer des surprises.
Révéler, signaler par le creu
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B.
territoire d’exploration, la cour cachée : ilôt des remparts
B1.
L’ILÔT DES REMPARTS UN ILÔT REPLIÉ SUR LUI-MÊME
Bordeaux L’ilôt des remparts - Une frontière dans la ville.
« On ouvre une porte. En deça, vous êtes encore dehors. Au-delà, vous êtes chez vous, chez moi, chez l’autre. L’importance de ce seuil est fondamentale [...], il est profondément affectif et poétique. Ce qui importe est l’épaisseur donnée à ce seuil, l’épaisseur donnée à chacuns des parois du logement. Dans un contexte immobilier où la taille des appartements tend à se réduire, l’interface entre intérieur et extérieur, constitue l’essentiel de l’ «habitabilité» du logement. Les replis des seuils abritent les pauses et les discours impromptus d’un matin ou d’un soir. La relation à la cour, les transparences lumineuses des appartements traversants [...] donnent au logement quelque chose qui le distingue du commun. »
L’ilôt des remparts Cour des remparts - Enclavée dans l’ilôt
L’ilôt des remparts Un espace fermé au reste de la ville
GIRARD, Edith Bien habiter la ville, Editions du Moniteur, 2010
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61 •
LA C O U R D E S R E M PARTS UNE COUR CACHÉE La mairie de Bordeaux a exprimé la volonté de réinsérer l’îlot des remparts dans la ville; un projet est déjà amorcé en ce sens dans le cadre du projet Bordeaux [Re]centres. Le programme envisagé propose une reconversion des bâtiments en logements et la création d’un jardin public. L’étude menée par la ville est ici re-questionnée, complétée et développée. L’enjeu serait alors d’ouvrir l’îlot à la ville et d’y faire naître une urbanité singulière sans fragiliser le site. Révéler sans surexposer. Il s’agit de partir d’un existant et d’y apporter une plus value. Ajouter sans déséquilibrer. Le projet aura pour objectif de « raccommoder » cet ensemble complexe, en tirant parti de son potentiel spatial et architectural hétérogène qui sera affirmé.
Une nouvelle page s’écrit pour l’îlot palimpseste : au-delà du rempart est proposée une qualité de vie à part pour les résidents et un lieu privilégié, une respiration inattendue dans le secteur St.Michel pour les habitants du quartier affirmé et utilisé : chacun des bâtiments conserve ses caractéristiques spatiales dont on peut tirer profit. L’idée est de concevoir un lieu de vie qui ne se limite plus aux frontières imposées par les murs épais de façades. Il n’est plus pris en étau entre ces murs, s’en abstrait pour s’étendre sur le dehors. La façade n’est plus la limite franche et matérialisée entre dehors/dedans, public/privé. Elle abrite un seuil ouvert sur la cour. Fragment de la troisième enceinte de Bordeaux construite au début du XIVème siècle, le mur existant qui délimite encore aujourd’hui la partie sud de l’îlot (rue des Douves) s’adosse à un talus de terre.
Derrière ce mur, on observe l’enclos du couvent des Capucins, fondé en 1601. Le couvent comprenait un hôpital, une bibliothèque et une apothicairerie. Au coeur de l’îlot, se dessine un ensemble aéré grâce aux vastes cours des bâtiments conventuels. Le cloître et la façade donnant rue du Hamel sont les éléments les plus remarquables de cet ensemble XVIIIème. Aujourd’hui, l’îlot accueille toujours l’administration du CROUS depuis 1982 et l’ERP, La Teulade appartenant à l’ONAC (office national des anciens combattants,ministère de la défense) qui a fait construire dans les années 1950 un bâtiment supplémentaire sur le site. La chapelle aujourd’hui désacralisée, appartient au CROUS.
L’îlot n’a jamais été ouvert au public, et seul le rempart fait l’objet d’un classement aux monuments historiques. Les cours apparaissent comme des grands vides sur le site. Fermées au public, on observe un désintérêt pour ces espaces auxquels est attribué aujourd’hui un rôle purement fonctionnel de parking. Un manque de considération particulièrement frappant dans la cour du cloître des capucins. Leur surface, disproportionnée par rapport aux nombre d’usagers fréquentant le site contribue à renforcer l’image d’espaces vides, froids. Le jardin de la chapelle et la sente des Douves présentent une richesse végétale insoupçonnée car invisible et inaccessible au public.
L’ilôt des remparts La cour des remparts
« Toute relation entre (…) un intérieur et un extérieur procède de deux aspects de dépendance. Elle aménage à la fois séparation, et maison ou, en d’autres termes, différenciation et transition , interruption, continuité, frontière et passagère. Les seuils et espaces de transition deviennent « lieu » à leur tour : « lieu ou le monde se renverse » (…) Ils contrôlent la perméabilité d’une limite, confirmant la discontinuité spatiale tout en offrant la possibilité de la franchir physiquement. C’est le seuil qui révèle la nature de la limite. »
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VON MEISS, Pierre De la forme au lieu, 1986, page 137
Les cours de l’Ilot des Remparts, sont enclavées au sein de l’Ilot par des infrastructures et des obstacle,fermées à l’extérieur et très peu valorisées. La m(émoi)re du lieu sera ici évoquée sur le thème des cours. Il s’agira de révéler et de connecter la cour du rempart avec le reste de son environnement (l’Ilôt), en redonnant de la qualité et des valeurs à ce seuil, lieu de transition, passage et temps de pause pour en faire un élément signal, un lieu de vie.
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B2.
LA COUR : UN POTENTIEL SOCIAL, UNE QUALITÉ ÉMOTIONELLE MULTIPLIER LES SEUILS, LES ESPACES TRANSITOIRES Schéma de l’ilôt des remparts et de la cour Zone d’intervention.
Recherches autour de la trame Dynamiser la cour, inciter à la flânerie
« La surface du terrain, sur laquelle s’inscrit la mémoire de ses transformations , devient la carte et la chronique de l’endroit. Il y a une matérialité sensuelle dans cette présence intensifiée du site (...) une accumulation sédimentaire de trace.»
MAROT, Sébastien L’art de la mémoire, le territoire et l’achitecture, Edition de La Vilette, Penser l’espace Paris, 2010 Page 114
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(1) PANERAI, P. et MANGIN, D.
De l’ilôt à la barre Page 151-162 Source:Enoncé théorique de Master - EPGL LEPELLETIER, Thomas La cour, identité et permanence dans le logement collectif.
La cour possède une vision humaniste et sociale : elle impose une vision collective. La cour porte en elle, des passages quotidiens, plus ou moins long, dont les temporalités diffèrent en fonction de la fonction que l’usager décide de lui donner. En effet, la cour comporte un groupé hétérogène de personnes , de population qui se voit rassemblé autour d’un même espace, dans une situation de proximité. La conception de la cour a pour vocation de fédérer un groupe, de générer de la mémoire collective, dans le but de créer de l’espace de vie partagée. La cour possède alors un caractère et un potentiel social ressenti : elle permet des situations de rencontres, de partages où les usagers se croisent, parlent, échangent un regard... Cette dimension sociale est rendu possible grâce au statut d’espace de transition, de seuil qui enlève toute fonction à cet “espace autre”, un espace libre dépourvu de contraintes. La cour possède également une qualité émotionelle : un parallèle peut être effectué avec le jardin. C’est un lieu dans lequel l’individu se reconnait pleinement, personellement : “ ces discours à caractère perceptif et sensoriel font (...) de la cour un parcours de promenade, un cheminement (...) issu d’une vision pictuale, poétique et rêvée du monde qui l’entoure (...) d’avantage evisagé sous le jour d’une appropriation mentale que physique, (ce lieu) ne paraît pas être conçu pour témoigner de la présence des habitants et de leurs pratiques. L’espace semble se suffire à lui-même.” (1)
Intervention Cartographier, tramer l’espace de la cour - Expérimentations La cour comme jardin: multiplier les directions, générer des surprises.
Circulations Bâtiments
La cour est à la base, un espace libre, dépourvu de limites : afin de désenclaver cette cour pour l’ouvrir vers la ville, il serait interessant de multiplier les seuils et de recréer des espaces de transitions à l’intérieur. Le parallèle avec les jardins, me pousse à rechercher des trames, comme pour cartographier la cour afin de générer une déambulation et d’inciter à la flânerie.
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COUR SCULPTURALE P L E I N S, C R E U X , R E L I E F S
La cour comme jardin Cartographie de la mémoire, espace sculpturale.
Générer des reliefs dans un espace orthogonal Expérimentations en volume
Schéma de l’ilôt des remparts et de la cour Zone d’intervention.
Plan sculptural Spatialité du corps: changements de niveaux. NIEMEYER, Oscar Place Gambetta, les Volcans Le Havre 1978, 1982
Intervention Circulations Bâtiments
Modeler, faire resurgir Recherches sur un espace sculptural par les creux, les pleins, les hauteurs
Le lien évoqué precedemment entre la cour et le jardin est ici expérimenté par une intervention sculpturale de du volume de la cour. Il s’agirait de créer, comme dans un jardin, un espace qui met en jeu le corps de l’usager : des variations de hauteurs, des pentes, des creux.Cela permettrait de redonner une véritable fonction de promenade et de passage à cette cour fermée au reste de la ville. De plus, les changements de niveaux apporteraient différentes lectures sur l’architecture mais aussi différentes temporalités : à l’interieur des creux, l’usager peut effectuer une pause, retrouver la fonction de méditation des cours des cloitres, puis dans les montées, la sensation de promenades et la possibilité d’être surpris ressurgit.
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Temps de pause Alcôves de repos
Dynamiser les formes Intégrer des moments de surprises
Alcôves de repos, méditation
1
2
VALLONER
CREUSER
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Recherches sur des jeux de sols qui laissent entrevoir les couches successives du passé. Failles, fentes, interstices
La ville est une sorte de géographie sentimentale, dans laquelle se pose la question de la mémoire, des images qui en certains lieux, vont jaillire de notre esprit, presque fragmentée, morcelée. Elle se complète d’une épaisseur qui renvoie à des expériences, des sensations, des souvenirs qu’elle évoque malgrè elle afin de se “rémémorer”. La perception que l’individu à des lieux peut être partielle et changeante, elle repose “à la fois sur le monde tel qu’il se présente au sujet et sur la lecture qu’en fait celui-ci, dépassant ainsi la séparation traditionnellement opérée entre l’objectif et le subjectif. “
1.
2.
3.
4.
Mémoire vivante, faire resurgir. Redonner vie et dynamisme par des soulèvements, des glissement, laissant entrevoir des surprises.
Recherches de circulations Pleins et vides
Espace centrifuge Mettre en avant l’aspect social de la cour : centre de gravité, rencontres Plusieurs chemins afin d’arriver au centre. Casser le plan libre de la cour afin d’intégrer plusieurs parcours.
ENTRÉE
La cour est à la fois intérieur et extérieur, mais elle est un espace plus ou moins clos. Ici, je vois la cour comme une boîte renfermant l’esprit des lieux. Un travail de modularités des sols permettrait d’entrevoir partiellement, sur des temps différents, des traces du passé (végétations, matières minérales, cours d’eau...) Les recherches se sont faites autour de la rotation, du pivot, d’une sensation de glissement, ou bien même de soulèvement. Recherches sur le moment de transition dans l’espace : rotation, pivot, glissement, soulèvement
1.
