LFC #10 NOUVEAU
JUIN 2018
DOUBLE COVER 100% INDÉPENDANT
212 PAGES DE CULTURE
LE MAGAZINE DIGITAL
Et aussi Laetitia Colombani Romain Puertolas LEJ Virginie Grimaldi Jean-Christophe Grangé Isild le Besco Maxime Chattam Louis Delort Antoine Elie Gérard Collard Colum Mc Cann
JR R E N C O N T R E E X C L U S I V E
DOS SANTOS
Foray Antsa et Mendrika Emeline Bayart, Bécassine au cinéma...
LAFRINGALECULTURELLE.FR
ÉDITO
LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #10
Rédigé par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le numéro de juin est enfin en ligne, avec un peu de retard... L'équipe vous a concocté un magazine toujours aussi gourmand : 216 pages pour LFC#10. On ne change pas une formule qui gagne avec des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, à foison, c'est-à-dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grâce à notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Franck Beloncle, Patrice Normand, Julien Faure, Julien Falsimagne, arnaud Meyer, Philippe Matsas, Mathieu Genon et Céline Nieszawer qui signe les deux covers : JR Dos Santos et LEJ. Merci également à Ursula Sigon. Un grand MERCI à JR Dos Santos et LEJ de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'à Vincent Ravalec, Emeline Bayart, Isild Le Besco, Romain Puertolas, Laetitia Colombani, Virginie Grimaldi, Béatrice Courtot, Maude Mihami, Martha Hall Kelly, Jennifer Richard, Myriam Cohen-Welgryn, Antoine Rault, Gérard Collard, Jean-Edgar Casel, Mischka Berlinski, Do Raze, JeanChristophe Grangé, Franck Calderon, Hervé de Moras, Maxime Chattam, Omar Hasan, Colum Mc Cann, Denis Tillinac, JR Dos Santos, LEJ, Louis Delort, Ginta, Antsa et Mendrika, Mathieu des Longchamps, Foray et Antoine Élie. Et MERCI chers lecteurs pour votre fidélité et vos partages sur les réseaux sociaux. Très bonne lecture les fringants,
ET SURTOUT...
LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIÉS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mère, votre père, votre voisin, votre boulanger, votre femme de ménage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre président, votre grand-mère, votre belle-mère, votre libraire, votre collègue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :
JR DOS SANTOS LEJ
07
La sélection : livres, ciné...
10
Vincent Ravalec
23
Emeline Bayart
31
Isild Le Besco
37
Romain Puertolas
43
Laetitia Colombani
49
Virginie Grimaldi
54
Béatrice Courtot
67
Maude Mihami
68
Martha Hall Kelly
74
Jennifer Richard
80
Myriam Cohen-Welgryn
86
Antoine Rault
92
G.Collard & J-E. Casel
102
Mischa Berlinski
108
Do Raze
114
Jean-Christophe Grangé
121
F. Calderon et H.de Moras
127
Maxime Chattam
133
Omar Hasan
140
Colum McCann
146
Denis Tillinac
152
J.R. Dos Santos
159
LEJ
166
Louis Delort
172
Ginta
177
Antsa et Mendrika
182
Mathieu des Longchamps
187
Foray
192
Antoine Élie
199
La sélection théâtre
L'ÉQUIPE
Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle
Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni David Smadja
Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA
Photographes Franck Beloncle Raphaël Demaret Julien Falsimagne Julien Faure Arnaud Meyer Céline Nieszawer Patrice Normand Mathieu Génon Philippe Matsas
Traducteur
LEEXTRA
Quentin Haessig
Vincent Ravalec, Emeline Bayart, Isild Le Besco, Romain Puertolas, Laetitia Colombani, Virginie Grimaldi, Béatrice Courtot, Maude Mihami, Martha Hall Kelly, Jennifer Richard, Myriam CohenWelgryn, Antoine Rault, Gérard Collard, Jean-Edgar Casel, Mischka Berlinski, Do Raze, Jean-Christophe Grangé, Franck Calderon, Hervé de Moras, Maxime Chattam, Omar Hasan, Colum Mc Cann, Denis Tillinac, JR Dos Santos, LEJ, Louis Delort, Ginta, Antsa et Mendrika, Mathieu des Longchamps, Foray et Antoine Élie sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire.
Chroniqueurs
Des sujets tous 100% "fait maison".
Nathalie Gendreau (Théâtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard
LFC MAGAZINE
JUIN 2018 | #10
O6 La sélection
de la rédaction
Livres, série TV, films...
par Christophe Mangelle, David Smadja, Clarisse Sabard, Laurent Bettoni...
PAGE 07
APRÈS LE SUCCÈS DE LA SAISON 1, 13 REASONS WHY DE RETOUR POUR LA SAISON 2 SÉRIE LFC MAGAZINE
01
ÉMOUVANT, RÉVOLTANT ET D'ACTUALITÉ
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX COPYRIGHT NETFLIX JUIN 2018
LA SAISON 2 NOUS DÉVOILE D'AUTRES FICELLES DE L'HISTOIRE. INTRIGUANT, TOUJOURS AUSSI BIEN JOUÉ. UNE SÉRIE D'UNE TRÈS GRANDE QUALITÉ QUI S'ADRESSE AUX ADOLESCENTS ET AUX ADULTES.
L'AVIS EXPRESS DE LA RÉDACTION
PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX JUIN 2018
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX
VINCENT RAVALEC
LIVRE LFC MAGAZINE
PAGE 10
PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © PATRICE NORMAND LEEXTRA
LAURENT BETTONI EST ROMANCIER IL A PUBLIÉ LES REMORDS DE L’ASSASSIN (MARABOUT THRILLER) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE
VINCENT RAVALEC
02 L ’ I N T E R V I E W
T R A N S H U M A I N E
D E
L A U R E N T
B E T T O N I
Je dois rencontrer aujourd’hui Vincent Ravalec pour discuter avec lui de son dernier roman. Mais les hasards de nos calendriers respectifs font que nous sommes, lui et moi, entre deux TGV – les deux qui ont échappé à la grève, en ce 16 mai 2018. Est-ce pour cette raison qu’avec sons sens de l’à-propos et son espièglerie légendaires Audrey, l’attachée de presse, nous a arrangé un rendez-vous au mythique Train bleu, la brasserie à l’architecture néoclassique de la gare de Lyon ? Peu importe. Nous voici, avec l’auteur, confortablement installés l’un en face de l’autre, dans un petit salon lounge de la partie bar, et c’est l’essentiel. Après avoir échangé trois mots seulement, nous découvrons qu’il arrive de Nîmes et que moi j’y retourne, à l’issue de cette interview. C’est ballot, nous aurions pu deviser là-bas, à une terrasse ensoleillée, face aux Arènes… Nous découvrons ensuite que nous donnons tous deux des cours d’écriture pour la même institution et que nous avons participé aux mêmes masterclasses sur les créations de séries télé. Non, mais c’est dingue, ce truc ! Faut-il y déceler de simples coïncidences, ou des synchronicités, ou l’intervention du surnaturel ? Pour tout vous dire, ces questions, nous nous les posons également dans le livre. Et la boucle sera bouclée quand je vous aurai avoué qu’il s’agissait initialement, non pas d’un projet littéraire, mais d’un projet de série télévisée, que Vincent Ravalec a commencé à développer avec Frédéric Schœndœrffer et qu’il a poursuivi seul, pour en faire un roman. Son premier vrai thriller, tome 1 d’une trilogie intitulée Sekt, et lui-même intitulé L’Origine du venin (Tohu Bohu éditions).
de la sorcellerie va évoluer,
LFC : Quel est le venin que vous évoquez dans le titre de ce présent opus ?
que le mal ? Je pense que
grâce aux avancées scientifiques et technologiques, qui suivent une courbe exponentielle.
À partir du moment où l’on place une personne autre que soi-même dans une situation de malêtre pour elle, on peut considérer que le mal apparaît. LFC : Vous menez une
grande réflexion sur le bien et le mal, mais ne s’agit-il pas d’une notion subjective ? VR : Je me suis souvent posé cette question. Qu’estce que le bien, qu’est-ce c’est indissociable du
VR : Il s’agit d’une mémoire collective et organique de l’humanité à laquelle les deux héros du ressenti, c’est-à-dire de roman – une sorte de binôme à la X-Files – vont se confronter. Cette mémoire est incarnée à la notre conscience, fois par un imaginaire et par des choses concrètes et factuelles, sous forme de sectes et
subjective en effet, de notre
d’organisations diaboliques qui perdurent au fil des siècles. Et toute l’arche de la trilogie va
bien-être et de notre mal-
montrer comment cette mémoire, fondée initialement sur des croyances primitives puis sur PAGE 11
être. À partir du moment où l’on place une personne
vous vous êtes néanmoins inspiré d’une
autre que soi-même dans une situation de mal-être
brigade existant réellement. Laquelle ?
pour elle, on peut considérer que le mal apparaît. Cela, pour le coup, échappe bien à nos projections
VR : Serge et Marie-Hélène sont recrutés au
morales et subjectives.
sein de la Miolds (Mission interministérielle d’observation et de lutte contre les dérives
LFC : En combattants du bien contre le mal, vous
sectaires), que m’a inspirée la Miviludes
avez choisi deux personnes cabossées par la vie
(Mission interministérielle de vigilance et de
et qui ont une conception du bien a priori relative.
lutte contre les dérives sectaires).
Pouvez-vous nous parler de Serge et Marie-
La Miolds est placée sous la direction du
Hélène ?
Premier ministre et a pour mission de fédérer les différents services de police ainsi que la
VR : Serge est un ex-policier qui s’est transformé une
justice, dans des affaires criminelles impliquant
fois en Dirty Harry et qui a tué quelqu’un. Mais une
des sectes. Au départ, c’est une mise au
sorte de black-out psychique l’empêche de se
placard officieuse pour Serge et Marie-Hélène,
souvenir de cela avec précision. En fait, il a suivi un
une punition, un moyen de leur faire payer et
dealer dans la rue, un type qu’il savait être une
d’expier leurs fautes respectives. Mais, de fil en
sombre ordure, et l’a abattu froidement. Depuis, son
aiguille, ils se prennent au jeu, ils sont entraînés
fils le déteste et le considère comme un facho, sa
dans une spirale infernale, et cette enquête va
femme a honte de lui, et la plupart de ses anciens
marquer le renouveau de leurs carrières et les
collègues lui ont tourné le dos. Aux yeux de tous, il
relancer superbement.
apparaît comme un loser. Marie-Hélène est une ancienne juge qui a libéré un homme, parce qu’elle le trouvait attirant sexuellement, et cet homme, sitôt libéré, a tué deux jeunes femmes. Marie-Hélène est accro au sexe mais assume très mal cette dépendance.
L’intelligence de la machine surpassera celle de l’humain et finira peut-être par nous gérer. Au bout de tout cela, le projet affiché des transhumains est l’immortalité. LFC : Vous parlez d’une spirale infernale, et
Et donc ces deux anti-héros aux problématiques très
c’est un doux euphémisme, puisque,
triviales vont se mesurer, dans le cadre de leur
commençant par enquêter sur une banale
enquête, à quelque chose qui va les dépasser.
secte sataniste, vos deux héros vont mettre à jour une organisation tentaculaire qui verse dans le transhumanisme. Qu’est-ce que c’est
LFC : Au début du livre, vos deux (anti-)héros sont
exactement ?
recrutés dans une brigade particulière. Vous l’avez bien sûr inventée de toutes pièces, mais
VR : C’est la capacité de changer l’homme, de l’augmenter, sur des registres assez vastes. Le
PAGE 12
premier niveau de modification est la modification
pouvoirs occultes et maîtrisant la réincarnation.
génétique, qui peut s’opérer à très court terme, sur
Or il semblerait que les satanistes présents
quelques générations. On peut également modifier la
dans L’Origine du venin possèdent ces
médecine, grâce à l’apport des nanotechnologies. Et
pouvoirs occultes.
enfin, on peut augmenter le corps avec des puces ou des prothèses. On peut, par exemple, imaginer de se
Je dis bien il semblerait, car je préfère laisser
faire remplacer une main par une prothèse beaucoup
planer le doute et laisser chacun répondre en
plus performante.
fonction de ses convictions. Le fantastique est toujours suggéré et jamais affirmé, dans ce
Ces choses qu’on prenait pour de la science-fiction il
roman, il est toujours émis comme une
n’y a pas si longtemps commencent à devenir réelles.
hypothèse. D’ailleurs, Serge et Marie-Hélène
Et puis il faut prendre en compte les performances de
s’interrogent aussi beaucoup, à ce sujet. Ce à
l’intelligence artificielle, avec ce que les transhumains
quoi ils sont confrontés bouscule leurs
appellent la singularité, qui devrait arriver dans
certitudes.
quelques décennies. C’est-à-dire que l’intelligence de la machine surpassera celle de l’humain et finira peutêtre par nous gérer. Au bout de tout cela, le projet affiché des transhumains est l’immortalité. Cela peut passer par coder sa personnalité, sa mémoire, et les transférer dans un nouveau corps que l’on aura créé. Des gens très sérieux travaillent sur ces sujets, y
On peut tout à fait imaginer un système de castes, avec une caste supérieure de quasiimmortels et des castes inférieures, constituées d’hommes augmentés, à leur service […]
consacrent énormément d’argent. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) s’impliquent énormément
LFC : Tout cela est à la fois excitant et
dans ce domaine de recherche.
effrayant. À quelles interrogations et à quelles limites conduit le transhumanisme ?
LFC : Dans L’Origine du venin, quelle est la part de fiction et quelle est la part de réel ?
VR : La première question est de savoir si le transhumanisme sera démocratique ou non.
VR : Tout ce que je raconte sur le satanisme, sur ses
Les partisans de ce mouvement affirment que
pratiques, je l’ai puisé dans un dossier du Miviludes,
oui, que ce sera un peu comme les
mais c’est tout. Le reste, je l’ai inventé. Le lien entre
antibiotiques, au début réservés aux riches puis
transhumanisme et satanisme, dans cette histoire, sort
rapidement essaimés dans la population. Mais
de mon imagination. J’ai voulu mélanger les deux
on peut tout à fait imaginer un système de
pour préparer le tome 2. Dans ce prochain opus, la
castes, avec une caste supérieure de quasi-
difficulté, pour les transhumains, est d’opérer le
immortels et des castes inférieures, constituées
transfert de mémoire codée d’un individu dans un
d’hommes augmentés, à leur service et
autre corps. D’où l’intérêt que portent les
accomplissant pour eux les tâches les plus
transhumains à des personnes a priori dotés de
pénibles grâce à leurs super capacités physiques.
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Et si l’immortalité est la finalité, comme la Terre n’est pas extensible, on peut imaginer un système rigoureux de régulation des naissances. Ou alors, au contraire, le transhumanisme sera un grand bien pour l’humanité tout entière. LFC : Vers la fin du livre, l’un de vos personnages prétend que, d’ici peu, on ne pourra plus distinguer la religion de la science. Qu’est-ce que cela signifie ?
LFC : Pour quelle raison flirtezvous sans cesse, dans le roman, avec le fantastique, avec le surnaturel, sans jamais franchir la limite ? VR : Car, justement, faire la part des choses est aussi le défi auquel sont soumis Serge et Marie-Hélène, comme nous l’évoquions, trois questions auparavant. Où s’arrête la réalité, où commence le surnaturel, voire
Les mythes que sont les religions, le capitalisme, etc., permettent à l’homme de se fédérer, de se rassembler et de rester l’espèce dominante.
le divin ? Il n’existe pas une vérité gravée dans le marbre. Cela dépend des époques. La science actuelle va beaucoup plus loin que la
VR : C’est une citation tirée du livre Homo Deus : une
sorcellerie du Moyen Âge. Si l’on
brève histoire de l’avenir, de Yuval Noah Harari. Ce
compare ce que proposait un
livre explique comment les hommes ont eu besoin de
sorcier et ce que propose un
se créer des mythes pour exister, subsister et créer des
Smartphone, il n’y a pas photo,
liens. Ce qui a différencié l’homme des autres espèces
l’avantage va indiscutablement
animales est sa capacité à s’unir et à coopérer. C’est
au Smartphone. Il a des pouvoirs
ce qui l’a rendu le plus fort, alors qu’il ne l’était pas
largement plus surnaturels que
naturellement.
ceux des sorciers de jadis.
Les mythes que sont les religions, le capitalisme, etc.,
D’autre part, il n’y a pas
permettent à l’homme de se fédérer, de se rassembler
forcément d’antinomie entre ce
et de rester l’espèce dominante. Cette phrase disant
que décrit la science et ce que
qu’on ne pourra bientôt plus distinguer la science de
décrivent les mystiques. Il existe
la religion repose sur l’idée suivante : pour pallier le
peut-être un monde invisible
manque de sens actuel, de nouvelles religions vont
dont on peut maîtriser les
émerger et s’appuyer sur tout ce que produira la
interactions avec le nôtre, bien
science. Le grand défi, pour nous, sera de ne pas nous
visible. Donc je ne pouvais pas
laisser berner par ces nouvelles religions, de ne pas en
trancher, dans mon livre.
être dupes pour qu’elles ne nous asservissent pas.
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CINÉMA LFC MAGAZINE
03 AVENGERS INFINTY WAR
PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT MARVEL STUDIOS 2018 JUIN 2018
MALGRÉ DE LOURDS SACRIFICES FINANCIERS DE LA PART DES SALARIÉS ET UN BÉNÉFICE RECORD DE LEUR ENTREPRISE, LA DIRECTION DE L’USINE PERRIN INDUSTRIE DÉCIDE NÉANMOINS LA FERMETURE TOTALE DU SITE. ACCORD BAFOUÉ, PROMESSES NON RESPECTÉES, LES 1100 SALARIÉS, EMMENÉS PAR LEUR PORTEPAROLE LAURENT AMÉDÉO, REFUSENT CETTE DÉCISION BRUTALE ET VONT TOUT TENTER POUR SAUVER LEUR EMPLOI. En Guerre est le film le plus violent que j’ai jamais vu ! Je ne parle pas évidemment de violence graphique mais bien de violence sociale. Rarement une telle intensité et un tel feu ont coulé dans mes veines à la vision d’un film. Ce n’est pas pour rienL qu’il ' A V fut I S le Dfilm E L le A plus RÉDACTION applaudi (11 minutes de mémoire) lors du dernier festival de Cannes qui ne lui a accordé paradoxalement aucun prix. Et pourtant…
LA PROMESSE DE STÉPHANE BRIZÉ EST MAGISTRALEMENT TENUE. Celle de nous faire vivre de l’intérieur ce que nous regardons d’un œil parfois trop distrait, parce que pas concerné, lorsque le sujet s’incruste dans nos journaux télévisés : la fermeture d’une usine et les terribles dégâts humains occasionnés.
DRAME HUMANIISTE
Drame humaniste, réflexion sur notre société et sur sa prétendue économie qui ruisselle, En Guerre fourbit ses armes à la sueur des hommes et des femmes bafoués. Le film, à la limite du documentaire avec son terreau composé de comédiens nonprofessionnels, est criant de vérité. Tourné en seulement 23 jours pour garder un sentiment d’urgence, En Guerre est un film politique et désespéré.
Avec son précédent métrage « La loi du marché », Stéphane Brizé avait déjà posé les jalons timides de son incursion dans l’horreur économique. Ici, il en explose toutes les barrières et les conventions, la chair est mise à nue et les espoirs désossés au scalpel. Le film est divisé en chapitre, chacun illustrant une longue séquence du processus de délitement orchestré par une mondialisation toujours plus excessive. Entre impuissance du politique, abandon du législatif, logique libérale, l’implacable jeu de domino se met en place pour broyer la résistance. Une stratégie de l’usure et de l’enlisement.
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
Vincent Lindon est phénoménal dans son personnage de syndicaliste en colère. On dirait qu’il joue sa vie tellement il incarne bien le rôle. La voix, les regards, les postures, tout sonne juste dans ce cinéma naturaliste. Le réalisme décuple les émotions ressenties.
LE SOUND-DESIGN EST AHURISSANT, DÉRANGEANT, ENTÊTANT, MÉLANGEANT HABILEMENT SILENCES L ET ' A CACOPHONIE VIS DE LA RÉDACTION
Le sound-design est ahurissant, dérangeant, entêtant, mélangeant habilement silences et cacophonie. Ça te noue les tripes, te serre la gorge, te laisse au bord de l’asphyxie. La caméra au plus près des protagonistes accentue cet effet d’immersion donnant au spectateur le sentiment d’être lui-même acteur du drame qui se joue à l‘écran. Elle s’attarde sur les visages fatigués, remontés, figés dans leur détresse et toi, tu vibres, tu t’indignes, tu t’émeus avec les salariés de cette usine, combattants de l’ordinaire. Heureusement, le cinéaste se permet des plages de respiration, pour que le spectateur reprenne son souffle avant de repartir à la bataille. Avec En Guerre, Stéphane Brizé réalise son Il faut sauver le soldat Ryan. Si ici, la guerre est économique et pas physique, elle n’en reste pas moins psychologiquement meurtrière et diaboliquement viscérale.
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
LE LIVRE QUI FAIT DU BIEN PAR CLARISSE SABARD TOUS LES MOIS, CLARISSE SABARD REJOINT LA TEAM POUR VOUS PARLER DU LIVRE QUI FAIT DU BIEN. CE MOIS-CI, ELLE NOUS PARLE DU ROMAN DE GAVIN'S CLEMENTE-RUIZ "LE CLUB DES FEIGNASSES" (MAZARINE) ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE.
POURQUOI ON AIME ?
04
ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
QUI EST L'AUTEUR ?
Né en 1978, Gavin's Clemente Ruiz L est ' Arédacteur V I S D EauL A Guide R Édu D ARoutard, CTION chroniqueur au journal La Montagne, mais aussi curieux auteur de curiosité, publié chez Albin Michel ou encore City. Le Club des feignasses est le deuxième roman qu'il signe chez Mazarine.
ÇA PARLE DE QUOI ?
Ils s'appellent Béa, Alice, Sam, Greg et Elisabeth. À première vue, rien ne les prédestinait à se rencontrer. Rien, excepté... le cancer. Car c'est lors de leur première séance de chimiothérapie qu'ils vont faire connaissance. Chacun essaie de faire avec la maladie et son histoire personnelle. Pourtant, grâce à Béa, des liens vont très vite se nouer et rien ne va se passer comme prévu. Le cancer ? Même pas peur !
Avec un tel sujet, il aurait été facile de tomber dans la tragédie. Il n'en est rien. Au contraire, les héros imaginés par Gavin's Clemente Ruiz nous entraînent dans leurs péripétie, avec la dynamique Béa en chef de file. Les personnages sont très attachants, les chapitres courts et percutants. Personne ne s'apitoie sur son sort, chaque protagoniste tire même des leçon dans les histoires des autres pour agir en battants. C'est un roman qui vous fera rire avec ses scènes cocasses et hilarantes, qui vous tirera aussi quelques larmes d'émotion jusque dans les remerciements et vous donnera envie d'aimer la vie. A glisser dans votre valise cet été!
CLARISSE SABARD EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LE JARDIN DE L'OUBLI (CHARLESTON) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE JUIN 2018
LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA
05
PATRICK BAUWEN FASCINANT, ÉSOTÉRIQUE ET MYSTÉRIEUX
LIVRE LFC MAGAZINE DAVID SMADJA EST BLOGUEUR POUR "C'EST CONTAGIEUX" PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE PATRICK BAUWEN, LA NUIT DE L'OGRE (ALBIBN MICHEL). JUIN 2018
APRÈS SON PERSONNAGE MALÉFIQUE DÉNOMMÉ LE CHIEN ( DANS SON PRÉCÉDENT ROMAN, « LE JOUR DU CHIEN »), PATRICK BAUWEN ENRICHIT SON PANTHÉON D’ASSASSINS AVEC L’OGRE. FIGURES MYSTIQUES, CES DEUX TUEURS SANS PITIÉ VONT HANTER LES PAGES DE CE THRILLER COMPLÈTEMENT DINGUE NOUS RAPPELANT PARFOIS LES SERIALS DE LA GRANDE ÉPOQUE DE LA LITTÉRATURE FEUILLETONESQUE FRANÇAISE AU MALFRAT HAUT EN COULEURS, CELLE DES BELPHÉGOR, DES FANTÔMAS ET DES JUDEX.
FASCINANTS, ÉSOTÉRIQUES ET MYSTÉRIEUX, PATRICK BAUWEN DONNE VIE À DES VILAINS CHARISMATIQUES QUASI-OMNIPOTENTS QUI FONT PLANER L’URGENCE ET LE DANGER TOUT AU LONG DU ROMAN.
ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
Que l’on ne s’y trompe pas, nous sommes résolument dans un polar moderne et 2.0. Cependant, imaginez la silhouette inquiétante de l’Ogre, l’homme au chapeau melon, à l’ample redingote et à la barbe fournie, se dressant devant vous, menaçante, prête à vous faire subir mille outrages. Efficace et effrayant. L'AVIS DE LA RÉDACTION Et cela ne fonctionnerait évidemment pas si la contrepartie héroïque était fadasse et lisse. Loin s’en faut, Bauwen réussit à créer avec son personnage d’urgentiste, l’indomptable Chris Kovak, un alter ego fictionnel indomptable et jusqu’au-boutiste. Ce personnage est une des incontestables réussites du livre, lui dont les nombreuses fêlures et le comportement suicidaire tranchent cruellement avec sa profession de médecin. Mais il faut dire que Bauwen ne ménage ni ses confrères ni sa profession.
