Revue FOI n°67

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3 éditorial 4-9 Tous frères 5 ∙ Ouverture, P. Paté 6 ∙ « Fratelli Tutti » : le chemin neuf de la fraternité, P. V. Breynaert

10-15 Pour une culture de la rencontre 11 ∙ La Fraternité à tâtons, J. Montois 12 ∙ Une véritable fraternité d’action et d’esprit, P. P. Bruzzone 13 ∙ Noël en sortie, Sr. R. Lagemann 14 ∙ Allez toujours en avant, distribuez largement la miséricorde du Père !, P. M. Borządek

16-17 Vie communautaire et fraternité 16 ∙ Porter ensemble la mission, Sr. A. Néel 17 ∙ Partager la vie communautaire, A. Simbare

18-25 Net For God : "Reconstruire ensemble" 18 ∙ Reconstruire ensemble, le film, S. Kurkowska 22 ∙ Chercher à vivre en « homme réconcilié », Z. Fahed 24 ∙ Liban 2.021 : attitude Snoop Dogg, M. Sassine

26-35 Œcuménisme et Interreligieux 27 ∙ Aimer et servir nos semblables dans la solidarité interreligieuse, Rev Dr Peniel Jesudason Rufus Rajkumar 30 ∙ Mgr Henri Teissier « frère » des Algériens, P. E. Lehembre 33 ∙ « Ensemble les uns pour les autres », Sr. K. Lakatos

La revue FOI (Fraternité œcuménique Internationale) est publiée par la Communauté du Chemin Neuf - 10 rue Henri IV - 69287 Lyon cedex 02

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directeur de la publication : P. François Michon, directeur délégué : Jean-Charles Paté, rédactrice en chef : Pascale Paté, comité de rédaction : Prisca Horesny, Kinga Lakatos, Paulina Pasternak, P. Gabriel Roussineau, Estelle Sogbou, Guillaume Viennot crédit photos : fotolia.com, unsplash, www.ciganymisszio.reformatus.hu, ccn abonnement : Véronique Piton, gestion-administration : ACN, maquette : Paolo Fausone, réalisation pao : Stanisław Jamróz, impression : Imprimerie Chaix Dépôt légal : décembre 2017, CPPAP : 0320 G 833338, ISSN : 1770-5436


éditorial

Nous laisser rassembler autour du Christ Père François Michon Berger de la Communauté du Chemin Neuf

Depuis mon arrivée à l’Abbaye Notre Dame des Dombes en septembre dernier, j’accueille avec une profonde consolation spirituelle une triple expérience de la fraternité. Un chœur ouvert pour le monde En novembre dernier, alors que le second confinement était annoncé, nous avons pris l’option de diffuser à nouveau sur le web la vie liturgique de la Communauté. Cela a éclairé de manière particulière le sens de notre présence à l’Abbaye : il s’agissait non seulement de porter dans la prière les intentions du monde en ces temps troublés, mais aussi d’attiser ce feu de la prière dans le cœur de tous ceux qui souhaitaient nous rejoindre. Nous percevions de manière plus évidente la vocation qui a toujours été celle de l’Abbaye : être pour les autres un foyer qui maintient éveillée l’aspiration fondamentale qui habite le cœur de l’homme, la prière. Un chœur pour rassembler la Communauté L’Abbaye est pour la Communauté bien autre chose qu’un simple lieu d’habitation communautaire ou une fabuleuse opportunité apostolique pour organiser des rassemblements. Il nous a fallu réinvestir notre liturgie : prendre soin des temps de répétition, se déterminer pour arriver à l’heure aux offices et à l’eucharistie, choisir d’ouvrir notre

cœur à la grâce de la louange chaque jour… Le chœur est le centre de toute Abbaye, et dans la dispersion de nos activités, qui à ses études, qui au travail agricole, qui à la cuisine, nous éprouvions davantage la joie de nous laisser rassembler autour du Christ. Un chœur pour se faire frère du Christ J’ai pu percevoir alors davantage la chance que constituait cet Institut de formation Théologique de l’Abbaye Notre Dame des Dombes. La prière au chœur est aussi une ascèse. Notre Communauté est fondamentalement apostolique, nous sommes appelés au cœur du monde et nos frères et sœurs y aspirent… Et pourtant, ils ne pourront tenir dans l’exigence de leur mission que parce qu’ils auront enraciné en eux ce choix de la prière comme l’affaire de toute leur vie. Celui qui a trouvé le chemin du chœur saura, une fois jeté dans le monde, y retrouver le Christ. Beaucoup de ceux qui apprennent à connaître le Chemin Neuf nous partagent leur joie de découvrir cette grâce de la fraternité dont nous vivons, et nous avons accueilli avec gratitude la dernière encyclique du Pape François, Fratelli Tutti. Certes, la fraternité n’est pas une notion exclusivement chrétienne ou religieuse, et chacun, quelle que soit sa foi, est appelé à travailler à l’édification de cette fraternité humaine, au fond, la

reconnaissance en l’autre de cette humanité que nous avons en partage. Mais pour nous, cette fraternité a un enracinement fondamentalement théologique. Elle découle de la révélation de Dieu luimême. Dieu se présente à nous à travers le visage du Christ, fils du Père partageant notre humanité, aîné d’une multitude de frères. D’où il découle que l’enseignement théologique de l’Eglise a forcément une dimension sociale. C’est ce qu’écrivait Henri de Lubac : « Le catholicisme est essentiellement social. Social, au sens le plus profond du terme : non pas seulement par ses applications dans le domaine des institutions naturelles, mais d’abord en lui-même, en son centre le plus mystérieux, dans l’essence de sa dogmatique. » Le père Arrupe parlait de cette « communauté eucharistique », fondement de cette notion de fraternité. Il n’y a rien de notre foi au Christ qui n’engage notre relation aux autres hommes. Si notre foi est catholique, quelle que soit notre dénomination chrétienne, c’est parce qu’elle engage notre relation à tous ceux, quelle que soit leur culture, que le Christ aspire à rejoindre. La relation du Père et du Fils fait circuler en nos veines un même sang, l’Esprit Saint. Nous sommes théologiquement frères et sœurs de sang, de par ce qui nous unit au Fils. f F. M.

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"L'individualisme ne nous rend pas plus libres, plus égaux, plus frères (...). L'individualisme radical est le virus le plus difficile à vaincre. Il nous trompe. Il nous fait croire que tout consiste à donner libre cours aux ambitions personnelles, comme si en accumulant les ambitions et les sécurités individuelles nous pouvions construire le bien commun" (FT 105)

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tous frères

Ouverture

« Nous avons besoin plus que jamais de fraternité » Pascale Paté Revue FOI, ccn

Depuis plusieurs mois, le message essentiel du pape François réside dans cette phrase. Dans le contexte de crise sanitaire, mais aussi économique, sociale et écologique que nous connaissons, il réaffirme que, quel que soit le continent ou le pays où nous habitons, nous sommes « tous frères et sœurs ». En termes autres que religieux, que veut dire la « fraternité » ? Du latin fraternitas, qui désigne les relations entre frères, entre peuples, la fraternité est, selon le Petit Larousse illustré 2016, le « lien de solidarité et d'amitié entre des êtres humains, entre les membres d'une société ». En fait, parler de fraternité, c’est reconnaître notre humanité commune et le respect de ses différences. Aujourd’hui, des hommes et des femmes politiques, des philosophes, des sociologues reviennent à cette notion de fraternité, car, pour eux, la fraternité est « la politique de la main tendue, du rejet du rejet à l’heure des tentations de repli sur soi, des pulsions identitaires 1». L’engagement pris par le nouveau Président des Etats-Unis, Joe Biden, de lutter contre le racisme est de cet ordre-là. En France, nous connaissons bien la devise républicaine française « Liberté, Egalité, Fraternité » inscrite en lettres capitales sur les frontons des mairies et des écoles. Ce

qui est intéressant, c’est de réaliser que la fraternité se distingue de la liberté et de l’égalité, dans la mesure où, même si ces termes sont complémentaires, on ne peut imposer la fraternité par la loi. Alors, certains auteurs posent la question : « D’où vient la fraternité ? ». Dans son ouvrage La Fraternité. Pourquoi ?, le philosophe et sociologue Edgar Morin répond : « La fraternité ne peut venir que de nous ». Le langage de la sociologie nous ouvre une piste. « Sa source est donc en nous. Où ? Ici, il faut considérer que tout individu a, en tant que sujet, deux quasi-logiciels en lui. Le premier est un logiciel égocentrique : « Moi, je ». Par ce moi-je, chacun s’auto-affirme en se situant au centre du monde, du moins de son monde. Ce logiciel est nécessaire car si nous ne l’avions pas nous ne serions pas amenés à nous nourrir, à nous défendre, à vouloir vivre. Mais il y a un second logiciel qui se manifeste dès la naissance, quand le nouveau-né attend le sourire, la caresse, le bercement, le regard de la mère, du père, du frère… Dès l’enfance,

nous avons besoin du « nous » et du « tu » qui reconnaît « toi » comme sujet analogie à « soi » et proche affectivement de soi, tout en étant autre. Les êtres humains ont besoin de l’épanouissement de leur « je », mais celui-ci ne peut se produire pleinement que dans un « nous ». Le « je » sans « nous » s’atrophie dans l’égoïsme et sombre dans la solitude. Le « je » a non moins besoin du « tu », c’est-à-dire d’une relation de personne à personne affective et affectueuse. Donc, les sources du sentiment qui nous portent vers autrui, collectivement (nous) ou personnellement (tu), sont les sources de la fraternité 2». Oui, en cette période, nous avons besoin de la fraternité, mais, oui aussi, nous sommes faits pour la fraternité, la recevoir et la donner, c’est dans notre ADN d’êtres humains, parce que créés « à l’image » de Dieu. Au service des plus pauvres, de la mission auprès des jeunes, dans un pays en guerre ou en recherche de dialogue interreligieux, voici le témoignage d’hommes et de femmes qui se rendent frères et sœurs de leur « prochain ». f P.P.

[1] https://www.leparisien.fr/societe/la-fraternite-c-est-quoi-au-juste-20-09-2016 Abdenmour Bidar, Les tisserands : réparer ensemble le tissu déchiré du monde, Les liens qui libèrent, 2016. [2] Edgar Morin, La fraternité. Pourquoi ?, Actes Sud, 2019, p. 10

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Encyclique du Pape François

« Fratelli Tutti » : le chemin neuf de la fraternité P. Vincent Breynaert Responsable national de la pastorale des jeunes et de la pastorale des vocations, ccn

« ‘’Fratelli tutti ‘’, écrivait saint François d’Assise, en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’évangile » (FT 1). Ainsi débute l’encyclique du pape François consacrée à la fraternité et à l’amitié sociale et mise sous le patronage du Poverello. Tout au long de ces 216 pages, le Pape François nous parle d’une « fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne ». Tous frères ! Cinq ans après Laudato Si, le Pape François offre une seconde encyclique sociale. Elle en est le prolongement logique, articulant dans une proposition plus systématique différents enseignements déployés par l’Eglise ces dernières années : après avoir rappelé l’urgence de prendre soin de notre Maison commune (tout est lié, tout est donné, tout est fragile), François nous invite aujourd’hui à constituer le « nous » de cette maison commune. Ce « nous », seule la fraternité entre les hommes permet de le construire ! Une fraternité « ouverte, qui permet de reconnaître, de valoriser, et d’aimer chaque personne ». Oui, nous sommes « tous frères » ! Ces mots introductifs, empruntés à nouveau au Poverello d’Assise sont à la fois

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une affirmation et un défi. Affirmation, car nous sommes bien une seule famille humaine, plus interdépendante que jamais ; mais aussi un défi, car la fraternité se construit, pas à pas, en promouvant en particulier l’amitié sociale.

