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Revue trimestrielle FOI N°37 - Juin - Juillet - Août 2013 - 5,50€

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VIE Sommaire

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Editorial du Père Laurent FABRE Dossier

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Come,

Holy Spirit !

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Œcuménisme

14 • Voyage en Turquie 16 • Musée international de la Réforme à Genève 18 • Prière

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Formation Chrétienne

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Jeunes

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Vie de la Communauté

20 • Quand un jésuite reçoit le baptême dans l’Esprit... 22 • Diaconia 2013 : Servir la fraternité 24 • Année de la foi : Pélerin des mots !

26 • L’appel de la marche ! 28 • Témoignages

30 • Le Chemin Neuf fête ses 40 ans...

Récit de Jacqueline Coutellier et photos souvenir 34 • Cana : Venez au service !!

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Jeune Talent

35 • Shu-Min Huang

La revue FOI (Fraternité Œcuménique Internationale) est publiée par la Communauté du Chemin Neuf-10 rue Henri IV-69287 Lyon cedex 02 Directeur de la publication : P. Laurent Fabre Directeur délégué : Jean-Charles Paté, Rédactrice en chef : Pascale Paté, Comité de rédaction : Franck Démaret, Marie Farouza Maximos, Pieter Leroux, P. François Lestang, Véronique Pilet, P. Adam Strojny Création graphique : Annick Vermot (06 98 61 98 76), Crédit photos : Musée international de la Réforme-Genève, Fotolia.com : angelo.gi, Andres Rodriguez, kasiap, herreneck, Eisenhans, Masson, Couverture : CCN Gilbert Soobraydoo, Abonnement : Marie-Thérèse Subtil, Nicole Zébrowski, Gestion-Administration : AME, Réalisation : Sandrine Laroche, Impression : IML - 69850, St Martin en Haut - Tirage sur papier issu de forêts gérées durablement, certifié PEFC, Dépôt légal : décembre 2010, CPPAP : 0310 G 83338, ISSN : 1770-5436

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Editorial

Le Père Laurent FaBRE Fondateur et responsable de la Communauté du Chemin Neuf

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Chaque mois, une vidéo est réalisée, traduite et envoyée dans plus de 72 pays à travers le monde. Un réseau de prière est créé, c’est la Fraternité Œcuménique Internationale NET FOR GOD.

Dans un article du journal anglais The Telegraphe, du 15 mars 2013, Charles Moore, sous une photo du nouveau Pape et du nouveau Primat de l’Eglise anglicane, affirme avec foi : « 500 ans après, le pouvoir de la prière rassemble à nouveau Canterbury et Rome ». La suite de l’article parle des Exercices Spirituels de St Ignace et de la Communauté du Chemin Neuf. Nous sommes heureux, à bien des titres, de nous trouver en si bonne compagnie et par bien des raisons si proches de l’un comme de l’autre. En fait, comme l’auteur de cet article, nous avons des raisons d’espérer pour les années qui viennent et en particulier nous rêvons d’une nouvelle étape vers l’Unité des Chrétiens. Pour fêter les 40 ans de la Communauté du Chemin Neuf, plusieurs d’entre nous allons nous retrouver devant la Basilique de Rome le samedi 18 mai 2013, proches du Pape et de beaucoup de Communautés nouvelles, en communication par émission vidéo en multiplex avec les 27 pays où notre Communauté est en fondation. Chose inhabituelle, nous nous sommes donc tous donnés rendez-vous sur internet, entre 17h et 19h30 heure de Rome. C’est pour nous l’occasion unique, tout en fêtant la Pentecôte, de rendre grâce pour l’œuvre de l’Esprit-Saint durant ces 40 années d’existence. Déjà, la préparation de cet évènement a suscité beaucoup de travail dans la joie et l’humour. C’est une chose cocasse que de voir dans la neige en Lettonie des frères et sœurs de la Communauté danser sur les mêmes paroles et la même musique que les frères et sœurs sous le soleil d’Afrique à Kinshasa ou ailleurs. En 1975, il y a 38 ans, dans la Basilique St Pierre, je me souviens des longs applaudissements de cette foule du premier rassemblement international du Renouveau à Rome, après ces paroles de Paul VI affirmant que le Renouveau Charismatique était « une chance pour l’Eglise ». Quelques instants après, Ralph Martin, jeune Américain laïc, père de famille, prenait le micro devant le Pape, beaucoup de Cardinaux et d’Evêques et des centaines de Prêtres pour faire une prophétie annonçant que des pans entiers des murs de l’Eglise allaient s’écrouler mais que Jésus, le Bon Pasteur, allait rassembler son troupeau. Curieusement, j’ai l’impression de me trouver dans un moment prophétique semblable : plusieurs murs se sont effectivement écroulés et la chance et la jeunesse de l’Esprit sont toujours là, plus que jamais présentes et prêtes à exploser au cœur de nos villes. La puissance de l’Esprit-Saint est à la mesure des problèmes de notre temps.

Père Laurent Fabre.

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cecil mel robeck

Un pentecôtiste témoigne

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ECHOS DU COLLOQUE

Avancer ensemble

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ŒCUMÉNIsme

Des Paroles visibles

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peter hocken

Une histoire en marche

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ils l’ont dit...

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dossier Baptême

dans

l’esprit & des unité

chrétiens En plein cœur de la Suisse, la communauté du Chemin Neuf a organisé au mois de mars un Colloque international et œcuménique au sujet du baptême dans l’Esprit Saint, rassemblant près de 300 personnes de confessions et de nationalités très diverses. Parmi les personnalités présentes, on peut évoquer : Mgr Justin Welby, nouveau primat de la Communion anglicane, trois évêques catholiques (Mgr Philippe Ballot de Chambéry, Mgr Maurice Piat de l’Ile Maurice, et Mgr Martin Gächter, évêque auxiliaire de Bâle), le pasteur Gottfried Locher, président de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse, Larry Miller, secrétaire du Forum Chrétien Mondial, et Laurent Fabre, fondateur et berger de la communauté du Chemin Neuf. Cette rencontre avait pour objectif de faire travailler ensemble une quinzaine de professeurs de diverses universités (Paris, Lyon, Strasbourg, Louvain-la-Neuve, et des États-Unis), des témoins de milieux ecclésiaux variés, de confessions chrétiennes et de sensibilités différentes, « charismatiques » ou non. Au fil des conférences, ils ont donc exploré et partagé la nature et les fruits de cette grâce du « baptême dans l’Esprit Saint ». Mais, à partir de la réflexion, du partage et de la prière, chaque participant a pu goûter à une grâce d’unité, fruit de la Pentecôte. Ce dossier a été élaboré avec la collaboration de l’I.T.D. et de Net for God.

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Interview : Cecil Mel Robeck

Un pentecôtiste témoigne w Pourriez-vous témoigner à propos de votre expérience du baptême dans l’Esprit Saint ? « J’ai reçu le baptême dans l’Esprit Saint à 19 ans. J’en avais entendu parler toute ma vie, étant fils de pasteur. A l’âge de 17 ans, je me suis dit que c’était une expérience que je devrais probablement vivre aussi. Et, quand j’ai eu 19 ans, j’ai décidé de le demander au Seigneur. Je me suis agenouillé, et en deux ou trois minutes, je parlais en langues en glorifiant Dieu. Ça a vraiment été une expérience très vivante pour moi. Cela n’a pas immédiatement changé ma vie, mais je savais que, quelque temps plus tard, je connaîtrais ce que Dieu voulait que je fasse de ma vie. Plusieurs personnes m’ont dit qu’à leur avis, j’avais des dons d’enseignement. Cette idée ne m’avait jamais traversé l’esprit ! J’ai longtemps pensé que je ne voulais pas être ministre car j’ai vu mon père et ma mère dans leur ministère, et cela ne m’emballait pas. Ils ont fondé pas mal d’églises, ce qui signifie des petites églises, avec des difficultés, et en plus, ils travaillaient à temps plein. Je n’étais pas convaincu que c’était ce que je voulais, mais c’était là où Dieu m’appelait. J’ai donc décidé de faire des études de théologie. Je suis resté sur ce terrain toute ma vie d’adulte. Plus tard, Dieu m’a adressé un appel très personnel qui fut un changement

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d’orientation au sein de ma formation et qui m’a permis de devenir œcuméniste. Ce n’était vraiment pas mon intention ! » w A ce moment-là, vous avez été appelé personnellement pour l’unité des chrétiens... « Oui, cela s’est passé en 1982 ou 1983. J’ai été élu président de la Société pour les Etudes Pentecôtistes. A ce moment-là, il y avait un conflit dans la Société qui durait depuis plusieurs années entre la première génération des érudits pentecôtistes et la génération suivante. La première génération avait travaillé dur pour faire accepter son apprentissage par les responsables de l’Eglise. Vous savez, l’enseignement académique et la discipline, n’ont jamais été le fort du mouvement pentecôtiste. Ils ont beaucoup travaillé en ce domaine. La génération suivante avait été formée dans les universités et séminaires sur des nouvelles méthodologies, dans des domaines différents, et ils voulaient que leurs façons de travailler soient reconnues. Mais les plus vieux disaient : « Vous savez, si vous ne voulez pas changer, et faire les choses à notre manière, vous pouvez partir ». Et les plus jeunes disaient: « Pourquoi partir ? Le temps est de notre côté : vous allez tous mourir et nous allons hériter de la Société ».

Avant qu’il n’atteigne les églises traditionnelles, le baptême dans l’Esprit Saint était déjà une réalité au sein du mouvement pentecôtiste. En quelque sorte, il s’agit d’une grâce «venue d’ailleurs». Cecil Mel Robeck, ministre dans les Assemblées de Dieu et professeur d’Histoire de l’Église et d’Œcuménisme en Californie, a été invité en 1985 par David du Plessis au dialogue international entre catholiques et pentecôtistes. Il nous donne son témoignage.


dossier Etant donné le peu d’érudits que le mouvement avait, j’ai pensé que nous devions tout faire pour garder le groupe soudé. J’ai donc prié, pendant quatre ans, de 1979 à 1983, demandant à Dieu : « Que peut-on faire ? ». En 1983, le Seigneur m’a réveillé au milieu de la nuit. Il m’a appelé par mon prénom : « Mel, je veux que tu parles d’œcuménisme. » Je lui ai répondu : « Seigneur, je ne peux pas parler d’œcuménisme. Je n’ai suivi aucun enseignement concernant cela. Je ne sais même pas ce que c’est, excepté que ce n’est pas bon. » Et je me suis rendormi !

« En 1983, le Seigneur m’a réveillé au milieu de la nuit. Il m’a appelé par mon prénom : “Mel, je veux que tu parles d’œcuménisme”. » Il me réveilla une deuxième fois cette nuit-là, et Il dit : « Mel, je veux que tu parles d’œcuménisme. » J’ai dit : « Seigneur, je ne peux pas faire ça. Si je le fais, j’aurai des ennuis. Tu sais, les Assemblées de Dieu interdisent, par leurs lois, de participer à des activités œcuméniques. C’est trop me demander. » Et je me suis rendormi.

Il me réveilla une troisième fois. J’ai pensé alors : « Je suis un ministre de l’Evangile de Jésus-Christ. Si je ne veux pas faire ce qu’Il me demande, je ne peux pas me nommer moi-même ”ministre“. » Une deuxième pensée me vint : mon Eglise m’avait toujours enseigné que, malgré nos lois, si le Seigneur te demande quelque chose, tu dois le faire à tout prix. Je me suis donc dit qu’il fallait que je Lui réponde, n’ayant aucune idée de ce que j’aurais à faire ni comment le faire. Je Lui ai donc dit : « Je le ferai, mais la seule chose que je te demande en revanche, c’est que Tu prennes soin de moi, parce que je sais que je vais avoir des ennuis, d’accord ? ». Et je dois dire qu’après toutes ces années, Il a très bien pris soin de moi. Le lendemain, je suis allé à mon bureau et j’ai cherché dans ma collection de livres pentecôtistes. J’ai des milliers de livres, de pamphlets et de papiers qui remontent jusqu’au début du mouvement aux États-Unis et des livres du monde entier. Par où commencer ? Comment parler d’œcuménisme ? Au début des années 1900, les pentecôtistes ne parlaient pas d’œcuménisme, mais d’unité. Je me suis dit : « Je vais donc parler de cette “unité”. La citation de Jean 17, 21 semble être un verset populaire, voyons ce qu’ils en disent ». Quand j’ai regardé les textes, j’ai retrouvé cette citation partout. Les leaders du début du mouvement Pentecôtiste avaient une grande ouverture œcuménique comprenant que le Seigneur faisait du nouveau pour l’Église dans sa totalité. En fait, ils pensaient, triomphalement, que tous les chrétiens allaient bientôt devenir pentecôtistes ! Ils croyaient que l’expérience du baptême dans l’Esprit Saint pourrait être reçue par tous les chrétiens, et qu’ils étaient les premiers à porter ce message au monde. Et je dois dire que cette promesse a, en quelque sorte, été accomplie. Le mouvement a réussi à s’impliquer dans quasiment toutes les confessions auxquelles je peux penser.

