Souvenir du mariage de
Tsion Tsemach & ‘Haya Mouchka Mimoun 13 Chevat 5778 - 29 Janvier 2018
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בעזהי״ת
״זה היום עשה ה‘ נגילה ונשמחה בו״ Commençons par remercier Hachem de nous avoir permis de parvenir à ce moment: l’union de nos enfants Tsion Tsemach et Haya Mouchka. Ce jour du 13 Chevat est particulièrement sacré puisqu’il marque la Hilloula de la Rabbanit Shternah Sarah, l’épouse du Rabbi Chalom DovBer et mère de Rabbi Yossef Itshak. Mais il est également situé à quelques jours de ‘Haf Beth (22) Chevat, jour de la Hilloula de Rabbanit ‘Haya Mouchka, épouse du Rabbi. Cette année, cette date revêt un caractère particulier puisqu’elle marque la 30ème année de l’événement. C’est ce qui nous a conduits à rappeler quelques anecdotes sur la vie de la sainte femme que nous célébrons. Les récits des actions de nos Rebbeïm et de leurs épouses renforcent notre foi et nos convictions. Le mariage d’aujourd’hui placé sous les auspices de deux illustres mères d’Israël, sera béni par Hachem et apportera au ‘Hatan et à la Kallah le dévoilement des bénédictions qu’ils ont reçus sous la ‘Houppa. Amen ! Nos remerciements vont à Chmouel Lubecki, Lévi Touboul et la rédaction du ‘Habad Magazine pour leur aide précieuse. Famille Mimoun & Bensoussan
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A PROPOS DU 22 CHEVAT 30ème ANNIVERSAIRE DU DÉPART DE CE MONDE DE LA RABBANITE ‘HAYA MOUCHKA 4
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O
n le comprend donc à propos de cet anniversaire de décès: bien qu’il y ait eu un « incendie » d’un feu Divin et que l’âme soit montée dans ce feu, et qu’elle monte de plus en plus haut... l’intention de ces élévations est – « on a besoin de la cendre », pour que l’on reçoive dans la vie matérielle ici-bas. Cela est également indiqué en allusion dans son nom « ’Haya », la perfection de la vie est précisément la vie matérielle, ce que l’on fait ici-bas pour l’âme – ainsi « comme sa descendance est en vie, elle aussi est en vie. » Au point que cela descend dans son deuxième nom (« Mouchka ») qui est un nom en langue profane, ce qui représente ce que l’on fait descendre au plus bas... Egalement, la valeur numérique des deux noms (« ’Haya Mouchka ») est 470 (« Eth » en hébreu, qui signifie « moment » – ndt).Cela représente la division du temps (en vingt-huit moments, un temps pour parler, un temps pour construire etc.), ce qui désigne la descente ici-bas, dans les limites du temps et tout ensemble, de l’espace. D’un autre côté, la descente ici-bas est liée avec les « 28 moments » jusqu’à la révélation la plus haute : « la face de D.ieu » (la force – « Koa’h » en hébreu – d’une valeur numérique de 28 – ndt). Extrait d’une Si’ha de Chabbat Parchat Yitro 5749
Le chef de la génération (« Nassi » du mot « Hitnasseout – élévation ») élève toute la génération car « le Nassi est le tout ». Nous comprenons de là à propos de sa fille (la Rabbanite ‘Haya Mouchka – ndt) que tout ce qui la concerne – et en particulier son départ de ce monde – agit sur tous. D’autant plus que son anniversaire de décès tombe le même mois (Chevat) que celui de son père, le Rabbi (Précédent – ndt) et que l’élévation du chef de notre génération se trouve plus révélée le jour de sa Hilloula. Extrait d’une Si’ha de Chabbat Parchat Yitro 5752
Merci du fond du fond du cœur de vous associer à la peine et à la consolation. Nous nous consolons avec la pensée constante que la personne disparue nous a laissé en héritage ses bonnes actions qui ont rempli sa vie. Ces actions continuent d’exister et de
se développer. Or la floraison et le développement sont des signes de vie véritable. Son âme éternelle – qui s’exprime dans l’action continue des institutions – continuera d’être une source d’inspiration pour tous ceux dont la vie a été influencée par le déroulement de la sienne. Extrait d’une lettre du 30 Chevat 5748
Pour que l’âme puisse agir dans ce monde matériel bien qu’elle soit au Gan Eden, elle a besoin de l’aide d’une âme revêtue dans un corps dans ce monde matériel (une âme qui a un lien avec l’essence de l’âme au Gan Eden ou que l’homme établisse le lien de son âme avec l’âme au Gan Eden) par cela que l’âme revêtue dans un corps se consacre à la Torah et aux Mitsvot pour le mérite de l’âme au Gan Eden ou par cela qu’elle se consacre à la Torah et aux Mitsvot en conséquence de l’éducation et de l’enseignement reçus de la personne dont c’est l’anniversaire de décès, par l’étude de son enseignement ou de ses actions... alors tous ses actes sont le fruit de la personne dont c’est l’anniversaire de décès. On comprend la grande responsabilité et le grand mérite de chacun qui peut agir en tant que « délégués » de cette âme en sachant le grand désir de l’âme au Gan Eden de recevoir l’élévation réalisée par l’œuvre accomplie dans ce monde ici-bas. Ainsi est réalisée dans l’âme au Gan Eden une élévation supérieure à son élévation jusqu’ici. Extrait d’une Si’ha du 20 Mena’hem Av 5749
Le troisième jour après le décès de la Rabbanite, M. Andrew Shtein, président du conseil de la ville de New York, vint rendre visite au Rabbi : AS : Nous avons entendu que c’était une femme extraordinaire. Le Rabbi : D’après moi, tout le respect ne suffit pas à exprimer sa grandeur. Seul D.ieu connaît sa vraie grandeur. Le principal est que chacun fasse de son mieux pour suivre ses traces, ce qui causera une satisfaction à son âme. Et ce sera d’une grande utilité pour tous ceux qui poursuivront leur vie dans son chemin. Extrait du Kountrass Véha’haï Yiten El Libo
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EN PRÉSENCE D’UNE ROYALE MAJESTÉ RENCONTRES AVEC LA RABBANIT 6
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A
u 770, le facteur était une figure bien connue : chaque jour il déposait, par paquets entiers, le courrier destiné au Rabbi. La compagnie du Téléphone entretenait aussi d’étroites relations avec la Mazkirout (le secrétariat) : trois lignes permanentes y étaient branchées continuellement, faisant retentir les sonneries jour et nuit. Ceci s’ajoutait au va-et-vient permanent des milliers de personnes entrant et sortant au 770. Qu’il s’agisse d’un yom tov, d’un jour de fête ‘hassidique, d’une ye’hidout (entrevue privée) de soir ou d’une distribution de dollars le matin, il y avait toujours une bonne raison pour de nouveaux visiteurs de se presser aux portes du 770. La vie, au 770, tournait exclusivement autour du Rabbi. Lors des farbrenguens, pendant les offices et même en entrant ou en sortant de son bureau, le Rabbi était en permanence suivi par les ‘Hassidim, toujours désireux d’apercevoir et de graver dans leur mémoire le moindre de ses gestes. Cependant, alors que des milliers de personnes ont rencontré le Rabbi à diverses occasions, rares étaient ceux qui faisaient partie du cercle privé du Rabbi et de la Rabbanit. La Rabbabit ayant toujours évité les regards du public, seule une poignée d’individus ont eu le mérite de côtoyer celle qui a porté avec le Rabbi le poids écrasant de sa fonction de Rabbi durant presque quatre décennies.
״והחי יתן אל לבו״
Et les vivants doivent prendre à cœur Dans la période ayant suivi la histalkout (le décès) de la Rabbanit, le Rabbi cita ce verset de nombreuses fois, insistant que nous devions suivre l’exemple de la Rabbanit dans notre conduite quotidienne, en améliorant notre caractère et en nous rapprochant de D.ieu. A l’occasion du yom Hiloula de la Rabbanit, le Kaf-Beit (22) Chevat, l’équipe de A Chassidisher Derher a rencontré trois personnes qui, chacune à sa manière, ont mérité de partager de précieux moments avec la Rabbanit et d’avoir un aperçu de sa sainte personnalité.
Dans les interviews ci-après, nous proposons à nos lecteurs d’en apprendre davantage sur la Rabbanit et sur sa façon de vivre.
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CONVERSATION AVEC RAV YEHOUDA KRINSKY Une gentillesse sans limites La première fois que mon chemin croisa celui de la Rabbanit, c’était dans les années 5700 (1940). Je suis arrivé de Boston à New York en 5706 (1946) afin de poursuivre mes études à la Yechiva Tom’hei Temimim, situé à l’angle de Bedford Avenue et Dean Street, à Bedford Stuyvesant. A l’occasion des fêtes ‘hassidiques, tels que Youd Teth Kislev ou Youd-Beit Tamouz, le Rabbi précédent organisait des farbrenguens au 770, dans la salle à manger du deuxième étage. Environ une heure avant le farbrenguen, les adultes et les jeunes étudiants de Yechiva s’alignaient le long des deux escaliers menant à l’étage – nous les appelions « marches métalliques » et « marches en bois » - dans l’espoir de pénétrer dans la salle ou, tout au moins, pouvoir y jeter un coup d’œil. Arrivait le moment où les portes de la salle s’ouvraient, laissant le passage aux plus anciens des ‘Hassidim. Il y avait, autour de la table, une vingtaine de sièges et le reste de l’assistance demeurait debout. Cependant, à un moment, la porte se refermait, car la climatisation n’existait pas à l’époque et il fallait éviter que l’atmosphère surchargée soit préjudiciable à la santé du Rabbi précédent. Je n’avais aucun espoir d’entrer dans la salle, car j’étais un tout jeune garçon, à peine âgé de 14 ans. Néanmoins, étant un ba’hour en herbe, c’était précisément l’endroit où je souhaitais me trouver. Je restais donc derrière la porte donnant sur l’escalier métallique, espérant que peut-être – oulaï yera’hem, peut-être Il me prendra en pitié comme on dit dans la prière des jours de fête– je pourrais pénétrer à l’intérieur.
