the bridge by christian berst présente les sept vies d’Ariane
the bridge by christian berst présente les sept vies d’Ariane
christian berst avant-propos 5
manuel anceau préface 9
les sept vies d’Ariane
œuvre
sophie calle la surprise de sophie 15
textes
sophie fontanel claudie 17
laurent goumarre mon chéri, 19
nancy huston féminité version 1.0 21
charlotte laubard collecte, indexation, analogies, collage 23
catherine millet invention d’un artiste 27
dominique païni le tourment des lèvres d’un filopathe 31
fabienne radi filet de bave 35
œuvre
jeanne vicerial les parques et les sept chemins d’Ariane : esquisses d’une destinée 39
œuvres works 47
texts in english 133
avant-propos
C’est un délicieux vertige pour un amateur d’art que de découvrir un ensemble « d’œuvres » dont le sens et la nature restent aussi impénétrables que le mystère autour de leur auteur semble épais.
C’est une fête pour les sens et pour l’esprit que de se laisser mener par le seul jeu des indices et la cohorte de ses propres références pour tenter de saisir ce qui se joue là. Il est question d’avancer avec l’énigme pour unique boussole, sachant d’emblée que l’entreprise n’aboutira à aucune certitude. Paradoxalement, une fois débarrassés de l’habituel brouillage paratextuel et du très convenu carcan contextuel, l’on peut alors espérer s’approcher de la vérité d’une œuvre. Dans sa nudité, pourrait-on dire.
Voilà donc, surgies de malles acquises dans une brocante, plus de quatre cents couvertures de livres pour enfant étrangement transfigurées : les titres, noms d’auteurs et d’éditeurs ont été sommairement biffés au stylo à bille ; des collages de silhouettes découpées de mannequins de mode féminine – manifestement prélevées dans des catalogues des années 50 et 60 – oblitèrent pour partie les illustrations originelles des couvertures ; mais le plus frappant reste cette ligne tracée du même stylo à bille bleu et s’échappant des commissures des lèvres des mannequins pour finir dans leurs mains en un tombé aussi gracieux que cérémoniel.
Comment ne pas être décontenancé par cet Unheimliche –cette inquiétante étrangeté provoquée par la rencontre de deux mondes, celui de l’enfance, nimbé d’une sereine candeur, et celui d’une obsession adulte, troublée et troublante par sa réitération hallucinatoire. La tension qui résulte de cette dualité ne semble d’ailleurs pas fortuite tant on discerne çà et là les subtils accords chromatiques ou narratifs qui s’y conjuguent.
Quel objectif poursuivait donc celle ou celui que nous appelons –par analogie à la mythologie du fil conducteur – « Ariane » ? S’agitil d’une tentative de réparation ? D’un exercice de dépassement de traumas enfouis ? Quelle sourde violence cachent ces icônes doucereuses d’une féminité surannée, ces métaphores d’une enfance outragée, ces textes annihilés, ces fils bleus comme des mors et des rênes dont s’entravent elles-mêmes ces femmes ?
Ces chromos existentiels sont des allégories si puissantes que la question de savoir si nous sommes en présence d’une œuvre d’art est plus que facultative. Elle est déplacée, même, si l’on en juge par leur capacité supérieure à nous (é)mouvoir.
sophie calle
artiste plasticienne, photographe, femme de lettres et réalisatrice française ©
Sophie Calle fait l’objet de nombreuses expositions à travers le monde depuis la fin des années 1970. Tour à tour décrite comme artiste conceptuelle, photographe, vidéaste et même détective, elle a développé une pratique immédiatement reconnaissable, alliant le texte à la photographie pour nourrir une narration qui lui est propre. Ses travaux forment un vaste système d’échos et de références internes, connectés entre eux comme les chapitres d’une œuvre globale dans laquelle Sophie Calle brouille quelquefois les frontières entre l’intime et le public, la réalité et la fiction, l’art et la vie. Son travail orchestre méticuleusement une réalité sous-jacente — la sienne ou celle des autres — tout en laissant la place au hasard. Dernièrement, Sophie Calle a investi le musée Picasso avec l’exposition À toi de faire ma mignonne, célébrant à sa manière les 50 ans de la mort du peintre.
la surprise de sophie. photomontage, 19,5 x 15,5 cm. signée et numérotée au dos.