w Qu’est-ce que catholiques et pentecôtistes peuvent recevoir les uns des autres ? « Il y a de grandes choses que l’on peut recevoir les uns des autres. Nous devons reconnaître, des deux côtés, que nous faisons partie de la même Eglise. Je reconnais la complexité de ce terme “Eglise”. Mais nous sommes tous le Peuple de Dieu, et en tant que frères et sœurs en Christ, nous avons beaucoup de choses à nous donner les uns aux autres. Il me semble que la meilleure chose que nous, pentecôtistes, pouvons partager, est tout simplement ce que nous sommes, ce que Dieu a fait pour nous, dans notre vie aujourd’hui. Nous pouvons témoigner du caractère authentique du baptême dans l’Esprit Saint, en étant ouverts aux charismes et aux dons de l’Esprit Saint. Je reconnais également qu’il y a des endroits où nous sommes en compétition. Par exemple, en Amérique Latine, le plus gros challenge pour l’église catholique est la présence des églises pentecôtistes. Il y a des lieux où nous nous énervons les uns les autres, où nous nous insultons. Je pense que nous devons arrêter cela en reconnaissant que le Christ est en chacun de nous. Je pense également que l’église catholique a une histoire et de riches traditions. En tant qu’historien de l’Eglise, j’ai beaucoup appris sur la naissance de l’Eglise et sur les Pères de l’Eglise. A ce moment-là, je suis tombé amoureux de l’Eglise. Je me suis rendu compte de l’ancienneté des traditions dans les églises catholiques et orthodoxes. Mon travail a alors consisté à expliquer cette tradition à des personnes qui ont peu de racines en terme de traditions historiques. Mais également à faire connaître ma tradition pentecôtiste, relativement récente, mais vitale pour l’Eglise d’aujourd’hui, et à la partager avec les églises plus anciennes.v

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Echos du colloque

Avancer ensemble Le colloque a proposé un parcours à partir d’une réflexion historique, biblique et théologique afin d’explorer la grâce de l’Esprit Saint dans la vie des chrétiens et leurs communautés ecclésiales. Sont apparus plusieurs sujets de dialogue œcuménique qui exigent une humble écoute mutuelle. Ce qui se dégage comme premier fruit de ce travail est la conviction que nous pouvons et devons avancer ensemble, chrétiens de différentes confessions, dans la compréhension et dans l’expérience de la vie dans l’Esprit, notamment la grâce du baptême dans l’Esprit.

Le P. Laurent Fabre, dans la conférence d’ouverture, a montré plusieurs raisons bibliques, théologiques et de bons sens pour utiliser l’expression « Baptême dans l’Esprit Saint » au lieu de « Effusion de l’Esprit Saint ». Ce choix souligne le lien avec le baptême sacramentel. Pendant le colloque, nous avons pu constater que les liens entre salut, baptême, conversion et sanctification ou divinisation (selon le vocabulaire cher à l’orthodoxie), ne sont pas perçus de la même façon par tous les chrétiens. Déjà la pratique du baptême montre une option qui doit se laisser interpeller par les autres

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pratiques. En baptisant les enfants, nous montrons la priorité de la grâce de Dieu, car le don ne dépend pas de nos efforts mais de la grâce qui nous justifie gratuitement et précède toute réponse humaine. Suffit-il d’être baptisé enfant pour être chrétien ou faut-il devenir chrétien en râtifiant personnellement cette grâce pour la laisser porter des fruits ? C’est justement le baptême dans l’Esprit Saint qui peut aider à mieux articuler l’appartenance au Christ, l’appartenance à l’unique Eglise de Dieu et les charismes en tant que dons de l’Esprit Saint, fondement de toute vie chrétienne. Cette discussion nous amène à la question du discernement des esprits. Comment rejeter ce qui ne vient pas de Dieu, en particulier tout ce qui menace l’unité du corps ecclésial ? Comment reconnaître l’œuvre d’un même Esprit, la proclamation de mêmes merveilles de Dieu dans un langage qui diffère du mien ? Comment accueillir le souffle de l’Esprit qui dépasse nos frontières mentales, institutionnelles et culturelles ? Comment permettre à l’Esprit de faire l’unité du Corps du Christ scandaleusement divisé ? Le Concile Vatican II a clairement affirmé que l’œcuménisme spirituel est « l’âme de tout œcuménisme ». Dans ce sens, lors de ce colloque, les temps d’enseignement et de discussion alternaient avec les temps de prière liturgique et les assemblées de prière charismatique. L’unité que nous avons goûtée nous appelle à nous engager. Mais cela dépasse lar-

gement nos efforts humains. La Pentecôte nous oblige à reconnaître l’autonomie de l’Esprit Saint, qui étonna déjà les premiers chrétiens autant que les premiers pentecôtistes rassemblés à Asuza Street en 1906, ainsi que les membres de Renouveau Charismatique dans toutes les Eglises. Selon le document de l’ICCRS : « Le Baptême dans l’Esprit Saint est une expérience transformante de l’amour de Dieu le Père répandu dans le cœur d’une personne par l’Esprit Saint, que cette même personne a accueilli à travers un abandon d’elle-même à la seigneurie de Jésus-Christ. » En d’autres termes, on se reconnaît « en besoin de l’Esprit », prêt à offrir sa vie dans les mains de Dieu, à lui redonner le volant de sa vie, à dire radicalement « oui » à son propre baptême. Cette définition reconnaît bien à la base la confiance en l’œuvre de Dieu qui communique directement avec sa créature et qui guide son Peuple. Nous avons vu l’icône d’une telle approche quand le nouveau primat de la Communion anglicane, après avoir donné son témoignage, s’est mis à genoux afin que nous priions pour lui. Quelques jours plus tard le nouvel évêque de Rome, le pape François, avant de donner la bénédiction « urbi et orbi », s’est incliné et a demandé que tout le monde prie pour lui… L’image de ces deux pasteurs dans leur humble demande de grâce dit ce qu’est le baptême dans l’Esprit mieux que de longs discours. v P. Adam Strojny, ccn


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INTERVENANTS

Le père L. Fabre (catholique) et G. Locher (protestant) ont ouvert le colloque. L’un en introduisant le sujet du baptême dans l’Esprit Saint à la lumière de l’expérience ignatienne ; l’autre en évoquant la nécessité de la transformation dans nos vies et nos réflexions. C.M. Robeck (pentecôtiste), N. Blough (mennonite), M. Healy et P. Hocken (catholiques) nous ont expliqué le contexte historique des mouvements réformateurs : naissance du Pentecôtisme au début du XXème siècle, sa dynamique de croissance incessante, ainsi que le développement du Renouveau charismatique au sein des églises historiques. Ch. Grappe (protestant) et F. Lestang (catholique) ont présenté les fondements bibliques de l’expérience de l’Esprit Saint dans la vie individuelle et communautaire des chrétiens. E. Vetö (catholique) et M. Stavrou (orthodoxe) ont poursuivi cette initiation, prolongée dans la réflexion ecclésiologique protestante de A. Birmelé et catholique de J. Famerée. Ph. Dockwiller, op, a proposé une réflexion sur l’Esprit Saint en tant que « force de ce dont le baptême est la forme » et M. Healy a présenté une approche pastorale, défi de l’intégration de la grâce du baptême dans l’Esprit Saint dans la vie ecclésiale. En conclusion, la table ronde, sous la présidence de M. Moran (ICCRS), a permis de réaffirmer le souci pour l’unité des chrétiens et la santé de l’Eglise.

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Témoignage

« On se reconnaît “en besoin de l’Esprit”, prêt à offrir sa vie dans les mains de Dieu »

« C’est la Parole de Dieu qui nous unit tous »

« Jamais la Maison de Béthanie1 n’a reçu sous son toit un groupe aussi nombreux de gens si différents. Nous, les sœurs, étions très impressionnées. Des chrétiens venant de tous les horizons – tant religieux que géographiques – se sont réunis dans notre belle église pour chanter ensemble la louange de Dieu. Cette unité vécue fut symbolisée par une grande bible placée dans le chœur de l’église, avec un magnifique bouquet de fleurs pour marquer son importance : c’est la Parole de Dieu qui nous unit tous. Bien sûr, pour nous les sœurs de Béthanie, ce Colloque fut assez bouleversant. Organisation, préparation, adaptation des lieux, rencontres multiples, tout cela représentait une multitude de défis, dont en fin de compte nous avons dit unanimement que

cela avait été une expérience positive et enrichissante pour chacune. Déjà, en voyant les préparatifs multiples, nous étions émerveillées. Calmement et avec efficacité, on voyait travailler les équipes des Frères et Sœurs de la Communauté du Chemin Neuf. Manifestement on utilisait ce que la technique moderne nous offrait, tout en témoignant d’une collaboration paisible entre tous. Le personnel de la maison s’y joignait lui aussi allègrement et donnait sa part avec enthousiasme. Lorsque exceptionnellement l’un d’eux rouspétait et se moquait de ces activités nouvelles, une des sœurs trouvait le mot adéquat : « Bien sûr, pour moi aussi tout cela n’a pas été facile ; mais si tu avais été présent à l’église quand elle était pleine à

craquer et que tous ensemble ont chanté et prié, tu ne dirais plus rien. » Et, ditelle, subitement il redevenait calme. Même la nature montrait son beau visage, si bien que tout le monde pouvait admirer notre pays magnifique avec le Stanserhorn, le lac de Sarnen et le mont Pilate. Soleil éclatant, nuages, vents forts se succédaient, illustrant pour ainsi dire la vie chrétienne mouvementée de notre époque. Car l’Esprit de Dieu est toujours à l’œuvre et fait bouger tout ce qui vit – expérience authentique de ce que l’Eglise de Dieu est encore de nos jours.» Sr. Anna Benedicta, membre de l’équipe responsable des Soeurs dominicaines de Béthanie. 1. Lieu du colloque, à St Niklausen.

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Evénement œcuménique

Des Paroles visibles Plusieurs phrases de la Charte Œcuménique Européenne1 ont résonné en moi durant ces trois jours de colloque : quelques mots rendus visibles, concrètement, au milieu de nous à Bethanien, mais aussi « en avant de nous », comme un appel à dépasser un certain « statu quo » sur ce chemin de l’unité des chrétiens. Paradoxalement, les célébrations eucharistiques (catholiques ou protestantes) ont été « Parole visible » de cette quête de l’unité. En effet, nos célébrations ont manifesté clairement que « des différences essentielles dans la foi empêchent encore l’unité visible »2, rendant difficile la possibilité de communier ensemble. Mais, dans le même mouvement, ces célébrations ont aussi exprimé que « […] nous ne devons pas nous en satisfaire »3. Un des signes concrets a été de rendre visible la présence des ministres de « l’église de l’autre » : ainsi, lors de l’eucharistie catholique, une quinzaine de ministres d’autres églises protestantes (luthériennes, réformées, unies, épiscopaliennes, anglicanes, mennonites, évangéliques

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libres, pentecôtistes…) ont ouvert la procession. L’inverse a été proposé pour les prêtres lors de la célébration du culte de Sainte-Cène. Celui-ci était d’ailleurs inhabituel : le pasteur réformé suisse présidant la célébration a souligné que, malgré sa longue expérience œcuménique - c’était la première fois qu’il se retrouvait avec des ministres d’églises protestantes aussi diverses entourant la table de communion. Cet inédit n’aura pas été sans un certain inconfort liturgique parfois pour certains ! « Il est important de reconnaître les dons spirituels des différentes traditions chrétiennes, d’apprendre les uns des autres et ainsi de recevoir les dons des uns et des autres »4 : si, à la première lecture, cette phrase apparaît assez banale, elle s’est concrétisée de manière particulière pour moi, évangélique. En effet, s’il est devenu traditionnel dans le travail œcuménique de faire dialoguer les traditions des Eglises dites « historiques » (catholique, orthodoxes, protestantes de type luthéro-réformée, anglicane,…), il est plus rare de convier aussi à cette même table de la réflexion théologique les églises

« confessantes » (de type évangéliques) ou pentecôtistes. Les évangéliques et les pentecôtistes peuvent-ils être considérés comme de vrais partenaires dans la recherche théologique ? Et eux-mêmes d’ailleurs le souhaitent-ils ? Il y avait là, lors de ce colloque, une amorce d’un tel travail. Ce labeur « d’apprendre les uns des autres » ne va pas de soi ! Par exemple, pour reprendre quelques thèmes entendus lors du colloque, comment un évangélique ou un pentecôtiste peut-il recevoir la compréhension, si importante dans la théologie orthodoxe, de la grâce comprise comme « divinisation » de l’être humain ? Ou encore comment un évangélique ou pentecôtiste peut-il entrer dans la compréhension du pédo-baptême5 ? Là encore, cet appel de la Charte œcuménique s’est manifesté visiblement : « Nous nous engageons à surmonter notre propre suffisance et à écarter les préjugés, à rechercher la rencontre les uns avec les autres et ainsi, à être là, les uns pour les autres. »6 Il s’agit d’être là les uns pour les autres afin d’entrer dans une compréhension historique, spi-

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1. Anne-Cathy Graber, Jean-Daniel Pluess, Cecil Mel Robeck avant le culte, 2. Distribution de la communion lors du culte, 3. Une quinzaine de ministres

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dossier Penser en termes de tension et non d’opposition

rituelle et théologique plus ajustée du baptême, et plus particulièrement du baptême dans l’Esprit. Et si nos Eglises manifestaient concrètement qu’elles sont prêtes à être là les unes pour les autres ? Tel a été pour moi le signe ou la question visible de ce colloque. v Anne Cathy Graber, ccn, pasteur, (Eglise évangélique mennonite)

1- Charte Œcuménique Européenne : ce texte, signé à Strasbourg le 22 avril 2001, a été élaboré par la K.E.K (Konferenz der Europäischen Kirchen, = Conférence des Églises européennes) et le C.C.E.E (Conseil des Conférences épiscopales d’Europe) et signé par les présidents de ces deux organismes. Elle propose aux Églises et aux chrétiens d’Europe des orientations de réflexion et d’action pour développer une véritable culture œcuménique de dialogue et de coopération entre chrétiens d’Europe, à l’égard du judaïsme, et invite à une attitude positive vis-à-vis de l’islam. Depuis 2001, différentes églises confirment ce texte en le signant officiellement lors de célébrations : ainsi par exemple Justin Welby a signé cette charte lorsqu’il prit ses fonctions de Primat de la Communion anglicane, le 21 mars 2013. 2- Charte œcuménique, §1. 3- Charte œcuménique, §1. 4- Charte œcuménique, §3. 5- Pédo-baptême = Baptême des enfants. En effet, les Eglises évangéliques, ou de type pentecôtiste, baptisent sur confession de foi « consciente » et publique : d’où le refus du baptême d’enfant et la pratique du baptême d’adulte, d’où aussi l’appellation de ces églises comme églises dites de « confessants » ou de « professants » par opposition aux églises dites « multitudinistes ». 6- Charte œcuménique, §3.