Sultan Malik-el-Kamil en 1219 à Damiette (Egypte). Être frère, c’est se faire frère.

Il n’y a pas de « fraternité universelle » qui tienne sans l’engagement à une « amitié sociale » de chaque jour. Pour le pape, la fraternité n’est jamais un concept théorique. Il n’y a pas de « fraternité universelle » qui tienne sans l’engagement à une « amitié sociale » de chaque jour. On le comprend dès le début de l’encyclique par le rappel de la visite courageuse de Saint François d’Assise au

Un texte pour tous Le texte s’adresse à tous : disciples du Christ, et plus largement hommes et femmes de bonne volonté. Partout les références à d’autres documents (du Pape, des conférences épiscopales, d’auteurs chrétiens et aussi de la Déclaration


tous frères

d’Abou Dhabi de 2019 sur la Fraternité humaine, signée avec le Grand Imam d'AlAzhar Ahmed el-Tayeb) donnent au texte une dimension synodale, dialoguée, une feuille de route audible par beaucoup dans un monde pluriel. Cela dérange certains mais honore le choix d’un authentique dialogue et s’inscrit profondément dans la veine du Pontificat : François n’a de cesse d’œuvrer pour « une Église qui sert, qui sort de chez elle, qui sort de ses temples, qui sort de ses sacristies, pour accompagner la vie et soutenir l’espérance » (FT 276). Cette encyclique est écrite à la manière d’une rencontre, d’un dialogue dans lequel une fécondation mutuelle s’opère. Pour François c’est une nouvelle manière d’exprimer son magistère, plus universelle.

Puis la route se poursuit par une méditation très ignatienne sur la Parabole du Bon Samaritain qui permet à chacun de se situer, pour devenir proche de celui qui souffre… ou s’en éloigner. Une fois le décor planté, le Pape nous donne des clés passionnantes pour construire ce « nous » de la Maison Commune : non seulement il actualise les éléments essentiels de la

Le plan de l’encyclique. Le texte de l’encyclique s’organise en huit chapitres et propose un chemin, autour d’un tryptique souvent utilisé par le Pape : regarder, discerner dans l’Esprit, se décider (méthode conciliaire que Saint-Thomas évoque dans l’exercice de la vertu de prudence et que l’Amérique latine a intériorisée dans ses démarches pastorales). Le chemin s’ouvre sans détours par le constat sans concession des « ombres d’un monde fermé » à la fraternité et blessé par les nouvelles formes de barbarie « civilisée » ; il vaut la peine de réfléchir sur ces maux évoqués dans le premier chapitre.

Doctrine Sociale de l’Eglise (dignité inaliénable de chacun, solidarité, subsidiarité, destination universelle des biens, etc…) mais surtout il travaille les notions clés de peuple, culture, identité, appartenance, etc… En cela il propose une réponse très actuelle au diagnostic posé sur les maux du monde. Sa vision est celle d’une « fraternité ouverte » où chacun, sans exception a sa place. Cette vision se déploie autour du concept d’amitié sociale : manière de dire que le champ de la fraternité doit être reconnu et partagé au-delà des croyances de chacun, au-delà de nos appartenances

religieuses, et se traduire aussi en termes de droits. La fraternité passe par le dialogue, en prenant garde à toute forme de manipulation, de déformation et de dissimulation de la vérité. Le chemin de la fraternité passe aussi par la réconciliation, qui se situe non pas en dehors du conflit et de la mémoire mais au cœur de ceux-ci.

Le champ de la fraternité doit être reconnu et partagé au-delà des croyances de chacun.

Le dernier chapitre affirme que les religions sont au service de la fraternité dans le monde en sachant que « la violence ne trouve pas de fondement dans les convictions religieuses fondamentales, mais dans leur déformation. » (FT 282). Dans ce texte très riche, on peut s’arrêter sur quelques thèmes qui rendent l’analyse de François si actuelle, « engagée » et pertinente. En voici six pour donner envie de lire le texte. La culture du dialogue. François nous donne des clés pour aborder

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les différences de points de vue dans un monde pluriel. Il nous demande de travailler en particulier la notion de dialogue : il ne s’agit pas d’un simple échange de points de vue ou l’acceptation d’un relativisme où tout se vaut. Ni négociations en vue du pouvoir ou du profit, ni juxtapositions de monologues, le dialogue a un fondement théologique : « L’origine du dialogue se trouve dans l’intention même de Dieu » (Paul VI – Ecclesiam Suam). « Dans une société pluraliste, le dialogue est le chemin le plus adéquat pour parvenir à reconnaître ce qui doit toujours être affirmé et respecté, au-delà du consensus de circonstance » (FT 211). C’est un chemin « artisanal » pour « construire en commun » et rechercher ensemble la vérité. (Cf en particulier le chapitre 6 et 7). L’attention portée au peuple et à sa culture. Contre les tentations du populisme ou des colonisations idéologiques qui abîment et humilient les peuples, il nous faut une bonne théologie du peuple, capable d’en connaître les ressorts profonds ! François puise dans le formidable patrimoine de l’Eglise latino-américaine (Medellin 1968, Puebla 1979, Aparecida 2007) pour rappeler que la catégorie de ‘‘peuple’’ est ouverte. « C’est une réalité vivante, dynamique, ayant un avenir, ouverte de façon permanente à de nouvelles synthèses, capable d’intégrer celui qui est différent » (FT 160). Avec François, une fraternité universelle ne nie pas les spécificités des peuples :

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leurs valeurs, leurs histoires, leur mode de vie. Au contraire. De façon imagée, la véritable mondialisation n’est pas monochromatique ou sphérique, mais polyédrique : chaque peuple, chaque nation conserve son identité mais s’unit à l’humanité toute entière. (Cf en particulier les chapitres 3 et 5).

le lieu où se vérifie l’authenticité de la fraternité. Saint Jean Chrysostome est cité à plusieurs reprises : « Veux-tu honorer le Corps du Christ ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l’honore pas ici à l’église avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité » (FT 74).

Si ce principe élémentaire de la dignité n’est pas préservé, il n’y a d’avenir ni pour la fraternité ni pour la survie de l’humanité.

La dignité inaliénable de chacun. Pour parvenir à « l’amitié sociale et la fraternité universelle », il faut réaliser « combien vaut un être humain, combien vaut une personne, toujours et en toutes circonstances ». Si ce principe élémentaire de la dignité n’est pas préservé, « il n’y a d’avenir ni pour la fraternité ni pour la survie de l’humanité » (FT107). Cette dignité va toujours de pair avec une option préférentielle pour les pauvres qui « ont beaucoup à nous enseigner ». Dans Fratelli Tutti, l’attention aux plus pauvres, aux petits, aux exclus, aux derniers, aux migrants est constante. C’est

L’encouragement à l’engagement politique. « J’appelle à réhabiliter la politique qui est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun » (FT 180). Les jeunes de la Fraternité Politique du Chemin Neuf ont leur feuille de route ! Le Pape confirme le rôle des institutions et demande leur réforme pour vaincre les tentations du populisme et du nationalisme. La fraternité est un engagement qui concerne les structures. En cela Fratelli Tutti a une tonalité résolument politique. Et « la politique du Pape François » n’évite pas les conflits, il appuie là où ça fait mal, en s’attaquant aux différentes logiques qui excluent les pauvres. Si certains thèmes reprennent la grande tradition de la Doctrine Sociale, d’autres permettent à François d’ouvrir des espaces de dialogue. (Cf chapitres 5 et 6).


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L’articulation stimulante entre le global et le local Penser ensemble le local et le global s’appelle parfois « glocalisation ». C’est un défi nouveau pour relever les différentes crises que traverse notre humanité : écologique, sanitaire, sociale, financière. « S’il ne faut pas perdre de vue ce qui est local, ce qui nous fait marcher les pieds sur terre » (FT 142), « Il n’est pas possible d’être local de manière saine sans une ouverture sincère et avenante à l’universel, sans se laisser interpeler par ce qui se passe ailleurs, sans se laisser enrichir par d’autres cultures ou sans se solidariser avec les drames des autres peuples. » (FT 146) Le Pape donne des outils pour bien vivre la tension entre repli local (insuffisant et renfermé) et universalisme (abstrait ou globalisant). Certains perçoivent une évolution dans sa manière de comprendre le monde comme monde globalisé : « Ce qui est global nous sauve parce qu’il est comme la cause finale qui nous conduit vers la plénitude. » (FT 142). (Cf en particulier le chap. 4). L’invitation au rêve et au désir. Si souvent dans ses écrits, le Pape François invite à retrouver la force du rêve ! « Rêvons comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de

« Ce qui est global nous sauve parce qu’il est comme la cause finale qui nous conduit vers la plénitude. » (FT 142). cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. » (FT 8). Cette notion du rêve, très présente dans la pensée de François, n’est jamais une fuite de la réalité ou l’expression d’une utopie irréalisable. Elle est au contraire un ferment pour créer les conditions de la réalisation d’un monde meilleur. On peut y retrouver la notion de désir, présent au cœur des Exercices Spirituels et aussi le Magis, qui est une invitation à l’espérance : le rêve est audace, davantage, ouverture à de grands idéaux pour rendre la vie plus belle et plus digne. Le rêve de François est le germe de l’engagement. Conclusion. Un texte à travailler François nous propose donc un texte dense qui doit être lu en complément de Laudato Si (relation avec la terre, 2015) et Lumen Fideii (relation avec Dieu, 2013), et en écho permanent à Evangelii Gaudium, (2013), boussole du Pontificat. Si la tonalité est parfois tragique ou très

politique, François nous aide à prendre à bras le corps les maux actuels qui déshumanise notre monde. Et à le faire ensemble : « Personne ne se sauve tout seul, il n’est possible que de se sauver ensemble » (FT 32). Les mots-clés de l’encyclique – la rencontre, le dialogue, la réconciliation, mettre les gens ensemble, respecter les identités culturelles, apprendre des autres… - rappelle que la fraternité se travaille. Elle nous ouvre à l’espérance en même temps qu’aux altérités qui doivent être rencontrées et guéries. Ainsi la fraternité va de pair avec la synodalité : chemin sûr pour que l’Eglise d’aujourd’hui se fasse « fraternité ouverte », « amitié sociale inclusive », capable de répondre pastoralement aux cris et besoins du monde. La figure de Charles de Foucauld illumine la fin de l’encyclique, lui qui chercha à se faire « frère universel ». Mais « c’est seulement en s’identifiant avec les derniers, les abandonnés, qu’il est parvenu à devenir le frère de tous. Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous. Amen ! » (FT 287). f V.B.