Soudain la porte s’ouvrit, et ce fut la Rabbanit ‘Haya Mouchka qui apparut. Elle jeta un regard sur moi et me dit : « Gueï arein – entre ! » J’ai donc pu entrer. La scène qui s’offrit à mes yeux fut indescriptible. Le Rabbi précédent se trouvait à son siège, présidant la table, avec le schtreimel (chapeau en fourrure) sur la tête. Le Rabbi était assis à sa gauche et l’autre gendre, Rav Chmariaou Gourari (qu’on appelait le RaChaG) à sa droite. Apercevoir le Rabbi précédent équivalait pour moi à une incursion dans le Gan Eden. Ce fut une expérience totalement spirituelle. Je suis à jamais reconnaissant à la Rabbanit de m’avoir permis de passer mon premier farbrenguen en présence de son père, le Rabbi précédent. Cet événement est gravé pour toujours dans mon cœur et dans mon esprit.
Un thé chaud pour un jour de chaleur Le Youd-Beit Tamouz 5715 (1955) fut une journée de canicule. Comme d’habitude, je conduisis le Rabbi au Ohel. Dans les premières années, le Rabbi y passait une heure et demie, pas beaucoup plus. Nous rentrâmes à Crown Heights à quatre heures de l’après-midi environ. Le Rabbi pria Min’ha au 770, après quoi je le conduisis chez lui. A l’époque, le Rabbi et la Rabbanit habitaient au 346 New York Avenue, à l’angle de President Street, au troisième étage. C’était peu de temps avant qu’ils n’emménagent dans leur maison au 1304 President Street. Quand le Rabbi entra dans l’immeuble, je réalisai que j’avais oublié de lui demander combien de temps il allait passer à la maison avant de retourner au 770 pour le farbrenguen. Le Rabbi ne m’avait pas dit combien de temps il allait rester, et je n’avais pas demandé s’il
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fallait que je reste pour attendre ou que je revienne le chercher plus tard. Bien que ce fût contre ma nature, j’ai laissé la voiture et je suis monté à l’appartement du Rabbi pour poser la question. J’ai sonné et c’est la Rabbanit qui m’a ouvert. Avant même que j’ai pu prononcer un mot, elle m’a souhaité la bienvenue : « Oh, Rav Krinsky, kumt arein, entrez donc, vous êtes probablement fatigué et n’avez rien mangé de la journée, c’est une telle canicule aujourd’hui… Prenez une tasse de thé ! » Personne n’aurait pu décliner une invitation aussi gracieuse de la part de la Rabbanit et, n’ayant pas le choix, je suis entré dans l’appartement. Elle me proposa un siège dans la cuisine et me servit une tasse de thé chaud. Quand je lui expliquai la raison de ma présence, elle me dit qu’elle demanderait au Rabbi quand il pensait retourner au 770. Elle revint quelques instants plus tard, m’annonçant que le Rabbi allait retourner au 770 dans 10 minutes. Cependant, j’avais la tasse de thé face à moi, et imaginez-moi, un ba’hour dans la maison du Rabbi, se demandant comment il allait pouvoir avaler ce thé bouillant. Je ne sais comment, mais je le fis. Je ne me sentais pas à l’aise, j’avais le sentiment d’être un intrus et j’attendais impatiemment que les dix minutes s’écoulent. Le Rabbi fut bientôt prêt et il entra à la cuisine. Je le suivis dans l’ascenseur et nous repartîmes pour le 770. Ce soir-là, dans l’une des si’hot lors du farbrenguen, le Rabbi raconta une histoire – en apparence hors du contexte – à propos du Rabbi précédent qui, une fois, dans sa jeunesse était rentré à la maison un jour de grande chaleur d’été et voulut boire quelque chose de frais, mais son père, le Rabbi Rashab le remarqua et lui dit de boire plutôt une tasse de thé chaud. Je crois que personne d’autre présent à ce farbrenguen ne comprit réellement le contexte de ce que racontait le Rabbi…
BéDere’h HaYachar Un jour, à l’époque de Youd-Teth Chevat, j’avais soulevé quelque chose de trop lourd et je me suis abîmé le dos. La douleur m’avait extrêmement affaibli et j’ai dû rester à la maison, étant à peine capable de marcher et n’étant pas en mesure de faire quoi que ce soit au bureau. Ce soir-là, à l’heure du dîner, j’ai reçu un coup de fil de la Rabbanit. Je me doutais bien de la raison de son appel, mais je ne voulais tellement pas la charger de mes soucis. Cependant, rien qu’au son de ma voix, la Rabbanit avait toujours le don de sentir si quelque chose n’allait pas. A chaque fois, avec beaucoup de tact, elle m’amenait à lui révéler ce qui me préoccupait. Cette fois encore, elle me demanda ce qui n’allait pas et, n’ayant pas le choix, je lui racontai ce qui m’était arrivé. Après m’avoir patiemment écouté, elle me demanda : « Vous souvenez-vous comme vous m’avez emmené un jour voir un orthopédiste à l’hôpital de New Jersey ? Eh bien, maintenant je vous prendrai un rendez-vous avec ce même spécialiste, pour demain, et c’est moi qui vous y conduirai ». Je répondis à la Rabbanit que je ne voulais pas la contredire mais, si elle n’y voyait pas d’inconvénient, je préférerais conduire moi-même. Je lui dis : « Si je suis capable de monter dans la voiture, je pourrai aussi la conduire… » Elle consentit. Dès le lendemain, nous prîmes la route de l’hôpital, où le médecin m’administra diverses piqûres et je me sentis vite bien mieux. Avant de me donner congé, il me conseilla de marcher en me tenant bien droit. Pendant tout le temps de la consultation, la Rabbanit était restée dans la salle d’attente. En sortant de chez le médecin, nous nous dirigeâmes vers Crown Heights. Je ramenai la Rabbanit chez elle, et je retournai au bureau au 770. J’étais à peine arrivé, lorsque le Rabbi appela par inter-
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phone le secrétariat en me demandant de venir le voir. Quand j’entrai, le Rabbi se tenait debout et me demanda avec un large sourire : « Comment vous sentez-vous et que vous a dit le médecin ? » Je répondis que le docteur m’avait conseillé de marcher en me tenant bien droit. En souriant, le Rabbi dit : « Ich zog shoin lang az m’darf gueyen b’derekh hayoshor » (J’avais depuis longtemps affirmé que l’on doit suivre le droit chemin ! ».
Visite-surprise
Ma sœur aperçut ma voiture, me vit et reconnut ensuite la Rabbanit. Inutile de préciser qu’elle était extrêmement surprise, honorée et exaltée par cette visite impromptue, sans précédent. La visite se déroula très bien, la Rabbanit se promena dans tout le bâtiment, s’intéressant à l’avancement des travaux. Pour la Rabbanit aussi, ce fut une grande joie de visiter une nouvelle école construite par des chlou’him (émissaires du Rabbi). (A ce propos, quelque temps plus tard, mon beaufrère Rav Hecht entra en Ye’hidout et le Rabbi évoqua avoir entendu « un bon rapport » sur le nouveau bâtiment qui était réellement magnifique).
La Rabbanit veillait toujours… Lorsque le Rabbi restait au 770 jusque tard dans la nuit, recevant des visiteurs en ye’hidout, je conduisais ensuite le Rabbi chez lui. La Rabbanit veillait toujours en l’attendant, parfois jusqu’au petit matin. J’avais l’habitude d’appeler immédiatement la Rabbanit, après avoir ramené le Rabbi du Ohel, pour la prévenir que le Rabbi était de retour au 770.
Le Rabbi appartient aux ‘Hassidim J’avais l’habitude de conduire la Rabbanit dans différents endroits à diverses occasions. Un jour, je l’avais conduite dans le Connecticut et je lui fis remarquer que notre chemin passait, à vingt minutes près, à côté de New Haven. Mon beau-frère Rav Moché Yits’hak Hecht et son épouse, ma sœur Rivkah, venaient d’y achever la construction d’un beau bâtiment flambant neuf pour leur école. Je demandai à la Rabbanit si elle désirait le voir, et elle répondit que cela l’intéressait. Nous étions en été et j’avais calculé que nous arriverions après cinq heures de l’aprèsmidi, de sorte qu’il n’y aurait pas grand monde dans les alentours. Mais, en approchant du bâtiment, je remarquai ma sœur et d’autres personnes circulant dans les parages.
Il est de notoriété publique que la Rabbanit joua un rôle déterminant dans le fameux procès des livres, au mois de Kislev 5746 (1985). Nous avions préparé le dossier pendant trois mois, rassemblant documents et témoignages nécessaires pour le tribunal fédéral. Connaissant le stress que procure la procédure de déposition sous serment, je demandai au Rabbi s’il fallait essayer d’éviter à la Rabbanit de se soumettre à cet exercice. Ce ne serait pas une partie de plaisir, particulièrement pour une personne âgée. Mais le Rabbi répondit que je ne devais pas m’en soucier et qu’elle réussirait haut la main. La procédure de déposition fut organisée chez elle, dans sa salle à manger où elle était entourée de nos avocats, des avocats de la partie adverse et de toute une équipe d’assistants. Avant de commencer, elle me demanda de m’assoir à ses côtés.