Une série de conférences a été consacrée à la découverte de la richesse des regards catholiques, protestants et orthodoxes, sur la question de l’expérience individuelle et ecclésiale de l’Esprit. A l’issue de leurs interventions, le P. Etienne Vetö, catholique, Michel Stavrou, orthodoxe, et Christian Grappe, de l’Eglise Réformée de France, furent eux-mêmes surpris d’en voir l’unité de fond. Ainsi, C. Grappe conclut : « Il y a une unité dans nos conférences : nos sensibilités se rejoignent sur certains points et divergent sur d’autres. Sur le plan du dialogue, il est riche de se dire que les textes nous servant de base recèlent des trésors nous permettant d’expliquer l’évolution de nos traditions. Cela peut apparaître en tension mais pas nécessairement en opposition. Il faut raisonner en termes de polarité et de tension et non en termes d’opposition sinon on se divise. Nous sommes alors en communion, malgré nos accents différents. » Quant à Michel Stavrou, enseignant à l’Institut St-Serge, il partageait : « Je vois l’expérience d’un dépassement de nos limites institutionnelles, confessionnelles, je vois déjà en germe notre “réunion future”. Pouvoir ainsi se réunir, réfléchir, prier ensemble est fondamental : c’est une des voies qui nous permettra d’avancer jusqu’à l’unité complète. Aujourd’hui notre unité n’est que partielle : il faut des gestes, des démarches, des institutions à la limite, qui nous pressent les uns les autres pour faire des pas vers cette unité. Pour cela, il est important de garder nos traditions, car elles sont nos racines. Mais ces racines doivent nous propulser vers nos frères dans la foi, et vers l’humanité, car c’est là que nous sommes envoyés. » Sr. Marie-Farouza Maximos, ccn

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d’églises protestantes rassemblés autour de la table de communion, 4. Père Laurent Fabre, 5. Assemblée de prière

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Peter Hocken

Une histoire en marche nelles. Les professeurs présents au week-end de Duquesne avaient déjà reçu l’effusion de l’Esprit Saint au sein d’un petit groupe de prière charismatique composé de chrétiens de différentes dénominations. Quant aux étudiants, ils s’étaient préparés à cette retraite par la lecture des Actes des Apôtres et d’un livre écrit par le prédicateur pentecôtiste David Wilkerson : La Croix et le poignard (p.10-11).

Peter Hocken a participé à l’élaboration du document de l’ICCRS « Baptism in the Holy Spirit ». Il regrette que la dimension œcuménique, dimension centrale de l’ensemble du mouvement charismatique n’y soit que mentionnée et non pas développée.

L’introduction décrit les origines du Renouveau charismatique catholique aux Etats-Unis durant le « weekend de Duquesne » en février 1967 près de Pittsburgh : « L’événement de Duquesne s’est produit sous l’influence de ce qu’avaient vécu d’autres chrétiens ayant eux aussi reçu l’effusion de l’Esprit Saint, ainsi que de l’élan de renouveau insufflé par Vatican II ». Ici, une note de bas de page cite un commentaire du Cardinal Suenens : « Ce “réveil” nous vient, historiquement, du pentecôtisme classique, comme aussi de ce qu’on est convenu d’appeler le néo-pentecôtisme » (Œcuménisme et renouveau charismatique, p. 38). L’introduction continue en rappelant que « l’effusion de l’Esprit Saint était déjà une réalité depuis soixante ans au sein du mouvement pentecôtiste, et depuis sept à dix ans dans les confessions protestantes tradition-

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Ensuite, la première section du document mentionne parmi les caractéristiques du Renouveau l’« élan œcuménique » (p. 29), et rapporte une autre citation du Cardinal Suenens : « Le Renouveau est une grâce pour l’Eglise de Dieu à plus d’un titre, mais il l’est, très particulièrement, au titre œcuménique » (Œcuménisme et renouveau charismatique, p. 37).

« Le document de l’ICCRS n’a pas vocation à être un plaidoyé. Il en allait tout autrement lors du colloque. »

succincte, cela ne me semble pas relever d’un compromis, mais de deux constats réalistes : premièrement, le Renouveau à l’échelle mondiale n’a – malheureusement– pas d’orientation œcuménique forte ; deuxièmement, le document de l’ICCRS, en tant que guide pastoral à l’intention des responsables du Renouveau, n’a pas vocation à être un plaidoyer. Il en allait tout autrement lors du colloque de St. Niklausen en mars 2013 : l’insistance sur le caractère œcuménique du Renouveau, fondamental pour la communauté du Chemin Neuf, était alors entièrement appropriée, et a assuré le succès de la rencontre. » v

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Dans la partie suivante sur les communautés nouvelles, il n’est pas fait directement référence aux communautés œcuméniques, mais brièvement à un « dépassement des barrières », y compris des barrières « confessionnelles » (p. 30). L’affirmation claire de l’origine et du potentiel œcuméniques du Renouveau, à laquelle les citations du Cardinal Suenens confèrent leur autorité, revêt selon moi une importance particulière. Si elle reste cependant si

Une publication des Actes du colloque est programmée pour 2014 dans la Revue Istina.


dossier Ils l’ont dit... Mary Healy,

théologienne catholique

« Je n’ai aucun doute que l’une des raisons pour lesquelles Dieu a déversé son Esprit « L’Eglise a besoin de Saint de façon si abondante, à notre époque ce pouvoir divin (...) pour est que l’Eglise a besoin de ce pouvoir divin, de cette présence manifeste de Dieu, aller aux devants du défi qui change la vie, pour aller aux devants spécifique de notre temps du défi spécifique de notre temps qui est, qui est l’absence de Dieu. » essentiellement, l’absence de Dieu. L’absence de Dieu dans notre société. Dieu a été banni de l’horizon humain (...). Cette absence laisse une blessure très profonde dans le coeur humain. Une blessure qui est encore plus évidente que dans la culture païenne d’avant la chrétienté. C’est une culture qui, un jour, a connu Dieu et qui maintenant l’a abandonné et ressent l’absence de Dieu. Il y a donc un esprit orphelin qui se retrouve dans toute la culture. Ce que le Saint Esprit a fait et fait à travers le baptême dans le Saint Esprit, c’est déverser l’amour du Père dans nos coeurs, afin que nous connaissions « Abba », le Père, que nous sachions, qu’il est réel, qu’il est vivant, qu’il agit dans nos vies. Et nous connaissons la seigneurie du Christ dans nos vies. Nous qui venons d’origines diverses et de traditions différentes, nous sommes appelés à être prophètes de sa grâce, à être les apôtres du baptême dans l’Esprit Saint et aider l’Eglise entière à s’éveiller à cette réalité et à s’abandonner à ce que fait l’Esprit Saint.»

Mgr. Philippe BALLOT,

Mgr Ballot et Mgr Welby

archevêque de Chambéry

« Nous avons découvert, grâce au Renouveau charismatique, et à une communauté comme le Chemin Neuf, qu’il y a une certitude qui doit nous inviter : le Saint Esprit n’a pas déposé un préavis de grève générale, illimité, en disant : « Le Saint Esprit n’agit plus dans notre monde. » Au contraire ! Mais comment trouver les portes pour pouvoir le dire, et le vivre ? Je crois que l’expérience du baptême dans l’Esprit est un peu une expérience de ce genre… Ce qui me marque beaucoup, et dans la prière, et dans la manière dont nous sommes les uns avec les autres, c’est qu’il y a au fond du cœur de chacun, une profonde estime de l’autre. Or, l’estime de l’autre, ça veut dire : quel que soit l’autre, et quelles que soient les différences qui peuvent nous opposer ou nous séparer, ce qui est premier, c’est cette relation fondamentale, on pourrait dire de fraternité, qui nous est donnée par Dieu. C’est déjà un don. Nous nous estimons parce que nous sommes frères. »

Pasteur André Birmelé,

Eglise luthérienne

« Moi, je dirais ma foi en d’autres termes, en d’autres mots qu’un Pentecôtiste, ou que quelqu’un qui vient du mouvement charismatique au sein de l’Eglise catholique romaine. Ce qui dans mon expérience œcuménique a toujours été fondamental, n’est pas de gommer les différences, mais de les travailler jusqu’à ce que je puisse te reconnaître TOI, dans TA différence, comme étant une expression, disons, heureuse, que je peux reconnaître comme expression légitime de l’unique foi en Dieu (...)La difficulté viendra du fait que certaines différences sont séparatrices. Il peut y avoir entre nous des différences qui nous interdisent de nous dire ensemble chrétiens engagés sur la même route. Et ces différences-là, il faut les transformer jusqu’à ce qu’elles deviennent des expressions heureuses et légitimes de cette unique foi en Christ. On trouve ça dans l’Ecriture : un témoignage de Matthieu n’est pas le témoignage de Jean qui n’est pas le témoignage de Paul, et pourtant c’est le même témoignage; ce sont des expressions différentes.»

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Voyage en Turquie du groupe Saint-Irénée

A la rencontre des chrétiens d’Orient Le groupe Saint-Irénée du lycée Sainte-Marie de Lyon, un grand centre scolaire catholique lyonnais, est né en 2007-2008 de la rencontre de deux intuitions, l’une éducative, l’autre spirituelle (le bénéfice pour la jeunesse des voyages scolaires, et le désir d’œuvrer pour l’unité des chrétiens) et aussi de la rencontre fraternelle entre un professeur du lycée, l’aumônier et la responsable en Pastorale de l’établissement.

Brigitte CAZEAUX et Isabelle FERON, Animatrices du Groupe

St-Irénée au Lycée Ste-Marie de Lyon.

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« Les voyages sont préparés en amont et ainsi plus fructueux en créant des liens avec les communautés chrétiennes présentes à Lyon. Cette année, nous avons choisi de mieux connaître les chrétiens d’Orient, d’une belle diversité : par exemple les Coptes d’Egypte, grâce à une sœur de la communauté du Chemin Neuf, d’origine égyptienne, Marie-Farouza Maximos, et les chrétiens d’Irak, par la rencontre de la communauté irakienne installée ces dernières années en banlieue lyonnaise. Nous avons assisté à une eucharistie dans la paroisse Saint-Ephrem des Chaldéens, située dans un quartier sensible de l’est lyonnais, à Vaux-en-Velin, et entendu l’émouvant témoignage de leur pasteur, prêtre dominicain l’irakien Muhannad Al Tawil réfugié de Bagdad, . En février, nous sommes partis en Turquie. Nous avons découvert la beauté et la diversité de ce pays, ainsi que la grande vitalité de sa population, très jeune. Nous avons visité des lieux magnifiques, marqués par l’histoire de l’Ionie, de langue et de culture grecques depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’au début du 20ème siècle, et qui fut victime d’un exil tragique. Nous avons passé quelques jours à Istanbul : visite de la vénérable basilique Sainte-Sophie, devenue un musée mais qui redeviendra sans doute un jour une mosquée ; l’église Saint-Sauveur in Chora dans le quartier du Phanar, qui fut celui des orthodoxes de Constantinople déserté par eux aujourd’hui, à l’exception du patriarcat ; les magnifiques mosquées ; et le sym-

bole de la puissance ottomane, le palais de Topkapi. La présence chrétienne en Turquie s’est réduite comme peau de chagrin. Elle représente aujourd’hui moins de 1% de la population. Pourtant le christianisme oriental n’est pas venu de l’étranger. Il est né dans ce pays qu’il a profondément marqué, comme le judaïsme. Il y a très peu de catholiques. Ils sont présents surtout à Istanbul, liés historiquement aux ambassades et aux expatriés, et considérés comme une église étrangère. Les lieux de culte sont rares. Ils ont fondé au début du 19ème siècle de grands établissements scolaires qui ont été nationalisés. La grande entreprise de laïcisation, avec la figure prestigieuse de Mustapha Kemal, a permis l’essor du pays au 20ème siècle, mais a aussi, d’abord de manière brutale, puis plus lentement, menacé de disparition les chrétiens. Nous avons eu la grande chance de faire deux belles rencontres à Istanbul, d’abord celle d’un prêtre italien de la communauté dominicaine, le Père Lorenzo Piretto, qui vit dans un couvent dominicain. Il a pu nous partager son expérience de prêtre catholique italien, et ses relations, difficiles, mais parfois amicales, avec les musulmans. Un espoir de meilleure connaissance mutuelle passe aujourd’hui par des contacts avec le milieu universitaire, et des thèses faites par des étudiants musulmans sur des sujets théologiques en relation avec le christianisme. Le couvent Saint-Pierre et Paul est bien caché des regards, presque invisible derrière une petite porte, mais c’est un havre de paix.