On le sait et on le vérifie quasiment à chaque roman, l’auteur met beaucoup de lui dans ses personnages principaux. Le personnage de Kovak n’échappe pas à cette règle puisqu’en plus de partager le même corps de métier, l’auteur affuble son personnage de certaines de ses caractéristiques physiques, notamment des tatouages aux emplacements similaires. Il faudra lire le roman pour en connaître les détails. Savoureux ! « La danse de la blouse blanche et de la cape noire » Charmant, charmeur et vénéneux, le traitement que t’inocule le docteur est un bon remède contre l’ennui, contre la mort et le temps qui passe. Vous trouvez que j’y vais un peu fort ? (NDLR : c’est pas ton genre, pourtant !) C’est justement le concept du livre : la mort. Sa représentation, la perception que nous en avons et la manière dont nous la gérons. Religieusement, psychologiquement et philosophiquement parlant. C’est tout ce pan de la vie qu’explore Patrick Bauwen, nous renvoyant par un effet miroir déstabilisant une réflexion qui s’en va puiser dans nos peurs enfouies, aux tréfonds de nos âmes. Un peu à la manière d’un Dan Brown dans son roman « Inferno ».
LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA Evidemment, le propos premier est de divertir et ça tombe bien car l’auteur, en féru de jeux de rôle qu’il est, est un gamemaster accompli. Un maître de la tromperie, du rythme et des faux-semblants. C’est donc une aventure trépidante que nous conte Bauwen, le Dr Love du Polar, un thriller épatant au tempo vrombissant. De fausses pistes en impasses, de rebondissements en retournements de situation, Bauwen glisse tous les ingrédients pour satisfaire notre appétit d’ogre dévorant de thrillers éblouissants. Et si ce n’était qu’une question de rythme… mais non ! L’intrigue est rodée, la mécanique huilée, la phrase bien foutue, gaulée comme une bombasse à qui on roulerait des pelles jusqu’à plus soif. Et si elle est inextinguible pour vous, rassurez-vous : l’auteur planche déjà sur la suite des aventures de Chris Kovak !
OUVRIR LE NOUVEAU STEPHEN KING EST TOUJOURS UN ÉVÉNEMENT TANT CHACUN DE SES ROMANS SÉCRÈTE UNE SUBSTANCE VÉNÉNEUSE HAUTEMENT ADDICTIVE ; MÊME DANS SES MAUVAIS JOURS (FORT RARES POUR LE FAN QUE JE SUIS), IL SE SITUE SOUVENT À PLUSIEURS COUDÉES DE LA CONCURRENCE. POURQUOI ? PARCE QUE LE MAÎTRE SAIT CRÉER UNE AMBIANCE COMME PERSONNE ET SURTOUT IL A UN DON IMPRESSIONNANT POUR INSUFFLER LA VIE À DES PERSONNAGES PLUS VRAIS QUE NATURE, DIABLEMENT ATTACHANTS, À L’EMPATHIE CONTAGIEUSE.
06 ALORS QUE PEUT BIEN DONNER UNE ALLIANCE AVEC SON FILS OWEN AVEC QUI IL A CO-ÉCRIT CE LIVRE ?
Tout d’abord un pitch incroyable et original, une sorte de relecture à l’échelle mondiale de « La Belle au bois dormant » (Sleeping Beauty en V.O.), qui voit l’intégralité de la population féminine s’endormir de manière définitive suite à une épidémie, laissant les hommes seuls à bord de notre bonne vieille terre. Et que peuvent bien faire tous ces hommes quand ils sont livrés à eux-mêmes ? Eh bien des conneries sinon ce ne serait pas drôle ! On sera loin du baiser du prince charmant... Pertes de repères, angoisses, désespoir, colères, poussées de violence… Le conte de fées va vite vriller.
Même s’il traite son sujet par le petit bout de la lorgnette (du seul point de vue des habitants de Dooling, petite bourgade américaine), ce que l’on regrettera un peu, « Sleeping Beauties » est un roman puissant et universel. Car outre une extraordinaire histoire fantastique, c’est un véritable pamphlet féministe qui nous est narré ici, un manifeste contre un monde injustement axé autour du patriarcat. Les situations décrites sont d’une poignante justesse. On se surprend à penser que les auteurs explosent les barrières du roman de genre pour proposer une description ultra-réaliste, à la limite du documentaire, des outrages subies par les femmes dans leur quotidien comme dans l’exceptionnel.
STEPHEN ET OWEN KING - SLEEPING BEAUTIES ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
LES CHRONIQUES LIVRE DE DAVID SMADJA C’est raconté de main de maître. La plume est magnétique, l’histoire hypnotique, les 800 pages vous bercent malgré les situations angoissantes décrites. Le roman mêle habilement les scènes d’exposition aux soudains jets furieux d’adrénaline. Déambulations dans un rêve virant au cauchemar éveillé, comme un sentiment cotonneux de se trouver au bord d’un précipice. La sublime couverture au charme glaçant illustre parfaitement le destin de ces femmes enveloppées dans un cocon, sublimes papillons délicats dont la majesté n’a d’égale que la profondeur de leurs âmes. Derrière la poésie de l’imagerie, ce cocon s’avérera maléfique pour les hommes, une véritable chrysalide de l’horreur. Aux malheureux qui tenteront de les
LA 4ÈME DE COUV'
UN PHÉNOMÈNE INEXPLICABLE S'EMPARE DES FEMMES À TRAVERS LA PLANÈTE : UNE SORTE DE COCON LES ENVELOPPE DURANT LEUR SOMMEIL ET SI L'ON TENTE DE LES RÉVEILLER, ON PREND LE RISQUE DE LES TRANSFORMER EN VÉRITABLES FURIES VENGERESSES. BIENTÔT, PRESQUE TOUTES LES FEMMES SONT TOUCHÉES PAR LA FIÈVRE AURORA ET LE MONDE EST LIVRÉ À LA VIOLENCE DES HOMMES. À DOOLING, PETITE VILLE DES APPALACHES, UNE SEULE FEMME SEMBLE IMMUNISÉE CONTRE CETTE MALADIE. CAS D'ÉTUDE POUR LA SCIENCE OU CRÉATURE DÉMONIAQUE, LA MYSTÉRIEUSE EVIE ÉCHAPPERA-T-ELLE À LA FUREUR DES HOMMES DANS UN MONDE QUI LES PRIVE SOUDAINEMENT DE FEMMES ? en extraire, ce ne seront pas des papillons qui en sortiront mais des mantes religieuses prêtes à déchiqueter l’impudent. Dans les petits bémols, le traitement réservé aux personnages est plus faible qu’à l’accoutumée, l’empathie moins naturelle, malgré les 800 pages de lecture qui devraient permettre un développement maximal. Ce n’est pas qu’une question de roman choral puisque le King en est l’un des orfèvres. On peut supposer que l’écriture à quatre mains oblige à des sacrifices. Ce sera bien le seul défaut de ce roman qui une fois refermé continue à hanter le lecteur dans sa réflexion concernant son rapport aux femmes. Un livre qui fait cogiter et qui reste entêtant une fois refermé, n’est-ce pas le début du bonheur ?
STEPHEN ET OWEN KING - SLEEPING BEAUTIES ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
LFC MAGAZINE CINÉMA
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EMELINE BAYART
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS : CÉLINE NIESZAWER, LEEXTRA
Emeline Bayart nous consacre un entretien pour fêter son premier rôle au cinéma, et pas des moindres, elle interprète la célèbre Bécassine dans le SELINA RICHARDS film de Bruno Podalydès aux côtés de Josiane Balasko, Karin Viard et Michel Michel Vuillermoz. Séance de photos exclusives signées Céline Nieszawer et entretien inédit passionnant.
LFC : Bonjour Emeline, nous nous
poche, je rencontre un metteur en scène à vingt
rencontrons pour la sortie du film
ans dans un atelier prof-étudiant au moment où
Bécassine. Tout d’abord, pouvez-vous
je m’apprête à rentrer à l’IUFM pour être
nous raconter brièvement votre parcours ?
institutrice. Il m’a parlé à part des autres pour m’encourager à aller à Paris, car selon lui, je
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EB : Complètement par hasard, j'ai fait les
pouvais devenir une belle comédienne. Il me
classes musicales des classes préparatoires
conseille de m’inscrire au cours Florent et de
de Lille. Le matin, petite fille, j’allais à l’école.
voir ce qui peut se passer. Je l’ai écoutée. J’ai
L’après-midi, j’allais au conservatoire de Lille.
suivi les cours Florent pendant six mois avec la
Je viens du Nord. J’ai donc joué du piano au
classe libre à la fin de l’année et le conservatoire
conservatoire à un très haut niveau. J'ai
un mois après. Comme tout s’est passé très vite,
commencé le théâtre vers 13 ans. J’aimais
mes parents ont été rassurés. J’ai très vite eu de
beaucoup cela. Le professeur m’a encouragé
nombreux rôles au théâtre. J’ai conçu un récital
à continuer. Quand je suis allée sur le grand
à la naissance de mon premier enfant en 2012
plateau pour la première fois où j’ai fait des
qui s’appelle D’elle à lui qui a eu un énorme
exercices au sol, je me suis sentie chez moi.
succès, que je continue à jouer dans un
J’ai ressenti comme une onde très forte.
caf’conc au chapeau deux fois par mois. On l’a
Ensuite, j’ai continué mes études. J’ai passé
joué deux fois au Rond-Point. L’Opéra-Comique
le BAC. J’ai arrêté le piano parce que je savais
l’a vu et a souhaité que je crée un deuxième
que je ne serais jamais une grande
récital qui s’intitule Si j’ose dire. Depuis ce
concertiste. Et puis, je ne sais pas faire les
récital, j’ai reçu de nombreuses propositions. Je
choses à moitié. Ma licence de lettres en
montre des facettes différentes de l’actrice.
Deux mois avant que Bruno Podalydès m’appelle pour tourner le film Bécassine, j’ai dit à mon agent : à l’âge que j’ai, soit je continue à être engagée au cinéma pour des rôles de fonction, soit il y a un réalisateur qui dit - puisque je suis une actrice atypique
S mon ELINA et que j’ai une palette large - c’est elle actrice principale. Et c’est arrivé ! Et j’endosse mon premier grand rôle.
J’adore le cinéma de Bruno Podalydès, sa poésie, son côté burlesque. Je me sens en totale osmose avec son cinéma, avec sa manière de les acteurs et R I C H A Rdiriger DS actrices, de filmer la nature. Tout est formidable chez lui.
LFC : On comprend votre soulagement de recevoir ce grand rôle… pas. Il a donc accepté de réaliser ce film avec la EB : Je suis surtout lucide. Soit tout
condition de travailler avec son scénariste, son
continue comme cela. C’est bien. Cela me
actrice et son co-producteur Pascal Caucheteux
permet de mettre du beurre dans les
de chez Why Not Productions.
épinards. Soit j’avais l’espoir - parce que je sentais que cela pouvait être possible -
LFC : Quelle est votre réaction quand vous
qu’un réalisateur dise : c’est elle et
apprenez que ce sera vous Bécassine ?
personne d’autre ! Et c’est ce qui s’est passé avec Bruno. Il le dit lui-même. Si ce n’était
EB : Je vais vous raconter une petite anecdote.
pas moi, le film ne se faisait pas.
Un an avant qu’il m’appelle, j’entends à la radio Bruno Podalydès qui dit qu’il va prochainement
LFC : Comment ce film est-il né ?
réaliser un film sur Bécassine. Mon compagnon me dit que ce serait parfait comme rôle, que cela
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EB : Clémentine Dabadie, productrice chez
m’irait très bien. Bruno Podalydès dit à la radio
Chabraque Productions a eu le manuscrit
qu’il va confier le rôle à une actrice inconnue. Je
de Bécassine dans les mains. Elle n’avait ni
me dis que cette actrice inconnue est au
réalisateur, ni comédienne. Elle s’est
courant. C’est donc plié. Sauf que cette actrice
interrogée : qui peut très bien réaliser cela ?
inconnue, c’était moi. Je ne le savais pas. Et il
Pour elle, c’est Bruno Podalydès. C’est
m’a appelé un an après pour me le dire. Quand il
donc une commande que Bruno Podalydès
m’appelle, je sais qu’il travaille sur ce film, mais
a réalisée. Il a regardé Bécassine. Il est
bien entendu, je ne m’attends pas à une telle
tombé sous le charme. Tout de suite, mon
proposition. J’adore son cinéma, sa poésie, son
image s’est associée sur le personnage. Il
côté burlesque. Je me sens en totale osmose
connaissait mes récitals. J’ai tourné deux
avec son cinéma, avec sa manière de diriger les
fois avec lui. Le scénario ne lui convenait
acteurs et actrices, de filmer la nature. Tout est
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C’est un personnage tendre, avec de la poésie et de l’humour. Je trouve que Bruno Podalydès a retenu le nectar des albums. Quant à moi, je me suis centrée sur les cinq albums qui ont inspiré le film. J’ai beaucoup regardé les images. Je l’ai attrapée par le corps. Elle est tantôt aérienne, tantôt terrienne. Il a fallu travailler le corps, la démarche INA RICHARDS qui SaE Lson importance. formidable chez lui. Évidemment, je suis très
sommes dans un film qui propose un personnage de
contente. À aucun moment, je n’hésite à faire ce
bande dessinée. Il fallait donc savoir gérer l’outrance. Il
film. Quand j’ai lu le scénario qui m’a bouleversé,
fallait donner beaucoup voir. Et en même temps,
qui m’a rappelé les sensations de mon enfance,
comme nous sommes au cinéma, il fallait donner
j’étais conquise. Sous le charme. C’est parce que
moins à voir. Il y avait un équilibre à travailler. Elle
c’est la Bécassine de Bruno Podalydès que je
devait être toujours poétique avec la délicatesse du
trouve que le film est un bijou de poésie, de
mouvement, jusqu’au bout des doigts, ne pas négliger
tendresse, d’humour… Jamais, elle n’est écrasée.
l’expressivité. Elle est très versatile. Elle passe de
Elle n’est pas sotte. Elle est délicieusement
l’étonnement au sourire, de la tendresse à l’inquiétude.
maladroite et profondément touchante.
C’est très jouissif pour une actrice de pouvoir montrer toute cette palette.
LFC : C’est une sacrée responsabilité d’endosser un personnage aussi célèbre.
LFC : Pourquoi les lecteurs doivent-ils devenir spectateurs du film Bécassine ?
EB : Oui, elle est bien plus connue que moi !
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(Rires). Elle a 113 ans. C’est un personnage
EB : Je pense qu’il faut aller voir ce film avec ses
tendre, avec de la poésie et de l’humour. Je trouve
enfants ou ses petits-enfants. C’est un moment de
que Bruno Podalydès a retenu le nectar des
partage assez extraordinaire. La sensation qu’on a
albums. Quant à moi, je me suis centrée sur les
lorsqu’on sort du film, c’est un conte merveilleux qui
cinq albums qui ont inspiré le film. J’ai beaucoup
nous traverse comme un grand rayon de soleil, ou
regardé les images. Je l’ai attrapée par le corps.
même comme un arc-en-ciel. Ce qui est réussi dans le
Elle est tantôt aérienne, tantôt terrienne. Il a fallu
film pour les adultes, c’est que ça nous rappelle les
travailler le corps, la démarche qui a son
sensations de notre enfance. C’est merveilleux. Vous
importance. Elle a toujours le buste en avant, avec
vous revoyez petit avec une nostalgie. Ce n’est pas
la démarche chaloupée de certaines gens de la
triste, mais bien extrêmement touchant. Cela m’a
campagne. Tout est singulier chez elle. Je me
rappelé le mugissement des vaches quand je me
devais d’attraper sa singularité à tous les endroits :
réveillais, quand je vivais à la campagne. C’est tout cela
sa manière de marcher, sa délicatesse. Nous
le cinéma de Bruno Podalydès. Ce n’est pas un bon
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SELINA
RICHARDS
divertissement. C’est plein de couches qui vous
auparavant que les gens faisaient sans. Bécassine
transportent comme dans un rêve. Comme Mary
est étonnée par toute cette technologie florissante.
Poppins, il y a cet esprit-là dans ce film.
Elle est même inventive, même si elle est joliment maladroite. Elle va être imaginative, et donc par
LFC : Et les enfants aimeront aussi ?
exemple créer une machine pour donner le biberon à la petite fille la nuit sans se lever. C'est un
EB : Oui. Bécassine part de sa campagne pour
mélange entre Alice au pays des merveilles et Mary
rejoindre Paris. Elle en rêve. Elle y va à pied avec
Poppins.
son baluchon. Sur la route, elle rencontre la Marquise de Grand-Air qui a besoin d’une
LFC : Avec qui partagez-vous l’affiche du film ?
nounou. Bécassine est évidemment parfaite. Elle arrive à apaiser le bébé qui pleure. L’histoire,
EB : Karin Viard joue la Marquise de Grand-Air.
c’est donc Bécassine qui va entrer dans le
Josiane Balasko interprète la femme de chambre,
château et qui va s’occuper de ce bébé qui va
Mademoiselle Châtaigne. Les habitués de Bruno
grandir. Bécassine va vivre une relation
Podalydès qu’il aime profondément : Michel
fusionnelle avec cette petite fille. C’est super
Vuillermoz dans la peau de l’Oncle Corentin, son
pour les enfants. Cela peut nous rappeler une
frère Denis Podalydès qui joue M. Proey-Minans.
relation privilégiée qu’on peut avoir quand on est
C’est un casting cinq étoiles ! Ce sont des
petit avec quelqu’un de proche, mais qui n’est
comédiens qui ont une singularité avec un
pas notre maman ou notre papa. C’est aussi les
mélange d’humour et une belle tendresse. Tous les
nouvelles découvertes avec l’électricité, l’eau
acteurs de Bruno Podalydès ont cela en commun.
courante, le téléphone. Cela montre aux enfants qu’il y a quelques décennies 29
LFC : Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?
EB : Je garde un souvenir très fort.
cave voutée. Je fais tout sur ce
C’est extraordinaire de vivre un tel
récital, même la communication. On
tournage sur toute sa longueur. J’ai en
peut m’adresser un message sur
mémoire les scènes de la campagne.
Facebook pour venir. J’adore ça !
Une scène de tandem qui restera
C’est tout le temps plein. Le bouche-
mémorable parce qu’il y avait des
à-oreille s’est fait. Les gens sortent
machines qui soufflaient du vent avec
heureux. C’est magique ! À la
un bruit onirique. Je n’oublierais pas ce tournage.
rentrée, je suis à l’affiche de Fric-Frac
SELINA
RICHARDS
dans une mise en scène de Michel Fou avec Régis Laspalès et Julie
LFC : Quels sont vos projets ?
Depardieu au Théâtre de Paris à partir du 11 septembre 2018. Et je
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EB : Mon récital D’elle à lui continue de
monte une pièce de Georges
se jouer. Je joue une fois par mois dans
Feydeau dans lequel je vais jouer
le KIBELE qui est un restaurant turc,
pour janvier 2020. Pour le cinéma, à
qui prête sa salle aux artistes, une
suivre… Tout va bien.
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PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
ISILD LE BESCO PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : ARNAUD MEYER LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendezvous avec la comédienne Isild Le Besco. Réalisatrice, scénariste et aussi écrivain, elle publie chez Grasset un livre hybride, SELINA RICHARDS original, inattendu, "S'aimer quand même" dans lequel elle est avant tout sincère. Séance de photos exclusives au cœur de Paris et entretien inédit. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
sont passés d’une autre manière.
de votre livre S’aimer quand même (Grasset). Un livre très original que nous
LFC : Ce n’est pas un roman comme vous
n’avons pas l’habitude de lire. Qu’en
nous l’avez dit. C’est un livre hybride. Avez-
pensez-vous ?
vous choisi ce terme ?
ILB : Ce n’était pas forcément mon intention.
ILB : Non, je ne l’ai pas choisi. Mon éditrice l’a
Dans l’art, nous sommes parfois guidés par
fait. C’était important que ce soit une personne
des voix. Au départ, je pensais que j’écrirais
extérieure. Dans la fabrication d’une œuvre, que
un roman et puis finalement j’ai pris des
ce soit au cinéma ou en littérature, il est toujours
directions différentes.
difficile de mettre des mots sur ce que l’on fait. C’est comme lorsque vous êtes en couple, c’est
LFC : Dans ce livre, vous proposez
compliqué de décrire ce que vous ressentez.
plusieurs pans de votre vie. Pour quelles raisons ?
LFC : Vous évoquez votre éditrice. Ce livre, c’est aussi une rencontre ?
ILB : C’est le livre qui a lui-même décidé.
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Comme on dit, les enfants choisissent leurs
ILB : C’est son livre autant que le mien. Ce livre
prénoms. Eh bien, moi, c’est la même chose,
ne serait pas là aujourd’hui sans elle ni moi.
le livre a décidé de se présenter de cette
Nous l’avons fait ensemble. Ce projet est né de
façon. J’aurais aimé écrire un roman. C’était
cette rencontre. Je n’aurais jamais pu écrire cela
mon désir premier, mais les événements se
si ce n’était pas pour elle. J’ai acquis cette
confiance et cette intuition avec elle. LFC : Elle vous a donné envie de vous dévoiler ? ILB : Elle m’a donné confiance surtout. Je
S E Lde INA crois que l’on n’a jamais vraiment envie se dévoiler. LFC : Avez-vous appris des choses sur
Toutes ces choses sont des émotions que RICHARDS j’ai voulu partager.
vous-même en écrivant ce livre ? ILB : Bien sûr. Des choses qui me
que je perçois.
surprennent encore aujourd’hui. J’ai écrit un livre il y a quinze ans, et il y a peu de temps,
LFC : C’est un livre qui ne se lit pas d’une seule
je l’ai eu dans les mains. J’ai été surprise de
traite. Les lecteurs peuvent lire les histoires
voir qui j’étais à cette période.
dans l’ordre qu’ils souhaitent. Ceci dit, elles ont toutes un point commun : l’émotion.
LFC : Le texte du petit garçon qui se sent petite fille est émouvant. Comment est-il
ILB : J’aime bien ce concept. J’avais même eu
né ?
l’idée de pouvoir découper des pages pour pouvoir les donner à ses amis. Les films et les livres
ILB : C’est difficile de l’expliquer. C’est
doivent être des miroirs pour chacun.
quelque chose que j’avais à l’esprit. J’ai dû voir un documentaire ou rencontrer
LFC : Sur le fond, vous parlez beaucoup de
quelqu’un. Je ne sais plus vraiment. C’est un
l’humain et des émotions. C’est quelque chose
peu toutes ces choses qui m’ont ouvert la
qui est très bien fait.
voie et qui m’ont donné la voix pour écrire sur ce sujet.
ILB : Je ne saurais pas écrire deux pages sur une tasse de thé ou sur un objet. Le lire, j’adorerais. Je
LFC : Et nous, lors de la lecture, on entend
ne saurais pas le faire. Cela ne me parle pas assez.
une voix… LFC : Vous proposez vos dessins dans ce livre. ILB : Je crois que ce n’est même pas ma voix.
Pourquoi avoir eu cette idée originale ?
(Rires) Je ne fais qu’écrire. Je suis fière de
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l’écrire, mais je devrais être fière d’être
ILB : Cette idée originale, ce n’est pas moi. Tout
bonne réceptrice et de bien retranscrire ce
cela s’est imposé à moi. Il y a beaucoup de
ISILD
LE
BESCO
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C’est un livre que j’assume à cent pour cent. En écrivant ce livre, je me suis dit que le roman n’était peut-être pas fait pour moi. Cet ouvrage me ressemble. SELINA
RICHARDS
contenus que j’avais déjà comme les textes en anglais ou les
LFC : Pensiez-vous que
dessins. Mon éditrice a ensuite choisi. Toutes ces choses sont
cela allait avoir cet effet ?
des émotions que j’ai voulu partager. ILB : Oui, mais encore une LFC : L’amour est également un thème de votre livre.
fois, ce n’était pas si prévisible. et ma
ILB : C’est une question tellement universelle. Nous devrions
démarche était surtout
apprendre aux enfants qu’aimer, c’est fait pour se faire du bien.
sincère, sans stratégie de ma part. Aujourd’hui, je
LFC : Dans un livre, on dit qu’il y a beaucoup de soi. Qu’en
n’ai plus de filtre avec eux.
pensez-vous ? LFC : Qu’aimeriez-vous ILB : Absolument. Dans chaque millimètre du livre. Dans chaque
que les lecteurs
pixel de la couverture. C’est un livre que j’assume à cent pour
retiennent de ce livre ?
cent. En écrivant ce livre, je me suis dit que le roman n’était peutêtre pas fait pour moi. Cet ouvrage me ressemble.
ILB : Ce n’est pas forcément à moi de le dire.