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"L'isolement et le repli sur soi ou sur ses propres intérêts ne sont jamais la voie à suivre pour redonner l'espérance et opérer un renouvellement, mais c'est la proximité, c'est la culture de la rencontre. Isolement, non, proximité oui." (FT 30)

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pour une culture de la rencontre Expériences pastorales

Pour une culture de la rencontre La Fraternité à tâtons Jérôme Montois Diacre permanent à Roubaix et délégué épiscopal à la diaconie et la solidarité du diocèse de Lille Depuis plus de dix ans, je suis envoyé en mission pastorale à Roubaix, dans le quartier de l’Epeule qui est l’un des plus jeunes et défavorisés de la ville avec 30% d’habitants de moins de quinze ans. Sur l’ensemble de la ville (100 000 hab.) d’après les chiffres officiels, 62 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 58 % des résidents habitent en logement social. Avec la paroisse et d’autres partenaires, nous servons la fondation de communautés d'Église, notamment par le biais de tables ouvertes paroissiales 1. « La popote » 2 est devenue au fil des ans un tierslieu d’Église, où se côtoient des personnes de conditions sociales, âges, genres, convictions, engagements très différents, mais où tous sont à égale dignité autour de la table. La pandémie, en plus de faire des victimes dans nos usagers, a suspendu pour un temps nos agapes.

"Nul n'est trop pauvre pour n'avoir rien à partager et nul n'est trop riche pour n'avoir rien à recevoir." Cette citation de Mgr Jean Rhodhain, fondateur du Secours Catholique, en est devenue la maxime. Elle fait également écho à la démarche « Diaconia 2013 », portée par le Conseil national pour la solidarité, qui rappelait, entre autres, que le service du frère, ou la diaconie, est constitutive même de la foi et donc l’affaire de tous les baptisés et non pas seulement de spécialistes. Nous sommes invités à passer à une charité source de la foi à partir du plus fragile, du plus éloigné ou de l’absent de nos communautés. Pauvres et riches sont invités à rencontrer le Seigneur présent et agissant au milieu d’eux à travers le sacrement du frère. « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle » (Mt 21, 42).

Depuis le début de son pontificat, le pape François ne cesse de nous exhorter à associer les pauvres et les plus fragiles à l’édification de notre maison commune. « Ah, comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres ! » 3. De même, dans sa lettre encyclique « Laudato si’ », il nous rappelle qu’écouter la clameur de la terre et la clameur des pauvres sont indissociablement liés 4.

"Nul n'est trop pauvre pour n'avoir rien à partager et nul n'est trop riche pour n'avoir rien à recevoir."

Lorsque je regarde la ville de Roubaix dont le pluralisme religieux est impressionnant, y vivre la fraternité humaine 5 n’en est que plus impérieux. En effet, la ville compte sept mosquées, foi67 decembre 2020-janvier-fevrier 2021

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Une véritable fraternité d’action et d’esprit L’engagement dans la vie de la cité avec d’autres construit cette fraternité tant espérée une douzaine d’églises évangéliques et une protestante, cinq pagodes bouddhistes, une quinzaine de clochers catholiques et depuis peu une communauté orthodoxe roumaine. La question du fait religieux ne saurait être éludée dans la vie de la cité. Je participe à des rencontres institutionnelles dans le cadre de l’association « Roubaix Espérance » 6 qui permet aux acteurs religieux et philosophiques de se connaitre et de se reconnaitre dans un cadre associatif républicain. Pour la liberté de conscience de ceux qui croient et de ceux qui ne croient pas, elle crée et participe à des initiatives pour une meilleure connaissance de l'autre et pour lutter contre toutes les formes de discrimination. Malheureusement, cela n’irrigue pas réellement les communautés de base et ne dépasse que rarement le cadre des initiés. En outre, les différents groupes présents sur le territoire ne sont pas organisés, ni gouvernés comme l’église catholique peut l’être, d’où la difficulté de construire dans la durée avec des acteurs légitimes. Enfin, les enjeux de pouvoir,

intra ou extra religieux, constituent souvent la pierre d’achoppement à des avancées notables. Cependant, la rencontre interpersonnelle est souvent le lieu propice à de véritables rencontres fraternelles et solidaires. Lorsque l’on revient à notre humanité, les chemins se font plus humbles, gratuits, spontanés et surtout moins mondains et plus solidaires. L’engagement dans la vie de la cité avec d’autres construit cette fraternité tant espérée et proclamée sur les frontons des mairies et dans les discours d’hommes et de femmes de convictions différentes. Le cadre républicain est celui qui devrait nous permettre de vivre la fraternité, c’est pourquoi j’invite les acteurs chrétiens à y témoigner et à le fréquenter. Une expérience que je recommande pour l’avoir vécue est d’avoir réalisé le parcours de formation « Emouna, l’amphi des religions » 7 mise en œuvre par Sciences Po Paris mais initié par les grandes institutions religieuses et philosophiques sous l’égide de l’Etat Français. f J.M.

https://www.servonslafraternite.net/references-partagees/fondements-theologiques-pour-une-tableouverte-paroissiale-top-par-gilles [2] T.O.P de la paroisse Bienheureux Charles de Foucauld [3] Première audience du Pape François le 16/3/2013. [4] « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres." (49) [5] « Fratelli tutti » [6] https://roubaixesperance.fr/ [7] https://www.sciencespo.fr/emouna/emouna-lamphi-des-religions/ [1]

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Père Patrick Bruzzone Paroisse Saint-Pierre de l'Ariane, diocèse de Nice 2021 est là avec tous les souhaits de chacun de nous : santé, bénédictions et paix pour le monde entier, à travers cette étoile, «le bambin de la crèche » qui est venu pour nous. Alors, en son nom, avec MIR et nos petites forces associatives, nous continuons à être tous les jours au service, diaconie de l’Eglise dans les rues de Nice et des Alpes Maritimes…. 51000 repas pour 2020 à travers le SAMU SOUPE où plus de 100 volontaires missionnaires sont à la tache le lundi et samedi toute l’année et le jeudi en plus, de juin à septembre pour la saison d’été. Ce sont 300 personnes rencontrées à chaque sortie. A cette mission, il faut ajouter une maraude sociale le samedi et une maraude médicale (un médecin, une infirmière et un chauffeur) le lundi. Nos lieux d’accueil à Sospel et à l’Ariane n’ont pas cessé d’accueillir durant cette période complexe du « COVID 19 » : 41 personnes en permanence et ce, en lien avec le 115 SAMU SOCIAL qui nous adresse les personnes. Enfin, notre épicerie sociale, « Le Panier de Marie », à l’Ariane, a été sans cesse sollicitée et est demeurée ouverte toute cette année en recevant plus de 450 familles tous les mois. Toutes ces actions sont menées grâce à une équipe plurielle comprenant des religieux, religieuses, prêtres, laïcs de diverses obédiences, musulmans, juifs, chrétiens qui, ensemble, œuvrent dans une véritable fraternité d’action et d’esprit aux pieds de ceux qui souffrent d’exclusion, en se laissant résolument déranger parce que cela est nécessaire. Oui, en ce temps, cela est vraiment nécessaire !!!!


pour une culture de la rencontre

Que faire si les mesures du confinement ne permettent pas de venir à l’église ? Faire en sorte que l’église vienne chez les gens.

Noël en sortie Sr. Ruth Lagemann Responsable ccn Belgique et Pays-Bas Que faire si les mesures du confinement ne permettent pas de venir à l’église ? Faire en sorte que l’église vienne chez les gens. Le confinement peut nous rendre inventifs. Ainsi l’équipe « jeunes » de l’Abbaye à Oosterhout, avec Kinga, a eu l’idée de faire des bougies avec des restes de vieilles bougies et d'aller les apporter chez les voisins pour partager la lumière de Jésus de manière visible. Petit bonus : nous leur faisions la proposition de nous confier des noms ou des situations difficiles pour lesquelles la communauté allait prier. Des bons moments de joie et de consolation des deux cotés à un moment où l’ambiance générale était plutôt sombre. Deuxième moment de joie : puisque, pour le 24 décembre, toute célébration était interdite, nous avons décidé d’aller le premier jour de Noël

après les deux petites célébrations (2 x 30 personnes) du matin, rendre visite en vélo à ceux dont nous savions qu’ils étaient seuls. Un chant du groupe protestant Sela, appris à quatre voix, nous accompagne : « Jésus naît aujourd’hui et chaque jour dans nos cœurs » https://youtu.be/ pq_VpCaLYac. Etonnement, joie, larmes, voisins qui ouvrent leur porte pour suivre le chant de cette petite chorale internationale composée de Français, Hongrois, Allemands, Belges, Néerlandais en vélo. Notre fatigue se transforme en joie de pouvoir ainsi partager un peu la Bonne Nouvelle autour de nous, même si c’est tout petit, relativement caché et pas parfait. N’était-ce pas ainsi à Bethlehem ? En tout cas, la joie qui nous habite à la tombée de nuit, en rentrant, semble avoir le même goût …

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Expériences pastorales

Allez toujours en avant, distribuez largement la miséricorde du Père ! P. Marcin Borządek ccn, cure de la paroisse à Mistów, Pologne

Ce challenge du pape François adressé à la communauté, nous l’avons accepté aussi chez nous, à Mistów. D’abord, nous avons demandé à l‘Esprit Saint de nous montrer quelles sont les priorités, quel est son projet pour notre paroisse et pour chacun de nous en ce temps du confinement, et de pandémie. Pour les réponses, il ne nous a pas fallu attendre longtemps Service à l’hôpital Le début était banal – un ami de la paroisse nous a demandé de visiter quelqu’un de sa famille admis à l’hôpital local, à cause du Covid19. Nous avons alors découvert un grand désert : dans cet hôpital réservé aux personnes atteintes du Covid, il n’y avait pas d’aumônier depuis mars, alors que la soif des patients était énorme ! En voyant le prêtre qui passait, les gens, souvent incapables de parler à cause de masques respiratoires, faisaient des signes, ils voulaient recevoir le sacrement de la réconciliation, l’onction des malades, la communion… Après le feu vert du directeur de l’hôpital, Marcin, curé de notre paroisse, a commencé les visites régulières. Ça fait bientôt trois mois que cet hôpital de 130 lits est devenu une sorte de nouvelle paroisse et surtout le