2.
Recherches de textures Expérimentations autour du relief et de la faille
3.
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4.
1.
2.
3.
69 •
Recherches sur des jeux de sols qui laissent entrevoir les couches successives du passé. Failles, fentes, interstices.
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71 •
B3.
DIALOGUE, TRANSMISSION DÉSENCLAVER, RE-CONNECTER LA COUR CACHÉE
La cour représente à la fois un noeud et un point de repère. Elle peut permettre de mettre en relation des voies, des bâtiments entre eux. La cour est à considérer comme un cheminement. Un individu qui entre dans une cour va être amené à un certain nombre de transitions spatiales, de seuils conscients ou non. Ce mouvement est un parcours qui évoque symboliquement une avancée, une transition,un franchissement. Le seuil est un élément fixe, signal, qui marque un passage de manière plus ou moins claire qui constitue à lui seul un repère visuel. La cour possède une dimension collective, de rencontre, de réunion. Le rythme de la structure donne un ton à la tension et inscrit le bâti plus en rapport avec le plan, il conditionne une articulation.
Une structure qui témoigne du temps qui passe : recherches sur des séries temporelles évolutives par l’ombre et la lumière.
Selon David Lynch, la qualité des formes dans une ville dépend de trois critères : l’identité (l’individualité, l’unicité), la structure (spatiale et paradigmatique) et la signification (émotive ou pratique). Les éléments de la ville doivent pouvoir être perçus à la fois comme distinct des autres et en relation avec les autres, en plus de pouvoir se voir attribuer une fonction. On doit pouvoir reconnaître où l’on se trouve, mais aussi situer cet endroit par rapport au reste de l’ensemble. Dans le chapitre «Qualité de la forme», David Lynch évoque «Les séries temporelles», qui sont perçues dans le temps et qui comprennent des systèmes de liaisons maillons par maillons, simples, ou une séquence alléatoire de point de repères. Dans la séquence simple, l’image provient d’un déroulement d’éléments plutôt que des éléments eux-mêmes, tout comme l’individu peut se souvenir des mélodies, mais pas des notes, d’un livre mais pas du nom de l’auteur : les séries temporelles sont comme des indices. « Nous perçevons les formes en continuité dans le temps, comme des des archétypes d’art urbain qui présentent une suite mélodique d’éléments ou une forme faite d’une succession d’espace, de contexture, de mouvement, de lumières ou de silhouettes.»
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Rythme et tension sont une manière de voir des principes de compositions, à la manière d’un parcours initiatique, la cour raconte le passé et souligne le contraste que son univers marque avec la ville.
Par ailleurs, tous soulignent le contraste que l’univers de la cour marque avec la ville dans ce qu’il offre de « caché, secret et réservé». La cour d’un cloitre et très souvent habitée d’un jardin, la structure évoque à la fois l’ordre par la séquence, mais aussi le désordre par l’enchevêtrement et les mouvements générés.
Une structure qui témoigne du temps qui passe . Recherches sur des séries temporelles évolutives par l’ombre et la lumière : aspect végétal de la cour d’un cloitre.
Le jardin est le territoire par excellence du parcours. L’art de la mémoire (ars mémorativa) trouve dans le jardin un réel terrain d’expression : acte de cultiver la mémoire et celui d’entretenir son jardin. « La transformation du territoire en paysage, à l’oeuvre dans l’art des jardins, peut être rapportée au projet de constituer des systèmes de lieux et de les rendre disponibles pour la mémoire individuelle et collective. » MAROT, Sebastien L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture. Page 52
Expérimentation maquette - photomontage
LYNCH, Kevin L’image de la cité, page 126 Editions Dunod
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B4.
APPARITION, DISPARITION ÉVOQUER UNE MÉMOIRE VIVANTE : PRÉSENT CONTINU
RÉVÉLER UN ESPACE:ABSENCE DE VIE A P P A R I T I O N, D I S P A R I T I O N Recherches sur la présence, l’absence Redonner vie par la lumière : installation nocturne. Paysage évolutif qui amènent à la contemplation et la méditation Rapport au cloître des capucins situé à côté de la cour: la cour d’un cloître à pour caractère fonctionnel l’intimité. Paysage évolutif : la structure dévoile le lieu petit à petit par la lumière
Intervention Circulations Bâtiments
GOTHMEH, Dorell time is TIME, Milan, Italie, 2014 Cadrage sur les arcades de la cour.
La vision classique d’une cour admet celle-ci comme un espace seuil mais ce n’est pas totalement le cas. La cour matérialise un centre relatif à un collectivité, un cheminement, presque linéaire où peuvent se matérialiser certaines rencontres. Un dialogue de la cour avec la rue. Recherches de structures et de perspectives qui amènent à la cour depuis la rue.
Eléments qui semblent en lévitation. Créer le sentiment d’une promande avec des coins et des recoins : intimité, méditation.
Le seuil est l’élément pontuel de transition, comme un médiateur sur un plan topologique : la cour n’est pas un seuil, elle dépend du seuil et le seuil dépend d’elle. Ici la cour du cloître des capucins est un espace totalement clos et fermé au reste de la ville. Lui rendre m(émoi)re serait de l’ouvrir à un seuil, afin de passer d’une chose à une autre, d’un extérieur à un intérieur afin de créer un basculement, une transition, un espace intermédiaire. Les cloîtres sont des hâvres de paix dans lesquels les religieux peuvent se recueillir, méditer et communier avec la nature: lieu de promenade, de lecture ou de méditation, jardin... La cour du cloître est aujourd’hui vide, froide et inutilisée : comment rendre m(émoi)re à cette cour en la rendant accessible depuis la rue, tout en lui redonnant son rôle de lieu apaisant, calme et presque hors du temps ?
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Dans cette scénographie l’agence Dorell Gothmeh se pose la question de «qu’est ce que le temps?». Le temps contient de nombreux moments individuels comme le «maintenant». Il est impossible de faire attendre le temps, il ne cesse de bouger, il est un flux changeant. Par cette installation lumineuse, les individus auront une nouvelle expérience du temps, comme si ce dernier s’arrêtait quelques instant, comme suspendu.
Entre espace matériel et immatériel.
L’idée d’une installation nocturne dans cette cour, serait de lui redonner vie durant la nuit, à la manière une renaissance, en proposant une scénographie lumineuse, qui reprendrait l’ambiance d’un cloitre végétal, prônant la méditation et la contemplation. Cette installation intègrerait une place centrale et des espaces de replis. La mise en lumière des arcades permettraient de rendre mémoire à son architecture tout en lui conférant une symbolique presque spirituelle. La structure apparait sous forme de fragments, qui se décomposent et se recomposent par la lumière, comme un paysage évolutif.
75 •
ESPACE INTERMÉDIAIRE R É V É L E R, C A C H E R Récherches autour de la présence et de l’absence Révéler des surfaces, des limites, un entre-deux
Recherches autour d’ambiances lumineuses et colorées Souligner l’entre-deux, le passage
Recherches autour d’ambiances lumineuses et colorées Accentuer les vides clos qui articulents les bâtiments, les rapports d’échelles
1.
Ces espaces lumineux et colorés pourraient permettrent de souligner ces vides, ces variations d’échelles afin de les signaler. Il est possible d’appréhender la cour au travers d’une notion très présente chez Aldo Rossi : le fait urbain, qui véhicule et transmet quelque chose par nature, car il relève d’une dimension et d’une expression collective.
2.
Selon Levi Strauss, c’est d’aileurs ce point qui distinguerait la ville d’une oeuvre d’art “elle est à la fois objet de nature et sujet de culture”. Le fait urbain est liée au lieu : il signifie une certaine présence “ l’identification de ces lieux comme étant des points singuliers peut venir de ce qu’un évènement précis s’est produit à cet endroit (...) Ces lieux sont les signes concrets de l’espace; en tant que signes, ils se rattachent à l’arbitraire et à la tradition”.
Intervention Circulations Bâtiments
La cour peut également être définie comme un espace porteur d’un passé, lié aux manières de vivre. La conception de la cour et de son architecture se voit rassemblée autour d’un même espace, dans une situation de proximité : la cour fédère des groupes, des mémoires collectives.Le vide clos articule les bâtiments, les rapports d’échelles, la limite entre espace public et espace privé.
3.
Pleins, vides Schématisation des bâtiments : zones d’ombres et de lumière
4.
On peut aussi y voir un patrimoine collectif, une mémoire, car la cour est l’oeuvre d’une collectivité. La cour est une sorte de monument car elle fixe la permanence, l’histoire et la mémoire. Elle est une sorte d’infra-monument; image d’un passage quotidien omniprésent, pas monumental pour autant mais permanent : en effet, la cour forge son identité en tant qu’intermédiaire, elle temporise et evite une rupture du schéma de la ville, elle forme un vide structurant que j’ai ici voulu mettre avant par ces recherches.
5.
TURELL, James Skyspaces, 2008
• 76
77 •
REMONTER LE TEMPS:FLUX INVISIBLES MISE EN LUMIÈRE L’idée ici est de prendre la cour comme un écrin, une boîte à remonter de le temps, un paysage qui ne considère pas simplement le terrain comme un moyen ou un élément de composition, mais l’exprime et le considère comme un matériau. Il s’agit de rendre compte de l’état du territoire et de son épaisseur, à la manière d’un palimpseste. Entre les permanences ou les disparitions, les éléments ou les dispositifs qui se sont conservés et ceux qui ont été effacés, mais aussi le passage de l’homme, ses flux. C’est ce que Sou Fougimoto à évoquer dans son installation “Seulement la lumière”: chaque cône lumineux représente des arbres dans une forêt, bougeant en fonction du passage de l’homme. En rendant visibles et lisibles ces traces et leurs rôles dans la morphologie du site, de nouvelles circulations et formes apparaitront tout en liant des liens avec les arcades qui forment le tour de la cour. Ces flux sont représentés ici par des jeux d’orientation et des zones d’ombres et de lumière. Les éléments posés ou légèrement soulevés au dessus du terrain situent des couches de mémoire ou des états de consciences du territoire, comme des repères qui permettent « au promeneur de s’y décaler, d’y naviguer en glissant d’un plan dans l’autre ou dans l’entre deux.»
Révéler les flux des hommes, par des zones de lumière : comme si le sol pouvait emmagasiner, enregistrer à la manière d’un espace d’archives, les flux anciens et les révéler pendant la nuit.
Superposition de couches, soulèvements des pavés. Susprendre le temps, accumuler les couches de mémoires.
MAROT, Sebastien L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture (page 114) Editions de La Villette, 2010.
