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La géographie Queer

LE CORPS POLITIQUE QUI CONSTRUIT L’ESPACE

La géographie Queer

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Comment les corps se comportent-ils dans la ville ?

Où se situent les espaces Queer ?

Notre corps communique avec les autres à travers des signes selon un code culturel, une réalité sociale (Pasquier, 2008). Le corps est un territoire personnel et par ce fait, les individu·es « habitent des mondes sensoriels différents » (Hall, 1971 : 15). Par nos sens, nous percevons la distance entre nous et les autres individus. La « kinesthésie [spatiale] est un facteur important dans l’usage quotidien des édifices que créent architectes et designers » (Hall,1971 : 75). L’organisation de l’espace est différente selon les lieux, le sens de la distance entre individu·es n’est pas le même. Edward T. Hall parle de distance intime, personnelle, sociale et publique. C’est dans ces situations qu’apparaissent les questions de bienséances. On respecte des codes sociaux afin de ne pas gêner, de respecter l’individualité de chacun. Le corps est construit par les discours et les pratiques publiques qui interviennent à de multiples échelles spatiales (McDowell, 1999).

McDowell constate que le corps, lié à la sexualité, a longtemps été considéré comme appartenant à la sphère privée. Pourtant, le corps est un espace où l’individualité se construit et il existe des frontières plus ou moins perméables entre un corps et un autre (McDowell, 1999 : 34). Ces frontières sont remises en question par des études de géographes qui changent la compréhension de l’espace. Les géographes ont notamment analysé l’aspect intersectionnel de la production d’espace par le corps et la capacité des villes à produire des contres espaces en réactions aux espaces disciplinés qui créent des corps disciplinés. Butler explique que les divisions spatiales privé/public sont travaillées par des pratiques et des relations sociales. En lien avec l’espace et l’identité, le corps est une « incarnation » du monde social dans lequel il évolue (McDowell, 1999).

Afin de mieux comprendre cette incarnation, Helen Jarvis (Jarvis, 2009) parle de la manière dont les individu·es « marquent » et « colonisent » leur espace et leur territoire de différentes façons avec leur corps, leur posture, leurs vêtements, leur véhicule et la manière qu’ils ont de le conduire, etc. Ces pratiques varient selon les espaces et lieux dans lesquels les corps se trouvent. Les corps ne sont pas perçus de la même manière selon les relations de pouvoirs liées au genre, à la classe sociale et à l’appartenance ethnique. Les gestes, les vêtements, les actions sont donc différent selon les lieux (Gervais, 2020 : 119) qui sont vécus alternativement comme contraignants ou émancipateurs.

Afin de se réapproprier son corps, son langage, le contrôle de son identité, sa sexualité et sa sécurité, les femmes et les minorités sexuelles se réapproprient des territoires qui leur ont été refusés en fabriquant leurs propres espaces.

III- LE CORPS POLITIQUE QUI CONSTRUIT L’ESPACE

C’est le discours que tient le mouvement queer qui cherche la réappropriation du langage et des comportements qui dévient des représentations normatives dominantes. Les territoires Queers sont invisibles alors qu’ils se situent pourtant sur le même plan physique que les territoires non-Queers. Comment apparaît une géographie Queer superposée physiquement à une géographie qu’on pense exhaustive ?

Afin de visualiser cette superposition, un site internet propose une interface cartographique participative afin d’enregistrer la vie queer. Pour son créateur Lucas LaRochelle, Queering The Map a pour but de « préserver nos histoires et nos réalités en cours, qui continuent d’être invalidées, contestées et effacées. Des actions collectives (Marches des fiertés par exemple) aux ‘coming out’, de la violence aux moments d’amour intenses, ‘Queering the Map’ fonctionne comme une archive vivante de la vie queer »1 .

Un espace Queer, sur cette carte, c’est simplement un lieu où une grande émotion naît, révélant au monde une identité Autre, une identité queer. Pour Lucas LaRochelle, le lieu devient alors un « panneau émotionnel »2 marquant un point dans l’évolution de l’identité et de la sexualité. On a donc accès à des milliers de témoignages Queer qui racontent des expériences aussi diverses qu’il y a d’individu·es et qui placent ainsi dans le monde une multitude d’espaces Queer.

Queering the Map (fig3)

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