LFC Magazine #10 - JR DOS SANTOS Juin 2018

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LFC #10 NOUVEAU

JUIN 2018

DOUBLE COVER 100% INDÉPENDANT

212 PAGES DE CULTURE

LE MAGAZINE DIGITAL

Et aussi Laetitia Colombani Romain Puertolas LEJ Virginie Grimaldi Jean-Christophe Grangé Isild le Besco Maxime Chattam Louis Delort Antoine Elie Gérard Collard Colum Mc Cann

JR R E N C O N T R E E X C L U S I V E

DOS SANTOS

Foray Antsa et Mendrika Emeline Bayart, Bécassine au cinéma...

LAFRINGALECULTURELLE.FR



ÉDITO

LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #10

Rédigé par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le numéro de juin est enfin en ligne, avec un peu de retard... L'équipe vous a concocté un magazine toujours aussi gourmand : 216 pages pour LFC#10. On ne change pas une formule qui gagne avec des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, à foison, c'est-à-dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grâce à notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Franck Beloncle, Patrice Normand, Julien Faure, Julien Falsimagne, arnaud Meyer, Philippe Matsas, Mathieu Genon et Céline Nieszawer qui signe les deux covers : JR Dos Santos et LEJ. Merci également à Ursula Sigon. Un grand MERCI à JR Dos Santos et LEJ de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'à Vincent Ravalec, Emeline Bayart, Isild Le Besco, Romain Puertolas, Laetitia Colombani, Virginie Grimaldi, Béatrice Courtot, Maude Mihami, Martha Hall Kelly, Jennifer Richard, Myriam Cohen-Welgryn, Antoine Rault, Gérard Collard, Jean-Edgar Casel, Mischka Berlinski, Do Raze, JeanChristophe Grangé, Franck Calderon, Hervé de Moras, Maxime Chattam, Omar Hasan, Colum Mc Cann, Denis Tillinac, JR Dos Santos, LEJ, Louis Delort, Ginta, Antsa et Mendrika, Mathieu des Longchamps, Foray et Antoine Élie. Et MERCI chers lecteurs pour votre fidélité et vos partages sur les réseaux sociaux. Très bonne lecture les fringants,

ET SURTOUT...

LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIÉS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mère, votre père, votre voisin, votre boulanger, votre femme de ménage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre président, votre grand-mère, votre belle-mère, votre libraire, votre collègue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :

JR DOS SANTOS LEJ


07

La sélection : livres, ciné...

10

Vincent Ravalec

23

Emeline Bayart

31

Isild Le Besco

37

Romain Puertolas

43

Laetitia Colombani

49

Virginie Grimaldi

54

Béatrice Courtot

67

Maude Mihami

68

Martha Hall Kelly

74

Jennifer Richard

80

Myriam Cohen-Welgryn

86

Antoine Rault

92

G.Collard & J-E. Casel

102

Mischa Berlinski

108

Do Raze


114

Jean-Christophe Grangé

121

F. Calderon et H.de Moras

127

Maxime Chattam

133

Omar Hasan

140

Colum McCann

146

Denis Tillinac

152

J.R. Dos Santos

159

LEJ

166

Louis Delort

172

Ginta

177

Antsa et Mendrika

182

Mathieu des Longchamps

187

Foray

192

Antoine Élie

199

La sélection théâtre


L'ÉQUIPE

Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle

Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni David Smadja

Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA

Photographes Franck Beloncle Raphaël Demaret Julien Falsimagne Julien Faure Arnaud Meyer Céline Nieszawer Patrice Normand Mathieu Génon Philippe Matsas

Traducteur

LEEXTRA

Quentin Haessig

Vincent Ravalec, Emeline Bayart, Isild Le Besco, Romain Puertolas, Laetitia Colombani, Virginie Grimaldi, Béatrice Courtot, Maude Mihami, Martha Hall Kelly, Jennifer Richard, Myriam CohenWelgryn, Antoine Rault, Gérard Collard, Jean-Edgar Casel, Mischka Berlinski, Do Raze, Jean-Christophe Grangé, Franck Calderon, Hervé de Moras, Maxime Chattam, Omar Hasan, Colum Mc Cann, Denis Tillinac, JR Dos Santos, LEJ, Louis Delort, Ginta, Antsa et Mendrika, Mathieu des Longchamps, Foray et Antoine Élie sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire.

Chroniqueurs

Des sujets tous 100% "fait maison".

Nathalie Gendreau (Théâtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard


LFC MAGAZINE

JUIN 2018 | #10

O6 La sélection

de la rédaction

Livres, série TV, films...

par Christophe Mangelle, David Smadja, Clarisse Sabard, Laurent Bettoni...

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APRÈS LE SUCCÈS DE LA SAISON 1, 13 REASONS WHY DE RETOUR POUR LA SAISON 2 SÉRIE LFC MAGAZINE

01

ÉMOUVANT, RÉVOLTANT ET D'ACTUALITÉ

ACTUELLEMENT SUR NETFLIX COPYRIGHT NETFLIX JUIN 2018


LA SAISON 2 NOUS DÉVOILE D'AUTRES FICELLES DE L'HISTOIRE. INTRIGUANT, TOUJOURS AUSSI BIEN JOUÉ. UNE SÉRIE D'UNE TRÈS GRANDE QUALITÉ QUI S'ADRESSE AUX ADOLESCENTS ET AUX ADULTES.

L'AVIS EXPRESS DE LA RÉDACTION

PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX JUIN 2018

ACTUELLEMENT SUR NETFLIX


VINCENT RAVALEC

LIVRE LFC MAGAZINE

PAGE 10

PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © PATRICE NORMAND LEEXTRA


LAURENT BETTONI EST ROMANCIER IL A PUBLIÉ LES REMORDS DE L’ASSASSIN (MARABOUT THRILLER) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE

VINCENT RAVALEC

02 L ’ I N T E R V I E W

T R A N S H U M A I N E

D E

L A U R E N T

B E T T O N I

Je dois rencontrer aujourd’hui Vincent Ravalec pour discuter avec lui de son dernier roman. Mais les hasards de nos calendriers respectifs font que nous sommes, lui et moi, entre deux TGV – les deux qui ont échappé à la grève, en ce 16 mai 2018. Est-ce pour cette raison qu’avec sons sens de l’à-propos et son espièglerie légendaires Audrey, l’attachée de presse, nous a arrangé un rendez-vous au mythique Train bleu, la brasserie à l’architecture néoclassique de la gare de Lyon ? Peu importe. Nous voici, avec l’auteur, confortablement installés l’un en face de l’autre, dans un petit salon lounge de la partie bar, et c’est l’essentiel. Après avoir échangé trois mots seulement, nous découvrons qu’il arrive de Nîmes et que moi j’y retourne, à l’issue de cette interview. C’est ballot, nous aurions pu deviser là-bas, à une terrasse ensoleillée, face aux Arènes… Nous découvrons ensuite que nous donnons tous deux des cours d’écriture pour la même institution et que nous avons participé aux mêmes masterclasses sur les créations de séries télé. Non, mais c’est dingue, ce truc ! Faut-il y déceler de simples coïncidences, ou des synchronicités, ou l’intervention du surnaturel ? Pour tout vous dire, ces questions, nous nous les posons également dans le livre. Et la boucle sera bouclée quand je vous aurai avoué qu’il s’agissait initialement, non pas d’un projet littéraire, mais d’un projet de série télévisée, que Vincent Ravalec a commencé à développer avec Frédéric Schœndœrffer et qu’il a poursuivi seul, pour en faire un roman. Son premier vrai thriller, tome 1 d’une trilogie intitulée Sekt, et lui-même intitulé L’Origine du venin (Tohu Bohu éditions).

de la sorcellerie va évoluer,

LFC : Quel est le venin que vous évoquez dans le titre de ce présent opus ?

que le mal ? Je pense que

grâce aux avancées scientifiques et technologiques, qui suivent une courbe exponentielle.

À partir du moment où l’on place une personne autre que soi-même dans une situation de malêtre pour elle, on peut considérer que le mal apparaît. LFC : Vous menez une

grande réflexion sur le bien et le mal, mais ne s’agit-il pas d’une notion subjective ? VR : Je me suis souvent posé cette question. Qu’estce que le bien, qu’est-ce c’est indissociable du

VR : Il s’agit d’une mémoire collective et organique de l’humanité à laquelle les deux héros du ressenti, c’est-à-dire de roman – une sorte de binôme à la X-Files – vont se confronter. Cette mémoire est incarnée à la notre conscience, fois par un imaginaire et par des choses concrètes et factuelles, sous forme de sectes et

subjective en effet, de notre

d’organisations diaboliques qui perdurent au fil des siècles. Et toute l’arche de la trilogie va

bien-être et de notre mal-

montrer comment cette mémoire, fondée initialement sur des croyances primitives puis sur PAGE 11


être. À partir du moment où l’on place une personne

vous vous êtes néanmoins inspiré d’une

autre que soi-même dans une situation de mal-être

brigade existant réellement. Laquelle ?

pour elle, on peut considérer que le mal apparaît. Cela, pour le coup, échappe bien à nos projections

VR : Serge et Marie-Hélène sont recrutés au

morales et subjectives.

sein de la Miolds (Mission interministérielle d’observation et de lutte contre les dérives

LFC : En combattants du bien contre le mal, vous

sectaires), que m’a inspirée la Miviludes

avez choisi deux personnes cabossées par la vie

(Mission interministérielle de vigilance et de

et qui ont une conception du bien a priori relative.

lutte contre les dérives sectaires).

Pouvez-vous nous parler de Serge et Marie-

La Miolds est placée sous la direction du

Hélène ?

Premier ministre et a pour mission de fédérer les différents services de police ainsi que la

VR : Serge est un ex-policier qui s’est transformé une

justice, dans des affaires criminelles impliquant

fois en Dirty Harry et qui a tué quelqu’un. Mais une

des sectes. Au départ, c’est une mise au

sorte de black-out psychique l’empêche de se

placard officieuse pour Serge et Marie-Hélène,

souvenir de cela avec précision. En fait, il a suivi un

une punition, un moyen de leur faire payer et

dealer dans la rue, un type qu’il savait être une

d’expier leurs fautes respectives. Mais, de fil en

sombre ordure, et l’a abattu froidement. Depuis, son

aiguille, ils se prennent au jeu, ils sont entraînés

fils le déteste et le considère comme un facho, sa

dans une spirale infernale, et cette enquête va

femme a honte de lui, et la plupart de ses anciens

marquer le renouveau de leurs carrières et les

collègues lui ont tourné le dos. Aux yeux de tous, il

relancer superbement.

apparaît comme un loser. Marie-Hélène est une ancienne juge qui a libéré un homme, parce qu’elle le trouvait attirant sexuellement, et cet homme, sitôt libéré, a tué deux jeunes femmes. Marie-Hélène est accro au sexe mais assume très mal cette dépendance.

L’intelligence de la machine surpassera celle de l’humain et finira peut-être par nous gérer. Au bout de tout cela, le projet affiché des transhumains est l’immortalité. LFC : Vous parlez d’une spirale infernale, et

Et donc ces deux anti-héros aux problématiques très

c’est un doux euphémisme, puisque,

triviales vont se mesurer, dans le cadre de leur

commençant par enquêter sur une banale

enquête, à quelque chose qui va les dépasser.

secte sataniste, vos deux héros vont mettre à jour une organisation tentaculaire qui verse dans le transhumanisme. Qu’est-ce que c’est

LFC : Au début du livre, vos deux (anti-)héros sont

exactement ?

recrutés dans une brigade particulière. Vous l’avez bien sûr inventée de toutes pièces, mais

VR : C’est la capacité de changer l’homme, de l’augmenter, sur des registres assez vastes. Le

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premier niveau de modification est la modification

pouvoirs occultes et maîtrisant la réincarnation.

génétique, qui peut s’opérer à très court terme, sur

Or il semblerait que les satanistes présents

quelques générations. On peut également modifier la

dans L’Origine du venin possèdent ces

médecine, grâce à l’apport des nanotechnologies. Et

pouvoirs occultes.

enfin, on peut augmenter le corps avec des puces ou des prothèses. On peut, par exemple, imaginer de se

Je dis bien il semblerait, car je préfère laisser

faire remplacer une main par une prothèse beaucoup

planer le doute et laisser chacun répondre en

plus performante.

fonction de ses convictions. Le fantastique est toujours suggéré et jamais affirmé, dans ce

Ces choses qu’on prenait pour de la science-fiction il

roman, il est toujours émis comme une

n’y a pas si longtemps commencent à devenir réelles.

hypothèse. D’ailleurs, Serge et Marie-Hélène

Et puis il faut prendre en compte les performances de

s’interrogent aussi beaucoup, à ce sujet. Ce à

l’intelligence artificielle, avec ce que les transhumains

quoi ils sont confrontés bouscule leurs

appellent la singularité, qui devrait arriver dans

certitudes.

quelques décennies. C’est-à-dire que l’intelligence de la machine surpassera celle de l’humain et finira peutêtre par nous gérer. Au bout de tout cela, le projet affiché des transhumains est l’immortalité. Cela peut passer par coder sa personnalité, sa mémoire, et les transférer dans un nouveau corps que l’on aura créé. Des gens très sérieux travaillent sur ces sujets, y

On peut tout à fait imaginer un système de castes, avec une caste supérieure de quasiimmortels et des castes inférieures, constituées d’hommes augmentés, à leur service […]

consacrent énormément d’argent. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) s’impliquent énormément

LFC : Tout cela est à la fois excitant et

dans ce domaine de recherche.

effrayant. À quelles interrogations et à quelles limites conduit le transhumanisme ?

LFC : Dans L’Origine du venin, quelle est la part de fiction et quelle est la part de réel ?

VR : La première question est de savoir si le transhumanisme sera démocratique ou non.

VR : Tout ce que je raconte sur le satanisme, sur ses

Les partisans de ce mouvement affirment que

pratiques, je l’ai puisé dans un dossier du Miviludes,

oui, que ce sera un peu comme les

mais c’est tout. Le reste, je l’ai inventé. Le lien entre

antibiotiques, au début réservés aux riches puis

transhumanisme et satanisme, dans cette histoire, sort

rapidement essaimés dans la population. Mais

de mon imagination. J’ai voulu mélanger les deux

on peut tout à fait imaginer un système de

pour préparer le tome 2. Dans ce prochain opus, la

castes, avec une caste supérieure de quasi-

difficulté, pour les transhumains, est d’opérer le

immortels et des castes inférieures, constituées

transfert de mémoire codée d’un individu dans un

d’hommes augmentés, à leur service et

autre corps. D’où l’intérêt que portent les

accomplissant pour eux les tâches les plus

transhumains à des personnes a priori dotés de

pénibles grâce à leurs super capacités physiques.

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Et si l’immortalité est la finalité, comme la Terre n’est pas extensible, on peut imaginer un système rigoureux de régulation des naissances. Ou alors, au contraire, le transhumanisme sera un grand bien pour l’humanité tout entière. LFC : Vers la fin du livre, l’un de vos personnages prétend que, d’ici peu, on ne pourra plus distinguer la religion de la science. Qu’est-ce que cela signifie ?

LFC : Pour quelle raison flirtezvous sans cesse, dans le roman, avec le fantastique, avec le surnaturel, sans jamais franchir la limite ? VR : Car, justement, faire la part des choses est aussi le défi auquel sont soumis Serge et Marie-Hélène, comme nous l’évoquions, trois questions auparavant. Où s’arrête la réalité, où commence le surnaturel, voire

Les mythes que sont les religions, le capitalisme, etc., permettent à l’homme de se fédérer, de se rassembler et de rester l’espèce dominante.

le divin ? Il n’existe pas une vérité gravée dans le marbre. Cela dépend des époques. La science actuelle va beaucoup plus loin que la

VR : C’est une citation tirée du livre Homo Deus : une

sorcellerie du Moyen Âge. Si l’on

brève histoire de l’avenir, de Yuval Noah Harari. Ce

compare ce que proposait un

livre explique comment les hommes ont eu besoin de

sorcier et ce que propose un

se créer des mythes pour exister, subsister et créer des

Smartphone, il n’y a pas photo,

liens. Ce qui a différencié l’homme des autres espèces

l’avantage va indiscutablement

animales est sa capacité à s’unir et à coopérer. C’est

au Smartphone. Il a des pouvoirs

ce qui l’a rendu le plus fort, alors qu’il ne l’était pas

largement plus surnaturels que

naturellement.

ceux des sorciers de jadis.

Les mythes que sont les religions, le capitalisme, etc.,

D’autre part, il n’y a pas

permettent à l’homme de se fédérer, de se rassembler

forcément d’antinomie entre ce

et de rester l’espèce dominante. Cette phrase disant

que décrit la science et ce que

qu’on ne pourra bientôt plus distinguer la science de

décrivent les mystiques. Il existe

la religion repose sur l’idée suivante : pour pallier le

peut-être un monde invisible

manque de sens actuel, de nouvelles religions vont

dont on peut maîtriser les

émerger et s’appuyer sur tout ce que produira la

interactions avec le nôtre, bien

science. Le grand défi, pour nous, sera de ne pas nous

visible. Donc je ne pouvais pas

laisser berner par ces nouvelles religions, de ne pas en

trancher, dans mon livre.

être dupes pour qu’elles ne nous asservissent pas.

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CINÉMA LFC MAGAZINE

03 AVENGERS INFINTY WAR

PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT MARVEL STUDIOS 2018 JUIN 2018


MALGRÉ DE LOURDS SACRIFICES FINANCIERS DE LA PART DES SALARIÉS ET UN BÉNÉFICE RECORD DE LEUR ENTREPRISE, LA DIRECTION DE L’USINE PERRIN INDUSTRIE DÉCIDE NÉANMOINS LA FERMETURE TOTALE DU SITE. ACCORD BAFOUÉ, PROMESSES NON RESPECTÉES, LES 1100 SALARIÉS, EMMENÉS PAR LEUR PORTEPAROLE LAURENT AMÉDÉO, REFUSENT CETTE DÉCISION BRUTALE ET VONT TOUT TENTER POUR SAUVER LEUR EMPLOI. En Guerre est le film le plus violent que j’ai jamais vu ! Je ne parle pas évidemment de violence graphique mais bien de violence sociale. Rarement une telle intensité et un tel feu ont coulé dans mes veines à la vision d’un film. Ce n’est pas pour rienL qu’il ' A V fut I S le Dfilm E L le A plus RÉDACTION applaudi (11 minutes de mémoire) lors du dernier festival de Cannes qui ne lui a accordé paradoxalement aucun prix. Et pourtant…

LA PROMESSE DE STÉPHANE BRIZÉ EST MAGISTRALEMENT TENUE. Celle de nous faire vivre de l’intérieur ce que nous regardons d’un œil parfois trop distrait, parce que pas concerné, lorsque le sujet s’incruste dans nos journaux télévisés : la fermeture d’une usine et les terribles dégâts humains occasionnés.

DRAME HUMANIISTE

Drame humaniste, réflexion sur notre société et sur sa prétendue économie qui ruisselle, En Guerre fourbit ses armes à la sueur des hommes et des femmes bafoués. Le film, à la limite du documentaire avec son terreau composé de comédiens nonprofessionnels, est criant de vérité. Tourné en seulement 23 jours pour garder un sentiment d’urgence, En Guerre est un film politique et désespéré.

Avec son précédent métrage « La loi du marché », Stéphane Brizé avait déjà posé les jalons timides de son incursion dans l’horreur économique. Ici, il en explose toutes les barrières et les conventions, la chair est mise à nue et les espoirs désossés au scalpel. Le film est divisé en chapitre, chacun illustrant une longue séquence du processus de délitement orchestré par une mondialisation toujours plus excessive. Entre impuissance du politique, abandon du législatif, logique libérale, l’implacable jeu de domino se met en place pour broyer la résistance. Une stratégie de l’usure et de l’enlisement.

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


Vincent Lindon est phénoménal dans son personnage de syndicaliste en colère. On dirait qu’il joue sa vie tellement il incarne bien le rôle. La voix, les regards, les postures, tout sonne juste dans ce cinéma naturaliste. Le réalisme décuple les émotions ressenties.

LE SOUND-DESIGN EST AHURISSANT, DÉRANGEANT, ENTÊTANT, MÉLANGEANT HABILEMENT SILENCES L ET ' A CACOPHONIE VIS DE LA RÉDACTION

Le sound-design est ahurissant, dérangeant, entêtant, mélangeant habilement silences et cacophonie. Ça te noue les tripes, te serre la gorge, te laisse au bord de l’asphyxie. La caméra au plus près des protagonistes accentue cet effet d’immersion donnant au spectateur le sentiment d’être lui-même acteur du drame qui se joue à l‘écran. Elle s’attarde sur les visages fatigués, remontés, figés dans leur détresse et toi, tu vibres, tu t’indignes, tu t’émeus avec les salariés de cette usine, combattants de l’ordinaire. Heureusement, le cinéaste se permet des plages de respiration, pour que le spectateur reprenne son souffle avant de repartir à la bataille. Avec En Guerre, Stéphane Brizé réalise son Il faut sauver le soldat Ryan. Si ici, la guerre est économique et pas physique, elle n’en reste pas moins psychologiquement meurtrière et diaboliquement viscérale.

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


LE LIVRE QUI FAIT DU BIEN PAR CLARISSE SABARD TOUS LES MOIS, CLARISSE SABARD REJOINT LA TEAM POUR VOUS PARLER DU LIVRE QUI FAIT DU BIEN. CE MOIS-CI, ELLE NOUS PARLE DU ROMAN DE GAVIN'S CLEMENTE-RUIZ "LE CLUB DES FEIGNASSES" (MAZARINE) ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE.

POURQUOI ON AIME ?

04

ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE

QUI EST L'AUTEUR ?

Né en 1978, Gavin's Clemente Ruiz L est ' Arédacteur V I S D EauL A Guide R Édu D ARoutard, CTION chroniqueur au journal La Montagne, mais aussi curieux auteur de curiosité, publié chez Albin Michel ou encore City. Le Club des feignasses est le deuxième roman qu'il signe chez Mazarine.

ÇA PARLE DE QUOI ?

Ils s'appellent Béa, Alice, Sam, Greg et Elisabeth. À première vue, rien ne les prédestinait à se rencontrer. Rien, excepté... le cancer. Car c'est lors de leur première séance de chimiothérapie qu'ils vont faire connaissance. Chacun essaie de faire avec la maladie et son histoire personnelle. Pourtant, grâce à Béa, des liens vont très vite se nouer et rien ne va se passer comme prévu. Le cancer ? Même pas peur !

Avec un tel sujet, il aurait été facile de tomber dans la tragédie. Il n'en est rien. Au contraire, les héros imaginés par Gavin's Clemente Ruiz nous entraînent dans leurs péripétie, avec la dynamique Béa en chef de file. Les personnages sont très attachants, les chapitres courts et percutants. Personne ne s'apitoie sur son sort, chaque protagoniste tire même des leçon dans les histoires des autres pour agir en battants. C'est un roman qui vous fera rire avec ses scènes cocasses et hilarantes, qui vous tirera aussi quelques larmes d'émotion jusque dans les remerciements et vous donnera envie d'aimer la vie. A glisser dans votre valise cet été!

CLARISSE SABARD EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LE JARDIN DE L'OUBLI (CHARLESTON) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE JUIN 2018


LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA

05

PATRICK BAUWEN FASCINANT, ÉSOTÉRIQUE ET MYSTÉRIEUX

LIVRE LFC MAGAZINE DAVID SMADJA EST BLOGUEUR POUR "C'EST CONTAGIEUX" PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE PATRICK BAUWEN, LA NUIT DE L'OGRE (ALBIBN MICHEL). JUIN 2018


APRÈS SON PERSONNAGE MALÉFIQUE DÉNOMMÉ LE CHIEN ( DANS SON PRÉCÉDENT ROMAN, « LE JOUR DU CHIEN »), PATRICK BAUWEN ENRICHIT SON PANTHÉON D’ASSASSINS AVEC L’OGRE. FIGURES MYSTIQUES, CES DEUX TUEURS SANS PITIÉ VONT HANTER LES PAGES DE CE THRILLER COMPLÈTEMENT DINGUE NOUS RAPPELANT PARFOIS LES SERIALS DE LA GRANDE ÉPOQUE DE LA LITTÉRATURE FEUILLETONESQUE FRANÇAISE AU MALFRAT HAUT EN COULEURS, CELLE DES BELPHÉGOR, DES FANTÔMAS ET DES JUDEX.

FASCINANTS, ÉSOTÉRIQUES ET MYSTÉRIEUX, PATRICK BAUWEN DONNE VIE À DES VILAINS CHARISMATIQUES QUASI-OMNIPOTENTS QUI FONT PLANER L’URGENCE ET LE DANGER TOUT AU LONG DU ROMAN.

ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE

Que l’on ne s’y trompe pas, nous sommes résolument dans un polar moderne et 2.0. Cependant, imaginez la silhouette inquiétante de l’Ogre, l’homme au chapeau melon, à l’ample redingote et à la barbe fournie, se dressant devant vous, menaçante, prête à vous faire subir mille outrages. Efficace et effrayant. L'AVIS DE LA RÉDACTION Et cela ne fonctionnerait évidemment pas si la contrepartie héroïque était fadasse et lisse. Loin s’en faut, Bauwen réussit à créer avec son personnage d’urgentiste, l’indomptable Chris Kovak, un alter ego fictionnel indomptable et jusqu’au-boutiste. Ce personnage est une des incontestables réussites du livre, lui dont les nombreuses fêlures et le comportement suicidaire tranchent cruellement avec sa profession de médecin. Mais il faut dire que Bauwen ne ménage ni ses confrères ni sa profession.

On le sait et on le vérifie quasiment à chaque roman, l’auteur met beaucoup de lui dans ses personnages principaux. Le personnage de Kovak n’échappe pas à cette règle puisqu’en plus de partager le même corps de métier, l’auteur affuble son personnage de certaines de ses caractéristiques physiques, notamment des tatouages aux emplacements similaires. Il faudra lire le roman pour en connaître les détails. Savoureux ! « La danse de la blouse blanche et de la cape noire » Charmant, charmeur et vénéneux, le traitement que t’inocule le docteur est un bon remède contre l’ennui, contre la mort et le temps qui passe. Vous trouvez que j’y vais un peu fort ? (NDLR : c’est pas ton genre, pourtant !) C’est justement le concept du livre : la mort. Sa représentation, la perception que nous en avons et la manière dont nous la gérons. Religieusement, psychologiquement et philosophiquement parlant. C’est tout ce pan de la vie qu’explore Patrick Bauwen, nous renvoyant par un effet miroir déstabilisant une réflexion qui s’en va puiser dans nos peurs enfouies, aux tréfonds de nos âmes. Un peu à la manière d’un Dan Brown dans son roman « Inferno ».


LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA Evidemment, le propos premier est de divertir et ça tombe bien car l’auteur, en féru de jeux de rôle qu’il est, est un gamemaster accompli. Un maître de la tromperie, du rythme et des faux-semblants. C’est donc une aventure trépidante que nous conte Bauwen, le Dr Love du Polar, un thriller épatant au tempo vrombissant. De fausses pistes en impasses, de rebondissements en retournements de situation, Bauwen glisse tous les ingrédients pour satisfaire notre appétit d’ogre dévorant de thrillers éblouissants. Et si ce n’était qu’une question de rythme… mais non ! L’intrigue est rodée, la mécanique huilée, la phrase bien foutue, gaulée comme une bombasse à qui on roulerait des pelles jusqu’à plus soif. Et si elle est inextinguible pour vous, rassurez-vous : l’auteur planche déjà sur la suite des aventures de Chris Kovak !

OUVRIR LE NOUVEAU STEPHEN KING EST TOUJOURS UN ÉVÉNEMENT TANT CHACUN DE SES ROMANS SÉCRÈTE UNE SUBSTANCE VÉNÉNEUSE HAUTEMENT ADDICTIVE ; MÊME DANS SES MAUVAIS JOURS (FORT RARES POUR LE FAN QUE JE SUIS), IL SE SITUE SOUVENT À PLUSIEURS COUDÉES DE LA CONCURRENCE. POURQUOI ? PARCE QUE LE MAÎTRE SAIT CRÉER UNE AMBIANCE COMME PERSONNE ET SURTOUT IL A UN DON IMPRESSIONNANT POUR INSUFFLER LA VIE À DES PERSONNAGES PLUS VRAIS QUE NATURE, DIABLEMENT ATTACHANTS, À L’EMPATHIE CONTAGIEUSE.

06 ALORS QUE PEUT BIEN DONNER UNE ALLIANCE AVEC SON FILS OWEN AVEC QUI IL A CO-ÉCRIT CE LIVRE ?

Tout d’abord un pitch incroyable et original, une sorte de relecture à l’échelle mondiale de « La Belle au bois dormant » (Sleeping Beauty en V.O.), qui voit l’intégralité de la population féminine s’endormir de manière définitive suite à une épidémie, laissant les hommes seuls à bord de notre bonne vieille terre. Et que peuvent bien faire tous ces hommes quand ils sont livrés à eux-mêmes ? Eh bien des conneries sinon ce ne serait pas drôle ! On sera loin du baiser du prince charmant... Pertes de repères, angoisses, désespoir, colères, poussées de violence… Le conte de fées va vite vriller.

Même s’il traite son sujet par le petit bout de la lorgnette (du seul point de vue des habitants de Dooling, petite bourgade américaine), ce que l’on regrettera un peu, « Sleeping Beauties » est un roman puissant et universel. Car outre une extraordinaire histoire fantastique, c’est un véritable pamphlet féministe qui nous est narré ici, un manifeste contre un monde injustement axé autour du patriarcat. Les situations décrites sont d’une poignante justesse. On se surprend à penser que les auteurs explosent les barrières du roman de genre pour proposer une description ultra-réaliste, à la limite du documentaire, des outrages subies par les femmes dans leur quotidien comme dans l’exceptionnel.

STEPHEN ET OWEN KING - SLEEPING BEAUTIES ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE


LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA C’est raconté de main de maître. La plume est magnétique, l’histoire hypnotique, les 800 pages vous bercent malgré les situations angoissantes décrites. Le roman mêle habilement les scènes d’exposition aux soudains jets furieux d’adrénaline. Déambulations dans un rêve virant au cauchemar éveillé, comme un sentiment cotonneux de se trouver au bord d’un précipice. La sublime couverture au charme glaçant illustre parfaitement le destin de ces femmes enveloppées dans un cocon, sublimes papillons délicats dont la majesté n’a d’égale que la profondeur de leurs âmes. Derrière la poésie de l’imagerie, ce cocon s’avérera maléfique pour les hommes, une véritable chrysalide de l’horreur. Aux malheureux qui tenteront de les

LA 4ÈME DE COUV'

UN PHÉNOMÈNE INEXPLICABLE S'EMPARE DES FEMMES À TRAVERS LA PLANÈTE : UNE SORTE DE COCON LES ENVELOPPE DURANT LEUR SOMMEIL ET SI L'ON TENTE DE LES RÉVEILLER, ON PREND LE RISQUE DE LES TRANSFORMER EN VÉRITABLES FURIES VENGERESSES. BIENTÔT, PRESQUE TOUTES LES FEMMES SONT TOUCHÉES PAR LA FIÈVRE AURORA ET LE MONDE EST LIVRÉ À LA VIOLENCE DES HOMMES. À DOOLING, PETITE VILLE DES APPALACHES, UNE SEULE FEMME SEMBLE IMMUNISÉE CONTRE CETTE MALADIE. CAS D'ÉTUDE POUR LA SCIENCE OU CRÉATURE DÉMONIAQUE, LA MYSTÉRIEUSE EVIE ÉCHAPPERA-T-ELLE À LA FUREUR DES HOMMES DANS UN MONDE QUI LES PRIVE SOUDAINEMENT DE FEMMES ? en extraire, ce ne seront pas des papillons qui en sortiront mais des mantes religieuses prêtes à déchiqueter l’impudent. Dans les petits bémols, le traitement réservé aux personnages est plus faible qu’à l’accoutumée, l’empathie moins naturelle, malgré les 800 pages de lecture qui devraient permettre un développement maximal. Ce n’est pas qu’une question de roman choral puisque le King en est l’un des orfèvres. On peut supposer que l’écriture à quatre mains oblige à des sacrifices. Ce sera bien le seul défaut de ce roman qui une fois refermé continue à hanter le lecteur dans sa réflexion concernant son rapport aux femmes. Un livre qui fait cogiter et qui reste entêtant une fois refermé, n’est-ce pas le début du bonheur ?

STEPHEN ET OWEN KING - SLEEPING BEAUTIES ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE


LFC MAGAZINE CINÉMA

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JUIN 2018

EMELINE BAYART

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS : CÉLINE NIESZAWER, LEEXTRA


Emeline Bayart nous consacre un entretien pour fêter son premier rôle au cinéma, et pas des moindres, elle interprète la célèbre Bécassine dans le SELINA RICHARDS film de Bruno Podalydès aux côtés de Josiane Balasko, Karin Viard et Michel Michel Vuillermoz. Séance de photos exclusives signées Céline Nieszawer et entretien inédit passionnant.