LFC : Quels sont les premiers avis que vous avez eus de la
J’ai voulu insuffler de
part des lecteurs ?
l’authenticité dans mon propos, me livrer
ILB : Ils sont extraordinaires. C’est un livre très profond. À
entièrement à soi-même
chaque fois que je rencontre des lecteurs, ils me parlent de
afin de pouvoir m’assumer
choses très personnelles. C’est un cadeau incroyable. Entre eux
pleinement. Le titre définit
et moi, les barrières n’existent plus.
totalement le livre.
À chaque fois que je rencontre des lecteurs, ils me parlent de choses très personnelles. C’est un cadeau incroyable. 35
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ROMAIN PUERTOLAS
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Mai 2018, de passage à Paris pour une double actualité, Romain Puertolas nous reçoit avec joie dans un pied-à-terre de la capitale. Son incroyable succès en librairie "L'extraordinaire voyage du Fakir qui était SELINA RICHARDS resté coincé dans une armoire Ikéa" est à l'affiche actuellement au cinéma et la suite "Les nouvelles aventures du fakir au pays d'ikea" (Le Dilettante) est sur les tablettes de votre libraire. Photos exclusives + entretien inédit avec le joyeux luron de la littérature !
LFC : Nous nous rencontrons pour une
peu partout. À travers les aventures du fakir,
double actualité. Un livre, "Les nouvelles
dans le recueil de nouvelles 13 à table (Pocket)
aventures du fakir au pays d’Ikea" (Le
ou dans les magazines. J’aime cette idée
Dilettante) disponible depuis le 2 mai 2018
d’avoir des lecteurs différents. Je suis heureux
et un film "L’extraordinaire voyage du Fakir"
de voir que tout ce que je fais constitue une
en salles depuis le 30 mai 2018. Est-ce une
petite œuvre à laquelle les gens peuvent
volonté de sortir ces deux projets
s’identifier.
quasiment au même moment ? LFC : L’Extraordinaire voyage du fakir qui RP : Mon éditeur a choisi ce moment. C’est
était resté coincé dans une armoire Ikea a été
bénéfique à la fois pour le livre, mais aussi
le début de l’aventure en tant qu’écrivain.
pour le film. C’est une double actualité, un
Ont suivi plusieurs livres dont La Petite Fille
mois concentré de fakir ! (Rires) Je pense que
qui avait avalé un nuage grand comme la tour
c’est toujours intéressant pour les gens qui
Eiffel ou Tout un été sans Facebook qui furent
vont voir le film de découvrir les aventures du
des bestsellers. Avec du recul, comment
fakir en livre et inversement pour les gens qui
analysez-vous ce succès ?
ont lu le livre, d’aller voir le film au cinéma. RP : Avec beaucoup de naturel et d’incrédulité. LFC : Vous multipliez vos chances de
Ma vie a changé. Je suis très heureux. Et j’ai le
conquérir de nouveaux lecteurs.
sentiment de profiter de chaque seconde. J’ai fait des rencontres exceptionnelles, notamment
RP : Effectivement. Les lecteurs viennent d’un 38
avec des écrivains ou des réalisateurs dont
j’admirais le travail. Je vis un rêve. LFC : Les nouvelles aventures du fakir au pays d’Ikea, c’est votre actualité en librairie. Comment est née l’idée de retrouver le fakir ?
SELINA RP : C’est comme si vous retrouviez un vieil ami. C’est merveilleux de pouvoir le faire évoluer dans d’autres situations. Je ne voulais pas rester dans la superficialité d’un
Je cherche à dédramatiser les choses et avoir un regard naïf sur le RICHARDS monde, à la manière d’un enfant.
seul livre. J’aime le fait d’approfondir mes personnages. Je suis d’ailleurs en train
RP : Deux histoires parallèles cohabitent dans ce
d’écrire le troisième volet du fakir. Cela sera
deuxième volet. Il y a l’après fakir numéro un où il
donc une trilogie in fine. Cependant, je ne
vient d’écrire un bestseller. Il vit dans le sixième
veux pas que l’on pense que j’ai écrit le
arrondissement où il mène une vie confortable au
deuxième et le troisième, car le premier a bien
point qu’il n’a plus envie de rien faire. Il a proposé
fonctionné. Je suis quelqu’un de très sincère.
un livre à son éditeur qui lui a refusé. De plus, il lui
Je n’écris que ce que je ressens. Je ne peux
arrive sans cesse des aventures rocambolesques.
rien planifier. Si je planifie, je suis obligé
En parallèle, il y a l’histoire de cet enfant, pauvre,
d’arrêter, car ça me fait chier !
adopté, qui du jour au lendemain va découvrir ce métier de fakir qu’il ne connaissait pas. Un maître
LFC : Est-ce l’ennui ou la peur ?
va lui enseigner la vie, le danger, la psychologie et cela va le rendre plus fort. Le message de ce livre,
RP : C’est l’ennui. C’est comme si l’on vous
c’est que peu importe ce qui peut nous arriver
racontait un film ou un livre en entier.
dans la vie, nous en restons les maîtres. Personne
Immédiatement, vous décrochez. Si j’avais
n’a d’emprise sur nous. Il faut essayer de faire de
toute l’intrigue et toute l’histoire de mes
ses traumatismes, une force.
livres, je n’aurais pas envie de les écrire. Il faut que je parte dans l’inconnu. Lorsque j’écris, je
LFC : C’est un livre qui se veut résolument
veux être dans la même situation qu’un
optimiste.
lecteur. RP : Tout à fait. J’essaye de faire du pessimisme. LFC : Tout n’a pas été dit au sujet du fakir
Mais je n’y arrive pas ! (Rires) C’est un livre à mon
puisque vous écrivez un deuxième et un
image.
troisième volet. Qu’est-ce qui vous a plu
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dans le fait de retrouver ce vieil ami ?
LFC : Comment faites-vous pour que chacun de
Qu’avez-vous voulu nous dire de plus ?
vos livres soit pourvu d’un tel humour et d’une
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Voir le livre que l’on a écrit dans le RER A en allant au boulot retranscrit sur un écran de cinéma, c’est toujours bizarre. J’ai été émerveillé par ce que j’ai vu. SELINA telle énergie ?
l’argent que je gagnais, je me payais des leçons pour piloter des avions. Tout ce qui peut paraître inutile en termes d’expérience ne l’ait pas toujours. Il faut le transformer en force. Si je peux passer un message, c’est celui-ci. LFC : L’extraordinaire voyage du Fakir est en salles depuis le 30 mai 2018. Quel est votre avis sur
R Il’adaptation C H A R D S? RP : Elle est superbe. Dès que le générique a commencé, j’avais les larmes aux yeux. Je suis resté
RP : C’est difficile à expliquer. Ce sont des choses
pendant une heure et demie bouche bée, tout
qui m’arrivent dans ma vie de tous les jours. Que
simplement, car c’est un rêve. Voir le livre que l’on a
ce soit dans les rencontres que je fais ou dans les
écrit dans le RER A en allant au boulot retranscrit sur un
choses que je vois, j’en ai une vision plus
écran de cinéma, c’est toujours bizarre. J’ai été
amusante. Nous avons tous des humours
émerveillé par ce que j’ai vu. J’ai fait confiance dès le
différents. Je ne cherche absolument pas à faire
début au réalisateur. Il avait sa vision et il avait surtout
rire. Je ne suis pas humoriste. Je cherche à
carte blanche. À la fin, on retrouve le message humain
dédramatiser les choses et avoir un regard naïf sur
que j’ai voulu transmettre. C’est très complémentaire
le monde, à la manière d’un enfant.
du livre et c’est l’essentiel.
LFC : Si vous rencontriez l’enfant que vous étiez
LFC : Qui a fait le film ? Qui retrouvera-t-on au
à dix ans, qu’aimeriez-vous lui dire ?
casting ?
RP : Je lui dirais de ne pas changer une seule
RP : Le réalisateur est le Canadien Ken Scott (Starbuck).
minute de tout ce qu’il va faire dans sa vie. Même
Au casting, on retrouve Dhanush, Erin Moriarty, Gérard
si l’on fait des choses différentes dans sa vie, tout
Jugnot, Bérénice Béjot, Ben Miller… C’est une
aura une cohérence à la fin dans la personne que
production internationale avec une grande partie
l’on va devenir.
française. Cela correspond bien à l’univers du livre.
LFC : Et vous pouvez en témoigner !
LFC : Vous avez fait un pas de côté en écrivant pour la jeunesse. Pour quelles raisons ?
RP : Exactement. Je me suis servi de toutes ces expériences. J’ai travaillé dans le contrôle aérien,
RP : J’adore les challenges. Des éditeurs me l’avaient
j’ai été capitaine de police, j’ai travaillé dans
proposé, il y a quelques années. J’avais décliné les
l’enseignement… Tout cela n’a rien à voir. Pendant
différentes propositions. Et puis finalement, j’ai écrit
un an, en Angleterre, j’ai même lavé des machines
quelque chose. Cela a été une bonne expérience de
à sous dans des conditions difficiles. Mais avec
faire cela. J’aime beaucoup me remettre en question. Et ce livre a servi à cela. J’aime le fait de revenir à zéro et de ne rien prendre pour acquis.
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P U E R T O L A S
M A G A Z I N E
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LFC MAGAZINE LIVRE
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JUIN 2018
LAETITIA COLOMBANI
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG FRANCK BELONCLE LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Fin avril 2018, nous avons rendez-vous au domicile de Laetitia Colombani, en plein cœur de Paris. L'instant idéal pour revenir sur le succès de son grand format "La tresse" de l'année dernière, aujourd'hui S E L I N A pour R I C H Al'été R D S en version poche (Le disponible livre de Poche). Trois femmes, trois continents, trois destins. Rencontre passionnante avec une romancière qui a répondu à bien plus de trois questions. Photos exclusives et entretien inédit. LFC : Votre premier roman La tresse est
sortie en France ?
sorti environ à la même période l’an dernier aux Éditions Grasset. Il est disponible en
LC : Les journalistes se sont tout de suite
librairie au Livre de Poche depuis le 1er
intéressés à mon roman du fait de l’intérêt des
juin 2018. Quel carton pour un premier
éditeurs étrangers. Tout le monde a été d’une
roman ! Quelle a été votre réaction face à
bienveillance extrême. François Busnel m’a
ce succès ?
invité sur le plateau de La Grande Librairie, Olivia de Lamberterie (ELLE) et Bernard Lehut
LC : Cela m’a complètement surprise. C’était
(RTL) ont mis la lumière sur mon livre alors que
mon premier roman. J’avais passé un an à
j’étais inconnue dans le milieu de l’édition.
travailler sur ce manuscrit. Et je ne me doutais pas qu’il aurait un si bel accueil, surtout
LFC : Dès sa sortie, le livre se classe dans les
lorsque l’on sait le nombre de livres qui
meilleures ventes, vous passez même dans
sortent chaque année. J’avais déjà été
l’émission On n’est pas couché au mois de
surprise par l’accueil à l’étranger, avant même
juin. Comment avez-vous vécu cela ?
la sortie en France. C’était lors de la foire de Londres où le manuscrit s’était vendu chez
LC : Je l’ai vécu comme un conte de fées.
plusieurs éditeurs étrangers. On compte
C’était d’autant plus agréable que je ne
aujourd’hui plus de trente traductions dans le
m’attendais pas du tout à cela. J’avais écrit ce
monde.
livre pour de nombreuses raisons qui m’étaient personnelles. Cet accueil m’a émue et je l’ai
LFC : Que s’est-il passé ensuite lors de sa 44
vraiment prise comme un cadeau. Je viens du
milieu du cinéma et c’est un milieu où il y a beaucoup de spéculation sur le succès d’un film à cause des gros budgets. En écrivant ce livre, je le faisais uniquement par envie et par plaisir, rien d’autre. Juste le fait de publier mon premier livre chez un éditeur comme Grasset était une joie pour moi.
SELINA
LFC : Vous venez du milieu du cinéma, comme vous nous l’avez dit, l’écriture d’un roman était-elle un terrain de jeu où vous vous êtes sentie plus libre ?
En écrivant ce livre, je le faisais uniquement par envie et par plaisir, rien de plus. Juste le fait de publier R Imon C H A R D Spremier livre chez un éditeur comme Grasset était une joie pour moi. d’abord, c’est un documentaire sur l’Inde qui a
LC : Oui, complètement. Cela faisait quinze
attiré mon attention. Il parlait de la situation des
ans que je travaillais dans le cinéma avec
intouchables en Inde. J’avais trouvé cela très
quelques projets dans le théâtre, notamment
insolite et c’était un beau sujet que de parler des
la co-écriture du spectacle Résiste de France
cheveux. Ensuite, ma meilleure amie m’a appelé et
Gall, et je sentais que j’avais besoin d’autre
m’a demandé si je voulais bien l’accompagner
chose. Au cinéma, il existe des freins
pour choisir une perruque pour sa chimiothérapie.
budgétaires qui parfois nous oblige à
De la voir essayer des perruques avec des
modifier le script, des conditions artistiques
cheveux naturels m’a rappelé ce documentaire sur
qui sont liées aux comédiens… De nombreux
l’Inde et j’ai eu comme un flash. J’ai voulu raconter
facteurs rentrent en compte. C’est en
l’histoire de femmes à travers leurs cheveux. Un
accompagnant ma meilleure amie en
livre qui raconterait des destins très différents,
chimiothérapie que j’ai eu cette idée de
mais qui seraient réunis autour de la même
roman. En faisant cela, il n’y avait pas l’idée
énergie et de la même envie de s’en sortir. Un livre
de plaire à un producteur de cinéma ou à
qui parlerait de la condition féminine dans le
convaincre des acteurs, il y avait simplement
monde d’aujourd’hui.
l’envie d’écrire une histoire en prenant le maximum de plaisir et de liberté.
LFC : Il y a quelque chose de très libérateur avec ce qui s’est passé en fin d’année pour les
LFC : Vos trois personnages sont à la
femmes et à travers ces trois personnages, vous
recherche de liberté sur trois continents
exprimez ce sentiment sans colère, sans haine
avec trois cultures différentes. Comment
et avec beaucoup de sagesse.
est né ce concept ? LC : Je me revendique vraiment comme féministe, LC : Ce concept est venu en trois temps. Tout
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ce qui pour moi n’implique absolument pas
L A Ë T I T I A L F C
C O L O M B A N I
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d’agressivité ou de guerre des sexes. Féministe, c’est
double peine : peu importe si elle s’en sort ou non, elle
être du côté des femmes et oeuvrer pour l’égalité
est d’ores et déjà condamnée par la société.
entre les hommes et les femmes. Je trouve que les hommes sont nos alliés dans cette lutte. Il y a un
LC : C’est quelque chose que j’ai découvert en discutant
personnage dans ce livre qui est un humaniste et un
avec des personnages malades. Une personne sur cinq
féministe : c’est le personnage de Kamal. Opposer les
ayant le cancer avoue avoir subi des discriminations liées
hommes et les femmes est un combat qui n’a pas de
à la maladie. Cela m’a vraiment bouleversé. C’est une
sens. Mais le combat pour plus d’égalité a davantage de sens.
SELINA
maladie qui nous touche tous de près ou de loin. Je
RICHARDS
voulais montrer comment la maladie peut exclure et comment mon personnage va en quelque sorte devenir
LFC : Vos personnages sont à un tournant de leur
une intouchable en passant du monde des puissants à
vie. Giulia découvre que sa société est ruinée suite
celui des vulnérables. C’est cette transition qui
à l’accident de son père, Sarah est touchée par un
m’intéressait.
cancer et Smita rêve de voir sa fille à l’école. Comment ces trois femmes se sont-elles
LFC : Le personnage de Sarah vous a aussi permis de
présentées à vous ?
parler du monde du travail qui est parfois très violent.
LC : J’aimais l’idée des trois destins différents qui se
LC : Je voulais parler de la difficulté pour les femmes à
croisent dans le monde d’aujourd’hui. J’ai fait
obtenir des promotions dans le milieu de la justice, qui est
beaucoup de recherches sur la partie indienne. Je
un milieu que je connais très bien, car mon mari est
savais que mon héroïne devait être indienne. C’était
avocat. Le monde du travail est un milieu impitoyable où
intéressant de choisir un personnage qui était au plus
vous ne devez pas montrer vos faiblesses.
bas dans l’échelle sociale, c’est le cas des intouchables en Inde. Son objectif était que sa fille ait
LFC : Le fait que ce livre sorte en Poche va vous
une vie meilleure que la sienne. À l’autre bout de la
permettre de toucher encore plus de lecteurs.
chaîne, je voulais créer une femme occidentale ayant
Comment appréhendez-vous cette sortie ?
du pouvoir qui avait réussi dans une société où l’égalité entre les hommes et les femmes existe. Et au
LC : J’attends cela avec impatience. C’est un format très
milieu, j’ai fait beaucoup de echerches pour savoir qui
démocratique et très pratique. C’est une deuxième vie
serait le maillon du milieu. Je voulais que ce soit un
pour le livre et il connaîtra également une troisième vie,
personnage du milieu ouvrier, très cultivé et
car je suis en train d’écrire le scénario.
autodidacte. J’ai donc choisi une femme vivant en Sicile, car il existait à Palerme une tradition liée aux
LFC : Quels sont vos projets pour la suite ?
cheveux. Je voulais que mes trois héroïnes représentent trois positions différentes dans la
LC : Je réfléchis à une adaptation du livre pour les enfants
société.
qui retrace principalement l’histoire de la petite fille indienne. En parallèle, j’écris aussi mon deuxième roman
LFC : La façon dont vous parlez du cancer à travers
chez Grasset. Et je continue d’accompagner le livre dans
Sarah est extrêmement juste. Vous insistez sur la
plusieurs pays étrangers.
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LFC MAGAZINE FEEL GOOD
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JUIN 2018
VIRGINIE GRIMALDI
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - JULIEN FALSIMAGNE, LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendez-vous à l'étage d'un restaurant dans le quartier de Montparnasse pour rencontrer la talentueuse et si drôle romancière : Virginie Grimaldi. Photos SELINA RICHARDS exclusives alors qu'elle n'aime pas ça (mille mercis Virginie) et entretien inédit au sujet de son nouveau roman "Il est temps de rallumer les étoiles" (Fayard) qui cartonne en librairie. Et c'est bien mérité ! LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
VG : Exactement, une fois que je me plongeais
de votre nouveau roman Il est grand temps
dedans, je pouvais rester des heures à lire ces
de rallumer les étoiles (Fayard). Comme
carnets et à la regarder les écrire. Ma mère me
c’est la première fois que nous nous
lisait également des histoires avant d’aller dormir.
parlons, pouvez-vous nous raconter
J’avais huit ans lorsque je me suis lancée dans
comment votre carrière d’écrivain a
mon premier roman sur un vieux cahier de
débuté ?
brouillon. Au collège, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, j’écrivais : soit
VG : Je ne sais pas si c’est réellement cela…
journaliste, soit écrivain. Je savais une chose : je
Mais je dis souvent que c’est grâce à ma
voulais écrire.
grand-mère qui écrit beaucoup. Elle a des carnets de poèmes et de textes qui sont
LFC : Quelle est la première chose que vous
remplis d’histoires, d’anecdotes, de voyages,
avez écrite ?
de pensées… L’autre jour, j’ai retrouvé quelques carnets que j’ai relus et je me suis
VG : C’était un coucher de soleil. Je l’avais fait lire
rendu compte que je me retrouvais
à mon papa qui avait trouvé cela chiant ! (Rires)
totalement en elle. Lorsque j’étais petite, c’est
Carrière avortée. Par la suite au collège, il y a eu
elle qui me gardait. Et c’est à ce moment-là
un concours de nouvelles que j’ai remporté. Au
que j’ai commencé à lire ces carnets.
lycée, un professeur m’a dit que plus tard j’écrirai des livres. J’ai eu énormément
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LFC : Le goût de l’écriture et aussi le goût
d’encouragements. Mais en devenant adulte, je
de la lecture…
me suis aperçue que ce rêve d’écrivain semblait
inaccessible. Je l’ai donc mis de côté. Et j’ai fait des études qui n’avaient rien à voir avec la littérature. LFC : Quand la vie reprend le dessus…
SELINA
VG : Tout à fait. Il faut gagner sa vie en faisant
Les sujets graves, je pense qu’il ne faut pas les traiter de façon grave. J’ai envie de les traiter avec légèreté, car c’est le quotidien de de gens. R I C H A R Dbeaucoup S
un travail que l’on n’aime pas forcément.
reprenne ma vie. Une amie a lu ce manuscrit et a
Quand vous comprenez cela, vous rangez
insisté pour que je continue de le faire vivre. Je n’y
votre rêve dans un casier.
croyais pas. Je n’avais pas envie de perdre du temps et de l’argent à l’imprimer ainsi qu’à l’envoyer à
LFC : Comment ce rêve s’est-il réveillé ?
d’autres maisons d’édition. J’ai quand même trouvé une maison d’édition qui acceptait les manuscrits
VG : L’envie d’écrire a toujours été présente.
numériques. Je l’ai envoyé, et deux jours plus tard, ils
Je tenais un journal intime. Mais j’avais envie
m’ont appelé en me disant qu’ils souhaitaient
de partager tout cela avec quelqu’un. Grâce à
m’éditer. Je l’ai retravaillé un peu. Et quelques mois
internet, j’ai remarqué qu’il y avait des blogs.
plus tard, il est sorti chez City Editions.
Le web m’a beaucoup aidé à me dire que c’était possible. Les internautes m’ont
LFC : Comment s’est passée la sortie d’un point de
beaucoup encouragé en me disant qu’ils
vue personnel ?
aimaient ma plume et mon humour. C’est eux qui m’ont dit que je n’écrivais pas comme
VG : J’ai été dépassée. Les lecteurs du blog ont été
tout le monde. Un jour, une lectrice m’a
les premiers à acheter le livre en librairie. J’étais
d’ailleurs envoyé un lien vers un concours
presque gênée vis-à-vis d’eux. J’avais peur que ce
pour envoyer mon manuscrit. C’était parti.
roman ne leur plaise pas. Et pourtant, les avis ont été fantastiques.
LFC : En 2015 voit le jour en librairie votre premier roman Le premier jour du reste de
LFC : Au point que le livre sort en Livre de Poche
ma vie. Comment êtes-vous passé de
un an plus tard. Depuis vous avez un public très
l’étape du manuscrit à celui de la
fidèle. Comment l’expliquez-vous ?
publication ? VG : Je pense que les réseaux sociaux y sont pour
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VG : J’avais écrit ce manuscrit pour un
beaucoup. Il y a une proximité, on peut échanger. Je
concours organisait par une maison édition.
reçois beaucoup de messages auxquels je réponds
Je n’ai pas gagné. J’ai rangé ce manuscrit
toujours. Je suis touchée que les lecteurs m’écrivent
dans un dossier de mon ordinateur en me
pour me dire ce qu’ils ont ressenti. Pour le reste, je ne
disant que c’était terminé et qu’il fallait que je
l’explique pas, c’est magique.
LFC : Êtes-vous en train de vivre votre rêve de petite
LFC : Le jour où elle apprend que ses filles vont mal, elle
fille ?
décide de les embarquer dans un road trip direction la Scandinavie. Comment cette idée est-elle née ?
VG : Complètement. J’avais écrit une fois sur les réseaux sociaux que je pensais à la petite fille que
VG : J’aime le fait que les filles emportent tous les soucis du
j’étais, qui y croyait fort, mais qui se disait que ce rêve
quotidien dans un road trip. Cela leur permet d’avoir
ne se réaliserait jamais. Être écrivain, tout le monde en
d’autres perspectives. La Scandinavie offre des paysages
rêve. De plus, à un moment donné, je l’avais laissé
S Eque L I ce NA tomber. Et aujourd’hui il est encore plus beau
très rudes, très beaux. Mais il faut les mériter. J’aimais bien
RI C H métaphore. ARDS cette
que j’avais imaginé. LFC : Comment avez-vous créé ces personnages ? LFC : Qu’aimeriez-vous dire à cette petite fille si vous la voyiez aujourd’hui ?
VG : Je sais que certains auteurs font des biographies de leurs personnages. Moi, pas du tout. J’ai l’impression de les
VG : Je lui dirais de tenir bon, car elle va y arriver.
voir et de les entendre. J’ai ressenti énormément de facilité à me mettre dans la peau de Lily et de Chloé. Peut-être
LFC : Avant de parler de votre nouveau roman Il est
même plus que dans celle d’Anna. J’ai une grande part
grand temps de rallumer les étoiles, nous aimerions
d’enfance et de naïveté en moi.
que vous nous expliquiez pourquoi les titres de vos livres sont si longs ! (Rires)
LFC : Ce livre ferait un excellent film ou téléfilm. Qu’en pensez-vous ?
VG : Le titre du premier livre, ce n’est pas moi qui l’ai choisi. C’est l’éditeur qui me l’a imposé. Et je trouve
VG : Deux producteurs ont été séduits par l’histoire avant
qu’il colle très bien avec le contenu. Les suivants, je les
même que le livre ne sorte. L’adaptation est prévue pour le
ai choisis. Et je trouve qu’ils représentent aussi très bien
cinéma. Je suis ravie. Et j’ai hâte de voir ce que cela va
mes histoires.
donner sur grand écran. Voir des scènes et des personnages qui sont nés dans mon esprit, c’est assez
LFC : Dans ce livre, votre personnage Anna a trente-
magique.
sept ans. Elle croule sous le travail et les relances des huissiers. Vous partez d’un point de départ
LFC : D’autres livres seront-ils adaptés ?
assez dramatique, mais vous parvenez quand même à nous faire rire.