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lieu où il faut amener l’amour, la tendresse et la miséricorde de Dieu. Cet hôpital est devenu le lieu où il faut amener l’amour, la tendresse et la miséricorde de Dieu. Ce qui est très beau, c’est que, même si ce n’est que Marcin qui, physiquement, visite les malades, c’est toute la paroisse de Mistów qui, d’une manière ou d’une autre, participe à cette mission. Il y a ceux qui prient pour les malades, d'autres écrivent des lettres avec des paroles d’espérance et de consolation. Même les enfants font de beaux dessins pour les malades. Certains écrivent aussi leur numéro de téléphone, au cas où la solitude serait trop pesante… Une des plus belles lettres était celle d’une

jeune fille de 17 ans. Nous ne savons pas bien ce qu’elle a écrit, mais, sachant que c’est une jeune qui aime beaucoup le Seigneur, nous avons décidé de donner son enveloppe à une femme atteinte du Covid alors qu’elle en était au cinquième mois de grossesse. Elle qui tremblait non seulement pour sa propre vie, mais aussi pour celle de son enfant, a été profondément touchée par cette jeune qui la portait dans la prière, alors qu’elles ne se connaissaient pas ! Il y a aussi ceux qui veillent sur les besoins matériels, comme les savons, les rasoirs, pour ceux qui n’ont pas de familles à proximité de l’hôpital. Être proche de ceux qui sont seuls Une deuxième chose que l’Esprit Saint nous a mis dans le cœur, c’est de prendre


pour une culture de la rencontre

soin de ceux qui sont seuls. Sur notre paroisse il y a plusieurs personnes âgées ou malades qui vivent seules. Avec l’aide de Madame la Maire, nous avons repéré ces personnes et les visitons régulièrement. Certaines sont assez pauvres, d’autres – non. Nos visites sont simples – on s’assure si les personnes ne manquent pas du nécessaire, on partage un café, on se donne des nouvelles… et la journée particulièrement longue lorsqu’on est seul, devient un peu ensoleillée. Petit clin d’œil du Seigneur, c’était la première visite chez une dame âgée, assez pauvre, qui justement était en train de prier en demandant au Seigneur de lui envoyer un ange. En fait, elle avait prévu une visite à l’hôpital et cherchait quelqu’un qui pourrait la conduire jusqu’à Varsovie. Donc, le lendemain nous avons passé une journée ensemble! Aller à la rencontre L’Esprit Saint nous pousse à aller vers les autres. Parfois il suffit de profiter des occasions. Une de ces occasions était une

tradition polonaise : avant le repas de la veille de Noël, le 24 décembre, on échange les vœux en partageant du pain azyme – opłatek. Pendant le temps de l’Avent, nous avons distribué l’opłatek à toutes les familles de notre paroisse en faisant du porte à porte. Ce fut une occasion pour faire des rencontres très sympathiques, même si la

Ne pas oublier les pauvres ! Depuis plusieurs années, nous invitons les personnes seules et pauvres à prendre le repas de la veille de Noël avec nous, au presbytère. Puisque, cette année, cela n’était pas possible, nous sommes partis visiter ces personnes chez elles. Avec l’aide de la mairie, nous avons confectionné des colis de Noël (avec de la nourriture, des vêtements, des cadeaux…) que nous avons distribués le 24 décembre. Le but n’était pas seulement de donner des choses matérielles, mais aussi de passer du temps, même court, souhaiter « Joyeux Noel ! », être avec ! f M.B.

majorité s’est déroulée à l’extérieur, au portail. Les familles qui le désiraient nous invitaient à prendre un goûter avec eux. Pour plusieurs, c’était le premier contact avec nous depuis longtemps. Ils partageaient leurs joies, mais aussi leurs souffrances de ne pas pouvoir participer aux messes et aux activités paroissiales à cause des réglementations sanitaires.

"La pitié de l'homme est pour son prochain, mais la pitié de Dieu est pour toute chair" (Si 18, 13).

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Vie communautaire et fraternité

Prendre soin de la fraternité Porter ensemble la mission Sr. Alix Néel Responsable mission 14-18, ccn

A l’annonce du 2nd confinement, nous étions plusieurs responsables de mission à vivre notre retraite d’exercices à Montagnieu. Notre retraite s’est terminée un peu précipitamment pour permettre à chacun de rentrer chez lui. Nous avons tout de même profité du passage du Père François Michon et de la présence des responsables de Cana, Net For God, Mission 18-30, Mission 14-18 pour se retrouver autour d’une table, et construire ensemble le programme en « live » de semaines suivantes. Notre intuition commune était celle de porter ensemble toutes nos propositions, afin d’avoir une visibilité commune, d’unifier notre communication, et de pouvoir se soutenir dans cette mission très technique des « lives ». Nous avons donc bâti ensemble une semaine « type » en répartissant tous les directs portés par les différentes missions et maisons : les offices et messes, les temps de formations, les directs de Net for God, et les soirées Cana, 18-30 et 14-18. Je suis ensuite rentrée à H4, et nous avons organisé notre vie communautaire autour de la préparation de ces lives. Nous avions trois différents « live » à porter chaque semaine : le groupe de prière du mardi soir, le RDV spécial 14-18 le mercredi à 18h, et le « live » 18-30 le vendredi soir. Avec la Mission 18-30, nous avons choisi de porter ces trois temps de mission ensemble. Nous avions besoin d’unir nos forces pour relever ce défi. Nous avons commencé par porter ensemble le groupe de prière en formant un noyau commun (avec les noyaux des deux missions), puis nous nous sommes soutenus dans la réalisation des « live » de chaque mission. Une sœur des 18-30 est venue nous former à la régie lors des trois premiers live. Nous sommes allés soutenir les 18-30 pour la sono… Nous avons transformé le « Café Paradise » (situé à l’entrée de la maison) en studio. Nous l’avons équipé au fur et à mesure, grâce au soutien des frères de Net For God et des frères techniciens !

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Les jeunes du foyer d’H4 se sont investis avec nous dans cette aventure. Leur présence a été essentielle pour porter l’animation, la technique, la musique. Ils ont été généreux dans le don d’eux-mêmes ! Les « lives » 1418 n’auraient jamais vu le jour sans eux ! Ces différents « live » ont unifié nos missions à H4 (18-30, 14-18, foyer). Nous avions l’habitude de porter nos missions de manière assez « cloisonnées », chaque mission portant sa pastorale sans avoir besoin de l’autre. Ce projet commun des « lives », nous a rassemblé et nous avons appris à porter davantage ensemble. Ceci a été vrai dans notre maison mais aussi à l’échelle nationale. Nous trouvions important de poursuivre cette intuition de départ : porter ensemble toutes nos propositions en ligne. Nous nous sommes donc retrouvés chaque vendredi matin par ZOOM, avec les responsables de missions, pour un temps fraternel, des nouvelles de nos « lives », le partage de nos soucis techniques, et nous laisser conduire ensemble par l’Esprit Saint ! Ces quelques semaines ont été un vrai challenge pour moi ! Arrêter tout ce dont nous avions l’habitude pour lancer des propositions en ligne, projet totalement nouveau pour nous ! Nous avons pu tenter cette aventure car nous nous sommes sentis encouragés et portés par les frères et sœurs !


vie communautaire et fraternité

Partager la vie communautaire Aster Simbare Monastère de Bouvines, ccn

Lorsque le deuxième confinement a été décidé par le gouvernement français, une certaine désolation s’est installée dans mon cœur, car je voyais notre maison d’accueil, si souvent appréciée par des personnes de différents horizons, qui aiment y séjourner ou vivre une retraite, à nouveau « vide » pendant tout le temps que durerait ce nouveau confinement. Je m’interrogeais aussi par rapport à mon appel, je demandais au Seigneur s’il m’appelait à vivre une vie monastique ou une vie apostolique. Au moment où je m’apprêtais à raccompagner à la gare un dernier groupe de retraitants, j’ai reçu un appel d’une sœur de la communauté, responsable du groupe des « Jeunes professionnels », me demandant si notre maison serait d’accord pour accueillir un groupe de jeunes professionnels pendant tout le temps du confinement ! J’ai accueilli cette demande comme une réponse du Seigneur à ma prière et j’ai tout de suite répondu : « Oui ». Huit jeunes professionnels sont donc venus se confiner à Bouvines pendant six semaines ; tout en continuant, chacun et chacune, son travail à distance, ils ont partagé la vie communautaire avec nous. Pour moi, la vie communautaire est un « trésor dans des vases d’argile » (2 Corinthiens 4,7). Je suis appelé à en prendre soin et le partage de cette vie est en quelque sorte une manière d’en prendre soin. Alors que notre fraternité de vie ne compte, cette année, que quatre personnes, le nombre a triplé pendant le temps du deuxième confinement. Pour permettre aux jeunes de participer le plus possible à nos rencontres, nous avons réaménagé nos horaires : l’office des laudes, qui se tenait habituellement à 8h30, fut avancé d’une demi-heure, ainsi les jeunes qui le désiraient pouvaient y participer avant de commencer le travail ; nous avons choisi de célébrer un office des vêpres le jeudi soir

pour prier pour l’unité des chrétiens, alors qu’auparavant nous n’avions pas d’office des vêpres. Au milieu de la journée et à la fin de la journée nous avons maintenu nos temps d’adoration du Saint Sacrement : pour les jeunes, c’était une belle occasion de se reposer dans le Seigneur. Le mardi soir, alors qu’au premier confinement nous suivions le groupe de prière sur internet, nous avions notre propre groupe de prière. Nous partagions tous les repas de midi avec les jeunes, ainsi que le temps de « désert » du mardi. Le dimanche midi était réservé à un repas particulier : un jour, c’était un repas africain, un autre jour, un repas antillais, un autre jour un repas ch’ti, … Le café du dimanche nous donnait l’occasion de partager ce que nous vivions, « ici et maintenant ». La vie communautaire, ce sont aussi les travaux d’entretien de la maison et les jeunes donnaient un coup de main le samedi après-midi ; mais aussi les temps de détente, le vendredi et samedi soir, que nous partagions. A la fin du séjour, nous avons fait la fête, bien sûr, puisqu’il s’agit d’un de nos points d’engagement communautaire et nous avons partagé les fruits de cette expérience. En écoutant parler les uns et les autres, j’ai pensé à la citation du prophète Jérémie, dans la Bible : « Jeunes et vieux se réjouiront ensemble » (Jérémie 31,13).

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"L'espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l'horizon, pour s'ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne." 18

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FILM NFG Le film Net For God

RECONSTRUIRE ENSEMBLE Le Liban vit sans doute la pire crise économique de son histoire. Une crise aggravée par une situation politique instable et rongée par la corruption. Le peuple libanais souffre. La tentation de céder au découragement, à la tristesse, à la colère, est bien réelle et se manifeste chez certains par le désir de tout quitter et aller vers un ailleurs meilleur, et chez d’autres par un désir de changement. Ce désir engendre

Après les explosions du 4 août 2020, qui ont détruit une partie de la ville de Beyrouth, en faisant des morts et des blessés, des initiatives d’entraide ont surgi de partout. Des jeunes et moins jeunes sont descendus dans les rues. Ils se sont mis spontanément à aider. Nettoyage des rues et des maisons, remplacement de vitres et de portes…des gestes qui ont apporté du réconfort et de l’espérance aux personnes touchées. C’était l’expression d’un sentiment de fraternité et de partage envers tous, indépendamment du milieu d’origine et de la confession religieuse.

aides plus organisées Des associations, des ONG, et d’autres institutions ont mis en place des réseaux d’entraide, preuve du courage, de la vitalité de ce peuple, qui sait s’adapter en avançant ensemble.