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Ce genre de procédures est en règle générale très
souhait de demeurer au 770, malgré l’insistance de
stressant, les procureurs faisant tout pour confondre
nombreux médecins de le transporter à l’hôpital pour
les témoins. Néanmoins, tout au long de cette séance,
les soins. A ce moment, les docteurs déclarèrent qu’il
la Rabbanit garda une attitude d’une majestueuse
n’y avait pas d’autre choix que d’emmener le Rabbi à
dignité, calme et posée.
l’hôpital de toute urgence. La situation était critique.
Les réponses de la Rabbanit furent extrêmement précises et concises : elle ne prononça pas un mot de trop. Il devint vite évident que les avocats de la partie adverse furent extrêmement frustrés de n’avoir pu influencer ou intimider ce témoin. Finalement, ils laissèrent tomber leurs stylos, dans un geste de dépit. A la fin de la déposition, l’un d’eux demanda à brûle-pourpoint : « Madame
Il n’y avait pas de cardiologue dans les parages, ni médicaments ni équipement médical adéquat sous la main : procurer les soins au Rabbi dans son bureau était réellement inenvisageable, alors même que le Rabbi subissait de plein fouet une nouvelle crise cardiaque. Nous étions justement en train de débattre la situation quand la Rabbanit descendit pour prendre des nouvelles. Les médecins l’in-
Schneerson, à votre avis, à qui
formèrent des dernières évolu-
appartiennent les livres de la
tions et lui firent connaître leur
bibliothèque : à votre père ou à
décision de transporter le Rab-
la communauté ? »
bi à l’hôpital Mt. Sinai, même
C’est à ce moment que surgit
s’il s’y opposait.
cette réponse qui devint la déclaration centrale dans ce pro-
La Rabbanit demanda : « Et que
cès : les sefarim appartiennent
dit mon mari ? »
aux ‘Hassidim, car « mon père
Les médecins lui répondirent
et tout ce qui est à lui apparte-
que le Rabbi ne voulait pas aller
naient aux ‘Hassidim ».
à l’hôpital et désirait être soi-
Le témoignage de la Rabbanit
gné dans son bureau.
fut, de fait, crucial pour la vic-
L’ultime décision revenait au
toire dans ce procès.
membre de famille le plus proche, c’est à dire à la Rab-
Seul un ‘Hassid en serait capable S’il est un épisode qui illustre la véritable grandeur de la Rabbanit, c’est sa courageuse attitude pendant les événements dramatiques de Chemini Atseret 5738 (1977).
banit et les médecins ne pouvaient s’y opposer. Sans hésiter, elle répondit : « Depuis toutes les années que je connais mon époux, il n’y eut jamais un seul instant où il n’était pas en pleine possession de ses moyens. Je ne peux vous autoriser à le transporter contre sa volonté ». Faire preuve d’un tel courage et d’une telle confiance
Ce matin-là, à cinq heures et demie, après une crise
dans le Rabbi et prendre une telle décision – contre
cardiaque qu’il avait subie la veille lors des hakafot,
l’avis écrasant de tous les médecins, et dans une
le rythme cardiaque du Rabbi devenait défaillant. La
situation critique de pikoua’h nefesh – il fallait
situation prenait de toute évidence des allures de
être armé de sa profonde connaissance et de son
pikoua’h nefesh, de danger de vie ou de …
extraordinaire bitoul à l’égard du Rabbi, bien au-delà
Cependant, le Rabbi avait clairement exprimé son
du niveau qu’aucun de nous pourrait imaginer.
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CONVERSATION AVEC RAV MENA’HEM JUNIK Mon père, Rav Berel Yunik, de mémoire bénie, avait fui la Russie ensemble avec la mère du Rabbi, la Rabbanit ‘Hannah. A son arrivée à New York, quatre ans plus tard, il eut le mérite de tisser des liens étroits avec le Rabbi et la Rabbanit ‘Haya Mouchka. Souvent, il rendait également visite à la Rabbanit ‘Hannah. Les années passant, le Rabbi chargea mon père de diverses missions. Etant un véritable ‘Hassid, mon père ne s’épanchait jamais à ce sujet, tout en faisant tout son possible pour apporter son aide au Rabbi et à la Rabbanit. Grâce à ce mérite, j’ai eu la chance de grandir au sein d’un foyer où tout tournait autour du Rabbi et de la famille du Rabbi. Les conversations à table étaient souvent consacrées à ce qui se passait auprès du Rabbi, et nous avons mérité de parler à la Rabbanit et d’évoluer auprès d’elle. En grandissant, nous avons pu à notre tour assister le Rabbi et la Rabbanit. Les épisodes que je vais raconter sont juste une parcelle des nombreuses conversations et rencontres que nous avons eu le mérite de vivre.
« J’aurais dû vous déposer quelque part… » Un jour, lorsque j’étais encore enfant, nous marchions avec mes frères et mon père le long de Kingston Avenue. Arrivant à l’angle de President Street, nous aperçûmes la voiture de la Rabbanit qui marqua un arrêt devant nous. La Rabbanit nous avait remarqués et reconnus : elle salua mon père. Nous autres, enfants, lui avions fait bonjour de la main, et ce fut une agréable courte rencontre.
Plus tard, mon père avait reçu un coup de fil de sa part, et la Rabbanit surprit mon père en s’excusant auprès de lui de ne pas nous avoir déposés à la maison, expliquant qu’elle ne voulait pas gêner la circulation en s’arrêtant au milieu de Kingston Avenue. Jamais une telle idée n’avait effleuré notre esprit ! La Rabbanit pouvait nous faire monter dans sa voiture ; jamais nous ne nous y attendions, et mon père aurait de toute façon décliné une telle invitation. Cependant, cela l’avait assez perturbée pour qu’elle présente ses excuses de ne pas l’avoir fait. Ça, c’était le niveau de ahavat Israel et de sensibilité que nous avons connu chez la Rabbanit.
Visite de Bar-Mitsva Ma Bar-Mitsva tombait un Chabbat, le 28 Sivan 5739 (1979) et mon père organisa une rencontre avec la Rabbanit avant l’entrée du Chabbat. J’avais déjà rendu visite à la Rabbanit chez elle et lui avais parlé auparavant, à d’autres occasions ; mais ce fut la première fois que je lui parlais seul à seul et j’étais très angoissé. A l’heure prévue, après avoir prié Min’ha au 770, je marchai jusqu’à la maison du Rabbi et je frappai à la porte de derrière. La Rabbanit ouvrit la porte, m’installa à table et discuta de ma Bar-Mitsva. Vu que le Chabbat avait déjà commencé, la Rabbanit s’excusa de ne pas m’offrir de rafraîchissements à table. Je n’y aurais même pas pensé mais, une fois de plus, la Rabbanit avait tenu à s’excuser. Pendant ma visite j’exprimai le désir de réciter une partie de mon maamar de Bar-Mitsva devant elle et elle écouta les premières pages. De cette façon, j’ai eu le mérite d’associer la Rabbanit à la célébration de ma Bar-Mitsva.
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Il le retourna… Le soir de Sim’hat Torah 5746 (1986), le Rabbi tint un Farbrenguen extrêmement animé avant les Hakafot. Après la première si’ha, le Rabbi se leva et dansa pendant que les ‘Hassidim chantaient avec beaucoup d’enthousiasme. Plus tard dans la soirée, quand le Rabbi finit de boire le vin de sa coupe, il la renversa, demandant à tout le monde de retourner leurs verres de la même façon. Le Rabbi a également agité la coupe d’un côté et de l’autre pendant les chants et expliqua par la suite ces mouvements par le nigleh (la Torah dévoilée), comparant ces coupes retournées aux coupelles renversées figurant sur la Menorah, le chandelier du Beit Hamikdach. Ce fut un très lebedike (joyeux) farbrenguen. A la fin du farbrenguen, nous allâmes souhaiter gout yom tov à la Rabbanit qui se trouvait à la bibliothèque près du 770. Docteur Weiss, mon père, quelques-uns de mes frères et moi-même étions présents. J’avais 18 ans à l’époque. Nous étions encore imprégnés de l’ambiance unique de ce farbrenguen. Je flottais carrément sur un nuage, à tel point que je déversai toutes mes impressions devant la Rabbanit. Je lui décrivis comment le Rabbi
s’était levé pour danser, comme il tapait des mains si fort que les jeunes avaient du mal à suivre son rythme, je continuais encore et encore la description de cette incroyable soirée, jusqu’à ce qu’elle m’interrompit, me demandant : « Mais comment ça s’est passé ? Est-ce qu’il était OK ? » Je m’étais tellement emballé à décrire l’exploit physique réalisé par le Rabbi que je réalisai soudain que la Rabbanit était bien sûr inquiète de l’effet que ces efforts auraient sur la santé du Rabbi. Je compris que j’aurais mieux fait de baisser d’un ton ma description exaltée du farbrenguen. Ensuite, il arriva un épisode assez curieux : Je continuais mon récit, en racontant comme le Rabbi avait retourné son verre et avait recommandé à tout le monde de faire de même. De façon extrêmement discrète, tout en continuant à me regarder, la Rabbanit prit un petit flacon d’alcool qui se trouvait sur la table et le retourna. Ce fut un geste furtif, à peine perceptible…Elle se conformait vraiment en tous points aux directives du Rabbi ! Comme je l’ai dit précédemment, nous avions
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emporté l’atmosphère du farbrenguen avec nous, et docteur Weiss se mit à danser et chanter si bien que, peu de temps après, nous étions tous en train de danser tandis que la Rabbanit nous observait avec un plaisir apparent. C’est surtout docteur Weiss qui l’avait réjouie, car il n’était pas un ‘Hassid de naissance. Quelques jours plus tard, j’embarquais avec tout un groupe de ba’hourim pour me rendre à Johannesburg, pour une chli’hout de deux ans. C’était un deuxième groupe de talmidim hachlou’him en Afrique du Sud. Notre départ à l’aéroport était prévu à cinq heures de l’après-midi. Donc après la prière de Min’ha de 15h15, nous nous rendîmes au Gan Eden Hata’htone, dans le vestibule devant le bureau du Rabbi où nous reçûmes une bra’ha du Rabbi. Immédiatement après, tout le monde se précipita chacun chez soi pour les derniers préparatifs du voyage, mais moi je dirigeai mes pas vers le 1304 President Street, la maison du Rabbi, pour dire au revoir à la Rabbanit avant de m’absenter pendant deux ans. Je sonnai à la porte de derrière. La Rabbanit ouvrit et me fit entrer, nous parlâmes de ma chli’hout pendant quelques minutes et je lui dis qu’avec l’aide de Hachem je la reverrais deux ans plus tard. Avant que je parte, elle me glissa une petite bouteille d’alcool qui se trouvait sur la table, me disant : « Tenez, c’est pour vous ». Je remarquai que c’était la même bouteille qu’elle avait retournée la nuit de Sim’hat Torah. Je lui dis au revoir et commençai à marcher dans la rue. Ces adieux furent douloureux pour moi, je savais que la Rabbanit me manquerait. Peut-être pour cette
raison, je me rendis compte que j’avais oublié de lui dire quelque chose et je retournai sur mes pas. Je sonnai, elle m’ouvrit et nous discutâmes encore un peu. Quand je commençai à lui dire au revoir de nouveau, elle m’interrompit : « Mir zeguen zich nit zwei mol » - on ne doit pas dire au revoir deux fois.