LFC : Bonjour Emeline, nous nous

poche, je rencontre un metteur en scène à vingt

rencontrons pour la sortie du film

ans dans un atelier prof-étudiant au moment où

Bécassine. Tout d’abord, pouvez-vous

je m’apprête à rentrer à l’IUFM pour être

nous raconter brièvement votre parcours ?

institutrice. Il m’a parlé à part des autres pour m’encourager à aller à Paris, car selon lui, je

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EB : Complètement par hasard, j'ai fait les

pouvais devenir une belle comédienne. Il me

classes musicales des classes préparatoires

conseille de m’inscrire au cours Florent et de

de Lille. Le matin, petite fille, j’allais à l’école.

voir ce qui peut se passer. Je l’ai écoutée. J’ai

L’après-midi, j’allais au conservatoire de Lille.

suivi les cours Florent pendant six mois avec la

Je viens du Nord. J’ai donc joué du piano au

classe libre à la fin de l’année et le conservatoire

conservatoire à un très haut niveau. J'ai

un mois après. Comme tout s’est passé très vite,

commencé le théâtre vers 13 ans. J’aimais

mes parents ont été rassurés. J’ai très vite eu de

beaucoup cela. Le professeur m’a encouragé

nombreux rôles au théâtre. J’ai conçu un récital

à continuer. Quand je suis allée sur le grand

à la naissance de mon premier enfant en 2012

plateau pour la première fois où j’ai fait des

qui s’appelle D’elle à lui qui a eu un énorme

exercices au sol, je me suis sentie chez moi.

succès, que je continue à jouer dans un

J’ai ressenti comme une onde très forte.

caf’conc au chapeau deux fois par mois. On l’a

Ensuite, j’ai continué mes études. J’ai passé

joué deux fois au Rond-Point. L’Opéra-Comique

le BAC. J’ai arrêté le piano parce que je savais

l’a vu et a souhaité que je crée un deuxième

que je ne serais jamais une grande

récital qui s’intitule Si j’ose dire. Depuis ce

concertiste. Et puis, je ne sais pas faire les

récital, j’ai reçu de nombreuses propositions. Je

choses à moitié. Ma licence de lettres en

montre des facettes différentes de l’actrice.


Deux mois avant que Bruno Podalydès m’appelle pour tourner le film Bécassine, j’ai dit à mon agent : à l’âge que j’ai, soit je continue à être engagée au cinéma pour des rôles de fonction, soit il y a un réalisateur qui dit - puisque je suis une actrice atypique

S mon ELINA et que j’ai une palette large - c’est elle actrice principale. Et c’est arrivé ! Et j’endosse mon premier grand rôle.

J’adore le cinéma de Bruno Podalydès, sa poésie, son côté burlesque. Je me sens en totale osmose avec son cinéma, avec sa manière de les acteurs et R I C H A Rdiriger DS actrices, de filmer la nature. Tout est formidable chez lui.

LFC : On comprend votre soulagement de recevoir ce grand rôle… pas. Il a donc accepté de réaliser ce film avec la EB : Je suis surtout lucide. Soit tout

condition de travailler avec son scénariste, son

continue comme cela. C’est bien. Cela me

actrice et son co-producteur Pascal Caucheteux

permet de mettre du beurre dans les

de chez Why Not Productions.

épinards. Soit j’avais l’espoir - parce que je sentais que cela pouvait être possible -

LFC : Quelle est votre réaction quand vous

qu’un réalisateur dise : c’est elle et

apprenez que ce sera vous Bécassine ?

personne d’autre ! Et c’est ce qui s’est passé avec Bruno. Il le dit lui-même. Si ce n’était

EB : Je vais vous raconter une petite anecdote.

pas moi, le film ne se faisait pas.

Un an avant qu’il m’appelle, j’entends à la radio Bruno Podalydès qui dit qu’il va prochainement

LFC : Comment ce film est-il né ?

réaliser un film sur Bécassine. Mon compagnon me dit que ce serait parfait comme rôle, que cela

25

EB : Clémentine Dabadie, productrice chez

m’irait très bien. Bruno Podalydès dit à la radio

Chabraque Productions a eu le manuscrit

qu’il va confier le rôle à une actrice inconnue. Je

de Bécassine dans les mains. Elle n’avait ni

me dis que cette actrice inconnue est au

réalisateur, ni comédienne. Elle s’est

courant. C’est donc plié. Sauf que cette actrice

interrogée : qui peut très bien réaliser cela ?

inconnue, c’était moi. Je ne le savais pas. Et il

Pour elle, c’est Bruno Podalydès. C’est

m’a appelé un an après pour me le dire. Quand il

donc une commande que Bruno Podalydès

m’appelle, je sais qu’il travaille sur ce film, mais

a réalisée. Il a regardé Bécassine. Il est

bien entendu, je ne m’attends pas à une telle

tombé sous le charme. Tout de suite, mon

proposition. J’adore son cinéma, sa poésie, son

image s’est associée sur le personnage. Il

côté burlesque. Je me sens en totale osmose

connaissait mes récitals. J’ai tourné deux

avec son cinéma, avec sa manière de diriger les

fois avec lui. Le scénario ne lui convenait

acteurs et actrices, de filmer la nature. Tout est


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B A Y A R D

C I N É M A L F C

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C’est un personnage tendre, avec de la poésie et de l’humour. Je trouve que Bruno Podalydès a retenu le nectar des albums. Quant à moi, je me suis centrée sur les cinq albums qui ont inspiré le film. J’ai beaucoup regardé les images. Je l’ai attrapée par le corps. Elle est tantôt aérienne, tantôt terrienne. Il a fallu travailler le corps, la démarche INA RICHARDS qui SaE Lson importance. formidable chez lui. Évidemment, je suis très

sommes dans un film qui propose un personnage de

contente. À aucun moment, je n’hésite à faire ce

bande dessinée. Il fallait donc savoir gérer l’outrance. Il

film. Quand j’ai lu le scénario qui m’a bouleversé,

fallait donner beaucoup voir. Et en même temps,

qui m’a rappelé les sensations de mon enfance,

comme nous sommes au cinéma, il fallait donner

j’étais conquise. Sous le charme. C’est parce que

moins à voir. Il y avait un équilibre à travailler. Elle

c’est la Bécassine de Bruno Podalydès que je

devait être toujours poétique avec la délicatesse du

trouve que le film est un bijou de poésie, de

mouvement, jusqu’au bout des doigts, ne pas négliger

tendresse, d’humour… Jamais, elle n’est écrasée.

l’expressivité. Elle est très versatile. Elle passe de

Elle n’est pas sotte. Elle est délicieusement

l’étonnement au sourire, de la tendresse à l’inquiétude.

maladroite et profondément touchante.

C’est très jouissif pour une actrice de pouvoir montrer toute cette palette.

LFC : C’est une sacrée responsabilité d’endosser un personnage aussi célèbre.

LFC : Pourquoi les lecteurs doivent-ils devenir spectateurs du film Bécassine ?

EB : Oui, elle est bien plus connue que moi !

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(Rires). Elle a 113 ans. C’est un personnage

EB : Je pense qu’il faut aller voir ce film avec ses

tendre, avec de la poésie et de l’humour. Je trouve

enfants ou ses petits-enfants. C’est un moment de

que Bruno Podalydès a retenu le nectar des

partage assez extraordinaire. La sensation qu’on a

albums. Quant à moi, je me suis centrée sur les

lorsqu’on sort du film, c’est un conte merveilleux qui

cinq albums qui ont inspiré le film. J’ai beaucoup

nous traverse comme un grand rayon de soleil, ou

regardé les images. Je l’ai attrapée par le corps.

même comme un arc-en-ciel. Ce qui est réussi dans le

Elle est tantôt aérienne, tantôt terrienne. Il a fallu

film pour les adultes, c’est que ça nous rappelle les

travailler le corps, la démarche qui a son

sensations de notre enfance. C’est merveilleux. Vous

importance. Elle a toujours le buste en avant, avec

vous revoyez petit avec une nostalgie. Ce n’est pas

la démarche chaloupée de certaines gens de la

triste, mais bien extrêmement touchant. Cela m’a

campagne. Tout est singulier chez elle. Je me

rappelé le mugissement des vaches quand je me

devais d’attraper sa singularité à tous les endroits :

réveillais, quand je vivais à la campagne. C’est tout cela

sa manière de marcher, sa délicatesse. Nous

le cinéma de Bruno Podalydès. Ce n’est pas un bon


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B É C A S S I N E L F C

D E

B A Y A R D B R U N O

M A G A Z I N E

P O D A L Y D È S # 1 0


SELINA

RICHARDS

divertissement. C’est plein de couches qui vous

auparavant que les gens faisaient sans. Bécassine

transportent comme dans un rêve. Comme Mary

est étonnée par toute cette technologie florissante.

Poppins, il y a cet esprit-là dans ce film.

Elle est même inventive, même si elle est joliment maladroite. Elle va être imaginative, et donc par

LFC : Et les enfants aimeront aussi ?

exemple créer une machine pour donner le biberon à la petite fille la nuit sans se lever. C'est un

EB : Oui. Bécassine part de sa campagne pour

mélange entre Alice au pays des merveilles et Mary

rejoindre Paris. Elle en rêve. Elle y va à pied avec

Poppins.

son baluchon. Sur la route, elle rencontre la Marquise de Grand-Air qui a besoin d’une

LFC : Avec qui partagez-vous l’affiche du film ?

nounou. Bécassine est évidemment parfaite. Elle arrive à apaiser le bébé qui pleure. L’histoire,

EB : Karin Viard joue la Marquise de Grand-Air.

c’est donc Bécassine qui va entrer dans le

Josiane Balasko interprète la femme de chambre,

château et qui va s’occuper de ce bébé qui va

Mademoiselle Châtaigne. Les habitués de Bruno

grandir. Bécassine va vivre une relation

Podalydès qu’il aime profondément : Michel

fusionnelle avec cette petite fille. C’est super

Vuillermoz dans la peau de l’Oncle Corentin, son

pour les enfants. Cela peut nous rappeler une

frère Denis Podalydès qui joue M. Proey-Minans.

relation privilégiée qu’on peut avoir quand on est

C’est un casting cinq étoiles ! Ce sont des

petit avec quelqu’un de proche, mais qui n’est

comédiens qui ont une singularité avec un

pas notre maman ou notre papa. C’est aussi les

mélange d’humour et une belle tendresse. Tous les

nouvelles découvertes avec l’électricité, l’eau

acteurs de Bruno Podalydès ont cela en commun.

courante, le téléphone. Cela montre aux enfants qu’il y a quelques décennies 29

LFC : Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?


EB : Je garde un souvenir très fort.

cave voutée. Je fais tout sur ce

C’est extraordinaire de vivre un tel

récital, même la communication. On

tournage sur toute sa longueur. J’ai en

peut m’adresser un message sur

mémoire les scènes de la campagne.

Facebook pour venir. J’adore ça !

Une scène de tandem qui restera

C’est tout le temps plein. Le bouche-

mémorable parce qu’il y avait des

à-oreille s’est fait. Les gens sortent

machines qui soufflaient du vent avec

heureux. C’est magique ! À la

un bruit onirique. Je n’oublierais pas ce tournage.

rentrée, je suis à l’affiche de Fric-Frac

SELINA

RICHARDS

dans une mise en scène de Michel Fou avec Régis Laspalès et Julie

LFC : Quels sont vos projets ?

Depardieu au Théâtre de Paris à partir du 11 septembre 2018. Et je

30

EB : Mon récital D’elle à lui continue de

monte une pièce de Georges

se jouer. Je joue une fois par mois dans

Feydeau dans lequel je vais jouer

le KIBELE qui est un restaurant turc,

pour janvier 2020. Pour le cinéma, à

qui prête sa salle aux artistes, une

suivre… Tout va bien.


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JUIN 2018

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW

ISILD LE BESCO PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : ARNAUD MEYER LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendezvous avec la comédienne Isild Le Besco. Réalisatrice, scénariste et aussi écrivain, elle publie chez Grasset un livre hybride, SELINA RICHARDS original, inattendu, "S'aimer quand même" dans lequel elle est avant tout sincère. Séance de photos exclusives au cœur de Paris et entretien inédit. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

sont passés d’une autre manière.

de votre livre S’aimer quand même (Grasset). Un livre très original que nous

LFC : Ce n’est pas un roman comme vous

n’avons pas l’habitude de lire. Qu’en

nous l’avez dit. C’est un livre hybride. Avez-

pensez-vous ?

vous choisi ce terme ?

ILB : Ce n’était pas forcément mon intention.

ILB : Non, je ne l’ai pas choisi. Mon éditrice l’a

Dans l’art, nous sommes parfois guidés par

fait. C’était important que ce soit une personne

des voix. Au départ, je pensais que j’écrirais

extérieure. Dans la fabrication d’une œuvre, que

un roman et puis finalement j’ai pris des

ce soit au cinéma ou en littérature, il est toujours

directions différentes.

difficile de mettre des mots sur ce que l’on fait. C’est comme lorsque vous êtes en couple, c’est

LFC : Dans ce livre, vous proposez

compliqué de décrire ce que vous ressentez.

plusieurs pans de votre vie. Pour quelles raisons ?

LFC : Vous évoquez votre éditrice. Ce livre, c’est aussi une rencontre ?

ILB : C’est le livre qui a lui-même décidé.

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Comme on dit, les enfants choisissent leurs

ILB : C’est son livre autant que le mien. Ce livre

prénoms. Eh bien, moi, c’est la même chose,

ne serait pas là aujourd’hui sans elle ni moi.

le livre a décidé de se présenter de cette

Nous l’avons fait ensemble. Ce projet est né de

façon. J’aurais aimé écrire un roman. C’était

cette rencontre. Je n’aurais jamais pu écrire cela

mon désir premier, mais les événements se

si ce n’était pas pour elle. J’ai acquis cette


confiance et cette intuition avec elle. LFC : Elle vous a donné envie de vous dévoiler ? ILB : Elle m’a donné confiance surtout. Je

S E Lde INA crois que l’on n’a jamais vraiment envie se dévoiler. LFC : Avez-vous appris des choses sur

Toutes ces choses sont des émotions que RICHARDS j’ai voulu partager.

vous-même en écrivant ce livre ? ILB : Bien sûr. Des choses qui me

que je perçois.

surprennent encore aujourd’hui. J’ai écrit un livre il y a quinze ans, et il y a peu de temps,

LFC : C’est un livre qui ne se lit pas d’une seule

je l’ai eu dans les mains. J’ai été surprise de

traite. Les lecteurs peuvent lire les histoires

voir qui j’étais à cette période.

dans l’ordre qu’ils souhaitent. Ceci dit, elles ont toutes un point commun : l’émotion.

LFC : Le texte du petit garçon qui se sent petite fille est émouvant. Comment est-il

ILB : J’aime bien ce concept. J’avais même eu

né ?

l’idée de pouvoir découper des pages pour pouvoir les donner à ses amis. Les films et les livres

ILB : C’est difficile de l’expliquer. C’est

doivent être des miroirs pour chacun.

quelque chose que j’avais à l’esprit. J’ai dû voir un documentaire ou rencontrer

LFC : Sur le fond, vous parlez beaucoup de

quelqu’un. Je ne sais plus vraiment. C’est un

l’humain et des émotions. C’est quelque chose

peu toutes ces choses qui m’ont ouvert la

qui est très bien fait.

voie et qui m’ont donné la voix pour écrire sur ce sujet.

ILB : Je ne saurais pas écrire deux pages sur une tasse de thé ou sur un objet. Le lire, j’adorerais. Je

LFC : Et nous, lors de la lecture, on entend

ne saurais pas le faire. Cela ne me parle pas assez.

une voix… LFC : Vous proposez vos dessins dans ce livre. ILB : Je crois que ce n’est même pas ma voix.

Pourquoi avoir eu cette idée originale ?

(Rires) Je ne fais qu’écrire. Je suis fière de

33

l’écrire, mais je devrais être fière d’être

ILB : Cette idée originale, ce n’est pas moi. Tout

bonne réceptrice et de bien retranscrire ce

cela s’est imposé à moi. Il y a beaucoup de


ISILD

LE

BESCO

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LFC

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C’est un livre que j’assume à cent pour cent. En écrivant ce livre, je me suis dit que le roman n’était peut-être pas fait pour moi. Cet ouvrage me ressemble. SELINA

RICHARDS

contenus que j’avais déjà comme les textes en anglais ou les

LFC : Pensiez-vous que

dessins. Mon éditrice a ensuite choisi. Toutes ces choses sont

cela allait avoir cet effet ?

des émotions que j’ai voulu partager. ILB : Oui, mais encore une LFC : L’amour est également un thème de votre livre.

fois, ce n’était pas si prévisible. et ma

ILB : C’est une question tellement universelle. Nous devrions

démarche était surtout

apprendre aux enfants qu’aimer, c’est fait pour se faire du bien.

sincère, sans stratégie de ma part. Aujourd’hui, je

LFC : Dans un livre, on dit qu’il y a beaucoup de soi. Qu’en

n’ai plus de filtre avec eux.

pensez-vous ? LFC : Qu’aimeriez-vous ILB : Absolument. Dans chaque millimètre du livre. Dans chaque

que les lecteurs

pixel de la couverture. C’est un livre que j’assume à cent pour

retiennent de ce livre ?

cent. En écrivant ce livre, je me suis dit que le roman n’était peutêtre pas fait pour moi. Cet ouvrage me ressemble.

ILB : Ce n’est pas forcément à moi de le dire.

LFC : Quels sont les premiers avis que vous avez eus de la

J’ai voulu insuffler de

part des lecteurs ?

l’authenticité dans mon propos, me livrer

ILB : Ils sont extraordinaires. C’est un livre très profond. À

entièrement à soi-même

chaque fois que je rencontre des lecteurs, ils me parlent de

afin de pouvoir m’assumer

choses très personnelles. C’est un cadeau incroyable. Entre eux

pleinement. Le titre définit

et moi, les barrières n’existent plus.

totalement le livre.

À chaque fois que je rencontre des lecteurs, ils me parlent de choses très personnelles. C’est un cadeau incroyable. 35


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JUIN 2018

ROMAIN PUERTOLAS

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Mai 2018, de passage à Paris pour une double actualité, Romain Puertolas nous reçoit avec joie dans un pied-à-terre de la capitale. Son incroyable succès en librairie "L'extraordinaire voyage du Fakir qui était SELINA RICHARDS resté coincé dans une armoire Ikéa" est à l'affiche actuellement au cinéma et la suite "Les nouvelles aventures du fakir au pays d'ikea" (Le Dilettante) est sur les tablettes de votre libraire. Photos exclusives + entretien inédit avec le joyeux luron de la littérature !

LFC : Nous nous rencontrons pour une

peu partout. À travers les aventures du fakir,

double actualité. Un livre, "Les nouvelles

dans le recueil de nouvelles 13 à table (Pocket)

aventures du fakir au pays d’Ikea" (Le

ou dans les magazines. J’aime cette idée

Dilettante) disponible depuis le 2 mai 2018

d’avoir des lecteurs différents. Je suis heureux

et un film "L’extraordinaire voyage du Fakir"

de voir que tout ce que je fais constitue une

en salles depuis le 30 mai 2018. Est-ce une

petite œuvre à laquelle les gens peuvent

volonté de sortir ces deux projets

s’identifier.

quasiment au même moment ? LFC : L’Extraordinaire voyage du fakir qui RP : Mon éditeur a choisi ce moment. C’est

était resté coincé dans une armoire Ikea a été

bénéfique à la fois pour le livre, mais aussi

le début de l’aventure en tant qu’écrivain.

pour le film. C’est une double actualité, un

Ont suivi plusieurs livres dont La Petite Fille

mois concentré de fakir ! (Rires) Je pense que

qui avait avalé un nuage grand comme la tour

c’est toujours intéressant pour les gens qui

Eiffel ou Tout un été sans Facebook qui furent

vont voir le film de découvrir les aventures du

des bestsellers. Avec du recul, comment

fakir en livre et inversement pour les gens qui

analysez-vous ce succès ?

ont lu le livre, d’aller voir le film au cinéma. RP : Avec beaucoup de naturel et d’incrédulité. LFC : Vous multipliez vos chances de

Ma vie a changé. Je suis très heureux. Et j’ai le

conquérir de nouveaux lecteurs.

sentiment de profiter de chaque seconde. J’ai fait des rencontres exceptionnelles, notamment

RP : Effectivement. Les lecteurs viennent d’un 38

avec des écrivains ou des réalisateurs dont


j’admirais le travail. Je vis un rêve. LFC : Les nouvelles aventures du fakir au pays d’Ikea, c’est votre actualité en librairie. Comment est née l’idée de retrouver le fakir ?

SELINA RP : C’est comme si vous retrouviez un vieil ami. C’est merveilleux de pouvoir le faire évoluer dans d’autres situations. Je ne voulais pas rester dans la superficialité d’un

Je cherche à dédramatiser les choses et avoir un regard naïf sur le RICHARDS monde, à la manière d’un enfant.

seul livre. J’aime le fait d’approfondir mes personnages. Je suis d’ailleurs en train

RP : Deux histoires parallèles cohabitent dans ce

d’écrire le troisième volet du fakir. Cela sera

deuxième volet. Il y a l’après fakir numéro un où il

donc une trilogie in fine. Cependant, je ne

vient d’écrire un bestseller. Il vit dans le sixième

veux pas que l’on pense que j’ai écrit le

arrondissement où il mène une vie confortable au

deuxième et le troisième, car le premier a bien

point qu’il n’a plus envie de rien faire. Il a proposé

fonctionné. Je suis quelqu’un de très sincère.

un livre à son éditeur qui lui a refusé. De plus, il lui

Je n’écris que ce que je ressens. Je ne peux

arrive sans cesse des aventures rocambolesques.

rien planifier. Si je planifie, je suis obligé

En parallèle, il y a l’histoire de cet enfant, pauvre,

d’arrêter, car ça me fait chier !

adopté, qui du jour au lendemain va découvrir ce métier de fakir qu’il ne connaissait pas. Un maître

LFC : Est-ce l’ennui ou la peur ?

va lui enseigner la vie, le danger, la psychologie et cela va le rendre plus fort. Le message de ce livre,

RP : C’est l’ennui. C’est comme si l’on vous

c’est que peu importe ce qui peut nous arriver

racontait un film ou un livre en entier.

dans la vie, nous en restons les maîtres. Personne

Immédiatement, vous décrochez. Si j’avais

n’a d’emprise sur nous. Il faut essayer de faire de

toute l’intrigue et toute l’histoire de mes

ses traumatismes, une force.

livres, je n’aurais pas envie de les écrire. Il faut que je parte dans l’inconnu. Lorsque j’écris, je

LFC : C’est un livre qui se veut résolument

veux être dans la même situation qu’un

optimiste.

lecteur. RP : Tout à fait. J’essaye de faire du pessimisme. LFC : Tout n’a pas été dit au sujet du fakir

Mais je n’y arrive pas ! (Rires) C’est un livre à mon

puisque vous écrivez un deuxième et un

image.

troisième volet. Qu’est-ce qui vous a plu

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dans le fait de retrouver ce vieil ami ?

LFC : Comment faites-vous pour que chacun de

Qu’avez-vous voulu nous dire de plus ?

vos livres soit pourvu d’un tel humour et d’une


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Voir le livre que l’on a écrit dans le RER A en allant au boulot retranscrit sur un écran de cinéma, c’est toujours bizarre. J’ai été émerveillé par ce que j’ai vu. SELINA telle énergie ?

l’argent que je gagnais, je me payais des leçons pour piloter des avions. Tout ce qui peut paraître inutile en termes d’expérience ne l’ait pas toujours. Il faut le transformer en force. Si je peux passer un message, c’est celui-ci. LFC : L’extraordinaire voyage du Fakir est en salles depuis le 30 mai 2018. Quel est votre avis sur

R Il’adaptation C H A R D S? RP : Elle est superbe. Dès que le générique a commencé, j’avais les larmes aux yeux. Je suis resté

RP : C’est difficile à expliquer. Ce sont des choses

pendant une heure et demie bouche bée, tout

qui m’arrivent dans ma vie de tous les jours. Que

simplement, car c’est un rêve. Voir le livre que l’on a

ce soit dans les rencontres que je fais ou dans les

écrit dans le RER A en allant au boulot retranscrit sur un

choses que je vois, j’en ai une vision plus

écran de cinéma, c’est toujours bizarre. J’ai été

amusante. Nous avons tous des humours

émerveillé par ce que j’ai vu. J’ai fait confiance dès le

différents. Je ne cherche absolument pas à faire

début au réalisateur. Il avait sa vision et il avait surtout

rire. Je ne suis pas humoriste. Je cherche à

carte blanche. À la fin, on retrouve le message humain

dédramatiser les choses et avoir un regard naïf sur

que j’ai voulu transmettre. C’est très complémentaire

le monde, à la manière d’un enfant.

du livre et c’est l’essentiel.

LFC : Si vous rencontriez l’enfant que vous étiez

LFC : Qui a fait le film ? Qui retrouvera-t-on au

à dix ans, qu’aimeriez-vous lui dire ?

casting ?

RP : Je lui dirais de ne pas changer une seule

RP : Le réalisateur est le Canadien Ken Scott (Starbuck).

minute de tout ce qu’il va faire dans sa vie. Même

Au casting, on retrouve Dhanush, Erin Moriarty, Gérard

si l’on fait des choses différentes dans sa vie, tout

Jugnot, Bérénice Béjot, Ben Miller… C’est une

aura une cohérence à la fin dans la personne que

production internationale avec une grande partie

l’on va devenir.

française. Cela correspond bien à l’univers du livre.

LFC : Et vous pouvez en témoigner !

LFC : Vous avez fait un pas de côté en écrivant pour la jeunesse. Pour quelles raisons ?

RP : Exactement. Je me suis servi de toutes ces expériences. J’ai travaillé dans le contrôle aérien,

RP : J’adore les challenges. Des éditeurs me l’avaient

j’ai été capitaine de police, j’ai travaillé dans

proposé, il y a quelques années. J’avais décliné les

l’enseignement… Tout cela n’a rien à voir. Pendant

différentes propositions. Et puis finalement, j’ai écrit

un an, en Angleterre, j’ai même lavé des machines

quelque chose. Cela a été une bonne expérience de

à sous dans des conditions difficiles. Mais avec

faire cela. J’aime beaucoup me remettre en question. Et ce livre a servi à cela. J’aime le fait de revenir à zéro et de ne rien prendre pour acquis.

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R O M A I N L F C

P U E R T O L A S

M A G A Z I N E

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LFC MAGAZINE LIVRE

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JUIN 2018

LAETITIA COLOMBANI

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG FRANCK BELONCLE LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Fin avril 2018, nous avons rendez-vous au domicile de Laetitia Colombani, en plein cœur de Paris. L'instant idéal pour revenir sur le succès de son grand format "La tresse" de l'année dernière, aujourd'hui S E L I N A pour R I C H Al'été R D S en version poche (Le disponible livre de Poche). Trois femmes, trois continents, trois destins. Rencontre passionnante avec une romancière qui a répondu à bien plus de trois questions. Photos exclusives et entretien inédit. LFC : Votre premier roman La tresse est

sortie en France ?

sorti environ à la même période l’an dernier aux Éditions Grasset. Il est disponible en

LC : Les journalistes se sont tout de suite

librairie au Livre de Poche depuis le 1er

intéressés à mon roman du fait de l’intérêt des

juin 2018. Quel carton pour un premier

éditeurs étrangers. Tout le monde a été d’une

roman ! Quelle a été votre réaction face à

bienveillance extrême. François Busnel m’a

ce succès ?

invité sur le plateau de La Grande Librairie, Olivia de Lamberterie (ELLE) et Bernard Lehut

LC : Cela m’a complètement surprise. C’était

(RTL) ont mis la lumière sur mon livre alors que

mon premier roman. J’avais passé un an à

j’étais inconnue dans le milieu de l’édition.

travailler sur ce manuscrit. Et je ne me doutais pas qu’il aurait un si bel accueil, surtout

LFC : Dès sa sortie, le livre se classe dans les

lorsque l’on sait le nombre de livres qui

meilleures ventes, vous passez même dans

sortent chaque année. J’avais déjà été

l’émission On n’est pas couché au mois de

surprise par l’accueil à l’étranger, avant même

juin. Comment avez-vous vécu cela ?

la sortie en France. C’était lors de la foire de Londres où le manuscrit s’était vendu chez

LC : Je l’ai vécu comme un conte de fées.

plusieurs éditeurs étrangers. On compte

C’était d’autant plus agréable que je ne

aujourd’hui plus de trente traductions dans le

m’attendais pas du tout à cela. J’avais écrit ce

monde.

livre pour de nombreuses raisons qui m’étaient personnelles. Cet accueil m’a émue et je l’ai

LFC : Que s’est-il passé ensuite lors de sa 44

vraiment prise comme un cadeau. Je viens du


milieu du cinéma et c’est un milieu où il y a beaucoup de spéculation sur le succès d’un film à cause des gros budgets. En écrivant ce livre, je le faisais uniquement par envie et par plaisir, rien d’autre. Juste le fait de publier mon premier livre chez un éditeur comme Grasset était une joie pour moi.

SELINA

LFC : Vous venez du milieu du cinéma, comme vous nous l’avez dit, l’écriture d’un roman était-elle un terrain de jeu où vous vous êtes sentie plus libre ?

En écrivant ce livre, je le faisais uniquement par envie et par plaisir, rien de plus. Juste le fait de publier R Imon C H A R D Spremier livre chez un éditeur comme Grasset était une joie pour moi. d’abord, c’est un documentaire sur l’Inde qui a

LC : Oui, complètement. Cela faisait quinze

attiré mon attention. Il parlait de la situation des

ans que je travaillais dans le cinéma avec

intouchables en Inde. J’avais trouvé cela très

quelques projets dans le théâtre, notamment

insolite et c’était un beau sujet que de parler des

la co-écriture du spectacle Résiste de France

cheveux. Ensuite, ma meilleure amie m’a appelé et

Gall, et je sentais que j’avais besoin d’autre

m’a demandé si je voulais bien l’accompagner

chose. Au cinéma, il existe des freins

pour choisir une perruque pour sa chimiothérapie.

budgétaires qui parfois nous oblige à

De la voir essayer des perruques avec des

modifier le script, des conditions artistiques

cheveux naturels m’a rappelé ce documentaire sur

qui sont liées aux comédiens… De nombreux

l’Inde et j’ai eu comme un flash. J’ai voulu raconter

facteurs rentrent en compte. C’est en

l’histoire de femmes à travers leurs cheveux. Un

accompagnant ma meilleure amie en

livre qui raconterait des destins très différents,

chimiothérapie que j’ai eu cette idée de

mais qui seraient réunis autour de la même

roman. En faisant cela, il n’y avait pas l’idée

énergie et de la même envie de s’en sortir. Un livre

de plaire à un producteur de cinéma ou à

qui parlerait de la condition féminine dans le

convaincre des acteurs, il y avait simplement

monde d’aujourd’hui.

l’envie d’écrire une histoire en prenant le maximum de plaisir et de liberté.

LFC : Il y a quelque chose de très libérateur avec ce qui s’est passé en fin d’année pour les

LFC : Vos trois personnages sont à la

femmes et à travers ces trois personnages, vous

recherche de liberté sur trois continents

exprimez ce sentiment sans colère, sans haine

avec trois cultures différentes. Comment

et avec beaucoup de sagesse.

est né ce concept ? LC : Je me revendique vraiment comme féministe, LC : Ce concept est venu en trois temps. Tout

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ce qui pour moi n’implique absolument pas


L A Ë T I T I A L F C

C O L O M B A N I

M A G A Z I N E

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d’agressivité ou de guerre des sexes. Féministe, c’est

double peine : peu importe si elle s’en sort ou non, elle

être du côté des femmes et oeuvrer pour l’égalité

est d’ores et déjà condamnée par la société.

entre les hommes et les femmes. Je trouve que les hommes sont nos alliés dans cette lutte. Il y a un

LC : C’est quelque chose que j’ai découvert en discutant

personnage dans ce livre qui est un humaniste et un

avec des personnages malades. Une personne sur cinq

féministe : c’est le personnage de Kamal. Opposer les

ayant le cancer avoue avoir subi des discriminations liées

hommes et les femmes est un combat qui n’a pas de

à la maladie. Cela m’a vraiment bouleversé. C’est une

sens. Mais le combat pour plus d’égalité a davantage de sens.

SELINA

maladie qui nous touche tous de près ou de loin. Je

RICHARDS

voulais montrer comment la maladie peut exclure et comment mon personnage va en quelque sorte devenir

LFC : Vos personnages sont à un tournant de leur

une intouchable en passant du monde des puissants à

vie. Giulia découvre que sa société est ruinée suite

celui des vulnérables. C’est cette transition qui

à l’accident de son père, Sarah est touchée par un

m’intéressait.

cancer et Smita rêve de voir sa fille à l’école. Comment ces trois femmes se sont-elles

LFC : Le personnage de Sarah vous a aussi permis de

présentées à vous ?

parler du monde du travail qui est parfois très violent.

LC : J’aimais l’idée des trois destins différents qui se

LC : Je voulais parler de la difficulté pour les femmes à

croisent dans le monde d’aujourd’hui. J’ai fait

obtenir des promotions dans le milieu de la justice, qui est

beaucoup de recherches sur la partie indienne. Je

un milieu que je connais très bien, car mon mari est

savais que mon héroïne devait être indienne. C’était

avocat. Le monde du travail est un milieu impitoyable où

intéressant de choisir un personnage qui était au plus

vous ne devez pas montrer vos faiblesses.

bas dans l’échelle sociale, c’est le cas des intouchables en Inde. Son objectif était que sa fille ait

LFC : Le fait que ce livre sorte en Poche va vous

une vie meilleure que la sienne. À l’autre bout de la

permettre de toucher encore plus de lecteurs.

chaîne, je voulais créer une femme occidentale ayant

Comment appréhendez-vous cette sortie ?

du pouvoir qui avait réussi dans une société où l’égalité entre les hommes et les femmes existe. Et au

LC : J’attends cela avec impatience. C’est un format très

milieu, j’ai fait beaucoup de echerches pour savoir qui

démocratique et très pratique. C’est une deuxième vie

serait le maillon du milieu. Je voulais que ce soit un

pour le livre et il connaîtra également une troisième vie,

personnage du milieu ouvrier, très cultivé et

car je suis en train d’écrire le scénario.

autodidacte. J’ai donc choisi une femme vivant en Sicile, car il existait à Palerme une tradition liée aux

LFC : Quels sont vos projets pour la suite ?

cheveux. Je voulais que mes trois héroïnes représentent trois positions différentes dans la

LC : Je réfléchis à une adaptation du livre pour les enfants

société.

qui retrace principalement l’histoire de la petite fille indienne. En parallèle, j’écris aussi mon deuxième roman

LFC : La façon dont vous parlez du cancer à travers

chez Grasset. Et je continue d’accompagner le livre dans

Sarah est extrêmement juste. Vous insistez sur la

plusieurs pays étrangers.