Très rapidement, ces initiatives personnelles ont été relayées par des

Les personnes que nous avons rencontrées nous ont partagé leur

Pour beaucoup d’entre eux, cette force vient de leur foi. Une foi qui les mobilise, qui les rassemble. Nous avons voulu accueillir avec ce peuple le souffle d’espérance qui se déploie dans leur créativité, dans des initiatives de reconstruction et de renouvellement, dans leur désir de vivre ensemble et en paix.

des actions concrètes à différentes échelles. Ce peuple qui a connu tant d’épreuves à travers le temps demeure un exemple de courage et de détermination. Nous avons voulu rencontrer ces personnes pour comprendre mieux cette force qui les anime et les met en route. foi67 decembre 2020-janvier-fevrier 2021

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expérience d’engagement. Ils nous témoignent de leurs espoirs, leurs peines et leurs désirs. La plupart des initiatives d’entraide que nous avons retrouvées sur place cherchaient à répondre aux besoins fondamentaux de la population comme la nourriture et l’habitat. Mais certaines associations vont très loin dans leur engagement et ont une grande force d’action dans différents secteurs de la société libanaise. Un de ces exemples est l’association Adyan, qui rayonne au-delà des frontières du pays. Adyan rassemble des personnes issues de différentes confessions et met en œuvre des programmes culturels, éducatifs, sociaux et spirituels. L’association œuvre particulièrement pour la paix dans un Moyen-Orient marqué par les « extrémismes violents » et les « conflits liés au discours religieux ». Le théologien et professeur universitaire Ziad FAHED, membre de la fon-

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dation Adyan dirige une association pour le dialogue interreligieux et la réconciliation. Il nous partage son expérience : son passage par la violence de la guerre, la haine de l’autre et son parcours de conversion. Dans la mort on peut semer la vie Le père Agapios Kfoury dont l’église a été détruite lors des explosions, nous raconte l’histoire de cette paroisse qui est devenue un lieu de rencontre et de rassemblement pour les Libanais : « Tout le monde sent que cette église a une mission ici, cette cathédrale est une cathédrale de missions, elle n’est plus simplement un lieu de culte pour une communauté mais c’est un lieu de rassemblement des Libanais ». Pour ce prêtre Melchite les épreuves traversées nous enracinent dans l’espérance et cette espérance nous fait avancer. « Dans ces conditions on doit se rappeler

ce que St Paul nous a appris : on est les fils de l’espérance et l’espérance c’est quelque chose qui dépasse les moments difficiles et les moments tristes. Dans la foi chrétienne il n’y a pas de ‘lâcher prise’ au sens négatif. Non, à chaque fois je dois me lever, je dois me rattraper, je dois avancer vers le fond et le fond me dit que : il est avec moi et si Dieu est avec moi, personne et rien ne peut me vaincre ». Cette espérance nous la rencontrons aussi chez le père Hani TAWK, qui a fondé la cuisine solidaire. Tous les jours il vient donner de son temps en accompagnant les personnes et en faisant la cuisine. Des centaines des plats sont servis tous les jours gratuitement dans un espace de fortune aménagé pour ce service. « C’est un lieu d’espérance au fond de ce milieu où la désespérance occupe tout. Mais à la ressemblance de Jésus Christ, notre Seigneur, nous croyons que, dans la mort on peut semer la vie, c’est à sa ressemblance, à son image ».


FILM NFG

Le P. Hani propose aussi dans ces lieux de l’accompagnement spirituel et psychologique aux personnes atteintes par toutes ces situations dramatiques. D’autres témoignages nous rappellent que pour apporter de vrais changements autour de nous et dans la société, il faut pouvoir sortir de nos individualismes et aller au-delà de nos propres cercles d’habitués. C’est le partage de Hiba DANDACHLY, cette jeune femme engagée dans la communication sur les réseaux sociaux. « Je crois qu’à l’âge adulte, j’ai commencé à me sentir responsable socialement. J’ai toujours été intéressée à aider ma communauté, à essayer de faire changer les choses et cela est venu petit à petit, en grandissant et en voyant à quel point nous vivons dans un pays où il faut tant d’aide pour grandir, apprendre à accepter les uns les autres, à travailler sur notre bien-être social et politique et même sur notre bien être mental ».

« Nous sommes des gens très forts, je souhaite juste que nous puissions transformer notre pouvoir et notre énergie en changement pour quelque chose de bien. Pas seulement pour nous-mêmes, notre entourage, notre famille, non. Mais pour l’ensemble, sans être isolés ». Pour apporter de vrais changements autour de nous et dans la société, il faut pourvoir sortir de nos individualismes. Parfois dans des moments de souffrance ou des traversées difficiles nous pouvons nous sentir seuls ou abandonnés, notre foi peut être sérieusement ébranlée. Ce qui peut nous aider à traverser ces moments douloureux c’est de ne pas rester seuls, ne pas rester enfermés dans notre désespoir. Et oser croire que dans les moments plus sombres, nous pouvons compter sur l’autre. Et surtout nous sommes invités à accueillir le Christ souffrant avec nous, c’est lui la source véritable de tout espoir

chrétien. Samar Al Andary nous parle de cette foi en Jésus notre compagnon de route. « Jésus était là, même durant cette explosion parce que parfois on ne peut plus voir où est Dieu, où est Jésus dans toute cette souffrance qui nous traverse, qui traverse le pays. Donc il était là, mais il souffrait avec nous, il était sur la route du calvaire, le sang coulait sur son visage, mais il était là pour nous dire : "La croix va être victorieuse, elle va donner la victoire par ma résurrection. J’étais sur la croix comme vous mais la résurrection est là, elle est proche, tenez bon." Il faut garder cette espérance jusqu’au bout comme le dit le psaume 29 : "Et moi, je vais changer votre deuil en danse, et je vais changer vos habits en éclat, en lumière et vous allez être mes témoins à travers le monde entier." C’est ce que nous a dit le Seigneur, il est là, il est toujours là, il est à notre côté ». f S.K.

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Interview : Ziad Fahed

Chercher à vivre en « homme réconcilié » Ziad Fahed Théologien. Directeur du bureau de mission universitaire et professeur associé à l'Université Notre Dame-Louaize (Liban)

La guerre du Liban a commencé quand j’avais neuf ans. Mon enfance a été marquée par ces années de guerre où on a vu le mal, la souffrance. Lorsque j’étais adolescent, j’ai cru au pouvoir de la violence. Je pensais que la violence pouvait tout résoudre. Mais plus tard, j’ai compris que ce n’était pas le bon choix. J’ai vu le mal, j’ai vu les bombes, j’ai vu la mort, j’ai vu les blessés, j’ai vu Beyrouth et le Liban se déchirer, j’ai vu où le mal et la violence pouvaient mener une nation. A cette époque, je croyais à ce discours diabolique, où l’être humain diabolise son frère et sa sœur en humanité. Et j’y ai adhéré, j’y ai cru. Mais, plus tard, la Providence a fait que j’ai rencontré des hommes et des femmes qui m’ont permis d’adopter une réflexion plus critique, à me poser des questions, chercher, fouiller, essayer de comprendre et c’est là – c’était la plus belle découverte de ma vie

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– que j’ai compris, finalement, que nous sommes des frères et des sœurs en humanité. J’ai compris que ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare, ce qui nous connecte l’un à l’autre est beaucoup plus profond. Il y a notre soif de Dieu, il y a cette présence invisible, et visible, de Dieu qui nous guide et qui nous permet de faire ce « pèlerinage de confiance sur la terre » dont parlait Frère Roger de Taizé. Ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare. Avec le temps, j’ai rencontré des Chrétiens, des Musulmans, et, à travers ces hommes et ces femmes, j’ai pu comprendre la présence de Dieu dans ma vie . J’ai fait le deuil en moi de tout discours qui peut me pousser à diaboliser l’autre et ainsi j’ai fait un chemin. J’ai commencé des études de Théologie au Liban, que j'ai

poursuivies à Lyon. J’ai rencontré la communauté de Taizé, j’ai eu de longues discussions avec Frère Roger et j’ai pu saisir l’importance de vivre en personne réconciliée. Plus tard, j’ai pu élaborer ce concept de l’homo reconciliare, comme on dit homo sapiens etc. Homo reconciliare, cela signifie être un homme, être un être humain après la réconciliation, chercher à vivre en réconcilié. En 2010, j’ai fondé une association qui s’appelle DLR Lebanon (Dialogue for Life and Reconciliation – Dialogue de la vie et de la réconciliation) avec, comme mission principale, de découvrir et promouvoir la dignité d’être différents. Parce qu’il y a une beauté dans cette différence, il y a une dignité. Je commence à exister pour l’autre quand je commence à dialoguer avec lui ou elle. Le dialogue me fait exister, le dialogue nous fait exister l’un pour l’autre.


FILM NFG Témoignages P. Hani Tawk

Hiba Dandachly

Un lieu de fraternité

Nous méritons une vie meilleure

Prêtre maronite, Fondateur de la Cuisine Solidaire

Entrepreneur indépendante

Ahmad Hachem Scout musulman

Former un seul cœur

"Je suis le curé de la route, du chemin. Parce que c’est sur la route qu’on a installé cette cuisine pour offrir des repas." "Si l’on se décide à former un seul cœur, main dans la main avec cet esprit de jeunesse, je crois que ce pays pourra accomplir beaucoup de choses."

Diana Abou Nader

Volontaire à Cuisine Solidaire

L'unité des Libanais "Une chose me fait tenir : l'attachement non seulement à la terre mais aussi aux gens d'ici. Ils ont beaucoup souffert et ils méritent une vie meilleure." "Ce qui me donne la force, c’est l’unité des Libanais."

Samar Al Andary (responsable CCN Liban)

Jésus était là, Il souffrait avec nous

« La croix va être victorieuse, elle va donner la victoire par ma résurrection. »

P. Agapios Kfoury

Prêtre melkite catholique, curé de la Cathédrale St Elie, Beyrouth

P. Agapios Kfoury

Une église "œcuménique"

Nous sommes les fils de l’espérance

C’est l’espérance, c’est la présence de l’Esprit Saint en moi et cet Esprit Saint qui peut faire et qui est en train de faire des miracles.