Recherches de trames qui se superposent Recréer un mouvement au sein de la cour : une mémoire vivante
FOUGIMOTO, Sou «Seulement la lumière», 2016
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Dans l’Art de la mémoire, le territoire et l’architecture il est dit que les systèmes mnémotechniques de lieux les plus banals, souvent ceux liés au passage et à la traversée, sont des “systèmes de lieux architecturaux, c’est-à-dire des ensembles d’espaces construits ou aménagés par l’homme.”(1) D’autre part, la mémoire d’un lieu précède celle des images, elle leur sert de support. Les lieux de mémoire peuvent être réels ou bien imaginaires : “ bien que l’on doive être très attentifs à bien distinguer l’art proprement dit de l’art de la mémoire, qui est un art invisible, il n’en est pas moins sûr que leurs frontières ont dû se chevaucher.” (2) La cour porte en elle cette notion de passages et de traversées quotidiennes, qui met en exergue une mémoire vivante, en perpétuel mouvement : elle n’est plus seulement une mémoire passive ou conditionnante, elle est une accumulation très dense de traces, de souvenirs, “une mémoire active (...) comme des systèmes de lieux mnémoniques construits.”(3)
Peter Eisenman Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe 2003-2004
Cette installation lumineuse qui consisterait, à la manière d’une rémanence, conserver et montrer dès lors la nuit tombée, les flux conservés au sein du lieu, permettraient de mettre en avant le fait que la ville réalise une union entre passé et futur, et qu’elle traverse cette dernière comme la vie peut traverser l’individu.
(1) MAROT, Sebastien L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture page 22 Editions de La Villette, 2010. (2) Ibid page 26 (3) Ibid page 30
79 •
03.
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faire renaître de l’oubli : rendre présent l’absent
81 •
A.
persistance de la trace : rémanence
A1.
LES FORMES DE LA DISPARITION LES IMAGES ARCHITECTURALES DE L’OUBLI : ALDO ROSSI
AUGÉ, Marc Les Formes de l’oubli (1998), Editions Payot & Rivages, Petite Bibliothèque, page 122 Paris, 2001
Après avoir évoqué la présence d’architecture ou d’éléments architecturaux à réactiver et révéler, nous allons maintenant évoquer les images architecturales de l’oubli, afin se demander comment rendre présent l’absent. « L’oubli nous ramène au présent, même s’il se conjugue à tous les temps : au futur, pour vivre le commencement ; au présent, pour vivre l’instant ; au passé pour vivre le retour ; dans tous les cas, pour ne pas répéter.» Dans sa définition de l’oubli, Marc Augé suggère qu’il est possible de considérer le rapport de l’oubli au souvenir comme celui de l’opération au produit : « l’oubli, en somme, est la force vive de la mémoire, le souvenir en est le produit ». L’oubli est finalement, comme le souvenir, une fonction de la mémoire. Il pourrait être considéré comme étant le mode de sélection – une censure – qui permet au souvenir de se distinguer parmi les informations enregistrées par la mémoire. L’oubli, en ce sens, ne serait que le négatif du souvenir, ce dernier étant alors la seule information à prendre en compte.
ONANER, Can « Aldo Rossi et les images architecturales de l’oubli » Images Re-vues 2014 Source: http://imagesrevues. revues.org/3858
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L’oubli est également un thème récurrent dans les écrits de l’architecte Aldo Rossi, en particulier dans son ouvrage « Oublier l’architecture ». Pour Rossi le souvenir et l’oubli sont deux possibilités dans l’architecture. Selon lui, l’architecture doit «pour atteindre une certaine grandeur (…) être oubliée ou proposer simplement une image de référence qui se confonde avec le souvenir». Dans sa manière d’appréhender l’architecture et le lieu, trois opérations permettent à l’oubli d’exister en tant que tel, à savoir l’abstraction, la fragmentation et le déplacement analogique.
L’abstraction est une manière de faire le vide dans un lieu : la fragmentation ne concerne plus les formes elles-mêmes et leur dimension sémantique, mais la syntaxe du langage architectural. L’oubli est un procédé constitutif de la mémoire au même titre que le souvenir : ce que l’on décide volontairement d’oublier, ou ce que l’on refoule en dit autant sur nous que l’accumulation de souvenirs avec lesquels nous cherchons tant bien que mal à constituer un récit cohérent. L’oubli relève alors autant de l’image que le souvenir, alors en quoi sont-elles différentes ? Si pour une lecture positive de l’histoire, l’oubli est en général un acte conscient et volontaire afin d’éviter la perte d’une tradition acquise, imposée ou ancrée, l’oubli revient tout de même à un refoulement d’événements traumatisant ou d’expériences qui, par conséquent, encourage la reprise de ces expériences refoulées. Il découle de ces premières remarques que la répétition est au centre la réflexion de Rossi sur l’oubli, qu’elle est le processus central pour comprendre les formes, les raisons et les conséquences de l’oubli. En effet, la répétition peut-être à la fois la cause et le but de l’oubli, car on répète autant parce que l’on a oublié, que l’on oublie pour répéter. Rossi met un point d’honneur à écrire sur l’importance des souvenirs dans son processus créateur : le souvenir d’une architecture ou d’un lieu, au-delà de son caractère émotionnel, nostalgique, est une fonction qui permet à la mémoire d’être active et créatrice.
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A R C H I T E C T U R E D E L‘ O U B L I R É P É T I T I O N, T Y P O L O G I E
L’abstraction est une manière de faire le vide dans un lieu: toutes les formes qu’il utilise dans ses projets à commencer par le cube, le prisme et la cheminée sont soumises à cette forme d’abstraction. Ainsi, si les formes sont simples, abstraites et élémentaires, la structure sera elle fragmentée et complexe. L’oubli est alors, comme le souvenir, une fonction de la mémoire. L’oubli, en ce sens, ne serait que le négatif du souvenir, ce dernier étant alors la seule information à prendre en compte. Rossi s’intéresse en effet autant à la permanence des formes anciennes dans la ville et à leur présence anachronique au présent, qu’au temps suspendu d’un espace architectural où le passé comme le futur semblent s’être évaporés, qu’au temps du projet architectural qui s’apparente à un abandon pour mieux recommencer. L’ancienneté n’a alors plus d’importance ; seul importe le fait que l’origine soit oubliée dans la répétition. Nous répétons une métamorphose qui a déjà eu lieu il y a longtemps dans un espace mythologique qui nous apparaît comme très lointain, quand bien même il s’agirait d’une expérience relativement proche. L’oubli a cette capacité d’étirer le temps. L’image de l’oubli se transforme en souvenir. Le “Thêatre du monde”, à la base imaginé par Aldo Rossi à été réalisé en son hommage lors de la Biennale de Venise en 1979. Cet édifice flottant se présente comme une métaphore de la projection du théâtre comme territoire d’illusion et d’imagination. Son déplacement sur le canal génère une répétition particulière: chaque nouvel emplacement donne lieu à une image différente alors qu’il reste le même. De plus, les formes géormétriques et la typologie reprennent les formes architecturales du passé. Malgrè sa forme et sa dimension qui ne présage pas la mobilité, ce théâtre se déplace et glisse à fleur de l’eau témoignant de la mobilité de la culture qui avance en se souvenant des traditions et des tansformations : c’est le symbole d’un passage à la fois physique et topolographique, entre deux mondes.
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ROSSI, ALDO (1) Aldo Rossi, Cimetière San Cataldo, Modène, photo, 1971-1978. (2) Aldo Rossi, Pont en fer et installation pour la Triennale de Milan, 1964. (3) Aldo Rossi, Nouvelle Mairie de Borgoricco, 1983 photo de Luigi Ghirri, 1986. (4) Aldo Rossi, Place de la Mairie et fontaine monumentale, Segrate, 1966. MOSCHINI, Francesco Aldo Rossi: Venise et le Théàtre du monde Théâtre des Italiens 1999
ROSSI, ALDO Théâtre du monde Venise, 1979
L’architecture nous enracine et permet à nos institutions de s’inscrire dans un temps et une durée. L’histoire est avant tout la mémoire collective de la ville. Tous les objets dont nous faisons l’expérience sont des traces du passé, des trajectoires historiques. Les monuments ne sont pas des objets archéologiques, ils deviennent moteurs d’un dynamisme de la ville et de sa morphologie en tant qu’éléments permanents et constitutifs de l’architecture de celle-ci. Ce sont eux qui donnent une signification à la vie de la ville. C’est une relation entre le corps et l’esprit, une force de l’imagination , mais aussi une relation entre l’analyse et la sensibilité : apprendre à regarder la ville, et traduire cette expérience. La ville est vécue et rêvée, c’est un paysage à la fois réel et imaginaire. L’émotion esthétique est indissociable du travail de la mémoire fondé sur les lieux et les images. Pour Aldo Rossi, observer est une action et percevoir signifie saisir une multiplicité de détails dans l’unité d’une image. Toutes ces problématiques sont traversées par la question de l’image urbaine, de son architecture. Lors de mon expérience de quelques mois aux Pays Bas, j’ai pu observer ces formes de l’oubli et du souvenir, cette répétition de l’image architecturale qui à la fois nous entraîne vers l’oubli de celles-ci car trop nombreuses et trop semblables, mais aussi cet ancrage dans la mémoire qui se transformera en souvenir lorsque je n’y serais plus. On repète pour ne pas oublier et on oublie par trop de répétition. La ville est une écriture, un récit : c’est la transformation des souvenirs sous forme d’images, et l’image du moment vécu, la nostalgie. La répétition est alors une forme de disparition, et de souvenir qui s’effectue non pas seulement par des formes archétypales mais aussi par des couleurs, des reflets, des textures qui évoquent l’image d’une ville et son ambiance. A Amsterdam, l’eau y est pour beaucoup, car la répétition se joue également dans les reflets enjendrés par la présence de celle-ci.
ROSSI, ALDO L’architecture de la ville Géométries.org Source: http://geometries. org/ALDO%20ROSSI/theory/ ROSSI.pdf
Répéter pour oublier, oublier pour répéter Les façades - Pays Bas.
Photographies personnelles Façades - Zandam & Amsterdam Pays Bas, 2017
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Répétition, accumulation : une forme relliée à une fonction Forme qui renvoie à la profondeur, au passage, au cadrage.
La répétition est succession, temporalité, périodisation, rythme, pluriel. La répétition se loge au coeur de n’importe quoi qui s’essaie a persévérer. Elle est présente partout, elle est un retour au même : elle permet de passer d’une compéhension monotone où ce que nous privilégions est l’unique, à un système de production. La répétition est en quelque sorte une nouvelle théorie de l’identité : ce n’est pas elle qui crée la différence, elle est une différence par elle-même. La capacité de répéter, apparait comme un protocole.Ces répétitions coéxistent et se conjuguent : elles peuvent se traduire par la même image ou par la différence. Les parcours urbains quotidiens provoquent une association d’expériences passées et de sensations mémorisées au cours du temps. Le caractère quotidien des parcours, permet de questionner les habitudes des passants : par quels processus se développe l’habitude, dès lors qu’on la rapporte aux parcours urbains et à leurs ambiances ? En quoi les ambiances participent-elles à la formation des schèmes perceptifs (moteurs et cognitifs) en milieu urbain ? L’habitude s’appuie sur le phénomène de répétition et aussi sur le fait de garder en mémoire son propre vécu et toutes les expériences passées pour répondre aux nouvelles situations, même en utilisant la mémoire du corps et des gestes. Pour expliquer ce phénomène, Gilles Deleuze dit que « la répétition ne change rien dans l’objet qui se répète, mais elle change quelque chose dans l’esprit qui la contemple». Selon lui « répéter, c’est se comporter, mais par rapport à quelque chose d’unique ou de singulier, qui n’a pas de semblable ou d’équivalent.”