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LFC MAGAZINE FEEL GOOD

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JUIN 2018

VIRGINIE GRIMALDI

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - JULIEN FALSIMAGNE, LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendez-vous à l'étage d'un restaurant dans le quartier de Montparnasse pour rencontrer la talentueuse et si drôle romancière : Virginie Grimaldi. Photos SELINA RICHARDS exclusives alors qu'elle n'aime pas ça (mille mercis Virginie) et entretien inédit au sujet de son nouveau roman "Il est temps de rallumer les étoiles" (Fayard) qui cartonne en librairie. Et c'est bien mérité ! LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

VG : Exactement, une fois que je me plongeais

de votre nouveau roman Il est grand temps

dedans, je pouvais rester des heures à lire ces

de rallumer les étoiles (Fayard). Comme

carnets et à la regarder les écrire. Ma mère me

c’est la première fois que nous nous

lisait également des histoires avant d’aller dormir.

parlons, pouvez-vous nous raconter

J’avais huit ans lorsque je me suis lancée dans

comment votre carrière d’écrivain a

mon premier roman sur un vieux cahier de

débuté ?

brouillon. Au collège, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, j’écrivais : soit

VG : Je ne sais pas si c’est réellement cela…

journaliste, soit écrivain. Je savais une chose : je

Mais je dis souvent que c’est grâce à ma

voulais écrire.

grand-mère qui écrit beaucoup. Elle a des carnets de poèmes et de textes qui sont

LFC : Quelle est la première chose que vous

remplis d’histoires, d’anecdotes, de voyages,

avez écrite ?

de pensées… L’autre jour, j’ai retrouvé quelques carnets que j’ai relus et je me suis

VG : C’était un coucher de soleil. Je l’avais fait lire

rendu compte que je me retrouvais

à mon papa qui avait trouvé cela chiant ! (Rires)

totalement en elle. Lorsque j’étais petite, c’est

Carrière avortée. Par la suite au collège, il y a eu

elle qui me gardait. Et c’est à ce moment-là

un concours de nouvelles que j’ai remporté. Au

que j’ai commencé à lire ces carnets.

lycée, un professeur m’a dit que plus tard j’écrirai des livres. J’ai eu énormément

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LFC : Le goût de l’écriture et aussi le goût

d’encouragements. Mais en devenant adulte, je

de la lecture…

me suis aperçue que ce rêve d’écrivain semblait


inaccessible. Je l’ai donc mis de côté. Et j’ai fait des études qui n’avaient rien à voir avec la littérature. LFC : Quand la vie reprend le dessus…

SELINA

VG : Tout à fait. Il faut gagner sa vie en faisant

Les sujets graves, je pense qu’il ne faut pas les traiter de façon grave. J’ai envie de les traiter avec légèreté, car c’est le quotidien de de gens. R I C H A R Dbeaucoup S

un travail que l’on n’aime pas forcément.

reprenne ma vie. Une amie a lu ce manuscrit et a

Quand vous comprenez cela, vous rangez

insisté pour que je continue de le faire vivre. Je n’y

votre rêve dans un casier.

croyais pas. Je n’avais pas envie de perdre du temps et de l’argent à l’imprimer ainsi qu’à l’envoyer à

LFC : Comment ce rêve s’est-il réveillé ?

d’autres maisons d’édition. J’ai quand même trouvé une maison d’édition qui acceptait les manuscrits

VG : L’envie d’écrire a toujours été présente.

numériques. Je l’ai envoyé, et deux jours plus tard, ils

Je tenais un journal intime. Mais j’avais envie

m’ont appelé en me disant qu’ils souhaitaient

de partager tout cela avec quelqu’un. Grâce à

m’éditer. Je l’ai retravaillé un peu. Et quelques mois

internet, j’ai remarqué qu’il y avait des blogs.

plus tard, il est sorti chez City Editions.

Le web m’a beaucoup aidé à me dire que c’était possible. Les internautes m’ont

LFC : Comment s’est passée la sortie d’un point de

beaucoup encouragé en me disant qu’ils

vue personnel ?

aimaient ma plume et mon humour. C’est eux qui m’ont dit que je n’écrivais pas comme

VG : J’ai été dépassée. Les lecteurs du blog ont été

tout le monde. Un jour, une lectrice m’a

les premiers à acheter le livre en librairie. J’étais

d’ailleurs envoyé un lien vers un concours

presque gênée vis-à-vis d’eux. J’avais peur que ce

pour envoyer mon manuscrit. C’était parti.

roman ne leur plaise pas. Et pourtant, les avis ont été fantastiques.

LFC : En 2015 voit le jour en librairie votre premier roman Le premier jour du reste de

LFC : Au point que le livre sort en Livre de Poche

ma vie. Comment êtes-vous passé de

un an plus tard. Depuis vous avez un public très

l’étape du manuscrit à celui de la

fidèle. Comment l’expliquez-vous ?

publication ? VG : Je pense que les réseaux sociaux y sont pour

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VG : J’avais écrit ce manuscrit pour un

beaucoup. Il y a une proximité, on peut échanger. Je

concours organisait par une maison édition.

reçois beaucoup de messages auxquels je réponds

Je n’ai pas gagné. J’ai rangé ce manuscrit

toujours. Je suis touchée que les lecteurs m’écrivent

dans un dossier de mon ordinateur en me

pour me dire ce qu’ils ont ressenti. Pour le reste, je ne

disant que c’était terminé et qu’il fallait que je

l’explique pas, c’est magique.



LFC : Êtes-vous en train de vivre votre rêve de petite

LFC : Le jour où elle apprend que ses filles vont mal, elle

fille ?

décide de les embarquer dans un road trip direction la Scandinavie. Comment cette idée est-elle née ?

VG : Complètement. J’avais écrit une fois sur les réseaux sociaux que je pensais à la petite fille que

VG : J’aime le fait que les filles emportent tous les soucis du

j’étais, qui y croyait fort, mais qui se disait que ce rêve

quotidien dans un road trip. Cela leur permet d’avoir

ne se réaliserait jamais. Être écrivain, tout le monde en

d’autres perspectives. La Scandinavie offre des paysages

rêve. De plus, à un moment donné, je l’avais laissé

S Eque L I ce NA tomber. Et aujourd’hui il est encore plus beau

très rudes, très beaux. Mais il faut les mériter. J’aimais bien

RI C H métaphore. ARDS cette

que j’avais imaginé. LFC : Comment avez-vous créé ces personnages ? LFC : Qu’aimeriez-vous dire à cette petite fille si vous la voyiez aujourd’hui ?

VG : Je sais que certains auteurs font des biographies de leurs personnages. Moi, pas du tout. J’ai l’impression de les

VG : Je lui dirais de tenir bon, car elle va y arriver.

voir et de les entendre. J’ai ressenti énormément de facilité à me mettre dans la peau de Lily et de Chloé. Peut-être

LFC : Avant de parler de votre nouveau roman Il est

même plus que dans celle d’Anna. J’ai une grande part

grand temps de rallumer les étoiles, nous aimerions

d’enfance et de naïveté en moi.

que vous nous expliquiez pourquoi les titres de vos livres sont si longs ! (Rires)

LFC : Ce livre ferait un excellent film ou téléfilm. Qu’en pensez-vous ?

VG : Le titre du premier livre, ce n’est pas moi qui l’ai choisi. C’est l’éditeur qui me l’a imposé. Et je trouve

VG : Deux producteurs ont été séduits par l’histoire avant

qu’il colle très bien avec le contenu. Les suivants, je les

même que le livre ne sorte. L’adaptation est prévue pour le

ai choisis. Et je trouve qu’ils représentent aussi très bien

cinéma. Je suis ravie. Et j’ai hâte de voir ce que cela va

mes histoires.

donner sur grand écran. Voir des scènes et des personnages qui sont nés dans mon esprit, c’est assez

LFC : Dans ce livre, votre personnage Anna a trente-

magique.

sept ans. Elle croule sous le travail et les relances des huissiers. Vous partez d’un point de départ

LFC : D’autres livres seront-ils adaptés ?

assez dramatique, mais vous parvenez quand même à nous faire rire.

VG : Mon deuxième livre Tu comprendras quand tu seras plus grande va également être adapté au cinéma avec

VG : Les sujets graves, je pense qu’il ne faut pas les

comme scénariste Guillaume Laurant, scénariste du film Le

traiter de façon grave. J’ai envie de les traiter avec

fabuleux destin d’Amélie Poulain. Je suis très impatiente.

légèreté, car c’est le quotidien de beaucoup de gens. J’ai été dans cette situation étant jeune. Je vivais dans

LFC : On vous laisse le mot de fin…

une HLM et ma mère cumulait deux boulots. Je sais de quoi je parle. Rien n’est grave à partir du moment où

VG : Ce sont mes lecteurs qui rendent cette aventure encore

l’on est en pleine santé et avec les gens que l’on aime.

plus belle. Merci à eux.

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INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig

PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Céline Nieszawer

BÉATRICE COURTOT LE PRIX DU LIVRE ROMANTIQUE 2018

JUIN 2018


Béatrice Courtot est l'heureuse lauréate du Prix du Livre Romantique organisé par les éditions Charleston qui fête ses 5 ans cette année avec plus d'un million d'exemplaires vendus de romans féminins. Le Prix a révélé Clarisse Sabard qui a déjà publié plusieurs romans et qui compte un lectorat de plus en plus nombreux et d'une fidélité indéfectible. Rencontre avec une jeune romancière qui nous a fait l'honneur de poser sous l'objectif de la talentueuse Céline Nieszawer. Entretien inédit pour nous parler de "La vallée des oranges", le roman de l'été. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de votre premier roman "La vallée des oranges" (Éditions Charleston) qui vient d’obtenir le Prix du Livre Romantique 2018. Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? BC : J’ai participé toute une journée à une formation sur le développement personnel afin de le mettre ensuite en place dans mon entreprise. J’ai passé la journée avec une coach. Et à la fin, il y avait un petit papier à remplir avec nos projets personnels et professionnels. Maintenant, dans cinq ans, dans dix ans et sur le plus long terme. Il fallait noter ses rêves les plus fous. J’ai donc mis l’écriture d’un roman sur le très long terme. Je ne pensais pas que cela allait se réaliser aussi vite. L’étape suivante consistait à s’imprégner de ces projets, à les écrire sur des post-its et à les coller sur son frigo. En voyant LFC MAGAZINE #10 | 55

cela tous les jours, le cerveau allait inconsciemment s’en imprégner. LFC : À l’époque, aviez-vous déjà connaissance du Prix Romantique ? BC : Je connaissais ce Prix, car j’avais lu un livre de Lucinda Riley qui avait été publié aux Éditions Charleston. J’aimais beaucoup ce qu’ils éditaient. Je me suis donc fixé un objectif en incluant les critères de ce Prix, notamment celui du voyage. J’avais une carte postale de Majorque sur mon frigo. Et je me suis dit que c’était un bel endroit pour installer mon intrigue. Je me suis lancée dans l’aventure. J’ai fait un plan avec une héroïne forte, une histoire d’amour, un voyage… J’avais également l’idée de début et de fin. Petit à petit, j’avançais, j’ai écrit le premier chapitre, le deuxième chapitre et je l’ai fait lire à ma grand-mère.



J’ai beaucoup pensé à mon arrière-grand-mère pour la création de ces personnages. Elle est décédée à 102 ans. Que ce soit elle, ma grand-mère ou ma mère, nous sommes très proches. Nous avons notre univers à nous. Mon arrière grand-mère faisait beaucoup de cuisines et ses recettes m’ont inspiré lors de l’écriture. L’île de Majorque m’a aussi influencé, j’en suis tombée amoureuse en y allant un été.

Elle m’a suivi à fond. Elle a fait des recherches pour moi à la bibliothèque. Elle m’a donné des idées. Comme j’avais une deadline très courte de quatre mois, j’ai fait d’énormes journées en finissant à une heure du matin. Je ne voulais pas avoir de regrets. LFC : Votre livre est constitué de deux lieux, deux époques et deux femmes. Pouvez-vous nous parler de ces deux personnages ? BC : J’ai beaucoup pensé à mon arrière-grand-mère pour la création de ces personnages. Elle est décédée à cent deux ans. Que ce soit elle, ma

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grand-mère ou ma mère, nous sommes très proches. Nous avons notre univers à nous. Mon arrière grand-mère faisait beaucoup de cuisines et ses recettes m’ont inspiré lors de l’écriture. L’île de Majorque m’a aussi influencé, j’en suis tombée amoureuse en y allant un été. LFC : Dans ce roman, vous partagez tout ce que vous aimez avec vos lecteurs. BC : Je l’ai écrit comme un livre que j’aurais aimé lire. Il y a un peu d’histoire à propos de l’île de Majorque, bien que ce ne soit pas un livre historique. Si je devais le définir, je dirais que c’est un roman d’amour et de voyage. Le livre s’adresse plus aux femmes. LFC : Quel regard portez-vous sur cette aventure avec du recul ? BC : Ce n’est que du bonheur de voir son rêve aboutir. Et la fierté de ma grand-mère est quelque chose d’inestimable.



LFC : Quelle a été sa réaction lors de la sortie ?

pour écrire ce livre. J’ai été très concise car je devais aller à l’essentiel.

BC : Elle était très heureuse. Elle a fait le déplacement jusqu’à Paris pour le lancement. Elle n’en revenait pas que je sois dans les finalistes du Prix du Livre Romantique. C’était un grand bonheur.

LFC : Des auteurs vous ont-ils donné l’envie d’écrire ?

LFC : Continuez-vous d’écrire ? BC : Absolument. J’écris mon deuxième roman qui sera plus inspiré de l’histoire de ma grand-mère et de mon arrière grand-mère en Algérie. Contrairement au premier qui était un roman de fiction, celui-ci sera plus personnel. Il y aura une petite fille de dix ans qui sera la petite sœur du personnage principal. Ce sera les yeux de ma grand-mère en Algérie, mais seulement avec des souvenirs heureux. Je crois que c’est un bon exercice pour elle. Je veux que ce soit quelque chose de positif. LFC : Le livre est sorti au mois d’avril. Avez-vous eu des premiers avis de la part des lecteurs ? BC : J’ai eu des avis très positifs notamment de la part des blogueuses. La seule critique est qu’elles auraient aimé quelque chose de plus long. Mais je crois que c’est bon signe, cela prouve qu’elles ont aimé. Je n’avais que quatre mois

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BC : Des auteurs comme Victoria Hislop ou Katherine Scholes m’ont beaucoup inspiré. J’aime les livres qui parlent de contrées lointaines avec de beaux personnages, des histoires d’amour. J’aime beaucoup la saga de Lucinda Riley. LFC : Vous êtes d’ailleurs publiée dans la même édition qu’elle ! BC : Cela me fait énormément plaisir.

Des auteurs comme Victoria Hislop ou Katherine Scholes m’ont beaucoup inspiré. J’aime les livres qui parlent de contrées lointaines avec de beaux personnages, des histoires d’amour. J’aime beaucoup la saga de Lucinda Riley.


Ce n’est que du bonheur de voir son rêve aboutir. Et la fierté de ma grandmère est quelque chose d’inestimable.


J’écris mon deuxième roman qui sera plus inspiré de l’histoire de ma grandmère et de mon arrière grand-mère en Algérie.


LFC MAGAZINE LIVRE

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JUIN 2018

MAUDE MIHAMI

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Mai 2018, nous avons rendez-vous dans les studios de photos de Céline Nieszawer pour une séance avec Maude Mihami, libraire, qui publie son premier roman chez NiL, intitulé "Les dix vœux d'Alfréd" Savec E L I N un A R"e" I C H accentué ARDS - en lisant, vous comprendrez ! Un roman pétillant, impertinent et audacieux, à l'image de la nouvelle ligne éditoriale de la maison d'édition. Entretien inédit avec une jolie découverte littéraire qui vous enchantera !

LFC : Nous nous rencontrons pour parler

que de faire partie de ce mouvement de

de votre premier roman Les dix vœux

relancement des Éditions NiL est merveilleux. Il

d’Alfréd (NiL). C’est une maison d’édition

y a une bonne énergie, une envie que cela

qui existe depuis vingt-cinq ans et qui vient

fonctionne. Comme le dit mon éditrice, qui est

tout juste de reprendre après une pause.

plus jeune que moi, il y a un coté pétillant,

Quelles sont vos impressions d’être

impertinent et audacieux dans cette collection.

publiée chez eux ?

Toutes ces valeurs me correspondent bien.

MM : C’est un drôle de contexte. J’ai

LFC : Votre livre sort à un moment parfait,

beaucoup de chance, car c’est le manuscrit

juste avant l’été. Est-ce important pour vous ?

que j’ai envoyé par la Poste. Je me sens comme dans un rêve.

MM : C’est très important. C’est un texte joyeux, un texte pour l’été qui va à l’essentiel.

LFC : Cela prouve qu’envoyer son

Cependant, je ne me suis pas dit dès le début

manuscrit par La Poste en 2018 fonctionne

que ce livre allait être un roman estival. Je

encore !

voulais écrire un livre qui fasse rire et un livre que je ne trouvais pas en librairie.

MM : Exactement. J’ai envoyé mon manuscrit. Et ils m’ont rappelé par la suite pour me dire

LFC : Votre expérience de libraire vous a-t-

qu’ils étaient intéressés. On a l’impression de

elle servi ?

tomber d’un nuage ou de monter dessus, un des deux. C’est assez merveilleux. C’est vrai 63

MM : Oui, nous avions d’ailleurs fait une vitrine


de livre Anti Prozac qui avait cartonné dans le Marais. On conseille souvent des livres qui font pleurer. Et je trouve que la littérature qui fait rire est un peu dénigrée. En écrivant ce livre, j’ai pensé aux lecteurs et à la préservation de mes origines. Il faut

S E L et INA savoir que ma grand-mère est bretonne qu’elle est très drôle. C’est en écoutant ces histoires que je me suis dit que j’avais le potentiel de faire rire. J’ai noté toutes ces anecdotes. Et cela m’a beaucoup servi.

C’était important pour moi de parler des relations entre les générations. L’idée de cet enfant qui pouvait traîner avec des vieux me plaisait beaucoup. Il peut leur poser RICH A R D Sun tas de questions sur tout la vie. Il peut jouer à la belote… Faire des choses inhabituelles pour un enfant de cet âge.

LFC : Ce roman se passe en Bretagne et il parle surtout de garçons.

LFC : C’est une vision du monde plus naïve à travers le regard de cet enfant. Il est parfois plus

MM : Oui, même s’il y a beaucoup de ma

frontal qu’un adulte.

grand-mère dans le grand-père. Je tenais beaucoup à ce petit garçon. Je voulais

MM : Il dit les choses telles qu’il les voit. L’intérêt

donner la parole à un personnage de neuf

était que l’on pouvait avoir plusieurs niveaux de

ans avec un petit souci de surcharge

lecture avec cet enfant. Un enfant dit les choses

pondérale. Mais c’est quelque chose qu’il

sans filtre. Ainsi, cela m’a permis de dire des

vit bien. J’avais aussi envie de parler de

choses qu’un adulte aurait dissimulées ou

nourriture, car j’aime bien manger ! (Rires)

enrobées pour ne pas paraître trop brut.

LFC : C’est un roman joyeux et gourmand.

LFC : Autour de cet enfant, il y a toute une

Êtes-vous d’accord ?

bande de vieux. Pouvez-vous nous en parler ?

MM : J’avais envie qu’il y ait de la joie de

MM : C’était important pour moi de parler des

vivre, que l’on voit la gouaille des

relations entre les générations. L’idée de cet

personnages, qu’ils mangent, qu’ils

enfant qui pouvait traîner avec des vieux me

boivent… Au-delà du livre qui fait rire, je

plaisait beaucoup. Il peut leur poser tout un tas de

souhaitais faire le parallèle avec des sujets

questions sur la vie. Il peut jouer à la belote… Faire

sensibles comme celui de l’alcoolisme, sans

des choses inhabituelles pour un enfant de cet

tomber dans le pathétique. Il fallait jongler

âge.

entre la dureté de la vie et l’innocence. À

64

travers le regard du petit garçon, j’ai réussi à

LFC : Dans ce livre, vous vous intéressez aux

rester sur cette ligne.

deux extrémités de la vie. Pourquoi ?


MAUDE

MIHAMI

-

LFC

MAGAZINE

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J’avais une contrainte, c’est qu’habituellement, j’écris des livres qui ne sont pas drôles du tout. Là, j’ai dû faire un gros travail de recherche sur la langue. Tout au long du livre, j’ai essayé d’enlever tout le superflu. Je voulais que mes personnages s’expriment de manière simple. On pourrait croire que c’est facile d’écrire simplement. Mais S E L I N AceRn’est I C H A R pas DS sincèrement, le cas. MM : Peut-être parce qu’ils sont proches sur

LFC : Le livre vient tout juste de

certains aspects. L’enfant a une certaine

sortir. Dans quel état d’esprit

innocence tandis que les vieux ne portent plus

êtes-vous ?

forcément attention aux jugements que l’on porte sur eux. Il y a un lien entre ces générations qui

MM : Je suis très heureuse. Je

permet de passer les différentes étapes de la vie.

suis entourée par les gens que j’aime. Et je trouve que ce livre

LFC : Quelle est cette histoire des dix vœux ?

est un bel hommage à ma grandmère. Un hommage plein de joie.

MM : Au lendemain de ses neuf ans, ce petit garçon décide de devenir quelqu’un de bien. Il va

LFC : Quels sont les premiers

réfléchir à une liste de dix voeux avec son grand-

avis de lecteurs que vous avez

père. Il devra réaliser ses vœux avant ses dix ans.

eus ?

C’était le point de départ de toutes ces péripéties et cela me permettait de raconter toutes les

MM : J’ai fait lire mon livre à un

anecdotes que ma grand-mère m’avait racontées.

panel de gens qui sont très éloignés de cet univers afin que

LFC : De la gouaille, de la vie, c’est un roman

les réactions soient les plus

très abouti avec un vrai travail au niveau de

honnêtes possible. Tout le

l’écriture.

monde a beaucoup ri.

MM : J’avais une contrainte, c’est

LFC : Travaillez-vous sur un

qu’habituellement, j’écris des livres qui ne sont

second roman ?

pas drôles du tout. Là, j’ai dû faire un gros travail

66

de recherche sur la langue. Tout au long du livre,

MM : Je travaille sur la suite. Il

j’ai essayé d’enlever tout le superflu. Je voulais

reste de nombreuses choses à

que mes personnages s’expriment de manière

dévoiler. J’ai encore beaucoup

simple. On pourrait croire que c’est facile d’écrire

d’anecdotes à raconter. Merci

simplement. Mais sincèrement, ce n’est pas le cas.

Mamie !


M A U D E

M I H A M I

-

L F C

M A G A Z I N E

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LFC MAGAZINE

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JUIN 2018

MARTHA HALL KELLY

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Mai 2018, soleil éblouissant, Paris sous une lumière positive, nous rencontrons l'américaine Martha Hall Kelly, romancière à succès, en promotion dans la capitale de l'amour pour sa nouvelle fiction SELINA RI C H A R D S "Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux" (Charleston). Après une séance de photos au beau fixe, nous prenons un café dans un troquet avec son éditrice et elle-même pour un échange passionnant. Entretien inédit ! LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

France, car je la vois à travers les yeux de

de votre premier roman Le lilas ne refleurit

Caroline.

qu'après un hiver rigoureux (Éditions Charleston). Pourquoi le marché français

LFC : Ce livre est inspiré de faits réels. Vous

vous intéresse-t-il tant ?

parlez de trois femmes durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi avoir choisi cette

MHK : Caroline, l’héroïne de mon livre adore

thématique ?

la France et vient tous les ans passer ses vacances à Paris en compagnie de ses amies.

MHK : Lorsque j’ai visité la maison de Caroline

Un jour, l’une de ses amies, Kasia, est

dans le Connecticut (USA), qui est à une heure

envoyée à Ravensbrück au tristement célèbre

de chez moi et qui est désormais un musée, la

camp de concentration pour les femmes. La

chose qui m’intéressait le plus était le lilas.

France s’est donc imposée à moi pour

Quand j’ai appris l’histoire de Caroline, je

l’écriture de ce premier livre. Je suis devenue,

trouvais étonnant que personne n’en ait parlé.

à travers toutes les recherches que j’ai faites,

Je me suis donc lancée. De plus, comme j’ai fait

une grande francophile.

des études de journalisme, j’ai adoré faire tout ce travail de recherches.

LFC : Êtes-vous tombée amoureuse de la France ?

LFC : Ce qui est original et intéressant, c’est que vous proposez une histoire sur la

69

MHK : Absolument. J’espère y revenir encore

Seconde Guerre mondiale, mais d’un point

à l’avenir. Je crois que j’aime encore plus la

de vue féminin.


MHK : La plupart du temps, la Seconde Guerre mondiale est racontée du point de vue des hommes, ce qui ne me passionnait pas plus que cela lors des cours d’histoire. Mais lorsque j’ai commencé à faire mes recherches sur ces femmes, j’ai trouvé

S E Cela LINA énormément d’éléments intéressants. m’intéressait beaucoup en tant qu’écrivain. Je me suis dit que cela pouvait aussi intéresser les lecteurs.

J’aime découvrir les détails cachés de cette période, les choses que personne ne J’en ai appris R I Cconnaît. HARDS énormément en me documentant sur la vie de Caroline.

LFC : En racontant cette histoire, nous n’en apprenons pas seulement sur les femmes,

MHK : J’ai lu beaucoup de livres sur la Seconde

mais aussi sur la guerre en elle-même.

Guerre mondiale pour ce livre. Et actuellement, pour mon deuxième livre, je lis des livres sur la

MHK : C’est une manière très intéressante

Première Guerre mondiale. Ma règle d’or, c’est de

d’apprendre l’histoire. J’aime découvrir les

ne pas lire de fiction avant d’avoir fini d’écrire. Je

détails cachés de cette période, les choses

ne veux pas être influencée par d’autres auteurs.

que personne ne connaît. J’en ai appris énormément en me documentant sur la vie

LFC : Travaillez-vous sur un deuxième roman ?

de Caroline. MHK : Mon premier roman a été sur la liste des LFC : Vous parlez du camp de

meilleures ventes du le New York Times, ce qui est

concentration de Ravensbrück. Comment

quelque chose de vraiment important aux États-

vous êtes-vous documenté afin que

Unis. Lorsque mon agent m’a demandé ce que je

l’histoire soit si authentique ?

voulais faire par la suite, je lui ai dit que je voulais aller plus loin en remontant dans le passé de

MHK : J’ai visité le camp de Ravensbrück

Caroline et de sa famille. C’est pour cela que mon

avec mon fils. Nous avons pris le même trajet

deuxième livre parlera de sa maman durant la

que ces femmes qui étaient déportées durant

Première Guerre mondiale. Le troisième, lui,

la Seconde Guerre mondiale. Le fait d’aller là-

parlera de sa grand-mère qui était infirmière

bas m’a permis de comprendre ce qu’il s’était

durant la Guerre de Sécession.

passé et d’imaginer ce qu’elles avaient pu

70

vivre. Dès le voyage du retour, j’ai commencé

LFC : Êtes-vous tombée amoureuse de vos

à écrire.

personnages ?

LFC : Lisez-vous beaucoup ?

MHK : Tout à fait. Je ne pouvais pas les


M A R T H A L F C

H A L L

K E L L Y

M A G A Z I N E

# 1 0


Quand le livre est sorti, des gens m’ont raconté des histoires bouleversantes sur leur vie durant la Seconde Guerre mondiale. Il est important que la jeune génération sache ce qu’il s’est passé. Il faut se souvenir que les nazis ont pris le pouvoir facilement à l’époque et que ce sont des choses qui peuvent se reproduire. Il faut garder cela en tête. SELINA

RICHARDS

abandonner. J’aime Caroline. Même si certains

bouleversantes sur leur vie durant la Seconde

personnages sont fictifs, pour moi ils existent

Guerre mondiale. Il est important que la jeune

vraiment.

génération sache ce qu’il s’est passé. Il faut se souvenir que les nazis ont pris le pouvoir

LFC : Pourquoi aimez-vous tant Caroline ?

facilement à l’époque et que ce sont des choses

Pourquoi est-elle si spéciale ?

qui peuvent se reproduire. Il faut garder cela en tête.

MHK : Caroline est quelqu’un que j’admire beaucoup. C’est une héroïne et nous en avons

LFC : Vous parlez de thèmes sérieux dans le

besoin à notre époque. Plus mes recherches

livre. Mais il y a toujours une note d’espoir. Est-

avançaient et plus je l’admirais. C’était quelqu’un

ce important pour vous ?

de très modeste, mais qui faisait beaucoup pour les autres. Elle aurait pu devenir célèbre et

MHK : Je reçois beaucoup de mails de lecteurs qui

embrasser une carrière de comédienne à

me disent que si Kasia est arrivée à survivre alors

Broadway, mais elle a décidé de se mettre au

eux aussi peuvent y arriver. J’ai notamment reçu un

service des autres. Elle a tout mon respect. Le fait

message de la maman d’une enfant tuée lors d’une

que Caroline aime tant la France m’a permis de

fusillade au Connecticut qui me disait que le destin

venir jusqu’ici. Et de faire toutes mes recherches

de Kasia l’avait aidé à surmonter cette épreuve.

aux archives nationales. Cela rend Caroline encore plus sympathique.

LFC : On vous laisse le mot de la fin…

LFC : En tant qu’écrivain, avez-vous le

MHK : Je crois que Caroline serait très heureuse de

sentiment de participer à un devoir de

me voir ici à Paris en train de parler du livre. Elle

mémoire ?

aimait énormément la France. Je voudrais finir cet entretien avec une bouteille à la mer. Dans mon

72

MHK : Au début de ce projet, je crois que je ne

livre, le bébé qui est sauvé du camp de

me rendais pas compte à quel point cette

concentration s’appelle Guy, je sais qu’il habite à

période était importante. Quand le livre est sorti,

Paris et qu’il est professeur. J’adorerai le

des gens m’ont raconté des histoires

rencontrer.


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JENNIFER RICHARD

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FAURE, LEEXTRA

LFC MAGAZINE LIVRE

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JUIN 2018


Écrivain franco-américain, d’origine guadeloupéenne, Jennifer Richard est l’auteur de trois romans publiés aux éditions Robert Laffont "Bleu Poussière", "Requiem pour une étoile" et "L’illustre SELINA RI C H Aest R D Sdocumentaliste pour la inconnu". Elle télévision. Aujourd'hui, elle revient avec un roman d'une ampleur incroyable avec une puissance émotionnelle et une ambition tenue, intitulé "Il est à toi ce beau pays" (Albin Michel). Photos exclusives chez la romancière et entretien inédit.

LFC : Nous nous rencontrons pour parler

Je ne me suis jamais sentie militante. Tout est

de votre roman Il est à toi ce beau pays

venu par hasard. J’ai découvert dans un tout

(Albin Michel). Un livre qui a été très bien

petit encart de Lonely Planet, une très courte

reçu par les lecteurs. Comment l’avez-vous

biographie d’Ota Benga, un pygmée qui a été

vécu ?

arraché à sa forêt du Congo par des pilleurs de la force publique belge qui investissait son

JR : Je suis très heureuse des avis que j’ai

pays. Il a ensuite été vendu à un missionnaire

eus. Que ce soit de la part des lecteurs ou de

américain qui cherchait des pygmées pour

la part des journalistes, il y a eu un véritable

l’exposition universelle de Saint-Louis. Ota

engouement pour ce projet qui était très

Benga a été exposé en 1904, puis au zoo du

ambitieux au départ. Encore aujourd’hui,

Bronx en 1906 dans la cage d’un orang-outan. Il

quelques mois après la sortie, on en parle

est devenu le pivot de toute une période que

toujours, ce qui est très positif.

j’ai découverte grâce à lui. Ota Benga n’est pas le personnage central du roman. Mais il m’a

LFC : Ce livre parle de la période tragique

permis de relier trois continents pendant trente

de la colonisation de l’Afrique à travers de

ans et de découvrir les liens entre l’Europe, les

nombreux personnages tous très

États-Unis et l’Afrique à cette période.

différents. Comment est né ce roman dans votre esprit ?

LFC : Vous proposez un grand roman où l’on apprend de nombreuses choses sur cette

75

JR : Ce n’est pas l’intérêt particulier pour la

période qui est parfois racontée de manière

colonisation qui m’a emmené vers ce sujet.

assez sinistre. Votre fiction est plus


accessible. JR : C’était mon objectif, c’est le livre que j’avais envie de lire. En effet, cela peut-être assez aride et austère au premier abord. Mais quand vous passez par le prisme des

SELINA explorateurs, vous découvrez des Mike Horn du XIXe siècle. Ce sont des personnes hors du commun. C’est vrai qu’il y a une mentalité particulière à cette époque. Mais il est difficile de la juger aujourd’hui.

Quand vous passez par le prisme des explorateurs, vous découvrez des Mike Horn du XIXe siècle. Ce sont des personnes hors du commun. C’est vrai RICHARDS qu’il y a une mentalité particulière à cette époque. Mais il est difficile de la juger aujourd’hui.