VG : Mon deuxième livre Tu comprendras quand tu seras plus grande va également être adapté au cinéma avec
VG : Les sujets graves, je pense qu’il ne faut pas les
comme scénariste Guillaume Laurant, scénariste du film Le
traiter de façon grave. J’ai envie de les traiter avec
fabuleux destin d’Amélie Poulain. Je suis très impatiente.
légèreté, car c’est le quotidien de beaucoup de gens. J’ai été dans cette situation étant jeune. Je vivais dans
LFC : On vous laisse le mot de fin…
une HLM et ma mère cumulait deux boulots. Je sais de quoi je parle. Rien n’est grave à partir du moment où
VG : Ce sont mes lecteurs qui rendent cette aventure encore
l’on est en pleine santé et avec les gens que l’on aime.
plus belle. Merci à eux.
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INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Céline Nieszawer
BÉATRICE COURTOT LE PRIX DU LIVRE ROMANTIQUE 2018
JUIN 2018
Béatrice Courtot est l'heureuse lauréate du Prix du Livre Romantique organisé par les éditions Charleston qui fête ses 5 ans cette année avec plus d'un million d'exemplaires vendus de romans féminins. Le Prix a révélé Clarisse Sabard qui a déjà publié plusieurs romans et qui compte un lectorat de plus en plus nombreux et d'une fidélité indéfectible. Rencontre avec une jeune romancière qui nous a fait l'honneur de poser sous l'objectif de la talentueuse Céline Nieszawer. Entretien inédit pour nous parler de "La vallée des oranges", le roman de l'été. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de votre premier roman "La vallée des oranges" (Éditions Charleston) qui vient d’obtenir le Prix du Livre Romantique 2018. Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? BC : J’ai participé toute une journée à une formation sur le développement personnel afin de le mettre ensuite en place dans mon entreprise. J’ai passé la journée avec une coach. Et à la fin, il y avait un petit papier à remplir avec nos projets personnels et professionnels. Maintenant, dans cinq ans, dans dix ans et sur le plus long terme. Il fallait noter ses rêves les plus fous. J’ai donc mis l’écriture d’un roman sur le très long terme. Je ne pensais pas que cela allait se réaliser aussi vite. L’étape suivante consistait à s’imprégner de ces projets, à les écrire sur des post-its et à les coller sur son frigo. En voyant LFC MAGAZINE #10 | 55
cela tous les jours, le cerveau allait inconsciemment s’en imprégner. LFC : À l’époque, aviez-vous déjà connaissance du Prix Romantique ? BC : Je connaissais ce Prix, car j’avais lu un livre de Lucinda Riley qui avait été publié aux Éditions Charleston. J’aimais beaucoup ce qu’ils éditaient. Je me suis donc fixé un objectif en incluant les critères de ce Prix, notamment celui du voyage. J’avais une carte postale de Majorque sur mon frigo. Et je me suis dit que c’était un bel endroit pour installer mon intrigue. Je me suis lancée dans l’aventure. J’ai fait un plan avec une héroïne forte, une histoire d’amour, un voyage… J’avais également l’idée de début et de fin. Petit à petit, j’avançais, j’ai écrit le premier chapitre, le deuxième chapitre et je l’ai fait lire à ma grand-mère.
J’ai beaucoup pensé à mon arrière-grand-mère pour la création de ces personnages. Elle est décédée à 102 ans. Que ce soit elle, ma grand-mère ou ma mère, nous sommes très proches. Nous avons notre univers à nous. Mon arrière grand-mère faisait beaucoup de cuisines et ses recettes m’ont inspiré lors de l’écriture. L’île de Majorque m’a aussi influencé, j’en suis tombée amoureuse en y allant un été.
Elle m’a suivi à fond. Elle a fait des recherches pour moi à la bibliothèque. Elle m’a donné des idées. Comme j’avais une deadline très courte de quatre mois, j’ai fait d’énormes journées en finissant à une heure du matin. Je ne voulais pas avoir de regrets. LFC : Votre livre est constitué de deux lieux, deux époques et deux femmes. Pouvez-vous nous parler de ces deux personnages ? BC : J’ai beaucoup pensé à mon arrière-grand-mère pour la création de ces personnages. Elle est décédée à cent deux ans. Que ce soit elle, ma
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grand-mère ou ma mère, nous sommes très proches. Nous avons notre univers à nous. Mon arrière grand-mère faisait beaucoup de cuisines et ses recettes m’ont inspiré lors de l’écriture. L’île de Majorque m’a aussi influencé, j’en suis tombée amoureuse en y allant un été. LFC : Dans ce roman, vous partagez tout ce que vous aimez avec vos lecteurs. BC : Je l’ai écrit comme un livre que j’aurais aimé lire. Il y a un peu d’histoire à propos de l’île de Majorque, bien que ce ne soit pas un livre historique. Si je devais le définir, je dirais que c’est un roman d’amour et de voyage. Le livre s’adresse plus aux femmes. LFC : Quel regard portez-vous sur cette aventure avec du recul ? BC : Ce n’est que du bonheur de voir son rêve aboutir. Et la fierté de ma grand-mère est quelque chose d’inestimable.
LFC : Quelle a été sa réaction lors de la sortie ?
pour écrire ce livre. J’ai été très concise car je devais aller à l’essentiel.
BC : Elle était très heureuse. Elle a fait le déplacement jusqu’à Paris pour le lancement. Elle n’en revenait pas que je sois dans les finalistes du Prix du Livre Romantique. C’était un grand bonheur.
LFC : Des auteurs vous ont-ils donné l’envie d’écrire ?
LFC : Continuez-vous d’écrire ? BC : Absolument. J’écris mon deuxième roman qui sera plus inspiré de l’histoire de ma grand-mère et de mon arrière grand-mère en Algérie. Contrairement au premier qui était un roman de fiction, celui-ci sera plus personnel. Il y aura une petite fille de dix ans qui sera la petite sœur du personnage principal. Ce sera les yeux de ma grand-mère en Algérie, mais seulement avec des souvenirs heureux. Je crois que c’est un bon exercice pour elle. Je veux que ce soit quelque chose de positif. LFC : Le livre est sorti au mois d’avril. Avez-vous eu des premiers avis de la part des lecteurs ? BC : J’ai eu des avis très positifs notamment de la part des blogueuses. La seule critique est qu’elles auraient aimé quelque chose de plus long. Mais je crois que c’est bon signe, cela prouve qu’elles ont aimé. Je n’avais que quatre mois
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BC : Des auteurs comme Victoria Hislop ou Katherine Scholes m’ont beaucoup inspiré. J’aime les livres qui parlent de contrées lointaines avec de beaux personnages, des histoires d’amour. J’aime beaucoup la saga de Lucinda Riley. LFC : Vous êtes d’ailleurs publiée dans la même édition qu’elle ! BC : Cela me fait énormément plaisir.
Des auteurs comme Victoria Hislop ou Katherine Scholes m’ont beaucoup inspiré. J’aime les livres qui parlent de contrées lointaines avec de beaux personnages, des histoires d’amour. J’aime beaucoup la saga de Lucinda Riley.
Ce n’est que du bonheur de voir son rêve aboutir. Et la fierté de ma grandmère est quelque chose d’inestimable.
J’écris mon deuxième roman qui sera plus inspiré de l’histoire de ma grandmère et de mon arrière grand-mère en Algérie.
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JUIN 2018
MAUDE MIHAMI
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Mai 2018, nous avons rendez-vous dans les studios de photos de Céline Nieszawer pour une séance avec Maude Mihami, libraire, qui publie son premier roman chez NiL, intitulé "Les dix vœux d'Alfréd" Savec E L I N un A R"e" I C H accentué ARDS - en lisant, vous comprendrez ! Un roman pétillant, impertinent et audacieux, à l'image de la nouvelle ligne éditoriale de la maison d'édition. Entretien inédit avec une jolie découverte littéraire qui vous enchantera !
LFC : Nous nous rencontrons pour parler
que de faire partie de ce mouvement de
de votre premier roman Les dix vœux
relancement des Éditions NiL est merveilleux. Il
d’Alfréd (NiL). C’est une maison d’édition
y a une bonne énergie, une envie que cela
qui existe depuis vingt-cinq ans et qui vient
fonctionne. Comme le dit mon éditrice, qui est
tout juste de reprendre après une pause.
plus jeune que moi, il y a un coté pétillant,
Quelles sont vos impressions d’être
impertinent et audacieux dans cette collection.
publiée chez eux ?
Toutes ces valeurs me correspondent bien.
MM : C’est un drôle de contexte. J’ai
LFC : Votre livre sort à un moment parfait,
beaucoup de chance, car c’est le manuscrit
juste avant l’été. Est-ce important pour vous ?
que j’ai envoyé par la Poste. Je me sens comme dans un rêve.
MM : C’est très important. C’est un texte joyeux, un texte pour l’été qui va à l’essentiel.
LFC : Cela prouve qu’envoyer son
Cependant, je ne me suis pas dit dès le début
manuscrit par La Poste en 2018 fonctionne
que ce livre allait être un roman estival. Je
encore !
voulais écrire un livre qui fasse rire et un livre que je ne trouvais pas en librairie.
MM : Exactement. J’ai envoyé mon manuscrit. Et ils m’ont rappelé par la suite pour me dire
LFC : Votre expérience de libraire vous a-t-
qu’ils étaient intéressés. On a l’impression de
elle servi ?
tomber d’un nuage ou de monter dessus, un des deux. C’est assez merveilleux. C’est vrai 63
MM : Oui, nous avions d’ailleurs fait une vitrine
de livre Anti Prozac qui avait cartonné dans le Marais. On conseille souvent des livres qui font pleurer. Et je trouve que la littérature qui fait rire est un peu dénigrée. En écrivant ce livre, j’ai pensé aux lecteurs et à la préservation de mes origines. Il faut
S E L et INA savoir que ma grand-mère est bretonne qu’elle est très drôle. C’est en écoutant ces histoires que je me suis dit que j’avais le potentiel de faire rire. J’ai noté toutes ces anecdotes. Et cela m’a beaucoup servi.
C’était important pour moi de parler des relations entre les générations. L’idée de cet enfant qui pouvait traîner avec des vieux me plaisait beaucoup. Il peut leur poser RICH A R D Sun tas de questions sur tout la vie. Il peut jouer à la belote… Faire des choses inhabituelles pour un enfant de cet âge.
LFC : Ce roman se passe en Bretagne et il parle surtout de garçons.
LFC : C’est une vision du monde plus naïve à travers le regard de cet enfant. Il est parfois plus
MM : Oui, même s’il y a beaucoup de ma
frontal qu’un adulte.
grand-mère dans le grand-père. Je tenais beaucoup à ce petit garçon. Je voulais
MM : Il dit les choses telles qu’il les voit. L’intérêt
donner la parole à un personnage de neuf
était que l’on pouvait avoir plusieurs niveaux de
ans avec un petit souci de surcharge
lecture avec cet enfant. Un enfant dit les choses
pondérale. Mais c’est quelque chose qu’il
sans filtre. Ainsi, cela m’a permis de dire des
vit bien. J’avais aussi envie de parler de
choses qu’un adulte aurait dissimulées ou
nourriture, car j’aime bien manger ! (Rires)
enrobées pour ne pas paraître trop brut.
LFC : C’est un roman joyeux et gourmand.
LFC : Autour de cet enfant, il y a toute une
Êtes-vous d’accord ?
bande de vieux. Pouvez-vous nous en parler ?
MM : J’avais envie qu’il y ait de la joie de
MM : C’était important pour moi de parler des
vivre, que l’on voit la gouaille des
relations entre les générations. L’idée de cet
personnages, qu’ils mangent, qu’ils
enfant qui pouvait traîner avec des vieux me
boivent… Au-delà du livre qui fait rire, je
plaisait beaucoup. Il peut leur poser tout un tas de
souhaitais faire le parallèle avec des sujets
questions sur la vie. Il peut jouer à la belote… Faire
sensibles comme celui de l’alcoolisme, sans
des choses inhabituelles pour un enfant de cet
tomber dans le pathétique. Il fallait jongler
âge.
entre la dureté de la vie et l’innocence. À
64
travers le regard du petit garçon, j’ai réussi à
LFC : Dans ce livre, vous vous intéressez aux
rester sur cette ligne.
deux extrémités de la vie. Pourquoi ?
MAUDE
MIHAMI
-
LFC
MAGAZINE
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J’avais une contrainte, c’est qu’habituellement, j’écris des livres qui ne sont pas drôles du tout. Là, j’ai dû faire un gros travail de recherche sur la langue. Tout au long du livre, j’ai essayé d’enlever tout le superflu. Je voulais que mes personnages s’expriment de manière simple. On pourrait croire que c’est facile d’écrire simplement. Mais S E L I N AceRn’est I C H A R pas DS sincèrement, le cas. MM : Peut-être parce qu’ils sont proches sur
LFC : Le livre vient tout juste de
certains aspects. L’enfant a une certaine
sortir. Dans quel état d’esprit
innocence tandis que les vieux ne portent plus
êtes-vous ?
forcément attention aux jugements que l’on porte sur eux. Il y a un lien entre ces générations qui
MM : Je suis très heureuse. Je
permet de passer les différentes étapes de la vie.
suis entourée par les gens que j’aime. Et je trouve que ce livre
LFC : Quelle est cette histoire des dix vœux ?
est un bel hommage à ma grandmère. Un hommage plein de joie.
MM : Au lendemain de ses neuf ans, ce petit garçon décide de devenir quelqu’un de bien. Il va
LFC : Quels sont les premiers
réfléchir à une liste de dix voeux avec son grand-
avis de lecteurs que vous avez
père. Il devra réaliser ses vœux avant ses dix ans.
eus ?
C’était le point de départ de toutes ces péripéties et cela me permettait de raconter toutes les
MM : J’ai fait lire mon livre à un
anecdotes que ma grand-mère m’avait racontées.
panel de gens qui sont très éloignés de cet univers afin que
LFC : De la gouaille, de la vie, c’est un roman
les réactions soient les plus
très abouti avec un vrai travail au niveau de
honnêtes possible. Tout le
l’écriture.
monde a beaucoup ri.
MM : J’avais une contrainte, c’est
LFC : Travaillez-vous sur un
qu’habituellement, j’écris des livres qui ne sont
second roman ?
pas drôles du tout. Là, j’ai dû faire un gros travail
66
de recherche sur la langue. Tout au long du livre,
MM : Je travaille sur la suite. Il
j’ai essayé d’enlever tout le superflu. Je voulais
reste de nombreuses choses à
que mes personnages s’expriment de manière
dévoiler. J’ai encore beaucoup
simple. On pourrait croire que c’est facile d’écrire
d’anecdotes à raconter. Merci
simplement. Mais sincèrement, ce n’est pas le cas.
Mamie !
M A U D E
M I H A M I
-
L F C
M A G A Z I N E
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JUIN 2018
MARTHA HALL KELLY
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Mai 2018, soleil éblouissant, Paris sous une lumière positive, nous rencontrons l'américaine Martha Hall Kelly, romancière à succès, en promotion dans la capitale de l'amour pour sa nouvelle fiction SELINA RI C H A R D S "Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux" (Charleston). Après une séance de photos au beau fixe, nous prenons un café dans un troquet avec son éditrice et elle-même pour un échange passionnant. Entretien inédit ! LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
France, car je la vois à travers les yeux de
de votre premier roman Le lilas ne refleurit
Caroline.
qu'après un hiver rigoureux (Éditions Charleston). Pourquoi le marché français
LFC : Ce livre est inspiré de faits réels. Vous
vous intéresse-t-il tant ?
parlez de trois femmes durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi avoir choisi cette
MHK : Caroline, l’héroïne de mon livre adore
thématique ?
la France et vient tous les ans passer ses vacances à Paris en compagnie de ses amies.
MHK : Lorsque j’ai visité la maison de Caroline
Un jour, l’une de ses amies, Kasia, est
dans le Connecticut (USA), qui est à une heure
envoyée à Ravensbrück au tristement célèbre
de chez moi et qui est désormais un musée, la
camp de concentration pour les femmes. La
chose qui m’intéressait le plus était le lilas.
France s’est donc imposée à moi pour
Quand j’ai appris l’histoire de Caroline, je
l’écriture de ce premier livre. Je suis devenue,
trouvais étonnant que personne n’en ait parlé.
à travers toutes les recherches que j’ai faites,
Je me suis donc lancée. De plus, comme j’ai fait
une grande francophile.
des études de journalisme, j’ai adoré faire tout ce travail de recherches.
LFC : Êtes-vous tombée amoureuse de la France ?
LFC : Ce qui est original et intéressant, c’est que vous proposez une histoire sur la
69
MHK : Absolument. J’espère y revenir encore
Seconde Guerre mondiale, mais d’un point
à l’avenir. Je crois que j’aime encore plus la
de vue féminin.
MHK : La plupart du temps, la Seconde Guerre mondiale est racontée du point de vue des hommes, ce qui ne me passionnait pas plus que cela lors des cours d’histoire. Mais lorsque j’ai commencé à faire mes recherches sur ces femmes, j’ai trouvé
S E Cela LINA énormément d’éléments intéressants. m’intéressait beaucoup en tant qu’écrivain. Je me suis dit que cela pouvait aussi intéresser les lecteurs.
J’aime découvrir les détails cachés de cette période, les choses que personne ne J’en ai appris R I Cconnaît. HARDS énormément en me documentant sur la vie de Caroline.
LFC : En racontant cette histoire, nous n’en apprenons pas seulement sur les femmes,
MHK : J’ai lu beaucoup de livres sur la Seconde
mais aussi sur la guerre en elle-même.
Guerre mondiale pour ce livre. Et actuellement, pour mon deuxième livre, je lis des livres sur la
MHK : C’est une manière très intéressante
Première Guerre mondiale. Ma règle d’or, c’est de
d’apprendre l’histoire. J’aime découvrir les
ne pas lire de fiction avant d’avoir fini d’écrire. Je
détails cachés de cette période, les choses
ne veux pas être influencée par d’autres auteurs.
que personne ne connaît. J’en ai appris énormément en me documentant sur la vie
LFC : Travaillez-vous sur un deuxième roman ?
de Caroline. MHK : Mon premier roman a été sur la liste des LFC : Vous parlez du camp de
meilleures ventes du le New York Times, ce qui est
concentration de Ravensbrück. Comment
quelque chose de vraiment important aux États-
vous êtes-vous documenté afin que
Unis. Lorsque mon agent m’a demandé ce que je
l’histoire soit si authentique ?
voulais faire par la suite, je lui ai dit que je voulais aller plus loin en remontant dans le passé de
MHK : J’ai visité le camp de Ravensbrück
Caroline et de sa famille. C’est pour cela que mon
avec mon fils. Nous avons pris le même trajet
deuxième livre parlera de sa maman durant la
que ces femmes qui étaient déportées durant
Première Guerre mondiale. Le troisième, lui,
la Seconde Guerre mondiale. Le fait d’aller là-
parlera de sa grand-mère qui était infirmière
bas m’a permis de comprendre ce qu’il s’était
durant la Guerre de Sécession.
passé et d’imaginer ce qu’elles avaient pu
70
vivre. Dès le voyage du retour, j’ai commencé
LFC : Êtes-vous tombée amoureuse de vos
à écrire.
personnages ?
LFC : Lisez-vous beaucoup ?
MHK : Tout à fait. Je ne pouvais pas les
M A R T H A L F C
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K E L L Y
M A G A Z I N E
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Quand le livre est sorti, des gens m’ont raconté des histoires bouleversantes sur leur vie durant la Seconde Guerre mondiale. Il est important que la jeune génération sache ce qu’il s’est passé. Il faut se souvenir que les nazis ont pris le pouvoir facilement à l’époque et que ce sont des choses qui peuvent se reproduire. Il faut garder cela en tête. SELINA
RICHARDS
abandonner. J’aime Caroline. Même si certains
bouleversantes sur leur vie durant la Seconde
personnages sont fictifs, pour moi ils existent
Guerre mondiale. Il est important que la jeune
vraiment.
génération sache ce qu’il s’est passé. Il faut se souvenir que les nazis ont pris le pouvoir
LFC : Pourquoi aimez-vous tant Caroline ?
facilement à l’époque et que ce sont des choses
Pourquoi est-elle si spéciale ?
qui peuvent se reproduire. Il faut garder cela en tête.
MHK : Caroline est quelqu’un que j’admire beaucoup. C’est une héroïne et nous en avons
LFC : Vous parlez de thèmes sérieux dans le
besoin à notre époque. Plus mes recherches
livre. Mais il y a toujours une note d’espoir. Est-
avançaient et plus je l’admirais. C’était quelqu’un
ce important pour vous ?
de très modeste, mais qui faisait beaucoup pour les autres. Elle aurait pu devenir célèbre et
MHK : Je reçois beaucoup de mails de lecteurs qui
embrasser une carrière de comédienne à
me disent que si Kasia est arrivée à survivre alors
Broadway, mais elle a décidé de se mettre au
eux aussi peuvent y arriver. J’ai notamment reçu un
service des autres. Elle a tout mon respect. Le fait
message de la maman d’une enfant tuée lors d’une
que Caroline aime tant la France m’a permis de
fusillade au Connecticut qui me disait que le destin
venir jusqu’ici. Et de faire toutes mes recherches
de Kasia l’avait aidé à surmonter cette épreuve.
aux archives nationales. Cela rend Caroline encore plus sympathique.
LFC : On vous laisse le mot de la fin…
LFC : En tant qu’écrivain, avez-vous le
MHK : Je crois que Caroline serait très heureuse de
sentiment de participer à un devoir de
me voir ici à Paris en train de parler du livre. Elle
mémoire ?
aimait énormément la France. Je voudrais finir cet entretien avec une bouteille à la mer. Dans mon
72
MHK : Au début de ce projet, je crois que je ne
livre, le bébé qui est sauvé du camp de
me rendais pas compte à quel point cette
concentration s’appelle Guy, je sais qu’il habite à
période était importante. Quand le livre est sorti,
Paris et qu’il est professeur. J’adorerai le
des gens m’ont raconté des histoires
rencontrer.
M A R T H A L F C
H A L L
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JENNIFER RICHARD
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FAURE, LEEXTRA
LFC MAGAZINE LIVRE
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JUIN 2018
Écrivain franco-américain, d’origine guadeloupéenne, Jennifer Richard est l’auteur de trois romans publiés aux éditions Robert Laffont "Bleu Poussière", "Requiem pour une étoile" et "L’illustre SELINA RI C H Aest R D Sdocumentaliste pour la inconnu". Elle télévision. Aujourd'hui, elle revient avec un roman d'une ampleur incroyable avec une puissance émotionnelle et une ambition tenue, intitulé "Il est à toi ce beau pays" (Albin Michel). Photos exclusives chez la romancière et entretien inédit.
LFC : Nous nous rencontrons pour parler
Je ne me suis jamais sentie militante. Tout est
de votre roman Il est à toi ce beau pays
venu par hasard. J’ai découvert dans un tout
(Albin Michel). Un livre qui a été très bien
petit encart de Lonely Planet, une très courte
reçu par les lecteurs. Comment l’avez-vous
biographie d’Ota Benga, un pygmée qui a été
vécu ?
arraché à sa forêt du Congo par des pilleurs de la force publique belge qui investissait son
JR : Je suis très heureuse des avis que j’ai
pays. Il a ensuite été vendu à un missionnaire
eus. Que ce soit de la part des lecteurs ou de
américain qui cherchait des pygmées pour
la part des journalistes, il y a eu un véritable
l’exposition universelle de Saint-Louis. Ota
engouement pour ce projet qui était très
Benga a été exposé en 1904, puis au zoo du
ambitieux au départ. Encore aujourd’hui,
Bronx en 1906 dans la cage d’un orang-outan. Il
quelques mois après la sortie, on en parle
est devenu le pivot de toute une période que
toujours, ce qui est très positif.
j’ai découverte grâce à lui. Ota Benga n’est pas le personnage central du roman. Mais il m’a
LFC : Ce livre parle de la période tragique
permis de relier trois continents pendant trente
de la colonisation de l’Afrique à travers de
ans et de découvrir les liens entre l’Europe, les
nombreux personnages tous très
États-Unis et l’Afrique à cette période.
différents. Comment est né ce roman dans votre esprit ?
LFC : Vous proposez un grand roman où l’on apprend de nombreuses choses sur cette
75
JR : Ce n’est pas l’intérêt particulier pour la
période qui est parfois racontée de manière
colonisation qui m’a emmené vers ce sujet.
assez sinistre. Votre fiction est plus
accessible. JR : C’était mon objectif, c’est le livre que j’avais envie de lire. En effet, cela peut-être assez aride et austère au premier abord. Mais quand vous passez par le prisme des
SELINA explorateurs, vous découvrez des Mike Horn du XIXe siècle. Ce sont des personnes hors du commun. C’est vrai qu’il y a une mentalité particulière à cette époque. Mais il est difficile de la juger aujourd’hui.
Quand vous passez par le prisme des explorateurs, vous découvrez des Mike Horn du XIXe siècle. Ce sont des personnes hors du commun. C’est vrai RICHARDS qu’il y a une mentalité particulière à cette époque. Mais il est difficile de la juger aujourd’hui.