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La deuxième rencontre fut celle du patriarche œcuménique orthodoxe Bartholomeos Ier, une figure très importante de l’œcuménisme de ces dernières années. Il représente une communauté qui fut prestigieuse, réduite à presque rien aujourd’hui dans cette ville de Constantinople qui fut le centre principal de l’orthodoxie. Ce que signifie son titre de patriarche « œcuménique », c’est à dire de toute la « terre habitée ».

« Le christianisme oriental n’est pas venu de l’étranger. Il est né dans ce pays qu’il a profondément marqué, comme le judaïsme. » Il nous a entretenus de l’église de Lyon, la première de Gaule, qui fut fondée par l’église de Smyrne grâce à saint Irénée, et de l’accueil reçu à Lyon du Cardinal Barbarin. Nous attendions alors l’élection du nouveau pape et il nous a dit prier pour les catholiques en cette circonstance. L’accueil qu’il nous a fait à tous, et en particulier aux jeunes, fut plein de douceur et de bienveillance.

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Les jours suivants nous avons parcouru les sites d’Ionie, de la colline de Troie, la citadelle de Pergame, les villes grecques de Priène et Didymes, ainsi que le site magnifique d’Aprodisias. Nous étions sur les pas de l’apôtre Paul, et une des plus intéressantes visites fut celle d’Ephèse, ville antique très bien conservée, où nous étions presque seuls sur le site. Nous avons pu y célébrer une eucharistie dans la Maison de Marie, lieu émouvant dans les collines au-dessus de la cité, dont la tradition fait le refuge de Marie, recueillie par Jean après la mort de Jésus. Ce fut un moment très fort de notre voyage. Nous avons aussi pu faire la rencontre d’un prêtre « Fidei Donum » du diocèse d’Evry, le Père Gabriel Ferrone, qui connaissait la Communauté pour avoir fait son service civil à Tigery1 il y a quelques années. Il nous témoigna de sa vocation pour la Turquie, et de son enga-

gement en paroisse à Izmir, l’ancienne Smyrne, qui n’a plus aujourd’hui que de rares vestiges de son passé chrétien. Ses paroissiens se comptaient sur les doigts de la main à son arrivée il y a cinq ans. A présent, ils sont environ 70 ! A Noël son église est pleine... de musulmans en quête de rites et de belles célébrations. Il vit cependant comme un moine, dans une certaine solitude. Pour lui, la Turquie perd peu à peu son caractère de laïcité tolérante. Il nous témoigna aussi que ce pays à la croissance étonnante devient de plus en plus matérialiste, et que c’est une terre de mission. Il y a une grande soif de sens, et nous avons pu le voir par l’intérêt de notre jeune guide d’origine kurde, qui participa à nos eucharisties et offices, et nous laissait volontiers du temps pour « chanter » comme il disait… Quel paradoxe que cette méconnaissance des réalités chrétiennes dans ce pays qui fut un des berceaux de notre foi et vit naître, grâce aux apôtres, les premières communautés ! Jeunes et plus âgés ont beaucoup appris pendant cette année de formation et ce voyage où la diversité a été vécue joyeusement ! Ce cheminement œcuménique, au fil des années, de notre groupe Saint-Irénée, nous apporte beaucoup. Il est étonnant de voir à quel point les préjugés tombent et les cœurs s’ouvrent dès lors qu’un vrai désir de rencontre se réalise. Un jeune a dit : « J’ai découvert que l’Esprit Saint souffle où il veut, sur nous et sur les chrétiens des autres confessions. » Nous avons une grande gratitude envers tous ceux qui nous ont partagé leur foi. C’est notre petite contribution à l’Unité des Chrétiens, au lycée Sainte-Marie de Lyon, dans l’enthousiasme et la persévérance. Et nous continuons… l’an prochain chez les Presbytériens d’Ecosse par exemple ! Et si vous veniez avec nous ? v 1- Maison de la Communauté en région parisienne. Légende photos : 1. Vue d’Istanbul - 2. Le patriarche Bartholomeos Ier 3.Le Christ à Saint-Sauveur in Chora - 4. 5. Sainte Sophie - 6. Le groupe à Ephèse

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Musée international de la Réforme à Genève

Un musée unique ! En cette période de vacances, la ville de Genève vous offre une destination qui permet de mieux connaître ce Français, Suisse d’adoption, qui fut un des fondateurs du protestantisme, Jean Calvin. Mme Graessle, directrice du Musée international de la Réforme, nous sert de guide. Bonne visite !

Isabelle GRAESSLE,

Directrice du Musée international de la Réforme à Genève.

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Madame la directrice, pouvez-vous nous dire quand le MiR (Musée international de la Réforme) est né ?

prendre non seulement l’histoire du calvinisme liée à celle de Genève mais plus largement du protestantisme. »

« Le 15 avril 2005, le Musée international de la Réforme a ouvert ses portes à Genève : il était temps ! Cela faisait en effet plus d’un siècle que ce projet était en gestation.

En quoi le MiR est-il si important ?

Dès la fin du XIXème siècle, des historiens ont commencé à réunir des documents pour un futur musée de la Réforme mais il a fallu finalement attendre le début du XXIème siècle et l’énergie créative d’un groupe animé par Olivier Fatio, professeur honoraire d’histoire du christianisme à Genève, pour voir enfin ce projet se concrétiser. Le MiR est devenu désormais un endroit incontournable pour connaître et com-

« Le MiR s’est fixé un double objectif. D’une part, rappeler ce qui a fondé la Réforme du XVIème siècle, autrement dit un retour aux sources du christianisme par la traduction de la Bible en langue vulgaire et une réflexion autour de la question du salut. D’autre part, décrire l’histoire mouvementée des hommes et des femmes qui se sont reconnus dans cette tradition. C’est cette trajectoire à la fois spirituelle et culturelle qui est exposée en un lieu pour le moins symbolique puisque c’est au rez-de-chaussée et dans les caves historiques de la Maison Mallet que se situent les collections


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œcuménisme Expos temporaires au musée en 2013 et 2014 ...

Le MiR a reçu le Prix du Musée 2007 attribué par le Conseil de l’Europe parmi plus de cent musées européens. Il est visité chaque année par 25 000 visiteurs (40 000 en 2009 pour l’exposition temporaire organisée autour des 500 ans de Calvin !). Une exposition aura lieu du 16 octobre 2013 au 16 février 2014 intitulée « Enfer ou Paradis ? La satire en images, du 16ème au 18ème siècle ». Infos : www.musee-reforme.ch

du Musée. Cette magnifique demeure fut construite en 1722 par Gédéon Mallet, descendant d’une famille huguenote réfugiée à Genève au XVIème siècle, sur l’emplacement même du cloître de Saint-Pierre où les Genevois adoptèrent la Réforme en 1536. » Comment peut-on « présenter » la Réforme ? « Le défi de présenter la tradition protestante n’était pas gagné d’avance puisque, on le sait, la Réforme a préféré ce qui touche à l’ouïe plus qu’à la vue. Mais les ingénieux muséographes ont réussi à donner vie à des thématiques telles que la Bible, l’œuvre de Jean Calvin, la polémique religieuse, la Révocation de l’Édit de Nantes, la résistance au nazisme, les missions ou le ministère pastoral des femmes. Les visiteurs sont invariablement frappés par cette mise

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en scène centrée sur l’essentiel. Même les débats théologiques ont leur place, comme dans la salle à manger où les assiettes se mettent à parler de la question de la prédestination ! » Brièvement, pouvez-vous nous décrire ce qu’on trouve au MiR ? « Environ 500 objets originaux sont exposés au Musée qui, outre les collections du MiR, proviennent de diverses sources, notamment de très nombreux particuliers qui ont offert des pièces d’une rare qualité (tableaux, gravures, livres, médailles, manuscrits, photographies, coupes de communion, montres, maquettes, etc.). Tous ces objets permettent de parcourir avec intérêt les salles du Musée : la Bible, la polémique et ses caricatures souvent violentes, le Salon et sa présentation audiovisuelle générale de l’aventure de la Réforme, la salle Barbier-Mueller parcourant les guerres de religion françaises, la Genève de Calvin, le Cabinet de musique, le Banquet de la Prédestination, la Révocation de l’Édit de Nantes, la Réforme au XIXème siècle et, depuis novembre 2010, de nouvelles salles consacrées aux œuvres protestantes, au Réveil du XIXème siècle, au XXème siècle si contrasté et au XXIème siècle présentant des extraits de cultes protestants aux quatre coins du monde. Signe de l’ouverture d’esprit du MiR : parmi les dernières acquisitions, deux toiles émanant d’Egbert van Heemskerck (fin XVIIème-début XVIIIème) et décrivant l’arrivée de Luther et Calvin en enfer ! » v Interview réalisé par Jean-Daniel PAYOT Secrétaire et trésorier des AMIDUMIR.

L’histoire de Genève à travers la Réforme Au début du XVIème siècle, à la veille de la Réforme, Genève connaissait une situation économique morose et la ville se dépeuplait. Les premières traces à Genève d’une présence de la réforme, ce mouvement lancé en Allemagne par Martin Luther dès 1517, remontent à 1525. Il fallut une dizaine d’années pour que la réforme, prêchée par le réformateur français Guillaume Farel, soit adoptée par les Genevois entre 1535 et 1536. Mais le mouvement ne prit tout son essor qu’avec l’arrivée de Jean Calvin en juillet 1536 qui fit de Genève l’un des pôles principaux de la pensée religieuse en Europe et donna à la cité une réputation considérable, sans commune mesure avec les dimensions modestes de la République. Très rapidement, dès les années 1540, Genève devint un lieu de refuge pour les adeptes de la Réforme qui étaient persécutés dans leur pays. Avec l’adoption de la Réforme, l’influence intellectuelle et spirituelle de Genève, la « Rome protestante », devint considérable.

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Ô Jésus, tu nous appelles à former un même corps. Unis-nous Seigneur fidèle, à ta vie et à ta mort. Détruis ce qui nous divise, mets en nous ta vérité, Et qu’à jamais ton Eglise demeure dans l’unité. Ô toi qui scellas toi-même notre unité par ton sang, Apprends-nous comment on aime d’un amour toujours vivant ; Et le monde pourra croire pour sa joie et son salut, Que son espoir et sa gloire sont en toi Seigneur Jésus. FPF

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Récit

Quand un jésuite reçoit le baptême dans l’Esprit... Dans les années 70, l’expérience du baptême dans l’Esprit Saint a traversé différentes confessions chrétiennes, mais aussi différents lieux d’Eglise. Vincent de Marcillac, alors novice jésuite et électricien, s’est un jour entendu poser la question : « As-tu déjà rencontré personnellement le Christ ? ». Il témoigne du lien entre spiritualité ignatienne et renouveau charismatique.