Rapports détaillés Alors que je me trouvais en Afrique du Sud, j’adressais à la Rabbanit des lettres, lui décrivant tout ce qui se passait - nos études, les mivtsaïm (les campagnes de Mitsvot) etc. - et je recevais ses impressions en retour via mon père à qui elle racontait avoir reçu mes lettres. Un jour je réalisai un album avec les photos des établissements Loubavitch en Afrique du Sud et, quelque temps plus tard, la Rabbanit le transmit à mon père, avec un message disant que l’album lui avait fait très plaisir et qu’elle l’avait également montré au Rabbi. Je téléphonai de nombreuses fois à la Rabbanit depuis l’Afrique du Sud. Une fois, j’avais une question à poser sur un sujet bien précis et je demandai à la Rabbanit s’il était possible de l’évoquer auprès du Rabbi. Je commençai à lui exposer la question, mais il y avait un grand nombre de détails bien compliqués. La Rabbanit me dit : « Az m’guit epes iber zu dem man, es darf zein exactly vi m’zogt » - « en transmettant le message à mon époux, il faut que je
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le redise très exactement, avec tous les détails ». Par conséquent, me dit-elle, je devrais le mettre par écrit et le lui envoyer. Elle ne voulait pas omettre un détail en transmettant une requête au Rabbi.
un jour prêté un jour pour réciter la bénédiction quand j’étais enfant. C’est comme cela que j’avais compris qu’il s’agissait du Sidour que le Rabbi utilisait chez lui. Mes frères et moi avions l’habitude d’assister la Rabbanit dans différentes tâches ménagères. Je
Un Sidour
rangeais l’appartement de Chabbat, et mes frères aînés avaient même le mérite d’aider la Rabbanit
Quand nous étions enfants, mon père nous emmenait parfois en visite chez la Rabbanit. La première fois que nous sommes venus chez elle, je me souviens comme je suis entré dans la salle à manger où la table était joliment dressée avec des plats et des boissons et nous nous demandions où nous pouvions nous asseoir. Remarquant nos regards interrogatifs, la Rabbanit nous montra un siège, à la tête de la table, et dit : « Dorten ken len nit zitsn » - « Là-bas, on ne s’assoit pas », désignant bien sûr le siège du Rabbi. Alors qu’il était temps de partir, je demandai à la Rabbanit un Sidour pour réciter la bénédiction Al HaMi’hya, et la Rabbanit me donna un vieux Sidour Torah Ohr. Pendant cette visite, mon frère Dovid, qui était très jeune à l’époque, demanda à la Rabbanit si elle avait de la glace. Elle répondit par la négative, ajoutant que la prochaine fois, elle s’arrangerait pour en avoir pour lui. Entendant cela, je sautai sur l’occasion et déclarai que je viendrais également. Je ne voulais pas rater un tel événement, mais la Rabbanit me répondit : « Non, toi, tu dois rester à la Yechiva ».
dans la maison du Rabbi. Cette organisation s’étant pérennisée, la Rabbanit appela un jour ma mère pour savoir si nous l’aidions également à la maison. Elle ne voulait pas qu’on l’aide au détriment de notre propre foyer. La Rabbanit me demanda un jour si je nettoyais la nappe chaque semaine et, en effet, après chaque Chabbat, je portais la nappe à la laverie. Mais la Rabbanit m’a demandé de ne pas dépenser l’argent pour cela. Elle dit que la nappe ne se salissait pas en un seul Chabbat et que je pouvais éviter cet effort et cette dépense inutile.
Shlémout Haaretz
(La Terre d’Israël en entier) Un jour, en rentrant de la Bibliothèque à la maison, un Motsei Chabbat, je discutais avec la Rabbanit dans la voiture, lui décrivant le farbrenguen que le Rabbi avait tenu ce jour-là. C’était en été 5742 (1982), alors que la première guerre du Liban faisait rage. Pendant le farbrenguen, le Rabbi avait parlé des dernières
La Bibliothèque
nouvelles du front. Il était bouleversé et avait évoqué en termes sévères le fait que l’armée israélienne
A partir de 5742 (1982), le Rabbi et la Rabbanit passèrent Chabbat dans la bibliothèque. Plus tard, en 5744, le bâtiment a été prolongé d’une annexe pour y installer leur appartement. Mes frères et moi-même y faisions le ménage et préparions les chambres pour l’arrivée du Rabbi et de la Rabbanit. Pour chaque Chabbat, la Rabbanit me chargeait d’y porter la nourriture et le même Sidour qu’elle m’avait
n’utilisait pas toute sa force de frappe pour conquérir provisoirement Beyrouth et finir totalement le travail qui devait être fait. La
Rabbanit
enchaîna,
exprimant
les
mêmes
sentiments, parlant avec force de ce sujet, exactement comme le Rabbi l’avait fait lors du farbrenguen. Traduit par Maxime et Tsipora Kant
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RAV LEVI AZIMOV RACONTE... En l’honneur du mois de Tichri, les Hassidim affrétèrent un avion-charter d’Erets Israël pour New-York, comme ils l’avaient déjà fait dans le passé. Après Tichri, l’avion s’envola pour Erets Israël ; après un petit moment, le Rabbi demanda à son secrétariat : qu’est-il arrivé avec le charter ? Ils ne comprenaient pas ce que le Rabbi demandait, l’avion venait de décoller. Quelques instants plus tard, la nouvelle est arrivée au 770 que l’un des moteurs de l’avion avait pris feu en plein vol, et qu’ils avaient pu retourner à New-York, sains et saufs. Le Rabbi leur donna des instructions, en autres de réciter un maamar de Hassidout à l’aéroport, ils purent ainsi repartir le lendemain matin. Ceci est la fameuse histoire du charter. Mais moins connue est la partie qui se cache derrière cette histoire. Mes parents Rav Shmouel et Bassie Azimov faisaient partie de ce voyage auquel ils s’étaient joints lors de son escale parisienne. Le jour du départ, avant même que soit programmé le vol de retour, mes parents rendirent visite à la Rebbetsen, avec mon frère Mendel, bébé à cette époque, et mon grand-père Rav Bentzion Chemtov. Durant leur conversation, la Rebbetzen demanda : ‘’Quand partez-vous ? ‘’ Mon père répondit :’’ce soir.’’
La Rebbetzen demanda encore, à deux reprises :’’Quand partez-vous ? Mon père répondit : ‘’ce soir’’. Quand ils se séparèrent, mon père discuta avec son beau-père, Rav Bentsion Chemtov, et tous deux comprirent qu’il y aurait un problème avec ce voyage, peut-être devraient-ils y renoncer ? Finalement, ils décidèrent de prendre ce vol et c’est là que le moteur prit feu. Il y a plusieurs messages que l’on peut tirer de cette histoire. Le premier est évidemment le roua’h hakodech de la Rebbetzen. Mais à un niveau différent, peut-être plus profond, c’est une leçon sur la manière d’être un Hassid. Beaucoup, présents devant une telle situation auraient haussé les épaules, s’étonnant qu’elle ait posé la question trois fois. Qui aurait pu dire que cela avait une signification ? Mais des Hassidim plus engagés savaient qu’il y avait là un sens plus profond. Après le déroulement de l’histoire, le roua’h hakodech se révéla de manière flagrante, peu de temps après. C’est ainsi que mon père nous racontait cette histoire, pour illustrer la façon dont on doit prendre en compte un mot de la Rebbetzen.
Lors d’une visite chez la Rebbetzen, mes parents remarquèrent un certain cadeau que quelqu’un avait offert. A leur départ, la Rebbetzen les accompagna à la porte et ma mère la complimenta sur le cadeau reçu. La Rebbetzen répondit :’’ ce ne sont pas des cadeaux comme ceux-là dont nous avons besoin.’’ Ma mère saisit l’opportunité de demander :’’ Quels sont les cadeaux qui pourraient satisfaire le Rabbi et la Rebbetzen ?’’ La Rebbetzen répondit : ‘’un cours pour les jeunes, c’est cela qui procure de la satisfaction.’’