LFC : Vous parlez d’Ota Benga et de

LFC : Ce livre se passe au XIXe siècle et

David Livingstone, deux personnages

pourtant on a le sentiment que cette période

qui n’ont rien en commun au départ et

n’est pas si éloignée de la nôtre…

pourtant…vous nous offrez un grand roman.

JR : À mon sens, nous sommes dans ce cycle historique depuis la troisième République avec

JR : Le point de départ est romanesque.

les mêmes hypocrisies politiques et les mêmes

Ota Benga se suicide à trente-trois ans en

actions sordides. C’est mon avis avec toutes les

Virginie. Et je me suis dit : qu’est-ce qui

recherches que j’ai pu faire. Ce livre m’a

amène un jeune de cet âge à se suicider si

transformé. Plus on lit, plus on s’enrichit

loin de chez lui ? J’ai décidé de remonter

intellectuellement. J’ai fait un gros virage en

en 1873, car il se passe quelque chose de

lisant des articles de journaux de l’époque en

très important en Europe. C’est la crise

Belgique, en France. Des mots comme

financière. C’est la plus grave à l’époque.

démocratie, civilisation ou lumière ont été

C’est également l’année du décès de David

utilisés pour aller coloniser l’Afrique. Vous avez

Livingstone. Tout cela tombe assez bien,

une Europe qui se place comme juge universel

car les chefs d’État en Europe se disent

et censeur. Les États-Unis qui commencent à

qu’ils vont utiliser Livingstone comme un

donner des leçons alors qu’ils pratiquent la

rayonnement de la civilisation européenne.

ségrégation contre les noirs, les juifs et les

C’est une occasion d’investir l’Afrique selon

indiens. Et depuis tout ce temps, c’est la même

eux en leur offrant des débouchés

chose, on détruit des cultures et des

économiques importants. C’est le début de

populations.

la colonisation avec comme prétexte la

76

lutte contre l’esclavage encore pratiquée

LFC : Aimeriez-vous que ce livre réveille les

par les islamisés de Zanzibar.

consciences ?



Il faut faire attention à ne pas être dogmatique. Le roman est un vecteur extraordinaire pour amener une pensée sans justement en avoir l’air. J’ai placé mes idées à travers des dialogues. Il y a une personne qui exprime ce que je pense et l’autre qui exprime ce que les autres peuvent penser. Je commence à être de plus en plus engagée. C’est vrai. Mais je ne en S E Lveux I N A R pas ICHAR D S arriver à une certitude. JR : C’est mon ambition première lorsque j’écris.

JR : J’ai tenu absolument à conserver ce titre. C’est le

J’aimerais que les gens, en lisant ce livre, se disent

premier qui m’est venu et c’était une évidence. Pour la

que c’est toujours le cas aujourd’hui. Qu’ils se

couverture, mon éditeur m’a soumis une première

demandent pourquoi il y a toute cette

couverture avec une sorte de campagne pour la lèpre. J’ai

propagande dans les journaux télévisés. Il faut

dit non tout de suite. C’était impossible. L’idée de ce livre

être lucide. On dit qu’il y a des complotistes. Mais

n’est pas triste. Puis, ils m’ont soumis cette deuxième

la politique elle-même est un complot, et ce

couverture, et je suis sûre qu’ils avaient prévu leur coup. Et

depuis l’Égypte ancienne. La politique et la

qu’ils voulaient celle-ci depuis le début. Elle est parfaite.

démocratie doivent être opaques. LFC : Vous avez écrit trois autres livres qui ont été LFC : Ce roman est écrit de façon à ce que les

publiés aux Éditions Robert Laffont. Pouvez-vous nous

lecteurs se fassent leur propre idée sur la

en parler ?

question. Vous n’amenez pas le lecteur dans le jugement. Vous lui laissez une certaine liberté.

JR : Je ne suis pas très attachée aux deux premiers. Ce sont deux romans de science-fiction. Le troisième est un roman

JR : Il faut faire attention à ne pas être

historique que je trouve assez réussi et très touchant. C’est

dogmatique. Le roman est un vecteur

un livre qui parle de l’histoire du XXe siècle en Normandie.

extraordinaire pour amener une pensée sans

J’ai fait beaucoup de recherches. Il ne s’est pas vendu, car il

justement en avoir l’air. J’ai placé mes idées à

y a eu de gros problèmes de communication. Ceci dit, ce

travers des dialogues. Il y a une personne qui

roman m’a donné le goût de la recherche. Ce qui m’a

exprime ce que je pense et l’autre qui exprime ce

amené à écrire Il est à toi ce beau pays.

que les autres peuvent penser. Je commence à être de plus en plus engagée. C’est vrai. Mais je ne

LFC : C’est un pari dingue. Quel sentiment avez-vous

veux pas en arriver à une certitude.

ressenti lorsque vous aviez le livre en mains ?

LFC : La couverture du livre est extrêmement

JR : J’étais très heureuse. D’ailleurs, je salue l’audace de

bien travaillée et le titre est parfait. Cela donne

Gérard de Cortanze et des Éditions Albin Michel pour s’être

un livre très attirant en librairie.

lancés dans ce projet.

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J E N N I F E R L F C

R I C H A R D

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JUIN 2018

MYRIAM COHEN WELGRYN

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendez-vous avec Myriam Cohen-Welgryn à son domicile pour des photos exclusives et une entretien inédit à propos de son livre "Et tu oseras sortir du cadre !" (Harper Collins). Elle est actuellement présidente de Mars Petnutrition Europe, une S E L Ientreprise N A R I C H A qui R D Semploie plus de 5 000 personnes. Tout au long de sa carrière, elle s’est activement investie dans le développement des femmes et est aujourd’hui membre du conseil d’administration de « Lead », un réseau de promotion des femmes dans les entreprises de grande distribution.

LFC : Nous nous rencontrons pour parler

l’envie d’agir. Ce livre est une commande de la

de votre livre Et tu oseras sortir du cadre

part des Éditions Harper Collins. J’avais créé le

(Harper Collins). Ce livre s’adresse

personnage d’Olympe Castor, il y a quelques

principalement aux femmes. Et pourtant,

années. Et lorsque l’éditrice est tombée sur ces

après l’avoir lu, êtes-vous d’accord pour

dessins, elle a trouvé le personnage génial. Et

dire qu’il s’adresse à tous ?

elle a décidé d’en faire un livre.

MCW : J’en suis convaincue. Je pense que

LFC : Faites-vous vos dessins vous-même ?

l’on n’arrivera à rien si nous ne sommes pas tous ensemble. C’est d’ailleurs inscrit sur le

MCW : Tout à fait. Olympe Castor est mon

livre Ensemble, nous défierons les lois de la

avatar. Elle est en chacune d’entre nous. Et elle

gravité. Ce livre est fait aussi bien pour les

ne demande qu’à se réveiller pour nous

femmes que pour les hommes.

stimuler et agir. C’est intéressant, car beaucoup de personnes se demandent qui est cette

LFC : Comment l’idée d’écrire ce livre est-

fameuse Olympe.

elle née ? LFC : Dessinez-vous depuis longtemps ? MCW : D’un point de vue personnel, c’est un

81

combat que je mène depuis très longtemps.

MCW : Je dessine depuis toujours. Mais je ne

Je suis née dans une famille de féministe. Et

pensais pas qu’un jour un projet comme celui-ci

j’ai été confrontée aux obstacles que

verrait le jour. Écrire c’est quelque chose qui est

rencontrent les femmes. Cela a créé en moi

en moi depuis toujours. Allier les deux, c’est


magique. LFC : Même si ce livre est un combat avant tout. On sent que vous vous amusez beaucoup.

S Een LI MCW : Je me suis beaucoup amusée le N A faisant. Ce livre est un exutoire et c’est une façon de libérer le stress et la tension. LFC : Ce livre s’adresse autant pour les

Je dessine depuis toujours. Mais je ne pensais pas qu’un jour un projet comme celuici verrait le jour. Écrire R Ic’est C H A R D Squelque chose qui est en moi depuis toujours. Allier les deux, c’est magique.

femmes que pour les hommes. Mais audelà de cela, il peut également aider ceux

dire que cela ne fonctionne pas de cette manière

qui sont dans une situation de handicap et

ailleurs. En France, on a besoin de démontrer

qui cherchent des solutions pour vivre

notre engagement par de la présence. Ce qui me

avec. Qu’en pensez-vous ?

paraît inutile et pas efficace du tout.

MCW : Je suis ravie que vous me disiez cela. Il

LFC : L’entreprise s’adapte-t-elle à la vie des

est certain que le propos s’adresse aux

femmes ?

femmes. Effectivement, le thème de ce livre, c’est la diversité en général. Un écosystème

MCW : Je voudrais dire trois choses. La première,

est résiliant lorsqu’il y a une grande diversité

c’est que les femmes sont coresponsables de ce

d’espèce. S’il y avait le même type d’espèce,

plafond de verre. Il y a toute une série de choses

elle disparaitrait petit à petit. Je raconte tout

que l’on peut faire et qui ne dépendent que de

cela du point de vue de l’entreprise. Mais cela

nous et sur lesquelles on peut travailler. La

s’applique aussi dans la vie de tous les jours.

deuxième chose, c’est que l’entreprise a le devoir de créer des conditions qui font que les femmes,

LFC : Vous proposez de très bonnes idées

et d’une manière générale les prochaines

sur le monde de l’entreprise. On aimerait

générations, se sentent bien dans une entreprise.

vivre dans l’environnement que vous

Et la troisième chose, c’est la notion de diversité

décrivez. Vous dites que vous êtes pour les

qui est pour moi primordiale au sein d’une

vacances par exemple…

entreprise.

MCW : C’est un peu provocateur. Mais je le

LFC : Vous dites également qu’il faut savoir dire

pense profondément. Je parle notamment du

non pour avoir un oui.

présentéisme qui est un concept très français. Pour avoir travaillé à l’étranger, je peux vous

82

MCW : Il n’y a pas de oui sans non. Quand on dit



Nous ne sommes rien sans les autres. Nous croyons que seuls nous pouvons réussir. Mais ce n’est pas le cas. Ces personnes m’ont aidé à me relever lorsque je suis tombée, à oser lorsque je doutais. Dans la vie, il ne faut L I N A R I C HC’est ARDS pas hésiter à seS Elancer. important de faire des erreurs. Je ne crois pas aux trajectoires linéaires. oui à tout, les choses se choisissent malgré

LFC : Il est écrit en gras sur votre

nous. Et on ne sait plus à quoi on dit oui.

livre un féminisme joyeux et optimiste. Pensez-vous que le

LFC : À qui adressez-vous ce livre ?

féminisme d’aujourd’hui à d’autres couleurs que celles-ci ?

MCW : Je l’adresse d’abord aux femmes. Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’aider. Il m’a fallu du

MCW : Je ne juge pas le

temps, mais je l’ai fait. Il y a une notion

féminisme d’aujourd’hui. Je crois

d’entraide dans le livre. C’est une façon de

simplement à l’optimiste, à la joie.

transmettre ce que j’ai pu apprendre. Et je le

Ce sont deux moteurs forts qui

répète, ce livre peut apporter autant aux

peuvent déplacer des

hommes qu’aux femmes.

montagnes. Il faut rêver en grand.

LFC : Dans ce livre, vous avez tenu à

LFC : L’humour est-il une arme

remercier vos mentors/sponsors. Pour

selon vous ?

quelles raisons ? MCW : L’humour permet de faire

84

MCW : Nous ne sommes rien sans les autres.

passer des choses plus

Nous croyons que seuls nous pouvons réussir.

acceptables. Au-delà de l’humour,

Mais ce n’est pas le cas. Ces personnes m’ont

je trouve qu’il est important

aidé à me relever lorsque je suis tombée, à oser

d’avoir de la fantaisie. Il ne faut

lorsque je doutais. Dans la vie, il ne faut pas

pas trop se prendre au sérieux

hésiter à se lancer. C’est important de faire des

quand on parle de choses

erreurs. Je ne crois pas aux trajectoires linéaires.

sérieuses. Il faut être soi.


M Y R I A M L F C

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JUIN 2018

ANTOINE RAULT

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE


SELINA

Mai 2018, nous avons rendez-vous chez les éditions Albin Michel pour rencontrer Antoine Rault pour un entretien à propos de "La danse des R I vivants" CHARDS et "La traversée du paradis". Photos exclusives et interview.

LFC : Nous nous rencontrons pour votre

beaucoup de paradis sur terre. Plusieurs

livre La traversée du paradis (Albin Michel).

auteurs comme Jules Romain en ont parlé. Et

Ce livre est la suite d’un premier livre La

d’un autre côté, ce livre est un roman en

danse des vivants (Albin Michel). Bien que

mouvement. Le personnage est à la recherche

ce soit une suite, il est possible de lire le

de son identité. Il est en quête d’un certain

deuxième sans avoir lu le premier. Vous

paradis. Il va découvrir que l’homme qu’il a été

confirmez ?

avant son amnésie n’est pas l’homme qu’il est devenu.

AR : Absolument. C’était pensé de cette façon. On comprend assez vite les tenants et

LFC : Votre livre démarre avec votre

les aboutissants sans forcément avoir lu le

personnage Gustav Lerner. Cependant dans

premier. Au fond, lorsque l’on raconte une

le premier livre, disponible en version poche

histoire, on la prend toujours à un moment

chez Le Livre de Poche, il s’appelle Charles

précis. Il suffit de l’avoir conçu pour qu’on la

Hirscheim.

comprenne dans sa totalité. AR : Charles Hirscheim est son véritable nom. LFC : Le choix du titre La traversée du

Ce personnage amnésique ne sait pas qui il est.

paradis est très judicieux. Pouvez-vous

En revanche, les services secrets français ont

nous en dire plus ?

trouvé son identité. Il y a toute une histoire dans ce livre qui explique pourquoi son père refuse

87

AR : C’est un titre qui a plusieurs sens. À

de le reconnaître. Ce qui renvoie Charles à son

l’époque du communisme, on parlait

état amnésique. C’est parce qu’il ne sait pas qui


il est que les services secrets vont se servir de lui, car il a un atout, il parle couramment français, allemand et russe. LFC : Comment ce personnage est-il né dans votre esprit ?

SELINA AR : La première chose qui est née dans mon esprit, c’est La traversée du paradis qui a pris une plus grande ampleur que prévu. Finalement j’ai décidé d’en faire deux

J’essaye de raconter l’histoire de cette époque comme je raconterais la vie d’aujourd’hui. C’est-àdire au présent. Il est important que les lecteurs RICHARDS puissent s’identifier à cette période et qu’ils ne sachent pas ce qui va se passer tout au long du livre.

romans. En premier lieu, j’ai travaillé sur La danse des vivants, qui est la première partie

ce sont des espions russes à qui l’on donne

de l’amnésie, puis j’ai enchaîné sur La

l’identité de personnages disparus aux États-Unis.

traversée du paradis.

Ils vont donc vivre une vie d’Américains ordinaires. Sauf que ce sont des espions. À tel point que ces

LFC : Saviez-vous dès le départ qu’il y

deux personnes qui ne se connaissent pas et qui

aurait deux livres ?

doivent faire semblant vont tomber amoureuses, et faire des enfants. C’est un thème éternel.

AR : Oui. Je souhaitais que l’on puisse lire ces deux livres indépendamment. Mon idée

LFC : Ce roman est à la frontière entre l’histoire

principale était l’idée d’un soldat amnésique

et la fiction. Avez-vous fait beaucoup de

qui a oublié qui il est et qui est envoyé à

recherches ?

travers l’Europe en tant qu’espion. Une fois arrivée en Allemagne, il rencontre une jeune

AR : J’essaye de raconter l’histoire de cette

femme russe, danseuse de cabaret, dont il va

époque comme je raconterais la vie d’aujourd’hui.

tomber fou amoureux. Dans ce deuxième

C’est-à-dire au présent. Il est important que les

livre, il a le désir de retrouver cette femme

lecteurs puissent s’identifier à cette période et

qu’il ne pense jamais pouvoir retrouver.

qu’ils ne sachent pas ce qui va se passer tout au long du livre.

LFC : Le thème de l’identité vous passionne.

LFC : Avez-vous appris beaucoup des choses en écrivant ces deux livres ?

AR : J’aime beaucoup les histoires

88

d’espionnage. Mais ce que j’aime au-delà,

AR : J’ai appris beaucoup. J’ai lu beaucoup. J’ai

c’est la dimension psychologique. Si l’on

une grande passion pour la Russie que je voulais

prend l’exemple de la série The Americans,

raconter à travers l’histoire d’amour entre Charles



J’ai voulu raconter une histoire qui peut toucher n’importe qui. Mais, par moment, je donne des éclairages sur l’histoire. SELINA

RICHARDS

et Tamara. Cette période est la naissance des

pour la revanche future. Tout cela est fondamental

régimes totalitaires. Pour La traversée du paradis

pour comprendre la situation de l’entre-deux-

notamment, cela m’a demandé beaucoup de

guerre.

travail. C’était par exemple très difficile de trouver les archives en Russie qui ont été ouvertes à la fin

LFC : Combien de temps avez-vous travaillé sur

de l’URSS, puis fermées lorsque Vladimir Poutine

les deux premiers livres ?

est arrivé au pouvoir. Il était important de raconter les témoignages de l’époque. C’était une mission

AR : Quatre ans au total. L’idée m’est venue en

assez vertigineuse.

2013. J’ai commencé par le théâtre. C’est ce qui m’a permis de vivre de ma plume.

LFC : Dans La traversée du paradis, vous proposez plusieurs lectures. L’histoire sur

LFC : Pensez-vous qu’il y aura une suite à La

laquelle on peut se divertir et surtout le fait que

traversée du paradis ?

l’on peut apprendre plein de choses. Était-ce votre volonté ?

AR : Je pense, oui. J’ai conçu un certain nombre de choses. Mais mon roman ne se passera pas à cette

AR : Vous avez raison. C’est une lecture à plusieurs

période. Je crois que j’ai besoin d’écrire autre

niveaux. Quand vous lisez Guerre et Paix, vous

chose. J’ai un sujet contemporain qui me tient à

avez également différents regards. Mon ambition

coeur depuis un moment.

était vaste. J’ai voulu raconter une histoire qui peut toucher n’importe qui. Mais, par moment, je

LFC : Vous nous l’avez dit, vous êtes également

donne des éclairages sur l’histoire. Par exemple,

auteur de théâtre. Pouvez-vous nous en dire

l’Allemagne nationaliste humiliée par la défaite de

quelques mots ?

1918 et la jeune Russie rouge communiste qui

90

essaye de s’en sortir sont deux ennemis

AR : Ma pièce Terminus va se jouer en tournée et au

idéologiques qui trouvent un intérêt à s’entendre.

Théâtre d’Orléans. C’est une comédie sur la folie de

Ils vont mettre un plan secret qui consiste à créer

Georges Feydeau. Et l’autre pièce va se jouer au

une armée qu’ils vont se partager. Ceci permettra

Théâtre La Bruyère à partir du 21 septembre 2018,

à l’Allemagne de reconstruire une grande armée

il s’agit de La vie rêvée d’Helen Cox.


A N T O I N E

R A U L T

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L F C

M A G A Z I N E

# 1 0


LFC MAGAZINE

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#10

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JUIN 2018

GÉRARD COLLARD JEAN-EDGAR CASEL PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PATRICE NORMAND LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendez-vous à La Griffe Noire qui fête ses 30 ans cette année. Jean-Edgar Casel et Gérard Collard - débordés - se prêtent au jeu de la séance de photos dans les rayons de la librairie colorée. Gérard Collard file à ses mille SELINA RICHARDS occupations et Jean-Edgar Casel nous reçoit pour un entretien inédit à propos des dix ans de "Saint-Maur en Poche" qui aura lieu les 23-24 juin à la Place des Marronniers. Rencontre avec deux passionnés qui savent partager leur grain de folie. L'événement à ne pas rater ! LFC : Le Salon Saint-Maur en Poche fête ses

le salon et sera en vente au prix de dix euros.

dix ans cette année. Ce sera les 23 et 24 juin 2018. Et la Griffe Noire fêtera ses trente

LFC : Qui seront les parrains de cette

ans.

édition ?

JEC : Cette année est assez particulière en

JEC : Tout d’abord, presque tous les anciens

effet. La conjoncture est assez compliquée.

parrains et marraines seront présents pour les

C’est pour cette raison que nous avons

dix ans du salon. Pour cette dixième édition,

décidé de créer une cagnotte Leetchi pour

nous avons choisi Guillaume Musso et

permettre aux gens de nous soutenir pour le

Camilla Grebe. Camilla est un auteur étranger

salon. Chaque année, je sais le coût de

que nous aimons beaucoup et Guillaume, au-

l’investissement. Mais je ne sais jamais si je

delà d’être le plus gros vendeur en France,

vais rentrer dans mes frais. Depuis le mois de

est quelqu’un de très fidèle. J’ai d’ailleurs

septembre, nous organisons des évènements

une anecdote à ce sujet. Il n’a pas pu venir il y

dans la librairie pour faire la promotion du

a deux ans, et pour s’excuser de ne pas être

salon. Cette année, Camilla Grebe, René

venu, il m’a invité lors d’une émission en

Manzor, Patricia MacDonald, Daniel Cole ou

direct sur France Inter afin que je puisse

encore Aurélie Valognes sont passés nous

parler du salon. Ce qui est plutôt

voir. Cela nous aide beaucoup. Pour les

sympathique de sa part. C’est quelqu’un de

trente ans de la Griffe Noire, nous avons eu

très simple.

l’idée de faire un livre avec trente nouvelles écrites par trente auteurs. Il sera publié pour 93

LFC : Comme la plupart des auteurs que


vous accueillez… JEC : Exactement. Tous, ils jouent bien le jeu. Nous accueillons 294 auteurs cette année. C’est dément ! Comme ce sont les dix ans, beaucoup d’auteurs reviennent comme

S E L Et I Nil yA Katherine Pancol ou Tatiana de Rosnay. en a des nouveaux que nous aimons faire découvrir au public, par exemple une auteur britannique Mary Lynn Bracht qui a écrit Les filles de la mer qui n’est pas connue en

Cette année est assez particulière en effet. La conjoncture est assez compliquée. C’est pour cette raison que nous avons décidé de créer une cagnotte Leetchi pour permettre aux gens de R I C nous H A R D Ssoutenir pour le salon. Chaque année, je sais le coût de l’investissement. Mais je ne sais jamais si je vais rentrer dans mes frais.

France. Mais qui vient spécialement de Londres pendant deux jours. Le public est

émergé grâce au salon et à la télévision avec

très curieux et aime ce genre d’initiative.

Gérard Collard, mais il y a aussi le talent qui joue beaucoup.

LFC : Est-ce difficile de faire des choix chaque année ?

LFC : Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble avec Gérard Collard ?

JEC : Chaque année, tous les auteurs veulent revenir. (Rires) Il faut faire des choix. Cette

JEC : Cela fait trente ans que nous avons monté

année a été plus simple, car ce sont les dix

cette librairie. Nous avions travaillé ensemble dans

ans. Mais chaque année, des auteurs pensent

une autre librairie pendant huit ans. Ce qui fait

qu’on les aime moins alors que ce n’est pas le

presque quarante ans que nous nous

cas. C’est tout simplement que nous sommes

connaissons. On se complète bien. Lui, il est plus

dans une dynamique de turn-over. Il y a

sur la partie artistique. Et moi, davantage sur la

forcément des auteurs de bestsellers qui

partie gestion. C’est la vedette, et moi, l’homme de

reviennent, car ce sont eux qui font venir du

l’ombre. C’est pour cette raison que cela

monde. Et c’est eux qui permettent aux gens

fonctionne. Quarante ans, c’est long. Il faut que

de découvrir d’autres auteurs.

chacun y mette du sien pour supporter l’autre. (Rires) Ce qui nous tient, c’est qu’à l’arrivée, nous

LFC : Comme Franck Thilliez par exemple ?

sommes d’accord sur l’idée principale. C’est ce qui s’est passé pour le salon. Au départ, nous ne

JEC : Franck est une formidable locomotive.

savions pas ce que ce salon allait devenir. Nous

C’est un fidèle parmi les fidèles depuis le

étions fous !

début. Il dit toujours que nous l’avons lancé.

94

Je n’en sais rien. C’est toujours un plaisir de le

LFC : Cette folie a-t-elle été un moteur durant

voir revenir. Certes, certains auteurs ont

toutes ces années ?


GÉRARD

COLLARD

-

LFC

MAGAZINE

#10


Mes employés me disent souvent que je râle tout le mois qui précède le salon. Je pense que tout va être compliqué. Et puis finalement, lorsque l’on voit le résultat et que l’on voit tous les auteurs qui viennent vous féliciter. Cela nous rend très heureux. SELINA

RICHARDS

JEC : Nous en avons besoin, que ce soit pour les

est de moins en moins important. C’est une période

pancartes, pour les étiquettes, pour l’organisation.

difficile. Ce que je conçois. J’aurais pu avoir peur et

C’était d’ailleurs très peu apprécié à l’époque de

me dire que je ne le ferai plus. Mais j’ai pris le parti

donner son avis sur les livres. Aujourd’hui, c’est

avec Gérard Collard de continuer. C’est pour cette

l’inverse grâce à la multiplication des médias et

raison que nous avons fait une cagnotte Leetchi.

des libraires. Mais c’est normal, car il est important

Nous avons eu également de nouveaux investisseurs.

d’agripper le lecteur. Nous avons une certaine

Je crois en la fidélité des gens.

légitimité, car cela fait trente ans que nous faisons cela.

LFC : Quel est le plus gros problème que vous rencontrez chaque année ?

LFC : Pensez-vous avoir influencé les autres libraires ?

JEC : C’est le temps. L’année dernière, nous avons fait notre meilleur chiffre, car il y avait une conjoncture

JEC : C’est ce qu’a dit un des dirigeants de

parfaite : beaucoup de vedettes, un temps parfait et

Vivendi à l’époque, que nous étions des leaders

aucune défection. Chaque année, je me demande si

d’opinion. Je prends le compliment, car c’est une

je vais rentrer dans mes frais. Il y a une concurrence

responsabilité. Mais, je crois avant tout qu’il faut

d’Amazon, il y a le fait que les dictionnaires ne se

s’amuser. Nous ne nous sommes jamais pris au

vendent plus… À nous de proposer d’autres choses.

sérieux. Le livre, c’est un plaisir. Avec les années,

Cette année, cela risque d’être compliqué. Mais si je

nous nous consacrons plus à ce que nous aimons

m’arrête à cela, je ne fais plus rien. Il faut être fou.

plutôt qu’à descendre ce que nous n’aimons pas. LFC : Avez-vous une émotion particulière lorsque LFC : Avez-vous peur chaque année que le

vous êtes sur le salon ?

salon marche moins bien que les années précédentes ?

JEC : Mes employés me disent souvent que je râle tout le mois qui précède le salon. Je pense que tout

96

JEC : C’est le risque. Chaque année,

va être compliqué. Et puis finalement, lorsque l’on voit

l’investissement pécuniaire est de plus en plus

le résultat et que l’on voit tous les auteurs qui

lourd. Mais c’est un choix. Le budget des mairies

viennent vous féliciter. Cela nous rend très heureux.


J E A N

E D G A R D

C A S E L

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L F C

M A G A Z I N E

# 1 0



LES AUTEURS LITTÉRATURE GÉNÉRALE ET ESSAIS PRÉSENTS À

SAINT-MAUR EN POCHE


LES AUTEURS DE POLAR PRÉSENTS À

SAINT-MAUR EN POCHE


LES AUTEURS JEUNESSE PRÉSENTS À

SAINT-MAUR EN POCHE


LFC MAGAZINE LIVRE

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#10

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JUIN 2018

MISCHA BERLINSKI

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE


Né à New York en 1973, Mischa Berlinski a été journaliste avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, "Le Crime de Martiya Van der Leun" (Albin Michel, 2010), finaliste du National Book Award, a été traduit dans une dizaine de langues et récompensé par le prestigieux Whiting Award, qui distingue chaque année de jeunes auteurs particulièrement prometteurs. Séance de photos exclusives et entretien inédit à propos de son nouveau roman "Dieu ne tue personne en Haïti", directement inspiré de son expérience personnelle.

LFC : Nous nous rencontrons pour parler

LFC : Haïti est même un personnage à part

de votre deuxième roman Dieu ne tue

entière dans ce livre.

personne en Haïti (Albin Michel). Comment est née l’idée d’écrire ce livre ?

MB : Exactement. Haïti est à moitié le pays qui existe vraiment et à moitié le pays de mon

MB : Je n’ai jamais pensé que j’allais écrire un

invention. Beaucoup de choses viennent de

livre qui se passe en Haïti. Ma femme a trouvé

mon imagination.

un travail là-bas avec les Nations Unies. Et pour commencer, ce travail ne devait durer

LFC : Lorsque vous avez suivi votre femme là-

que six mois. Je l’ai donc suivi. Finalement,

bas, pensiez-vous un jour vivre une telle

nous y sommes restés cinq ans. Cette période

expérience ?

a été très intense. Beaucoup de choses se sont passées.

MB : Ce n’était pas une surprise. Je voyage presque continuellement depuis l’âge de vingt

LFC : Que retenez-vous de ce pays ?

ans. Je savais que cela pouvait arriver.

MB : C’est un pays très intrigant. Au fur et à

LFC : Vous considérez-vous comme un

mesure que les années passaient, je me suis

citoyen du monde ?

dit que je devais absolument raconter mon

103

expérience là-bas. C’est vraiment le pays en

MB : On reste toujours citoyen de son pays

lui-même qui m’a donné envie de me lancer

natal. C’est souvent le pays que l’on connaît le

dans ce projet.

mieux. Cependant, je n’aime pas trop le terme


citoyen du monde, car malheureusement, il n’existe pas de passeport du monde. J’ai énormément de chance de pouvoir voyager. Beaucoup de gens ne peuvent pas se le permettre. LFC : Ce terme est-il trop idéaliste ? MB : Les Haïtiens par exemple n’ont pas le droit de quitter leur pays. Ils ne peuvent même pas aller dans les pays voisins. Cela n’a pas de sens. Moi, je suis américain. Et si je le

Haïti est un pays très intrigant. Au fur et à mesure que les années passaient, je me suis dit que je devais absolument raconter mon expérience là-bas. C’est vraiment le pays en lui-même qui m’a donné envie de me lancer dans ce projet.

veux, je peux aller vivre en Haïti. C’est comme s’ils étaient dans une prison.

beaucoup d’Haïtiens ont été vexés par le livre. Ils ont pris cela comme un manque de respect.

LFC : Vous parlez de la pauvreté dont

J’accepte leur objection, mais s’ils ne sont pas

souffre le pays et c’est quelque chose que

contents qu’ils écrivent leur propre livre. Je

l’on ressent beaucoup en tant que lecteur.

comprends que certains peuvent être touchés. Mais j’ai simplement écrit ce que j’ai vu et ce

MB : C’est la première chose qui saute aux

que j’ai ressenti. Je l’ai fait avec bienveillance.

yeux lorsque vous arrivez là-bas. Ce n’est pas le pays le plus pauvre du monde. Seulement,

LFC : Vous faites un portrait assez féroce du

je n’avais jamais voyagé dans un pays où

pouvoir. Pouvez-vous nous en parler ?

autant de personnes étaient pauvres. Même lorsque vous avez un peu d’argent, c’est

MB : Dans l’abstrait, ce qui ne va pas, c’est le

difficile d’entreprendre des choses. Il est

manque de pouvoir en Haïti. Personne ne

difficile d’acheter une maison par exemple,

contrôle le pays et c’est la réalité. Le

car il n’y a pas ou peu de réseaux électriques.

gouvernement manque de moyen pour

lumière et d’espoir.

pouvoir prendre des décisions et le diriger. Les institutions de l’État ne sont pas capables de se

LFC : Vous avez décrit la réalité d’Haïti,

mettre au service des citoyens. C’est plutôt un

mais également, comme vous nous l’avez

portrait féroce du manque de pouvoir.

dit, un Haïti un peu plus imaginaire. Pourquoi avoir choisi d’être aussi

LFC : Il existe une partie très sérieuse dans

bienveillant ?

ce livre où vous parlez de la pauvreté, mais il y a également des histoires d’amour. Était-

MB : Même en utilisant cette méthode,

104

ce important de créer cet équilibre ?


MISCHA

BERLINSKI

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LFC

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#10


Le monde d’aujourd’hui est très complexe et c’est ce qui m’inspire. Tout le monde a son point de vue qui est basé sur des expériences personnelles. Il faut avoir un peu de modestie parfois. Et admettre que les choses sont compliquées. Trouver des solutions prend du temps. Les politiciens sont très forts pour vous dire qu’ils vont trouver une solution simple à un problème qui dure depuis plusieurs centaines d’années. MB : Oui. Tout d’abord, parce que l'amour est un

et c’est ce qui m’inspire.

sujet qui m’intrigue, comme tout le monde. Même

Tout le monde a son point

lorsque l’on est pauvre, on peut tomber amoureux.

de vue qui est basé sur

Si l’on veut réussir à tourner la page, il faut

des expériences

quelque chose qui puisse nous le permettre. Voilà

personnelles. Il faut avoir

pourquoi j’ai voulu parler d’amour. J’espère que

un peu de modestie

cela intéressera les lecteurs.

parfois. Et admettre que les choses sont

LFC : Vous parlez très bien français alors que ce

compliquées. Trouver des

n’est pas votre langue maternelle, comment

solutions prend du temps.

faites-vous pour avoir cette capacité à si bien

Les politiciens sont très

nous conter vos histoires ?

forts pour vous dire qu’ils vont trouver une solution

MB : Il faut éliminer les choses ennuyantes, c’est le

simple à un problème qui

secret. Lorsque j’écris un livre, j’essaye de faire au

dure depuis plusieurs

mieux pour retranscrire l’univers qui m’entoure et

centaines d’années.