P. Vincent DE MARCILLAC, s.j.

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« J’étais en formation à la faculté jésuite de Lyon-Fourvière en deuxième année de théologie. J’avais reçu mon envoi en Mission Ouvrière en 1969, à la fin de mon temps de philosophie. J’avais demandé et obtenu de faire une formation professionnelle, en vivant à Ivry. J’ai donc suivi une formation de monteur câbleur en construction électrique. J’ai pratiqué 6 mois comme électricien avant de venir à Lyon avec un statut d’étudiant à la faculté et une activité professionnelle à mi-temps dès que je n’avais pas cours. Au noviciat jésuite de Fourvière, avait été accueilli un jeune jésuite en formation dénommé Mike. Il avait une expérience de la prière du Renouveau Charismatique. La vie du groupe de prière me plaisait mais j’avais bien des résistances. Je craignais de relativiser mon baptême qui m’avait mis en route pour le service de Dieu à la suite de Jésus-Christ. J’avais vu ma vocation confirmée par mon passage chez les Sulpiciens à Issy-lesMoulineaux et au noviciat des jésuites. A cause de mon travail, j’étais obligé de

garder le samedi matin pour un temps de catéchèse. Je ne pouvais pas aller en week-end loin de Lyon. Or un samedi midi, il a été possible de rejoindre un week-end de prière à Bully, près de Lyon. Un membre du groupe de prière (Jacqueline Coutellier) s’est proposé de m’y conduire. J’ai pu suivre le week-end sur le thème de la Trinité. J’étais enthousiaste, mais avec quelques questions. En effet j’avais été gêné par l’exubérance de l’un ou l’autre. Un peu trop d’alléluia pour moi. Décidé à prendre un temps de recul, je rentrai à la maison avec mes questions. On m’a expliqué que ma démarche de demander le baptême dans l’EspritSaint ne faisait que renforcer le baptême que j’avais reçu avant, et que cela était très vivable dans l’Eglise catholique que je voulais servir. Dans le temps d’attente d’un prochain week-end (vécu au Cénacle de Neuvillesur-Saône), j’ai fait deux rencontres dans l’atelier où je travaillais. J’ai été envoyé dans l’atelier de soudure contigü


ion chrétienne ion chrétienne formation du mien. Le serveur d’une fraiseuse avait cassé son câble d’alimentation électrique, et je devais le lui réparer. Il me demanda pourquoi je ne travaillais qu’à mi-temps et je m’entendis répondre que c’était parce que j’étudiais la théologie. Il me demanda ce que j’avais eu comme cours le matin. Je lui répondis que le matin nous avions la présentation du deuxième livre d’Isaïe. Il me coupa net en disant qu’il n’y avait qu’un Isaïe ! C’était un évangélique. Il m’a ensuite demandé si Jésus était mon Sauveur personnel. Personne au long de ma formation ne m’avait posé cette question de confiance ! J’ai donc demandé le baptême dans l’Esprit Saint et il eut principalement trois effets.

1. Jésus est mon Sauveur personnel La méditation sur le péché (dans les Exercices Spirituels) doit nous donner ce fruit-là. Avec une immense admiration, je reconnais que Jésus a déjà payé le prix. Il ne s’agit pas de chercher à me sauver moi-même, mais à accueillir mon Salut comme quelque chose d’acquis. Il suffit de rester à ma place d’enfant de Dieu, sauvé par l’obéissance du Fils. C’est l’accueil de la vie d’AMOUR dans le sens espagnol : “Demander ce que je veux 1”, veut dire en castillan à la fois vouloir et aimer. “Yo quiero”, et “yo te quiero”. Je veux et je t’aime sont la traduction d’un même mot. Si l’on parle de volonté, il faut préciser, en français, “la volonté aimante”. La Parole de Dieu devient vivante. Dieu se donne à moi si je m’expose à lui, gratuitement. C’est lui qui me donne à “sentir et goûter les choses intérieurement”. En me donnant son Esprit Saint, Dieu me permet de reconnaître son passage lorsqu’il me donne de pouvoir discerner pour moi-même. Il peut aussi me donner d’aider les autres en les encourageant à découvrir leur vocation propre. Il peut me donner de savoir présenter mon “état intérieur” lorsque je doute d’une décision que j’ai à faire confirmer.

2. Je peux témoigner sans avoir peur Si le Christ est mon Sauveur, que puisje craindre de la part des hommes ! Je n’ai pas à “faire carrière” mais à être son Témoin, là où je suis envoyé. Alors que j’étais très discret dans l’atelier de Villeurbanne, le baptême dans l’Esprit Saint a libéré ma parole. Cela a été le déclenchement d’un témoignage à travers ma vie de prêtre ouvrier. J’ai été en effet 30 ans P.O. dont 28 ans dans la même entreprise. Cela m’a permis d’accompagner bien des militants pour les aider à faire l’unité de leur vie, dans le regard simultané des deux côtés de leur vie, foi et justice. Cela m’a permis d’affronter les décisions à prendre dans un contexte de guerre civile au Burundi entre 1999 et 2004, avec le Nonce – Michael Courtney - qui s’y est fait tuer le 29 décembre 2003. Cela m’a permis de suivre, avec fruits j’espère, la formation de Bethasda2 à mon retour du Burundi. Cela me permet de proposer une retraite dont le titre est : « Jésus délivre, libère, et guérit » en essayant d’accompagner les demandes de « pardon impossible ». C’est l’expérience acquise – entre autres – avec la communauté du Chemin Neuf lors des retraites Jéricho3 et Siloé4. Je ne doute pas que ce soit la fréquentation des Exercices, y compris de “la contemplation pour obtenir l’Amour”, mais surtout “la contemplation de la vie du Christ” (2ème semaine) qui me permettent de tenir vivant le don reçu de pouvoir dépasser la Peur .

3. « L’Amour se met dans les actes » Ce préambule de la « contemplation pour obtenir l’Amour » m’a permis de garder les pieds sur terre, à la fois dans mon engagement syndical et dans mon engagement au service de l‘église locale.Participant aux rencontres de Renouveau Monde du Travail, ou à « Prière, Politique, Profession », j’ai pu aider des chrétiens à faire l’unité de leur vie. Délégué Central et Secrétaire du Comité Hygiène et Sécurité – Conditions de Travail, j’ai pu lutter contre un

licenciement collectif de 1153 personnes dans l’unité syndicale (pas évidente), avec l’aide des administrations (inspection du Travail, ministère du travail, tribunaux, experts comptables). Ce licenciement a été réduit à 350 dont 300 de plus de 58 ans. Ce qui m’a encouragé à quitter mon entreprise à 58 ans ! Comme Délégué Episcopal pour les groupes de prière et les communautés nouvelles issues du RC pour le diocèse de Toulouse, j’ai pu - je crois - aider le RC, en encourageant les échanges, une formation, des statuts facilitant le renouvellement. Certes, je n’ai sans doute pas été assez intrusif pour encourager le discernement dans l’une ou l’autre des communautés nouvelles. Même lors d’un comité de groupe de l’entreprise, j’ai pu appliquer la sagesse de Sainte Bernadette qui encourage à parler même si l’on sait que l’on ne sera pas cru. “La voix ne m’a pas dit de vous le faire croire, mais elle m’a dit de vous le dire” répond-elle à son curé qui continuait à douter de son message. En proposant à ceux qui viennent en retraite de pouvoir parler de ce qui les a blessés, et d’éventuelles “fausses routes” (cf. Simone Pacot), nous voyons bien que l’Amour se met dans les actes. Le Seigneur m’aide aussi dans mon travail de Délégué aux Nouveaux Mouvements Religieux et Dérives Sectaires. En résumé, mon baptême dans l’Esprit Saint non seulement ne m’a pas écarté de ma vocation de jésuite , mais m’a permis de la vivre dans une foi accrue avec un service possible de l’église locale, et une Paix et une Joie qui m’ont permis, au-delà de toutes mes fautes personnelles, d’essayer d’aider ceux que le Seigneur a mis sur ma route. » v 1 - Expression de St Ignace pour parler de la demande de grâce. 2 - Session de guérison intérieure initiée par Simone Pacot 3 - les retraites « Jéricho » sont des retraites proposées aux jeunes de 18-30 ans par la communauté du Chemin Neuf. 4 - Session de guérison intérieure proposée par la communauté du Chemin Neuf.

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Diaconia 2013 : Servir le pauvre

Révéler des actes de solidarité Initiée par la Conférence des évêques de France et mise en œuvre par le Conseil national de la Solidarité, depuis trois ans, la démarche « Diaconia 2013 - Servons la Fraternité » appelle d’abord les chrétiens et leurs communautés à vivre davantage la Fraternité et l’Espérance avec les personnes en situation de précarité et de fragilité. Elle les invite aussi, avec d’autres hommes et femmes de bonne volonté (pour reprendre une belle expression du Concile Vatican II), à se redécouvrir frères de tous et à créer du lien social, dans un esprit d’ouverture et de dialogue avec la société. Cette démarche qui vise à remettre au cœur de la Foi le service du frère dans ses multiples formes ne concerne pas seulement les organismes caritatifs chrétiens, elle s’adresse à tout baptisé du fait de sa vocation baptismale. Le thème proposé l’an dernier concernait le lien entre la diaconie et la Parole de Dieu. Chaque communauté locale ou paroissiale et chaque communauté extra paroissiale (de mouvements et de services, d’aumônerie, communautés religieuses) étaient invitées à réfléchir sur les questions suivantes : - Comment vit-on la dimension diaconale de notre Foi ? - Cette dimension est-elle bien reliée à la Parole de Dieu et au Christ Serviteur ? - à quels engagements nouveaux nos communautés sont-elles appelées ?

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Plusieurs soirées de rencontre ou de partage ont eu lieu sur ces thèmes, soit dans un cadre paroissial (sur Cherbourg, Saint-Lô, Coutances, Granville) soit dans un autre cadre (Pastorale de la Santé, Mission de France…). Ces soirées ont souvent permis de redécouvrir comment le service du frère enrichissait notre foi et réciproquement. Les témoignages recueillis à cette occasion ont servi de base pour rédiger le Livre des Merveilles de la Solidarité, livre exposé dans un certain nombre d’églises comme à Valognes, Coutances… Cette année 2012-2013, nous avons partagé nos expériences autour du thème « Diaconie et liturgie », en essayant de voir comment la liturgie et le service du frère se nourrissent mutuellement. Au cours des dimanches de la diaconie qui ont été vécus le 24 février dans un certain nombre de doyennés (Saint-Lô, Coutances, Valognes), nous avons mis en valeur le Livre des Merveilles, offert au Seigneur tout ce que nous faisions de manière multiple et diverse au service du frère, et avons rendu grâce pour tout cela. Des initiatives ont été également prises depuis deux ans (notamment à l’occasion des visites pastorales de notre évêque) pour faire se rejoindre acteurs ecclésiaux et non-ecclésiaux de la Solidarité et voir ensemble comment continuer de bâtir un monde plus fraternel.

Car la diaconie de l’Eglise, c’est en définitive un chemin qui doit nous conduire à avancer vers le grand large et en eaux profondes. Nous abordons maintenant la dernière étape de cette démarche avec la préparation du grand rassemblement national de Lourdes qui se tiendra à l’Ascension les 9, 10 et 11 mai prochains et dont le thème sera : « La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle. » Nous serons environ quatre-vingt personnes du diocèse de Coutances (de tous les doyennés et de différents mouvements et services) à participer à ce rassemblement. Au cours de celui-ci, nous partagerons nos expériences, participerons à différents forums et rencontres et vivrons aussi des temps de ressourcement. Ce sera un beau moment pour témoigner de la manière dont les chrétiens, à partir de la Parole de Dieu s’attellent avec d’autres à la transformation sociale en plaçant les personnes et groupes les plus fragiles au centre de leurs préoccupations. v Jean-Claude GROUD membre du Conseil diocésain de la Solidarité et délégué pour le diocèse de Coutances et Avranches pour Diaconia 2013.


ion chrétienne ion chrétienne formation “Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse !” Pape François Nous voyons quel est le centre de la vocation chrétienne : le Christ ! Nous gardons le Christ dans notre vie, pour garder les autres, pour garder la création ! La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement nous les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine, elle concerne tout le monde. C’est le fait de garder la création tout entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons. C’est le fait de garder les gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre coeur. (...) Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse ! Pape François - Homélie du 19 mars 2013, fête de St Joseph

Les livres des Merveilles Pour ma part, j’ai pu lire certains passages des Livres des Merveilles déposés dans les églises. Témoignages souvent simples de ce qui est vécu au quotidien, dans des relations de voisinage, d’entraide, écrits autant par des “accueillants” que par des personnes aidées, soutenues. Ce qui me touche, c’est cette proximité, cette vie ensemble, cette communauté qui se crée sans focaliser sur les différences d’origine, de culture, de situation. C’est l’Eglise qui est vivante avec des croyants (ou des incroyants), hommes de bonne volonté, frères à l’image du Christ. La rencontre de Lourdes ne doit pas être la dernière étape. “Les pauvres vous les aurez toujours” nous dit Jésus... Ils sont à notre porte, dans nos maisons, dans les lieux où nous vivons, où nous travaillons. Nous sommes donc invités à poursuivre ces actions, à garder les yeux ouverts. Et il continue : “Mais moi, vous ne m’aurez pas toujours”. N’oublions pas que le Christ est notre fondement, y compris dans ces services caritatifs. C’est Lui que nous voyons dans notre prochain, que nous suivons et servons en servant nos frères. Voir le visage de Jésus dans l’homme mourant au coin de la rue, dans celui qui est seul, abandonné, méprisé… “Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que vous le faites”. Bernadette Mabboux, Déléguée de la Communauté du Chemin Neuf pour Diaconia 2013

www.diaconia2013.fr

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Formation chrétienne

Année de la foi : Poète et croyant

Pèlerin des mots L’ « Année de la foi » se poursuit. A la question : « Qu’est-ce que la Foi, pour vous ? », le poète et journaliste FrançoisXavier Maigre répond en partageant son expérience de pèlerin. En effet, c’est dans la marche que l’auteur de Sur la trace de l’archange a fait l’expérience de la présence de Dieu.

François-Xavier MAIGRE,

Journaliste, poète et pèlerin. Prix Poésyvelines 2012, Prix de poésie de l’Unesco du Festival de Struga 2012.