MOSNA-SAVOYE, Géraldine
Dans sa répétition, le signe devenu image donne lieu à des formes visibles et indentifiables en tant que variations. Si une forme renvoie à un symbole collectif, la répétition voir la superposition, la multiplicité de celuici, ne changera pas la perception que l’on à de cette image collective. Dans les schémas ci-joints, la sensation de profondeur et le symbole d’un passage, d’un cadrage ne change pas malgrè sa répétition et son accumulation.
ONANER, Can
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Les chemins de la philisophie Variations sur la répétition: Deleuze: différence et répétition France Culture, Podcast 2016
Forme archétypale Le carré et la répétition : dynamisme par la forme
Expérimentation graphique Répétition, forme sérielle : la symbole de l’image ne change pas
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« Aldo Rossi et les images architecturales de l’oubli » Images Re-vues 2014 Source: http://imagesrevues. revues.org/3858
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MÉMOIRE ISSUE DE LA RÉPÉTITION E X P É R I E N C E S P A T I A L E : D U L I E U À L’ É M O T I O N Un parcours, un trajet est un ensemble de moments ou l’usager de l’espace urbain marche, découvre, s’arrête, comme des espaces temps où l’on emmagasine une quantité d’informations visuelles, sonores, olfactives : “la connaissance que nous avons de ce qui nous entoure s’acquiert au cours de nos déplacements entre un endroit et un autre, ainsi que dans les horizons changeants qui jalonnent nos trajets “. Cependant, les souvenirs que nous nous faisons sur un trajet déforment les images que l’on garde d’une expérience en exagérant la plupart du temps les données de la situation. Les souvenirs issus d’une expérience spatiale marquent l’individu : l’évocation de ceux-ci pourront être constitués de plusieurs scènes correspondant aux différents moments et points devues de l’expérience elle-même. Chaque scène est elle même composée de différents sentiments, car chaque lieu communique quelque chose de manière différente : la répétition d’éléments peut en faire partie. L’individu a besoin d’enregistrer consciemment de manière linéaire, les fragments présents pour se faire une idée générale de l’espace qu’il est en train de visiter. Il existe l’espace tel qu’il est et l’espace vécu, conditionné par la culture, le langage et les expériences antérieures de l’usager. L’espace est un “ creux limité à l’exterieur et rempli à l’intérieur”, défini par des repères. Ces repères laissent tout d’abord l’espace implicite et le rendent explicite au fur et à mesure. Parfois, nous pouvons retenir de l’espace seulement l’ambiance du lieu, des sensations corporelles, des flash colorimétriques, des odeurs. Car avec le lieu, “l’espace et le temps prennent une valeur précise, unique; ils cessent d’être abstraction mathématique ou sujet d’esthétique; ils acquièrent une identité et deviennent une référence pour notre existance : espace sacré et espace profane, espace personnel et espace collectif, nature et ville, rue et maison, ruine et reconstruction...”
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INGOLD, Tim Une brève histoire de lignes Zones sensibles Page 114 2011 Passage, traversée Eau, reflet, miroir
Photographie personnelle Amsterdam Pont levis, écluse
Cette expérimentation 3D est une manière de traduire le souvenir d’un lieu par le plein et le vide. Comment traduire spatialement le ressenti que l’on a d’un lieu à un instant T ? Ici, les symboles de passages, de traversées, et de mouvement liés à l’eau sont représentés par une la répétition de formes : l’espace est travaillé par le creux, car les limites sont floues dans l’imagination, comme si l’on se souvenait simplement du contour. De plus, le mélange entre porosité et limites est volontaire car c’est la sensation que procure un pont levis ou une écluse : à la fois passage et barrage, il évoque à la fois une liberté et une retenue.
Répétition, multiple Espace creux : Apparition par le vide, disparition par le pleins
Le face à face avec ce mur génère un trouble car ce changement visuel crée un instant de sidération. L’esprit met du temps à s’habituer à cette nouvelle profondeur de champs : “ le profond rend possible le large perceptible. La surprise explique la sidération qui immobilise”. Cette situation presque en belvédère est interessante car en empêchant d’avancer, elle invite presque à regarder, elle génère des cadrages: le regard part loin, mais le corps est bloqué. Ces obstacles accentuent la verticalité des façades, les rendant presque menaçantes. Ceux-ci apparaissent comme des rapports de force de présence dans l’environnement. Cette idée de passerelle est la matérialisation d’un avancement, d’une perspective, qui nous projette mentalement.
« L’espace saisi par l’imagination ne peut rester l’espace indifférent, livré à la mesure et à la reflexion du géomètre. Il est vécu. Et il est vécu, non pas sans positivité mais avec toutes les partialités de l’imagination. » BACHELARD, Gaston La poétique de l’espace Editions PUF 2012
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L’OUBLI/LE SOUVENIR D’UN LIEU : AMSTERDAM A2. EXPÉRIMENTER FRAGMENT, TRACE, DISPARITION
Ce qu’il reste quand il ne reste rien. La présence de l’absence, l’apparition, la ré-appropriation,: la rémanance dénature notre perception du temps pour nous faire revivre un instant du passé. Ces expérimentations volumétriques et graphiques, sont une manière de représenter une vision de la ville d’amsterdam, en soulignant sa matérialité, comme des “moments d’espaces”. A la manière d’artefacts, j’ai voulu construire des emblêmes qui témoignent de plusieurs atmosphères: le temps, le mouvement, l’eau, les reliefs, la typologie circulaire des canaux. L’objectif est de plonger dans les indices d’une présence, en réactivant, en remémorant de manière vague et imprécise les stimulis, les traces laissées par le passé.
Expérimentations volumétriques et graphiques Mouvements, reliefs, creux Techniques : Argile, résine, encres
Expérimentations volumétriques et graphiques Flux, passages, eaux, reflets Techniques : Argile, résine, peinture acryllique
S’il est impossible de se souvenir de tout, la rémanance induit nécessairement une sélection qui ne peut être totalement objective. Le tri opéré par cette opération du souvenir renvoie directement à l’oubli et pose la question des critères de choix et d’effacement de certains souvenirs. Le symbole du flux revient souvent dans ces expérimentations, afin de faire le lien avec l’eau, le fleuve, les canaux, qui sont des lieux de rassemblement ou de passage, de réservoirs de paroles, de points de ralliement où peut circuler une relation vivante et fluide. Le phénomène de rémanence est une propriété « qu’à la sensation de persister quelques temps, après que le stimuli ai disparu. » La trace produit en l’instant présent, comme dans le rêve, une condensation des temporalité. Il s’agit ici de tenter de se retrouver dans l’état présent des lieux, des stimuli du temps passé.
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Recherches de matières, textures propres à la ville d’Amsterdam: couleurs, rouille, briques, mouvements...
« Etre dans la retenue de l’intervention, en veillant toujours à stimuler l’attention plutôt qu’à la monopoliser - et à signaler les strates plutôt qu’à les écrire -, a su faire de cette épaisseur mémorielle du site, et de ses volumes d’oubli, une métaphore ouverte, un véhicule possible pour l’imaginaire de ceux qui s’y aventurent. La pensée du promeneur est invitée à se donner libre cours, se retrouver, se construire et se reconstruire. » MAROT, Sebastien L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture (page 163) Edition de la Vilette, Penser l’espace 2010
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B.
B1.
ESPACES AUTRES, CONTRES-ESPACES LES HÉTÉROTOPIES : MICHEL FOUCAULT
espaces autres «lieu sans lieu»
Après avoir abordé le phénomène de rémanence d’un lieu, et les formes de disparitions par la répétition, il serait interessant de se pencher sur le phénomène des “espaces autres”, voire des contres espaces, souvent oubliés et mis de côtés. Cette théorie des espaces autres, également appelée “les hétérotopies”, a été inventée et developpée par Michel Foucault. FOUCAULT, Michel Des espaces autres, Hétérotopies. 1967 FOUCAULT, Michel Dits et écrits, des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre Pages. 46-49. 1984
Du grec « hetero » qui veut dire l’autre et « topos » qui signifie lieu. Les hétérotropies sont les « lieux autres ». En effet, l’hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence intitulée « Des espaces Autres » (1967). Il vient de l’association du mot grecs : topos, « lieu », et hétéro, « autre » ou « diffèrent » : « Lieu Autre / Lieu Différent ». Les hétérotopies sont des sortes de contre-emplacements, des sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés. Ils sont des espèces de lieu qui sont hors de tous les lieux, bien qu’ils soient pourtant il effectivement localisables.Chez Foucault, le miroir est un clair exemple d’hétérotopie, car selon lui, « je me vois là où je ne suis pas, dans un espace irréel qui s’ouvre virtuellement derrière la surface… ». Les hétérotopies peuvent être des lieux oubliés, enfouis par le passé. Ce sont des lieux où le temps ne s’écoule pas normalement, comme hors du temps. Le temps n’y est pas linéaire, il s’écoule comme une suspension : « L’hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. »
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Pour Foucault, l’hétérotopie est un lieu de va et vient temporel où le temps semble s’apparenter à un mirage, une illusion. Ce contre espace montre au présent un temps révolu, passé, se présentant presque sous la forme d’un fragment, d’une trace. L’hétérotopie est un espace concret, qui habite l’imaginaire. Elle entretient un rapport, un lien étroit entre la matérialité d’un lieu et l’immatérialité de ce qui n’est plus, du passé. Elle est un lieu ouvert, poreux, que tout le monde peut pénétrer, car une fois dedans, l’individu la sensation d’être à la fois quelques part et nul part; l’impression d’être dedans alors qu’il est encore dehors : c’est l’illusion du lieu. « Les hétérotopies sont liées, le plus souvent, à des découpages du temps, c’est-à-dire qu’elles ouvrent sur ce qu’on pourrait appeler, par pure symétrie, des hétérochronies; l’hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel » Ce non lieu n’est jamais fermé, ce qui peut l’isoler mais le rendre aussi aussi accessible : il est à la fois passage, traversée, mais aussi limite et frontière. Ces lieux auraient perdu ce qui les relie à leur passé comme des « vaisseaux qui auraient rompus leurs amarres, et qui vogueraient hors de tout repère spatio-temporel convenu ». J’ai trouvé intéressant le rapprochement entre l’hétérotopie et les lieux permettant la traversée d’autres espaces, tels le train ou le navire – « l’hétérotopie par excellence » dit Foucault qui précise qu’elle peut être « quelque chose à travers quoi on passe […] quelque chose également par quoi on peut passer d’un point à un autre […] quelque chose également qui passe »
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B2.