LFC : Vous parlez d’Ota Benga et de
LFC : Ce livre se passe au XIXe siècle et
David Livingstone, deux personnages
pourtant on a le sentiment que cette période
qui n’ont rien en commun au départ et
n’est pas si éloignée de la nôtre…
pourtant…vous nous offrez un grand roman.
JR : À mon sens, nous sommes dans ce cycle historique depuis la troisième République avec
JR : Le point de départ est romanesque.
les mêmes hypocrisies politiques et les mêmes
Ota Benga se suicide à trente-trois ans en
actions sordides. C’est mon avis avec toutes les
Virginie. Et je me suis dit : qu’est-ce qui
recherches que j’ai pu faire. Ce livre m’a
amène un jeune de cet âge à se suicider si
transformé. Plus on lit, plus on s’enrichit
loin de chez lui ? J’ai décidé de remonter
intellectuellement. J’ai fait un gros virage en
en 1873, car il se passe quelque chose de
lisant des articles de journaux de l’époque en
très important en Europe. C’est la crise
Belgique, en France. Des mots comme
financière. C’est la plus grave à l’époque.
démocratie, civilisation ou lumière ont été
C’est également l’année du décès de David
utilisés pour aller coloniser l’Afrique. Vous avez
Livingstone. Tout cela tombe assez bien,
une Europe qui se place comme juge universel
car les chefs d’État en Europe se disent
et censeur. Les États-Unis qui commencent à
qu’ils vont utiliser Livingstone comme un
donner des leçons alors qu’ils pratiquent la
rayonnement de la civilisation européenne.
ségrégation contre les noirs, les juifs et les
C’est une occasion d’investir l’Afrique selon
indiens. Et depuis tout ce temps, c’est la même
eux en leur offrant des débouchés
chose, on détruit des cultures et des
économiques importants. C’est le début de
populations.
la colonisation avec comme prétexte la
76
lutte contre l’esclavage encore pratiquée
LFC : Aimeriez-vous que ce livre réveille les
par les islamisés de Zanzibar.
consciences ?
Il faut faire attention à ne pas être dogmatique. Le roman est un vecteur extraordinaire pour amener une pensée sans justement en avoir l’air. J’ai placé mes idées à travers des dialogues. Il y a une personne qui exprime ce que je pense et l’autre qui exprime ce que les autres peuvent penser. Je commence à être de plus en plus engagée. C’est vrai. Mais je ne en S E Lveux I N A R pas ICHAR D S arriver à une certitude. JR : C’est mon ambition première lorsque j’écris.
JR : J’ai tenu absolument à conserver ce titre. C’est le
J’aimerais que les gens, en lisant ce livre, se disent
premier qui m’est venu et c’était une évidence. Pour la
que c’est toujours le cas aujourd’hui. Qu’ils se
couverture, mon éditeur m’a soumis une première
demandent pourquoi il y a toute cette
couverture avec une sorte de campagne pour la lèpre. J’ai
propagande dans les journaux télévisés. Il faut
dit non tout de suite. C’était impossible. L’idée de ce livre
être lucide. On dit qu’il y a des complotistes. Mais
n’est pas triste. Puis, ils m’ont soumis cette deuxième
la politique elle-même est un complot, et ce
couverture, et je suis sûre qu’ils avaient prévu leur coup. Et
depuis l’Égypte ancienne. La politique et la
qu’ils voulaient celle-ci depuis le début. Elle est parfaite.
démocratie doivent être opaques. LFC : Vous avez écrit trois autres livres qui ont été LFC : Ce roman est écrit de façon à ce que les
publiés aux Éditions Robert Laffont. Pouvez-vous nous
lecteurs se fassent leur propre idée sur la
en parler ?
question. Vous n’amenez pas le lecteur dans le jugement. Vous lui laissez une certaine liberté.
JR : Je ne suis pas très attachée aux deux premiers. Ce sont deux romans de science-fiction. Le troisième est un roman
JR : Il faut faire attention à ne pas être
historique que je trouve assez réussi et très touchant. C’est
dogmatique. Le roman est un vecteur
un livre qui parle de l’histoire du XXe siècle en Normandie.
extraordinaire pour amener une pensée sans
J’ai fait beaucoup de recherches. Il ne s’est pas vendu, car il
justement en avoir l’air. J’ai placé mes idées à
y a eu de gros problèmes de communication. Ceci dit, ce
travers des dialogues. Il y a une personne qui
roman m’a donné le goût de la recherche. Ce qui m’a
exprime ce que je pense et l’autre qui exprime ce
amené à écrire Il est à toi ce beau pays.
que les autres peuvent penser. Je commence à être de plus en plus engagée. C’est vrai. Mais je ne
LFC : C’est un pari dingue. Quel sentiment avez-vous
veux pas en arriver à une certitude.
ressenti lorsque vous aviez le livre en mains ?
LFC : La couverture du livre est extrêmement
JR : J’étais très heureuse. D’ailleurs, je salue l’audace de
bien travaillée et le titre est parfait. Cela donne
Gérard de Cortanze et des Éditions Albin Michel pour s’être
un livre très attirant en librairie.
lancés dans ce projet.
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R I C H A R D
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JUIN 2018
MYRIAM COHEN WELGRYN
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendez-vous avec Myriam Cohen-Welgryn à son domicile pour des photos exclusives et une entretien inédit à propos de son livre "Et tu oseras sortir du cadre !" (Harper Collins). Elle est actuellement présidente de Mars Petnutrition Europe, une S E L Ientreprise N A R I C H A qui R D Semploie plus de 5 000 personnes. Tout au long de sa carrière, elle s’est activement investie dans le développement des femmes et est aujourd’hui membre du conseil d’administration de « Lead », un réseau de promotion des femmes dans les entreprises de grande distribution.
LFC : Nous nous rencontrons pour parler
l’envie d’agir. Ce livre est une commande de la
de votre livre Et tu oseras sortir du cadre
part des Éditions Harper Collins. J’avais créé le
(Harper Collins). Ce livre s’adresse
personnage d’Olympe Castor, il y a quelques
principalement aux femmes. Et pourtant,
années. Et lorsque l’éditrice est tombée sur ces
après l’avoir lu, êtes-vous d’accord pour
dessins, elle a trouvé le personnage génial. Et
dire qu’il s’adresse à tous ?
elle a décidé d’en faire un livre.
MCW : J’en suis convaincue. Je pense que
LFC : Faites-vous vos dessins vous-même ?
l’on n’arrivera à rien si nous ne sommes pas tous ensemble. C’est d’ailleurs inscrit sur le
MCW : Tout à fait. Olympe Castor est mon
livre Ensemble, nous défierons les lois de la
avatar. Elle est en chacune d’entre nous. Et elle
gravité. Ce livre est fait aussi bien pour les
ne demande qu’à se réveiller pour nous
femmes que pour les hommes.
stimuler et agir. C’est intéressant, car beaucoup de personnes se demandent qui est cette
LFC : Comment l’idée d’écrire ce livre est-
fameuse Olympe.
elle née ? LFC : Dessinez-vous depuis longtemps ? MCW : D’un point de vue personnel, c’est un
81
combat que je mène depuis très longtemps.
MCW : Je dessine depuis toujours. Mais je ne
Je suis née dans une famille de féministe. Et
pensais pas qu’un jour un projet comme celui-ci
j’ai été confrontée aux obstacles que
verrait le jour. Écrire c’est quelque chose qui est
rencontrent les femmes. Cela a créé en moi
en moi depuis toujours. Allier les deux, c’est
magique. LFC : Même si ce livre est un combat avant tout. On sent que vous vous amusez beaucoup.
S Een LI MCW : Je me suis beaucoup amusée le N A faisant. Ce livre est un exutoire et c’est une façon de libérer le stress et la tension. LFC : Ce livre s’adresse autant pour les
Je dessine depuis toujours. Mais je ne pensais pas qu’un jour un projet comme celuici verrait le jour. Écrire R Ic’est C H A R D Squelque chose qui est en moi depuis toujours. Allier les deux, c’est magique.
femmes que pour les hommes. Mais audelà de cela, il peut également aider ceux
dire que cela ne fonctionne pas de cette manière
qui sont dans une situation de handicap et
ailleurs. En France, on a besoin de démontrer
qui cherchent des solutions pour vivre
notre engagement par de la présence. Ce qui me
avec. Qu’en pensez-vous ?
paraît inutile et pas efficace du tout.
MCW : Je suis ravie que vous me disiez cela. Il
LFC : L’entreprise s’adapte-t-elle à la vie des
est certain que le propos s’adresse aux
femmes ?
femmes. Effectivement, le thème de ce livre, c’est la diversité en général. Un écosystème
MCW : Je voudrais dire trois choses. La première,
est résiliant lorsqu’il y a une grande diversité
c’est que les femmes sont coresponsables de ce
d’espèce. S’il y avait le même type d’espèce,
plafond de verre. Il y a toute une série de choses
elle disparaitrait petit à petit. Je raconte tout
que l’on peut faire et qui ne dépendent que de
cela du point de vue de l’entreprise. Mais cela
nous et sur lesquelles on peut travailler. La
s’applique aussi dans la vie de tous les jours.
deuxième chose, c’est que l’entreprise a le devoir de créer des conditions qui font que les femmes,
LFC : Vous proposez de très bonnes idées
et d’une manière générale les prochaines
sur le monde de l’entreprise. On aimerait
générations, se sentent bien dans une entreprise.
vivre dans l’environnement que vous
Et la troisième chose, c’est la notion de diversité
décrivez. Vous dites que vous êtes pour les
qui est pour moi primordiale au sein d’une
vacances par exemple…
entreprise.
MCW : C’est un peu provocateur. Mais je le
LFC : Vous dites également qu’il faut savoir dire
pense profondément. Je parle notamment du
non pour avoir un oui.
présentéisme qui est un concept très français. Pour avoir travaillé à l’étranger, je peux vous
82
MCW : Il n’y a pas de oui sans non. Quand on dit
Nous ne sommes rien sans les autres. Nous croyons que seuls nous pouvons réussir. Mais ce n’est pas le cas. Ces personnes m’ont aidé à me relever lorsque je suis tombée, à oser lorsque je doutais. Dans la vie, il ne faut L I N A R I C HC’est ARDS pas hésiter à seS Elancer. important de faire des erreurs. Je ne crois pas aux trajectoires linéaires. oui à tout, les choses se choisissent malgré
LFC : Il est écrit en gras sur votre
nous. Et on ne sait plus à quoi on dit oui.
livre un féminisme joyeux et optimiste. Pensez-vous que le
LFC : À qui adressez-vous ce livre ?
féminisme d’aujourd’hui à d’autres couleurs que celles-ci ?
MCW : Je l’adresse d’abord aux femmes. Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’aider. Il m’a fallu du
MCW : Je ne juge pas le
temps, mais je l’ai fait. Il y a une notion
féminisme d’aujourd’hui. Je crois
d’entraide dans le livre. C’est une façon de
simplement à l’optimiste, à la joie.
transmettre ce que j’ai pu apprendre. Et je le
Ce sont deux moteurs forts qui
répète, ce livre peut apporter autant aux
peuvent déplacer des
hommes qu’aux femmes.
montagnes. Il faut rêver en grand.
LFC : Dans ce livre, vous avez tenu à
LFC : L’humour est-il une arme
remercier vos mentors/sponsors. Pour
selon vous ?
quelles raisons ? MCW : L’humour permet de faire
84
MCW : Nous ne sommes rien sans les autres.
passer des choses plus
Nous croyons que seuls nous pouvons réussir.
acceptables. Au-delà de l’humour,
Mais ce n’est pas le cas. Ces personnes m’ont
je trouve qu’il est important
aidé à me relever lorsque je suis tombée, à oser
d’avoir de la fantaisie. Il ne faut
lorsque je doutais. Dans la vie, il ne faut pas
pas trop se prendre au sérieux
hésiter à se lancer. C’est important de faire des
quand on parle de choses
erreurs. Je ne crois pas aux trajectoires linéaires.
sérieuses. Il faut être soi.
M Y R I A M L F C
C O H E N - W E L G R Y N M A G A Z I N E
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JUIN 2018
ANTOINE RAULT
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE
SELINA
Mai 2018, nous avons rendez-vous chez les éditions Albin Michel pour rencontrer Antoine Rault pour un entretien à propos de "La danse des R I vivants" CHARDS et "La traversée du paradis". Photos exclusives et interview.
LFC : Nous nous rencontrons pour votre
beaucoup de paradis sur terre. Plusieurs
livre La traversée du paradis (Albin Michel).
auteurs comme Jules Romain en ont parlé. Et
Ce livre est la suite d’un premier livre La
d’un autre côté, ce livre est un roman en
danse des vivants (Albin Michel). Bien que
mouvement. Le personnage est à la recherche
ce soit une suite, il est possible de lire le
de son identité. Il est en quête d’un certain
deuxième sans avoir lu le premier. Vous
paradis. Il va découvrir que l’homme qu’il a été
confirmez ?
avant son amnésie n’est pas l’homme qu’il est devenu.
AR : Absolument. C’était pensé de cette façon. On comprend assez vite les tenants et
LFC : Votre livre démarre avec votre
les aboutissants sans forcément avoir lu le
personnage Gustav Lerner. Cependant dans
premier. Au fond, lorsque l’on raconte une
le premier livre, disponible en version poche
histoire, on la prend toujours à un moment
chez Le Livre de Poche, il s’appelle Charles
précis. Il suffit de l’avoir conçu pour qu’on la
Hirscheim.
comprenne dans sa totalité. AR : Charles Hirscheim est son véritable nom. LFC : Le choix du titre La traversée du
Ce personnage amnésique ne sait pas qui il est.
paradis est très judicieux. Pouvez-vous
En revanche, les services secrets français ont
nous en dire plus ?
trouvé son identité. Il y a toute une histoire dans ce livre qui explique pourquoi son père refuse
87
AR : C’est un titre qui a plusieurs sens. À
de le reconnaître. Ce qui renvoie Charles à son
l’époque du communisme, on parlait
état amnésique. C’est parce qu’il ne sait pas qui
il est que les services secrets vont se servir de lui, car il a un atout, il parle couramment français, allemand et russe. LFC : Comment ce personnage est-il né dans votre esprit ?
SELINA AR : La première chose qui est née dans mon esprit, c’est La traversée du paradis qui a pris une plus grande ampleur que prévu. Finalement j’ai décidé d’en faire deux
J’essaye de raconter l’histoire de cette époque comme je raconterais la vie d’aujourd’hui. C’est-àdire au présent. Il est important que les lecteurs RICHARDS puissent s’identifier à cette période et qu’ils ne sachent pas ce qui va se passer tout au long du livre.
romans. En premier lieu, j’ai travaillé sur La danse des vivants, qui est la première partie
ce sont des espions russes à qui l’on donne
de l’amnésie, puis j’ai enchaîné sur La
l’identité de personnages disparus aux États-Unis.
traversée du paradis.
Ils vont donc vivre une vie d’Américains ordinaires. Sauf que ce sont des espions. À tel point que ces
LFC : Saviez-vous dès le départ qu’il y
deux personnes qui ne se connaissent pas et qui
aurait deux livres ?
doivent faire semblant vont tomber amoureuses, et faire des enfants. C’est un thème éternel.
AR : Oui. Je souhaitais que l’on puisse lire ces deux livres indépendamment. Mon idée
LFC : Ce roman est à la frontière entre l’histoire
principale était l’idée d’un soldat amnésique
et la fiction. Avez-vous fait beaucoup de
qui a oublié qui il est et qui est envoyé à
recherches ?
travers l’Europe en tant qu’espion. Une fois arrivée en Allemagne, il rencontre une jeune
AR : J’essaye de raconter l’histoire de cette
femme russe, danseuse de cabaret, dont il va
époque comme je raconterais la vie d’aujourd’hui.
tomber fou amoureux. Dans ce deuxième
C’est-à-dire au présent. Il est important que les
livre, il a le désir de retrouver cette femme
lecteurs puissent s’identifier à cette période et
qu’il ne pense jamais pouvoir retrouver.
qu’ils ne sachent pas ce qui va se passer tout au long du livre.
LFC : Le thème de l’identité vous passionne.
LFC : Avez-vous appris beaucoup des choses en écrivant ces deux livres ?
AR : J’aime beaucoup les histoires
88
d’espionnage. Mais ce que j’aime au-delà,
AR : J’ai appris beaucoup. J’ai lu beaucoup. J’ai
c’est la dimension psychologique. Si l’on
une grande passion pour la Russie que je voulais
prend l’exemple de la série The Americans,
raconter à travers l’histoire d’amour entre Charles
J’ai voulu raconter une histoire qui peut toucher n’importe qui. Mais, par moment, je donne des éclairages sur l’histoire. SELINA
RICHARDS
et Tamara. Cette période est la naissance des
pour la revanche future. Tout cela est fondamental
régimes totalitaires. Pour La traversée du paradis
pour comprendre la situation de l’entre-deux-
notamment, cela m’a demandé beaucoup de
guerre.
travail. C’était par exemple très difficile de trouver les archives en Russie qui ont été ouvertes à la fin
LFC : Combien de temps avez-vous travaillé sur
de l’URSS, puis fermées lorsque Vladimir Poutine
les deux premiers livres ?
est arrivé au pouvoir. Il était important de raconter les témoignages de l’époque. C’était une mission
AR : Quatre ans au total. L’idée m’est venue en
assez vertigineuse.
2013. J’ai commencé par le théâtre. C’est ce qui m’a permis de vivre de ma plume.
LFC : Dans La traversée du paradis, vous proposez plusieurs lectures. L’histoire sur
LFC : Pensez-vous qu’il y aura une suite à La
laquelle on peut se divertir et surtout le fait que
traversée du paradis ?
l’on peut apprendre plein de choses. Était-ce votre volonté ?
AR : Je pense, oui. J’ai conçu un certain nombre de choses. Mais mon roman ne se passera pas à cette
AR : Vous avez raison. C’est une lecture à plusieurs
période. Je crois que j’ai besoin d’écrire autre
niveaux. Quand vous lisez Guerre et Paix, vous
chose. J’ai un sujet contemporain qui me tient à
avez également différents regards. Mon ambition
coeur depuis un moment.
était vaste. J’ai voulu raconter une histoire qui peut toucher n’importe qui. Mais, par moment, je
LFC : Vous nous l’avez dit, vous êtes également
donne des éclairages sur l’histoire. Par exemple,
auteur de théâtre. Pouvez-vous nous en dire
l’Allemagne nationaliste humiliée par la défaite de
quelques mots ?
1918 et la jeune Russie rouge communiste qui
90
essaye de s’en sortir sont deux ennemis
AR : Ma pièce Terminus va se jouer en tournée et au
idéologiques qui trouvent un intérêt à s’entendre.
Théâtre d’Orléans. C’est une comédie sur la folie de
Ils vont mettre un plan secret qui consiste à créer
Georges Feydeau. Et l’autre pièce va se jouer au
une armée qu’ils vont se partager. Ceci permettra
Théâtre La Bruyère à partir du 21 septembre 2018,
à l’Allemagne de reconstruire une grande armée
il s’agit de La vie rêvée d’Helen Cox.
A N T O I N E
R A U L T
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L F C
M A G A Z I N E
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LFC MAGAZINE
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JUIN 2018
GÉRARD COLLARD JEAN-EDGAR CASEL PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PATRICE NORMAND LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendez-vous à La Griffe Noire qui fête ses 30 ans cette année. Jean-Edgar Casel et Gérard Collard - débordés - se prêtent au jeu de la séance de photos dans les rayons de la librairie colorée. Gérard Collard file à ses mille SELINA RICHARDS occupations et Jean-Edgar Casel nous reçoit pour un entretien inédit à propos des dix ans de "Saint-Maur en Poche" qui aura lieu les 23-24 juin à la Place des Marronniers. Rencontre avec deux passionnés qui savent partager leur grain de folie. L'événement à ne pas rater ! LFC : Le Salon Saint-Maur en Poche fête ses
le salon et sera en vente au prix de dix euros.
dix ans cette année. Ce sera les 23 et 24 juin 2018. Et la Griffe Noire fêtera ses trente
LFC : Qui seront les parrains de cette
ans.
édition ?
JEC : Cette année est assez particulière en
JEC : Tout d’abord, presque tous les anciens
effet. La conjoncture est assez compliquée.
parrains et marraines seront présents pour les
C’est pour cette raison que nous avons
dix ans du salon. Pour cette dixième édition,
décidé de créer une cagnotte Leetchi pour
nous avons choisi Guillaume Musso et
permettre aux gens de nous soutenir pour le
Camilla Grebe. Camilla est un auteur étranger
salon. Chaque année, je sais le coût de
que nous aimons beaucoup et Guillaume, au-
l’investissement. Mais je ne sais jamais si je
delà d’être le plus gros vendeur en France,
vais rentrer dans mes frais. Depuis le mois de
est quelqu’un de très fidèle. J’ai d’ailleurs
septembre, nous organisons des évènements
une anecdote à ce sujet. Il n’a pas pu venir il y
dans la librairie pour faire la promotion du
a deux ans, et pour s’excuser de ne pas être
salon. Cette année, Camilla Grebe, René
venu, il m’a invité lors d’une émission en
Manzor, Patricia MacDonald, Daniel Cole ou
direct sur France Inter afin que je puisse
encore Aurélie Valognes sont passés nous
parler du salon. Ce qui est plutôt
voir. Cela nous aide beaucoup. Pour les
sympathique de sa part. C’est quelqu’un de
trente ans de la Griffe Noire, nous avons eu
très simple.
l’idée de faire un livre avec trente nouvelles écrites par trente auteurs. Il sera publié pour 93
LFC : Comme la plupart des auteurs que
vous accueillez… JEC : Exactement. Tous, ils jouent bien le jeu. Nous accueillons 294 auteurs cette année. C’est dément ! Comme ce sont les dix ans, beaucoup d’auteurs reviennent comme
S E L Et I Nil yA Katherine Pancol ou Tatiana de Rosnay. en a des nouveaux que nous aimons faire découvrir au public, par exemple une auteur britannique Mary Lynn Bracht qui a écrit Les filles de la mer qui n’est pas connue en
Cette année est assez particulière en effet. La conjoncture est assez compliquée. C’est pour cette raison que nous avons décidé de créer une cagnotte Leetchi pour permettre aux gens de R I C nous H A R D Ssoutenir pour le salon. Chaque année, je sais le coût de l’investissement. Mais je ne sais jamais si je vais rentrer dans mes frais.
France. Mais qui vient spécialement de Londres pendant deux jours. Le public est
émergé grâce au salon et à la télévision avec
très curieux et aime ce genre d’initiative.
Gérard Collard, mais il y a aussi le talent qui joue beaucoup.
LFC : Est-ce difficile de faire des choix chaque année ?
LFC : Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble avec Gérard Collard ?
JEC : Chaque année, tous les auteurs veulent revenir. (Rires) Il faut faire des choix. Cette
JEC : Cela fait trente ans que nous avons monté
année a été plus simple, car ce sont les dix
cette librairie. Nous avions travaillé ensemble dans
ans. Mais chaque année, des auteurs pensent
une autre librairie pendant huit ans. Ce qui fait
qu’on les aime moins alors que ce n’est pas le
presque quarante ans que nous nous
cas. C’est tout simplement que nous sommes
connaissons. On se complète bien. Lui, il est plus
dans une dynamique de turn-over. Il y a
sur la partie artistique. Et moi, davantage sur la
forcément des auteurs de bestsellers qui
partie gestion. C’est la vedette, et moi, l’homme de
reviennent, car ce sont eux qui font venir du
l’ombre. C’est pour cette raison que cela
monde. Et c’est eux qui permettent aux gens
fonctionne. Quarante ans, c’est long. Il faut que
de découvrir d’autres auteurs.
chacun y mette du sien pour supporter l’autre. (Rires) Ce qui nous tient, c’est qu’à l’arrivée, nous
LFC : Comme Franck Thilliez par exemple ?
sommes d’accord sur l’idée principale. C’est ce qui s’est passé pour le salon. Au départ, nous ne
JEC : Franck est une formidable locomotive.
savions pas ce que ce salon allait devenir. Nous
C’est un fidèle parmi les fidèles depuis le
étions fous !
début. Il dit toujours que nous l’avons lancé.
94
Je n’en sais rien. C’est toujours un plaisir de le
LFC : Cette folie a-t-elle été un moteur durant
voir revenir. Certes, certains auteurs ont
toutes ces années ?
GÉRARD
COLLARD
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LFC
MAGAZINE
#10
Mes employés me disent souvent que je râle tout le mois qui précède le salon. Je pense que tout va être compliqué. Et puis finalement, lorsque l’on voit le résultat et que l’on voit tous les auteurs qui viennent vous féliciter. Cela nous rend très heureux. SELINA
RICHARDS
JEC : Nous en avons besoin, que ce soit pour les
est de moins en moins important. C’est une période
pancartes, pour les étiquettes, pour l’organisation.
difficile. Ce que je conçois. J’aurais pu avoir peur et
C’était d’ailleurs très peu apprécié à l’époque de
me dire que je ne le ferai plus. Mais j’ai pris le parti
donner son avis sur les livres. Aujourd’hui, c’est
avec Gérard Collard de continuer. C’est pour cette
l’inverse grâce à la multiplication des médias et
raison que nous avons fait une cagnotte Leetchi.
des libraires. Mais c’est normal, car il est important
Nous avons eu également de nouveaux investisseurs.
d’agripper le lecteur. Nous avons une certaine
Je crois en la fidélité des gens.
légitimité, car cela fait trente ans que nous faisons cela.