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Il m’est difficile d’aborder la question de la foi et de l’art – à mes yeux indissociables – sans revenir à la matrice de mon rapport au sacré : le pèlerinage. Je suis devenu croyant et j’ai écrit mes premiers poèmes en marchant. Mon espace intérieur s’est élargi avec mes horizons. De cette confrontation au monde naît ma soif de comprendre, de connaître et d’écrire. Et donc, de croire. 19 juin 2011. Il pleut depuis trois jours. Nos pas s’embourbent dans les fondrières qui se forment dans la glaise du chemin. Nous clopinons en silence, trempés et heureux. Ma femme Pauline se trouve à mes côtés, avec notre fils Martin, sept mois, assoupi contre son ventre. Dans un porte-bébé, Faustine, ma fille aînée âgée de deux ans et demi, se tient sagement derrière mes épaules. Bardé de vivres, un âne accompagne notre pèlerinage cahoteux vers le Mont-Saint-Michel1. Dans quelques jours, nous poserons notre baluchon sur les flancs granitiques de la Merveille. Après 450 km d’aventure, nous allumerons un cierge devant l’Archange et nous rentrerons chez nous. Un mois à chercher notre chemin dans le bocage et sous la nef des forêts, mûs par cette confiance qui s’imprime à travers le martèlement des pas. La certitude d’une présence. J’ai toujours aimé prendre la poudre d’escampette, physiquement comme dans mes lectures. Dès l’adolescence,

« Sur l’asphalte des vacances s’est forgée ma certitude de l’existence de Dieu, comme si la vie nomade m’avait rendu plus poreux à son souffle. » j’ai passé le plus clair de mon temps libre à vadrouiller, avec les scouts, puis seul, à vélo ou à pied, sur les routes de France ou d’Espagne. Sur l’asphalte des vacances s’est forgée ma certitude de l’existence de Dieu, comme si la vie nomade m’avait rendu plus poreux à son souffle. Je me souviens de ce tour de Normandie à vélo : piégé par un orage, j’ai trouvé refuge in extremis dans une église délabrée. Dans le silence des pierres, je me suis senti attendu : je n’étais pas seul. Une autre année, j’ai planté ma tente au creux d’une grotte des Asturies, sur le chemin de Compostelle. Au chaud de la roche, j’ai songé à la grotte de Lourdes ; elle ressemblait étrangement à la mienne. Dans l’alcôve, je me suis senti chez moi. Il y a la foi qu’on nous inculque au catéchisme et il y a celle qui s’impose, par petites touches, à travers l’itinérance : le tropaire des brises et les variations du ciel ne forment-ils pas la plus éloquente des liturgies ?


ion chrétienne ion chrétienne formation D’autre part, si l’on admet que le Verbe s’est fait chair, on ne peut aborder l’écriture comme un passe-temps : écrire et lire, c’est chercher à s’approcher du Mystère en essayant de le nommer. Comme la liturgie, la poésie a la faculté de traduire humainement les réalités les plus inaccessibles. Nous sommes de simples guetteurs postés à l’orée de la page vierge. Ce que nous écrivons, nous le recevons. Poète ? Je me sens plutôt

« Ce que nous écrivons, nous le recevons. Poète ? Je me sens plutôt pèlerin des mots, glanant au fil des jours de quoi habiller le silence et de quoi avancer. J’aime cette phrase de René Guy Cadou : “Au seuil du feuillet blanc, c’est ta main qui m’accueille” ».

Ayant quitté l’aumônerie de bonne heure, j’ai bâti mon environnement spirituel de façon empirique. Des lacunes, j’en traîne encore ; ne fréquente la Bible qu’en dilettante, comme on vient s’abreuver à un puits : il faut vraiment que la soif me tenaille pour que je songe à ouvrir ses pages. D’autres paroles ont forgé ma foi de marcheur, en particulier ces ex-voto qui tapissent de nombreuses églises de France. Au cours de mes pèlerinages, j’ai été fasciné par ces témoignages de pierre. Chacun atteste d’une guérison, d’une rémission ; ce sont des démentis au scepticisme de nos esprits occidentaux. Les voyages m’ont aussi offert des rencontres à travers lesquelles j’ai senti vibrer une bienveillance venue de loin. Je pense à cette religieuse de Beyrouth veillant sur des enfants atteints de lourdes pathologies : sa prévenance sans faille m’avait laissé sans voix. Je pense à cette vieille dame qui m’a donné à boire dans un village de Galice après une jour-

née écrasante. A ces éleveurs charentais qui m’ouvrirent leur porte un soir de juillet : sans rien savoir de moi, ils me concoctèrent un festin avant de m’offrir un lit. Je n’ai pas oublié non plus ce prêtre palestinien qui m’accueillit dans son village avec l’affabilité d’un père. Un pèlerinage est un Evangile à ciel ouvert. Dès que je commence à me sentir engourdi dans ma vie citadine et bien réglée, il me suffit de reprendre la route pour retrouver cette certitude que l’existence ne vaut que dans la relation aux autres. De là procède mon attachement à la poésie : marcher et écrire ne sont jamais que deux façons de chercher Dieu en toute chose. Comme la baguenaude, l’écriture est un art de l’éveil. La plupart de mes poèmes naissent de ces voyages souvent très simples ; « Je marche pour signer ma joie », avais-je écrit dans l’un des textes de mon premier recueil 2. L’épure du voyage laisse sourdre une parole essentielle ; voilà pourquoi j’ai tant de mal à écrire à Paris.

pèlerin des mots, glanant au fil des jours de quoi habiller le silence et de quoi avancer. J’aime cette phrase de René Guy Cadou : « Au seuil du feuillet blanc, c’est ta main qui m’accueille ». Qu’il s’agisse de m’élancer sur un chemin de pèlerinage, ou de coucher des mots dans le calme du soir, c’est le même désir de rejoindre Celui qui était là depuis toujours qui m’anime. Poème, comme une confidence adressée à l’invisible : Au commencement l’anthologie du monde restait à écrire L’orfèvrerie de la terre attendait d’être ciselée et moi de te connaître. v 1- Sur la trace de l’archange, 450 km à pied jusqu’au Mont-Saint-Michel (éd. Bayard, 2012) 2- Dans la poigne du vent (éd. Bruno Doucey, 2012) Blog : www.fxmaigre.blogspot.com

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L’appel

de la marche L’été arrive et nombreux sont ceux qui, dès maintenant, se sentent « des fourmis » dans les pieds, à l’idée de partir sur un sentier, avec d’autres, et faire cette belle expérience de la marche. Expérience dans laquelle nous engageons notre corps, bien sûr, mais aussi notre relation aux autres et à Dieu. « Rien ne se vit spirituellement qui ne passe par les pieds », disait un moine qui vivait en montagne. Expérience, enfin, qui nous rappelle que nous sommes des pélerins sur cette terre, toujours en marche vers Dieu.

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« Notre vie correpond à une grande marche, quelquefois si rapide que nous en oublions l’Essentiel, Celui qui marche avec nous. »

L’appel de la marche a toujours été très fort pour moi : raids scouts en Bretagne ou dans le Limousin ; randonnées sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle ou autour des Alpes italiennes ; pèlerinage de nuit vers la cathédrale de Chartres ou marche de jour à partir du cirque de Gavarnie ; « Goums »1 dans les déserts arides de l’Espagne… Seule ou avec d’autres, avec ou sans tente… Je réalise aujourd’hui que les expériences qui m’ont le plus marquée sont, paradoxalement, celles qui ont été les plus dures. Parce qu’en ma pauvreté, j’ai dû m’appuyer sur la fraternité. Parce que face à mes limites, j’ai eu besoin de Dieu. Parce que j’ai pu me dépasser et goûter à la joie du défi ! Marcher permet toujours de recentrer sa vie sur l’essentiel : avoir le temps ; goûter à la vie pauvre et simple ; apprendre de nouveau à contempler ; chercher et trouver Dieu dans le silence. « Prenez courage, tenez bon, car le Seigneur votre Dieu marche lui-même avec vous. » (Deutéronome 31, 6) Notre vie correspond à une grande marche, quelquefois si rapide que nous n’avons pas le temps de faire convenablement notre sac avant de partir ; que nous ne contemplons pas les sublimes paysages qui nous sont donnés ; que nous ne planifions pas les temps de silence quand la pente est trop raide et que le souffle s’épuise ; que nous en oublions l’Essentiel, celui qui marche avec nous, Dieu.

Partir... Te voilà donc parti pour une longue marche, quelques heures ou quelques jours, pour que cette marche extérieure

devienne une marche intérieure. Abraham est parti vers le pays que Dieu allait lui faire voir (Genèse 12, 1-9) ; le peuple hébreu s’est mis en route vers la Terre Promise, depuis l’Egypte jusqu’à Israël (Exode) ; Paul poursuit sa course car il a été saisi par le Christ (Philippiens 3, 12) : de l’Ancien au Nouveau Testament, le peuple est en marche. Les chrétiens sont des « étrangers et pèlerins sur la terre » (Psaume 119, 19). Tu es un chrétien en marche, un homme en route ! Le premier pas est fait puisque tu as choisi de partir. Et le premier pas s’avère souvent le plus dur … « Avant de partir, il y a quelques coups de serpe et de hache à donner … Mais il ne faut pas attendre d’être détaché de tout et de soi pour partir. » (Yves Raguin)

Prendre les moyens Il te faut d’abord faire ton sac, mais pas trop lourd afin de pouvoir le porter ! Il s’agit de laisser le superflu : ton téléphone ou Smartphone qui ne captera ni le réseau ni Internet ; ta montre puisque le soleil suffira à te donner l’heure ; tes romans et BD car la Parole de Dieu te suffira ; tes multiples tenues vestimentaires qui risquent de t’encombrer. Mieux vaut marcher léger de peur que ton sac trop rempli ne te ralentisse. N’aie pas peur de perdre quelques sécurités pour t’alléger, tu t’en sentiras plus libre ! « Jésus leur prescrivit de ne rien prendre pour la route qu’un bâton seulement, ni pain, ni besace, ni menue monnaie pour la ceinture » (Marc 6, 8). La marche apprend aussi à dépendre des autres : se laisser soutenir par son compagnon de route ; accepter l’eau venant de son voisin ; partager en pro-

fondeur entre deux vallées. La marche est une école de fraternité puisqu’elle met ensemble, dans la vérité et la simplicité, sans masque. La marche construit la fraternité. Tu vas aussi réaliser comme ton corps peut t’emmener loin. Les premiers jours seront les plus exigeants : il faut accepter les quelques ampoules du démarrage, réaliser le manque de sport des derniers mois, trouver ton propre rythme. C’est dans la durée et la persévérance que tu trouveras de la joie à marcher, ne voulant même plus t’arrêter !

Pour atteindre le but Là, tu vas pouvoir admirer cette marmotte ou cet écureuil ; ce désert ou cette forêt interminable ; ce soleil radieux ou cette fine brume. Contemple ce paysage que tu as mérité ! Pour une fois, tu as le temps de t’arrêter et de contempler. Émerveille-toi devant la beauté de la création ! Là, tu vas trouver Dieu. Sa grandeur dans les montagnes, Sa majesté dans la faune et la flore, Sa bonté dans la source du désert, Sa puissance dans le soleil qui chauffe. Contemplant Dame nature, tu penseras à St François d’Assise. Admirant le désert, tu penseras à Charles de Foucauld. Beaucoup de grands saints se sont mis en route, à la suite de Jésus qui a marché 40 jours, seul, dans le désert (Luc 4, 1-13). Et quand tu auras trouvé le chemin, tu auras trouvé le Christ car c’est Lui « le chemin, la vérité, la vie » (Jean 14, 6). Et toi ? As-tu ce désir de te mettre en route ? Oses-tu répondre à cet appel de la marche ? v 1- Raids de 8 jours dans le désert www.goums.org .

Marie Bourbonnais, en Mission 14/18 ans et de la Mission JET (Jeunes à l’Etranger)

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Faire de la place en nos cœurs « Si la marche est associée à un pèlerinage, il en résulte que, non seulement la nature, mais également les lieux visités nous rapprochent de Dieu. Pour ma part, j’organise chaque année avec un prêtre, un pèlerinage pédestre à travers la Suisse. Partant de Fribourg, nous passons par les pré-Alpes bernoises en nous arrêtant au centre géographique de la Suisse. Puis nous faisons route sur le Ranft, lieu où vécut Saint Nicolas de Flüe patron de la Suisse. Ensuite, nous repartons en direction d’Einsiedeln, le plus grand lieu de pèlerinage marial de la Suisse, en nous arrêtant au couvent d’Ingenbohl. Toutes ces destinations sont entrecoupées de marche dans la nature avec prières et messes dans de belles petites chapelles d’alpage. Pour moi, chaque année est une nouvelle découverte autant de la nature que de la grandeur de Dieu dans sa création. Les moments de marche en silence m’aident à me recentrer sur l’essentiel en laissant de côté les tracas de la vie. Oui, Dieu seul peut combler notre vie, il suffit de faire de la place en nos cœurs pour qu’il puisse venir y habiter. » Stéphane Bieri, Séminariste du diocèse de Bâle en dernière année de théologie à l’université de Fribourg (Suisse)

Step by step... « J’ai participé l’an dernier à la session “Step by Step“.