"Les gens commencent vraiment à revenir et à sentir que cette église leur appartient, spécialement parce qu'elle n’a jamais été une église melkite, grecque melkite catholique. Elle a toujours été une église œcuménique et peut être une église inter-religieuse." foi67 decembre 2020-janvier-fevrier 2021

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Histoire

Liban 2.021 : attitude Snoop Dogg Milad Sassine Libanais, étudiant en journalisme, Media School (Villeneuve d'Asq)

Parler du Liban est important aujourd’hui même si guerres et explosions monstres sont des éléments du passé. Originaire du Liban, Milad Sassine nous partage son regard sur l'histoire et la situation actuelle de son pays. Il est vrai qu’il faut avancer sans trop regarder en arrière mais le regard constructif qui se jette sur le chemin parcouru est d’une grande utilité non seulement pour se satisfaire et rendre grâce, mais aussi pour comprendre les enjeux contemporains et les dynamiques à l’œuvre. Parler du Liban m’oblige donc à revenir aux années de guerres de 1970 au début des années 90 durant lesquelles Chrétiens et Musulmans se sont affrontés au sein d’une même nation, où le monde entier a voulu intervenir pour sauver ce qui ne pouvait l’être que par les Libanais euxmêmes et, en quelque sorte, par une grâce divine, car, au final, c’est ce que l’on perçoit dans le dernier film Net for God sur le Liban. Un fil fin, doux, lumineux que seuls des regards attentifs perçoivent. Une paix. La paix. Pas celle du monde qui frise la nonchalance se contentant de l’absence de soucis. Celle qui dépasse tout cela, qui permet d’avoir un regard extérieur, de s’aimer soi-même et les autres, reconnaitre sa

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propre valeur ainsi que celle du prochain, qui lui est équivalente. C’est quelque chose d’intérieur qui se voit de l’extérieur. C’est un changement qui dépasse le politique et le légal, c’est une attitude. C’est une drogue dans le sens où elle booste certains sens et en inhibe d’autres. C’est un peu comme si le Liban se revêtait d’une nouvelle parure intérieure, adoptait une nouvelle attitude, j’aime à l’appeler : attitude Snoop Dogg1. Non, je ne compare pas le peuple libanais à propos duquel j’aimerais dire tellement de bien à un rappeur américain qui se vante de fumer plus que des cigarettes. J’aime juste bricoler une expression qui n’existe pas pour décrire une situation indescriptible. En effet le Liban vit une de ses pires crises et en effet le peuple Libanais n’a jamais été aussi en paix avec luimême. L’on est passé de massacres politico-religieux à des assassinats programmés contre les personnalités libanaises qui


FILM NFG

déplaisent, à retrouver un peuple uni dans la rue contre ses propres chefs de clan pour dépasser l’entre-soi. Cela sur fond de relations à haute tension avec Israël, l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Syrie. Le lendemain de l’explosion (de la tragédie) au port de Beyrouth, ce sont des jeunes étudiants libanais que l’on voit dans la maison d’une septuagénaire pour l’aider à sauver ce qui peut l’être des ruines de sa maison. Mais, si l’on regarde de plus près ces jeunes gens, on peut très bien se dire que leurs parents et grandsparents se pointaient du fusil et de la mitrailleuse il y a quelques années. Comment cela se fait-il ? Je dirais que, si la guerre ensauvage, la tragédie unit. Mais c’est trop simple. Quelque chose s’est passé chez les Libanais. Un bref retour sur l’histoire du pays s’impose quand même à nous pour que l’on puisse esquisser le parcours. Le Liban est pour certains une création artificielle, mais il est incontestablement ancré dans un territoire, une histoire, une nation, une lutte de survie. Il ne s’est pas installé sur des lauriers même si, comme le titrait l’Orient-Le Jour : « Si le Liban est un mensonge, la Bible l’est aussi ». Car, en effet, 70 mentions dans le Livre Saint commun aux trois grands monothéismes n’empêchent guère des idéologies politiques aveuglées et des logiques impériales de rogner sur les Cèdres de Dieu et de renier son existence historique. C’est ainsi que l’Empire Ottoman s’est permis d’envahir le territoire libanais de 1516 jusqu’à la première guerre mondiale, et d’y instiguer des massacres à connotation poli[1]

tico-religieuse. Passant ensuite sous l’égide des grandes puissances et sous mandat français, il acquiert son indépendance en 1943 pour profiter des 30 glorieuses à sa manière. Vient 1975 et sa guerre civile de 30 ans, s’en suivent le conflit armé entre Israël et le Hezbollah en 2006, les assassinats politiques à répétition à partir de 2005 qui aboutissent à l’instauration du Tribunal Spécial pour le Liban, un des principaux tribunaux internationaux (c’est-à-dire des tribunaux statuant sur des crimes internationaux dont le terrorisme dans ce cas) pour laisser quelques années plus tard un peu de souffle aux Libanais. Un gémissement en 2015 avec la crise des déchets et un rugissement en octobre 2019 avec les manifestations énormes qui montrent que, malgré tout ce temps, un peuple s’est efforcé de poursuivre sa route, de se maintenir en vie, de se reconstruire. Le Mont Liban est une perle rare, le mot Liban signifie « lait » pour ses sommets enneigés, le mot Libanais désigne un phénix blanc en renouveau constant. Parler du Liban, c’est parler des autres, c’est parler de l’amour, du rêve, de la nostalgie et de l’espérance en l’avenir. C’est parler de libre pensée en milieu hostile, d’une terre d’exil pour populations fragil(isées). Car oui, le Liban a accompli sa mission. Il a fait ses preuves. Chrétiens d’Orient, géopolitique de la Méditerranée, frontières maritimes, coexistence religieuse et politique…Tous ces sujets trouvent leur point de jonction à la manière des trois continents… au Liban. f M.S.

Du nom d’un rappeur et acteur américain

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"Les différentes religions, par leur valorisation de la personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société." (FT 271)

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œcuménisme et interreligieux

Œcuménisme et Interreligieux

Aimer et servir nos semblables dans la solidarité interreligieuse Rev Dr Peniel Jesudason Rufus Rajkumar Coordinateur de programme - Dialogue et coopération interreligieux, Conseil œcuménique des Églises, Genève

En août 2020, au plus fort de la pandémie mondiale COVID-19, le Bureau du dialogue interreligieux du Conseil œcuménique des Églises (COE) et le Conseil pontifical du Vatican pour le dialogue interreligieux (PCID) ont publié un texte conjoint intitulé : « Servir un monde blessé dans la solidarité interreligieuse: un appel chrétien à la réflexion et à l'action pendant le COVID-19 et au-delà ».

Ce document aborde une question principale: « Qu'est-ce que cela signifie pour les Chrétiens d'aimer et de servir nos semblables dans un monde où la pandémie du COVID-19 a infligé des souffrances généralisées? ». Dans un contexte où le coronavirus a franchi les frontières et a affecté des personnes indépendamment de la région et de la religion, le document reconnaît l'importance d'une réponse qui transcende également les frontières et affirme la nécessité pour le service chrétien de prendre la forme et l'esprit de la solidarité interreligieuse.

1977, les deux bureaux travaillent en collaboration pour favoriser l'engagement inter religieux sur le plan œcuménique. Ils ont entrepris des projets communs sur la «prière interreligieuse» (1994); «Réflexion sur le mariage interreligieux» (1997); «Le témoignage chrétien dans un monde multi-religieux: recommandations de conduite» (2011) et «Education pour la paix dans un monde multi-religieux» (2019).

Un projet sur la solidarité interreligieuse

Un outil pastoral qui encouragerait les Eglises à répondre à la pandémie dans un esprit de solidarité interreligieuse.

Ce document devait, à l’origine, faire partie d’un projet conjoint entrepris par le Conseil pontifical pour le dialogue inter religieux et le Bureau du dialogue et de la coopération interreligieux du COE. Depuis

Lors de la réunion annuelle conjointe des deux bureaux tenue à Rome en janvier 2019, il fut décidé de lancer un projet sur la solidarité inter religieuse. Une réunion de réflexion avec des experts à Rome en

décembre 2019 a été suivie d'une session consultative et d'une «table ronde inter religieuse» à Genève en février 2020 - pendant la Semaine mondiale de l'harmonie inter confessionnelle (Semaine annuelle de célébration des Nations Unies, du 1er au 7 février). Cependant, l'attaque du COVID-19 a changé la vitesse, la portée et l'importance de ce projet. Confrontés à la nouvelle réalité de la pandémie, les deux bureaux ont décidé de remodeler le document afin qu'il soit plus pertinent dans le contexte mondial immédiat de la pandémie. Nous avons accéléré le rythme de production et repensé ce document comme un outil pastoral qui encouragerait les Eglises à répondre à la pandémie dans un esprit de solidarité interreligieuse. C'est ainsi qu'est né le document actuel.

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Le « dialogue des mains » L’intention principale du document est de favoriser ce que l’on appelle souvent le «dialogue des mains», c’est-à-dire le dialogue de l’action pratique, et de cultiver et nourrir parmi les Chrétiens l’esprit et le don de la coopération interreligieuse. Il est important de souligner que ce document porte sur le service AVEC les autres et pas seulement envers les autres. Le document utilise la parabole biblique du Bon Samaritain (Luc 10: 25-37) pour inviter les Chrétiens à «surmonter les préjugés religieux et les préjugés culturels à l’égard de ceux que nous servons comme de ceux avec qui nous servons», et à reconnaître avec humilité et gratitude, que «l'autre» nous montre le vrai sens du service et de la solidarité. A un stade ultérieur, le document affirme que «nous devrions également être ouverts à ce que Dieu peut nous enseigner à travers ceux dont nous nous attendons le moins à apprendre quoi que ce soit», mettant ainsi l'accent sur l'apprentissage mutuel comme faisant partie intégrante de la solidarité. Ce bref document est divisé en cinq sections, outre un préambule et une conclu-

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sion. La section sur la crise actuelle fait ressortir les multiples implications du COVID-19, qui a accentué le scandaleux fossé économique, exacerbé les préjugés raciaux et menace d'aggraver la crise climatique. La section suivante intitulée « La solidarité soutenue par l'espoir » se concentre sur la manière dont les religions peuvent «insuffler un nouvel espoir dans le monde ravagé par la pandémie» en s'appuyant sur des valeurs éthiques et spirituelles partagées. «Surmonter les préjugés religieux et les préjugés culturels à l’égard de ceux que nous servons comme de ceux avec qui nous servons» La section suivante « Notre base pour la solidarité interreligieuse » présente un fondement trinitaire pour la solidarité interreligieuse. Il s'appuie sur les idées suivantes: a) la connectivité des êtres humains à travers un créateur commun, b) la co-souffrance du Christ avec l'humanité, qui attribue la dignité à toute souffrance humaine et oblige une réponse active à la souffrance, et c) l'autonomisation du Saint Esprit qui nous tourne vers Dieu et vers nos voisins.