LFC : Quel est le plus gros problème que vous rencontrez chaque année ?
LFC : Pensez-vous avoir influencé les autres libraires ?
JEC : C’est le temps. L’année dernière, nous avons fait notre meilleur chiffre, car il y avait une conjoncture
JEC : C’est ce qu’a dit un des dirigeants de
parfaite : beaucoup de vedettes, un temps parfait et
Vivendi à l’époque, que nous étions des leaders
aucune défection. Chaque année, je me demande si
d’opinion. Je prends le compliment, car c’est une
je vais rentrer dans mes frais. Il y a une concurrence
responsabilité. Mais, je crois avant tout qu’il faut
d’Amazon, il y a le fait que les dictionnaires ne se
s’amuser. Nous ne nous sommes jamais pris au
vendent plus… À nous de proposer d’autres choses.
sérieux. Le livre, c’est un plaisir. Avec les années,
Cette année, cela risque d’être compliqué. Mais si je
nous nous consacrons plus à ce que nous aimons
m’arrête à cela, je ne fais plus rien. Il faut être fou.
plutôt qu’à descendre ce que nous n’aimons pas. LFC : Avez-vous une émotion particulière lorsque LFC : Avez-vous peur chaque année que le
vous êtes sur le salon ?
salon marche moins bien que les années précédentes ?
JEC : Mes employés me disent souvent que je râle tout le mois qui précède le salon. Je pense que tout
96
JEC : C’est le risque. Chaque année,
va être compliqué. Et puis finalement, lorsque l’on voit
l’investissement pécuniaire est de plus en plus
le résultat et que l’on voit tous les auteurs qui
lourd. Mais c’est un choix. Le budget des mairies
viennent vous féliciter. Cela nous rend très heureux.
J E A N
E D G A R D
C A S E L
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LES AUTEURS LITTÉRATURE GÉNÉRALE ET ESSAIS PRÉSENTS À
SAINT-MAUR EN POCHE
LES AUTEURS DE POLAR PRÉSENTS À
SAINT-MAUR EN POCHE
LES AUTEURS JEUNESSE PRÉSENTS À
SAINT-MAUR EN POCHE
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JUIN 2018
MISCHA BERLINSKI
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG MATHIEU GENON LEEMAGE
Né à New York en 1973, Mischa Berlinski a été journaliste avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, "Le Crime de Martiya Van der Leun" (Albin Michel, 2010), finaliste du National Book Award, a été traduit dans une dizaine de langues et récompensé par le prestigieux Whiting Award, qui distingue chaque année de jeunes auteurs particulièrement prometteurs. Séance de photos exclusives et entretien inédit à propos de son nouveau roman "Dieu ne tue personne en Haïti", directement inspiré de son expérience personnelle.
LFC : Nous nous rencontrons pour parler
LFC : Haïti est même un personnage à part
de votre deuxième roman Dieu ne tue
entière dans ce livre.
personne en Haïti (Albin Michel). Comment est née l’idée d’écrire ce livre ?
MB : Exactement. Haïti est à moitié le pays qui existe vraiment et à moitié le pays de mon
MB : Je n’ai jamais pensé que j’allais écrire un
invention. Beaucoup de choses viennent de
livre qui se passe en Haïti. Ma femme a trouvé
mon imagination.
un travail là-bas avec les Nations Unies. Et pour commencer, ce travail ne devait durer
LFC : Lorsque vous avez suivi votre femme là-
que six mois. Je l’ai donc suivi. Finalement,
bas, pensiez-vous un jour vivre une telle
nous y sommes restés cinq ans. Cette période
expérience ?
a été très intense. Beaucoup de choses se sont passées.
MB : Ce n’était pas une surprise. Je voyage presque continuellement depuis l’âge de vingt
LFC : Que retenez-vous de ce pays ?
ans. Je savais que cela pouvait arriver.
MB : C’est un pays très intrigant. Au fur et à
LFC : Vous considérez-vous comme un
mesure que les années passaient, je me suis
citoyen du monde ?
dit que je devais absolument raconter mon
103
expérience là-bas. C’est vraiment le pays en
MB : On reste toujours citoyen de son pays
lui-même qui m’a donné envie de me lancer
natal. C’est souvent le pays que l’on connaît le
dans ce projet.
mieux. Cependant, je n’aime pas trop le terme
citoyen du monde, car malheureusement, il n’existe pas de passeport du monde. J’ai énormément de chance de pouvoir voyager. Beaucoup de gens ne peuvent pas se le permettre. LFC : Ce terme est-il trop idéaliste ? MB : Les Haïtiens par exemple n’ont pas le droit de quitter leur pays. Ils ne peuvent même pas aller dans les pays voisins. Cela n’a pas de sens. Moi, je suis américain. Et si je le
Haïti est un pays très intrigant. Au fur et à mesure que les années passaient, je me suis dit que je devais absolument raconter mon expérience là-bas. C’est vraiment le pays en lui-même qui m’a donné envie de me lancer dans ce projet.
veux, je peux aller vivre en Haïti. C’est comme s’ils étaient dans une prison.
beaucoup d’Haïtiens ont été vexés par le livre. Ils ont pris cela comme un manque de respect.
LFC : Vous parlez de la pauvreté dont
J’accepte leur objection, mais s’ils ne sont pas
souffre le pays et c’est quelque chose que
contents qu’ils écrivent leur propre livre. Je
l’on ressent beaucoup en tant que lecteur.
comprends que certains peuvent être touchés. Mais j’ai simplement écrit ce que j’ai vu et ce
MB : C’est la première chose qui saute aux
que j’ai ressenti. Je l’ai fait avec bienveillance.
yeux lorsque vous arrivez là-bas. Ce n’est pas le pays le plus pauvre du monde. Seulement,
LFC : Vous faites un portrait assez féroce du
je n’avais jamais voyagé dans un pays où
pouvoir. Pouvez-vous nous en parler ?
autant de personnes étaient pauvres. Même lorsque vous avez un peu d’argent, c’est
MB : Dans l’abstrait, ce qui ne va pas, c’est le
difficile d’entreprendre des choses. Il est
manque de pouvoir en Haïti. Personne ne
difficile d’acheter une maison par exemple,
contrôle le pays et c’est la réalité. Le
car il n’y a pas ou peu de réseaux électriques.
gouvernement manque de moyen pour
lumière et d’espoir.
pouvoir prendre des décisions et le diriger. Les institutions de l’État ne sont pas capables de se
LFC : Vous avez décrit la réalité d’Haïti,
mettre au service des citoyens. C’est plutôt un
mais également, comme vous nous l’avez
portrait féroce du manque de pouvoir.
dit, un Haïti un peu plus imaginaire. Pourquoi avoir choisi d’être aussi
LFC : Il existe une partie très sérieuse dans
bienveillant ?
ce livre où vous parlez de la pauvreté, mais il y a également des histoires d’amour. Était-
MB : Même en utilisant cette méthode,
104
ce important de créer cet équilibre ?
MISCHA
BERLINSKI
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Le monde d’aujourd’hui est très complexe et c’est ce qui m’inspire. Tout le monde a son point de vue qui est basé sur des expériences personnelles. Il faut avoir un peu de modestie parfois. Et admettre que les choses sont compliquées. Trouver des solutions prend du temps. Les politiciens sont très forts pour vous dire qu’ils vont trouver une solution simple à un problème qui dure depuis plusieurs centaines d’années. MB : Oui. Tout d’abord, parce que l'amour est un
et c’est ce qui m’inspire.
sujet qui m’intrigue, comme tout le monde. Même
Tout le monde a son point
lorsque l’on est pauvre, on peut tomber amoureux.
de vue qui est basé sur
Si l’on veut réussir à tourner la page, il faut
des expériences
quelque chose qui puisse nous le permettre. Voilà
personnelles. Il faut avoir
pourquoi j’ai voulu parler d’amour. J’espère que
un peu de modestie
cela intéressera les lecteurs.
parfois. Et admettre que les choses sont
LFC : Vous parlez très bien français alors que ce
compliquées. Trouver des
n’est pas votre langue maternelle, comment
solutions prend du temps.
faites-vous pour avoir cette capacité à si bien
Les politiciens sont très
nous conter vos histoires ?
forts pour vous dire qu’ils vont trouver une solution
MB : Il faut éliminer les choses ennuyantes, c’est le
simple à un problème qui
secret. Lorsque j’écris un livre, j’essaye de faire au
dure depuis plusieurs
mieux pour retranscrire l’univers qui m’entoure et
centaines d’années.
être le plus authentique possible. En tant qu’écrivain, la chose la plus importante, c’est que
LFC : Écrivez-vous un
les lecteurs croient à vos histoires, qu’elles soient
nouveau roman ?
réelles ou imaginaires. Très souvent même, le réalisme semble moins vrai que l’imaginaire.
MB : Je préfère ne pas en parler. Avec l’expérience,
LFC : Une fois que les lecteurs auront fini votre
je trouve que cela peut
livre, qu’aimeriez-vous qu’ils retiennent ?
porter malheur de dévoiler son histoire avant
106
MB : Je ne veux pas qu’ils retiennent une idée sur
d’avoir écrit le dernier
Haïti. Le monde d’aujourd’hui est très complexe
mot.
M I S C H A
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JUIN 2018
DO RAZE
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG RAPHAËL DEMARET LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendezvous avec Do Raze pendant la pause déjeuner pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit à propos de son S E L I N A "Fucking RICHARDS thriller Business" (HC Éditions). Souvenez-vous, Do Raze a publié précédemment "La mort des rêves" qui a reçu le Prix du Premier Roman du Festival de Beaune. LFC : Nous nous rencontrons pour parler
demi. Je suis quelqu’un qui ne fait pas relire son
de votre deuxième roman Fucking
livre. Je n’ai pas envie qu’il y ait de doutes qui
business (HC Éditions). Avant d’en parler,
se créaient. Je veux préserver mon espace de
nous aimerions revenir sur votre premier
liberté.
roman La mort des rêves qui a obtenu le Prix du premier roman au Festival de
LFC : Que s’est-il passé ensuite ?
Beaune en 2011. Comment avez-vous vécu cette aventure ?
DR : Avant de reprendre le travail, je l’ai envoyé à quatre maisons d’édition. Les Éditions du
109
DR : C’était une aventure incroyable. J’écris
Masque m’ont appelé quelques semaines plus
depuis très longtemps, mais je parvenais
tard en me disant qu’ils étaient partants. Et
seulement à écrire des nouvelles. À l’époque,
également pour me dire que j’étais
je travaillais dans une agence de
sélectionnée pour le Prix de Beaune. Ce qui est
communication avec un rythme assez
assez amusant, c’est que lorsque l’éditrice m’a
intense. Et j’ai décidé de faire une pause en
appelé, elle a cru que j’étais un homme. (Rires)
accumulant tous mes retards de vacances. Au
Elle a beaucoup aimé certaines choses du livre
total, je me suis arrêtée pendant deux mois et
que d’autres maisons d’édition n’avaient pas
demi. Durant cette période, je me suis lancée
aimé. Un mois après, j’ai appris que j’étais
dans l’écriture de La mort des rêves. Je
primée et que le livre sortait. Je ne l’ai pas vu
passais six à huit heures par jour avec comme
sortir. Je me suis retrouvée propulsée à Beaune
objectif de le finir avant de reprendre le
pendant trois jours où j’ai reçu mon prix sur
travail. Je l’ai terminé au bout d’un mois et
scène. Une sacrée aventure !
LFC : Plusieurs années séparent vos deux romans, vous avez pris votre temps. Pour quelles raisons ? DR : Je n’écris pas pour écrire. L’idée de Fucking Business était dans ma tête depuis
SELINA un moment. Le prochain que je souhaite écrire sera basé sur un sujet que j’ai aussi en tête depuis quelques années. Je prends mon temps. J’aime que les idées mûrissent dans mon esprit. Lorsque j’écris, j’aime être absorbée par le projet.
L’idée de Fucking Business était dans ma tête depuis un moment. Le prochain que je souhaite écrire sera basé sur un sujet que j’ai aussi en tête depuis quelques R I C H A Rannées. DS Je prends mon temps. J’aime que les idées mûrissent dans mon esprit. Lorsque j’écris, j’aime être absorbée par le projet. histoire parle de rédemption. Je ne cherche pas à
LFC : On sent qu’à travers ce livre vous
ce que l’on aime ou non mes personnages. Je
aviez besoin de vous lâcher. Tout cela
veux simplement qu’ils soient eux-mêmes. D’où
s’explique avec ce que vous nous dîtes à
cette première personne qui est une façon
propos de votre travail.
d’enlever ma subjectivité et de lui laisser toute la place. De cette façon, je n’ai pas à le juger. Il peut
DR : Je ne prétends pas écrire des essais.
s’exprimer intégralement sans jugement. La chose
Cependant, grâce à mon travail - je suis dans
amusante, c’est que malgré sa profession, les gens
des cercles de ressources humaines, dans le
l’apprécient.
conseil et l’analyse - j’ai vu beaucoup de choses dans les coulisses de l’entreprise. Et
LFC : Il ne travaille pas seul. Il est accompagné
je crois que le livre est une manière
de Shadow.
d’analyser ce que j’ai vu. J’essaye de parler de sujets que je ne trouve nulle part ailleurs.
DR : Les sujets de fond sont surtout des sujets sociaux. Ce qui me titillait le plus, c’était les
110
LFC : Votre personnage Bleu est un tueur
notions de rédemption et de filiation. Et c’est ce
à gages corporate. Ses clients sont des
qui se passe avec Shadow. Il y a un rapport de
entreprises. Ses victimes des
filiation. Ce sont des liens qui interpellent. Le lien
entrepreneurs trop inspirés, des
entre les parents et les enfants est quelque chose
ingénieurs trop brillants, des talents trop
de très complexe. Le fait de ne pas choisir sa
menaçants. Pouvez-vous nous parler de
famille, mais de choisir ses amis est une idée très
ce personnage ?
forte.
DR : Au fur et à mesure du livre, Bleu va se
LFC : Votre livre est un thriller avec une
rendre compte qu’il est humain. Cette
mécanique de page turner.
DO
RAZE
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LFC
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DR : Lorsque j’écris, je découvre l’histoire en
LFC : Le fait de parler de l’entreprise dans
même temps que mon personnage. Je vais de
votre livre était une manière de parler des
surprise en surprise. Mes chapitres sont assez
dérives de notre société. Qu’en pensez-
courts, car c’est mon rythme d’écriture. Lorsque
vous ?
j’écris, j’entends une musique. DR : Absolument. Et de parler de la question LFC : C’est un livre plein de suspens, vous
des générations. Pour moi, c’est l’impuissance
parvenez à agripper le lecteur. Avez-vous
de tout individu face à l’obsolescence
rencontré des problèmes pour imposer S E ce LINA rythme ?
du système. Plus on avance, R I C Hprogrammée ARDS plus on vieillit. Et plus à un moment donné, nous sommes obligés de décrocher. Que ce
DR : Il y a des moments où je doutais. Il
soit dans votre travail ou dans votre quotidien.
m’arrivait parfois de me demander où je souhaitais aller. Je sais quel est mon propos de
LFC : Formulez-vous une critique ou
fond. Mais je n’ai pas de structure. Je ne sais
dressez-vous un constat ?
pas de quoi sera fait le prochain chapitre. À un moment donné, je pensais être à la fin, car je
DR : Plutôt un constat. Comme je viens d’un
n’avais plus cette sonorité en tête. Néanmoins,
univers où ce constat là est très vu et très
je sentais qu’il manquait quelque chose.
entendu, ce n’est que lorsque j’échange avec des personnes extérieures que je remarque
LFC : Vous parlez beaucoup des nouvelles
que cela ne s’applique pas partout.
technologies, du monde de l’entreprise moderne, le fait que l’on soit surveillé…
LFC : Pensez-vous que l’écriture soigne ?
Pourquoi ces thèmes vous inspirent-ils autant ?
DR : Non. Je crois que j’ai réussi à écrire des romans quand j’ai arrêté de parler de moi. Des
DR : Le monde de l’entreprise est un milieu très
gens le font très bien. Mais, moi, non.
compliqué qui devient de plus en plus pervers. Un exemple, ces sociétés paternalistes qui font
LFC : Dernière question pour terminer cet
tout pour que vous puissiez passer le plus de
entretien. Votre livre est sorti il y a quelques
temps possible sur votre lieu de travail. Toutes
semaines maintenant. À travers les
ces choses questionnent sur la liberté de
premiers avis de lecteurs, vous êtes-vous
l’individu. La question du progrès m’intéressait
sentie comprise ?
beaucoup, car c’est quelque chose que l’on ne
112
contrôle pas. Cela nous arrive à la figure à
DR : Pour la majorité, oui. Les premiers avis
pleine vitesse. Lorsque vous avez quarante ans,
étaient très concentrés sur le tueur à gages et
vous êtes censés maitriser votre art. Et dans les
très peu sur l’histoire d’amour entre Sacha et
faits, du jour au lendemain, les codes changent.
Shadow. C’est peut-être un le symbole d’un
Et vous n’êtes plus dans un environnement
mal-être qui subsiste dans notre société. C’est
familier. Tout change.
un livre de génération.
D O
R A Z E
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LFC MAGAZINE BEST SELLER
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JUIN 2018
JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHILIPPE MATSAS LEEMAGE
Mai 2018, nous rencontrons pour la première fois Jean-Christophe Grangé, extrêmement rare en entretien. La Fringale Culturelle existe depuis dix ans et c'est seulement maintenant que nous avons S E L I N A de R I Cle H Avoir R D S et nous en sommes très l'honneur heureux. Séance photos exclusives et entretien de grande qualité à propos de son nouveau roman "La terre des morts" (Albin Michel) avec en prime une information exclusive sur son grand succès "Les Rivières Pourpres".
LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
Cependant, ma raison d’être, c’est quand même
de votre nouveau roman La terre des morts
de rester chez moi et d’écrire des livres. Je n’ai
disponible (Albin Michel) depuis le 2 mai
pas un goût excessif à paraître. La preuve, je
2018 en librairie. Tout d’abord, comment
suis déjà à la moitié de mon prochain livre.
allez-vous ? LFC : Cela se voit puisque vous êtes assez JCG : C’est un peu la course en ce moment.
rare dans les médias, y compris chez nous !
Nous sommes en pleine promotion du livre. C’est une grosse rupture de ton, car je passe
JCG : Je n’aime pas cela. Tant que je peux
un an et demi environ à écrire mon livre. Et
éviter, j’évite. Mais aujourd’hui, je suis très
tout à coup, il faut parler à vingt personnes
content d’être avec vous pour parler de La terre
différentes dans la journée. C’est un
des morts. Mon travail, c’est d’écrire des livres.
changement d’atmosphère radical.
Je ne suis pas un adepte non plus des salons, des signatures…
LFC : Êtes-vous dans une forme d’euphorie avec le fait de partager votre livre avec les
LFC : Quel lien avez-vous avec vos lecteurs ?
lecteurs ? JCG : Le lien avec les lecteurs, ce sont mes
115
JCG : Absolument. Une vive euphorie, car
livres. J’essaye de faire mon boulot du mieux
l’accueil à propos de ce roman se présente
que je peux. Finalement, je crois que c’est le lien
bien avec de bonnes critiques. Ce qui est
principal. Même dans les salons, je trouve qu’il
pour moi, un énorme soulagement.
n’y a pas forcément de lien avec les lecteurs ;
vous leur demandez leur nom et puis au suivant. En revanche, je donne tout pour leur proposer les meilleurs livres possible. C’est comme un sportif, à chaque fois, je remets mon titre en jeu. Je n’ai pas le sentiment de facilité et d’aisance avec le succès. Mon idée, c’est plutôt le contraire, pour resterSàEniveau L I N et A satisfaire son public - avec la peur qu'il se fatigue - je me dois de toujours assurer. LFC : Dans votre nouveau livre La terre des morts, vous y allez très franchement ! JCG : (Rires) Tout le monde me le dit ! LFC : Quand vous avez démarré ce projet, aviez-vous la volonté d’y aller si fort ? JCG : C’est exactement ce que je me suis dit. En général, mes livres sont des voyages. Beaucoup d’entre eux se passent dans des pays lointains. Cette fois-ci, le voyage se passe dans le monde du porno, de la peinture… La première partie est très choquante. C’est une sorte de jungle. Je l’ai conçu de cette manière. J’ai voulu que mon héros descende dans les cercles de l’enfer. LFC : Et vous nous y emmenez… JCG : Exactement. J’aime énormément faire des voyages avec des rebondissements, des détours et surtout que nous ayons du mal à nous souvenir du point de départ. Dans ce livre, c’est tout à fait ce que j’ai essayé de faire. La fin n’a rien à voir. C’est le vrai plaisir du polar que de lire un livre et de voir la vérité
116
C’est comme un sportif, à chaque fois, je remets mon titre en jeu. Je n’ai pas le sentiment de facilité et d’aisance avec le succès. Mon idée, c’est le contraire, pour R I C Hplutôt ARDS rester à niveau et satisfaire son public avec la peur qu'il se fatigue - je me dois de toujours assurer. en filigrane qui vous explose au visage lors du dénouement. LFC : Connaissiez-vous le début et la fin de votre livre avant sa rédaction ? JCG : Oui. Et c’est pour cette raison que j’ai du mal à parler de ce livre. Mon idée de départ est mon idée d’arrivée. Je voulais vraiment écrire ce dénouement qui est très particulier. J’ai tricoté mes fausses pistes, mes ambiances… La vraie idée, c’est cette résolution original. Le jeu était de donner de fausses pistes aux lecteurs. LFC : Vous proposez une plongée dans les méandres du porno, du bondage et de la perversité sous toutes ses formes. Et pourtant, vous voulez nous faire comprendre que ce sont des gens ordinaires. JCG : C’est une chose que je pressentais. Et j’en ai eu la confirmation lorsque j’ai fait mon enquête. Tous ces gens ont une case particulière dans leur cerveau, mais qui pour le reste de la vie, ils sont tout à fait normaux. Il faut essayer de lutter contre
JEAN-CHRISTOPHE
GRANGÉ
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LFC
MAGAZINE
#10
Mes histoires sont quand même assez rocambolesques. Elles flirtent toujours avec une impression fantastique et impossible. En contrepartie, j’essaye toujours de cadrer mes histoires avec L I N un A R I souci C H A R D S du détail. un réalismeS Eet ce préjugé selon lequel un certain goût sexuel
histoires sont quand même assez
entraîne un comportement gênant. Pas du tout.
rocambolesques. Elles flirtent toujours avec une
Les gens dont je parle, et que j’ai rencontrés, ce
impression fantastique et impossible. En
sont des gens qui, le lendemain, remettent leur
contrepartie, j’essaye toujours de cadrer mes
costume et vont au travail comme tout le monde.
histoires avec un réalisme et un souci du détail.
Je suis un défenseur du libre désir. Chacun s’excite avec ce qu’il veut. Dans ce livre, mon
LFC : Vous parlez des êtres humains et de
personnage enquête sur un tueur de strip-
leurs tréfonds dans beaucoup de vos livres.
teaseuses et il va aller dans un univers qui est au-
Avez-vous appris des choses nouvelles avec
delà de la morale et de la normale. Cependant, il
celui-ci ?
n’est pas confronté directement au criminel. Il est entre deux eaux. J’aimais bien l’idée de cette
JCG : J’ai appris à être tolérant, à ne plus du tout
ambiance très sombre.
juger et à oublier une morale qui est pesante. Tous ces gens sont très sympathiques tout
LFC : Le livre a-t-il été difficile à écrire
d’abord. L’expérience que j’ai eue à Tokyo pour
émotionnellement ?
l’écriture de ce livre m’a permis de fréquenter un milieu underground que j’ai trouvé très tolérant.
JCG : Il y a toujours deux temps dans un livre. Le
Tous les désirs sont tordus. Le désir est fait pour
temps où vous collectez vos idées. Et ensuite un
s’écarter de la règle. Gardons-nous de juger ceux
très long temps d’artisanat et d’écriture qui est
qui ont un désir différent. Il faut être très détendu
finalement assez technique. C’est pendant cette
par rapport à cela.
période que j’essaye d’écrire du mieux possible l’histoire que j’ai en tête. Ce travail est assez
LFC : Cela demande à vos lecteurs d’être
paisible désormais avec l’expérience que j’ai.
bienveillants.
LFC : Vous souhaitez que cette histoire soit la
JCG : En lisant mes livres, les lecteurs acceptent
plus proche de la réalité. Pourquoi ?
d’être pris par la main. Ils espèrent être emmenés dans des mondes inconnus. Évidemment, tout le
JCG : Pour que le lecteur y croit à fond. Mes 118
monde va sursauter sous sa couette. Mais je
J E A N - C H R I S T O P H E L F C
M A G A Z I N E
G R A N G É # 1 0
pense que c’est ce qu’ils attendent. Ils vont suivre ce voyage initiatique dans un monde où l’amour est très proche de la mort. LFC : Votre livre parle d’art à travers la peinture. Est-ce une respiration pour que ce ne soit pas trop sombre ?