ÉVOQUER UNE M(ÉMOI)RE DU FLEUVE ILLUSION DU LIEU : ENTRE DEUX EAUX, AMSTERDAM Caractère d’un lieu par l’abstraction, l’évocation Macrophotographie / Canaux d’Amsterdam - reflets, caustiques
Caractère d’un lieu par l’abstraction, l’évocation Macrophotographie Canaux d’Amsterdam - reflets, caustiques
Eau, profondeur
FOUCAULT, Michel « Des espaces autres », dans Dits et écrits : 1954-1988 Éditions Gallimard, Collection « Bibliothèque des sciences humaines », Paris 1994
« L’espace du dehors [...] est en lui-même […] un espace hétérogène. […] nous ne vivons pas à l’intérieur d’une sorte de vide, à l’intérieur duquel on pourrait situer des individus et des choses […] nous vivons à l’intérieur d’un ensemble de relations qui définissent des emplacements irréductibles les uns aux autres et absolument non superposables. » Comme il l’a été dit precedemment, l’hétérotopie est un morceau d’espace, un fragment, flottant : lieu sans lieu, vivant par lui même, fermé sur soi, libre en un sens mais livré à l’océan. L’hétérotopie rend possible ce qui ne l’est pas ailleurs, qu’elle est capable de faire coexister des réalités incompatibles (comme au musée ou au théâtre par exemple) : par elle, peut s’exprimer et s’entretenir une autre vision du monde, par laquelle l’individu cultive aussi ce qu’il porte de propre et se donne la possibilité de penser autrement. Le fleuve, l’eau dans l’espace urbain est une hétérotopie pour moi, car elle se définit comme un “lieu autre”, un lieu qui définit un contreemplacement, ou l’on peut superposer des temps d’histoires distincts.
Ombres, lumières
Berges, bordures
L’eau prend la couleur des bâtiments : paysages imaginaires
Par ces macrophotographies des reflets dans l’eau des canaux d’Amsterdam, j’ai tenté de révéler le caractère propre au lieu. Dans les reflets des canaux, toute la ville se reverbère, de manière déformé: toutes les épaisseurs, les spatialités, les temporalités se superposent. Par les formes, les couleurs, les mouvements qui se reflètent, les canaux révèlent grâce à l’eau, une nouvelle image de la ville, à la manière de paysages imaginaires, de lieux autres.
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Caractère d’un lieu par l’abstraction, l’évocation Expérimentation graphique « Fragments d’eaux »
Amsterdam est une ville sans dénivelés car tout y est construit sur pilotis : maisons, garages et même le métro. L’eau y est omniprésente, avec plus d’une dizaine de kilomètres de canaux, des ponts qui relient les 70 îles qui composent la ville. Au bord des canaux, les anciens entrepôts comme les hôtels particuliers des riches marchands du XVIIe siècle se reflètent dans l’eau, en une étonnante mosaïque de façades. Le canal Singel est une des principaux canal de la ville : son nom est un vieux mot néerlandais signifiant « cercle », que l’on peut rapprocher du terme allemand : umzingeln voulant dire « entourer ». Les canaux sont disposés comme une ceinture, de manière concentrique autour d’un noyau central. La construction autour de l’eau est très organisée, cependant, en arpentant la ville, la sensation d’organisation se transforme en une sensation de pertes de repères, de désorientation.
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Caractère d’un lieu par l’abstraction, l’évocation Expérimentation graphique Pertes de repères, espaces concentriques
Ces expérimentations graphiques représentent la mémoire que j’ai de cette ville, liée au lien très fort qu’elle entretient avec l’eau : le côté organique et minéral du fleuve, des canaux et de leurs organisation spatial, mais aussi du contrate que cela entretient avec le côté très orthogonal des ponts qui rythment la ville et qui ponctuent les trajets.
Plan de la ville d’Amsterdam Pleins, vides Dispositions des canaux.
De plus, la ville est rythmée de pleins et de vides : la présence de l’eau en arcs de cercles autour du noyau de la ville créent des vides au milieu des pleins. Ces canaux sont des espaces de transitions, de traversées. Ils se présentent comme des seuils à franchir, à la manière d’étapes : «Tout le monde peut y entrer, mais, à vrai dire, une fois qu’on y est entré, on s’aperçoit que c’est une illusion et qu’on n’est entré nulle part. L’hétérotopie est un lieu ouvert, mais qui a cette propriété de vous maintenir au dehors.»
99 •
B3.
UNE HÉTÉROTOPIE DU FLEUVE L’ÉCLUSE : SES SYMBOLIQUES
L’hétérotopie représente pour moi une sorte d’utopie matérialisée en un lieu. Elle n’est d’ailleurs pas necessairement immatérielle et invisible, voire synonyme d’effacement : elle peut être imposante, faire partie de notre environnement visuel et façonner notre paysage urbain. L’hétérotopie est un ailleurs avec une temporalité propre, qui se trouve devant nos yeux, support de l’imaginaire car dépourvu d’un dehors, d’un dedans, ou bien de réelles limites. L’hétérotopie serait-elle la métamorphose d’un lieu par notre imaginaire ? Le passage d’un monde à un autre ? Le seuil permet un temps d’arrêt qui aide à prendre conscience que l’on arrive dans un espace nouveau. L’écluse est un seuil qui permet aux bâteaux de franchir des denivellations d’eau. L’opération se fait par le passage par un sas qui se remplit et se vide très lentement afin d’atteindre le niveau souhaité. Cette lenteur, cet arrêt dans la naviguation est un appel à l’imaginaire. L’écluse est un «lieu autre» qui pourrait être traité en tant que territoire d’exploration pour redéfinir la notion de lieu de mémoire, notamment pour les symboliques qu’elle porte en elle : le transit, le cycle, l’étape, la temporalité, le flux, la traversée.
HÉTÉROTOPIE un ailleurs pour l’imaginaire
VILLE
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2
3
Les écluses font partie de ces lieux de passages souvent oubliés, pourtant essentiels dans des villes telles que Amsterdam par exemple. Ces ouvrages d’arts hydraulliques portent en eux la mémoire des fleuves sur lesquels ils se trouvent. L’écluse est également un lieu que l’on ne peut pas s’approprier, mais qui nous donne la sensation de franchir quelque chose, de passer de l’autre côté, d’aller vers un ailleurs : elle est une porte sur l’eau, un laisser passer. L’hétérotopie est un lieu où l’on est jamais vraiment dedans, ni jamais vraiment dehors, par conséquent, elle est à la fois passage et limite, tout comme l’écluse.
DEHORS
Tout comme dans un récit, nous avons différents points de vues lors du franchissement d’une écluse : un point de vue externe lorsque les portes sont fermées, un point de vue interne lorsque nous nous trouvons dans le sas, et un point de vue omniscient lorsque nous sommes enfin de l’autre côté.
Externe
SEUIL SAS
Interne
DEHORS
Omniscient
Il pourrait être intéressant de choisir comme territoire d’exploration, une écluse qui aurait été oubliée de tous, ou qui pourrait même avoir disparu.
4
5
6
101 •
C.
territoire d’exploration l’écluse de la monnaie : île de la cité
EXISTANCE Passé
DISPARITION Évènement
1838 - 1910: Apogée de son existance 1910 : Lente progression vers l’oubli. En relevant le plan d’eau d’un mètre, l’écluse Le barrage de la Monnaie est submergée par permettait la naviguation en toute saison. les eaux. 1923: Destruction de l’écluse
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OUBLI Présent continu
2017 : L’écluse n’existe plus. Son histoire est inconnue, son emplacement n’est pas signalé, elle ne fait pas partie de la mémoire de l’Ile de la Cité.
103 •
C1.
L’ÉCLUSE DE LA MONNAIE SON HISTOIRE, SA DISPARITION, SON EMPLACEMENT
Le Génie Civil, Edition du 24 Octobre 1925 La démolition du barrage et de l’Ecluse de la Monnaie à Paris.
L’Ecluse de la Monnaie et son barrage Photos d’archives - Source : BNF
Pointe Ouest de l’Ile de la Cité. L’emplacement de l’écluse avant sa destruction.
Le barrage-écluse de la Monnaie fut mis en service en 1838, sur le petit bras de la Seine.
Il relevait le plan d’eau d’un mètre et l’écluse permettait de se déplacer en toutes saisons.
Cette écluse, oubliée de tous, était située sur le petit bras de la Seine en aval du Pont Neuf, 172 mètres de long, 11,80 mètres de large, face à l’Hôtel de la Monnaie dont il a tiré son nom. Elle se trouvait face à l’Hôtel de la Monnaie, dont elle tira son nom, sur la pointe Ouest de l’Ile de la Cité.
La navigation sur la Seine était réservé sur le petit bras au trafic montant, avec les chevaux pour le halage, tandis que la circulation sur le grand bras la circulation était alternée. En 1854, un système de touage à la vapeur sur chaîne noyée a été mis en place : les bateaux joueurs remplacent alors les chevaux.
L’Humanité Edition du 24 Octobre 1924 Les grands travaux de Paris : la démolition de l’écluse de la Monnaie
Parisienne de photographie Archives Crue de la Seine (Novembre 1910) Au square du Vert Galant
Photos d’archives - Source : BNF Ecluse de la Monnaie avant la crue de 1910.
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ÉC LU SE
PO
NT
NE
UF
Plan masse, Ile de la Cité. Emplacement du Pont Neuf et de l’Ecluse de la Monnaie.
Plan masse, Paris Localisation de l’Ile de la Cité
L’écluse Des symboliques, des valeurs.
Plan masse, Ile de la Cité Pleins et vides - Terre et Seine
TRANSITION TRANSIT
Fonctionnement d’une écluse Schéma - sas intermédiaire
FLUX TRAVE R S É E
ÉCLUSE
ÉTAP E S CYCLES
FRANCHISSEMENT TEMPORALITÉ
Ile de la Cité, 1er arrondissement Axe principal.
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Ile de la Cité, 1er arrondissement Pointe de l’île, centre de Paris.
Ecluse de la Monnaie 172 mètres de long - 11,80 mètre de large
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MAQUETTE DE SITE
Pointe Ouest Espace paisible, loin des institutions et des lieux touristiques.
Square du Vert Galant 7 mètres en dessous du niveau de l’Ile.
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Pointe Ouest - Square du Vert Galant Ile de la Cité - Vue globale
La partie Ouest de l’île, aussi bien la place Dauphine que le square du Vert-Galant, est totalement isolée des dynamiques socio-spatiales du reste de l’île, subissant de plein fouet les effets de la fragmentation spatiale causée par la traversée du boulevard du Palais.
Il est bordé à l’Est par le Pont Neuf qui traverse l’île de la Cité par deux ponts, le niveau de la pointe indique l’ancien niveau de l’Île de la Cité qui a été rehaussé, ce qui signifie que le Vert Galant se situe 7 mètres en dessous du niveau de l’Ile.
Aujourd’hui, cette partie de l’Ile est peu exploitée, elle est une respiration, une ligne d’horizon sur le fleuve notamment grâce à la présence du Square du Vert Galant qui permet aux badaud de profiter de points de vues privilégiés sur la Seine.
Le Pont Neuf traverse la pointe Ouest de l’île de la Cité , place du Pont Neuf à l’entrée de la place Dauphine avec le jardin du Vert Galant à la pointe de l’île. Il a été construit suite à l’agrandissement de l’Ile de la Cité, suite au rattachement de trois petite îles à la pointe est : l’île aux Juifs, l’Ile de la Gourdaine et l’île des Passeurs de Vaches. C’est le premier pont de pierre piéton, sans maisons, pourvu de trottoirs. Il repose sur 12 arches, 7 sur le grand bras de la Seine et 5 sur le petit bras qui accueillait l’Ecluse de la Monnaie.