être le plus authentique possible. En tant qu’écrivain, la chose la plus importante, c’est que

LFC : Écrivez-vous un

les lecteurs croient à vos histoires, qu’elles soient

nouveau roman ?

réelles ou imaginaires. Très souvent même, le réalisme semble moins vrai que l’imaginaire.

MB : Je préfère ne pas en parler. Avec l’expérience,

LFC : Une fois que les lecteurs auront fini votre

je trouve que cela peut

livre, qu’aimeriez-vous qu’ils retiennent ?

porter malheur de dévoiler son histoire avant

106

MB : Je ne veux pas qu’ils retiennent une idée sur

d’avoir écrit le dernier

Haïti. Le monde d’aujourd’hui est très complexe

mot.


M I S C H A

B E R L I N S K I

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L F C

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LFC MAGAZINE

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#10

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JUIN 2018

DO RAZE

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG RAPHAËL DEMARET LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendezvous avec Do Raze pendant la pause déjeuner pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit à propos de son S E L I N A "Fucking RICHARDS thriller Business" (HC Éditions). Souvenez-vous, Do Raze a publié précédemment "La mort des rêves" qui a reçu le Prix du Premier Roman du Festival de Beaune. LFC : Nous nous rencontrons pour parler

demi. Je suis quelqu’un qui ne fait pas relire son

de votre deuxième roman Fucking

livre. Je n’ai pas envie qu’il y ait de doutes qui

business (HC Éditions). Avant d’en parler,

se créaient. Je veux préserver mon espace de

nous aimerions revenir sur votre premier

liberté.

roman La mort des rêves qui a obtenu le Prix du premier roman au Festival de

LFC : Que s’est-il passé ensuite ?

Beaune en 2011. Comment avez-vous vécu cette aventure ?

DR : Avant de reprendre le travail, je l’ai envoyé à quatre maisons d’édition. Les Éditions du

109

DR : C’était une aventure incroyable. J’écris

Masque m’ont appelé quelques semaines plus

depuis très longtemps, mais je parvenais

tard en me disant qu’ils étaient partants. Et

seulement à écrire des nouvelles. À l’époque,

également pour me dire que j’étais

je travaillais dans une agence de

sélectionnée pour le Prix de Beaune. Ce qui est

communication avec un rythme assez

assez amusant, c’est que lorsque l’éditrice m’a

intense. Et j’ai décidé de faire une pause en

appelé, elle a cru que j’étais un homme. (Rires)

accumulant tous mes retards de vacances. Au

Elle a beaucoup aimé certaines choses du livre

total, je me suis arrêtée pendant deux mois et

que d’autres maisons d’édition n’avaient pas

demi. Durant cette période, je me suis lancée

aimé. Un mois après, j’ai appris que j’étais

dans l’écriture de La mort des rêves. Je

primée et que le livre sortait. Je ne l’ai pas vu

passais six à huit heures par jour avec comme

sortir. Je me suis retrouvée propulsée à Beaune

objectif de le finir avant de reprendre le

pendant trois jours où j’ai reçu mon prix sur

travail. Je l’ai terminé au bout d’un mois et

scène. Une sacrée aventure !


LFC : Plusieurs années séparent vos deux romans, vous avez pris votre temps. Pour quelles raisons ? DR : Je n’écris pas pour écrire. L’idée de Fucking Business était dans ma tête depuis

SELINA un moment. Le prochain que je souhaite écrire sera basé sur un sujet que j’ai aussi en tête depuis quelques années. Je prends mon temps. J’aime que les idées mûrissent dans mon esprit. Lorsque j’écris, j’aime être absorbée par le projet.

L’idée de Fucking Business était dans ma tête depuis un moment. Le prochain que je souhaite écrire sera basé sur un sujet que j’ai aussi en tête depuis quelques R I C H A Rannées. DS Je prends mon temps. J’aime que les idées mûrissent dans mon esprit. Lorsque j’écris, j’aime être absorbée par le projet. histoire parle de rédemption. Je ne cherche pas à

LFC : On sent qu’à travers ce livre vous

ce que l’on aime ou non mes personnages. Je

aviez besoin de vous lâcher. Tout cela

veux simplement qu’ils soient eux-mêmes. D’où

s’explique avec ce que vous nous dîtes à

cette première personne qui est une façon

propos de votre travail.

d’enlever ma subjectivité et de lui laisser toute la place. De cette façon, je n’ai pas à le juger. Il peut

DR : Je ne prétends pas écrire des essais.

s’exprimer intégralement sans jugement. La chose

Cependant, grâce à mon travail - je suis dans

amusante, c’est que malgré sa profession, les gens

des cercles de ressources humaines, dans le

l’apprécient.

conseil et l’analyse - j’ai vu beaucoup de choses dans les coulisses de l’entreprise. Et

LFC : Il ne travaille pas seul. Il est accompagné

je crois que le livre est une manière

de Shadow.

d’analyser ce que j’ai vu. J’essaye de parler de sujets que je ne trouve nulle part ailleurs.

DR : Les sujets de fond sont surtout des sujets sociaux. Ce qui me titillait le plus, c’était les

110

LFC : Votre personnage Bleu est un tueur

notions de rédemption et de filiation. Et c’est ce

à gages corporate. Ses clients sont des

qui se passe avec Shadow. Il y a un rapport de

entreprises. Ses victimes des

filiation. Ce sont des liens qui interpellent. Le lien

entrepreneurs trop inspirés, des

entre les parents et les enfants est quelque chose

ingénieurs trop brillants, des talents trop

de très complexe. Le fait de ne pas choisir sa

menaçants. Pouvez-vous nous parler de

famille, mais de choisir ses amis est une idée très

ce personnage ?

forte.

DR : Au fur et à mesure du livre, Bleu va se

LFC : Votre livre est un thriller avec une

rendre compte qu’il est humain. Cette

mécanique de page turner.


DO

RAZE

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LFC

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#10


DR : Lorsque j’écris, je découvre l’histoire en

LFC : Le fait de parler de l’entreprise dans

même temps que mon personnage. Je vais de

votre livre était une manière de parler des

surprise en surprise. Mes chapitres sont assez

dérives de notre société. Qu’en pensez-

courts, car c’est mon rythme d’écriture. Lorsque

vous ?

j’écris, j’entends une musique. DR : Absolument. Et de parler de la question LFC : C’est un livre plein de suspens, vous

des générations. Pour moi, c’est l’impuissance

parvenez à agripper le lecteur. Avez-vous

de tout individu face à l’obsolescence

rencontré des problèmes pour imposer S E ce LINA rythme ?

du système. Plus on avance, R I C Hprogrammée ARDS plus on vieillit. Et plus à un moment donné, nous sommes obligés de décrocher. Que ce

DR : Il y a des moments où je doutais. Il

soit dans votre travail ou dans votre quotidien.

m’arrivait parfois de me demander où je souhaitais aller. Je sais quel est mon propos de

LFC : Formulez-vous une critique ou

fond. Mais je n’ai pas de structure. Je ne sais

dressez-vous un constat ?

pas de quoi sera fait le prochain chapitre. À un moment donné, je pensais être à la fin, car je

DR : Plutôt un constat. Comme je viens d’un

n’avais plus cette sonorité en tête. Néanmoins,

univers où ce constat là est très vu et très

je sentais qu’il manquait quelque chose.

entendu, ce n’est que lorsque j’échange avec des personnes extérieures que je remarque

LFC : Vous parlez beaucoup des nouvelles

que cela ne s’applique pas partout.

technologies, du monde de l’entreprise moderne, le fait que l’on soit surveillé…

LFC : Pensez-vous que l’écriture soigne ?

Pourquoi ces thèmes vous inspirent-ils autant ?

DR : Non. Je crois que j’ai réussi à écrire des romans quand j’ai arrêté de parler de moi. Des

DR : Le monde de l’entreprise est un milieu très

gens le font très bien. Mais, moi, non.

compliqué qui devient de plus en plus pervers. Un exemple, ces sociétés paternalistes qui font

LFC : Dernière question pour terminer cet

tout pour que vous puissiez passer le plus de

entretien. Votre livre est sorti il y a quelques

temps possible sur votre lieu de travail. Toutes

semaines maintenant. À travers les

ces choses questionnent sur la liberté de

premiers avis de lecteurs, vous êtes-vous

l’individu. La question du progrès m’intéressait

sentie comprise ?

beaucoup, car c’est quelque chose que l’on ne

112

contrôle pas. Cela nous arrive à la figure à

DR : Pour la majorité, oui. Les premiers avis

pleine vitesse. Lorsque vous avez quarante ans,

étaient très concentrés sur le tueur à gages et

vous êtes censés maitriser votre art. Et dans les

très peu sur l’histoire d’amour entre Sacha et

faits, du jour au lendemain, les codes changent.

Shadow. C’est peut-être un le symbole d’un

Et vous n’êtes plus dans un environnement

mal-être qui subsiste dans notre société. C’est

familier. Tout change.

un livre de génération.


D O

R A Z E

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L F C

M A G A Z I N E

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LFC MAGAZINE BEST SELLER

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JUIN 2018

JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHILIPPE MATSAS LEEMAGE


Mai 2018, nous rencontrons pour la première fois Jean-Christophe Grangé, extrêmement rare en entretien. La Fringale Culturelle existe depuis dix ans et c'est seulement maintenant que nous avons S E L I N A de R I Cle H Avoir R D S et nous en sommes très l'honneur heureux. Séance photos exclusives et entretien de grande qualité à propos de son nouveau roman "La terre des morts" (Albin Michel) avec en prime une information exclusive sur son grand succès "Les Rivières Pourpres".

LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

Cependant, ma raison d’être, c’est quand même

de votre nouveau roman La terre des morts

de rester chez moi et d’écrire des livres. Je n’ai

disponible (Albin Michel) depuis le 2 mai

pas un goût excessif à paraître. La preuve, je

2018 en librairie. Tout d’abord, comment

suis déjà à la moitié de mon prochain livre.

allez-vous ? LFC : Cela se voit puisque vous êtes assez JCG : C’est un peu la course en ce moment.

rare dans les médias, y compris chez nous !

Nous sommes en pleine promotion du livre. C’est une grosse rupture de ton, car je passe

JCG : Je n’aime pas cela. Tant que je peux

un an et demi environ à écrire mon livre. Et

éviter, j’évite. Mais aujourd’hui, je suis très

tout à coup, il faut parler à vingt personnes

content d’être avec vous pour parler de La terre

différentes dans la journée. C’est un

des morts. Mon travail, c’est d’écrire des livres.

changement d’atmosphère radical.

Je ne suis pas un adepte non plus des salons, des signatures…

LFC : Êtes-vous dans une forme d’euphorie avec le fait de partager votre livre avec les

LFC : Quel lien avez-vous avec vos lecteurs ?

lecteurs ? JCG : Le lien avec les lecteurs, ce sont mes

115

JCG : Absolument. Une vive euphorie, car

livres. J’essaye de faire mon boulot du mieux

l’accueil à propos de ce roman se présente

que je peux. Finalement, je crois que c’est le lien

bien avec de bonnes critiques. Ce qui est

principal. Même dans les salons, je trouve qu’il

pour moi, un énorme soulagement.

n’y a pas forcément de lien avec les lecteurs ;


vous leur demandez leur nom et puis au suivant. En revanche, je donne tout pour leur proposer les meilleurs livres possible. C’est comme un sportif, à chaque fois, je remets mon titre en jeu. Je n’ai pas le sentiment de facilité et d’aisance avec le succès. Mon idée, c’est plutôt le contraire, pour resterSàEniveau L I N et A satisfaire son public - avec la peur qu'il se fatigue - je me dois de toujours assurer. LFC : Dans votre nouveau livre La terre des morts, vous y allez très franchement ! JCG : (Rires) Tout le monde me le dit ! LFC : Quand vous avez démarré ce projet, aviez-vous la volonté d’y aller si fort ? JCG : C’est exactement ce que je me suis dit. En général, mes livres sont des voyages. Beaucoup d’entre eux se passent dans des pays lointains. Cette fois-ci, le voyage se passe dans le monde du porno, de la peinture… La première partie est très choquante. C’est une sorte de jungle. Je l’ai conçu de cette manière. J’ai voulu que mon héros descende dans les cercles de l’enfer. LFC : Et vous nous y emmenez… JCG : Exactement. J’aime énormément faire des voyages avec des rebondissements, des détours et surtout que nous ayons du mal à nous souvenir du point de départ. Dans ce livre, c’est tout à fait ce que j’ai essayé de faire. La fin n’a rien à voir. C’est le vrai plaisir du polar que de lire un livre et de voir la vérité

116

C’est comme un sportif, à chaque fois, je remets mon titre en jeu. Je n’ai pas le sentiment de facilité et d’aisance avec le succès. Mon idée, c’est le contraire, pour R I C Hplutôt ARDS rester à niveau et satisfaire son public avec la peur qu'il se fatigue - je me dois de toujours assurer. en filigrane qui vous explose au visage lors du dénouement. LFC : Connaissiez-vous le début et la fin de votre livre avant sa rédaction ? JCG : Oui. Et c’est pour cette raison que j’ai du mal à parler de ce livre. Mon idée de départ est mon idée d’arrivée. Je voulais vraiment écrire ce dénouement qui est très particulier. J’ai tricoté mes fausses pistes, mes ambiances… La vraie idée, c’est cette résolution original. Le jeu était de donner de fausses pistes aux lecteurs. LFC : Vous proposez une plongée dans les méandres du porno, du bondage et de la perversité sous toutes ses formes. Et pourtant, vous voulez nous faire comprendre que ce sont des gens ordinaires. JCG : C’est une chose que je pressentais. Et j’en ai eu la confirmation lorsque j’ai fait mon enquête. Tous ces gens ont une case particulière dans leur cerveau, mais qui pour le reste de la vie, ils sont tout à fait normaux. Il faut essayer de lutter contre


JEAN-CHRISTOPHE

GRANGÉ

-

LFC

MAGAZINE

#10


Mes histoires sont quand même assez rocambolesques. Elles flirtent toujours avec une impression fantastique et impossible. En contrepartie, j’essaye toujours de cadrer mes histoires avec L I N un A R I souci C H A R D S du détail. un réalismeS Eet ce préjugé selon lequel un certain goût sexuel

histoires sont quand même assez

entraîne un comportement gênant. Pas du tout.

rocambolesques. Elles flirtent toujours avec une

Les gens dont je parle, et que j’ai rencontrés, ce

impression fantastique et impossible. En

sont des gens qui, le lendemain, remettent leur

contrepartie, j’essaye toujours de cadrer mes

costume et vont au travail comme tout le monde.

histoires avec un réalisme et un souci du détail.

Je suis un défenseur du libre désir. Chacun s’excite avec ce qu’il veut. Dans ce livre, mon

LFC : Vous parlez des êtres humains et de

personnage enquête sur un tueur de strip-

leurs tréfonds dans beaucoup de vos livres.

teaseuses et il va aller dans un univers qui est au-

Avez-vous appris des choses nouvelles avec

delà de la morale et de la normale. Cependant, il

celui-ci ?

n’est pas confronté directement au criminel. Il est entre deux eaux. J’aimais bien l’idée de cette

JCG : J’ai appris à être tolérant, à ne plus du tout

ambiance très sombre.

juger et à oublier une morale qui est pesante. Tous ces gens sont très sympathiques tout

LFC : Le livre a-t-il été difficile à écrire

d’abord. L’expérience que j’ai eue à Tokyo pour

émotionnellement ?

l’écriture de ce livre m’a permis de fréquenter un milieu underground que j’ai trouvé très tolérant.

JCG : Il y a toujours deux temps dans un livre. Le

Tous les désirs sont tordus. Le désir est fait pour

temps où vous collectez vos idées. Et ensuite un

s’écarter de la règle. Gardons-nous de juger ceux

très long temps d’artisanat et d’écriture qui est

qui ont un désir différent. Il faut être très détendu

finalement assez technique. C’est pendant cette

par rapport à cela.

période que j’essaye d’écrire du mieux possible l’histoire que j’ai en tête. Ce travail est assez

LFC : Cela demande à vos lecteurs d’être

paisible désormais avec l’expérience que j’ai.

bienveillants.

LFC : Vous souhaitez que cette histoire soit la

JCG : En lisant mes livres, les lecteurs acceptent

plus proche de la réalité. Pourquoi ?

d’être pris par la main. Ils espèrent être emmenés dans des mondes inconnus. Évidemment, tout le

JCG : Pour que le lecteur y croit à fond. Mes 118

monde va sursauter sous sa couette. Mais je


J E A N - C H R I S T O P H E L F C

M A G A Z I N E

G R A N G É # 1 0


pense que c’est ce qu’ils attendent. Ils vont suivre ce voyage initiatique dans un monde où l’amour est très proche de la mort. LFC : Votre livre parle d’art à travers la peinture. Est-ce une respiration pour que ce ne soit pas trop sombre ?

SELINA

JCG : Je l’ai conçu de cette manière. Je souhaitais que derrière cette barrière du porno

En écrivant ce livre, j’avais vraiment cette idée de dénouement jusqu’à l’explosion finale. J’ai une grande satisfaction. Celle que les lecteurs apprécient et R I C H Acomprennent RDS ce que j’ai voulu faire. C’est le signe que j’ai réussi mon coup.

et du bondage un peu asphyxiante, il y ait un personnage qui soit peintre et qui soit très lié à

personnage du commissaire Niémans dans Les

ce milieu. Je voulais que l’on arrive à une sorte

Rivières Pourpres. Il sera interprété par Olivier

de sublimation avec l’ombre de Goya qui pèse

Marchal. J’ai imaginé quatre histoires où le

sur toute cette histoire. Cela rappelle que

commissaire s’occupe de différentes enquêtes en

beaucoup de grands peintres ont peint des

France et en Allemagne. Et où les meurtres

prostituées. Il n’y a pas à s’économiser sur le

dépassent les compétences et les habitudes des

sexe quand vous parlez de l’homme, c’est un

gendarmes locaux. Cette fois-ci, c’est une femme

très très bon sujet.

qui assistera le commissaire. Les épisodes ont été tournés et vont être diffusés cet automne sur

LFC : Nous avons le sentiment que vous

France 2. Comme j’ai beaucoup aimé ces histoires,

assumez complètement ce livre.

j’ai décidé de les écrire dans un format de plusieurs livres plus court, quatre romans que je

JCG : Bien sûr. C’est romanesque et c’est au

suis en train d’écrire. L’idée serait d’en sortir un au

service du suspens. Je veux que mes lecteurs

moment de la série. Curieusement, mon éditeur ne

ne puissent plus fermer le livre une fois qu’ils

trouve pas que ce soit un problème qu’il sorte

l’ont commencé.

après. On verra.

LFC : Nous sommes en 2018. Nous fêtons

LFC : Êtes-vous heureux ?

cette année les vingt ans de votre livre Les rivières pourpres, adaptées au cinéma en

JCG : Très heureux. Surtout avec le bon accueil de

2000 par Mathieu Kassovitz. Ce livre vous a

ce livre. Je vais vous faire une confidence. En

amené partout. Seriez-vous partant pour

écrivant ce livre, j’avais vraiment cette idée de

d’autres adaptations de vos livres ?

dénouement jusqu’à l’explosion finale. J’ai une grande satisfaction. Celle que les lecteurs

120

JCG : La tendance actuelle, ce sont les séries.

apprécient et comprennent ce que j’ai voulu faire.

Il y a un projet en cours qui reprend le

C’est le signe que j’ai réussi mon coup.


LFC MAGAZINE LIVRE

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#10

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JUIN 2018

FRANCK CALDERON HERVÉ DE MORAS

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG FRANCK BELONCLE LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Avril 2018, Franck Calderon et Hervé de Moras nous reçoivent dans un appartement Parisien pour nous parler de leur deuxième roman "Là où rien ne meurt" (Robert Laffont / La Bête Noire). S E thriller L I N A R Iavec C H A R Dune S Un dimension policière, du suspense, du danger, une grande aventure mystérieuse et sentimentale, esprit que nous avions déjà fortement aimé dans leur premier roman, "La prétendue innocente des fleurs". Rencontre inédite.

LFC : Nous nous rencontrons pour votre

fleurs en 2015. Avec ce nouveau livre, on

deuxième roman en commun Là où rien ne

sent qu’il y a une cohérence entre les deux.

meurt. Nous insistons sur le fait que ce livre

Qu’en pensez-vous ?

est un roman. Êtes-vous d’accord ? FC : Nous sommes dans le même genre avec FC : Cela nous fait plaisir. En effet, nous n’avons

une vraie intrigue façon thriller. Il y a un danger

pas la volonté de faire du polar pur. Pour nous, il

de vie et de mort très fort et beaucoup de

y a une intrigue thriller avec une dimension

mystère. Il y a également un parcours initiatique

policière, du suspense, du danger. Ce livre est

avec un personnage qui va apprendre d’une

aussi une grande aventure mystérieuse et

aventure humaine et qui va évoluer. Ce sont

sentimentale.

des points communs avec le premier livre. Comme le dit Hervé, nous avons tous les deux

HDM : Nous avons un propos, comme dans le

essayé de travailler sur un propos. Le premier

premier roman. L’enquête est un support à ce

était le thème du pardon. Dans celui-ci, c’est la

propos, mais elle ne se suffit pas du tout à elle-

quête de l’éternité.

même. Le but du roman n’est pas seulement de

122

savoir qui a fait le coup, si toutefois quelqu’un l’a

LFC : Comment cette thématique s’est-elle

fait, mais plutôt d’aborder un propos.

imposée à tous les deux ?

LFC : Nous nous étions rencontrés pour votre

HDM : Ce livre est né d’un fait réel qui me

premier roman La prétendue innocence des

concerne plus particulièrement. Mon père est


décédé en 2001 et son cercueil a été emporté par les inondations de 2002. Pendant des années, nous n’avons pas su ce qui était arrivé à ce cercueil. Nous pensions même qu’il avait complètement disparu. Un jour, Franck m’a appelé en me disant qu’ils avaient

SELINA retrouvé mon père. Il venait tout juste d’entendre cela à la radio. Il était perché à dix mètres dans un arbre et attendait ici depuis quatre ans. Le thème me trottait depuis un moment dans la tête. L’exhumation fait

Nous n’avons pas la volonté de faire du polar pur. Pour nous, il y a une intrigue thriller avec une dimension policière, du du danger. Ce R I C Hsuspense, ARDS livre est aussi une grande aventure mystérieuse et sentimentale.

beaucoup penser à la vie éternelle. Et je trouvais qu’il y avait une continuité avec le

permanents par mail, par téléphone pour que

thème du pardon.

l’histoire soit la plus pertinente possible. D’ailleurs, certains dialogues de ce livre sont la

LFC : Ce livre est un travail en duo.

retranscription de nos propres dialogues.

Comment avez-vous travaillé ensemble ? LFC : Justement, on sent qu’il y a une certaine FC : Comme dans le premier, nous mettons

véracité dans les dialogues. Tout s’explique.

l’histoire au point ensemble. Nous n’écrivons pas tant que nous n’avons pas l’histoire. Une

HDM : Nous parlons beaucoup. La chose la plus

fois celle-ci terminée, nous la structurons en

importante est de ne surtout pas oublier le propos

chapitres et ensuite nous commençons

de fond. Le propos de Franck, c’est la quête de

l’écriture. Je prends les trois premiers

l’éternité. Mais il existe aussi une dimension

chapitres, Hervé les trois suivants, etc. Il

amoureuse. C’est un thème universel.

repasse ensuite sur ce que j’ai fait et je repasse sur ce qu’il a fait autant de fois que

LFC : Votre approche du romantisme est

nécessaire pour que l’on soit tous les deux

particulière. Vous l’abordez d’une façon assez

contents. Ensuite, il y a un travail organique,

unique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

la structure évolue, les personnages prennent de l’importance. Les choses bougent

FC : On peut confondre le sentiment amoureux, ou

beaucoup.

l’amourette, avec l’amour avec un grand A. C’est plus de l’amour avec un grand A dont on parle. Ce

123

HDM : Concevoir l’histoire est ce qui nous

n’est pas du romantisme gnangnan. Le principe

prend le plus de temps. Lorsque l’on

de l’amour inonde un peu l’ensemble. On essaye

démarre, nous savons dans quelle direction

de s’appliquer pour que chaque personnage soit à

nous devons aller. Nous avons des échanges

un moment donné touché par l’amour. Mais ce


H E R V É

D E

M O R A S

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L F C

M A G A Z I N E

# 1 0


FC : En effet. Paul décide de se suicider le jour de la fin du Ce qui caractérise ces deux livres, c’est que l’amour est monde. C’est comme si les éléments s’étaient mis tous dans l’ADN de l’histoire. Ce ensemble pour le sauver en lui disant de ne pas n’est pas quelque chose qui est commettre cette erreur. Le démarrage peut faire penser à traité en parallèle comme un de la science-fiction. Seulement la situation de chaos personnage. L’amour est au permet de tout détruire pour pouvoir reconstruire cœur de notre problématique quelque chose. et de notre intrigue. Toutes les clefs principales sont dans les cœurs des gens. amusant que Paul veuille se S E L I N A RHDM I C H: Nous A R Dtrouvions S suicider le jour de la fin du monde. C’est une belle ironie. n’est pas forcément tomber amoureux de

(Rires)

quelqu’un, ce peut être l’amour de soi-même. Dans la vraie vie, tout le monde vit cela. Nous

LFC : Le pardon et la quête de l’éternité sont les

sommes sans cesse à la recherche d’amour.

thèmes de vos deux premiers livres. Avez-vous déjà une idée pour le troisième livre ?

HDM : Ce qui caractérise ces deux livres, c’est que l’amour est dans l’ADN de l’histoire. Ce n’est

HDM : Nous avons déjà une idée, oui.

pas quelque chose qui est traité en parallèle comme un personnage. L’amour est au cœur de

FC : Ce sera le libre arbitre et la conscience. Il y a toujours

notre problématique et de notre intrigue. Toutes

une continuité avec les deux précédents.

les clefs principales sont dans les cœurs des gens.

LFC : Là où rien ne meurt est disponible en librairie depuis le 15 mars 2018. Nous nous rencontrons

LFC : Votre personnage Paul Bénévent est un

quelques semaines après. Quels sont les premiers avis

auteur nîmois à succès. Est-il un double de

de lecteurs ?

vous ? HDM : Pour l’instant, ils sont très bons. Que ce soit les FC : Il vend beaucoup plus de livres que nous !

lecteurs ou les médias, jusqu’à présent, nous sommes très

(Rires)

contents.

HDM : Ce n’est pas un double de nous, mais cela

LFC : Les réactions des lecteurs vous surprennent-

nous paraissait assez harmonieux dans la

elles ?

trajectoire que l’on voulait lui imprimer. C’est

125

quelqu’un qui a eu une enfance assez difficile et

FC : Ce qui va plaire à l’un des lecteurs ne va pas

complexe. Il aurait pu mal tourner. Mais c’est la

forcément plaire à l’autre. Chacun y trouve son compte.

rencontre avec une femme qui va lui permettre

Cela vient probablement du genre, puisque c’est un

de s’ouvrir. L’écriture est une ouverture sur le

thriller, avec du mystère, du voyage, du danger, du

monde. C’est ce que nous voulions raconter.

romantisme…

LFC : Cela va bien avec le chaos que vous

HDM : Nous sommes toujours heureux de voir que les

installez dès le début du livre…

lecteurs prennent du plaisir à lire notre livre.


F R A N C K

C A L D E R O N

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L F C

M A G A Z I N E

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LFC MAGAZINE BEST SELLER

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#10

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JUIN 2018

MAXIME CHATTAM PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - ARNAUD MEYER LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Mai 2018, nous avons rendez-vous dans les studios de photos de Leextra pour notre premier shooting avec Maxime Chattam, l’un des maîtres du thriller français dont l’imagination intarissable est régulièrement saluée par la presse. Il a vendu plus de 7 SELINA RICHARDS millions d'exemplaires en France et est traduit dans une vingtaine de pays. Aujourd'hui, c'est le cœur et la raison qui dessinent notre entretien inédit avec la publication de "Ambre, Autre-Monde" (Le Livre de Poche) dont les droits d'auteurs sont intégralement reversés à l'UNICEF. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

manière. Le temps est passé… Puis, j’ai proposé

d’un prequel de votre série Autre-Monde

à Véronique Cardi d’écrire un roman inédit pour

en partenariat avec l’UNICEF et Le Livre de

l’UNICEF où je donnerai cent pour cent de mes

Poche. Racontez-nous !

droits d’auteurs. Ma seule condition était que Le Livre de Poche s’engage à mes côtés. C’est ce

MC : C’était en 2016. Véronique Cardi

qu’ils ont fait.

(directrice du Livre de Poche) m’avait proposé de participer à un recueil de

LFC : Pourquoi avez-vous eu envie de vous

nouvelles pour l’UNICEF. Je trouvais que la

investir à ce point-là ?

thématique était chouette et le destinataire

128

génial. Comme ce projet était pour une

MC : La première raison est que la cause des

bonne cause, j’ai dit oui tout de suite. Et

enfants me touche. L’UNICEF a une mission

surtout, j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire.

noble où l’on ne peut pas remettre en question

Par la suite, j’ai été invité à l’UNICEF avec

leur éthique et leur efficacité sur le terrain. Les

d’autres auteurs afin qu’ils nous présentent

équipes présentaient les projets très clairement.

l’étendue de leur mission. À ce moment, je me

Ce qui m’a donné envie de faire quelque chose.

suis rendu compte que l’on connaît le nom,

Ensuite, il suffit de prendre du temps pour le

mais pas toujours ce qu’ils peuvent accomplir

faire. J’ai la chance de vivre de ma passion. Je

sur le terrain. Cela me parlait énormément en

n’ai pas de problème de fin de mois. C’est pour

tant qu’homme, en tant qu’écrivain et en tant

cela que je n’ai pas hésité à consacrer trois mois,

que père. Je leur ai dit à l’époque que je serai

voire quatre mois à ce projet. Plutôt que de faire

très heureux de les aider de n’importe quelle

un don, j’ai préféré me lancer dans cette


aventure qui pourrait récolter plus d’argent qu’une simple donation. J’ai passé une sorte de deal avec mes lecteurs. Au lieu de leur dire de faire un don pour l’UNICEF, je leur proposais d’acheter un livre afin qu’ils puissent eux aussi aider ces enfants. C’est

S E 1,50€ LINA pour cela que sur chaque exemplaire, sont reversés à l’UNICEF. LFC : 1,50€, c’est une somme qui correspond à une bonne partie du prix du

J’ai proposé au Livre de Poche d’écrire un roman inédit pour l’UNICEF où je donnerai cent pour cent de mes droits Ma seule R I C H A R d’auteurs. DS condition était qu'ils s’engagent à mes côtés. C’est ce qu’ils ont fait.

livre qui coûte 5€ en librairie. dans des situations compliquées et qui méritent MC : L’éditeur rembourse la fabrication. Les

peut-être mieux ? C’est pour cela que je me suis

distributeurs et les libraires prennent leur

lancé dans ce projet. Je voulais agir à ma manière

petite part au passage. On ne pouvait pas leur

pour ne pas avoir ce sentiment.

demander de faire un effort à ce niveau, car le marché des livres ne se porte pas très bien.

LFC : Ce que vous avez fait est très malin,

L’éditeur donne également une partie, et moi

puisque l’héroïne de votre roman n’est pas une

je verse entièrement ma partie à l’UNICEF.

adulte, mais une enfant…

Tout le monde est gagnant, puisque même l’acheteur a le sentiment de faire quelque

MC : Quand j’ai eu cette idée au départ, je n’ai pas

chose de bien.

voulu écrire un roman qui fait peur. Il fallait que je fasse un livre qui converge avec les missions de

LFC : Vous estimez-vous chanceux d’être

l’UNICEF et qui portent ses valeurs. C’est ce que

dans cette situation ?

fait le livre en mettant en avant des valeurs essentielles comme la fraternité, l’entraide, la

129

MC : Je suis un pur produit de la banlieue

curiosité… J’ai choisi de parler d’Ambre qui vit

parisienne. Je ne viens pas d’une famille qui

dans un monde assez violent

avait beaucoup d’argent. Et le fait de me

psychologiquement et qui est d’une inculture

retrouver dans cette situation où je peux vivre

assez forte. Cependant, elle arrive à survivre par

de ma passion est un luxe inestimable. Quand

le biais de la lecture. Je voulais montrer que la

vous avez la chance de vendre des millions

lecture est une porte pour s’élever. J’ai été

d’exemplaires dans le monde. Il y a une forme

jusqu’au bout de cette métaphore, puisque

de culpabilité qui se dessine. Je me suis

Ambre aime mêler son imaginaire à la réalité.

souvent posé la question pourquoi moi et pas

C’est un livre où l’on se pose beaucoup de

un autre. Pourquoi tous ces gens qui sont

questions sur le réel et l’imaginaire.


MAXIME

CHATTAM

-

LFC

MAGAZINE

#10


LFC : Vouliez-vous absolument que ce livre soit

vivez-vous cela ?

court ? MC : Cette aventure part d’un caprice. À MC : J’espère que ce livre, à travers les valeurs

l’époque, je suis parti voir mon éditeur Albin

qu’il transmet, puisse rencontrer un public assez

Michel en leur disant que j’étais connu pour

large. Je voulais qu’il soit accessible à tous,

mes thrillers très documentés et très noirs.

notamment en termes de taille. J’ai plutôt

Seulement, j’avais envie de faire autre chose. Je

l’habitude d’écrire des livres épais ! (Rires) Parfois, certaines personnes ont peur de cela.S E L I N A

leur ai donc demandé de me suivre sur un

R I C H roman A R D Sd’aventures beaucoup plus populaire. C’est quelque chose qui ne me ressemble pas.