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Roch Hodech Kislev 5748 (1987) fut un moment de grande joie pour Loubavitch. Le procès des livres était définitivement terminé et ma famille, comme de nombreux Hassidim du monde entier, vinrent célébrer ce moment, avec le Rabbi. Quand les livres arrivèrent, lundi 2 Kislev, ma mère se rendit immédiatement à une cabine téléphonique pour appeler la Rebbetzen et lui souhaiter mazel tov. La Rebbetzen lui demanda immédiatement :’’Qui est ici (de la famille) ? Ma mère lui dit que toute la famille
Du fait que la Rebbetzen avait demandé que chacun vienne, ma mère comprit que cela concernait la famille élargie, et Rav Nachman Sudak et son épouse (la sœur et le beau-frère de ma mère) vinrent avec nous. Durant cette visite, mon père et Rav Sudak firent un compte-rendu de leurs activités, et la Rebbetzen parla peu à l’exception de quelques mots de temps en temps. A un moment, elle dit : ‘’Vous devez savoir que nous sommes contents de vous.’’
La Rebbetzen lui dit :’’ Vous pouvez venir
Plus d’une fois lors de la conversation, la Rebbetzen remarqua :’’Maintenant une nouvelle ère commence.’’
demain.’’
Quelques mois plus tard, ce fut ‘Haf Beth Chevat…
était là et que même ma sœur avait voyagé de Paris.
C’était là quelque chose de très spécial, car nous n’avions jamais rendu visite, la famille au complet.
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QUELQUES ANECDOTES EDIFIANTES
chka au sujet de la Rabbanit ‘Haya Mou
L
’épouse du Rabbi, la Rabbanit ‘Haya
son époux de prendre sa succession, sachant fort
Mouchka eut plusieurs fois l’occasion
bien ce que cela impliquerait pour elle. Elle restait
d’accomplir de dangereuses missions.
éveillée jusqu’à ce que le Rabbi rentre, le soir, tard, à
Avant le mariage de la Rabbanit, son père, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak l’envoya plusieurs
fois à la Yechiva Novardok qui fonctionnait clandestinement à Rostov, afin d’y apporter de la nourriture cachère et des bougies. C’était juste après la Révolution d’Octobre, quand de féroces combats déchiraient la population civile et que les gens étaient abattus dans les rues sans autre forme de procès. Confiante dans la nécessité absolue de ravitailler des jeunes gens désireux d’étudier la Torah, la Rabbanit ‘Haya Mouchka n’hésita pas à mettre sa vie en danger et à acheminer la nourriture et les bougies à cette Yechiva.
la maison. Et elle se levait tôt le matin pour prendre avec lui une tasse de café. Par tous les moyens possibles, elle assurait au Rabbi un maximum de sérénité, en évitant de lui causer souci et peine.
Elle fuyait les honneurs Quand elle faisait des courses, elle demandait à son secrétaire de l’emmener dans un centre commercial où personne ne la reconnaîtrait. C’est ainsi qu’un jour, elle se rendit dans un certain magasin pour acheter un manteau : or la Rabbanit de Satmar s’y trouvait justement elle aussi ! La dame accompagnant la Rabbanit de Satmar reconnut la Rabbanit ‘Haya Mouchka et en informa à voix basse la Rabbanit de Satmar. Aussitôt, celle-
Après la Histalkout (le décès) de son père, Rabbi
ci se précipita à la rencontre de l’illustre cliente, lui
Yossef Its’hak, ce fut elle qui persuada le Rabbi
serra chaleureusement la main et entama avec elle
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une conversation animée et cordiale. En quittant le magasin, la Rabbanit ‘Haya Mouchka déclara qu’elle ne se rendrait plus dans ce magasin où elle était maintenant reconnue. Une autre fois elle affirma : « Je ne peux pas faire mes courses dans des magasins où on me connaît parce que les gens se croiraient obligés de m’accorder une attention particulière, ce que je ne souhaite absolument pas ! » De fait, nombreux étaient les gens qui habitaient durant des années dans son quartier et qui ne l’avaient jamais vue. Nombreux sont ceux qui n’ont connu son visage qu’après son départ de ce monde, quand on publia de rares photos d’elle. Telle était la Rabbanit ‘Haya Mouchka : l’exemple même de la dignité, de l’humilité et de la royauté véritable.
m’a conseillé de m’engager à accomplir une Mitsva supplémentaire. En effet, me dit-il, la bénédiction agit comme la pluie qui peut rendre fertile un champ préparé et labouré. Je m’engageai à allumer les bougies de Chabbat le vendredi soir. Cela fait deux ans et nous n’avons toujours pas d’enfant ! La Rabbanit tenta de la calmer : « Moi non plus... » Mais la bibliothécaire éclata en sanglots : « Je suis désolée pour vous mais moi, je suis une rescapée de la Shoa. J’ai survécu aux camps d’extermination et je suis la seule survivante de toute ma famille. C’est pourquoi il est si important pour moi d’avoir des enfants, afin que notre famille ne soit pas effacée ! » La Rabbanit demanda : « Qu’est-ce que mon mari vous a dit, exactement ? » – Il m’a dit d’allumer les bougies de Chabbat !
(Malka Schwartz - N’shei Chabad Newsletter)
La Rabbanit se rendait souvent dans une bibliothèque à Manhattan. Un jour, alors qu’elle présentait sa carte de membre, l’employée remarqua son nom et lui demanda : – Êtes-vous de la famille du célèbre Rabbi, à Brooklyn ? » – Oui. – De quelle façon ? insista la jeune femme. – C’est mon mari, avoua la Rabbanit. L’employée se mit alors à se plaindre du Rabbi. Elle expliqua que, mariée depuis plusieurs années, elle n’avait pas d’enfant : « Sur le conseil de mes amis, j’ai fait l’effort d’aller voir le Rabbi ; il m’a bénie et
– C’est bien ce que vous faites ? – Mais oui ! – Et comment le faites-vous ? continua la Rabbanit. – Chaque vendredi, quand mon mari revient du travail, j’allume les bougies vers 19h ou 20h. Patiemment, la Rabbanit expliqua qu’il fallait allumer les bougies avant le coucher du soleil, en accord avec les horaires imprimés sur les calendriers hébraïques. La bibliothécaire avait écouté attentivement : elle s’engagea à allumer les bougies à l’heure voulue. Dix mois plus tard, elle serrait son fils dans ses bras… Elle garda contact avec la Rabbanit et lui rendit même visite plusieurs fois.
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Après son mariage (en 1927), la Rabbanit s’installa avec le Rabbi à Berlin où il poursuivait ses études. Avec l’ascension des Nazis au pouvoir, tous deux s’enfuirent en France. Le frère du Rabbi, Rabbi Israël Arié Leib vivait également en France à cette époque et désirait s’établir en Terre Sainte, en Erets Israël qu’on appelait la Palestine. Pour cela, il avait besoin de certificats que seul le gouvernement allemand pouvait lui procurer. Le Rabbi voulut d’abord se rendre en Allemagne pour son frère mais sachant que les Nazis emprisonnaient à tour de bras tous les rabbins et notables juifs importants, la Rabbanit proposa de s’y rendre elle-même. Cela signifiait se jeter dans la gueule du lion mais elle n’hésita pas. Quand elle arriva en Allemagne, les officiers nazis lui demandèrent de décliner son identité et celle des membres de sa famille. Quelle ne fut pas leur surprise quand elle déclara s’appeler Schneersohn, que son père aussi s’appelait Schneersohn (de fait, elle était une lointaine cousine de son mari) et même le nom de jeune fille de sa mère était Schneersohn. On la soupçonna de mentir (or, bien plus tard, la Rabbanit remarquait qu’elle n’avait jamais dit quelque chose qui ne soit pas vrai…). Les officiers nazis enregistrèrent sa déposition dans leurs dossiers tout en promettant que, dès qu’ils prendraient Paris (!), ils se mettraient à sa recherche ! Mais malgré leurs soupçons, elle réussit à obtenir les précieux documents…
U
n jour, la Rabbanit tomba et se brisa une côte. Elle aurait dû être opérée immédiatement mais cela n’était pas possible, à cause d’un autre problème de santé. Hospitalisée, elle souffrait énormément et était très pâle. J’organisais pour elle un roulement de trois infirmières privées qui s’occupaient uniquement d’elle, huit heures par jour. A la fin du jeûne du 9 Av, nous avons appris que le Rabbi allait se rendre à l’hôpital. Je dois préciser que, durant toutes ses hospitalisations, je n’ai jamais pénétré dans la chambre de la Rabbanit afin de respecter son besoin d’intimité. Je restais dans le couloir afin d’être disponible pour les infirmières. Après avoir entendu que le Rabbi allait arriver, je vis
l’infirmière sortir bouleversée de la chambre. Des larmes coulaient même sur ses joues tandis qu’elle m’expliqua : « Jamais je n’ai vu une femme aussi extraordinaire. Quand elle a appris que son mari – le Rabbi – allait arriver, elle m’a demandé de l’aider à mieux s’habiller et à se maquiller afin de masquer sa pâleur et ne pas lui causer de peine ! »
Même après qu’elle eut quitté l’hôpital, nous avons continué avec des infirmières privées qui se succédaient à son chevet toutes les huit heures. Ceci dura environ un an. C’est moi qui m’occupais de tout et je demandai à la présidente de cet organisme privé de ne proposer que des infirmières particulièrement courtoises et discrètes. Je dois préciser que jamais la Rabbanit ne m’avait demandé quoi que ce soit. Elle ne supportait pas d’importuner les autres bien que tous se seraient fait une joie et un honneur de lui rendre service. Cependant un dimanche particulièrement froid et pluvieux, elle me téléphona : « J’ai un très grand service à te demander, s’excusa-t-elle, mais il m’est pénible de te déranger ! » – Rabbanit, m’empressais-je d’affirmer, c’est avec joie que je ferai pour vous tout mon possible ! C’est un grand privilège ! – Voilà ! Je me sens beaucoup mieux mais il est déjà huit heures vingt et l’infirmière suivante n’est pas encore arrivée. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas mais mon mari refuse de quitter la maison pour se rendre au « 770 » tant que je serai seule. Pourrais-tu téléphoner au bureau des infirmières pour t’informer de la raison de ce retard ? Tout en l’écoutant, je me disais qu’à l’étage, le Rabbi disposait d’une pièce dans laquelle il pouvait travailler, avec des dizaines, des centaines de livres à sa disposition. Mais la Rabbanit savait que du travail important l’attendait au « 770 », qu’il avait peutêtre besoin de ses secrétaires, que des gens cherchaient probablement à lui parler… Pour éviter de faire perdre son temps au Rabbi, la Rabbanit avait fait une entorse à ses principes et, contrairement à son habitude, elle m’avait demandé un service… Bien sûr, j’ai immédiatement téléphoné à la compagnie afin d’obtenir qu’une infirmière se déplace
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dans les plus brefs délais : nous lui avons payé le taxi et l’avons généreusement rémunérée afin de rassurer le Rabbi et la Rabbanit.