Qu’est-ce que c’est ? Une semaine de marche avec des gens super, que je n’aurais probablement jamais rencontrés dans d’autres circonstances. Et pourtant je me suis retrouvée avec eux, parmi eux. La marche m’a permis d’ expérimenter un nouveau sentiment d’accomplissement. On avance sans jamais se presser, pas dans le but d’arriver quelque part mais plutôt dans le plaisir de l’instant présent. On progresse sans ressentir le besoin absolu d’arriver, toujours avec la certitude d’être guidé, accompagné, et d’arriver à bon port en temps donné. Pour couronner le tout, j’ai rencontré Quelqu’un de génial qui m’accompagnait, Quelqu’un de puissant, de sublime, plein d’amour, qui me guide et me parle. Le “Step by Step“, c’est une marche qui purifie et qui permet de revenir aux sources de la foi, sans peur, sans préjugés. Tu peux profiter du voyage, tout simplement.» Aliénor Tarralle

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Routier dans les pas de Saint Jacques « C’est par le scoutisme que j’ai découvert la force de la marche et c’est comme scout que je donne mon témoignage. Petit, j’ai fait quelques pèlerinages, notamment en famille, mais c’est réellement vers 16 ans, quand je suis devenu un routier, que j’ai découvert tout le sens de cette marche : l’homme n’est pas fait pour rester assis au bord du chemin. Il est un éternel pèlerin “sur le chemin qui mène droitement à la maison du Père”. Ce qui est beau, c’est que cette route demande un effort, un dépassement de soi, un détachement de notre confort. Nous ne sommes jamais seuls : c’est dans l’effort que se lient de très belles amitiés, que des discussions profondes ont lieu. C’est aussi dans l’effort que nous rencontrons Dieu. Un de mes moments préférés pour marcher est le matin, un peu avant le lever du soleil. La nature se réveille petit à petit jusqu’au moment où les rayons du soleil nous attendent. Tout d’un coup, la nature et le routier sortent de leur engourdissement pour vivre une journée passionnante. Etienne Roland-Gosselin, pionnier scout d’Europe

ernier d é t é ’ tep l able. C’est prier, s y b p noubli nter, ter i a h e c c i n s e i st aus ntres. Chan s et e ’ c s i a s renco es pied s e et la aire d our oublier en silence demander ant p s marches consiste à rtes e i gue. L ovidence qu pant aux pol ’arrivée à s née pr pas en frap arqué. A té accueilli m é e otre r t beaucoup ous avons es camps et . m’on lonceaux, n s des autr trouvailles Sab les jeune êté ces re 7 ans. 1 , f e r a s m p i von Théot nous a

jeunes 18-30 ANS

• WELCOME TO PARADISE ! Tout un programme ! Oui, vous toucherez du doigt le Paradis au Festival International d’Hautecombe du 4 au 11 août 2013… Une semaine pour vivre des vacances dans le cadre somptueux de l’Abbaye d’Hautecombe au bord du lac du Bourget, avec un programme riche en rencontres, en émotions et en découvertes : site : welcometoparadise.fr • JMJ AU BRESIL ! Imagine…Un nouveau continent ! Un été en plein hiver ! 4 millions de jeunes rassemblés ! Bref…Imagine… des JMJ de folie au Brésil ! Du 17 au 22 juillet, Festival International de Belo Horizonte, 5 jours pour faire bouger ta foi au rythme de la Samba ! Puis JMJ à Rio du 23 au 28 juillet pour évangéliser sur les plages d’Ipanema et Copacabana. Prends le temps de t’arrêter, te mettre à l’écoute du Seigneur et accueillir son Amour dans ta vie. site : jmj2013rio.chemin-neuf.fr • PÉLÉ EN TERRE SAINTE ! 4 - 18 août : Sur les pas du Christ… Deux semaines en Terre Sainte pour découvrir la Bible avec ses pieds ! Chaque jour : marches, topos, témoignages, prière personnelle et communautaire, dans un style de vie simple. Une expérience fraternelle et spirituelle, pour approfondir ta foi en marchant sur la terre de Jésus. • DES Foyers d’étudiants : Angers, Chambéry, ClermontFerrand, Grenoble, Lille, Lyon, Villeurbanne, Nancy, Nantes, Paris 18°, La Défense (Jeunes Pros), Levallois-Perret, Reims. • Secrétariat 18-30 ans : jeunes.chemin-neuf.fr 01 47 74 93 73 ou 06 30 14 06 96 jeunes.france@chemin-neuf.org

14-18 ANS • SABouge - 14-15 ans : 9-14 juillet à Sablonceaux (17) Semaine pour se donner à fond (sport et grands jeux). Chaque journée différente avec une grande diversité d’activités. De quoi vivre des moments forts ensemble, pour laisser Dieu BOUGER les frontières de notre coeur et arriver à mieux le connaître. • STEP BY STEP - 16-18 ans : 9-14 juillet - 5 jours de marche pour partir à l’aventure à travers la Charente, pour ceux qui veulent se lancer «pas à pas» sur le chemin qui mène à Dieu. Groupe d’une vingtaine de jeunes. Vivre la fraternité et la prière commune, apprendre à se connaître soimême en se dépassant.

• FESTIVAL DE SABLONCEAUX : 14-18 ans - 16-21 juillet - un camp avec plus de 200 participants ! Activités artistiques ou sportives à la carte. 5 jours pour toucher le ciel dans un festival de propositions : de la prière au sport en passant par la musique et les échanges. Chaque chose à sa place dans un programme de fête !! Activités au choix ; artistiques : chorale, orchestre, théâtre, chorégraphie, dessin/ peinture, photo/vidéo, calligraphie... sportifs : foot, rugby, volley, équitation, tennis, VTT, canoë, ping-pong... • Secrétariat 14-18 ans : 04 72 13 73 64 ou 06 61 61 02 72 14-18ans@chemin-neuf.org SITE : chemin-neuf.org/14-18ans

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« En marchant, ce Chemin Neuf se traçait... »

1973 -2013

Des origines à aujourd’hui Des origines à aujourd’hui, les « moments charnières » et quelques anecdotes qui nous disent en prime cette vie qui nous est chère... 40 ans, c’est l’âge de la maturité ! Pour les Hébreux, c’était la sortie d’Egypte avec la traversée dans le désert pour entrer dans la terre promise, pays où coulent le lait et le miel ! Une fois là, il n’y a plus de manne, plus de cailles, mais il faut cultiver, et récolter les fruits et produits du sol ! Comme nous l’avait prédit Isaie 54 : « Tu vas éclater à droite et à gauche »… des lieux nouveaux, et aussi des pays nouveaux comme les Philippines ou l’Espagne. Photos, de gauche à droite : Jacqueline Coutellier, La maison de la Bâtie, Brigitte, Laurent Fabre, Jacques Monfort, Claire Daurel, Pierre Laslandes, scènes de vie comunautaire

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Nous voulons profiter de cet anniversaire du Chemin Neuf pour dire l’œuvre de Dieu dans ce petit commencement, car nous sommes toujours en fondation ! Notre fondateur, le Père Laurent Fabre, est jésuite et il aime à dire souvent que St Ignace est le véritable Fondateur de notre petite communauté à l’écoute de l’Esprit Saint, dans un esprit d’humilité et de fraternité ! Par exemple, la première année, Laurent ne logeait pas sur place dans la communauté au 49 Montée du Chemin Neuf, comme s’il était l’aumônier de cette petite fraternité de sept célibataires. Il ne parlait pas des Exercices de St Ignace et pendant un an, ce fut moi, une femme, novice en tout, qui aidais à animer les délibérations communautaires – car nous prenions la plupart du temps nos décisions ensemble ! L’année d’après, nous avons demandé à Laurent d’être responsable et trois ans après, nous avions nos premières élections aux Pothières où, après un bel arc-en-ciel, nous l’avons élu à l’unanimité comme notre premier « berger » !

Naissance de la communauté : En 1971-72, c’est dans un groupe de prière à Lyon que la communauté est née. Un américain, étudiant en théologie, avait su partager à quelques lyonnais sa joie, son enthousiasme et son expérience de prière du renouveau charismatique aux USA. Une famille, Pierre et Maryse Pelletier et leur fille Patricia, ouvrait son salon à quelques visiteurs curieux mais rassemblés par le vent de l’Esprit ! Nous devions être une douzaine… Après un an, il repartait chez lui accompagné de Laurent et Bertrand, ces deux jésuites voulant aller à la source de ce courant charismatique. Ils revinrent convaincus et, en novembre 1972, une quinzaine d’entre nous vivait cette expérience fondatrice du Baptême dans l’Esprit à St-Michel du Touvet, dans un chalet en montagne au-dessus de Grenoble. Après quelques mois, le 1er mai 73, au cours d’une rencontre pour des prêtres du sud de la France, le partage de notre témoi-


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gnage sur ce Baptême dans l’Esprit fut déterminant pour nous : nous avons pu reconnaître davantage la grâce reçue pour notre Eglise. Au retour, en voiture, Laurent me partageait ce projet d’une vie communautaire mixte, tout en disant : « Si Dieu le veut, cela se fera ! »

Les envoyés du Seigneur ! Comme toujours, quand Dieu parle, il confirme en nous envoyant de l’aide : Vincent, un frère jésuite prêtre ouvrier à l’époque et ami de Laurent, vint le trouver pour l’encourager justement au moment précis où il voulait renoncer à ce rêve fou d’une communauté mixte (cf. p.20). Il l’informait qu’une maison au 49 Montée du Chemin Neuf pouvait nous être prêtée un an par une association fondée par un jésuite, avec en plus de l’argent pour faire quelques travaux !

de prière fut le premier lieu que nous avons restauré. C’était un grand espace donnant sur la ville où nous faisions le groupe de prière et des rencontres communautaires avec la « communauté élargie » ou plus tard, « communauté de l’alliance », personnes proches de nous par le service, la prière ou la formation. Un des meilleurs moments du groupe de prière était bien sûr l’écoute ensemble du Seigneur mais aussi le temps qui suivait, fraternités et rafraîchissements offerts dans notre salle commune. Les gens ne partaient plus car nous leur partagions le meilleur : la joie de la fraternité ! Un an après, une question surgit : allions-nous rester dans ce lieu idéal pour nous, puisque la maison

nous était prêtée et que nous n’étions pas en mesure de l’acheter ? L’été 74, lors d’une session charismatique que nous animions à la Baume-les-Aix, la providence nous a fait rencontrer une femme qui avait décidé de consacrer le reste de sa vie à la prière. Sans connaître nos besoins, elle fit un don à la communauté correspondant exactement à la somme dont avait besoin le Père jésuite, le Père Gounon, qui nous avait prêté la maison. C’était le signe concret que nous pouvions « durer » ensemble si nous le choisissions ! Ainsi, des premiers engagements dans la communauté et au célibat ont pu être célébrés dans cette salle du 49 la nuit de Noël 1974 !

« Si Dieu le veut, cela se fera ! »

En la visitant le soir de l’ordination de Laurent fin juin, nous avons reconnu que c’était le signe qui permettait de dire notre oui, même si on la trouvait presque grande pour nous, avec beaucoup de travaux à faire ! Ainsi, Dieu comme un père nous précédait et nous permettait de démarrer en octobre la vie communautaire : quatre hommes et trois femmes célibataires, désirant discerner leur appel, témoigner de l’amour de Dieu là où Il voudrait bien les envoyer, même loin s’Il le voulait ! Nous avons fait le choix d’arrêter notre travail et de nous rendre disponibles pour la rénovation. Nos petites économies mises en commun nous permettaient de démarrer sans souci. La salle

Fête dans la salle du 49 montée du Chemin Neuf

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Vie de la Communauté De la Consolation à l’épreuve du désert : la spiritualité de la Croix Portés par cette vague charismatique, nous avancions sans nous poser trop de questions, jusqu’au moment où la plus jeune d’entre nous (23 ans) allait nous quitter de manière inattendue. Avant de nous rejoindre sur Lyon, Brigitte apprenait qu’elle avait un cancer qui nécessitait l’opération d’un rein. Le premier acte posé ensemble en fraternité fut une prière pour sa guérison à l’hôpital à Paris. Avec elle, nous avons compris qu’il fallait sans cesse remettre tous nos projets. Elle avait désiré et obtenu un travail d’assistante sociale à Lyon mais ne put jamais l’honorer. Il fallait ainsi construire la fraternité au jour le jour, entre nous, à partir de nos faiblesses ou nos pauvretés, dans la confiance. Il fallait ne pas nous inquiéter de l’avenir et vivre l’abandon à la volonté de Dieu.

« Je n’ai pas su vous dire à quel point je vous aimais ». « Aimer Dieu et nous aimer les uns les autres, voilà la seule loi que l’Esprit du Seigneur grave au fond de nos cœurs » (Constitutions de la communauté). Nous pensons à bien d’autres grains semés dans la bonne terre qui nous ont appris à nous donner sans compter pour porter du fruit: Pierre, Joseph, Geneviève, Hélène, Claire, et bien d’autres…

Des Pothières à la Chartreuse Aula Dei à Saragosse Après ce temps d’offrande de la vie de Brigitte, la moisson a fleuri : ce fut le démarrage de la formation en octobre 75. C’était l’année sainte et en allant à Rome, nous distribuions dans le train des tracts au sujet de la formation : le premier cycle A (3 mois à Valpré, chez les Assomptionnistes) et le premier cycle B (devenu cycle Emmaüs), un week-end par mois sur deux ans aux Pothières, maison acquise grâce à un don en 1976.