LFC : Vous avez donc relevé le challenge

Mais j’en avais besoin. Albin Michel a donné

d’écrire un livre de moins de deux cents pages.

son accord. Avant de signer les contrats, j’étais dans l’écriture du premier tome et je les ai

MC : Absolument. C’était un challenge important.

rappelés en leur disant que finalement, il n’y

Mais j’ai vite compris que je m’étais posé un cadre

aurait pas trois, mais sept tomes pour que ce

précis, notamment avec le personnage de la saga

soit plus digeste en termes de volume. Ils

Autre-Monde. Je ne pouvais pas forcément

avaient entièrement confiance en moi. Et ils ont

étendre l’histoire à l’infini. Sinon, j’allais trahir des

accepté. L’histoire est belle, car le premier tome

lecteurs. Globalement, je n’ai pas eu de difficultés.

s’est bien vendu. Le deuxième aussi, et aujourd’hui, ces romans d’aventures se

LFC : Ce livre est également une ouverture pour

vendent aussi bien que mes thrillers. Tout le

pouvoir commencer la saga Autre-Monde.

monde est très heureux. Et moi je me fais plaisir. Quel bonheur !

MC : Ce qui était fondamental, c’était que l’on puisse lire ce livre sans avoir lu les précédents. Je

LFC : Quels sont les avis à propos de cette

voulais que les gens achètent le livre pour servir

saga ?

une bonne cause. Si les gens peuvent embrayer ensuite sur la saga Autre-Monde, c’est très bien.

MC : Ce qui est amusant, c’est que des lecteurs

Mais ce n’est pas l’objectif premier. Il fallait que

qui ne lisaient pas forcément mes thrillers ont

le livre se suffise à lui-même.

été attirés par cette saga. Au final, ce que je perds d’un côté, je le gagne de l’autre.

LFC : Et c’est enfin un livre que votre enfant peut lire ! (Rires)

LFC : Autre-Monde au cinéma coûterait une fortune. Qu’en pensez-vous ?

MC : C’est vrai. Bientôt je l’espère. (Rires) MC : C’est certain. De plus, cela prendrait

131

LFC : La saga Autre-Monde, c’est sept tomes et

beaucoup de temps. Ceci dit, on peut - peut-

deux millions de lecteurs. Une aventure

être - penser que cette saga puisse un jour

extraordinaire. Avec un peu de recul, comment

devenir une série américaine… À suivre ! (Rires)


M A X I M E

C H A T T A M

-

L F C

M A G A Z I N E

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LFC MAGAZINE LIVRE

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JUIN 2018

OMAR HASAN PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - CELINE NIESZAWER, LEEXTRA


Mai 2018. Nous avons l'honneur de rencontrer Omar Hasan, un parcours exceptionnel de l'argentine à la France, du rugby au chant, qu'il a S E L I N A R Iraconter CHARDS souhaité pour la première fois dans un livre, intitulé "La voix du rugby" (E/P/A). Séance photos exclusives et entretien poignant avec celui qui se sent aussi bien sur un terrain que sur une scène. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie

toute cette folie autour de moi.

de votre autobiographie La voix du rugby (Éditions E/P/A). Est-ce la première fois que

LFC : Quelles relations aviez-vous avec les

vous publiez un livre ?

supporters et le public qui vous suivaient ?

OH : C’est la première fois. Je l’ai fait en

OH : J’ai eu de très bonnes relations avec eux.

collaboration avec Cathy Robin. C’est sa

Je suis quelqu’un qui aime les gens. J’aime

plume, c’est elle qui a compris exactement ce

parler et partager mon temps avec d’autres

que je voulais véhiculer. Je ne voulais pas

personnes. Cependant, il ne s’agissait pas

faire un livre comme la plupart des anciens

seulement de parler, mais aussi d’écouter. Cela

sportifs. Je voulais que ce soit différent et que

fait bientôt dix ans que j’ai arrêté le rugby. Et je

ce livre transmette un message aux lecteurs.

me suis toujours dit que personne ne se souviendrait de moi à la fin de ma carrière.

LFC : Vous avez eu une grande carrière et

Finalement, aujourd’hui, je continue de

vous avez créé beaucoup d’enthousiasme

discuter, d’échanger avec les gens

autour de vous. En êtes-vous conscient ?

principalement dans le monde du rugby et de la musique. Par exemple, en Argentine, bien que

OH : Je me suis rendu compte de cela une

je n’y aille pas souvent, je reçois toujours un très

fois que ma carrière s’est terminée. Lorsque je

bel accueil, tout comme avec les clubs par

jouais au rugby, j’étais dans ma bulle. J’étais

lesquels je suis passé.

concentré sur les différents objectifs à atteindre. Et je ne me rendais pas compte de 134

LFC : Il y a dix ans, votre carrière s’arrêtait,


La musique et le sport sont deux milieux différents. Cependant, ils ont le pouvoir de réunir les gens autour d’une même personne, d’une même passion, d’un même lieu. C’est une grande force.


mais d’autres choses s’ouvraient à vous. Simplement par curiosité, continuez-vous de jouer au rugby pour le plaisir ? OH : Un petit peu. Arrêter du jour au lendemain

INA pour moi était assez inconcevable. IlSyEaLdes choses qui ne me manquent pas comme les longs déplacements, les températures négatives, les terrains pourris en Écosse… Cependant, on était tellement habitué que l’on

Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui essaie de nous diviser avec nos différences. Cela R I C Hme A R D Srend triste. On peut vivre tous ensemble en respectant les différences de chacun.

oubliait tout cela. Aujourd’hui, je m’oblige à être dehors, à aller à la rencontre des gens

livre et cela résume bien votre parcours de

pour garder ce rythme.

sportif et de chanteur. Vous avez cette passion pour le chant depuis l’âge de sept ans.

LFC : Pratiquez-vous d’autres sports ?

Racontez-nous !

OH : Je fais de la course à pied, de la

OH : Je crois que je l’ai même depuis ma

musculation. C’est quelque chose que j’ai

naissance. C’est toujours quelque chose qui m’a

toujours aimé. C’est important de se sentir

excité. J’étais en Argentine il y a peu de temps, et

bien physiquement à n’importe quel âge.

j’ai revu mes copains d’école primaire. Nous nous sommes souvenus de l’époque. J’étais celui qui

LFC : Vous avez joué trois coupes du

faisait le pitre, celui qui chantait lors des réunions

monde, vous comptez plus de soixante

de famille, j’ai toujours pris énormément de plaisir

sélections en équipe nationale, vous avez

à faire cela. Un professeur de chant m’a dit un jour

eu une carrière incroyable. Vous sentez-

à New York que j’avais l’obligation de chanter et

vous gâté ? Heureux ?

qu’il fallait que je profite de ce don pour en faire profiter les gens. Je n’avais pas compris à ce

OH : Je ne réalise pas. Jamais je ne pensais

moment-là ce qu’il me disait. Mais, aujourd’hui, je

atteindre ces objectifs au début de ma carrière.

comprends.

Il y a eu beaucoup d’obstacles, mais finalement à force de travailler, vous arrivez

LFC : La musique, c’est fédérateur…

toujours à réaliser vos rêves. Il ne faut pas s’arrêter devant un échec. Et c’est ce que je

OH : Aujourd’hui, nous vivons dans une société

voulais raconter dans ce livre.

qui essaie de nous diviser avec nos différences. Cela me rend triste. On peut vivre tous ensemble

LFC : La voix du rugby, c’est le titre de votre

136

en respectant les différences de chacun.



C’est une photographie qui réunit toutes les classes et tous les gens. J’aime me moquer de moi-même. Et je le fais beaucoup dans mon nouveau spectacle. Je veux casser cette image du rugbyman costaud et brut. Je fais cela pour réunir un public plus large. S E L I N A R I C H au A R D Smessage que je Cette photo correspond veux véhiculer. LFC : La notion de vivre ensemble, on la

OH : Je suis en train de préparer un

retrouve aussi dans le rugby…

nouveau spectacle qui commencera à la rentrée. J’ai aussi des

OH : La musique et le sport sont deux

interventions prévues dans différents

milieux différents. Cependant, ils ont le

festivals et dans le sud-ouest de la

pouvoir de réunir les gens autour d’une

France où je garde des attaches très

même personne, d’une même passion,

fortes.

d’un même lieu. C’est une grande force. LFC : Quel sentiment avez-vous eu LFC : La photographie de la couverture

la première fois que vous avez eu

de votre livre est très drôle. Pouvez-

ce livre en main ?

vous nous en parler ? OH : J’ai adoré la couverture, la OH : Absolument. C’est une photographie

photo… C’est un bel objet. Je suis très

qui réunit toutes les classes et tous les

perfectionniste. Et c’était important

gens. J’aime me moquer de moi-même. Et

pour moi que le moindre détail ne

je le fais beaucoup dans mon nouveau

soit pas laissé au hasard.

spectacle. Je veux casser cette image du rugbyman costaud et brut. Je fais cela

LFC : C’est un livre très positif.

pour réunir un public plus large. Cette

Qu’en pensez-vous ?

photo correspond au message que je veux véhiculer.

OH : C’est sûr que les choses n’ont pas été faciles tout au long de ma vie.

138

LFC : Votre actualité actuellement, c’est

J’évoque sans tricher des moments

la sortie de votre livre. Ceci dit, pourra-t-

intimes et profonds avec beaucoup

on vous voir sur scène prochainement ?

d’optimisme.



LFC MAGAZINE

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#10

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JUIN 2018

COLUM MCCANN

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PATRICE NORMAND, LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES PAR PATRICE NORMAND LEEXTRA

ENTRETIEN INÉDIT PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG


Mai 2018, nous avons rendez-vous dans un hôtel parisien très cosy, dans le quartier de Saint-Germain avec Colum McCann pour nous parler de son livre "Lettres à un jeune auteur" (Belfond) S E s'adresse L I N A R I C H Aà R D tous S qui les écrivains en herbe. C'est le livre qui vous donnera l'envie d'écrire avec des conseils précieux et une franchise propre à Colum McCann. Photos exclusives et entretien inédit.

LFC : C’est un plaisir de vous retrouver

livre n’était pas du tout prévu, car je suis en

Colum McCann. Votre livre Lettres à un

plein milieu d’un gros projet de roman sur

jeune auteur vient tout juste de sortir chez

lequel je travaille depuis longtemps. C’est un

Belfond. Comment l’idée d’écrire ce livre

accident positif. (Rires)

est-elle née ? LFC : L’idée d’aller ailleurs avec ce livre vous CMC : Merci beaucoup de me recevoir, c’est

a-t-elle plu ?

toujours un plaisir. À vrai dire, j’ai commencé à écrire ce livre sur internet. Je ne suis pas

CMC : J’aime être ailleurs et être là où l’on ne

vraiment fan des réseaux sociaux. De voir ce

m’attend pas. J’aime passer d’un roman à une

que les gens mangent le matin et de voir des

pièce ou un film. Une partie de moi pense qu’il

chats sauter partout ne me passionne pas

n’y a pas forcément de différence entre tous ces

tellement. Cependant, mon éditeur m’a

moyens d’expression. Un journaliste devrait être

suggéré un jour de m’inscrire sur Facebook

vu de la même manière qu’un poète. Je ne vois

afin de donner un conseil par semaine à de

pas de différence.

jeunes lecteurs. J’ai accepté et l’aventure a commencé.

LFC : Lettres à un jeune auteur, c’est votre nouveau livre. Pourquoi ce projet était-il

LFC : C’est une façon assez amusante

important pour vous ?

d’avoir commencé ! CMC : C’était tout d’abord un hommage à CMC : Amusante et surtout inhabituelle. Ce 141

Rainer Maria Rilke qui a écrit Lettres à un jeune


poète en 1924. Donner des conseils à de

Écrire un bon livre est donné à tout le monde. Vous comme moi. vingt-cinq ans, car je suis également Ce n’est pas parce quelqu’un a écrit un bon livre que vous n’en professeur. J’aurais aimé lire ce livre étant êtes pas capable. Quand vous jeune. C’est certainement pour cette raison allez dans un bar, vous ne qu’il me tenait à cœur. comparez pas les histoires que se SELINA RICHARDS racontent les autres personnes. LFC : Vous donnez des conseils avec un Chacun a sa personnalité. Et style bien à vous. personne n’est meilleur que l’autre. Vous faites ce que vous pensez être capable de faire. CMC : La chose amusante, c’est que lorsque jeunes lecteurs, c’est ce que j’ai fait depuis

j’ai fait mon premier cours, j’ai dit à mes élèves que je ne leur apprendrai rien. Ils

sportif, il y a beaucoup de travail derrière. Le

m’ont tout de suite montré qu’ils n’étaient pas

footballeur Léo Messi fait du yoga, de la gym. Il

contents. (Rires) Je n’apprends pas

s’entraîne dur chaque jour pour que lorsqu’il arrive

forcément, mais je veux que ce que je dis

sur le terrain, il soit le plus performant possible.

serve à quelque chose. Je suis comme

Pour un écrivain, c’est la même chose.

l’homme des cavernes. Je donne du feu. Et ils en font ce qu’ils veulent. Je m’intéresse à la

LFC : C’est intéressant que vous preniez la

spiritualité également. Et je crois qu’il existe

métaphore du sport. Vous dîtes d’ailleurs qu’il

un rapport avec le fait d’écrire des livres.

n’existe pas de Jeux olympiques de la littérature.

LFC : Vous y allez fort parfois avec le lecteur, notamment quand vous parlez du

CMC : Beaucoup de gens pensent qu’en écrivant

syndrome de la page blanche où vous les

un livre, on va décrocher une médaille à la fin.

tutoyez en leur disant qu’il faut qu’ils

Mais, c’est faux. Écrire un bon livre est donné à

gardent leur cul sur la chaise.

tout le monde. Vous comme moi. Ce n’est pas parce quelqu’un a écrit un bon livre que vous n’en

CMC : Je les tutoie, car je souhaitais être

êtes pas capable. Quand vous allez dans un bar,

démocratique. Je voulais être comme un

vous ne comparez pas les histoires que se

souffle dans leurs oreilles et surtout ne pas

racontent les autres personnes. Chacun a sa

leur raconter de mensonges. S’ils gardent

personnalité. Et personne n’est meilleur que

leur cul sur la chaise, rien ne pourra leur

l’autre. Vous faites ce que vous pensez être

arriver. Il faut prendre du recul, car c’est très

capable de faire.

difficile de devenir écrivain. Je n’aime pas les

142

gens qui disent oh c’est terrible, je n’arrive pas

LFC : Ce livre est rempli de passion, d’envie, de

à écrire. Un écrivain, c’est comme un

dynamisme… Cela donne envie d’écrire un



L'écriture, c’est l’arme la plus puissante. Le fait de raconter les histoires des autres peut nous sauver. Je peux aussi bien raconter l’histoire d’un jeune à Chicago qui sera lue par un jeune de Paris. Écrire casse les barrières avec une puissance que l’on ne SELINA RICHARDS retrouve nulle part ailleurs. livre !

LFC : L’écriture est-elle une façon de casser les murs ?

CMC : C’est fantastique que ce livre vous procure ce sentiment. C’est exactement ce

CMC : Exactement. Parfois, nous

que je voulais. Je veux inspirer les gens. Je

pensons à petite échelle, sans nous

souhaite qu’ils persévèrent dans leur

rendre compte de l’effet que cela peut

projet. Si vous voulez vraiment écrire un

avoir. C’est la beauté de la littérature.

livre, vous devez être capable de ne pas

Rencontrer des gens ouvre l’esprit et

pouvoir écrire pendant dix heures, juste

ouvre les cœurs. C’est ce que j’ai voulu

être assis à réfléchir et attendre

faire à travers mon organisation qui

l’inspiration. Ce qui m’énerve, ce sont les

s’appelle Narrative 4. Des personnes

gens qui prennent la voie facile, qui se

de milieux complètement différents se

mettent dans une bulle et qui n’ont pas

rencontrent et discutent. C’est très

d’ouverture d’esprit. Le monde évolue

enrichissant et cela casse les barrières.

chaque jour. Il est dommage de ne pas s’en inspirer.

LFC : L’écriture, est-elle aussi une arme ?

LFC : Pensez-vous que les écrivains d’aujourd’hui s’expriment assez ?

CMC : C’est l’arme la plus puissante. Le fait de raconter les histoires des autres

144

CMC : Je ne veux pas paraître arrogant.

peut nous sauver. Je peux aussi bien

Mais je pense qu’à l’heure actuelle, les

raconter l’histoire d’un jeune à Chicago

auteurs doivent agir. Aux États-Unis, et moi

qui sera lue par un jeune de Paris.

le premier, nous sommes trop silencieux. Il

Écrire casse les barrières avec une

faut être en colère. Il faut parler. Nous ne

puissance que l’on ne retrouve nulle

sommes pas assez dangereux.

part ailleurs.


C O L U M L F C

M C C A N N

M A G A Z I N E

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#10

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JUIN 2018

DENIS TILLINAC

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FAURE LEEXTRA


Mai 2018, nous avons rendezvous avec Denis Tillinac pour parler des 50 ans de mai 68 qu'il évoque dans son nouveau livre "Mai 68 l'arnaque du siècle" (Albin Michel). Photos exclusives et entretien inédit.

LFC : Nous nous rencontrons pour la

votre démarche, c’est que vous nous donnez

parution de votre livre Mai 68, l’arnaque du

une autre image de cette période.

siècle (Albin Michel). Pour quelles raisons avez-vous décidé d’écrire ce livre ?

DT : C’est le regard au naturel de quelqu’un qui n’était pas du tout politisé. Par héritage familial,

DT : Cette période a produit des effets

j’étais gaulliste. Mais le gaullisme était un

catastrophiques et je voulais raconter

romantisme. Je connaissais à peine les

comment l’altitude d’un petit étudiant de

différents partis et tout à coup je tombe sur des

vingt ans qui était plongé là-dedans avait

bandes de copains qui étaient tous politisés ou

vécu cela. Il était important de faire

en voie de politisation. Au fil du temps, j’ai vu

abstraction de toute la réflexion qu’il y a eu

disparaître une sorte de bonne franquette au

par la suite. Je considère que l’héritage est

profit d’un langage de plus en plus militant,

calamiteux à tous égards. Le discours sur

d’une vision beaucoup plus manichéenne avec

cette période est récurrent depuis les années

la construction d’une sorte de démonologie.

soixante-dix. Je savais très bien qu’on lirait ici

Petit à petit, j’ai vu les copains les plus subtils et

ou là que Mai 68 fut généreux, festif, ludique

les plus malicieux s’enliser dans un sectarisme

et créatif. Mais la vérité c’est qu’il n’en a rien

inauthentique. Tout cela n’avait aucun sens à la

été. C’est pour cela que j’ai voulu témoigner.

fin des années soixante. En définitive, ils mettaient sur le dos de la société leur malaise

147

LFC : Nous avons lu votre livre comme un

intime. Être mal dans ses pompes, on l’est tous à

témoignage. Et ce qui est intéressant dans

vingt ans. Je l’étais aussi.


LFC : Au début du livre, vous êtes très spectateur de cette période. DT : Je ne pouvais pas être acteur. Si vous n’aviez pas les codes et le langage militant, vous n’aviez pas le droit à la parole. LFC : Vous vous posiez la question de savoir pourquoi ils allaient tous dans cette direction à l’époque. Avez-vous la réponse aujourd’hui ?

Je ne pouvais pas être acteur. Si vous n’aviez pas les codes et le langage militant, vous n’aviez pas le droit à la parole.

DT : Je crois oui. Le marxisme additionné au

ont filé à leurs enfants et petits-enfants bobos une

freudisme vous donne un plat cuit qui vous

France pas très avenante.

permet d’interpréter le monde et de prétendre le transformer.

LFC : Mai 68 est-il une conséquence de ce qui se passe aujourd’hui ?

LFC : Ce livre est en librairie depuis le 16 mai 2018. Quand l’avez-vous écrit ?

DT : Héraclite disait que l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il n’y a pas de prêt-à-porter

DT : C’est un réflexe qui m’est venu lorsque

idéologique qui pourrait focaliser des révoltes. La

l’on a sommé le président afin qu’il y ait des

société est tellement communautarisée aujourd’hui

commémorations pour Mai 68. Je me suis dit

que ce n’est pas possible. Ce sont des luttes

que tout le monde allait dire que c’était un

individualistes et des égos mal dans leur peau. Nous

moment de ludisme, de création… Mais ce

sommes à une époque où il va falloir repenser et

n’était pas vrai. C’est un mensonge officiel qui

reconstruire avec des grilles de lecture inédites. Celles

dure depuis près d’un demi-siècle. Je veux

de jadis ou de la guerre sont inopérantes.

dire à ma génération et au gouvernement actuel de bazarder cet héritage que Lénine

LFC : Mai 68, l’arnaque du siècle, c’est le titre de

appelait les poubelles de l’histoire. Il faut

votre livre. Peut-on y voir une certaine colère ?

arrêter et tout reconstruire. DT : Oui. Les leaders militants de l’époque étaient plus LFC : Que pensez-vous de cette

âgés que les étudiants. Et ils les ont manipulés. Ils ont

commémoration ?

voulu soixante-huitariser leurs enfants et aujourd’hui c’est un désastre. À l’inverse des étudiants, ces

148

DT : Elle est boiteuse, foireuse et honteuse.

leaders ont su se planquer dans des postes au sein du

On voit bien qu’ils ne sont pas fiers d’eux. Ils

gouvernement ou de la fonction publique.


DENIS

TILLINAC

-

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#10


Il y a une course à l’innovation permanente qui risque de rendre les gens fous. Un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté disait Georges Bernanos. Nous sommes probablement dans la plus grande mutation historique de l’humanité.

LFC : Nous sommes en 2018, quelle vue avez-

LFC : Quelles sont les

vous sur la société ?

solutions selon vous ?

DT : Il y a une course à l’innovation permanente

DT : La France est un pays qui

qui risque de rendre les gens fous. Un monde

est doué pour le bonheur. Le

gagné par la technique est perdu pour la liberté

Français est toujours plus

disait Georges Bernanos. Nous sommes

heureux qu’il n’en convienne.

probablement dans la plus grande mutation

Cependant, il faut quand même

historique de l’humanité. C’est une réalité qui est

leur donner des motifs et je

difficile à affronter et qui donne lieu à des

crois qu’il y en a beaucoup.

crispations identitaires en tous genres. Churchill

L’héritage de Mai 68 est en train

disait à propos du conservatisme qu’il faut savoir

de disparaître. Et c’est une

couper des arbres pour que la forêt soit encore

bonne chose, il n’y a rien à en

plus belle.

garder.

L’héritage de Mai 68 est en train de disparaître. Et c’est une bonne chose, il n’y a rien à en garder. 150


D E N I S

T I L L I N A C

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LFC MAGAZINE BEST SELLER

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#10

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JUIN 2018

J.R. DOS SANTOS PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA

PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW


Mai 2018, J.R. Dos Santos s'est fait connaître en France avec son roman "La Formule de Dieu". Aujourd'hui, de passage à SParis, E L I N A R il I C nous H A R D S rend visite pour une séance de photos au cœur de la capitale. Entretien inédit avec J.R. Dos Santos pour nous présenter son nouveau roman "Signe de vie" (HC Éditions). LFC : Nous nous rencontrons pour parler

un accident ou une nécessité. Un très grand

de votre nouveau roman Signe de vie

biologiste français, Jacques Monod, a écrit un

disponible en librairie (HC Éditions) depuis

livre justement à ce sujet Le hasard et la

le 3 mai 2018. Ce livre est déjà sorti au

nécessité. Il en a conclu que c’était un hasard.

Portugal. Va-t-il être publié dans d’autres

La conséquence philosophique de tout cela,

pays ?

c’est que l’univers n’a aucun sens, c’est un hasard. Cependant, il y a un tas de découvertes

JRDS : Le livre sera publié dans d’autres pays

récentes qui montrent que ce n’est pas un

prochainement. La France est le premier pays

hasard, mais plutôt une nécessité. Dans

où le livre est traduit.

certaines conditions, la vie va émerger nécessairement. La vie est inscrite dans les lois

LFC : Comment est née l’idée d’écrire ce

de la nature. L’idée avec ce livre, c’était de

livre ?

débattre sur ce sujet passionnant.

Quand j’ai écrit La Formule de Dieu, je me

LFC : Ce Signe de vie signifie que nous ne

demandais ce que la science avait découvert

sommes pas seuls dans l’univers. Le pensez-

au sujet de Dieu. Pour répondre à cette

vous vraiment ?

problématique, je me suis beaucoup

153

rapproché de la physique. Pour Signe de vie,

JRDS : Oui je le pense. Dans ce roman, il y a un

c’est à peu près la même chose, mais du côté

signe qui arrive de l’espace, probablement une

de la biologie. Il y a un débat très intéressant

navette. La NASA décide d’organiser une

dans ce domaine, celui de savoir si la vie est

rencontre avec cet objet. Ce livre est basé sur


quelque chose qui n’est pas tout à fait fictionnel, mais qui va déclencher une aventure et amener à un débat : qu’est-ce que la vie ? LFC : Ce qui est intéressant, c’est que votre

SELINA personnage Tomás n’est pas astronaute, mais est historien. Pouvez-vous nous en parler ? JRDS : Exactement. Tomás est dans cette

Il y a un tas de découvertes récentes qui montrent que ce n’est pas un hasard, mais plutôt une nécessité. Dans certaines conditions, la vie va émerger nécessairement. La R I Cvie H A Rest D S inscrite dans les lois de la nature. L’idée avec ce livre, c’était de débattre sur ce sujet passionnant.

mission, car il est chargé de faire la liaison avec l’autre côté. S’il n’existait pas, ce ne

pas de la même manière en voyant ce Signe

serait pas aussi passionnant. Il joue le rôle de

de vie.

médiateur avec cet objet inconnu. JRDS : Tomás est un personnage qui a la LFC : Il existe une dimension religieuse

particularité d’être globe-trotter. Il voyage

également dans ce livre.

beaucoup et est en contact avec de nombreuses cultures. Je trouvais intéressant de montrer ce

JRDS : Quand on me parle de La Formule de

côté voyageur, un peu à la manière de Tintin.

Dieu, on me dit que c’est un roman sur la

Avec Tintin, on voyage en Chine, en Arabie, en

religion, mais c’est faux. C’est un roman sur la

Amérique du Sud… Ici, on voyage dans l’espace,

science et sur la philosophie. Je comprends

on comprend petit à petit le but de cette

que l’on me dise cela. Au début de

expérience.

l’humanité, il n’y avait pas de réponses scientifiques qui existaient alors on se

LFC : Vous êtes d’ailleurs très précis sur ce

penchait tout de suite vers la religion pour

thème. Avez-vous fait beaucoup de

expliquer les choses. Puis, on a découvert des

recherches ?

systèmes, des méthodes et des expériences pour arriver à répondre à ces questions. La

JRDS : Oui. J’ai eu la chance de rencontrer un

science est venue petit à petit remplacer la

astronaute qui m’a expliqué tout ce qu’il

religion en traitant les mêmes questions. Ce

ressentait dans l’espace. Il fallait que le lecteur

sont deux façons différentes de traiter le sujet.

vive cette expérience comme s’il y était. L’idée de voyager est très présente dans le livre, mais

154

LFC : Au fur et à mesure du livre, vous nous

ce n’est pas seulement un voyage

faites voyager dans plusieurs pays et nous

géographique. C’est aussi un voyage dans la

remarquons que chaque pays ne réagit

connaissance et dans les cultures. Dans cette


J.R.

DOS

SANTOS

-

LFC

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#10


Quand on aborde ce sujet, on pense inévitablement à la science, aux mathématiques ou à la biologie. Mais en réalité, lorsque l’on écrit un roman, il faut présenter la réalité dans un ensemble. Le sujet scientifique se mélange avec le sujet culturel ou le sujet politique. La dimension de la réalité est multidisciplinaire. Un évènement de ce type aura des conséquences scientifiques, philosophiques, et aussi culturelles. C’est important que le roman présente la L I N A façon R I C H A crédible. RDS réalitéS Ed’une histoire, il y a une Hongroise, un Québécois, deux

de ce type aura des conséquences scientifiques,

Américains, un Chinois… Il y a également une

philosophiques, et aussi culturelles. C’est

compétition avec les Russes.

important que le roman présente la réalité d’une façon crédible.

LFC : Cette histoire pourrait-elle devenir réelle un jour ?

LFC : Vous parlez d’éléments parfois assez techniques, mais vous parvenez avec brio à le

JRDS : Complètement. Je voulais écrire un roman

rendre accessible à tous.

qui soit crédible. Si un jour cette situation arrive, j’aimerais voir comment l’humanité réagira. C’est

JRDS : La science n’est pas si compliquée. Vous

la question que je me suis posée. J’imagine que

savez, le travail des scientifiques n’est pas

Time’s Square sera rempli de gens et que la Tour

d’expliquer les choses. Ce sont des gens qui font

Eiffel scintillera… Cela va se passer, c’est une

des recherches, mais qui ne communiquent pas

évidence. Dans ce roman, j’essaye de reproduire

très bien. Moi, c’est le contraire, je suis un

toutes les conséquences sociologiques que cette

communiquant. J’essaye de comprendre les

rencontre pourrait engendrer.

idées et de les expliquer à tout le monde. C’est tout ce qui m’intéresse. J’ai souvent des lecteurs

LFC : Le point de départ de ce livre vient de

qui me disent que s’ils avaient lu le livre étant

votre passion pour la science. Mais derrière

jeune, ils auraient peut-être aimé la physique ou

tout cela, il y a aussi le côté social qui vous

la biologie. C’est mon défi et mon travail.

intéresse. LFC : Il y a un travail de recherches, un travail JRDS : Quand on aborde ce sujet, on pense

de rédaction, un travail au niveau de la

inévitablement à la science, aux mathématiques

construction des personnages… C’est un gros

ou à la biologie. Mais en réalité, lorsque l’on écrit

travail !

un roman, il faut présenter la réalité dans un

156

ensemble. Le sujet scientifique se mélange avec

JRDS : Pour exprimer un sujet, il faut tout d’abord

le sujet culturel ou le sujet politique. La dimension

le comprendre. Pour la physique, cela a été très

de la réalité est multidisciplinaire. Un évènement

dur. J’ai toujours un expert avec moi qui m’aide à


J . R .

D O S

S A N T O S

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L F C

M A G A Z I N E

# 1 0


vérifier les détails et qui m’explique si je ne comprends pas quelque chose. La chose amusante, c’est que lorsque je creuse un sujet scientifique, il m’arrive de rentrer en débat avec les experts et quelques fois je remarque qu’ils ont tort, car il y a des

S E LLeI N A découvertes qu’ils ne connaissent pas. plus important, c’est de comprendre le sujet. Si je ne comprends pas, je ne peux pas l’expliquer. Les scientifiques ont tendance à utiliser des mots trop complexes alors que mon travail d’écrivain, c’est que tout le

Beaucoup d’écrivains pensent que le plus important, c’est le style. Je ne suis pas d’accord. Les mots doivent rester invisibles. Vous ne devez voir plus que des images lorsque R I C Hvous A R D S lisez. Vous êtes à côté de Tomás, à coté de la navette et vous ne faites plus attention aux mots. L’histoire est au service de la vérité.

monde me comprenne. Beaucoup

LFC : Le jour où vous verrez La Formule

d’écrivains pensent que le plus important,

de Dieu au cinéma, allez-vous quand

c’est le style. Je ne suis pas d’accord. Les

même avoir une petite émotion ? (Rires)

mots doivent rester invisibles. Vous ne devez voir plus que des images lorsque

JRDS : Je ne sais pas. (Rires) Je suis très

vous lisez. Vous êtes à côté de Tomás, à

pragmatique à ce sujet. Ce n’est pas mon

coté de la navette et vous ne faites plus

travail de faire des films. Un film, c’est un

attention aux mots. L’histoire est au service

autre langage. Si je dis la plus belle femme

de la vérité.

du monde dans un livre, vous allez imaginer votre plus belle femme. Mais

LFC : Vous racontez une fiction, mais

dans un film, c’est différent. La force de

pourtant on se sent très proche de la

l’imaginaire est beaucoup plus forte dans

réalité. Votre écriture est très

les livres. Avec les mots, on construit des

cinématographique, ce qui nous amène à

images. Chaque lecteur va construire un

une question, est-ce qu’il y a des projets

monde dans sa tête. Et je ne pense pas

pour le cinéma ?

que l’on ait besoin d’un film pour en arriver là.

JRDS : Les droits de mon livre La Formule de Dieu ont été achetés. Les autres également.

LFC : Connaissez-vous le sujet de votre

Mais ce que je dis souvent, c’est que mon

prochain livre ?

travail, ce n’est pas de faire des films. J’écris

158

des livres, ils achètent les droits et chacun

JRDS : Oui, je le connais. Mais je ne sais

fait son travail. Le scénario de La Formule de

pas encore s’il sera publié en France.

Dieu est terminé, ils ont un financement et

C’est un roman qui se passera à Macao

ils cherchent désormais le bon réalisateur.

pendant la Deuxième Guerre mondiale.


L'ENTRETIEN DE LA COVER - MUSIQUE JUIN 2018

LEJ

PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Céline Nieszawer

INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig


Mai 2018, nous avons rendez-vous avec le trio musical de chant, percussion et violoncelle, révélée par le succès inattendu en août 2015 grâce à leur vidéo "Summer 2015" postée sur YouTube, dans laquelle elles reprennent les tubes planétaires. Leur "Summer 2015" se hisse à la première place. Aujourd'hui, elle publie début juin leur deuxième album "Poupées russes". Entretien chaleureux et séance de photos exclusives.

LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de votre deuxième album Les poupées russes. Cette fois-ci, vous avez décidé de mettre uniquement vos propres compositions. Était-ce important ? Lucie : C’est une envie que nous avions bien avant le premier album. Nous avions annoncé la tournée du premier album, car nous voulions que les gens puissent profiter de toutes ces chansons que nous avions reprises, pour qu’ils les chantent avec nous. Nous voulions inscrire nos reprises dans le temps. Nous savions qu’un jour nous allions faire un album avec nos propres compositions. C’était important pour nous de nous exprimer, de montrer notre musique et de partager nos émotions les plus profondes. Juliette : Les reprises nous ont permis de construire notre style, notre histoire, de savoir jusqu’où nous pouvions aller avec des voix et des violoncelles. Nous voulions développer ce que nous savions faire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons commencé avec des reprises, car à aucun moment nous ne nous sommes dit que des violoncelles et des voix pouvaient donner quelque chose sur scène

LFC MAGAZINE #10 | 160

pendant deux heures. La scène nous a beaucoup aidés. À chaque date, nous essayions d’arranger et de réarranger les morceaux. LFC : Et plus vous arrangez les chansons, plus elles deviennent vos propres compositions… Elisa : Effectivement. Merci de le souligner ! (Rires) C’est sûr qu’avec l’arrangement, on ne part pas d’une feuille blanche. Comme nous avons la chance de nous connaître depuis que l’on a un an, tout se fait instinctivement. Comme disait Juliette, à force de réarranger les morceaux, cela nous a donné envie d’aller plus loin. Nous voulions faire des choses qui n’existent pas. Il y a d’ailleurs une composition dans l’album qui découle d’une composition que nous avions faite au début et qui n’avait rien à voir. Pour nous, cet album, c’est l’album numéro un. Et l’album de reprise est l’album zéro. LFC : Comme vous le dîtes, cet album vous a permis de vous rôder, d’expérimenter des choses avec plus de deux cents dates de concert. C’est énorme ! Lucie : Notre musique prend du sens sur scène. Quand on travaille sur l’album, c’est difficile de figer le violoncelle et la voix, c’est assez aseptisé. Sur scène, on s’amuse beaucoup plus qu’en studio. Nous sommes


LEJ - LFC MAGAZINE #10


beaucoup moins dans le perfectionnisme, dans le chanter juste. Il y a un lâcher-prise sur scène où nous nous réalisons. LFC : C’est une aventure musicale, mais aussi une aventure humaine puisque vous vous connaissez depuis l’enfance. Elisa : Si nous n’étions pas amis, rien de tout cela ne serait arrivé. Avant d’être une histoire de collègues, c’est surtout une histoire de potes. Notre histoire va au-delà de l’amitié. Nous avons vécu tellement de choses ensemble, qu’aujourd’hui, nous avons une relation fraternelle. L’avantage lorsque vous avez ce genre de relation, c’est que vous pouvez vous disputer un jour, et le lendemain, tout est oublié. La complicité que j’ai avec ces deux filles-là, je ne la retrouverai jamais ailleurs. Juliette : C’est aussi pour cela que nous avons appelé cet album Poupées russes. Les poupées russes, ce sont de petites dames qui s’emboîtent, qui se protègent et qui sont infinies. Le groupe forme une personne, même si nous sommes plusieurs personnes à la fois. Lucie : Nous sommes toutes différentes, et en même temps, tellement complémentaires. Cette histoire d’amitié a fait que ce projet a plu aux gens. C’était quelque chose de vrai, et je crois qu’ils le ressentaient de cette façon. Beaucoup de gens ont des amis d’enfance et peut-être qu’ils se sont retrouvés en nous.

LFC MAGAZINE #10 | 162

Notre histoire va au-delà de l’amitié. Nous avons vécu tellement de choses ensemble, qu’aujourd’hui, nous avons une relation fraternelle. L’avantage lorsque vous avez ce genre de relation, c’est que vous pouvez vous disputer un jour, et le lendemain, tout est oublié. LFC : Poupées russes, c’est aussi une manière de surprendre le public. Derrière chacune d’entre vous, il y a des choses que vous n’avez pas encore montrées. Êtes-vous d’accord avec cela ? Juliette : Tout à fait. Nous avons fait des reprises, puis des compositions à travers des influences musicales très différentes. Elisa : Sur cet album, il y a des chansons qui sont amenées par les influences de l’une et de l’autre. Ce qui a été incroyable, c’est qu’à chaque fois qu’une de nous trois proposait quelque chose, nous étions toujours emballées par l’idée. Lorsqu’une chanson ressemblait à l’une, cela finissait par ressembler aux autres. Lucie : Tout ce que nous n’avons pas pu montrer avec les reprises, nous l’avons mis dans cet album. LFC : Quelles sont les thématiques que vous abordez dans cet album ? Lucie : La chanson Poupées russes parle de notre amitié. Nous voulions mettre des mots sur notre


LEJÂ LFC MAGAZINE #10


amitié et sur ce que nous ressentions les unes pour les autres. Le buzz parle de ce qui nous est arrivé avec le groupe. C’est un titre qui a été émotionnellement compliqué à écrire. Puis, il y a des sujets qui sont nés de conversations que l’on a entre filles de vingt ans où l’on rigole. On parle de mecs, du fait de se faire chier au lit… (Rires) D’ailleurs, il y a une chanson qui en parle et qui s’appelle Saine sainte n’y touche. Juliette : Il n’y a pas de tabous entre nous. Et nous ne voulions pas en mettre dans nos chansons. C’est pour cela que nous avons dû apprendre à mettre des filtres avec les autres gens. Entre nous, nous sommes très brutes de décoffrage. Tout est très spontané. Elisa : Le point commun de tout que nous abordons, c’est une espèce de dualité. Le titre Par ego dit que nous faisons des choses qui sont parfois positives, mais parfois très négatives. Se faire chier au lit, sur le moment, c’est sûr que ce n’est pas agréable. Mais finalement, ce n’est pas très grave. Il y a le titre Miss Monde qui dit que l’on veut s’en aller. Mais qu’au final, nous sommes très contentes de ce qui nous arrive. LFC : C’est le plaisir des contradictions ! Juliette : Nous avons beaucoup de chance d’avoir eu l’éducation que nous avons eue. Nous avons habité à Saint-Denis tout en allant à l’école dans le seizième arrondissement de Paris. Il y avait déjà cette dualité lorsque nous étions jeunes. Elisa : C’est une chance énorme d’avoir grandi dans une ville aussi multiculturelle. LFC : Avez-vous le sentiment d’avoir porté votre pierre à l’édifice en rassemblant la musique urbaine et la musique classique ? Lucie : Nous n’avons pas instauré ce mouvement, mais il est vrai que lorsque

LFC MAGAZINE #10 | 164

nous avons commencé, c’était un moment où beaucoup de gens commençaient à mélanger ces deux styles. Nous avons même des parents qui viennent nous voir en nous disant que leurs enfants commencent à prendre des cours de violoncelle. Elisa : Toutes les personnes qui ont une certaine notoriété apportent ce genre de choses aux personnes qui les suivent. LFC : Nous aimons beaucoup le titre La nuit. L’avez-vous composé vous-même ? Juliette : Nous avons composé la musique et nous écrivons avec notre manager Cyril Ozarm qui est aussi parolier sur tout l’album. Lucie : Au commencement de cet album, nous savions que nous voulions écrire en français. Nous n’avons jamais eu la prétention de nous prendre pour Gainsbourg. Ceci dit, chanter en français, c’était un vrai challenge. Nous

Chanter en français, c’était un vrai challenge. Nous adorons la dualité, les jeux de mots. Il y a toujours au moins deux sens de lectures dans nos textes.


adorons la dualité, les jeux de mots. Il y a toujours au moins deux sens de lectures dans nos textes. Elisa : C’est important de travailler avec des gens qui humainement dégagent quelque chose. Nous avons besoin d’avoir une relation intense avec les gens qui nous entourent surtout dans ce milieu compliqué. LFC : Pouvez-vous nous raconter votre expérience avec Mathieu Kassovitz ?

Le nouveau disque de douze titres de LEJ, Poupées russes, disponible en magasin et sur toutes les plateformes digitales.

Lucie : C’était une rencontre incroyable. La rencontre entre lui et les membres du groupe a eu lieu le jour même sur le plateau. Il était très professionnel, très sympa. Il a beaucoup aimé la chanson. Et il a dit oui tout de suite. Juliette : Tout comme Jérôme Le Banner et Naila, les deux acteurs du clip. Ils ont été très professionnels. LFC : Une tournée est-elle prévue ? Elisa : Notre tournée commencera le 29 septembre 2018 à Nîmes, puis continuera tout l’automne avec un passage à la Salle Pleyel le 26 octobre 2018. Et en 2019, nous allons peut-être faire du théâtre… À suivre !

TINA ARENA LFC MAGAZINE #9


Musique LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018

LOUIS DELORT Et aussi... ANTSA ET MENDRIKA - FORAY - GINTA ANTOINE ÉLIE - MATHIEU DES LONGCHAMPS


Louis Delort, plus libre que jamais Louis Delort vient de publier son EP de cinq titres inédits Stockholm avec en plus le single Le monde est à rendre accompagné d'un clip visible sur Youtube et les chaînes TV musicales. Nous l'avons rencontré au mois de mai à Paris pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit dans lequel il nous confie la sortie de son nouvel album prévu courant septembre. LFC : Le public vous a découvert dans l’émission The Voice diffusée sur

LD : C’est ainsi que je voyais les

TF1. Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de cette aventure ?

choses. Personne ne savait ce que cette aventure pouvait

LD : Je n’ai que de bons souvenirs de cette émission. J’ai eu la chance

engendrer. Le fait d’arriver second

d’arriver jusqu’à la dernière semaine et de pouvoir profiter de chaque

m’a un peu protégé. Le vainqueur

instant. C’est du bonheur, de grosses émotions, des rencontres avec de

a en quelque sorte l’obligation de

grands artistes comme mon coach Garou par exemple.

faire un album rapidement. Il faut être prêt pour tout cela. Je voulais

LFC : Et c’est aussi une expérience de télévision hors du commun…

prendre le temps de préparer mes chansons et mon univers.

LD : Exactement. C’est la première fois que je travaillais de manière quotidienne avec un coach. Je travaillais ma voix, ma façon de me tenir

LFC : Comment s’est passé l’après

sur scène… Même si à la télévision, le spectateur ne voit qu’une

The Voice ?

séquence de cinq minutes avec le coach. Dans la réalité, c’est un peu plus d’une heure. J’ai trouvé qu’il prenait vraiment son rôle à cœur.

LD : Tout a été très vite. J’ai participé à la comédie musicale

LFC : Vous êtes arrivé deuxième de l’émission. Et vous avez déclaré

1789 avec cent vingt dates de

dans une interview que vous aviez eu la chance de ne pas gagner.

tournée et plus de deux mois de

Expliquez-nous !

LFC MAGAZINE #10 167



INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE

Je me sens extrêmement chanceux, mais c’est difficile de s’en rendre compte. C’est uniquement quand on descend du train et qu’on attend le prochain que l’on prend conscience qu‘on a eu de la chance d’aller aussi vite et aussi fort. J’ai eu très peu de temps pour prendre du recul et pour me rendre compte des rencontres avec les artistes. Tout va à une vitesse folle. préparation, les NRJ Music Awards, des clips, la

musique. Mon projet.

tournée The Voice… C’était une période très intense. Dès que je suis sorti de l’émission, je suis tout de

LFC : Pouvez-vous nous parler de votre expérience

suite rentré dans un autre wagon. Et j’ai surtout

avec le groupe Louis Delort & The Sheperds ?

continué à apprendre de nombreuses choses. Je voulais continuer de vivre mon métier à fond. C’est

LD : C’était un entre-deux. Je suis sorti de The Voice

ce que j’ai fait.

avec une notoriété acquise très rapidement. Et je suis arrivé dans une maison de disques qui voulait

LFC : Vous considérez-vous chanceux de vivre de ce

me faire travailler sur un album solo. Je leur ai dit

métier ?

tout de suite que je souhaitais travailler avec mon groupe. Après quelques désaccords, ils ont quand

LD : Je me sens extrêmement chanceux, mais c’est

même voulu tenter l’expérience.

difficile de s’en rendre compte. C’est uniquement quand on descend du train et qu’on attend le

LFC: Le clip Outre Manche nous a beaucoup

prochain que l’on prend conscience qu‘on a eu de la

amusés. Pouvez-vous nous en parler ?

chance d’aller aussi vite et aussi fort. J’ai eu très peu de temps pour prendre du recul et pour me

LD : Nous avons passé de vrais bons moments

rendre compte des rencontres avec les artistes. Tout

entre potes. Nous avons passé plus de seize heures

va à une vitesse folle.

dans ce minibus que la production avait loué. Nous sommes partis en Angleterre. Nous nous sommes

LFC : Vous avez joué dans la comédie musicale

baladés à Londres avec nos instruments. Et nous

1789. Avez-vous envie de réitérer l’expérience dans

avons surtout beaucoup rigolé.

une autre comédie musicale ? LFC : Il s’est passé du temps depuis cette LD : Pas forcément. S’il y a un très gros projet qui se

expérience. Aujourd’hui, nous nous rencontrons

présente et que je ne travaille pas sur un album, je

pour parler de votre nouvel album. Le train s’est

peux y réfléchir. Mais ce n’est pas mon envie

arrêté. Et vous grimpez dans un nouveau wagon.

première. Je préfère me concentrer sur ma

169 LFC MAGAZINE #10



INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE

Aujourd’hui, je me sens légitime et mature pour pouvoir écrire mes propres chansons et les chanter. Pendant les trois ans où j’étais tranquille, j’ai pu prendre le temps d’organiser tout cela. J’avais un autre regard sur certains morceaux. LD : Tout à fait. Je suis allé me nourrir de la vie,

que la Terre ne nous appartient pas. C’est une

d’horizons différents. Après l’expérience de la

chanson assez utopique. J’ai choisi ce titre

comédie musicale 1789, je suis retourné à la

pour éviter les incompréhensions pour les

campagne. Là d’où je viens. Afin de me poser

gens.

les bonnes questions, savoir ce que je voulais. J’ai eu la chance de gouter à tout. Et je ne

LFC : Vous avez écrit ce texte. Comment est-il

savais plus vraiment ce que je voulais faire. En

né ?

me posant et en y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que j’avais envie de créer de

LD : Il est né d’un malentendu. Ce sont des

nouveau un disque. Et de pouvoir mettre enfin

questions que je me posais et qui m’ont amené

les chansons que j’avais sur un support pour

à réfléchir. Je fonctionne assez simplement : je

les partager.

construis d’abord une mélodie, j’écris mon texte, puis je l’arrange pour qu’il y ait une

LFC : Vous chantez et vous écrivez aussi.

profondeur et une résonance.

LD : Sur le premier album, j’ai écrit et composé

LFC : Le clip vient de sortir et on sent que vous

plusieurs titres. Même si j’aurais voulu en faire

proposez quelque chose dont vous aviez

plus, c’était déjà très bien pour un jeune artiste.

vraiment envie.

Aujourd’hui, je me sens légitime et mature pour pouvoir écrire mes propres chansons et les

LD : J’ai fait cet album grâce au financement

chanter. Pendant les trois ans où j’étais

participatif après avoir passé quatre ans dans

tranquille, j’ai pu prendre le temps d’organiser

une major. C’était une période où je n’étais pas

tout cela. J’avais un autre regard sur certains

forcément le plus à l’aise. Et je pense que

morceaux.

c’était la même chose de leur côté. Peut-être que je n’étais pas l’artiste dont ils avaient

LFC : Le premier single est Le monde est à

besoin. Je me suis dit que pour le prochain

rendre. Pouvez-nous nous en parler ?

album, je voulais avoir la main et le regard sur tout. Je suis un artiste sincère. Et j’ai besoin de

LD : Dans cette chanson, j’appuie sur le fait que

croire en ce que je fais. Cet album me

le monde n’est pas à vendre. Je considère

ressemble beaucoup. Je gagne en liberté.

171 LFC MAGAZINE #10


LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018

GINTA L'INTERVIEW

LFC MAGAZINE #10 172


LFC : Bonjour Ginta ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? G : Depuis mon plus jeune âge, j’aime l’art de manière générale. J’ai fait du théâtre, de la danse, de la musique… J’avais une préférence pour la musique, même si à l’époque ce n’était qu’une passion. Et à aucun moment, je ne me suis dit que j’allais en faire mon métier. À dix-neuf ans, j’ai décidé de m’inscrire en sciences politiques à Milan simplement pour trouver de l’inspiration pour mes chansons. Tout au long de mes études, j’ai continué à développer ce côté artistique. En parallèle, j’ai fait une formation pour devenir ingénieur du son pendant quatre ans. J’étais la seule fille de la classe, mais j’ai beaucoup appris. J’ai ensuite eu la chance de faire de la musique pour la télévision, pour la radio, pour le cinéma… C’était très enrichissant. LFC : Vous avez décidé de commencer par les coulisses de la musique avec cette formation.

Toute en grâce sensuelle et en fausse ingénuité, Ginta est une femme libre avec un premier single Mais oui Mais non actuellement disponible avec un clip sublime qui mélange l'esprit futuriste et celui de Brigitte Bardot. Photos exclusives au siège de Sony Music et entretien inédit. LFC MAGAZINE #10 173

G : Je l’ai fait, car j’étais curieuse. Je voulais connaître tous les détails d’une musique jusqu’à ce qu’on l’entende à la radio. Désormais, je connais toutes les possibilités lorsque je suis en studio. Je sais ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Parfois, j’ai des idées que j’ai du mal à exprimer. Produire est quelque chose qui me passionne beaucoup.


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA

J’adore le cinéma français, italien des années soixante. C’est quelque chose que j’ai dans l’âme, dans le sang. Brigitte Bardot est quelqu’un qui incarne des valeurs dans lesquelles je m’identifie. J’aimais l’esprit qu’il y avait à l’époque. LFC : Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour

nous comprendre.

votre premier single Mais oui, mais non. Êtes-vous beaucoup intervenue dans la production ?

LFC : Vous n’étiez pas encore née lorsque ces artistes se produisaient. Comment les avez-vous

G : Absolument. J’ai travaillé avec un tout jeune

découverts ?

producteur italien de vingt ans. Vingt ans, c’est l’âge moyen de la nouvelle génération de

G : J’adore le cinéma français, italien des années

producteurs électro. Nous avons créé une sorte de

soixante. C’est quelque chose que j’ai dans l’âme,

laboratoire où nous avons fait beaucoup

dans le sang. Brigitte Bardot est quelqu’un qui

d’expérimentation jusqu’à trouver ce qui nous

incarne des valeurs dans lesquelles je m’identifie.

convenait le plus. Je me suis aussi servi de mon

J’aimais l’esprit qu’il y avait à l’époque.

expérience aux États-Unis où j’ai vécu quelques années. L’idée de collaborer avec d’autres

LFC : Votre univers est très coloré, très girly.

personnes me plaît beaucoup. G : C’est un rose particulier. Nous avons voulu LFC : Mais oui, mais non nous rappelle le titre Tu

mélanger le côté traditionnel (stylisme, costumes,

veux ou tu veux pas ? de Marcel Zanini repris par

maquillage…) avec le côté moderne. J’ai étudié les

Brigitte Bardot. Connaissez-vous cette chanson ?

nouvelles technologies à San Francisco et je m’en suis servie pour ce clip. C’est un clip très futuriste,

G : Tout à fait. Brigitte Bardot est une grande

un peu comme si vous aviez Brigitte Bardot en

inspiration pour moi. C’est un symbole du cinéma,

version 2.0. Nous avons reçu onze nominations pour

mais aussi de la musique des années soixante

des festivals de cinéma. Je suis très heureuse de ce

avec Serge Gainsbourg. Dans la musique, on

bel accueil.

n’invente plus rien. Ce sont des cycles qui se répètent. On ne peut plus tout faire nous-mêmes.

LFC : Qui a réalisé ce clip ?

Nous sommes tous inspirés par de grands artistes. Et ce titre est une sorte d’hommage que

G : C’était une collaboration entre les pays baltiques,

je leur rends. Cette chanson représente aussi

la Suisse et la France. J’ai aussi participé à la

l’esprit de la femme. Parfois, on pense une chose

production, car j’adore toucher à tout. Je ne peux

et on en dit une autre. On ne sait jamais où on se

pas juste arriver et chanter quelque chose qui ne

situe. Et c’est compliqué pour les hommes de

m’appartient pas.

174 LFC MAGAZINE #10



LFC : Ce titre vient de sortir en France. Va-t-il sortir dans d’autres pays ? G : Grâce au digital, il va pouvoir être écouté dans le monde entier. Il va y avoir une version italienne et une version russe de la chanson. C’est quelque chose qui se faisait beaucoup à l’époque. Et je suis très heureuse que certains producteurs aient encore cette idée. De plus, la Russie est une région très vaste. C’est une bonne opportunité pour la chanson. LFC : Quelle relation entretenez-vous avec le succès ? G : Le succès est quelque chose de naturel pour moi. Je ne travaille pas pour cela. Je travaille, car j’adore ce que je fais. Je veux partager des émotions. Et une vision avec le plus de monde possible. Le succès est individuel. Chaque jour m’amène mon lot de satisfaction et de bonheur. Je suis inscrite au Conservatoire à Paris également. Ce qui me permet de poursuivre mes études et de garder les pieds sur terre.

LFC : Pourquoi avez-vous décidé de chanter en français ? G : J’adore la France. C’est un petit hommage au pays que j’aime le plus au monde. Peut-être que j’étais française dans une vie précédente. (Rires) J’ai pris énormément d’inspiration dans ce pays. LFC : Un album est-il prévu ? G : Nous le préparons. Et j’espère que nous pourrons le sortir prochainement.


Antsa & Mendrika L'INTERVIEW

LFC MAGAZINE #10 177

LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE

Duo solaire, Antsa & Mendrika accompagnera votre été avec un premier single Je suis comme toi, entre feelgood et joie de vivre. Mai 2018, nous avons rencontrés les deux espoirs de la chanson française déjà soutenues par Vianney pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit. LFC : Pouvez-vous nous raconter vos débuts

A : Le fait de chanter depuis toutes petites nous

dans la musique ?

a permis de nous améliorer quotidiennement. Nous faisions nos propres cours de chant en

A : Nous chantons depuis que nous sommes

nous corrigeant. C’est de cette façon que nous

toutes petites. Nous chantons tous les jours

sommes devenues très complémentaires.

dès que nous en avons l’occasion. C’est lié à notre culture malgache qui est une culture

LFC : Puis il y a eu l’aventure internet. À quel

où l’on chante beaucoup. Tout est venu de

moment avez-vous décidé de vous lancer ?

façon assez classique. M : À un moment donné, nous nous demandions M : Nous avons commencé le solfège dès

ce que les gens pourraient bien penser de notre

l’âge de six ans. Puis nos parents nous ont

travail. Beaucoup de personnes postaient des

beaucoup formés musicalement en nous

vidéos de reprise sur internet. Alors nous nous

faisant écouter de la musique très jeune.

sommes dit, pourquoi pas nous.

C’est de cette façon que nous nous sommes familiarisées avec la musique.

A : La première reprise que nous avions faite était Radioactive du groupe Imagine Dragons.

LFC : Une fois vos premiers pas musicaux

C’est le groupe Lili Cros & Thierry Chazelle qui

effectués, que s’est-il passé ensuite ?

nous avait appris à nous enregistrer nousmêmes. Nous voulions voir ce que cela pouvait

M : Nous avons commencé sérieusement le

donner sur les réseaux.

travail de composition à l’âge de douze ans, puis tout est venu naturellement. Je crois

LFC : Vous avez l’air plutôt discrètes dans la vie.

surtout que notre histoire est une histoire de

Mais dès qu’il s’agit de chanson ou de concert,

famille. Notre mère est peintre et notre père

vous vous donnez à fond.

écrivait des poèmes. Il y a donc cet esprit créatif au sein de notre famille.

M : C’est vrai. Nous ne sommes pas des personnes très extravagantes. Que ce soit dans

LFC : L’expression Ensemble ou pas du tout

la vie ou dans les études. (Rires)

correspond à l’état d’esprit de votre duo ? A : Mais sur scène, on se lâche vraiment. C’est

178 LFC MAGAZINE #10



C’est une chanson qui dit que l’on peut avoir des émotions similaires face à des événements. Parfois la différence peut faire peur. Nous ressentons tous les mêmes émotions. C’est une chanson positive et tolérante. un moment où l’on peut tout oublier. Nous en

début. Nous prenons beaucoup de risques. Parfois cela

apprenons un peu plus sur nous à chaque

marche. Parfois, cela ne marche pas. Mais il faut toujours

fois.

tenter.

LFC : Les réactions furent plutôt bonnes sur

LFC : Qu’avez-vous fait justement lorsque cela ne marchait

les réseaux sociaux. Que s’est-il passé dans

pas ? Comment avez-vous trouvé la force de rebondir ?

vos têtes ? M : Il faut persévérer et se dire que tout est possible, même A : Cela nous donne envie d’en faire plus. Et

quand la chance est infime.

surtout de pouvoir nous améliorer de chanson en chanson.

LFC : Votre premier single s’appelle Je suis comme toi. Cette chanson est-elle un morceau miroir en rapport avec vous ?

M : Ce que nous aimons, c’est s’approprier des chansons et y ajouter notre touche

A : C’est plus général. C’est une chanson qui dit que l’on peut

personnelle. C’est pour cela que nous

avoir des émotions similaires face à des événements.

souhaitons continuer dans cette voie. M : Parfois la différence peut faire peur. Nous ressentons LFC : Et c’est grâce à cela que vous vous

tous les mêmes émotions. C’est une chanson positive et

faites remarquer. Racontez-nous !

tolérante. Ce qui est vraiment intéressant dans la musique, c’est qu’à chaque chanson que nous faisons, nous essayons

M : Suite au concours de chant Il était une voix

de faire passer un propos que le public peut s’approprier.

que nous avons gagné toutes les deux en 2016, nous avons pu rencontrer des

LFC : Pouvez-vous nous parler de la scène ? Que vous

producteurs. Nous avions gagné le droit de

procure-t-elle ?

faire un single avec eux. Ce que nous avons fait. Ils ont beaucoup aimé au point de nous

M : C’est presque vital pour nous. Nous préférons la scène

proposer de faire un album.

au studio. Ce sont des moments de partage avec le public et des moments d’émotion entre nous.

A : Nous avons dit oui tout de suite ! (Rires) Avant, tout cela nous semblait impossible.

A : Ce que l’on aime beaucoup, c’est l’adrénaline. Nous avons l’impression d’être en connexion avec ceux qui nous

LFC : Vous êtes des personnes plutôt

écoutent.

discrètes. Cependant vous osez. Est-ce votre force ?

LFC : Votre premier album est prévu pour début juin. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

A : C’est notre philosophie de vie depuis le


M : Plein de surprises ! (Rires) Plus sérieusement, nous sommes très contentes, car il y a plusieurs de nos compositions. Nous avons aussi travaillé avec d’autres compositeurs et artistes avec qui tout s’est très bien passé. A : Ce qui est amusant dans cet album, c’est que nous avons travaillé avec des personnes d’univers totalement différents. C’est notre premier album. Nous avons envie de mettre des choses qui nous ressemblent comme des ballades, des chansons acoustiques assez simples et optimistes. M : Nous voulons que cet album soit une pause dans le temps pour ceux qui l’écoutent. LFC : Quelles sont les thématiques que vous allez aborder ? A : Nous parlons de voyage, d’évasion, de tolérance, de perte de mémoire… Nous avons hâte de le partager avec notre public. LFC : Avez-vous l’impression de vivre un rêve ? M : Nous sommes conscientes de la chance que nous avons. C’est beaucoup de travail. Mais nous profitons de chaque instant.


LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018

L'INTERVIEW

Mathieu des Longchamps


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE

PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA

Nouveau dans le paysage musical, Mathieu des Longchamps propose un premier EP de quatre titres Héros anonyme, dans lequel il rend hommage aux gens ordinaires - comme nous - qui affrontent les épreuves d'une vie dans le silence. Séance de photos exclusives et entretien inédit avec un nouveau talent à suivre de près... LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de

MDC : Oui. Comme je le disais, j’ai gardé des

votre EP Héros anonyme. Pouvez-vous nous

attaches très fortes avec le Panama. Ce qui est

raconter vos débuts dans la musique ?

paradoxal, c’est lorsque vous êtes le plus éloigné de cette réalité qu’elle vous revient en plein visage.

MDC : Assez simplement pour être honnête.

Les dernières chansons que j’ai écrites, je les ai

Mes parents sont musiciens. Et depuis tout

écrites en Italie, à une période où je n’avais pas été

jeune, il y avait de la musique à la maison. Je

au Panama depuis longtemps. Tout m’est revenu

disais souvent que plus tard, je ferais comme

d’un coup.

papa et maman, sans savoir trop pourquoi. Et finalement, après avoir essayé plusieurs

LFC : Ce côté voyageur se ressent beaucoup dans

instruments, je me suis pris d’amour pour la

les titres que vous nous proposez dans vos

guitare. J’avais quinze ans. C’était une

chansons.

révélation. C’est à ce moment-là que je me suis

dit que je voulais devenir musicien.

MDC : Au départ, ma mère est chanteuse de folk. Ce qui m’a beaucoup influencé. Cette musique me

LFC : Durant votre enfance, vous avez beaucoup

touche directement. Il y a quelque chose

voyagé…

d’inexplicable qui arrive droit au cœur. Mes parents faisaient aussi de la musique latino. Et ce

MDC : En effet, je suis né au Canada. Nous

genre a aussi été important pour moi. J’ai aussi

avons ensuite été au Panama très brièvement.

écouté de la variété française, du jazz… Bref,

C’est là-bas où j’ai fait mes premiers pas. Nous

toutes ces influences se sont regroupées. Et c’est

étions dans un environnement et une ambiance

pourquoi une certaine diversité cohabite dans ce

à la Robinson Crusoé. Nous étions loin de tout.

projet.

Cette période a vraiment marqué mon enfance. Ensuite, nous sommes partis à Paris. Tous les

LFC : Le titre Héros anonyme part-il d’un point de

étés, nous retournions au Panama. J’en garde

départ personnel ?

d’excellents souvenirs. MDC : Le fait de voyager est quelque chose LFC : D’où l’un des titres de cet EP : Sentir

d’extraordinaire. Mais il ne faut pas oublier que

encore.

l’on s’éloigne des gens qui nous sont chers. Ce

183 LFC MAGAZINE #10



Lorsque vous portez des chansons en vous depuis longtemps, c’est une sorte de libération de les sortir. On a le sentiment de laisser partir ses enfants. Cela permet d’aller de l’avant et de se concentrer sur l’avenir. titre parle de ma vie qui à un moment a été

l’époque, j’étais avec une fille sublime. Je vivais un moment magique, un

difficile. Il y a eu une grosse déception et

moment où les astres se mettent en place. Et finalement, ce moment ne

cela a été un gros tournant. Je me suis

s’est pas passé comme prévu. J’ai proposé à cette fille d’aller se baigner,

rendu compte que beaucoup de gens qui

mais elle a décliné. J’ai été confronté à la réalité. Il y avait un décalage entre

vivent des moments difficiles vivent cela

nous. À la base, ce titre était en espagnol. Mais finalement, je l’ai traduit en

en silence. Personne ne peut rien faire pour

français pour que les francophones se l’approprient.

eux. Je trouve que ce sont des héros du quotidien.

LFC : Pourquoi avoir voulu mélanger les langues ?

LFC : Vous vous êtes rendu compte que

MDC : J’ai plusieurs facettes. Celle du parisien où mon quotidien c’est la

vous n’étiez pas seul ?

variété française et la richesse culturelle de la France. Et puis il y a le Panama, la Méditerranée… Dans ces moments-là, je ne peux pas

MDC : On se rend compte que l’on est

m’empêcher d’écrire en espagnol. C’est instinctif.

beaucoup à être seul. Donc finalement, nous ne sommes pas si seuls. (Rires) Je

LFC : Comment définiriez-vous votre style musical ?

suis quelqu’un qui a la foi en Dieu. Et je me suis beaucoup raccroché à cela lorsque j’ai

MDC : Aujourd’hui, les styles se mélangent de plus en plus. Cela va avec

eu des coups durs.

l’époque dans laquelle nous vivons. Je dirais que ma musique est de la musique folk en français mélangée à de la musique latine. Avec une petite

LFC : Avez-vous écrit le morceau Ni les

pointe de jazz également. La guitare me permet d’aller sur des horizons

nuages ni le vent à la même période ?

différents.

MDC : Cela parle du sentiment de tenir très

LFC : Votre disque Héros anonyme est disponible depuis le 27 avril 2018.

fort à quelque chose, de tout faire pour le

Quel a été votre sentiment lors de sa sortie ?

garder. Mais comme on ne contrôle pas tout, à un moment donné, avec les nuages

MDC : Lorsque vous portez des chansons en vous depuis longtemps, c’est

et le vent, on perd le contrôle. On a beau se

une sorte de libération de les sortir. On a le sentiment de laisser partir ses

faire de grandes promesses, parfois, cela

enfants. Cela permet d’aller de l’avant et de se concentrer sur l’avenir.

ne dépend pas que de nous. Il faut s’incliner face à la vie.

LFC : Un album est-il en préparation ?

LFC : Pouvez-vous nous parler du titre

MDC : Nous avons déjà enregistré six morceaux au Studio Saint-Germain.

Rumba Clara ?