Vient ensuite une section qui fournit sept principes directeurs pour la solidarité interreligieuse, à savoir: 1) humilité et vulnérabilité, 2) respect, 3) communauté, compassion et bien commun, 4) dialogue et apprentissage mutuel, 5) repentance et renouveau, 6) gratitude et générosité, et 7) amour. La section qui suit sur les recommandations fait quelques propositions aux Chrétiens pour renforcer notre capacité à nous engager dans la solidarité interreligieuse. Elle met l'accent sur le plaidoyer, l'utilisation des médias sociaux, la spiritualité, la formation religieuse, l'engagement des jeunes, la création d'espaces sûrs pour le dialogue et la restructuration des projets et processus en cours, renforcer la coopération et la solidarité inter religieuses. Un appel à la réflexion et à l’action Comme son titre l'indique, ce document est un appel à la réflexion et à l'action. C'est un outil pour construire des communautés de solidarité réfléchies et résilientes. Par conséquent, tout en fournissant des réflexions théologiques ainsi que des recommandations d’action, le document évite


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de proposer un modèle d’action «à taille unique». L’objectif est plutôt d’ouvrir un espace permettant aux Eglises de discerner et de concevoir la «taille qui convient» à la diversité qu’elles rencontrent.

Silsilah, ou la voie étroite du dialogue

Le document a rencontré une réponse positive non seulement parmi les Chrétiens, mais aussi de la part de la presse grand public comme le New York Times et le Washington Post. Plus important encore, il a inspiré une solidarité interreligieuse pratique. Un bon exemple vient du mouvement de dialogue Silsilah basé à Zamboanga City aux Philippines, où un groupe de Chrétiens et de Musulmans a été inspiré par le document pour démarrer un programme de formation sur la guérison des traumatismes. La pandémie COVID-19 a mis en évidence l'interdépendance de tous les humains et nous a (d'une manière étrange) poussés à devenir «le gardien de notre sœur et de notre frère». À un moment comme celui-ci, il incombe à chacun de nous de convertir ce moment de «crise» en un moment de « kairos » - découvrir de nouvelles façons d’être et d’appartenir. L’espoir de ce document est que la solidarité interreligieuse peut fournir une voie importante vers une «nouvelle normalité», où les conflits, la compétition et le mépris sont remplacés par la compassion, l’attention et la collaboration. f P.J.R.R.

Silsilah (qui signifie ‘lien’ ou ‘chaîne’) a été créée en 1984 par le P. d’Ambra et un groupe de musulmans et de chrétiens, convaincus de l’utilité du dialogue interreligieux dans la résolution du conflit meurtrier qui sévit depuis plus de 40 ans à Mindanao. Malgré les assassinats de plusieurs de ses membres, notamment des missionnaires, le mouvement n’a jamais abandonné son travail en faveur de la paix, multipliant les initiatives de réconciliation interreligieuse au sein des populations, et tout particulièrement auprès des jeunes. La création du Young Professional for Dialogue and Peace (YPDP), mouvement œuvrant pour le dialogue islamo-chrétien est l’un des nombreux exemples de l’efficacité de ces programmes de sensibilisation effectués depuis des dizaines d’années par Silsilah dans les écoles de l’enseignement public. En novembre 2013, le mouvement pour le dialogue Silsilah a reçu pour son action à Mindanao, le prestigieux Goi Peace Award 2013 décerné par une fondation japonaise qui soutient les initiatives en faveur de la paix. « Nous avons choisi la voie étroite de ceux qui, pour promouvoir une culture de dialogue et de paix au milieu des tensions et des conflits, pensent qu’il faut d’abord se changer soi-même afin de changer la société », a déclaré le P. Sebastiano d’Ambra en recevant le Goi Peace Award. « La devise de Silsilah est ‘’Padayon !’’, ce qui signifie ‘’Allons de l’avant !’’. Notre mission est basée sur des valeurs spirituelles. Le dialogue est souvent considéré comme une stratégie mais, pour nous, il est avant tout une spiritualité parce que nous estimons que le dialogue est une expression de l’amour en action, du silence et de l’harmonie. » (P. d’Ambra1). [1]

http://www.paxchristi.cef.fr/v2/le-mouvement-silsilah-recoit-un-prix-pour

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Algérie

Mgr Henri Teissier « frère » des Algériens P. Eugène Lehembre ccn, Monastère de Tibherine, Algérie

Mgr Henri Teissier, ancien évêque d’Alger, est décédé à Lyon le 1er décembre 2020 (à la même date que Charles de Foucauld !). Il avait 91 ans. Le P. Teissier a passé 65 ans en Algérie, il y a été ordonné prêtre en 1958. Avant même 1962, à la suite du cardinal Duval, il reconnaissait aux Algériens le droit à l’indépendance. En 1966, il a reçu la nationalité algérienne. Lors de son décès, tous les medias d’Algérie ont relayé l’information et il y eut, très vite, de nombreuses manifestations de sympathie en provenance du peuple algérien. Mais aussi de la part des autorités algériennes. A la messe des funérailles, à Lyon, l’ambassadeur d’Algérie en France s’est ainsi adressé à l’ancien évêque d’Alger : « Mon compatriote et frère aîné … 1 ». Puis, comme il l’avait souhaité lui-même, Mgr. Teissier fit son dernier « retour » en terre d’Algérie, sous la houlette du gouvernement algérien. Enfin, dans la basilique Notre Dame d’Afrique, son cercueil était recouvert d’un grand drapeau algérien. Comment cela est-il possible ? Comment Mgr Teissier, Français, catholique, a-t-il ainsi gagné le cœur des Algériens ? Comment a-t-il vécu cette fraternité qui porte déjà du fruit ?

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œcuménisme et interreligieux

On peut dire que le P. Teissier a aimé l’Algérie, les Algériens. Et les Algériens qui l’ont connu ont découvert en lui un frère. Il a reconnu en cela l’appel de Dieu : « Je donne ma vie ici et maintenant gratuitement parce que Dieu m’a choisi comme signe et instrument de son amour pour le peuple algérien et que ce choix fait ma joie. 2» Cet attachement se manifestait par un désir de rencontre, un désir d’amitié. Les Algériens eux-mêmes sont très ouverts à cela. On appelle souvent quelqu’un qu’on ne connaît pas : « frère ». Il aimait se faire proche : « Le centre de ma vie et de ma prière ce n’est pas la constitution de notre Eglise. C’est la vie du peuple Algérien. Je suis chrétien, certes, mais je trouve dans l’Evangile un appel à me faire proche de mes frères et sœurs musulmans d’Algérie. 3 » Sa spiritualité était celle de la rencontre : « L’autre est pour moi le visage de Dieu. En accueillant l’autre, c’est Dieu même que j’accueille.4 » Lors des funérailles du P. Teissier à Alger, Mgr. Vesco s'exprimait ainsi : « Les rencontres réelles d’Henri pour qui, il n’y avait pas de grands ou de petits. Toute rencontre comptait. Il en était de la rencontre comme du repas. A la fois gourmand et gourmet. Gourmand, il

ne croisait jamais le regard d’une personne sans tenter d’entrer en relation. Gourmet, il en percevait immédiatement le caractère précieux, même dans une apparente insignifiance. Cet intérêt porté à chaque personne n’est pas pour rien dans l’attachement et l’affection de tant et tant d’amis algériens. 5 »

Cet intérêt porté à chaque personne n’est pas pour rien dans l’attachement et l’affection de tant et tant d’amis algériens. Il parlait bien les langues du pays. Il avait un don pour cela. Dans son hommage à Henri Teiisier, Mgr. Rault souligne l'importance qu'il attachait à la relation : « Son souci n’était pas de briller, ni de paraître, mais de communiquer. L’un de ses dons incomparable était de mettre les personnes en relation. Il avait l’art du tissage de liens entre personnes, même si elles ne se connaissaient pas ! Il aimait inviter à sa table… et préparait souvent la cuisine lui-même ! Tout en servant, il suivait la conversation, la suscitait au besoin. 6 » Il s'est mis également à l'école d'une grande figure de l'humanité qu'a enfantée la terre algérienne : l'émir Abdelkader. Il va lui consacrer deux livres dont le dernier

écrit juste avant sa mort. Cette relation a duré. 65 ans dans le pays ! Mais sans doute ce qui a le plus parlé aux Algériens est le fait qu’il soit resté alors que l’Algérie vivait des temps difficiles, dans les années noires, entre 1991 et 1999, quand le terrorisme et la violence frappaient le pays. Ce qu'exprime un article du journal "Liberté", paru le 2 décembre : « Henri Teissier et ses frères chrétiens ont fait preuve d’une fraternité sans égale : au lieu de partir ils ont continué à vivre au cœur de la société, aux côtés de leurs frères musulmans. Ils ont refusé d’abandonner leurs concitoyens en prenant le risque d’y laisser leur vie. 7 » Non seulement il est resté, mais il a fait face avec courage. A l’image de Jésus le bon pasteur qui ne fuit pas, et non pas comme le mercenaire qui abandonne les brebis quand vient le loup (Jean, 10). Il a pris soin des Chrétiens mais aussi d’Algériens musulmans qui étaient menacés. Il a protégé des artistes, des intellectuels, des journalistes, des pauvres. « Sa maison était comme un refuge 8. » « Nous avons réussi à vivre ensemble. Même de 91 à 99 quand on était, tous ensemble, menacés par la même violence. 9 »

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Cette fraternité s’est exprimée pour lui (et pour bien d’autres Chrétiens) par une communauté de destin avec le peuple algérien. Abandonnait-il les Chrétiens pour se faire proche des Algériens ? Il s'expliquera à ce sujet à plusieurs reprises : « J’ai vécu ma responsabilité d’évêque comme une mission au service des Chrétiens et pour que ces derniers développent des relations d’amitié avec la société algérienne et se mobilisent pour le bien commun 10 ». « Vivre la fidélité chrétienne comme l'exigence d'une fraternité qui cherche des frères aussi loin que possible, même là où rien de commun n'était a priori discernable. 11 » Mgr. Rault a redonné la vision de l'Eglise que portait H. Teissier : « Il ne pouvait concevoir une Eglise repliée sur elle-même, mais voulait une Eglise tournée vers les Musulmans. Ce souci le projetait donc au-delà des limites de son diocèse, illustrant bien la parole de l’évangile : ‘’J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi il faut que je les conduise’’. Il n’y avait dans son attitude rien d’un désir de récupération, mais une façon de vivre une fraternité sans frontières 12 ». Dans ces rencontres, les Algériens se sentaient respectés dans leur foi musulmane. L’Ambassadeur d’Algérie l’a déclaré lors des funérailles : « Il a inlassablement œuvré au rayonnement de l’Eglise catholique, favorisé la tolérance et le dialogue interreligieux et démontré le plus grand respect à l’égard de la foi, majoritairement musulmane, du peuple Algérien. 13 » Il faisait confiance en l’Esprit présent dans l’autre. « Il y a une Pentecôte pour chaque peuple, et il nous reste encore tant de frontières à traverser et tant de peuples à rencontrer. 14 » f E.L.