Un jour, un docteur arriva de Floride et sonna à la porte de la maison du Rabbi. Il apportait une corbeille de fruits et de fleurs pour le Rabbi, de son propre jardin. Une femme lui ouvrit. Il lui tendit le panier en précisant : « C’est un panier pour le Rabbi en l’honneur de la fête de Pourim de la part de Docteur P. ». La femme le remercia et, pensant que c’était un livreur, partit chercher un billet de cinq dollars pour lui donner un pourboire. – Non ! Je suis moi-même le Docteur P. et je n’ai pas besoin de pourboire ! s’écria-t-il. – Alors venez ! Entrez ! – Qui êtes-vous ? demanda-t-il, curieux. – Je suis la personne qui s’occupe de la maison, répondit-elle ; par ailleurs, je suis aussi la cousine du Rabbi. Le Docteur se dit que c’était vraiment une très bonne idée que le Rabbi et la Rabbanit disposent d’une aide aussi agréable et d’aussi noble caractère, sans doute une femme d’origine russe à en juger par son accent… Il lui raconta qu’il possédait un très beau jardin derrière sa maison et qu’il aurait tant voulu inviter le Rabbi et la Rabbanit chez lui. Ils jouiraient de tout le confort et d’une discrétion parfaite puisque le jardin était entouré d’arbres très serrés. De plus, en Floride, il fait chaud même en hiver etc… « Pourriez-vous transmettre cette proposition au Rabbi et à la Rabbanit ? » Elle répondit avec beaucoup de naturel
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: « Je transmettrai vos paroles exactement. » Ce docteur sortit, émerveillé : « Quelle femme remarquable. Quelle bénédiction que le Rabbi et la Rabbanit aient à leur disposition une femme aussi distinguée ! » Il en parla à ses amis, les ‘Hassidim. Ceux-ci, suspicieux, l’écoutèrent et lui demandèrent plus de détails. Finalement l’un d’eux remarqua : « Ce devait être la Rabbanit elle-même ! »
Pour elle, la discrétion était innée. C’est le propre de la fondation d’une maison : peu importe les apparences (d’ailleurs on ne les voit pas) mais sur elle repose tout le bâtiment...
– Pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ? protesta le Docteur P. Puis il réfléchit : « Elle m’a dit qu’elle s’occupe de la maison, et c’est vrai ; qu’elle était la cousine du Rabbi et c’est vrai aussi... » (Esther Sternberg - Michpa’ha ‘hassidit n°1223)
N
ous ne connaissons pas grand-chose de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson, la défunte épouse du Rabbi de Loubavitch. Elle tenait par dessus tout à ne pas se faire remarquer : quand elle allait au 770 Eastern Parkway, le quartier général du mouvement Loubavitch à Brooklyn, pour rendre visite à sa mère et sa sœur, elle veillait à ce que ce soit un moment où nul ne se trouvait alentour. Pour elle, la discrétion était innée. C’est le propre de la fondation d’une maison : peu importe les apparences (d’ailleurs on ne les voit pas) mais sur elle repose tout le bâtiment...
En 1950, à la mort du précédent Rabbi de Loubavitch, les ‘Hassidim supplièrent Rabbi Mena’hem Mendel
Schneerson, son gendre, de lui succéder. Mais il refusa de prendre la tête du mouvement. Ce fut son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka qui le persuada d’accepter cette charge écrasante quand elle déclara : « Je ne peux permettre au sacrifice personnel de mon père durant trente ans de s’arrêter ainsi ! » Elle savait mieux que quiconque ce que cela signifiait pour sa vie privée mais elle fit don de son mari et de sa propre vie au peuple juif.
Un jeune couple de Chlou’him (émissaires du Rabbi) eut le privilège de rendre visite à la Rabbanit avant son mariage. Elle demanda au fiancé : « Êtes-vous le petit-fils du ‘Hassid, Reb… ? » Il répondit par l’affirmative. Elle hocha la tête, joyeusement : « Dans ce cas, je suis sûre que vos enfants parleront le yiddish ! » De nombreuses années passèrent. Le jeune couple n’avait toujours pas d’enfants mais ne désespérait pas : « Nous n’étions pas inquiets puisque la Rabbanit nous avait dit de parler yiddish à nos enfants : pour cela, il fallait bien que nous ayons des enfants ! Et nous étions sûrs que nous aurions plus qu’un enfant puisqu’elle avait parlé au pluriel : « Vos enfants ». Pas un instant nous n’avons perdu espoir puisque nous avions la bénédiction de la Rabbanit ! » Après 14 ans de mariage, ce couple de Chlou’him mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille. Ils les nommèrent Mena’hem Mendel et ‘Haya Mouchka. (Rav Shmuel Lew - L’Chaïm)
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LA RABBANIT PAR RAV MENDEL NOTIK
Les ‘Hassidim qui eurent le privilège de connaitre la Rabbanit ne furent pas nombreux. Reb Mendel Notik servit de secrétaire de la demeure du Rabbi et de la Rabbanit, de 1977 à 1979. Cette période relativement courte fut pour lui comme une éternité dont il chérit chaque souvenir. Voici quelques épisodes que Rav Notik a accepté de nous confier dans une de ses rares interviews. 24
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C
’est à l’âge de 15 ans environ que Reb Mendel arriva de France à New York. Il se fit remarquer comme un garçon débrouillard, honnête et responsable. Quelques années plus tard, on lui proposa de passer au service de la maison du Rabbi et de la Rabbanit sur President Street. Comme on l’imagine, il hésita, se demandant s’il était convenable d’accepter un tel job mais, après avoir mûrement réfléchi, il réalisa que c’était bientôt Pessa’h et que la Rabbanit avait sûrement besoin d’aide dans la maison et il accepta. « Je composai le numéro de téléphone de la maison du Rabbi et expliquai à la Rabbanit que j’étais le jeune homme à qui on avait proposé de travailler dans sa maison. Elle répondit que je devais venir chez elle quand je serai prêt et qu’elle laisserait la porte arrière de la maison ouverte pour moi. Le cœur battant, je me dirigeai donc vers cette maison au 1304 Président Street pour ma première journée de travail. J’entrai dans la maison par la porte arrière comme on me l’avait demandé et je fus accueilli par la Rabbanit. Je lui demandai comment je pouvais l’aider et elle me dit que les murs de la cuisine devaient être lessivés : elle me tendit un seau d’eau et un chiffon. La Rabbanit ajouta qu’elle devait se rendre à l’étage et que si j’avais besoin de quelque chose, je n’avais qu’à l’appeler. J’étais surpris : moi, un jeune garçon, je devais appeler la Rabbanit ? Cela ne me semblait pas correct ! Mais je n’osai rien dire. Avant de quitter la cuisine, la Rabbanit se tourna vers le réfrigérateur et me demanda si je voulais du jus d’orange ou de la limonade. Je répondis aux deux propositions par l’affirmative. Ensuite elle me conseilla de noter par écrit le nombre d’heures que j’effectuais afin qu’elle puisse me payer. J’étais dans un état de choc : je ne pouvais pas imaginer être payé pour un tel privilège. Je rassemblai tout mon courage et affirmai à la Rabbanit qu’il n’était pas question pour moi de me faire payer ! La Rabbanit insista que je devais être payé et conclut qu’un compte devait être fait ; si je devais changer d’avis, l’argent serait mis de côté pour moi.
La partie la plus importante de mon travail consistait à prendre livraison des commandes des différents magasins et de les poser devant la porte arrière de la maison. Mais, au fur et à mesure, je compris que la Rabbanit essayait de diminuer le travail qu’elle me donnait et je n’avais qu’à passer du temps avec la Rabbanit l’après-midi : soit je lui téléphonai pour savoir si elle désirait que je vienne soit elle me téléphonait et m’invitait à prendre le thé. Souvent, à sa demande, je l’accompagnai dans les différents endroits où elle désirait se rendre : dans ce cas, elle venait discrètement me prendre sur Unions Street ou près du Kollel ». Mendel n’avait pas d’emploi du temps fixe et gérait son temps en fonction des appels de la Rabbanit au téléphone qu’il avait dans sa chambre au 770 Eastern Parkway. Chaque fois, elle s’excusait ou ajoutait : « Si ce n’est pas trop difficile pour vous » ou d’autres formules. Ce qui étonnait Mendel, c’est que la Rabbanit semblait connaitre son emploi du temps quotidien : elle ne l’appelait qu’une fois qu’il était réveillé et jamais une minute plus tôt. « Une fois, la Rabbanit me téléphona et me demanda si je pouvais l’accompagner quelque part. Je répondis que je venais immédiatement chez elle. Alors elle ajouta que, si je n’avais pas encore prié, elle trouverait quelqu’un d’autre. Je lui répondis que, de temps en temps, je priai plus tard que d’habitude et que ce n’était donc pas un problème. Elle répliqua : « On m’a appris que la première chose qu’on fait le matin, c’est prier ! » et elle déclara qu’elle irait toute seule.