SELINA
JCG : Je l’ai conçu de cette manière. Je souhaitais que derrière cette barrière du porno
En écrivant ce livre, j’avais vraiment cette idée de dénouement jusqu’à l’explosion finale. J’ai une grande satisfaction. Celle que les lecteurs apprécient et R I C H Acomprennent RDS ce que j’ai voulu faire. C’est le signe que j’ai réussi mon coup.
et du bondage un peu asphyxiante, il y ait un personnage qui soit peintre et qui soit très lié à
personnage du commissaire Niémans dans Les
ce milieu. Je voulais que l’on arrive à une sorte
Rivières Pourpres. Il sera interprété par Olivier
de sublimation avec l’ombre de Goya qui pèse
Marchal. J’ai imaginé quatre histoires où le
sur toute cette histoire. Cela rappelle que
commissaire s’occupe de différentes enquêtes en
beaucoup de grands peintres ont peint des
France et en Allemagne. Et où les meurtres
prostituées. Il n’y a pas à s’économiser sur le
dépassent les compétences et les habitudes des
sexe quand vous parlez de l’homme, c’est un
gendarmes locaux. Cette fois-ci, c’est une femme
très très bon sujet.
qui assistera le commissaire. Les épisodes ont été tournés et vont être diffusés cet automne sur
LFC : Nous avons le sentiment que vous
France 2. Comme j’ai beaucoup aimé ces histoires,
assumez complètement ce livre.
j’ai décidé de les écrire dans un format de plusieurs livres plus court, quatre romans que je
JCG : Bien sûr. C’est romanesque et c’est au
suis en train d’écrire. L’idée serait d’en sortir un au
service du suspens. Je veux que mes lecteurs
moment de la série. Curieusement, mon éditeur ne
ne puissent plus fermer le livre une fois qu’ils
trouve pas que ce soit un problème qu’il sorte
l’ont commencé.
après. On verra.
LFC : Nous sommes en 2018. Nous fêtons
LFC : Êtes-vous heureux ?
cette année les vingt ans de votre livre Les rivières pourpres, adaptées au cinéma en
JCG : Très heureux. Surtout avec le bon accueil de
2000 par Mathieu Kassovitz. Ce livre vous a
ce livre. Je vais vous faire une confidence. En
amené partout. Seriez-vous partant pour
écrivant ce livre, j’avais vraiment cette idée de
d’autres adaptations de vos livres ?
dénouement jusqu’à l’explosion finale. J’ai une grande satisfaction. Celle que les lecteurs
120
JCG : La tendance actuelle, ce sont les séries.
apprécient et comprennent ce que j’ai voulu faire.
Il y a un projet en cours qui reprend le
C’est le signe que j’ai réussi mon coup.
LFC MAGAZINE LIVRE
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#10
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JUIN 2018
FRANCK CALDERON HERVÉ DE MORAS
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG FRANCK BELONCLE LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Avril 2018, Franck Calderon et Hervé de Moras nous reçoivent dans un appartement Parisien pour nous parler de leur deuxième roman "Là où rien ne meurt" (Robert Laffont / La Bête Noire). S E thriller L I N A R Iavec C H A R Dune S Un dimension policière, du suspense, du danger, une grande aventure mystérieuse et sentimentale, esprit que nous avions déjà fortement aimé dans leur premier roman, "La prétendue innocente des fleurs". Rencontre inédite.
LFC : Nous nous rencontrons pour votre
fleurs en 2015. Avec ce nouveau livre, on
deuxième roman en commun Là où rien ne
sent qu’il y a une cohérence entre les deux.
meurt. Nous insistons sur le fait que ce livre
Qu’en pensez-vous ?
est un roman. Êtes-vous d’accord ? FC : Nous sommes dans le même genre avec FC : Cela nous fait plaisir. En effet, nous n’avons
une vraie intrigue façon thriller. Il y a un danger
pas la volonté de faire du polar pur. Pour nous, il
de vie et de mort très fort et beaucoup de
y a une intrigue thriller avec une dimension
mystère. Il y a également un parcours initiatique
policière, du suspense, du danger. Ce livre est
avec un personnage qui va apprendre d’une
aussi une grande aventure mystérieuse et
aventure humaine et qui va évoluer. Ce sont
sentimentale.
des points communs avec le premier livre. Comme le dit Hervé, nous avons tous les deux
HDM : Nous avons un propos, comme dans le
essayé de travailler sur un propos. Le premier
premier roman. L’enquête est un support à ce
était le thème du pardon. Dans celui-ci, c’est la
propos, mais elle ne se suffit pas du tout à elle-
quête de l’éternité.
même. Le but du roman n’est pas seulement de
122
savoir qui a fait le coup, si toutefois quelqu’un l’a
LFC : Comment cette thématique s’est-elle
fait, mais plutôt d’aborder un propos.
imposée à tous les deux ?
LFC : Nous nous étions rencontrés pour votre
HDM : Ce livre est né d’un fait réel qui me
premier roman La prétendue innocence des
concerne plus particulièrement. Mon père est
décédé en 2001 et son cercueil a été emporté par les inondations de 2002. Pendant des années, nous n’avons pas su ce qui était arrivé à ce cercueil. Nous pensions même qu’il avait complètement disparu. Un jour, Franck m’a appelé en me disant qu’ils avaient
SELINA retrouvé mon père. Il venait tout juste d’entendre cela à la radio. Il était perché à dix mètres dans un arbre et attendait ici depuis quatre ans. Le thème me trottait depuis un moment dans la tête. L’exhumation fait
Nous n’avons pas la volonté de faire du polar pur. Pour nous, il y a une intrigue thriller avec une dimension policière, du du danger. Ce R I C Hsuspense, ARDS livre est aussi une grande aventure mystérieuse et sentimentale.
beaucoup penser à la vie éternelle. Et je trouvais qu’il y avait une continuité avec le
permanents par mail, par téléphone pour que
thème du pardon.
l’histoire soit la plus pertinente possible. D’ailleurs, certains dialogues de ce livre sont la
LFC : Ce livre est un travail en duo.
retranscription de nos propres dialogues.
Comment avez-vous travaillé ensemble ? LFC : Justement, on sent qu’il y a une certaine FC : Comme dans le premier, nous mettons
véracité dans les dialogues. Tout s’explique.
l’histoire au point ensemble. Nous n’écrivons pas tant que nous n’avons pas l’histoire. Une
HDM : Nous parlons beaucoup. La chose la plus
fois celle-ci terminée, nous la structurons en
importante est de ne surtout pas oublier le propos
chapitres et ensuite nous commençons
de fond. Le propos de Franck, c’est la quête de
l’écriture. Je prends les trois premiers
l’éternité. Mais il existe aussi une dimension
chapitres, Hervé les trois suivants, etc. Il
amoureuse. C’est un thème universel.
repasse ensuite sur ce que j’ai fait et je repasse sur ce qu’il a fait autant de fois que
LFC : Votre approche du romantisme est
nécessaire pour que l’on soit tous les deux
particulière. Vous l’abordez d’une façon assez
contents. Ensuite, il y a un travail organique,
unique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.
la structure évolue, les personnages prennent de l’importance. Les choses bougent
FC : On peut confondre le sentiment amoureux, ou
beaucoup.
l’amourette, avec l’amour avec un grand A. C’est plus de l’amour avec un grand A dont on parle. Ce
123
HDM : Concevoir l’histoire est ce qui nous
n’est pas du romantisme gnangnan. Le principe
prend le plus de temps. Lorsque l’on
de l’amour inonde un peu l’ensemble. On essaye
démarre, nous savons dans quelle direction
de s’appliquer pour que chaque personnage soit à
nous devons aller. Nous avons des échanges
un moment donné touché par l’amour. Mais ce
H E R V É
D E
M O R A S
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FC : En effet. Paul décide de se suicider le jour de la fin du Ce qui caractérise ces deux livres, c’est que l’amour est monde. C’est comme si les éléments s’étaient mis tous dans l’ADN de l’histoire. Ce ensemble pour le sauver en lui disant de ne pas n’est pas quelque chose qui est commettre cette erreur. Le démarrage peut faire penser à traité en parallèle comme un de la science-fiction. Seulement la situation de chaos personnage. L’amour est au permet de tout détruire pour pouvoir reconstruire cœur de notre problématique quelque chose. et de notre intrigue. Toutes les clefs principales sont dans les cœurs des gens. amusant que Paul veuille se S E L I N A RHDM I C H: Nous A R Dtrouvions S suicider le jour de la fin du monde. C’est une belle ironie. n’est pas forcément tomber amoureux de
(Rires)
quelqu’un, ce peut être l’amour de soi-même. Dans la vraie vie, tout le monde vit cela. Nous
LFC : Le pardon et la quête de l’éternité sont les
sommes sans cesse à la recherche d’amour.
thèmes de vos deux premiers livres. Avez-vous déjà une idée pour le troisième livre ?
HDM : Ce qui caractérise ces deux livres, c’est que l’amour est dans l’ADN de l’histoire. Ce n’est
HDM : Nous avons déjà une idée, oui.
pas quelque chose qui est traité en parallèle comme un personnage. L’amour est au cœur de
FC : Ce sera le libre arbitre et la conscience. Il y a toujours
notre problématique et de notre intrigue. Toutes
une continuité avec les deux précédents.
les clefs principales sont dans les cœurs des gens.
LFC : Là où rien ne meurt est disponible en librairie depuis le 15 mars 2018. Nous nous rencontrons
LFC : Votre personnage Paul Bénévent est un
quelques semaines après. Quels sont les premiers avis
auteur nîmois à succès. Est-il un double de
de lecteurs ?
vous ? HDM : Pour l’instant, ils sont très bons. Que ce soit les FC : Il vend beaucoup plus de livres que nous !
lecteurs ou les médias, jusqu’à présent, nous sommes très
(Rires)
contents.
HDM : Ce n’est pas un double de nous, mais cela
LFC : Les réactions des lecteurs vous surprennent-
nous paraissait assez harmonieux dans la
elles ?
trajectoire que l’on voulait lui imprimer. C’est
125
quelqu’un qui a eu une enfance assez difficile et
FC : Ce qui va plaire à l’un des lecteurs ne va pas
complexe. Il aurait pu mal tourner. Mais c’est la
forcément plaire à l’autre. Chacun y trouve son compte.
rencontre avec une femme qui va lui permettre
Cela vient probablement du genre, puisque c’est un
de s’ouvrir. L’écriture est une ouverture sur le
thriller, avec du mystère, du voyage, du danger, du
monde. C’est ce que nous voulions raconter.
romantisme…
LFC : Cela va bien avec le chaos que vous
HDM : Nous sommes toujours heureux de voir que les
installez dès le début du livre…
lecteurs prennent du plaisir à lire notre livre.
F R A N C K
C A L D E R O N
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LFC MAGAZINE BEST SELLER
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JUIN 2018
MAXIME CHATTAM PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - ARNAUD MEYER LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Mai 2018, nous avons rendez-vous dans les studios de photos de Leextra pour notre premier shooting avec Maxime Chattam, l’un des maîtres du thriller français dont l’imagination intarissable est régulièrement saluée par la presse. Il a vendu plus de 7 SELINA RICHARDS millions d'exemplaires en France et est traduit dans une vingtaine de pays. Aujourd'hui, c'est le cœur et la raison qui dessinent notre entretien inédit avec la publication de "Ambre, Autre-Monde" (Le Livre de Poche) dont les droits d'auteurs sont intégralement reversés à l'UNICEF. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
manière. Le temps est passé… Puis, j’ai proposé
d’un prequel de votre série Autre-Monde
à Véronique Cardi d’écrire un roman inédit pour
en partenariat avec l’UNICEF et Le Livre de
l’UNICEF où je donnerai cent pour cent de mes
Poche. Racontez-nous !
droits d’auteurs. Ma seule condition était que Le Livre de Poche s’engage à mes côtés. C’est ce
MC : C’était en 2016. Véronique Cardi
qu’ils ont fait.
(directrice du Livre de Poche) m’avait proposé de participer à un recueil de
LFC : Pourquoi avez-vous eu envie de vous
nouvelles pour l’UNICEF. Je trouvais que la
investir à ce point-là ?
thématique était chouette et le destinataire
128
génial. Comme ce projet était pour une
MC : La première raison est que la cause des
bonne cause, j’ai dit oui tout de suite. Et
enfants me touche. L’UNICEF a une mission
surtout, j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire.
noble où l’on ne peut pas remettre en question
Par la suite, j’ai été invité à l’UNICEF avec
leur éthique et leur efficacité sur le terrain. Les
d’autres auteurs afin qu’ils nous présentent
équipes présentaient les projets très clairement.
l’étendue de leur mission. À ce moment, je me
Ce qui m’a donné envie de faire quelque chose.
suis rendu compte que l’on connaît le nom,
Ensuite, il suffit de prendre du temps pour le
mais pas toujours ce qu’ils peuvent accomplir
faire. J’ai la chance de vivre de ma passion. Je
sur le terrain. Cela me parlait énormément en
n’ai pas de problème de fin de mois. C’est pour
tant qu’homme, en tant qu’écrivain et en tant
cela que je n’ai pas hésité à consacrer trois mois,
que père. Je leur ai dit à l’époque que je serai
voire quatre mois à ce projet. Plutôt que de faire
très heureux de les aider de n’importe quelle
un don, j’ai préféré me lancer dans cette
aventure qui pourrait récolter plus d’argent qu’une simple donation. J’ai passé une sorte de deal avec mes lecteurs. Au lieu de leur dire de faire un don pour l’UNICEF, je leur proposais d’acheter un livre afin qu’ils puissent eux aussi aider ces enfants. C’est
S E 1,50€ LINA pour cela que sur chaque exemplaire, sont reversés à l’UNICEF. LFC : 1,50€, c’est une somme qui correspond à une bonne partie du prix du
J’ai proposé au Livre de Poche d’écrire un roman inédit pour l’UNICEF où je donnerai cent pour cent de mes droits Ma seule R I C H A R d’auteurs. DS condition était qu'ils s’engagent à mes côtés. C’est ce qu’ils ont fait.
livre qui coûte 5€ en librairie. dans des situations compliquées et qui méritent MC : L’éditeur rembourse la fabrication. Les
peut-être mieux ? C’est pour cela que je me suis
distributeurs et les libraires prennent leur
lancé dans ce projet. Je voulais agir à ma manière
petite part au passage. On ne pouvait pas leur
pour ne pas avoir ce sentiment.
demander de faire un effort à ce niveau, car le marché des livres ne se porte pas très bien.
LFC : Ce que vous avez fait est très malin,
L’éditeur donne également une partie, et moi
puisque l’héroïne de votre roman n’est pas une
je verse entièrement ma partie à l’UNICEF.
adulte, mais une enfant…
Tout le monde est gagnant, puisque même l’acheteur a le sentiment de faire quelque
MC : Quand j’ai eu cette idée au départ, je n’ai pas
chose de bien.
voulu écrire un roman qui fait peur. Il fallait que je fasse un livre qui converge avec les missions de
LFC : Vous estimez-vous chanceux d’être
l’UNICEF et qui portent ses valeurs. C’est ce que
dans cette situation ?
fait le livre en mettant en avant des valeurs essentielles comme la fraternité, l’entraide, la
129
MC : Je suis un pur produit de la banlieue
curiosité… J’ai choisi de parler d’Ambre qui vit
parisienne. Je ne viens pas d’une famille qui
dans un monde assez violent
avait beaucoup d’argent. Et le fait de me
psychologiquement et qui est d’une inculture
retrouver dans cette situation où je peux vivre
assez forte. Cependant, elle arrive à survivre par
de ma passion est un luxe inestimable. Quand
le biais de la lecture. Je voulais montrer que la
vous avez la chance de vendre des millions
lecture est une porte pour s’élever. J’ai été
d’exemplaires dans le monde. Il y a une forme
jusqu’au bout de cette métaphore, puisque
de culpabilité qui se dessine. Je me suis
Ambre aime mêler son imaginaire à la réalité.
souvent posé la question pourquoi moi et pas
C’est un livre où l’on se pose beaucoup de
un autre. Pourquoi tous ces gens qui sont
questions sur le réel et l’imaginaire.
MAXIME
CHATTAM
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LFC
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LFC : Vouliez-vous absolument que ce livre soit
vivez-vous cela ?
court ? MC : Cette aventure part d’un caprice. À MC : J’espère que ce livre, à travers les valeurs
l’époque, je suis parti voir mon éditeur Albin
qu’il transmet, puisse rencontrer un public assez
Michel en leur disant que j’étais connu pour
large. Je voulais qu’il soit accessible à tous,
mes thrillers très documentés et très noirs.
notamment en termes de taille. J’ai plutôt
Seulement, j’avais envie de faire autre chose. Je
l’habitude d’écrire des livres épais ! (Rires) Parfois, certaines personnes ont peur de cela.S E L I N A
leur ai donc demandé de me suivre sur un
R I C H roman A R D Sd’aventures beaucoup plus populaire. C’est quelque chose qui ne me ressemble pas.
LFC : Vous avez donc relevé le challenge
Mais j’en avais besoin. Albin Michel a donné
d’écrire un livre de moins de deux cents pages.
son accord. Avant de signer les contrats, j’étais dans l’écriture du premier tome et je les ai
MC : Absolument. C’était un challenge important.
rappelés en leur disant que finalement, il n’y
Mais j’ai vite compris que je m’étais posé un cadre
aurait pas trois, mais sept tomes pour que ce
précis, notamment avec le personnage de la saga
soit plus digeste en termes de volume. Ils
Autre-Monde. Je ne pouvais pas forcément
avaient entièrement confiance en moi. Et ils ont
étendre l’histoire à l’infini. Sinon, j’allais trahir des
accepté. L’histoire est belle, car le premier tome
lecteurs. Globalement, je n’ai pas eu de difficultés.
s’est bien vendu. Le deuxième aussi, et aujourd’hui, ces romans d’aventures se
LFC : Ce livre est également une ouverture pour
vendent aussi bien que mes thrillers. Tout le
pouvoir commencer la saga Autre-Monde.
monde est très heureux. Et moi je me fais plaisir. Quel bonheur !
MC : Ce qui était fondamental, c’était que l’on puisse lire ce livre sans avoir lu les précédents. Je
LFC : Quels sont les avis à propos de cette
voulais que les gens achètent le livre pour servir
saga ?
une bonne cause. Si les gens peuvent embrayer ensuite sur la saga Autre-Monde, c’est très bien.
MC : Ce qui est amusant, c’est que des lecteurs
Mais ce n’est pas l’objectif premier. Il fallait que
qui ne lisaient pas forcément mes thrillers ont
le livre se suffise à lui-même.
été attirés par cette saga. Au final, ce que je perds d’un côté, je le gagne de l’autre.
LFC : Et c’est enfin un livre que votre enfant peut lire ! (Rires)
LFC : Autre-Monde au cinéma coûterait une fortune. Qu’en pensez-vous ?
MC : C’est vrai. Bientôt je l’espère. (Rires) MC : C’est certain. De plus, cela prendrait
131
LFC : La saga Autre-Monde, c’est sept tomes et
beaucoup de temps. Ceci dit, on peut - peut-
deux millions de lecteurs. Une aventure
être - penser que cette saga puisse un jour
extraordinaire. Avec un peu de recul, comment
devenir une série américaine… À suivre ! (Rires)
M A X I M E
C H A T T A M
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JUIN 2018
OMAR HASAN PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - CELINE NIESZAWER, LEEXTRA
Mai 2018. Nous avons l'honneur de rencontrer Omar Hasan, un parcours exceptionnel de l'argentine à la France, du rugby au chant, qu'il a S E L I N A R Iraconter CHARDS souhaité pour la première fois dans un livre, intitulé "La voix du rugby" (E/P/A). Séance photos exclusives et entretien poignant avec celui qui se sent aussi bien sur un terrain que sur une scène. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
toute cette folie autour de moi.
de votre autobiographie La voix du rugby (Éditions E/P/A). Est-ce la première fois que
LFC : Quelles relations aviez-vous avec les
vous publiez un livre ?
supporters et le public qui vous suivaient ?
OH : C’est la première fois. Je l’ai fait en
OH : J’ai eu de très bonnes relations avec eux.
collaboration avec Cathy Robin. C’est sa
Je suis quelqu’un qui aime les gens. J’aime
plume, c’est elle qui a compris exactement ce
parler et partager mon temps avec d’autres
que je voulais véhiculer. Je ne voulais pas
personnes. Cependant, il ne s’agissait pas
faire un livre comme la plupart des anciens
seulement de parler, mais aussi d’écouter. Cela
sportifs. Je voulais que ce soit différent et que
fait bientôt dix ans que j’ai arrêté le rugby. Et je
ce livre transmette un message aux lecteurs.
me suis toujours dit que personne ne se souviendrait de moi à la fin de ma carrière.
LFC : Vous avez eu une grande carrière et
Finalement, aujourd’hui, je continue de
vous avez créé beaucoup d’enthousiasme
discuter, d’échanger avec les gens
autour de vous. En êtes-vous conscient ?
principalement dans le monde du rugby et de la musique. Par exemple, en Argentine, bien que
OH : Je me suis rendu compte de cela une
je n’y aille pas souvent, je reçois toujours un très
fois que ma carrière s’est terminée. Lorsque je
bel accueil, tout comme avec les clubs par
jouais au rugby, j’étais dans ma bulle. J’étais
lesquels je suis passé.
concentré sur les différents objectifs à atteindre. Et je ne me rendais pas compte de 134
LFC : Il y a dix ans, votre carrière s’arrêtait,
La musique et le sport sont deux milieux différents. Cependant, ils ont le pouvoir de réunir les gens autour d’une même personne, d’une même passion, d’un même lieu. C’est une grande force.
mais d’autres choses s’ouvraient à vous. Simplement par curiosité, continuez-vous de jouer au rugby pour le plaisir ? OH : Un petit peu. Arrêter du jour au lendemain
INA pour moi était assez inconcevable. IlSyEaLdes choses qui ne me manquent pas comme les longs déplacements, les températures négatives, les terrains pourris en Écosse… Cependant, on était tellement habitué que l’on
Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui essaie de nous diviser avec nos différences. Cela R I C Hme A R D Srend triste. On peut vivre tous ensemble en respectant les différences de chacun.
oubliait tout cela. Aujourd’hui, je m’oblige à être dehors, à aller à la rencontre des gens
livre et cela résume bien votre parcours de
pour garder ce rythme.
sportif et de chanteur. Vous avez cette passion pour le chant depuis l’âge de sept ans.
LFC : Pratiquez-vous d’autres sports ?
Racontez-nous !
OH : Je fais de la course à pied, de la
OH : Je crois que je l’ai même depuis ma
musculation. C’est quelque chose que j’ai
naissance. C’est toujours quelque chose qui m’a
toujours aimé. C’est important de se sentir
excité. J’étais en Argentine il y a peu de temps, et
bien physiquement à n’importe quel âge.
j’ai revu mes copains d’école primaire. Nous nous sommes souvenus de l’époque. J’étais celui qui
LFC : Vous avez joué trois coupes du
faisait le pitre, celui qui chantait lors des réunions
monde, vous comptez plus de soixante
de famille, j’ai toujours pris énormément de plaisir
sélections en équipe nationale, vous avez
à faire cela. Un professeur de chant m’a dit un jour
eu une carrière incroyable. Vous sentez-
à New York que j’avais l’obligation de chanter et
vous gâté ? Heureux ?
qu’il fallait que je profite de ce don pour en faire profiter les gens. Je n’avais pas compris à ce
OH : Je ne réalise pas. Jamais je ne pensais
moment-là ce qu’il me disait. Mais, aujourd’hui, je
atteindre ces objectifs au début de ma carrière.
comprends.
Il y a eu beaucoup d’obstacles, mais finalement à force de travailler, vous arrivez
LFC : La musique, c’est fédérateur…
toujours à réaliser vos rêves. Il ne faut pas s’arrêter devant un échec. Et c’est ce que je
OH : Aujourd’hui, nous vivons dans une société
voulais raconter dans ce livre.
qui essaie de nous diviser avec nos différences. Cela me rend triste. On peut vivre tous ensemble
LFC : La voix du rugby, c’est le titre de votre
136
en respectant les différences de chacun.
C’est une photographie qui réunit toutes les classes et tous les gens. J’aime me moquer de moi-même. Et je le fais beaucoup dans mon nouveau spectacle. Je veux casser cette image du rugbyman costaud et brut. Je fais cela pour réunir un public plus large. S E L I N A R I C H au A R D Smessage que je Cette photo correspond veux véhiculer. LFC : La notion de vivre ensemble, on la
OH : Je suis en train de préparer un
retrouve aussi dans le rugby…
nouveau spectacle qui commencera à la rentrée. J’ai aussi des
OH : La musique et le sport sont deux
interventions prévues dans différents
milieux différents. Cependant, ils ont le
festivals et dans le sud-ouest de la
pouvoir de réunir les gens autour d’une
France où je garde des attaches très
même personne, d’une même passion,
fortes.
d’un même lieu. C’est une grande force. LFC : Quel sentiment avez-vous eu LFC : La photographie de la couverture
la première fois que vous avez eu
de votre livre est très drôle. Pouvez-
ce livre en main ?
vous nous en parler ? OH : J’ai adoré la couverture, la OH : Absolument. C’est une photographie
photo… C’est un bel objet. Je suis très
qui réunit toutes les classes et tous les
perfectionniste. Et c’était important
gens. J’aime me moquer de moi-même. Et
pour moi que le moindre détail ne
je le fais beaucoup dans mon nouveau
soit pas laissé au hasard.
spectacle. Je veux casser cette image du rugbyman costaud et brut. Je fais cela
LFC : C’est un livre très positif.
pour réunir un public plus large. Cette
Qu’en pensez-vous ?
photo correspond au message que je veux véhiculer.