Le square du Vert Galant, d’une superficie de 1 642 m², est situé à la pointe ouest de l’île de la Cité porte le surnom d’Henri IV, en contre bas de la place du Pont Neuf avec statue de Henri IV, face de la place Dauphine.
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Pointe Ouest - Ile de la Cité Plan - Urbanisme
Pointe Ouest - Ile de la Cité Schématisation - vue de haut PONT NEUF
120m PONT NEUF
SQUARE DU VERT GALANT
SQUARE DU VERT GALANT
60m
170m VERT GALANT 7M EN DESSOUS DU NIVEAU DE L’ÎLE
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ANCIEN EMPLACEMENT DE L’ÉCLUSE DE LA MONNAIE
111 •
C2.
POTENTIALITÉ DU LIEU : UNE MISSION ILE DE LA CITÉ : HORIZON 2040
Mission d’étude - Ile de la Cité Page d’acceuil du site internet Source : http://www.missioniledelacite.paris/ la-mission/
Située en plein coeur de Paris, l’Île de la Cité est l’un des lieux les plus iconiques et célèbres de la capitale, illustrant la stratification historique construite au fil des siècles. Sa condition urbaine actuelle peut toutefois difficilement être considérée comme satisfaisante : manquant d’une structure d’accueil dédiée et de zones piétonnes, les touristes visitent souvent rapidement Notre-Dame, tandis que les Parisiens préfèrent éviter le lieu. Avec le futur déménagement à la Cité judiciaire de Paris (Batignolles) d’institutions majeures tels que le TGI de Paris et la DRPJ, il est temps désormais d’envisager et d’imaginer comment associer de meilleures qualités urbaines à ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Véritable coeur de Paris et de la métropole, l’Île de la Cité n’a pourtant pas fait l’objet d’un projet d’aménagement global porté par les pouvoirs publics depuis les grands travaux du Baron Haussmann au xixe siècle. Sur proposition de Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, le Président de la République a confié en Décembre 2015, en accord avec la Maire de Paris, à l’architecte Dominique Perrault et au président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval, une mission d’étude et d’orientation sur ce que pourrait être la place de l’Ile de la Cité à l’horizon des vingt-cinq prochaines années. Cette véritable « île-monument », doit pouvoir se transformer en un réel lieu de vie, plus intégré encore au reste de la capitale.Il a ainsi été demandé à Dominique Perrault et Philippe Bélaval de proposer ce que pourraient être les axes d’une intervention destinée à répondre aux enjeux multiples de l’île.
• 112
Il s’agit de penser l’île dans sa globalité, comme un quartier vivant et ouvert, tourné vers les deux rives de la Seine, conciliant activité économique, accueil amélioré des touristes et mise en valeur d’un patrimoine sans égal.
Vue de dessus, Ile de la Cité Source : Exposition à la Conciergerie : L’Ile-Monument, Ile de la Cité horizon 2040
Le concours est ouvert à toute personne souhaitant apporter ses idées sur des zones précises de l’Ile de la Cité: et vous, comment imaginez-vous l’Ile de la Cité en 2040? Selon Dominique Perrault et Philippe Bélaval, ce projet doit être interprété “par la mise en relation des nouveaux usages que chaque projet pourra apporter sur l’île ». En analysant la totalité des propositions rendues publiques, je me suis rendue compte que celles-ci se concentrent sur les zones « monuments » ou « institutionnelles » de l’Ile, l’objectif principal étant de revaloriser le patrimoine existant. En effet, une partie de l’Ile n’a pas été exploitée, de par l’absence d’institutions majeures ou de monuments classés à cet emplacement. Dans la continuité de mes recherches sur le lieu m(émoi)re, il pourrait être intéressant de faire revivre en 2040, un élément architectural présent avant sur le site : l’Ecluse de la Monnaie de Paris. Comment faire revivre cette écluse aujourd’hui disparue, sans recréer un ouvrage hydraullique à proprement parler? Dans quels buts? Quels symboliques mettre en avant ? Quelle fonction pourrait-elle avoir en 2040 ? Peut-elle permettre de faire de la pointe ouest de l’Ile de la Cité un élément signal ?
113 •
C3.
L‘ÉCLUSE & SES TEMPORALITÉS F R A N C H I S S E M E N T S, V I T E S S E S
«EXCLUSA AGUA» : UNE ÉCLUSE, UN PASSAGE DE LA LIMITE À LA TRAVERSÉE : TEMPORALITÉS
Le système d’une écluse est basé sur des temporalités bien précises. Son franchissement se fait en plusieurs étapes, de manière cyclique. Cet ouvrage est à la fois limite, frontière et passage, ce qui me parrait être interessant à traiter en rapport avec la mémoire. En effet, ces différentes étapes de franchissement pourraient correspondre par exemple, à des étapes, des vitesses dans un parcours. Aussi, la notion de hauteur est également interessante à traiter.
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AVAL
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La notion de sas et d’espace intermédiaire est une notion que j’aborde sur les autres territoires d’explorations ( les traboules et les cours). Les écluses sont pour moi, les hétérotopies du fleuve : quelque chose à travers quoi on passe, par quoi on peut passer d’un point à un autre, quelque chose également qui passe. Enfin, l’écluse fait partie de la mémoire de la plupart des fleuves, elle est un lieu de passage obligatoire dans la naviguation. Nous allons alors nous demander comment se servir de ses symboliques afin de créer un lieu en m(émoi)re de cette écluse qui s’inscrive et qui s’adapte à son environnement, la pointe ouest de l’Ile de la Cité.
4
Ecluse - Rapport au temps Ralentir le rythme, passer des étapes, faire face à des obstacles, avancer.
3
Les étapes du franchissement d’une écluse De la limite à la traversée Rapport temps / hauteurs
SAS
AMONT
SAS
AMONT
Temps n°1 : arrêt / extérieur / début du parcours Vitesse n°1 : pause / point de vue bas
Temps n°4 : transition /seuil / passage Vitesse n°4 : montée / mouvement / point de vue haut et dégagé
Temps n°2 : transition / seuil / passage Vitesse n°2 : absence de limites / contemplation / avancée progressive
Temps n°5 : avancée / extérieur / fin du parcours Vitesse n°5 : absence de limites / contemplation / franchissement
5
Temps n°3 : entre deux / changement d’ambiance Vitesse n°3 : montée / mouvement / point de vue haut obstrué
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AVAL
ATTENTE
ENTRE DEUX
PASSAGE
TEMPS LONG
TRANSITION
TEMPS COURT
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FAIRE PASSERELLE F L O T T E R, P A S S E R, R E L I E R Structure qui s’adapte au niveau de l’eau
Structure flottante : relie les ponts
Les temporalités d’une écluse se font à la fois dans la linéarité mais aussi dans les hauteurs. Pour faire revivre cette écluse sur la pointe de l’Ile de la Cité, il pourrait être interessant de travailler une structure flottante qui relie l’ancien emplacement de cette écluse et son environnement. De plus, cette structure pourrait s’adapter aux niveaux de l’eau. Cela reprendrait le nivellement de l’eau lorsque les portes de l’écluse s’ouvre pour laisser passer les bateaux.
1 2 3
Créer un parcours, varier les directions
Parcours à différentes hauteurs : en fonction du niveau de l’eau
1
1
Niveau 1 : horizon dégagé - point de vue niveau sol
2
Niveau 2 : montée - point de vue haut
3
Niveau 3 : descente - point de vue intermédiaire
2 3 4 Cette structure permettrait de relier à la fois les quais, la Seine et le Pont Neuf, comme un point de repère sur la pointe de l’Ile. Cette pointe de l’Ile de la Cité est très peu exploitée dans la mission lancée par la ville. Cela redonnerait à cette pointe, déterminée comme étant le centre de Paris, son importance, mais aussi son point de vue privilégié sur le fleuve. Enfin, le mouvement de la structure qui s’affaisse et se relève, reprendrait le jeu d’equillibre et de desequillibre de l’écluse qui se remplit et se vide afin de laisser passer les bateaux : la frontière devient passage et le passage devient frontière. Ce contraste me semble interessant à travailler.
Faire passerelle en jouant sur les temporalités et les hauteurs
Jouer sur l’equillibre et le déséquillibre : mouvement de la structure qui suit le mouvement de l’eau.
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2
Sol en mouvement qui rythme le pacours
Structure adaptable au mouvement de l’eau: variation des niveaux
Hauteurs variables : montées, descentes
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ESTHÉTIQUE DE LA DISPARITION JOUER DU RECOUVREMENT: SOUS LES EAUX
Jouer de la disparition de l’écluse : un ouvrage enfoui par les eaux : garder toujours un lien avec la pointe de l’Ile de la Cité.
La structure se lève et s’affaisse jusqu’à disparaitre : évoquer un lien avec l’évènement de la crue de 1910.
Penser un effet nocturne Ne faire apparaître que le vide : mettre en lumière
Jouer de la disparition de l’écluse : un ouvrage enfoui par les eaux : garder toujours un lien avec la pointe de l’Ile de la Cité.
Ensevelissement progressif Le lien entre les deux bordures finis par disparaître : le passage devient frontière
L’écluse de la Monnaie a été recouverte par les eaux lors de la crue de 1910, évènement après lequel elle fut détruite en 1923. Jouer sur une esthétique de la disparition, pourrait être une manière de rappeler sa progression vers l’oubli. La structure se positionnerait sur l’ancien emplacement de l’Ecluse de la Monnaie et pourrait ainsi s’élever ou s’abaisser à fleur d’eau lors du passage des usagers. Ainsi, le point haut et le point bas reprendraient les changements de niveaux de l’écluse lors du franchissement d’un bateau. Un lien très fort se créerait alors entre le fleuve et la structure «mémorielle». De plus, ces changements de niveaux évoqueraient le contraste entre les notions de passages et de frontières dans une écluse. Ce changement d’état, comme un avant-après me fait penser au pavillon de l’eau de Daniel Valle. L’architecte a lui aussi expérimenter ce rapport à l’eau par le biais d’un équillibre instable. Ce pavillon de l’eau crée en 2012 pour l’exposition YEAOSU en Corée du Sud, invite les visiteurs à s’avancer et à se promener sur l’océan. Les notions de fluidité, de flottabilité et de changements constants sont les principaux principes de cette installation : La relation avec l’eau est volontairement évoquer dans un équilibre instable.La promenade évolue au fil de l’exposition en jouant sur différentes configurations en fonction du niveau de l’eau. Grâce à un système de machine hydraulique et une rotation de l’arrière du pavillon, ce dernier ce remplit et se vide afin d’augmenter ou de baisser son niveau par rapport à la surface de l’eau. L’usager à la sensation que l’eau recouvre la structure alors que la structure s’enfonce elle-même sous l’eau. Les individus semblent marcher directement sur l’océan. Parfois, le pavillon est entièrement ensevellit par l’eau, ce qui permet de pénétrer dans de petites voies où d’autres fois le pavillon s’élève et «sèche» sa surface, ce qui permet de faire évoluer les événements
VALLE, Daniel Pavillon de l’eau YEOSU EXPO Corée du Sud, 2012
sur le toit.
