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Les usages de la ville sont-ils égalitaires

LES MANIFESTATIONS DE GENRE DANS L’ESPACE PUBLIC

Il s’agit d’un moyen de transport écologique mais inaccessible pour beaucoup de femmes qui doivent amener les enfants à l’école ou faire les courses. Certaines ont également des injonctions sur leur tenues et ne peuvent se permettre le cyclisme. Ensuite, l’éclairage public qui s’éteint après une certaine heure ne prend pas en compte le facteur d’insécurité que les femmes peuvent ressentir la nuit. Cela limite le nombre de femmes dans les rues et les incite à rester chez elles. La conception de la ville est donc une affaire d’homme et de regard masculin.

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L’usage différencié de l’espace selon les genres est directement lié aux inégalités hommes-femmes. En effet, les femmes assurent encore aujourd’hui 68 % des tâches domestiques (INSEE, 2015)1 comme les courses, amener les enfants à l’école, accompagner les personnes âgées, etc. Ces occupations créent des emplois du temps différents selon les genres. Pour les femmes on parle de trois temps de vie, temps libre, temps familial et temps professionnel (De Singly, 1987). On peut alors constater des usages genrés de la ville.

Les hommes et les femmes ne se déplacent pas de la même manière, pas aux mêmes horaires, dans les mêmes lieux et n’y jouent pas les mêmes rôles. En effet, pour effectuer ces déplacements multiples liés aux tâches domestiques, les femmes utilisent majoritairement les transports en commun. Lauren Bastide questionne dans son livre la place des femmes dans l’espace urbain. Elle parle de l’aménagement public qui se heurte souvent aux mœurs et devoirs relégués à une partie de la population (Bastide, 2020). Les trottoirs ne sont par exemple pas conçus pour se promener avec une poussette puisqu’il faut parfois descendre sur la chaussée. De la même manière, les transports en communs ne facilitent pas la présence de gros sacs et les femmes s’excusent souvent de la place qu’elles prennent.

Bien sûr, l’aménagement public ne permet pas, seul, une révolution sociale. Simplifier la vie de la personne qui fait les courses ou de celle qui promène la poussette ne créera pas plus d’égalité de genre. De plus, le transport de gros bagages et les déplacements en véhicule roulant ne concerne pas uniquement les poussettes. Cela permet de constater qu’aménager la ville pour les personnes bénéficiant de privilèges moindres offrirait de plus larges possibilités d’appropriations et d’utilisations de l’espace.

Les usages de la ville sont-ils égalitaires ?

À quoi ressemble des appropriations genrées de l’espace public ?

LES MANIFESTATIONS DE GENRE DANS L’ESPACE PUBLIC

Comment le harcèlement de rue joue un rôle social sexué dans l’espace public ?

Comment les stéréotypes de genres s’affirment dès le plus jeune âge ?

Le harcèlement de rue ou « harcèlement public » (Gardner, 1995) constitue une violence faite aux femmes dans l’espace public par des inconnus majoritairement de genre masculin. Il comprend les remarques, insultes, gestes déplacés, propositions sexuelles ou viols. Ces actes peuvent provenir d’un comme de plusieurs individus, croisés simultanément ou successivement. Bien que ces actes soient souvent considérés comme anodins, ils constituent des rappels à l’ordre social sexué. A force de répétition, ils font perdurer l’idée selon laquelle l’espace public est fait pour les hommes, dangereux pour les femmes et que ces dernières appartiennent à l’espace privé. Cela incite les femmes à développer des stratégies de déplacement dans la ville selon les lieux à éviter, la manière de s’habiller ou de marcher.

Les stéréotypes sexués fonctionnent selon deux modes, l’affirmation de la différence entre les deux groupes sociaux femmes/hommes (la binarité absolue) et l’uniformisation à l’intérieur de chaque groupe (la femme, l’homme). Ils impliquent la normalisation des rôles sexués dès le plus jeune âge (MARUEJOULS, 2015 : 25). L’aménagement de la cour de récréation marque déjà une différence. Le terrain de football ou de basketball majoritairement utilisé par les garçons est au centre tandis que les activités majoritairement associées aux filles se situent sur les côtés. Le passage de l’école primaire au collège et l’entrée dans l’adolescence, marquent le retrait des filles des espaces et équipements de loisir publics. Les filles qui continuent la pratique du sport à l’adolescence le font en grande partie dans des clubs sportifs, dans des milieux encadrés et souvent payants. La rue représente alors un espace de jeu occupé par les garçons. On peut le remarquer dans la fréquentation des city stades et des skates parcs. Dans l’espace urbain à grande échelle, on peut noter une différence de fréquentation de certains espaces comme les stades de football ; les personnes présentes dans ces lieux sont majoritairement des hommes.

Les femmes ne sont donc pas intégrées, et ce dès le plus jeune âge, dans les équipements publics, notamment sportifs. Ce sont pourtant des conceptions urbaines qui prennent une place importante dans l’appropriation de la ville par les habitants. On peut facilement en venir à la conclusion que puisque les activités extérieures et visibles sont masculines alors l’espace public est fait pour les hommes.

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