© de l’artiste et de la galerie perrotin. ADAGP, Paris, 2024. © photo : raul guillermo
sophie fontanel
écrivaine et critique de mode française
Prix du Premier Roman en 1995 pour Sacré Paul, Sophie Fontanel a toujours fait cohabiter travail littéraire et écriture journalistique. Elle a publié à ce jour 19 romans. Après avoir travaillé au magazine
ELLE, qu’elle a co-dirigé, elle a rejoint Le Nouvel Obs, où sa plume est devenue une référence de la critique de mode. Elle est classée dans le Top 500 des personnes les plus influentes en mode dans le monde (classement Business of Fashion). Née en 1962, son compte Instagram aux 362 000 followers est souvent cité en exemple, notamment pour sa manière positive d’envisager les cheveux blancs et les rides.
claudie
J’ai connu Claudie quand j’étais enfant, au début des années 70. C’était une copine de ma mère. Des enfants, elle disait : « Moi, les mouflets, c’est pas ma tasse de thé ». Et deux choses étaient amusantes là-dedans : d’une part, le fait que du thé, de toute manière, elle n’en buvait pas. Elle buvait autre chose, si vous voyez ce que je veux dire. Et ensuite, le fait qu’elle en avait des enfants, et même plein. « Une tripotée » blaguait-elle, la clope au bec. Mais évasivement, n’est-ce pas, comme si à peine elle les avait faits. Elle se targuait de n’avoir jamais joué avec ses gosses, jamais enfoncé une pelle ni ratissé quoi que ce soit dans le bac à sable. Elle laissait s’échapper un « oh, la barbe ! » plein d’autodérision en évoquant ses manquements. Mais les manquements sont une chose mystérieuse et, quand ses enfants n’étaient pas là, tout en se vautrant dans le canapé avec ma mère et ses copines, elle, Claudie, brodait la couverture des livres d’enfant qu’elle avait pourtant été infichue de lire à voix haute à ses gosses. Elle tissait là sur ces couvertures le fil, et maintenant avec le recul je réalise « peut-être le lien » avec une progéniture prise apparemment à la légère. Ma mère s’était extasiée un jour : « Claudie, tu pourrais en faire une expo ! ». Et le sempiternel « Oh, la barbe… » avait été lancé en l’air, resté là un peu en suspens dans les volutes de la Gitane de Claudie. Aujourd’hui son visage a le flou du passé. La fumée, sans doute.
remerciements acknowledgements
la galerie remercie chaleureusement the gallery warmly thanks manuel anceau, sophie calle, sophie fontanel, laurent goumarre, nancy huston, charlotte laubard, catherine millet, dominique païni, fabienne radi et jeanne vicerial.
ainsi que as well as élisa berst, sylvain berst, adriana bustamante, jeanne fournier, antoine frérot, amanda jamme, indya khayat, carmen et daniel klein, alejandro labrador, guillaume oranger, jeanne rouxhet, zoé zachariasen.
the
bridge by christian berstce catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition les sept vies d’Ariane, du 11 avril au 11 mai 2024.
this catalog was published to coincide with the exhibition the seven lives of Ariane, from April 11 to May 11, 2024.
design graphique et réalisation graphic design and production élisa berst
6 passage des gravilliers paris 03 thebridge @ christianberst.com
du mercredi au samedi 14h à 19h ou sur rendez-vous
sophie calle, sophie fontanel, laurent goumarre, nancy huston, charlotte laubard, catherine millet, dominique païni, fabienne radi jeanne vicerial.
6 passage des gravilliers 75003 paris thebridge@ christianberst.com
du mercredi au samedi de 14h à 19h ou sur rendez-vous the bridge