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119 •
C4.
S U R L E S T R A C E S D E L’ É C L U S E F R A G M E N T, D É C O M P O S I T I O N
UN ESPACE DE TRANSITION, DE FRANCHISSEMENT RENCONTRE, FLUX, ÉCHANGE
Diriger le regard vers le fleuve Travailler les ouvertures. Espace de respiration sur la Seine
Casser le côté linéaire d’une écluse Travailler des courbes sinueuses S’inspirer du fleuve
Une écluse évoque sensiblement les même valeurs que celles du fleuve : une valeur marchande, nourricière : cette pointe Ouest de l’Ile de la Cité etait à l’époque un lieu paisible, qui porte en elle des valeurs commerçantes, de part les flux de marchandises qui arrivaient auparavant par le biais de l’Ecluse de la Monnaie. La Seine charriait beaucoup de marchandises tels que des aliments ou d’autres matériaux tels que le bois, la pierre de taille, le plâtre, la chaux, le ciment, les pavés, le sable, les briques, les fers bruts et fers ouvrés, la houille, le charbon de bois. De plus, elle porte en elle une valeur reposante, réconfortante : ce lieu porte en lui des valeurs de tranquillité, d’apaisement provenant du fleuve, des jeux de transparence, des reflets ou bien même de la lumière. De manière générale, cette Ile en pleine ville porte en elle des symboles liées à l’eau: fontaines, points d’eau, lavoirs, puits sont autant de lieux de rassemblement ou de passage, de réservoirs de paroles, de points de ralliement où peut circuler une relation vivante et fluide entre les êtres. Enfin, une valeur de rencontre et de fête : en effet, en 1865, se trouvait sur l’emplacement du Square du Vert Galant un Café Concert mêlant théâtre et cirque. Beaucoup de lieux de fêtes sont présents sur les bords de Seine.
Tests de décomposition de la trame de l’ancien emplacement de l’écluse Création d’une promenade sur la Seine. Fragmenter, multiplier les directions et les intersections pour créer la rencontre.
Ecluse de la Monnaie avant sa destruction Parisienne de photographie Archives
Tests de décomposition de la trame de l’ancien emplacement de l’écluse Création d’une promenade sur la Seine. Fragmenter, multiplier les directions et les intersections pour créer la rencontre.
Par conséquent, cette piste de réflexion rejoint toujours l’idée de lier l’installation au reste de son environnement, afin de créer un point de repère, mais aussi un lieu de rencontre. L’idée serait de reprendre les trames de la structure de l’ancienne écluse de la Monnaie, afin de garder ce mouvement vers le fleuve, mais aussi de la déconstruire, comme des fragments qui se propagent sur la Seine. Ce lieu rendrait mémoire à l’écluse en prônant l’idée d’échanges et de flux. Ici, les flux ne seront plus des flux de marchandises, mais de badauds, promeneurs, qui pourront également profiter d’un point de vue privilégié sur le fleuve.
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LIEU INTERMÉDIAIRE M É D I A T I O N, C R O I S E M E N T
ENTRE DEUX EAUX:RELIER LES DEUX BRAS T R A N S L A T I O N, É V O L U T I O N S’inspirer du mécanisme d’ouverture et de fermeture Faire vivre les rouages propres à l’écluse
Passerelle évolutive Relier les deux bras de la Seine, en passant par la pointe de l’Ile
Espaces de contemplations Pause, points de vues sur la passerelle
Maquette d’expérimentation Rotation, croisements, intersections
L’écluse est à la fois passage et barrage, traversée et limite, frontière. Du latin «exclusa aqua» qui signifie “eau séparée, isolée”. Exclusa est le participe passé de “excludere” qui signifie “excluse, séparer, isoler, fermer le passage à quelque chose”. Cette mise en tension entre ces deux notions opposées est un paradoxe interessant à traiter spatialement. A la manière d’une passerelle évolutive, ce dispositif permet de traverser en passant d’un quai à l’autre et en s’arrêtant par le Square du Vert Galant. Passer, s’en extraire, pour mettre en relation deux rives opposées. Franchir et contempler, s’en approcher tracer une ligne entre deux points, tracer une ligne dans l’espace. Une ligne tendue au dessus d’une surface, une ligne suspendue, une continuité. Croisements, rencontres, échos, émergence: l’installation serait comme une ligne suspendue au dessus de l’eau qui conforte un paysage et des usages. Un geste transversal, des séquences, des rythmes et des nuances. Dialoguer et interroger le paysage, révéler des séquences paysagères existantes, en offrant de nouveaux rapports à la Seine, tracer une ligne tendue au dessus de l’eau qui offre des moments d’arrêts, des séquences.
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Structure qui rellie les quais et le Square du Vert Galant : Essais circulatations - plans
Essai de circulation n°1
Essai de circulation n°2
Entrée par le square depuis le Pont Neuf
Entrée par les Quais
123 •
C5.
UN PAVILLON MÉMORIEL SUR LA POINTE DE L’ILE DE LA CITÉ CONVOQUER LE PASSÉ AU PRÉSENT : L’ÉCLUSE DE LA MONNAIE EN 2040
Plateforme flottante en trois temps
1
2
3
Pont Neuf
Pointe Ouest de l’Ile de la Cité Square du Vert Galant
Partie jamais exposée au niveau de l’eau : correspond au SAS de l’écluse
Qu
ai
ba
s
Dans le cadre de la Mission Ile de la Cité 2040, l’Ecluse de la Monnaie pourrait renaître par le biais d’un pavillon mémoriel flottant qui serait contruit à partir de ses symboliques et qui pronerait les valeurs du fleuve. Ici, la proposition serait une plateforme flottante qui reprendrait les tois temps du franchissement de l’écluse. Cela se traduirait par différents temps de traversées :la plateforme serait dans un premier temps partiellement recouverte par l’eau à la manière d’un miroir d’eau, de manière à ce qu’on puisse uniquement contempler la structure depuis les passerelles. Puis, la plateforme finirait par arriver à fleur d’eau, de manière à ce que l’usager puisse monter dessus et se promener : cela, afin de suggérer la renaissance de cette écluse, ensevelie par la crue de 1910. La plateforme ne se déplace pas dans le sens du fleuve, mais dans dans la profondeur, afin de faire vivre la verticalité propre à l’écluse.
Expérimentations plastiques Effets miroirs d’eau : mouvements, flux, reflets
Des effets visuels seraient générés au sol afin d’évoquer les flux et le mouvement de l’eau. De plus, les passerelles attenantes permettraient de relier le Pont Neuf, le quai bas, et le Square du Vert Galant, afin de créer un lien avec son environnement et de définir un lieu de passage et de traversée.
Expérimentations plastiques Effets miroirs d’eau : mouvements, flux, reflets
Plaque de plexiglass Résine, encre, vernis
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P L A T E F O R M E F L OT T A N T E E N M É M O I R E D E L’ É C L U S E
L’ÉCLUSE COMME UNE PASSERELLE
Cette structure sur pillotis représente le sas dans l’écluse, l’espace intermédiaire entre le dedans et le dehors.
L’installation revisiterait, sous la forme d’un mirage, la vision primaire de l’écluse de la monnaie, soufflée par les éléments naturels. L’espace s’y organise dans une relation de dualité, suivant l’idée d’une opposition complémentaire. La structure et son reflet évoquent la géométrie de l’ouvrage. La verticalité des parois représentent la notion de profondeur de l’écluse mais aussi l’idée des “portes, des vannes” qui s’ouvrent et se ferment afin de passer d’une situation de passage à une situation de frontière. L’eau apparaît comme l’élément premier, ,un fluide, une matière parfaitement dissoute. Apparaît ensuite le phénomène de la cristallisation, où l’état chaotique de la matière fluide se modifie, s’organise et prend forme. L’eau sert de liant, de diluant, favorise les passages, les osmoses, les fusions. La passerelle s’appréhende à différents niveaux de lectures, elle propose des choix. L’usager qui l’emprunte entre physiquement, sensoriellement en relation avec elle. Celui qui est sur l’eau, la voit apparaître, l’approche, franchit son seuil, s’y arrête. Une dimension temporelle est intégrée à l’œuvre, évanescente et éphémère.
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Expérimentations : collages, dessin Les panneaux apparaissent comme des totems : ils se lèvent et s’abaissent comme pour représenter le contraste barrage/ouverture dans une écluse. Les graphismes sur les parois évoquent l’eau sous différents états.
Expérimentations : collages, dessin Ce pavillon mémoriel apparait sur la Seine, comme une intervention paysagère flottante située sur l’ancien emplacement de l’écluse de la Monnaie. La verticalité représente la notion de profondeur dans l’écluse, et l’horizontalité représente le sens du fleuve, le mouvement de l’eau.
ESPACE DE FLÂNERIE, DE CONTEMPLATION.
Cette structure sur pillotis représente le sas dans l’écluse, l’espace intermédiaire entre le dedans et le dehors.
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FRONTIÈRE-PASSAGE D É P L A C E M E N T, O U V E R T U R E Maquette expérimentale Strates, niveaux, déploiement progressif de passerelles pendant le déplacement
Platteforme flottante : déplacements progressifs sur l’ancien emplacement de l’Ecluse de la Monnaie : ouverture progressive de la structure qui permet de remonter à la surface.
5 Départ : Square du Vert Gallant PONT NEUF
4
3 2
1
QUAI BAS
Ouverture progressive de la structure qui reprend l’ouverture des portes dans une écluse. En fonction de l’ouverture, l’usager monte et change de niveau : idée d’un système télescopique qui rappellerait les sensations d’une écluse.
Remontée circulaire : reprendre la notion de cycle, d’étapes dans le franchisssement et la traversée de l’écluse
Niveau le plus bas
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3 2 1 0
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Niveau le plus haut
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ÉCLUSE-PALIMPSESTE SUPERPOSER LES COURBES DE LA SEINE
Maquette expérimentale - Espace creux Superposition des courbes de la Seine afin de créer de la profondeur dans la structure
Vue en plan - 5 étapes de la mémoire, 5 étapes dans la traversée Réel, encodage, oubli, réminiscence, rémanence
Ce pavillon mémoriel sur l’eau, visera à être générateur d’une identité et d’une mémoire collective, rendant à la pointe de l’Ile de la Cité, son caractère vivant le temps de l’évènement : le fleuve, la Seine représente un espace construit qui concilie deux approches : celle du fleuve dans la ville et celle des parisiens sur le fleuve. Il comporte et accumule les couches qui fabriquent Paris et les Parisiens et participent à leur identité. La présence de ce pavillon mémoriel sera flottant, présent de manière pérenne, de manière cyclique : sur une année, la structure se déplacera tous les mois dans les points d’arrêts prédéfinis. La maison mère de l’évènement sera la pointe de l’Ile de la Cité. La construction de la structure flottante reprendra la valeur de l’écluse ainsi que sa dimension technique, portées par des notions de verticalité et de profondeur. L’espace sera alors crée à la manière d’un palimpseste, d’épaisseurs mémorielles à savoir les courbes de la Seine qui se superposent. Le passage, la traversée de chacune de ces strates correspondra à une étape de la mémoire définit dans le processus de création et donnant à voir un nouveau paysage, un nouvel univers. Le passage à travers le pavillon mémoriel sera conçu en fonction des 5 étapes de la mémoire. Chaque zone du pavillon mémoriel sera traité en fonction des étapes : le réel, l’encodage, la progression vers l’oubli, la réminiscence et la rémanence. La mémoire du fleuve transparaitra alors de manière différentes, afin de provoquer des ressentis différents pour l’usager.