«Aimer Dieu et nous aimer les uns les autres, voilà la seule loi que l’Esprit du Seigneur grave au fond de nos cœurs »

Le 1er février 1975, quand elle a rejoint le Père, deux paroles sont restées vivantes en nous, comme gravées par elle dans notre fondation : « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt il porte beaucoup de fruits » (Jean 12,24) et ce passage de Luc gravé sur sa tombe à Tournus : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie ni pour votre corps… cherchez d’abord le royaume des cieux et tout le reste vous sera donné en plus » (Luc 12,22). Avant de nous quitter, ses dernières paroles nous disaient un des fondements de notre communauté :

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Les participants à ces formations cheminaient dans les groupes de prière et voulaient enraciner leur conversion dans la Parole de Dieu, l’écoute de l’Esprit Saint et se préparer à un service d’Eglise. Cette même année, nous avons démarré la formation à l’accompagnement pour des laïcs découvrant la spiritualité ignatienne. Cette année 2012-2013, à Saragosse, nous avons accueilli dans ce lieu inouï qu’est la Chartreuse, vingt-sept familles pour trois mois dont huit sont restées pour le cycle C. La chance de vivre

dans ce lieu « vaste » est la joie de la vie communautaire ensemble, couples et célibataires consacrés ; joie que nous avions reçue au début de la formation aux Pothières, grâce importante du Chemin Neuf manifestée notamment pendant le triduum pascal avec le baptême d’Emérance Moulet, du « jamais vu » dans une Chartreuse ! Déjà trente familles sont inscrites pour le mois d’octobre 2013, certaines d’entre elles pour trois mois et d’autres pour une année entière. En effet, nous nous demandions si l’année 2012-2013 était une année exceptionnelle. Maintenant, nous sommes devant la confirmation évidente, nous avons bien fait de faire confiance ! Il faut malheureusement arrêter les inscriptions… puisqu’il nous faut, maintenant, poursuivre les travaux dans toutes les autres cellules. Il en reste presque une douzaine à restaurer, et nous n’avons pas d’argent pour le faire.


vie de la com munauté comm mmunauté vie de la

Premier couple en communauté, première paroisse, première session Cana...

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Après 40 ans, on n’imagine pas la communauté sans les couples ! Quand les premiers couples sont-ils venus partager notre fraternité de vie ? C’est à la suite du premier cycle A que le premier couple nous a rapidement rejoints au « 49 ». Nous étions appelés à nous ouvrir à une vie communautaire doublement mixte : non seulement hommes et femmes, mais aussi célibataires consacrés et couples ! Comme le dit Saint Ignace dans le Récit du pèlerin : « Dieu le traitait comme un maître d’école avec un écolier. » En marchant, ce chemin neuf se traçait, sans plan prévu d’avance, progressivement, pas à pas… à l’écoute de l’Esprit Saint. En 1980, l’Evêque de Marseille, le Cardinal Etchegaray nous appela à prendre la responsabilité d’une paroisse, ce qui répondait à notre désir de nous mettre au service de l’Eglise. A Lyon, nous étions appelés à la paroisse de la Duchère, avec Emmanuel Payen. Ces petits débuts furent les prémices de ce que nous appelons aujourd’hui la « Fraternité missionnaire paroissiale du Chemin Neuf » dans une vingtaine de paroisses confiées à la Communauté en Europe, Afrique et Amériques...

Photos : Photo de gauche : Brigitte et Jacqueline 1. Repas communautaire au 49, 2. Fin d’une session à la maison des Pothières, 3. Rassemblement charismatique à Lyon en 1977 avec de gauche à droite Monseigneur Renard, Laurent Fabre, Jacky Parmentier, Pierre Goursat. 4. Première paroisse confiée à la Communauté, Paroisse Notre Dame des Apôtres à Marseille.

« Cana » est né de manière aussi inattendue ! Un couple des Equipes Notre Dame, Pierre et Solange Rigal, est venu nous rencontrer pour nous faire une demande. Il avait participé en 1975 à une session très charismatique et pleine de bénédictions pour eux et pour d’autres familles à Aix. Laurent les a écoutés et a choisi de lancer une mission pour la famille en 1980 aux Pothières. C’était une retraite en famille avec les enfants, petits et grands. Ce fut un tel succès que chaque année, grâce à un lycée agricole à proximité d’Ars, nous avons pu accueillir jusqu’à 2000 personnes. Nous avons reçu ensemble la joie d’un renouvellement pour toutes ces familles, en particulier par ce don du pardon au cœur du couple et de la famille. Comme

disait si bien Pierre Rigal, nous avons compris la béatitude du couple : « C’est un pauvre qui aime un autre pauvre ». Depuis, le bon vin de Cana a été goûté et exporté dans une cinquantaine de pays. C’est une très belle mission qui nous met ensemble couples et célibataires consacrés, jeunes et vieux, réalisant un peu plus, par le concret de la vie communautaire, combien Dieu est notre Père.

Hautecombe et les jeunes En 1992, nous osions dire « oui » à un autre lieu qui deviendra source pour beaucoup de jeunes : l’Abbaye d’Hautecombe. Nous venons de fêter les 20 ans de présence de notre communauté dans cette très belle Abbaye au bord du Lac du Bourget. Une fois encore, à Pâques sont venus plus de 500 jeunes fêter pendant quatre jours la mort et la résurrection du Sauveur : une explosion de joie et de foi !

Saint Ignace et Sainte Thérèse Après une quinzaine d’année d’expérience de la vie dans l’Esprit et de pratique des Exercices Spirituels de Saint Ignace, nous avons délibéré et choisi ensemble très simplement lors d’une semaine communautaire à Sablonceaux de nous reconnaître de ces deux courants, renouveau charismatique et spiritualité ignatienne. Ils se complètent et nous aident à nous enraciner dans l’écoute de la Parole de Dieu, le discernement des esprits et la disponibilité pour la mission au service de l’Eglise. Ce qui se traduit concrètement par la retraite des 30 jours avant l’engagement définitif et une retraite d’une semaine tous les ans pour les consacrés et tous les deux ans pour les couples. En Espagne, à l’occasion des 40 ans de la communauté, nous sommes invités à connaître les lieux où St Ignace et Sainte Thérèse d’Avila ont reçu des grandes grâces pour leur ordre et pour l’Eglise. Nous découvrons aussi comment ils ont pu et peuvent encore accompagner de manière invisible notre fondation. Nous comprenons ainsi cette image reçue par

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com vie de la com

vie de la communauté

VIE

Vie de la Communauté Laurent lors de son « troisième an » : l’image d’un enfant accompagné par deux grandes personnes qui le tiennent par la main, Ignace et Thérèse. En visitant Loyola avec le Cycle C, nous avions l’impression d’être invité « chez nous » ! A un moment où on risque d’éclater « à droite et à gauche » comme nous l’annonçait la prophétie d’Isaïe 54, le pôle de la prière dont la tradition ignatienne et charismatique peut nous garder ensemble et chacun attachés à Celui qui est Le chemin neuf !

« Qu’ils soient un » Sur ce chemin, au sein du groupe de prière ou des différentes missions, nous avons eu la chance de voir se confirmer cette conviction que le travail pour l’unité était et reste la mission première au cœur de notre communauté. C’est même devenu le 4ème vœu pour ceux qui s’engagent définitivement. Lors du premier groupe de prière et de la première session Cana, des membres d’autres églises étaient avec nous et nous encourageaient dans cet appel reçu de l’Esprit Saint et de notre Berger : ce Renouveau Charismatique sera œcuménique ou ne sera pas !

cet ete... Venez au service ! Cet été, nous aurons 4 sessions Cana en France. Plus de 70 couples, 20 personnes divorcées ou séparées et 40 fiancés sont déjà inscrits à la session d’Hautecombe, avec autour de 200 enfants. Beaucoup de personnes de la communauté et de la communion du Chemin Neuf, ainsi que des couples de Cana et des personnes de Cana Espérance ont déjà décidé de venir au service. Cependant, nous avons encore besoin de serviteurs (musique, cuisine, enfants, matériel...) ! Le service est toujours associé à la formation spirituelle (prière, enseignements, vie fraternelle). Nous conseillons aux serviteurs de venir sans leurs enfants de moins de 7 ans.

Inscription : www.chemin-neuf.fr

04 74 67 28 06- canafrance@chemin-neuf.org

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Les premiers rassemblements étaient vécus ensemble avec d’autres confessions. Les deux premiers Chapitres de la communauté nous ont fait faire un pas décisif supplémentaire. Lors du second, ce fut avec l’aide d’un frère suisse, le pasteur Daniel Ghering. Nous avons pu préciser dans nos constitutions comment vivre notre appel en obéissance à chacune de nos églises. En 2001, un bond en avant s’est fait avec la création de l’Institut de Théologie des Dombes grâce à notre sœur Anne-Cathy, pasteur mennonite, membre du Groupe des Dombes. Avec la collaboration efficace de Xavier Lacroix, Doyen de la Faculté de Théologie, Anne-Cathy et Laurent ont pu instaurer un partenariat entre la Communauté du Chemin Neuf et les Facultés Catholiques de Lyon, ainsi que la Faculté Protestante de Strasbourg. Presque à la même époque nous avons fondé, en collaboration étroite avec les jésuites du Centre Sèvres à Paris et ceux du Centre Saint-Pierre Canisius en R.D.C. deux « Studium de philosophie », à Chartres et à Kinshasa. Depuis 2001 également, la communauté en Terre Sainte découvre la richesse des différentes églises orientales, la pré-

sence forte des orthodoxes et aussi le nécessaire dialogue avec nos frères juifs et musulmans. L’Esprit Saint nous pousse toujours à un davantage d’amour et d’ouverture envers ceux que nous ne connaissions pas ou peu et qui souffrent parfois de notre suffisance. L’Ecce Homo à Jérusalem et le Centre Marie de Nazareth sont pour cela deux beaux lieux où se vivent l’accueil, la fraternité joyeuse. Des ponts se construisent peu à peu, faisant reculer les murs de la séparation ! Nous pouvons encourager tout membre du Chemin Neuf à venir au moins une fois dans sa vie sur cette Terre Sainte pour recevoir davantage cet appel à l’unité. v

les SESSIONS CANA CANA COUPLES : Un moment privilégié pour faire le point, se retrouver et approfondir l’unité du couple - CANA FIANCÉS : véritable lieu de discernement, un temps pour mieux se connaître et mieux s’aimer - CANA ESPÉRANCE : pour personnes séparées ou divorcées non remariées - CANA SAMARIE : pour personnes engagées dans une nouvelle union après divorce ou séparation.

Dates des SESSIONS CANA HAUTECOMBE (73)

27 AVRIL - 3 MAI

CANA COUPLES

14 - 20 JUILLET

CANA COUPLES (avec enfants)

BOUVINES (59)

21 - 27 JUILLET

CANA COUPLES (avec enfants)

HAUTECOMBE (73)

28 JUILLET - 3 AOÛT

CANA COUPLES (avec enfants)

AIRE SUR L’ADOUR (40)

4 - 10 AOÛT

CANA COUPLES (enfants de +7 ans) LES DOMBES (01)

21 - 27 JUILLET

CANA FIANCÉS

21 - 27 JUILLET

CANA ESPÉRANCE

21 - 27 JUILLET

CANA SAMARIE (avec enfants)

(avec enfants)

HAUTECOMBE (73) (avec enfants)

HAUTECOMBE (73) MONTAGNIEU (38)

rendez-vous


m

Talents

Jeune talent Shu-Min HUANG Taiwanaise de 24 ans, baptisée le 14 avril dernier, son cheminement a été marqué par une rencontre avec le Seigneur, à Pâques 2012, à l’abbaye d’Hautecombe. « J’ai toujours aimé dessiner. Cependant ces dernières années, je ne peignais plus rien. Avant de connaître Jésus, j’étais moi-même Dieu. J’essayais assidûment de créer... Malheureusement il me manquait la source vivante. Je ressentais une angoisse éprouvante quand j’étais devant une feuille blanche. L’art est un travail du cœur, et quand j’étais vide en moi, le néant sur mes tableaux était insupportable.... Du coup, j’ai arrété de peindre pendant une longue période. Maintenant, après avoir rencontré Dieu, le Créateur, j’ai petit à petit retrouvé mes pinceaux. Car doucement, grâce à Lui, l’allégresse et l’amour ont commencé à pénétrer ma vie. Par la grâce du baptême, Dieu m’a permis d’être vraie, de m’exprimer librement par la peinture. En vivant avec les autres dans l’amour de Dieu, on peut toujours faire de belles choses !

Shu-Min, habitant au foyer CCN de Nantes, a réalisé dans une approche “vitrail“, une aquarelle très colorée inspirée de scènes vécues au foyer : repas, fête, liturgie.... et elle a placé le Christ et l’Esprit Saint au centre.

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