J’ai eu la chance de collaborer avec des musiciens incroyables avec

lesquels nous avons enregistré en live. Nous sommes peut-être sur le point

MDC : C’est un titre que j’ai écrit en sortant

de partir au Panama. Je souhaite que cet album me ressemble le plus

de l’eau dans un pays méditerranéen. À

possible.


samedi 30 juin Saint-Etienne vendredi 5 octobre Saint-Germain-en-Laye, 1ère partie Benabar vendredi 12 octobre Maisons-Alfort, 1ère partie BB Brunes


LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018

Foray L'INTERVIEW NOUVEAU TALENT


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE

PHOTOS CELINE NIESZAWER LEEXTRA

Foray publie son album Grand Turn Over mi-juin et nous en parle avec enthousiasme et poésie lors d'un entretien sous les toits de Paris. Interview et séance de photos exclusives. LFC : Pouvez-nous dire comment vous êtes arrivé

quatorze ans en Normandie. C’est un lieu d’inspiration

dans le milieu de la musique ?

exceptionnel.

F : Je suis venu à la chanson il y a assez longtemps.

LFC : Comment est né votre amour pour la musique ?

J’ai commencé dans des groupes à l’âge de quinze ans. Il y a quatre ans, j’ai décidé de me lancer en

F : Lorsque j’étais petit, mes premiers amours étaient

solo, car tous les groupes dans lesquels je jouais se

la peinture et le dessin. Puis à l’adolescence, j’ai

sont dissous. Je me suis quand même demandé si je

découvert Nirvana et The Doors grâce à ma sœur.

devais vraiment le faire. Et finalement, après

J’écoutais aussi Renaud, Jacques Higelin, Georges

réflexion, c’est ce que j’ai fait.

Brassens… Ensuite, j’ai commencé à emprunter la guitare de ma sœur. Mais comme j’étais gaucher, j’ai

LFC : Vous avez d’ailleurs changé de nom en cours

commencé à jouer à l’envers. (Rires) À quinze ans, j’ai

de route en passant de Nord à Foray. Pourquoi ?

fait mon premier album en chantant les poèmes que j’avais écrits à l’encre. Je suis ensuite rentré dans des

F : J’avais choisi Nord pour une question

groupes. Et j’ai fait mes premiers concerts. Quand on

d’atmosphère. Mes amis me disaient que mes

commence à faire des chansons étant jeunes, c’est

chansons étaient froides. Et j’aimais le côté

toujours plus facile de les faire en anglais.

directionnel. En arrivant chez Columbia, le patronyme Nord existait déjà. J’ai donc dû changer

LFC : Quand avez-vous décidé de chanter en

pour devenir Foray.

français ?

LFC : Pourquoi Foray ?

F : Un jour, j’ai rencontré un musicien qui avait tourné

pendant des années avec Gary Numan. Je lui avais

F : J’ai mis Nord et mon nom de famille dans un sac.

apporté une cassette avec vingt titres. Dix-neuf en

J’ai mélangé et cela a donné Foray. (Rires) Je trouve

anglais et un en français. Après quelques litres de thé

qu’il y a une consonance anglo-saxonne qui me plaît

et après avoir écouté toute la cassette, il m’a dit : la

bien. C’est d’ailleurs grâce à ce type de musique que

meilleure est la chanson française. Depuis ce jour là,

je me suis lancé. Même si cela ne s’écrit pas pareil,

je n’ai fait que des chansons en français.

cela m’évoque aussi la forêt. J’y ai vécu pendant

188 LFC MAGAZINE #10


Foray LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018


INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE

PHOTOS CELINE NIESZAWER LEEXTRA

Le but pour moi est de créer une masse sonore avec des choses que j’entends pour ensuite pouvoir créer autour de cela. C’est un peu la même chose pour Grand Turn Over où au début il n’y avait que des samples. Ensuite, j’ai construit ma mélodie. LFC : Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour

à explorer. L’objectif est de créer un climat.

la sortie de votre album Grand Turn Over qui est disponible depuis le 15 juin 2018. À quelques

LFC : Vous utilisez beaucoup de samples sur vos morceaux. Est-ce

jours de la sortie, comment vous sentez-vous ?

le point de départ de votre processus créatif ?

F : J’ai vraiment hâte qu’il sorte. Nous l’avons

F : Exactement. C’est ce qui me permet de créer ensuite. Comme

enregistré il y a longtemps. J’espère que les

sur le morceau Drunk par exemple. Le but pour moi est de créer une

gens prendront autant de plaisir à l’écouter que

masse sonore avec des choses que j’entends pour ensuite pouvoir

nous en avons pris à le concevoir.

créer autour de cela. C’est un peu la même chose pour Grand Turn Over où au début il n’y avait que des samples. Ensuite, j’ai construit

LFC : Vous n’êtes pas tout seul sur cet album.

ma mélodie.

Pouvez-vous nous parler des collaborations ? LFC : Des titres sont déjà en écoute. L'album est disponible ce F : J’ai tout écrit et tout composé sur cet

mois-ci. Pouvez-vous nous en parler ?

album. Et nous avons tout arrangé avec Thierry

Minot. Il m’a été d’une grande aide pour intégrer

F : Faut pas croire et Si tu ne dors pas sont deux chansons qui se

mes chansons guitare/voix que je ne parvenais

répondent. C’est pour cela que nous avons réalisé les clips

pas à intégrer dans l’album.

quasiment en même temps. Si tu ne dors pas est une série de questions, un peu comme quand vous vous couchez et que vous

LFC : Vous avez tenu à faire ce disque

réalisez que vous n’avez pas fait certaines choses. Faut pas croire

quasiment seul. Pourquoi ?

est une sorte de réponse cynique sur le fait que nous sommes

entourés de médias. Mais qu’aucun ne nous ait vraiment utile.

F : C’est un album sur lequel je travaille depuis dix ans. C’est un travail de longue haleine. Mais

LFC : Vous allez faire de la scène. Comment abordez-vous cela ?

j’avais envie de trouver des solutions seules.

J’ai aimé aller dans une direction que je ne

F : J’aime bien commencer doucement et finir fort. Je prends

connaissais pas. J’ai aimé mélanger les genres

l’exemple de Mathias Malzieu que j’ai vu plusieurs fois en concert.

pop, folk… Il y a de nombreuses pistes

Et que je trouve tellement énergique. Je suis un peu pareil. J’aime bien me lâcher. La scène est un lieu où vous oubliez le temps. C’est un moment où il peut tout se passer.

190 LFC MAGAZINE #10


LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018


LFC MAGAZINE #10 - JUIN 2018

INTERVIEW Photos : Patrice Normand Leextra // Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig

LFC MAGAZINE #10 192

ANTOINE ÉLIE


Attention talent ! Antoine Élie va vous étonner avec son premier EP. La grande claque ! Une voix singulière, une sensibilité à fleur de peau et des textes qui frappent. Cinq titres puissants comme L'amas d'chair ou encore Aïe qui résonneront fortement dans votre tête. Entretien inédit avec un très bel artiste et une séance de photos exclusives.

LFC : C’est la première fois que nous

LFC : C’est la première fois que nous nous rencontrons.

nous rencontrons. Racontez-nous vos

Racontez-nous vos débuts dans la musique.

débuts dans la musique. AE : Tout s’est fait très naturellement. Déjà petit, j’aimais AE : Tout s’est fait très naturellement.

beaucoup chanter seul, de façon assez discrète. Je ne

Déjà petit, j’aimais beaucoup chanter

voulais pas être vu. Un jour, je me suis mis à chanter dans la

seul, de façon assez discrète. Je ne

cour de l’école. Et ma mère l’a appris. Elle m’a demandé que

voulais pas être vu. Un jour, je me

je lui chante une chanson. Elle a beaucoup aimé. Mon père

suis mis à chanter dans la cour de

m’a inscrit au piano très jeune. Je baigne dans ce milieu

l’école. Et ma mère l’a appris. Elle m’a

depuis un petit moment. Et aujourd’hui, j’ai la chance d’en

demandé que je lui chante une

faire mon métier.

chanson. Elle a beaucoup aimé. Mon père m’a inscrit au piano très jeune.

LFC : Jusqu’à écrire des chansons pour Tina Arena…

Je baigne dans ce milieu depuis un petit moment. Et aujourd’hui, j’ai la

AE : C’est vrai. (Rires) Jean-Christophe Bourgeois, avec qui je

chance d’en faire mon métier.

travaille chez Sony et qui avait travaillé avec Tina Arena, nous a mis en contact et la rencontre s’est faite.

LFC : Jusqu’à écrire des chansons pour Tina Arena…

LFC : Vous avez deux univers pourtant assez différents. Comment s’est passé la rencontre ?

AE : C’est vrai. (Rires) Jean-Christophe Bourgeois, avec qui je travaille chez

AE : Très bien. Je me souviens que je l’écoutais étant gamin,

Sony et qui avait travaillé avec Tina

notamment avec la bande originale du film Le masque de

Arena, nous a mis en contact et la

Zorro. Je suis absolument fan de sa voix et de son accent.

rencontre s’est faite.

Lorsque j’ai reçu la chanson et que je l’ai écouté, j’ai failli

LFC MAGAZINE #10 193



INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG

PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA

Je pense que j’ai mis beaucoup de ma colère et de ma tristesse dans ce EP. C’était important que les gens l’entendent. pleurer. J’ai compris que c’était de cette

LFC : Votre projet personnel est constitué de cinq

manière que je voulais qu’une femme m’aime. Il

titres dans lesquels on reconnait tout de suite

y a un côté très maternel dans sa voix, très

votre voix, votre grain rocailleux… Le fait qu’il y

chaud. Cela m’a fait beaucoup de bien

ait une identité vocale est-il important pour vous

d’entendre mes mots dans sa bouche.

?

LFC : Avez-vous collaboré avec d’autres

AE : Oui, et je crois que je m’en suis beaucoup

artistes ?

amusé. À la base, je crois que je ne chantais vraiment pas bien. J’ai d’ailleurs retrouvé des

AE : J’ai essayé de collaborer avec pas mal de

enregistrements lorsque j’étais jeune qui étaient

monde. J’aimerais bien un jour faire quelque

très mauvais. (Rires) Cependant, à force de jouer

chose avec Zaz. Le problème, c’est qu’elle a

et de rencontrer des gens, j’ai progressé.

une personnalité très forte et que je n’ai pas encore trouvé l’angle pour lui proposer un

LFC : Vos débuts ont-ils été compliqués ?

projet. Pour le moment, c’est compliqué. Les artistes acceptent des chansons d’autres

AE : Il y a eu beaucoup d’échecs sur scène. J’ai

artistes lorsqu’ils les connaissent. Aujourd’hui,

fait beaucoup de choses que je n’assumais pas.

je ne suis personne. J’espère que mon projet va

Mais que j’assume aujourd’hui, car cela m’a

créer un élan et une énergie qui va donner envie

permis de devenir l’artiste que je suis. Je suis

à d’autres personnes de collaborer avec moi.

passé par plein de fausses routes avant de trouver celle-ci. J’aime bien les blessures et les

LFC : Pourquoi avez-vous cette envie de

cicatrices. J’aime voir le corps évoluer.

partager votre passion avec d’autres artistes ? LFC : Vous avez utilisé des thèmes très forts AE : Je crois que c’est le fait d’écrire mes

dans ce premier EP. En êtes-vous conscient ?

propres chansons. Je me suis dit pourquoi pas les partager avec d’autres artistes. La première

AE : Il le fallait. Je pense que j’ai mis beaucoup de

collaboration que j’ai fait était pour une artiste

ma colère et de ma tristesse dans ce EP. C’était

qui s’appelle Clem et le fait d’entendre mes

important que les gens l’entendent. Nous

mots dans sa bouche m’a fait quelque chose.

sommes actuellement en train de travailler sur

C’est galvanisant et touchant.

l’album. Et je pense que les thèmes seront moins denses dans la noirceur et plus légers.

195 LFC MAGAZINE #10



LFC : Votre réponse nous fait penser au titre Aïe. Comment est née cette chanson ? AE : J’écris beaucoup. Et sur ce texte là, je voulais que les mots m’éraflent le corps au passage. J’aime quand les textes, émancipés de leur sens, ont une certaine dynamique et une certaine force. Bertrand Cantat maîtrise cela à la perfection par exemple. LFC : La musique est-elle un exutoire ? AE : Entre autre. Tout comme la vie en est un. Jamais, je ne pensais un jour en faire mon métier. Et avec le temps, je me rends compte que j’aime cela. Que ce soit les responsabilités, les rencontres… La musique est un lien vers l’autre. LFC : Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de ces cinq titres ? AE : J’aimerais que les gens se reconnaissent dedans, qu’ils me ressentent. J’imagine les gens écouter ce projet au casque et ressentir ce que j’ai ressenti lorsque j’ai composé les chansons. J’essaye d’être sincère et de ne pas me mentir. LFC : La musique est-elle une forme de mise à nu selon vous ? AE : Lorsque je suis sur scène, j’ouvre mon cœur et je ferme mon esprit. LFC : L’album que vous préparez sera t-il dans la même veine que cet EP ?

AE :Je travaille avec la même équipe. Le fait d’avoir fait cet EP a clôturé une certaine période. Désormais, nous recherchons de nouvelles couleurs, de nouveaux axes. Je crois que sur cet album, je souhaite créer de l’énergie. LFC : Vous êtes passé dans l’émission Taratata sur France 2 le mois dernier. Votre sentiment ? AE : Je n’en reviens toujours pas. Que ce soit Nagui, ou Cali que j’ai pu rencontrer en coulisses, tous me regardent avec bienveillance et c’est très touchant. C’est une sensation bizarre d’être considéré par des gens comme eux. LFC : Ressentez-vous de la peur pour la suite ? AE : J’ai peur de ne pas me ressembler surtout. Je ne veux pas me mentir, même si c’est compliqué, car on évolue au cours de sa vie. Je fais tout pour rester concentré. LFC : On vous laisse le mot de la fin… AE : J’ai une petite sœur et elle est très belle ! (Rires)


LFC MAGAZINE #10 193


JUIN 2018 • LFC #10

Spectacle LES

4

PIÈCES

DU

MOIS

À

VOIR


2 Mètres 74

PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : B. PONS

La capacité du Studio Hébertot est l’écrin parfait pour

plus affecté que lui de cette perte soudaine. Les

cette nouvelle comédie de mœurs psychologique qui

souvenirs refluent, les confidences aussi, quand surgit

dévoile, derrière le rire, comment un événement

Alma (Leïla Tabaï, ce soir-là), la fille de la concertiste,

inattendu peut bouleverser une vie qui a renoncé à ses

en conflit avec sa mère dont elle n’a connu que

rêves. « 2 Mètres 74 » est le nom de cette pièce de

l’absence et les notes de musique. Elle veut à tout prix

Martine Paillot, à l’écriture saillante et nerveuse qui

récupérer le piano…, un père et peut-être aussi cette

manie l’humour au fouet pour réveiller les illusions de

tendresse complice dont la passion de sa mère l’a tant

deux amis. L’un, Pierre (Nicolas Georges), traîne le

privée !

matin sa lassitude jusqu’à son bureau de banquier et le soir jusqu’à son domicile de petit bourgeois où sa

On l’aura compris, « 2 Mètres 74 » est l’envergure de ce

femme le méprise. L’autre, Vladimir (Frédéric Jacquot),

piano à queue imaginaire. Grâce à cette illusion

ne vibre que pour le cheval de course et les paris, mais a

omniprésente, cet encombrant instrument joue la

les poches et le cœur vides. L’arrivée d’un imposant

partition de trois tranches de vie bousculées. Si la

piano Steinway & Sons de 2,74 mètres dans son studio

pièce a été écrite sur mesure pour le comédien

riquiqui va chambouler son espace et sa vie. Mais

Frédéric Jacquot, féru de chevaux de course, elle met

pourquoi diable la concertiste de renommée

aussi au diapason plusieurs passions dévorantes,

internationale, Jeanne Donati, une amourette de

assumées ou non. Ce genre de passion qui devient le

jeunesse, lui a-t-elle légué son piano ? Un mystère qu’il

maître, gouverne les comportements et fait le nid de la

tente de démêler avec son ami d’enfance qui semble

souffrance dans le cœur des proches. Alma a été une

LFC MAGAZINE #10 200


enfant délaissée par sa mère concertiste dès lors

deuxième et l’absence pour le troisième. Cette

qu’il est apparu évident qu’elle n’égalerait pas la

magie s’opère instantanément et se renforce au fil

grande Donati au piano. Un rejet doublé d’un non-dit

des rebondissements, des confidences et des

sur son origine paternelle. Ce legs ravive aussi chez

querelles. Dirigés par Philippe Chevallier, les

Pierre une passion réprimée pour son unique amour,

acteurs sont d’égale puissance dans l’émotion par

Jeanne Donati, et la musique de Mozart. Alors que

leur silence, leur joie communicative, leur tristesse

pour Vladimir, ce piano est un bien marchand

mêlée de colères, et leurs rêves retrouvés. Frédéric

inespéré qui, vendu, lui permettra de régler ses

Jacquot est attendrissant en campant un Vladimir

dettes et de prendre des parts dans un cheval de

si flamboyant dans son rapport avec les chevaux et

course. L’arrivée de ce personnage central,

si gauche avec les sentiments. En incarnant l’ami

l’évanescence de la concertiste adulée, va entraîner

fidèle et le banquier protecteur, Nicolas Georges

des prises de conscience du temps qui passe, des

parvient à s’entourer de mystères avec ses regards

rêves enfouis ou inaccessibles à reconquérir, de

rêveurs et sa ferveur qui monte crescendo. Quant à

l’importance de l’amitié, de ses responsabilités dans

Leïla Tabaï, elle donne corps à Alma en lui prêtant

les relations humaines. Ce piano est le catalyseur de

vie par son énergie, et en composant un cocktail

tous les espoirs de trois êtres en recherche d’une vie

explosif à base de fraîcheur candide et de violence

qui leur ressemblerait.

révoltée. Il flotte sur la scène un réel plaisir de jouer des acteurs qui nous racontent une histoire à

La mise en scène de Frédéric Jacquot cristallise

laquelle on adhère jusqu’à la ligne d’arrivée. Un

toutes les attentions sur ce piano absent qui

théâtre comme on aime, où la narration ne se

s’impose par là même comme un quatrième acteur,

contente pas de servir le rire, mais de le porter

matérialisé sur la scène par du ruban adhésif fixé au

comme un élément constitutif d’un tout. Un pari

sol. L’action se déroule autour de ce symbole

gagnant !

personnifié qui représente de l’argent pour le premier personnage, un amour perdu pour le

Distribution Avec : Frédéric Jacquot, Nicolas Georges, Élisa Birsel en alternance avec Leïla Tabaï.

A

Créateurs Auteur : Martine Paillot Mise en scène : Frédéric Jacquot Directeur d’acteurs : Philippe Chevallier Du jeudi au samedi à 19 heures, jusqu’au 23 juin 2018. Au Studio Hébertot, 78 bis, Boulevard des Batignolles, Paris 75017. Durée : 1h20.

LFC MAGAZINE #10 201


JUIN 2018 • LFC #10

“17 fois Maximilien”, et plus encore ! LES 4 PIÈCES DU MOIS À VOIR


17 fois Maximilien

PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME ©Nathalie Gendreau Tous les mardis, au Studio Hébertot, on assiste à une

aura manqué chaque soir la main apaisante d’une maman

performance intimiste qui allie finesse et force de jeu.

sur sa tête d’enfant. Soudain projeté dans le fauteuil du

Dans cette pièce à flux tendu, à l’écriture ciselée de son

thérapeute, le public est tout ouïe durant les 17 fois

complice Richard Charest, Nikola Parienty se transforme

Maximilien.

en Maximilien, un être imbu de lui-même, à la désinvolture affectée, qui entreprend une analyse pour asseoir sa

De séance en séance, qu’une sonnerie interrompt

légitimité d’acteur. Au fil des dix-sept séances

abruptement, Max – pour les intimes – évoque une mère

chronométrées par un thérapeute imaginaire, ce

indifférente qui l’oublie au rayon Parfumerie où elle travaille

quarantenaire va peu à peu déjouer l’ascendance de

; d’où sa détestation des odeurs ! Il compare son père au

l’adulte brillant en société pour laisser émerger cet enfant

nougat dur qui finit par s’attendrir ; il se souvient de son

qui hurle son manque d’affection depuis l’enfance et que

chien à trois pattes, Zéro, qui s’est fait écraser par son

pourtant personne n’a jamais entendu. Lui, le meilleur ami

voisin ; il se remémore son énurésie et ses peurs nocturnes

des mots, va trouver dans son passé ces mots dits ou non

quand il était enfant, transformées en insomnie chronique

dits, qui l’empêchent d’être heureux, tout simplement, et

une fois adulte. Tout en s’interrogeant sur le bien-fondé

de dormir sans insomnie. Nikola Parienty incarne à la

d’une analyse, il ravive pas à pas des souvenirs enfouis

perfection cet être détestable en l’enveloppant d’une grâce

dont il se distancie avec le panache artificiel des

attachante qui émeut tout en faisant rire. Au-delà des

désespérés. Il libère une parole qui remonte des

manières hautaines, les provocations et la suffisance de

profondeurs de l’enfance 17 fois Maximilien, Nikola

son personnage, il donne à voir, à entendre et à ressentir

Parienty, Studio Hébertotétouffée, amplifiée par

une belle âme à la sensibilité heurtée, à qui il

l’exubérance des gestes. Il s’étend sans plus de retenue

LFC MAGAZINE #10 203


sur ses états d’âme dans un fauteuil rose, les pensées tristes s’échappant en volute de fumée de cigarette. Parviendra-t-il à casser toutes ces chaînes traumatiques qui entravent son sommeil et sa véritable nature ? Le regard hypnotique, la voix profonde, le corps bavard, Nikola Parienty est un être vibrant. Il ne se contente pas de jouer, de se mouvoir, de vitupérer, de s’esclaffer, de penser dans un murmure langoureux, il glorifie la vie par sa présence intense. Son jeu est éloquent dans les silences et exalte les sentiments universels qui traversent l’homme depuis la nuit des temps pour les exposer avec simplicité et humilité. Contraste éclatant entre un Maximilien égocentrique et hâbleur et un Nikola modeste et sincère. Parler de talent serait superfétatoire, car il l’habille avec naturel, sans suivre de mode. Son style est unique, discret, et pourtant il crève l’évidence. Chanteur, comédien, coach et metteur en scène, cet artiste aux multiples casquettes livre avec « 17 fois Maximilien » une fiction théâtrale ahurissante teintée de réalisme. Il donne tant l’impression de faire partie de soi qu’il parvient à réinventer la relation artiste/public. Un pur moment de communion forte et vraie qu’on aurait envie de revoir au moins 17 fois…

« 17 fois Maximilien » Distribution Avec : Nikola Parienty Créateur

A

Auteur : Richard Charest Tous les mardis à 21 heures, jusqu’au 26 juin 2018. Au Studio Hébertot, 78 Boulevard des Batignolles, Paris 75017. Durée : 1h10.

LFC MAGAZINE #10 204


JUIN 2018 • LFC #10

“Bio et barge”, humour et dérision à foison ! LES 4 PIÈCES DU MOIS À VOIR


Bio et barge surchargées et de femme en quête d’épanouissement personnel. Sa première comédie est survoltée, sans tabous et décoiffe un max. Son texte est savoureux, stylé et percutant, et la mise en scène dynamique de Nathaly Coualy en fait une belle réussite ! Mais attention, les oreilles chastes risquent de tomber en pâmoison !Bio la semaine et mojito le week-end, Stéphanie Jarroux claironne qu’elle est en dissonance cognitive. Si le concept est vaporeux, la démonstration est on ne peut plus éclairante ! La comédienne est un soleil à la chevelure exubérante qui darde PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : ©Thomas Graindorge et Nathalie Gendreau

ses rayons cosmiques. Une synthèse vivante du propos de son one-womanshow. Elle a de l’énergie à revendre, et heureusement ! Comment survivre à la gestion de trois enfants, surtout le mercredi, lorsqu’on vit à Versailles et qu’il faut s’occuper de la maison, des courses et des diverses activités périscolaires ?

Entre bio et mojito, faut-il vraiment choisir ? La

Elle nous confie, sans regret, avoir

comédienne Stéphanie Jarroux est tiraillée tout le long de

démissionné de son poste de rédactrice

son one-woman-show inspiré de la vie très réelle d’une

en chef du magazine FémininBio pour les

mère de famille comblée par ses trois enfants. Enfin…

éduquer en usant de méthodes qui

Comblée, c’est vite dit ! Car qui se met en tête de vivre 100

paraissent si faciles à appliquer dans le

% “bio” tout en s’imbibant… d’expériences Vegan se

monde idéal. Sauf que la réalité est bien

complique l’existence à plein temps. “Bio et barge” est une

différente ! D’emblée, l’empathie du public

bourrasque vivifiante qui, sous prétexte de prôner le bio en

lui est tout acquise. Qui n’a pas connu des

toutes occasions, balaye les bonnes intentions face aux

mercredis un peu compliqués où les

réalités du terrain qui impose son inévitable dictature et

caprices des délicieux chérubins

qui a pour doux nom : le quotidien ! Stéphanie Jarroux

deviennent insupportables au point

rejoue pour nous, à coups d’outrance trash et

d’exploser ?

humoristique, son quotidien de maman aux journées

LFC MAGAZINE #10 206


Et, à la Comédie des 3 Bornes,

Mine de rien, sous le prétexte de divertir,

Stéphanie Jarroux explose littéralement

l’ancienne journaliste reprend ses droits en

! De sketch en sketch, tendue comme un

soulignant le paradoxe de notre monde qui

arc, elle décoche de belles flèches, bien

veut tout et son contraire à la fois : s’engager

aiguisées, bien vives, qui touchent juste

à fond pour sauver la planète tout en vivant

et dans un feu d’artifice de drôlerie. Faut

dans un corps sain durant la semaine, pour

dire, entre un compagnon “hipster”,

ensuite tout jeter aux orties le week-end

comprendre “branché”, les séances de

autour d’un bon mojito et d’une bonne

stage de sexe tantrique – où comment

cigarette. Une ambivalence qui sera

faire l’amour par la respiration, mais à

prochainement illustrée dans une bande

distance –, le yoga, la communication

dessinée qui reprendra son propre

non violente, la nourriture bio, le

personnage déjanté. Mais il ne faut pas se

recyclage, il y a de quoi ne plus savoir

tromper ! Sous des abords sympathiquement

où donner de la tête ! À cela s’ajoutent

loufoques, la comédienne s’implique très

des expériences non moins

sérieusement au quotidien, notamment

ultranaturelles comme les cours de

auprès d’adolescents en difficulté via des

zook-zumba pour faire tomber une

séances d’art-thérapie. Changer radicalement

récalcitrante coupe menstruelle… ou

de métier est une audace dont elle doit se

ses mésaventures avec la tireuse à lait.

féliciter, car elle parvient à nouer le dialogue

Y a pas à dire, avec Stéphanie Jarroux,

avec un public qui, lui, ne se trompe jamais

on ne s’ennuie pas une seconde !

sur la sincérité d’un projet. Et le projet que

D’autant qu’elle est très en phase avec

nous propose Stéphanie Jarroux avec Bio et

la réalité, et c’est ce qui fait rire et

barge est diablement sincère !

s’esclaffer tout du long.

Distribution Avec : Stéphanie Jarroux.

A

Créateurs Auteure : Stéphanie Jarroux Mise en scène : Nathalie Coualy Tous les mardis soirs, 20h15, jusqu’au 31 juillet 2018. À la Comédie des 3 Bornes, 32 rue des 3 Bornes, Paris 75011. Durée : 1h05.

LFC MAGAZINE #10 207


Les crapauds fous JUIN 2018 • LFC #10

LES

4

PIÈCES

DU

MOIS

À

VOIR


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU

Après son succès au Ciné XIII, la comédie d’aventure Les

En 1990, Anastazy, étudiante en psychologie et petite-

crapauds fous se joue au Théâtre des Béliers parisiens.

fille d’Eugène, l’un des deux médecins héroïques, cherche

Servie par un texte qui allie la force d’évocation à celle

à comprendre comment une minorité d’individus, 3 %

de l’émotion juste, cette pièce est née de l’idée

selon l’expérience de psychologie de Milgram sur la

formidable de l’auteure et metteure en scène Mélody

soumission consentie, parvient à refuser l’obéissance

Mourey de restituer une histoire vraie et extraordinaire,

aveugle alors que 97 % en sont incapables. Aussi, elle

jamais encore évoquée au théâtre. Celle de deux

souhaite connaître l’histoire de son grand-père qui a

médecins polonais, Eugène Lazowski et Stanislaw

résisté à l’autorité nazie et dont il n’a jamais fait état. Elle

Matulewicz, qui ont sauvé 8 000 Juifs durant la Seconde

fait appel à Stanislaw, médecin à la retraite et le meilleur

Guerre mondiale, en faisant croire à une épidémie de

ami de son grand-père, qui lui raconte cette aventure

typhus, un virus hautement contagieux. La mise en

démentielle et dangereuse, à sa manière, avec la

scène imbrique deux époques (1942-45 et 1990) et les

simplicité de ceux qui estiment n’avoir fait que leur

fait interagir avec une vivacité étourdissante. Cette

devoir. Sa narration commentée tantôt avec gravité,

astuce captive l’intérêt tout en mettant en relief de façon

tantôt avec légèreté, nous ramène en 1940 dans la ville

exemplaire le courage de ces deux “crapauds fous” qui

de Rozwadów, en Pologne. Désirant épargner à l’un de

ont osé dire “non”. Aujourd’hui, on les nommerait les

ses amis les camps de travail, Stanislaw imagine de lui

“Insoumis”, comme le rappelle la pièce qui ne manque

inoculer des bactéries mortes responsables du typhus.

pas de distiller une bonne dose d’humour. Ces clins d’œil

Cette injection suffit à rendre le test positif. Sans rien en

à l’actualité sont autant de bulles d’air qui autorisent le

dire à sa femme, Eugène reprendra cet audacieux

spectateur en apnée du suspense à respirer… et à rire

stratagème pour éviter aux Juifs menacés de se faire

de bon cœur !

massacrer ou d’être déportés. Même lorsque les soldats

LFC MAGAZINE #10 209


allemands, soupçonneux, viennent vérifier la réalité de la pandémie, et

des vies suspendues entre la

donc de la quarantaine, les deux médecins tiennent bon en brandissant

dénonciation et la mort. La

le spectre de la contagion. Mais tiendront-ils jusqu’à la fin de la guerre ?

tension habille chacun des

Leur manigance est si fragile qu’une indiscrétion ou une malveillance

personnages, et plus

pourrait tout faire écrouler !

particulièrement Damien Jouillerot qui campe tour à tour

De ces deux jeunes médecins polonais généreux et courageux, Eugène

un idiot du village attendrissant

Lazowski et Stanislaw Matulewicz, l’histoire retiendra cette audacieuse

et un Hitler aussi glaçant que

supercherie. À l’instar de la liste de Schindler, ce sauvetage méritait

drolatique qui n’est pas sans

d’être retracé à travers une fiction. Mélody Mourey a choisi de la porter à

rappeler le Hitler de Jacques

notre connaissance sur la scène théâtrale, lieu de prédilection pour

Villeret (dans Papy fait de la

transfuser à une aventure du passé toute la vigueur de l’instant fragile du

résistance). Les neuf comédiens

direct, et ainsi créer une communion avec les spectateurs. L’auteure y

de la troupe interprètent plus de

réussit merveilleusement bien. Dès la première minute, le narrateur

vingt personnages à un rythme

Stanislaw, alors retraité, (Frédéric Imberty) accroche l’intérêt par sa

renversant. C’est une valse de

distinction vocale et sa présence bonhomme, de celle qui rassure et

costumes et d’interprétations,

réconforte. Charlie Fargialla (Eugène Lazowski) et Gaël Cottat (Stanislaw

qui en trois temps quatre

Matulewicz jeune) jouent deux caractères opposés, le premier plus

mouvements, font coulisser les

intrépide et fougueux que le second qui soupèse les actions à l’aune de

décors et bruisser le temps

ses angoisses. Si les colères sont tonitruantes, les réconciliations le sont

entre les souvenirs et les

tout autant. Cette différence pour appréhender les situations provoque

actions. La mise en scène habile

un dialogue enlevé, vif et tournoyant à l’image

de Mélody Mourey et la scénographie inventive de Hélie Chomiac permettent ces tours

Avec : Benjamin Arba, Merryl Beaudonnet, Constance Carrelet, Hélie Chomiac, Gaël Cottat, Rémi Couturier, Charlie Fargialla, Tadrina Hocking, Frédéric Imberty, Damien Jouillerot, Blaise Le Boulanger, Claire-Lise

de passe-passe temporel et spatial. Les années s’enchaînent et c’est la vérité qui se libère du silence. Le silence d’un acte exceptionnel

Lecerf, Christian Pellissier.

qui s’est répété le temps des

Créateurs

retentissant qui est restitué

Auteur et metteur en scène : Mélody Mourey

sensibilité.

atrocités, un silence avec intelligence et une grande

A

Scénographie : Hélie Chomiac Chorégraphie : Reda Bendahou Musique : Simon Meuret Du mardi au samedi à 21 heures et dimanche à 15 heures, jusqu’au mois d’octobre 2018. Au Théâtre des Béliers parisiens, 14 bis rue Sainte-Isause, Paris 75018. Durée : 1h35. LFC MAGAZINE #10 210


DANS LE PROCHAIN NUMÉRO

À NE PAS MANQUER

PHOTO : PATRICE NORMAND // LEEXTRA

GUILLAUME DE TONQUEDEC / MARC LEVY / BERNARD MINIER / MIREILLE CALMEL / DOUGLAS KENNEDY / BARBARA ABEL / HYPHEN HYPHEN ET DES SURPRISES...

JUILLET 2018 | #11 | BIENTÔT


LFC LE MAG :

RENDEZ-VOUS MI-JUILLET 2018 POUR LFC #11 Cela semble impossible jusqu'Ã ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA


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