Maquette expérimentale - Espace creux Superposition des courbes de la Seine afin de créer de la profondeur dans la structure. Faire vivre la verticalité et le mécanisme de l’écluse à travers différents niveaux.
Croquis conceptuel - Recherche Epaisseur mémorielle Superposition des courbes de la Seine en plan
Vue aérienne - Paris, la Seine Etudes des courbes de la Seine : formes, intersections, pleins, vides
Chaque ambiance créée au sein du lieu évoluera en fonction des niveaux de mémoire dans laquelle l’usager se trouve. Cette scénographie plastique agira et mettra en éveil les sens du visiteurs par des dispositifs visuels, lumineux, numériques qui accompagneront le passage expérimental.
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conclusion Dans son ouvrage L’intuition de l’instant, Gaston Bachelard dit, « Le présent ne passe pas car on ne quitte un instant que pour en retrouver un autre », par conséquent, le lieu de mémoire n’est pas un lieu destiné à l’oubli mais à la renaissance, la réminiscence. Le présent est un moment vécu, un point précis qui se résout dans l’instant. Cette matière temporelle observe un phénomène de seuil, nous obligeant sans cesse à en sortir pour entrer dans un nouveau, inattendu. Il est pourtant impossible de savoir exactement quand s’opère le changement d’un instant à l’autre, et par conséquent, d’un espace à l’autre. Ce moment précis et éphémère auquel un individu est confronté déstabilise les repères collectivement établis. Le souvenir surgit par un détail, une image cachée dans les replis de la mémoire, comme un écho au palimpseste urbain qui efface les lieux et nous les montre chaque fois. C’est par la magie de l’imagination que notre regard nous offre une vision réinventée des paysages urbains. A la fin du tome 1, la démarche et la reflexion autour du projet s’était dirigée vers le caractère quotidien de la mémoire d’un lieu, d’un paysage à savoir son passage, sa traversée. Par conséquent, ce tome 2 a été divisé en 2 parties, représentant trois échelles, trois manières de mettre en avant des lieux de passages oubliés, cachés, mis de coté, voire même disparu. Dans un premier temps, il s’agissait de se demander comment ré-activer un élément architectural déjà présent qui tend à être oublié voir même détruit. Pour cela, j’ai choisi un territoire d’exploration : les traboules de Saint Etienne, oubliés par rapport à ceux de Lyon, pourtant autrefois très utile et très empreintes par les passants. Ces éléments architecturaux font partis d’un passage quotidien, devenu acquis voire même invisible . Elles étaient et sont toujours très importantes dans la ville, car elles permettent d’assurer une articulation, une circulation entre les îlots.
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Ces passages secrets font partis de la m(émoi)re du lieu, qui sera travailler dans l’optique de renforcer le déjà-la. Le but était d’articuler ces éléments architecturaux destinés à la traversée, avec leur environnement en travaillant les rythmes, la perception,les points de vues par le biais de séquences paysagères. Dans un second temps, je me suis demandée comment mettre en présence, révéler des seuils, des espaces de transitions dans l’espace urbain. Je me suis attardée plus particulièrement sur les cours, en prenant comme territoire d’exploration la cour cachée de l’Ilot des Remparts à Bordeaux. En effet, les cours de l’îlot apparaissent comme des grands vides sur le site. Fermées au public, on observe un désintérêt pour ces espaces. Les cours de l’Ilot des Remparts, sont enclavées au sein de l’Ilôt par des infrastructures et des obstacle,fermées à l’extérieur et très peu valorisées. La m(émoi)re du lieu était ici évoquée sur le thème des cours. Enfin, j’ai travaillé sur le fait de faire renaître un élément enfoui, voire disparu de l’espace urbain, à savoir révéler ce qu’il reste lorsqu’il ne reste plus rien, et évoquer les couches, les strates du passé. La notion d’hétérotopie de Michel Foucault m’a semblé interessante pour son rapport avec la mémoire: des «espaces autres», sans réelles frontières ou temporalités définie. Selon l’auteur, le fleuve, l’océan est l’hétérotopie la plus probant car il se définit comme un “lieu autre”, un lieu qui n’a ni “dedans” ni “dehors” et qui définit un contre-emplacement, ou l’on peut superposer des temps d’histoires distincts. Pour cela, j’ai choisi comme territoire d’exploration la Seine, en m’intéressant à l’Ecluse de la Monnaie, enfoui par les eaux en 1910 et détruite en 1923.
Cette écluse m’a particulièrement intéressée pour ses valeurs et ses symboliques, à savoir : le passage, la traversée, la limite, le franchissement, le cycle et les notions de temporalité. L’envie ici, était de revisiter la notion de lieu de mémoire en faisant renaître l’Ecluse de la Monnaie comme un lieu de passage évènement, signal et générateur d’une identité collective. Le choix d’organiser mes recherches en différents territoires d’explorations étaient necessaires afin de d’explorer la mémoire d’un lieu sous différents environnements et à différentes échelles. Ces trois territoires d’explorations se rejoignent sur beaucoup de points et beaucoup de notions : les lieux quotidiens, les espaces de transitions, de traversées, de passages, de limites. En effet, par le biais de ces différentes pistes de reflexions, l’objectif n’était pas de proposer trois projets sur le thème d’une redéfinition du lieu de mémoire, mais bien d’explorer et de re-vister cette notion de lieu de mémoire afin d’agir sur une dynamique de renouvellement dans la manière de communiquer et de spatialiser la mémoire dans l’espace urbain. Les deux premiers territoires d’explorations se sont basés sur des éléments encore présents, qui tendent à être oubliés, ou qui sont mis de côté. Le dernier, traite réellement d’un élement architectural disparu, dont il ne reste aucunes fragments, aucunes traces. Les réelles problématiques pour la suite et le developpement du projet sont : Comment convoquer le passé au présent? Comment évoquer la mémoire d’un lieu non dans le passé mais dans un présent continu? Comment faire revivre un élement disparu, enfoui sous les couches du passé afin d’exposer le passé dans le présent ?
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ouvrages, extraits
OUVRAGES Marot,S. (2010) L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture. Editions de la Vilette «Penser l’espace» Bachelard, G. (2009) Poétique de l’espace Editions PUF, Paris Younes,C. et Bonnaud, X. (2014) Perception / Architecture / Urbain Infolio, Collection Archigraphy Poche. Von Meiss, P. (1986) De la forme au lieu Une introduction à l’étude de l’architecture. Presses polytechniques et unniversitaires romandes Collection Archi Lynch, K. (1999) L’image de la Cité Editions Dunod Collection Architecture et Urbanisme
ESSAIS / EXTRAITS Gaubert, J. (2014) Perception/Architecture/Urbain de Younes C. et Bonnaud X. Dans le chapitre En marchant rue du Faubourg du temple: Chronotopie : un partage de la rue. (pages 227,228 ) Editions Infolio, Collection Archigraphy Poche, Paris
Cabaret, J. (2015) Arpenter la ville (pages 35-36) Mémoire de fin d’étude : https://issuu. com/josselincabaret/docs/book_2016_ page_par_page
Younes,C. et Bonnaud, X. (2014) Perception / Architecture / Urbain (pages 229, 230, 233) Infolio, Collection Archigraphy Poche Paris
Decitre-Demirjis, M. (2013) “Saint-Etienne Insolite » Editions Actes Graphiques
Walter, B. (1939) Paris, capitale du XIXème siècle : le livre des passages (page 12) Editions Cerf Paris Serça, I (2013) Esthétique de la ponctuation, Literary Collections Source: Google books Lynch K. (2007) L’image de la cité, (page 96) Editions Dunod
Bailly, J-C. (2013) « La phrase urbaine» Editions Le Seuil
Clavel M. (2002) Sociologie urbaine, (page 43) Editions Economic, Anthropos, Paris Source: https://labyrinthe.revues.org/470 Sansot, P. (2001) La poétique de la ville (page 237-238) Editions PUF, Paris Masboungi, A. (2010) Bien habiter la ville, (page 100) Editions du Moniteur, Collection Projet urbain
Panerai P. et Mangin, D. Formes urbaines : de l’ilôt à la barre (pages 151-162) Editions Parenthèses Collections Eupalinos Lepelletier, T. La cour, identité et permanence dans le logement collectif. Source : http://archivesma.epfl. ch/2014/049/lepelletier_enonce/ethcour.pdf/ Marot,S. (2010) L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture (page 52) Editions de la Vilette «Penser l’espace» Augé, M. (1998) Les Formes de l’oubli, (page 122) Editions Payot & Rivages, Petite Bibliothèque, Paris, 2001 Onaner, C. (2014) « Aldo Rossi et les images architecturales de l’oubli » Images Re-vues Source: http://imagesrevues.revues. org/3858
Von Meiss, P. (1986) De la forme au lieu Une introduction à l’étude de l’architecture. (chapitre 7) Editions Dunod
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sites : presses internet
Kraus, Sabine Aldo Rossi: L’architecture de la ville Géométries.org Source: http://geometries.org/ALDO%20 ROSSI/theory/ROSSI.pdf Moschini, F. (1999) Aldo Rossi: Venise et le Théàtre du monde Journal Théâtre des Italiens Mosna-Savoye, G. (2016) Les chemins de la philisophie Variations sur la répétition: Deleuze: différence et répétition France Culture Ingold, T. (2011) Une brève histoire de lignes (page 114) Zones sensibles Foucault, M. (1984) Dits et écrits, des espaces autres (pages. 46-49) Conférence au Cercle d’études architecturales (14 mars 1967), Architecture, Mouvement Continuité, n°5, octobre Foucault, M. (1984) « Des espaces autres », dans Dits et écrits : 1954-1988 Éditions Gallimard, Collection « Bibliothèque des sciences humaines », Paris
DÉFINITIONS & ETYMOLOGIES Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales CNRTL Source: http://wwwww.cnrtl.fr/ Le Petit Robert de la langue française Source: http://www.lerobert.com/
RÉFERENCES DESIGN https://www.lecourrierdelarchitecte.com/ https://www.dezeen.com/ https://www.designboom.com/ https://www.interactivearchitecture.org/ https://www.archdaily.com/
ARCHIVES, EXPOSITION
https://sites.arte.tv/architectures/fr
Le Génie Civil, Edition du 24 Octobre 1925 La démolition du barrage et de l’Ecluse de la Monnaie à Paris. Parisienne de photographie Archives Crue de la Seine (Novembre 1910) Au square du Vert Galant L’Humanité Edition du 24 Octobre 1924 Les grands travaux de Paris : la démolition de l’écluse de la Monnaie La Conciergerie L’Ile-Monument, Ile de la Cité horizon 2040 Paris, 2017 Musée des canaux Amsterdam
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