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On peut aimer un peuple comme un être unique P. Christian DELORME, messe de funérailles de Mgr. H. Teissier, à LYON « (…) Notre père Henri a épousé l'Algérie, la prenant toute entière dans son cœur, avec tout ce qu'un pays, un peuple peuvent comporter de réalités complexes. Il a voulu devenir algérien et, en effet, il est parvenu à le devenir totalement. Nous autres chrétiens, nous savons que Dieu nous appelle à aimer tous les êtres humains comme des frères et des sœurs. Mais cela reste souvent très abstrait. Comment aimer « massivement » et « indistinctement » ? Aimer vraiment celles et ceux qui nous sont donnés comme parents ou comme voisins, s'avère déjà suffisamment difficile ! Alors, aimer toute l'humanité ? Henri Teissier nous dit, par le témoignage de toute sa vie, que cela est possible. On peut aimer un peuple comme un être unique, chérissable infiniment ! Une histoire exemplaire et incitatrice ! Un appel fort, à nous Français et Algériens, pour que nous nous aimions vraiment les uns les autres, malgré (ou, peut-être, à cause ? ) un passé douloureux. »

Le sens d’une Eglise en Islam Mgr Claude RAULT, hommage à Henri Teissier,à Paris « Le Père Teissier s’était préparé à sa mission en s’investissant dans la langue, la culture arabe, la connaissance de l’Islam "par le dedans". Il avait développé le sens d’une Eglise en Islam, d’une Eglise tournée vers l’autre dans le respect de ce qu’il est, de ses convictions religieuses et sociales, le sens d’une Eglise de la rencontre, qu’il développera comme évêque. Adorateurs du même Dieu, pétris de la même humanité, il savait aussi que nous pouvons nous enrichir les uns les autres dans une stimulation réciproque et dans ce qu’il y a de meilleur en nous et dans nos partenaires musulmans. (…) Son Eglise était celle de la rencontre, de la convivialité, du souci de rejoindre l’autre sur son chemin vers Dieu ».

M. Mohamed Antar Daoud, Amb. d’Algérie en France, 5/12/20 H. Teissier, Chrétiens en Algérie, Editions Mame, Paris 2002, p 217 [3] in « La Croix », 12/ 01/ 2003 [4] H. T., Chrétiens en Algérie, Editions Mame, Paris 2002, p 168 [5] Homélie de Mgr Vesco aux funérailles à Alger le 8/12/20 [6] Mgr Rault pb, hommage à Henri Teissier à Paris, 12/20 [7] in « Liberté » du 2/ 12/ 20 [8] idem [9] M. Mohamed Antar Daoud, 5/ 12/20 [10] in « El Watan » 2/ 12 / 20 [11] in « La Croix »,12/ 01/ 03 [12] Mgr Rault pb, hommage à Henri Teissier à Paris 12/20 [13] M. Mohamed Antar Daoud, Cathédrale de Lyon le 5/12/20 [14] H. T., Lettres d’Algérie, Bayard, 1998, p 58 [1]

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œcuménisme et interreligieux

Eglise Réformée de Hongrie

« Ensemble les uns pour les autres » Sr. Kinga Lakatos Abbaye Saint Paul, Oosterhout, Pays-Bas, ccn

C’est le titre d’un projet-pilote mené par l’Eglise protestante reformée de Hongrie, qui forme des agents pastoraux tziganes et non-tziganes ensemble. La population tzigane constitue la minorité la plus importante en Hongrie (8,8%) et, depuis le 16 ème siècle, leur statut social et leur intégration représentent un des plus grands défis pour la Hongrie. Kinga Lakatos, formatrice dans ce projet, partage son expérience et les enjeux que cela représente. Bien que «les Tziganes» ne représentent pas un groupe homogène, car ils sont bien différents les uns des autres par leur langue, leur origine, leur style de vie et leur métier traditionnel, cet article fera référence aux "Tziganes". Un peu d’histoire et les enjeux d’aujourd’hui Les Tziganes sont arrivés en Hongrie au cours du 15ème siècle, la plupart venant de Roumanie, pour fuir l’esclavage. Ils avaient un style de vie indépendant, libre de leurs mouvements, contrairement aux paysans, et, de ce fait, pas vraiment intégrées, avec des activités économiques peu légales et méprisées. Au 17ème siècle, cette situation devient plus en plus problématique; un dispositif politique strict est alors posé et un changement de style de vie radical est demandé aux Tziganes.

Les fondements de l'intégration sociale des Tziganes à ce jour ont été posés au 18 ème siècle, à l’époque d’un absolutisme éclairé, pratiquant une sorte de «bienveillance violente». Dans un esprit universaliste et humaniste, économiste et avec le souci de l’éducation, on a voulu résoudre le problème des Tziganes. On suppose que l’idée de Joseph II était d’établir une sorte de « laboratoire d’assimilation et d’intégration des Tziganes» en Hongrie (Regulatio Cigarorum et sa règle de 1783.) Il a voulu rendre les marginaux de la société contrôlables et contrôlés, les intégrer par le travail agricole ou industriel,

considéré comme socialement plus utile et acceptable. On peut dire que cette législation n’a atteint son but que partiellement : si les Tziganes ont été obligés de s’installer (aujourd’hui, en Hongrie, ils sont entièrement installés, mais très souvent dans des rues bien distinctes et éloignées des centres villes ou villages), leur intégration dans la société et le monde du travail est restée très partielle. Au niveau européen, on se souvient aussi d’un moment tragique, celui du génocide tzigane pendant la deuxième guerre mondiale (la commémoration est le 2 août).

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Pendant la période socialist (1949-1989), le travail a été rendu obligatoire pour tous. Une grande partie des Tziganes étaient employés dans les usines et dans l’agriculture. La relation entre Tziganes et non Tziganes, est ainsi devenue plus habituelle. Après 1989, le changement de régime provoque un changement important. La population tsigane, du fait de son éducation sommaire et de la fermeture des grandes usines, est la grande perdante de la transition démocratique et du système capitaliste. Ce statut précaire reste encore en ce jour caractéristique de cette minorité et représente un objectif majeur du Gouvernement hongrois. En effet, cette situation provoque en Hongrie des débats brûlants et très tendus tant au sujet de l’éducation que de l’aide sociale, du travail, de l’habitat et de la justice. Il y a une rupture profonde dans la société entre les Tziganes (qui représentent un dixième de la population) et les non-Tziganes et l’on craint une division radicale du pays.

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La mission entre les Tziganes aujourd’hui dans l’Eglise Reformée Cette rupture a été reproduite de manière tangible et visible dans les Eglises historiques. Souvent, les Tziganes ne sont pas bienvenus dans les églises, ou ne font pas partie du champ de vision des pasteurs. La mission auprès des Roms était de répandre l'Évangile, mais sans avoir pour objectif leur intégration dans la communauté paroissiale. Au cours du siècle dernier, cette lacune fut en partie comblée, par différentes formes d’aide, mais sans devenir un pratique nationale.

"Ensemble les uns pour les autres" «Le lieu où se remplit notre tête et notre cœur», comme l’a dit un participant. En 2018, la Mission Nationale des Tziganes de l’Eglise Réformée a lancé cette formation des agents pastoraux avec l’approche du « Christian Community Development » (Développement de la communauté chrétienne).

Le programme a été lancé dans le but d'aider les pasteurs à former des forces locales, en renforçant la coopération entre les Tziganes et les non-Tziganes et en promouvant la transformation des communautés, afin qu’elles reflètent mieux le visage de Jésus. La condition de participation est un lettre de recommandation du/de la pasteur car l’enracinement dans l’église locale et la collaboration avec le/la pasteur sont primordiaux. Ainsi, la formation commune d’un membre tzigane et d’un membre non tzigane de la même congrégation permet de se connaître l’un l’autre, faire un chemin de réconciliation et apprendre à travailler ensemble, faisant face aux les préjuges. La solidarité et le respect mutuel sont les clés du développement. Cette approche est unique, car elle est centrée sur la communauté. Au lieu de l'approche individualiste qui a prévalu pendant des décennies, ce programme de formation considère que la solidarité


œcuménisme et interreligieux

et le respect mutuel sont les clés du développement. Cette pratique n'est cependant pas encore généralisée au sein de l'Eglise Réformée. Le "développement de la communauté chrétienne" signifie une façon de penser systémique et holistique ainsi qu'un changement d'attitude : implication de l’église dans le vie de la localité, autonomisation/ responsabilisation des individus et des différents groupes, planification et actions conjointes avec les gens concernés et avec les autres acteurs. Un tel processus aide les pasteurs à partager le poids qui reposait jusque-là sur leurs seules épaules. On peut dire que la pratique du "sacerdoce universel" a un rôle à jouer. C'est là qu'intervient une attitude essentielle, la "responsabilisation" (empowerment) : les membres de la congrégation entreprennent des tâches de pasteur, mais en étroite collaboration avec lui, et tout le monde y gagne à long terme. Cependant, une question subsiste : les

frères et sœurs Tziganes sont-ils considérés comme partenaires dans la planification et les taches pastorales/spirituelles ou bien seules les taches simples et matérielles leur sont-elles confiées? Le but, c’est que chacun puisse partager la diversité des dons, selon ce que chacun a reçu et non selon la hiérarchie sociale. Cette formation rend capable chacun/e d’organiser un événement, guider un groupe biblique, gérer une équipe et ses conflits, connaître mieux la structure décisionnelle de l’église et y participer; porter une vision pastorale à long terme, ensemble avec plusieurs et œuvrer pour la réconciliation entre Tziganes et nonTziganes. Quel en est le résultat? Dans une paroisse d’un petit village au nord-est de la Hongrie, où les Tziganes n’étaient pas du tout les bienvenus, le Seigneur a mis dans le cœur d’une femme tzigane, Eva, fraîchement convertie, d’aller fidèlement au culte du dimanche. Pendant trois ans, les gens de la paroisse se

sont éloignés d’elle. Mais, la pasteure a pris le temps de la connaître et de la soutenir. Aujourd’hui, avec trois autres membres de cette paroisse, Eva participe à la formation «Ensemble les uns pour les autres ». Son exemple personnel donne un témoignage très fort: avec son petit salaire de journalière en jardinage, elle achète chaque mois un litre d’huile et un kilo de sucre pour une famille hongroise non-tzigane qui vit dans la pauvreté. Elle a aussi demandé à son patron de lui donner le reste des plants et, avec d’autres, elle les plante dans le jardin de l’église, «Pour que tout le monde voie que ce sont les Tziganes qui les ont données.» Elle évangélise sur plusieurs villages aux environs et guide plusieurs groupes de prière. Donc l’enjeu est grand, mais, en s’engageant ensemble au service les uns et les autres dans la moisson du Seigneur, un changement dans les cœurs et au niveau local est possible. Le reste, c’est l’affaire de Dieu. f K.L.

Eva (première à gauche, aux côtés de la Pasteure) participe à la formation «Ensemble les uns pour les autres ».

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Prière au Créateur "Seigneur et Père de l'humanité, toi qui as créé tous les êtres humains avec la même dignité, insufle en nos coeurs un esprit de frères et soeurs. 36

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Inspire-nous un rêve de rencontre, de dialogue, de justice et de paix. Aide-nous à créer des sociétés plus saines et un monde plus digne, sans faim, sans pauvreté, sans violence, sans guerres".

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