« Eïgene » Plusieurs fois, la Rabbanit remarquait que, pour des « eïgene » (les personnes qui entrent dans la maison des Rébbéim pour vaquer aux tâches quotidiennes), il ne convenait pas d’accomplir certaines corvées. Une fois que Mendel eut travaillé un certain temps, elle déclara qu’il était maintenant un « eïgene » et qu’il ne convenait donc pas qu’il accomplisse certaines tâches. A une occasion, la Rabbanit fit remarquer que des chemises en haut devaient être repassées et
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suspendues mais que la femme de ménage préposée à cela n’était pas encore arrivée. Mendel proposa immédiatement de s’en charger mais la Rabbanit refusa en insistant que ce n’était absolument pas son rôle. Quelques minutes plus tard, elle reçut un coup de téléphone. Discrètement, Mendel en profita pour monter s’occuper des chemises puis redescendit. Le lendemain, la Rabbanit téléphona à Mendel pour lui exprimer son mécontentement devant ce qu’il avait fait. Un jour, un groupe de Barou’him vint du 770 pour dégager l’allée devant la maison du Rabbi et de la Rabbanit. Mendel se joignit à eux. Il n’avait pas réalisé que la Rabbanit regardait depuis la fenêtre pendant toute l’intervention. Quand il rencontra la Rabbanit un peu après, elle lui dit que ce n’était pas son rôle. Il répondit qu’il avait agi pour le Rabbi (et que la Rabbanit ne devait pas en concevoir une gêne) mais elle insista que c’était un travail qui n’était pas pour lui, que d’autres que lui pouvaient le faire et qu’il n’y avait pas de raison qu’il s’occupe de cela. De même, il y eut une période où les Barou’him avaient organisé une sorte de surveillance autour de la maison du Rabbi durant la nuit. Ils s’installaient dans une voiture de l’autre côté de la rue pour s’assurer que personne n’approchait de la maison. Une nuit, alors que Mendel était de garde, ils aperçurent une femme,
visiblement bouleversée, qui sonnait à la porte. Ils sautèrent de la voiture et une petite altercation s’en suivit jusqu’à ce que la femme raconte son histoire, ce qui calma la situation. Apparemment elle avait subi plusieurs épisodes troublants et, comme elle avait vraiment besoin d’aide, quelqu’un lui avait conseillé de demander l’avis de la Rabbanit. La Rabbanit avait remarqué l’incident et avait vu que Mendel figurait parmi les Barou’him. Quand elle revit Mendel par la suite, elle affirma qu’il devait prendre soin de sa santé et dormir la nuit : d’autres personnes que lui pouvaient s’acquitter de cela ! Ce genre d’histoires se répétait encore et encore, la Rabbanit insistant qu’un « eïgene » ne devait pas en faire trop ! La Rabbanit s’occupait aussi des besoins personnels de Mendel. Un jour, elle lui dit en passant qu’elle avait mis de l’argent de côté pour qu’il s’achète un nouveau manteau. Elle proposa même de l’accompagner dans le magasin pour l’aider à choisir ! Mais, soucieux de ne pas déranger la Rabbanit, Mendel refusa et lui demanda juste qu’elle lui indique quel modèle serait le meilleur. Une autre fois, elle lui donna de l’argent pour qu’il s’achète un nouveau costume et lui indiqua spécifiquement lequel choisir. Mendel se rappelle avec nostalgie le jour où la Rabbanit lui avait préparé du melon et avait même soigneusement enlevé tous les pépins ! Une autre fois, elle lui demanda s’il aimait les grenades et il répondit par l’affirmative. Quand il arriva le lendemain, il vit que la Rabbanit lui avait préparé tout un bol de graines de grenades ! Elle avait donc pris la peine d’acheter ces fruits, les avait ouverts et épépinés de telle sorte qu’il n’y avait pas même une seule trace de blanc dans le bol ! Elle lui envoya un télégramme le jour de son mariage : bien qu’il ait souvent rencontré la Rabbanit pendant la période qui avait précédé et qu’elle lui avait souvent souhaité Mazal Tov, elle avait néanmoins pris la peine de lui envoyer ses souhaits par écrit le jour-même du mariage. A l’époque du mariage, la Rabbanit renvoya l’enveloppe inclue dans le faire-part en y mettant de l’argent comme cadeau, en précisant que l’argent
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devait servir à acheter quelque chose pour la maison. Mendel et son épouse achetèrent avec cela un appareil à air conditionné. Quand il en informa la Rabbanit, elle en fut très contente, remarquant que l’argent avait été bien employé.
Rencontres avec le Rabbi Comme Mendel se trouvait souvent dans cette maison, il envisageait avec appréhension l’idée de rencontrer le Rabbi dans cet environnement si personnel. Il tentait donc toujours de quitter la maison avant l’arrivée du Rabbi mais il arrivait que le Rabbi entre alors qu’il était encore présent et il essayait alors de s’éclipser sans que le Rabbi le remarque. Mais il y eut des exceptions. « Un jour, je me trouvais dans la cuisine et je mangeais quelque chose que la Rabbanit m’avait préparé. Soudain j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir et je fus pétrifié : d’une part, je ne pouvais pas décemment abandonner mon assiette, ce qui aurait constitué un mépris pour le repas de la Rabbanit. Mais, d’autre part, je ne voulais vraiment pas que le Rabbi me voit ainsi ! J’écoutais, de plus en plus gêné, surtout quand je réalisai que le Rabbi apportait une commande qui avait été laissé devant la porte d’entrée au lieu de la porte arrière comme d’habitude. La Rabbanit sortit de la cuisine, vit le Rabbi qui portait les sacs et s’exclama : « Vous ne devez pas le faire vous-même ! Notik est là, il va s’en charger ! ». Le Rabbi répondit : « Notik est aussi un Juif », comme pour signifier qu’il n’y avait pas de différence entre le travail effectué par le Rabbi ou par Notik ! Une autre fois, juste avant Pessa’h, la Rabbanit me demanda de prendre une commande du magasin de Raskin et je savais que je devais me dépêcher parce que le Rabbi rentrerait plus tôt pour effectuer bedikat ‘hametz ; quand j’arrivai, je sentis mon cœur battre à
tout rompre en apercevant la lueur d’une bougie qui se déplaçait dans le basement (la cave aménagée): le Rabbi était déjà là et avait commencé la Bedika ! Je calculai mentalement que si le Rabbi avait commencé par le basement, il monterait au rez-dechaussée dans quelques secondes pour continuer la Bedika. Je me précipitai dans la maison, apportai les paquets dans la cuisine et me préparai à ressortir rapidement. La Rabbanit se tourna vers moi et suggéra que, puisque la cuisine de la Yechiva était certainement fermée et que je n’avais pas encore pris le dîner, elle me préparerait quelque chose à manger ! J’étais très nerveux car, certainement, le Rabbi monterait pour continuer la Bedika mais je n’avais pas le choix. A l’arrière de la maison, il y avait une petite pièce et je choisis de m’y cacher. Bien entendu, le Rabbi entra dans la cuisine puis se dirigea directement vers la petite pièce où je m‘étais caché. Le Rabbi se tenait dans l’embrasure de la porte et me regarda : j’étais pétrifié et ne savais comment me sortir de là : la pièce était juste assez grande pour une personne et je ne pouvais pas en sortir pour laisser le Rabbi entrer puisqu’il se tenait dans la porte ! Soudain le Rabbi me demanda : - Jeune homme ! Avez-vous déjà pris quelque chose ? - Non, répondis-je en tremblant. Ce dialogue se répéta trois fois et j’étais de plus en plus déstabilisé. Puis le Rabbi me demanda si quelque chose trainait par terre. Je répondis que oui, un petit quelque chose à mettre à la poubelle, donc rien d’important. Le Rabbi rétorqua : « C’est justement cela que je recherche ! ». Apparemment c’était un morceau de ‘Hametz que le Rabbi avait préparé. Je l’avais remarqué sur le sol, à côté de la poubelle et pensai que c’était un détritus. Donc je l’avais mis dans ma poche pour le jeter plus tard dans l’une des grandes poubelles à l’extérieur. Je le
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tendis au Rabbi et il quitta la cuisine. Je sortis de ma cachette et entendis la Rabbanit s’adresser au Rabbi avec un grand sourire : « Chaque fois que Notik vous voit, il est réellement terrifié ! ». Cela me rappelle une autre histoire qui se passa quand le Rabbi entra dans la maison alors que je m’y trouvais encore. Un peu plus tôt, quand j’étais entré, j’avais remarqué que la Rabbanit recevait des invités venus de l’étranger. Elle me proposa de goûter les rafraichissements restés sur la table. Sur la table était posé un jouet en argent de grande valeur que les invités avaient offert à la Rabbanit : elle me demanda de faire tourner ce jouet et il commença à émettre un chant juif très connu. Comme je l’avais tourné vigoureusement, il continua à chanter très longtemps et, soudain, le Rabbi entra dans le salon. Je pâlis mais la Rabbanit expliqua au Rabbi : « Notik vous a préparé un accueil en fanfare ! ».
Pourim A Pourim, il y avait toujours beaucoup d’agitation dans la maison donc Mendel tenait à venir pour parer à toute éventualité. Les gens entraient et sortaient sans discontinuer pour apporter des Michloa’h Manot très spéciaux pour le Rabbi et la Rabbanit et le téléphone n’arrêtait pas, les gens souhaitaient une bonne fête de tous les coins du monde. Souvent le Rabbi arborait un nouveau chapeau à Pourim. On apportait un choix de chapeaux et la Rabbanit, voulant économiser le temps du Rabbi, les disposait soigneusement sur les dossiers des chaises du salon. Le Rabbi entrait et essayait différents modèles ; une fois qu’il en avait choisi un, il s’asseyait et prenait le repas de Pourim avec la Rabbanit. Mais il était toujours très pressé puisque, tout de suite après, il allait au 770 pour le grand farbrenguen de Pourim. Une fois, alors que le Rabbi s’apprêtait à partir, le Rabbanit fit signe à Mendel de le raccompagner jusqu’à la porte. En tremblant, Mendel marcha devant le Rabbi jusqu’à la porte et s’apprêta à l’ouvrir. Quand le Rabbi arriva à la porte, il sourit à Mendel et lui souhaita un joyeux Pourim. Et la Rabbanit remarqua une fois de plus : « Chaque fois que Notik vous voit,
il est terrifié ! ». Quand Mendel ouvrit la porte pour le Rabbi, un groupe de jeunes filles se tenait devant la porte avec un énorme panier contenant des Michloa’h Manot. Elles n’avaient pas remarqué que c’était le Rabbi qui était à la porte et elles lancèrent le panier en sa direction. Le Rabbi sourit et désigna derrière son épaule Mendel. Paniquées, les filles firent pratiquement tomber le panier tandis que le Rabbi descendit prestement les marches et disparut dans sa voiture qui démarra en trombe.
Chemini Atséret 1977, une nuit fatidique Quelques heures avant Chemini Atséret, je parlai avec la Rabbanit et m’apprêtai à me rendre au 770 pour Yom Tov quand, soudain, la Rabbanit me demanda abruptement : « Quel Séfer Torah mon beau-frère (le Rav Chmariaou Gourari, mari de sa sœur ‘Hanna) utilise-t-il ? ». (On se souvient que le Rabbi dansait avec son beau-frère le Rav Gourari pendant les Hakafot). Je répondis qu’il prenait un petit Séfer Torah. Elle continua : « Et mon mari ? ». Je répondis qu’il prenait aussi un petit Séfer Torah ». « En es-tu sûr ? » insista-t-elle. Je la rassurai, cela faisait déjà plusieurs années que j’assistais aux Hakafot au 770 et le Rabbi prenait toujours un petit Séfer Torah. Mais la Rabbanit n’était pas satisfaite : « Demande aux secrétaires de s’assurer que seul le petit Séfer Torah soit utilisé ! ». On connait la suite des événements : cette nuit-là, pendant les Hakafot, le Rabbi souffrit d’une crise cardiaque et resta dans son bureau aménagé en salle d’hôpital : les soins lui furent prodigués par les plus grands médecins de toute l’Amérique. Six semaines plus tard, Roch Hodech Kislev, des rumeurs circulèrent comme quoi le Rabbi rentrerait peut-être chez lui pour la première fois depuis cette nuit fatidique. Bien que nul ne puisse vérifier ces rumeurs, plus de 300 ‘Hassidim se rassemblèrent devant le 770. C’était une nuit très froide mais l’excitation des ‘Hassidim était à son comble. La Rabbanit regardait la scène depuis le bureau du Rabbi précédent au second étage et on avait éteint les lumières pour que personne ne la remarque. J’ai
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eu le mérite d’être présent avec elle, avec un autre jeune homme. Les médecins discutaient âprement de la situation car, si le Rabbi rentrait chez lui, il ne serait plus sous leur surveillance constante. Il était près de 21 heures, la foule attendait en chantant faiblement. Soudain le Rabbi apparut dans la porte du 770 et la foule s’enthousiasma, comme électrifiée, avec un joyeux Nigoun, les gens cherchant à mieux voir le Rabbi. De là où se tenait la Rabbanit, l’émotion était palpable, on sentait l’amour que les ‘Hassidim portaient au Rabbi : comme la Rabbanit ne se trouvait pas souvent au 770, elle n’en était pas souvent témoin et pour elle, ce fut un moment absolument unique. Quand je regardai la Rabbanit, j’éclatai en sanglots. Bien que la pièce ne fût pas éclairée, j’eux l’impression qu’elle pleurait elle aussi et elle s’exclama : « Quel groupe important ! ». Elle regardait encore et encore et son visage exprimait une réelle fierté. Nous avons regardé tandis que le Rabbi descendait les marches et entrait dans la voiture. Une fois qu’il fut parti, la Rabbanit s’apprêta elle aussi à partir : je lui demandai si je devais venir un peu plus tard chez elle si elle avait besoin de quoi que ce soit. Elle déclina l’offre, affirmant que tout irait bien et qu’elle me téléphonerait par la suite pour me le confirmer. Après Sim’hat Torah, le Rabbi cessa de marcher de chez lui au 770 le Chabbat et restait au 770 avec la
Rabbanit. Ceci se poursuivit jusqu’en Nissane, quand le Rabbi reprit son habitude de marcher le Chabbat. Le repas de Chabat se passait toujours dans le bureau du Rabbi et j’avais le mérite de les servir. Je tendais les assiettes à la Rabbanit par la porte du bureau et j’attendais devant le corridor pour reprendre les assiettes. Un jour, alors que j’attendais, je décidais d’éplucher deux clémentines et les disposai en cercle sur une assiette comme je l’avais vu faire d’habitude pour le dessert : il y avait une assiette pour le Rabbi et une autre pour la Rabbanit. J’entendis les pas de la Rabbanit qui ouvrit la porte et me tendit les assiettes vides ; je lui montrai les deux assiettes pour le dessert et elle affirma qu’une seule assiette suffirait pour elle et le Rabbi et que je devais prendre la seconde. Après ce Chemini Atséret 1977, le Docteur ira Weiss appela la Rabbanit chaque jour pour prendre des nouvelles du Rabbi. Un jour, je répondis au téléphone et, après quelques mots échangés avec le docteur, j’informai la Rabbanit qui était au bout du fil. Elle lui parla puis, après avoir raccroché, me dit : « Si j’avais su que c’était Docteur Weiss, je l’aurais pris immédiatement pour ne pas lui faire perdre de temps mais je croyais que c’était Cholom Gansburg ! Je répondis que je parlais toujours avec Cholom Gansburg en Yiddish (il était donc évident que ce n’était pas lui puisque là, j’avais parlé en anglais. Elle répliqua : « Chez mon père (donc le Rabbi précédent),
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on m’a enseigné qu’on peut être présent et ne pas écouter ! ». Docteur Weiss posait toujours les mêmes questions à propos du rabbi en commençant par celle-ci : « Combien de temps le Rabbi avait-il dormi ? ». Une fois, la Rabbanit répondit à ses questions habituelles : « Non, non, pas du tout ! » plusieurs fois et je compris immédiatement : la nuit précédente, le Rabbi avait quitté le 770 avec une grosse enveloppe contenant le brouillon du Likouté Si’hot qui devait être publié cette semaine et ce fut tout ce que le Rabbi emporta ce soir-là. Au matin, il était arrivé au 770 avec cette même enveloppe qu’il tendit au secrétaire en affirmant qu’il en avait corrigé le contenu. C’est ce qui explique la réponse de la Rabbanit au docteur : apparemment le Rabbi n’avait pas du tout dormi cette nuit-là afin de corriger la Si’ha !
Dévouement absolu La Rabbanit attendait chaque soir le retour du Rabbi. Même les nuits où le Rabbi recevait des gens en Ye’hidout ou tenait des farbrenguen. De plus, elle ne commençait jamais sa journée avant que le Rabbi ne soit pas parti au 770. Les jours où le Rabbi se rendait au Ohel, la Rabbanit sortait rarement de la maison et, si elle sortait, elle rentrait tôt afin d’être près du téléphone pour savoir si le Rabbi était sur le chemin du retour. Si quelqu’un téléphonait entretemps, la Rabbanit s’excusait et expliquait qu’elle ne voulait pas rester trop longtemps au téléphone car elle attendait des nouvelles du Rabbi et qu’elle rappellerait la personne plus tard. (Qui
se souvient du temps où les téléphones portables n’existaient pas, où les numéros ne s’affichaient pas et qu’on ne pouvait pas savoir qui téléphonait… ?). Au secrétariat, Rav Klein restait avec le téléphone à la main, pour avertir la Rabbanit dès que le Rabbi serait de retour. Les six premiers chiffres étaient pianotés à l’avance sur le cadran et dès que le Rabbi arrivait, il composait le dernier chiffre. Ce n’est que lorsque la Rabbanit entendait que le Rabbi était rentré au 770 qu’elle se permettait de respirer avec soulagement et quittait son poste.
Sa satisfaction : les Chlou’him La Rabbanit évoquait les Chlou’him avec une grande fierté. Quand un couple partait en Chli’hout, elle en parlait. Elle était particulièrement en admiration devant le dévouement quotidien des Chlou’him : ils quittaient la chaleur et le confort d’un environnement ‘hassidique et voyageaient loin, dans des endroits où il n’y avait ni viande glatt ni lait chamour. Il n’est pas étonnant que, dès que son décès fut confirmé, le Rabbi demanda qu’on avertisse les Chlou’hi, comme un père demande qu’on prévienne les enfants… Puissions-nous toujours mériter l’estime qu’elle portait aux Chlou’him et vivre selon les critères élevés qu’elle attendait de chacun d’entre nous. Car de même que sa descendance, ses enfants, les Chlou’him et tous ceux qu’ils ramènent à une vie de Torah sont en vie, elle est aussi en vie et s’élève de degré en degré. (traduit par Feiga Lubecki)
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Cette brochure est dédiée à la mémoire bénie de Reb Messod ben Chlomo ע״ה BENSOUSSAN Chalia’h et directeur du Beth ‘Habad d’Orly pendant plus de 40 ans - Grand-père de la Kallah -
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