OH : C’est sûr que les choses n’ont pas été faciles tout au long de ma vie.
138
LFC : Votre actualité actuellement, c’est
J’évoque sans tricher des moments
la sortie de votre livre. Ceci dit, pourra-t-
intimes et profonds avec beaucoup
on vous voir sur scène prochainement ?
d’optimisme.
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JUIN 2018
COLUM MCCANN
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PATRICE NORMAND, LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES PAR PATRICE NORMAND LEEXTRA
ENTRETIEN INÉDIT PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG
Mai 2018, nous avons rendez-vous dans un hôtel parisien très cosy, dans le quartier de Saint-Germain avec Colum McCann pour nous parler de son livre "Lettres à un jeune auteur" (Belfond) S E s'adresse L I N A R I C H Aà R D tous S qui les écrivains en herbe. C'est le livre qui vous donnera l'envie d'écrire avec des conseils précieux et une franchise propre à Colum McCann. Photos exclusives et entretien inédit.
LFC : C’est un plaisir de vous retrouver
livre n’était pas du tout prévu, car je suis en
Colum McCann. Votre livre Lettres à un
plein milieu d’un gros projet de roman sur
jeune auteur vient tout juste de sortir chez
lequel je travaille depuis longtemps. C’est un
Belfond. Comment l’idée d’écrire ce livre
accident positif. (Rires)
est-elle née ? LFC : L’idée d’aller ailleurs avec ce livre vous CMC : Merci beaucoup de me recevoir, c’est
a-t-elle plu ?
toujours un plaisir. À vrai dire, j’ai commencé à écrire ce livre sur internet. Je ne suis pas
CMC : J’aime être ailleurs et être là où l’on ne
vraiment fan des réseaux sociaux. De voir ce
m’attend pas. J’aime passer d’un roman à une
que les gens mangent le matin et de voir des
pièce ou un film. Une partie de moi pense qu’il
chats sauter partout ne me passionne pas
n’y a pas forcément de différence entre tous ces
tellement. Cependant, mon éditeur m’a
moyens d’expression. Un journaliste devrait être
suggéré un jour de m’inscrire sur Facebook
vu de la même manière qu’un poète. Je ne vois
afin de donner un conseil par semaine à de
pas de différence.
jeunes lecteurs. J’ai accepté et l’aventure a commencé.
LFC : Lettres à un jeune auteur, c’est votre nouveau livre. Pourquoi ce projet était-il
LFC : C’est une façon assez amusante
important pour vous ?
d’avoir commencé ! CMC : C’était tout d’abord un hommage à CMC : Amusante et surtout inhabituelle. Ce 141
Rainer Maria Rilke qui a écrit Lettres à un jeune
poète en 1924. Donner des conseils à de
Écrire un bon livre est donné à tout le monde. Vous comme moi. vingt-cinq ans, car je suis également Ce n’est pas parce quelqu’un a écrit un bon livre que vous n’en professeur. J’aurais aimé lire ce livre étant êtes pas capable. Quand vous jeune. C’est certainement pour cette raison allez dans un bar, vous ne qu’il me tenait à cœur. comparez pas les histoires que se SELINA RICHARDS racontent les autres personnes. LFC : Vous donnez des conseils avec un Chacun a sa personnalité. Et style bien à vous. personne n’est meilleur que l’autre. Vous faites ce que vous pensez être capable de faire. CMC : La chose amusante, c’est que lorsque jeunes lecteurs, c’est ce que j’ai fait depuis
j’ai fait mon premier cours, j’ai dit à mes élèves que je ne leur apprendrai rien. Ils
sportif, il y a beaucoup de travail derrière. Le
m’ont tout de suite montré qu’ils n’étaient pas
footballeur Léo Messi fait du yoga, de la gym. Il
contents. (Rires) Je n’apprends pas
s’entraîne dur chaque jour pour que lorsqu’il arrive
forcément, mais je veux que ce que je dis
sur le terrain, il soit le plus performant possible.
serve à quelque chose. Je suis comme
Pour un écrivain, c’est la même chose.
l’homme des cavernes. Je donne du feu. Et ils en font ce qu’ils veulent. Je m’intéresse à la
LFC : C’est intéressant que vous preniez la
spiritualité également. Et je crois qu’il existe
métaphore du sport. Vous dîtes d’ailleurs qu’il
un rapport avec le fait d’écrire des livres.
n’existe pas de Jeux olympiques de la littérature.
LFC : Vous y allez fort parfois avec le lecteur, notamment quand vous parlez du
CMC : Beaucoup de gens pensent qu’en écrivant
syndrome de la page blanche où vous les
un livre, on va décrocher une médaille à la fin.
tutoyez en leur disant qu’il faut qu’ils
Mais, c’est faux. Écrire un bon livre est donné à
gardent leur cul sur la chaise.
tout le monde. Vous comme moi. Ce n’est pas parce quelqu’un a écrit un bon livre que vous n’en
CMC : Je les tutoie, car je souhaitais être
êtes pas capable. Quand vous allez dans un bar,
démocratique. Je voulais être comme un
vous ne comparez pas les histoires que se
souffle dans leurs oreilles et surtout ne pas
racontent les autres personnes. Chacun a sa
leur raconter de mensonges. S’ils gardent
personnalité. Et personne n’est meilleur que
leur cul sur la chaise, rien ne pourra leur
l’autre. Vous faites ce que vous pensez être
arriver. Il faut prendre du recul, car c’est très
capable de faire.
difficile de devenir écrivain. Je n’aime pas les
142
gens qui disent oh c’est terrible, je n’arrive pas
LFC : Ce livre est rempli de passion, d’envie, de
à écrire. Un écrivain, c’est comme un
dynamisme… Cela donne envie d’écrire un
L'écriture, c’est l’arme la plus puissante. Le fait de raconter les histoires des autres peut nous sauver. Je peux aussi bien raconter l’histoire d’un jeune à Chicago qui sera lue par un jeune de Paris. Écrire casse les barrières avec une puissance que l’on ne SELINA RICHARDS retrouve nulle part ailleurs. livre !
LFC : L’écriture est-elle une façon de casser les murs ?
CMC : C’est fantastique que ce livre vous procure ce sentiment. C’est exactement ce
CMC : Exactement. Parfois, nous
que je voulais. Je veux inspirer les gens. Je
pensons à petite échelle, sans nous
souhaite qu’ils persévèrent dans leur
rendre compte de l’effet que cela peut
projet. Si vous voulez vraiment écrire un
avoir. C’est la beauté de la littérature.
livre, vous devez être capable de ne pas
Rencontrer des gens ouvre l’esprit et
pouvoir écrire pendant dix heures, juste
ouvre les cœurs. C’est ce que j’ai voulu
être assis à réfléchir et attendre
faire à travers mon organisation qui
l’inspiration. Ce qui m’énerve, ce sont les
s’appelle Narrative 4. Des personnes
gens qui prennent la voie facile, qui se
de milieux complètement différents se
mettent dans une bulle et qui n’ont pas
rencontrent et discutent. C’est très
d’ouverture d’esprit. Le monde évolue
enrichissant et cela casse les barrières.
chaque jour. Il est dommage de ne pas s’en inspirer.
LFC : L’écriture, est-elle aussi une arme ?
LFC : Pensez-vous que les écrivains d’aujourd’hui s’expriment assez ?
CMC : C’est l’arme la plus puissante. Le fait de raconter les histoires des autres
144
CMC : Je ne veux pas paraître arrogant.
peut nous sauver. Je peux aussi bien
Mais je pense qu’à l’heure actuelle, les
raconter l’histoire d’un jeune à Chicago
auteurs doivent agir. Aux États-Unis, et moi
qui sera lue par un jeune de Paris.
le premier, nous sommes trop silencieux. Il
Écrire casse les barrières avec une
faut être en colère. Il faut parler. Nous ne
puissance que l’on ne retrouve nulle
sommes pas assez dangereux.
part ailleurs.
C O L U M L F C
M C C A N N
M A G A Z I N E
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JUIN 2018
DENIS TILLINAC
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG JULIEN FAURE LEEXTRA
Mai 2018, nous avons rendezvous avec Denis Tillinac pour parler des 50 ans de mai 68 qu'il évoque dans son nouveau livre "Mai 68 l'arnaque du siècle" (Albin Michel). Photos exclusives et entretien inédit.
LFC : Nous nous rencontrons pour la
votre démarche, c’est que vous nous donnez
parution de votre livre Mai 68, l’arnaque du
une autre image de cette période.
siècle (Albin Michel). Pour quelles raisons avez-vous décidé d’écrire ce livre ?
DT : C’est le regard au naturel de quelqu’un qui n’était pas du tout politisé. Par héritage familial,
DT : Cette période a produit des effets
j’étais gaulliste. Mais le gaullisme était un
catastrophiques et je voulais raconter
romantisme. Je connaissais à peine les
comment l’altitude d’un petit étudiant de
différents partis et tout à coup je tombe sur des
vingt ans qui était plongé là-dedans avait
bandes de copains qui étaient tous politisés ou
vécu cela. Il était important de faire
en voie de politisation. Au fil du temps, j’ai vu
abstraction de toute la réflexion qu’il y a eu
disparaître une sorte de bonne franquette au
par la suite. Je considère que l’héritage est
profit d’un langage de plus en plus militant,
calamiteux à tous égards. Le discours sur
d’une vision beaucoup plus manichéenne avec
cette période est récurrent depuis les années
la construction d’une sorte de démonologie.
soixante-dix. Je savais très bien qu’on lirait ici
Petit à petit, j’ai vu les copains les plus subtils et
ou là que Mai 68 fut généreux, festif, ludique
les plus malicieux s’enliser dans un sectarisme
et créatif. Mais la vérité c’est qu’il n’en a rien
inauthentique. Tout cela n’avait aucun sens à la
été. C’est pour cela que j’ai voulu témoigner.
fin des années soixante. En définitive, ils mettaient sur le dos de la société leur malaise
147
LFC : Nous avons lu votre livre comme un
intime. Être mal dans ses pompes, on l’est tous à
témoignage. Et ce qui est intéressant dans
vingt ans. Je l’étais aussi.
LFC : Au début du livre, vous êtes très spectateur de cette période. DT : Je ne pouvais pas être acteur. Si vous n’aviez pas les codes et le langage militant, vous n’aviez pas le droit à la parole. LFC : Vous vous posiez la question de savoir pourquoi ils allaient tous dans cette direction à l’époque. Avez-vous la réponse aujourd’hui ?
Je ne pouvais pas être acteur. Si vous n’aviez pas les codes et le langage militant, vous n’aviez pas le droit à la parole.
DT : Je crois oui. Le marxisme additionné au
ont filé à leurs enfants et petits-enfants bobos une
freudisme vous donne un plat cuit qui vous
France pas très avenante.
permet d’interpréter le monde et de prétendre le transformer.
LFC : Mai 68 est-il une conséquence de ce qui se passe aujourd’hui ?
LFC : Ce livre est en librairie depuis le 16 mai 2018. Quand l’avez-vous écrit ?
DT : Héraclite disait que l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il n’y a pas de prêt-à-porter
DT : C’est un réflexe qui m’est venu lorsque
idéologique qui pourrait focaliser des révoltes. La
l’on a sommé le président afin qu’il y ait des
société est tellement communautarisée aujourd’hui
commémorations pour Mai 68. Je me suis dit
que ce n’est pas possible. Ce sont des luttes
que tout le monde allait dire que c’était un
individualistes et des égos mal dans leur peau. Nous
moment de ludisme, de création… Mais ce
sommes à une époque où il va falloir repenser et
n’était pas vrai. C’est un mensonge officiel qui
reconstruire avec des grilles de lecture inédites. Celles
dure depuis près d’un demi-siècle. Je veux
de jadis ou de la guerre sont inopérantes.
dire à ma génération et au gouvernement actuel de bazarder cet héritage que Lénine
LFC : Mai 68, l’arnaque du siècle, c’est le titre de
appelait les poubelles de l’histoire. Il faut
votre livre. Peut-on y voir une certaine colère ?
arrêter et tout reconstruire. DT : Oui. Les leaders militants de l’époque étaient plus LFC : Que pensez-vous de cette
âgés que les étudiants. Et ils les ont manipulés. Ils ont
commémoration ?
voulu soixante-huitariser leurs enfants et aujourd’hui c’est un désastre. À l’inverse des étudiants, ces
148
DT : Elle est boiteuse, foireuse et honteuse.
leaders ont su se planquer dans des postes au sein du
On voit bien qu’ils ne sont pas fiers d’eux. Ils
gouvernement ou de la fonction publique.
DENIS
TILLINAC
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Il y a une course à l’innovation permanente qui risque de rendre les gens fous. Un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté disait Georges Bernanos. Nous sommes probablement dans la plus grande mutation historique de l’humanité.
LFC : Nous sommes en 2018, quelle vue avez-
LFC : Quelles sont les
vous sur la société ?
solutions selon vous ?
DT : Il y a une course à l’innovation permanente
DT : La France est un pays qui
qui risque de rendre les gens fous. Un monde
est doué pour le bonheur. Le
gagné par la technique est perdu pour la liberté
Français est toujours plus
disait Georges Bernanos. Nous sommes
heureux qu’il n’en convienne.
probablement dans la plus grande mutation
Cependant, il faut quand même
historique de l’humanité. C’est une réalité qui est
leur donner des motifs et je
difficile à affronter et qui donne lieu à des
crois qu’il y en a beaucoup.
crispations identitaires en tous genres. Churchill
L’héritage de Mai 68 est en train
disait à propos du conservatisme qu’il faut savoir
de disparaître. Et c’est une
couper des arbres pour que la forêt soit encore
bonne chose, il n’y a rien à en
plus belle.
garder.
L’héritage de Mai 68 est en train de disparaître. Et c’est une bonne chose, il n’y a rien à en garder. 150
D E N I S
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JUIN 2018
J.R. DOS SANTOS PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Mai 2018, J.R. Dos Santos s'est fait connaître en France avec son roman "La Formule de Dieu". Aujourd'hui, de passage à SParis, E L I N A R il I C nous H A R D S rend visite pour une séance de photos au cœur de la capitale. Entretien inédit avec J.R. Dos Santos pour nous présenter son nouveau roman "Signe de vie" (HC Éditions). LFC : Nous nous rencontrons pour parler
un accident ou une nécessité. Un très grand
de votre nouveau roman Signe de vie
biologiste français, Jacques Monod, a écrit un
disponible en librairie (HC Éditions) depuis
livre justement à ce sujet Le hasard et la
le 3 mai 2018. Ce livre est déjà sorti au
nécessité. Il en a conclu que c’était un hasard.
Portugal. Va-t-il être publié dans d’autres
La conséquence philosophique de tout cela,
pays ?
c’est que l’univers n’a aucun sens, c’est un hasard. Cependant, il y a un tas de découvertes
JRDS : Le livre sera publié dans d’autres pays
récentes qui montrent que ce n’est pas un
prochainement. La France est le premier pays
hasard, mais plutôt une nécessité. Dans
où le livre est traduit.
certaines conditions, la vie va émerger nécessairement. La vie est inscrite dans les lois
LFC : Comment est née l’idée d’écrire ce
de la nature. L’idée avec ce livre, c’était de
livre ?
débattre sur ce sujet passionnant.
Quand j’ai écrit La Formule de Dieu, je me
LFC : Ce Signe de vie signifie que nous ne
demandais ce que la science avait découvert
sommes pas seuls dans l’univers. Le pensez-
au sujet de Dieu. Pour répondre à cette
vous vraiment ?
problématique, je me suis beaucoup
153
rapproché de la physique. Pour Signe de vie,
JRDS : Oui je le pense. Dans ce roman, il y a un
c’est à peu près la même chose, mais du côté
signe qui arrive de l’espace, probablement une
de la biologie. Il y a un débat très intéressant
navette. La NASA décide d’organiser une
dans ce domaine, celui de savoir si la vie est
rencontre avec cet objet. Ce livre est basé sur
quelque chose qui n’est pas tout à fait fictionnel, mais qui va déclencher une aventure et amener à un débat : qu’est-ce que la vie ? LFC : Ce qui est intéressant, c’est que votre
SELINA personnage Tomás n’est pas astronaute, mais est historien. Pouvez-vous nous en parler ? JRDS : Exactement. Tomás est dans cette
Il y a un tas de découvertes récentes qui montrent que ce n’est pas un hasard, mais plutôt une nécessité. Dans certaines conditions, la vie va émerger nécessairement. La R I Cvie H A Rest D S inscrite dans les lois de la nature. L’idée avec ce livre, c’était de débattre sur ce sujet passionnant.
mission, car il est chargé de faire la liaison avec l’autre côté. S’il n’existait pas, ce ne
pas de la même manière en voyant ce Signe
serait pas aussi passionnant. Il joue le rôle de
de vie.
médiateur avec cet objet inconnu. JRDS : Tomás est un personnage qui a la LFC : Il existe une dimension religieuse
particularité d’être globe-trotter. Il voyage
également dans ce livre.
beaucoup et est en contact avec de nombreuses cultures. Je trouvais intéressant de montrer ce
JRDS : Quand on me parle de La Formule de
côté voyageur, un peu à la manière de Tintin.
Dieu, on me dit que c’est un roman sur la
Avec Tintin, on voyage en Chine, en Arabie, en
religion, mais c’est faux. C’est un roman sur la
Amérique du Sud… Ici, on voyage dans l’espace,
science et sur la philosophie. Je comprends
on comprend petit à petit le but de cette
que l’on me dise cela. Au début de
expérience.
l’humanité, il n’y avait pas de réponses scientifiques qui existaient alors on se
LFC : Vous êtes d’ailleurs très précis sur ce
penchait tout de suite vers la religion pour
thème. Avez-vous fait beaucoup de
expliquer les choses. Puis, on a découvert des
recherches ?
systèmes, des méthodes et des expériences pour arriver à répondre à ces questions. La
JRDS : Oui. J’ai eu la chance de rencontrer un
science est venue petit à petit remplacer la
astronaute qui m’a expliqué tout ce qu’il
religion en traitant les mêmes questions. Ce
ressentait dans l’espace. Il fallait que le lecteur
sont deux façons différentes de traiter le sujet.
vive cette expérience comme s’il y était. L’idée de voyager est très présente dans le livre, mais
154
LFC : Au fur et à mesure du livre, vous nous
ce n’est pas seulement un voyage
faites voyager dans plusieurs pays et nous
géographique. C’est aussi un voyage dans la
remarquons que chaque pays ne réagit
connaissance et dans les cultures. Dans cette
J.R.
DOS
SANTOS
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Quand on aborde ce sujet, on pense inévitablement à la science, aux mathématiques ou à la biologie. Mais en réalité, lorsque l’on écrit un roman, il faut présenter la réalité dans un ensemble. Le sujet scientifique se mélange avec le sujet culturel ou le sujet politique. La dimension de la réalité est multidisciplinaire. Un évènement de ce type aura des conséquences scientifiques, philosophiques, et aussi culturelles. C’est important que le roman présente la L I N A façon R I C H A crédible. RDS réalitéS Ed’une histoire, il y a une Hongroise, un Québécois, deux
de ce type aura des conséquences scientifiques,
Américains, un Chinois… Il y a également une
philosophiques, et aussi culturelles. C’est
compétition avec les Russes.
important que le roman présente la réalité d’une façon crédible.
LFC : Cette histoire pourrait-elle devenir réelle un jour ?
LFC : Vous parlez d’éléments parfois assez techniques, mais vous parvenez avec brio à le
JRDS : Complètement. Je voulais écrire un roman
rendre accessible à tous.
qui soit crédible. Si un jour cette situation arrive, j’aimerais voir comment l’humanité réagira. C’est
JRDS : La science n’est pas si compliquée. Vous
la question que je me suis posée. J’imagine que
savez, le travail des scientifiques n’est pas
Time’s Square sera rempli de gens et que la Tour
d’expliquer les choses. Ce sont des gens qui font
Eiffel scintillera… Cela va se passer, c’est une
des recherches, mais qui ne communiquent pas
évidence. Dans ce roman, j’essaye de reproduire
très bien. Moi, c’est le contraire, je suis un
toutes les conséquences sociologiques que cette
communiquant. J’essaye de comprendre les
rencontre pourrait engendrer.
idées et de les expliquer à tout le monde. C’est tout ce qui m’intéresse. J’ai souvent des lecteurs
LFC : Le point de départ de ce livre vient de
qui me disent que s’ils avaient lu le livre étant
votre passion pour la science. Mais derrière
jeune, ils auraient peut-être aimé la physique ou
tout cela, il y a aussi le côté social qui vous
la biologie. C’est mon défi et mon travail.
intéresse. LFC : Il y a un travail de recherches, un travail JRDS : Quand on aborde ce sujet, on pense
de rédaction, un travail au niveau de la
inévitablement à la science, aux mathématiques
construction des personnages… C’est un gros
ou à la biologie. Mais en réalité, lorsque l’on écrit
travail !
un roman, il faut présenter la réalité dans un
156
ensemble. Le sujet scientifique se mélange avec
JRDS : Pour exprimer un sujet, il faut tout d’abord
le sujet culturel ou le sujet politique. La dimension
le comprendre. Pour la physique, cela a été très
de la réalité est multidisciplinaire. Un évènement
dur. J’ai toujours un expert avec moi qui m’aide à
J . R .
D O S
S A N T O S
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vérifier les détails et qui m’explique si je ne comprends pas quelque chose. La chose amusante, c’est que lorsque je creuse un sujet scientifique, il m’arrive de rentrer en débat avec les experts et quelques fois je remarque qu’ils ont tort, car il y a des
S E LLeI N A découvertes qu’ils ne connaissent pas. plus important, c’est de comprendre le sujet. Si je ne comprends pas, je ne peux pas l’expliquer. Les scientifiques ont tendance à utiliser des mots trop complexes alors que mon travail d’écrivain, c’est que tout le
Beaucoup d’écrivains pensent que le plus important, c’est le style. Je ne suis pas d’accord. Les mots doivent rester invisibles. Vous ne devez voir plus que des images lorsque R I C Hvous A R D S lisez. Vous êtes à côté de Tomás, à coté de la navette et vous ne faites plus attention aux mots. L’histoire est au service de la vérité.
monde me comprenne. Beaucoup
LFC : Le jour où vous verrez La Formule
d’écrivains pensent que le plus important,
de Dieu au cinéma, allez-vous quand
c’est le style. Je ne suis pas d’accord. Les
même avoir une petite émotion ? (Rires)
mots doivent rester invisibles. Vous ne devez voir plus que des images lorsque
JRDS : Je ne sais pas. (Rires) Je suis très
vous lisez. Vous êtes à côté de Tomás, à
pragmatique à ce sujet. Ce n’est pas mon
coté de la navette et vous ne faites plus
travail de faire des films. Un film, c’est un
attention aux mots. L’histoire est au service
autre langage. Si je dis la plus belle femme
de la vérité.
du monde dans un livre, vous allez imaginer votre plus belle femme. Mais
LFC : Vous racontez une fiction, mais
dans un film, c’est différent. La force de
pourtant on se sent très proche de la
l’imaginaire est beaucoup plus forte dans
réalité. Votre écriture est très
les livres. Avec les mots, on construit des
cinématographique, ce qui nous amène à
images. Chaque lecteur va construire un
une question, est-ce qu’il y a des projets
monde dans sa tête. Et je ne pense pas
pour le cinéma ?
que l’on ait besoin d’un film pour en arriver là.
JRDS : Les droits de mon livre La Formule de Dieu ont été achetés. Les autres également.
LFC : Connaissez-vous le sujet de votre
Mais ce que je dis souvent, c’est que mon
prochain livre ?
travail, ce n’est pas de faire des films. J’écris
158
des livres, ils achètent les droits et chacun
JRDS : Oui, je le connais. Mais je ne sais
fait son travail. Le scénario de La Formule de
pas encore s’il sera publié en France.
Dieu est terminé, ils ont un financement et
C’est un roman qui se passera à Macao
ils cherchent désormais le bon réalisateur.
pendant la Deuxième Guerre mondiale.
L'ENTRETIEN DE LA COVER - MUSIQUE JUIN 2018
LEJ
PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Céline Nieszawer
INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
Mai 2018, nous avons rendez-vous avec le trio musical de chant, percussion et violoncelle, révélée par le succès inattendu en août 2015 grâce à leur vidéo "Summer 2015" postée sur YouTube, dans laquelle elles reprennent les tubes planétaires. Leur "Summer 2015" se hisse à la première place. Aujourd'hui, elle publie début juin leur deuxième album "Poupées russes". Entretien chaleureux et séance de photos exclusives.
LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de votre deuxième album Les poupées russes. Cette fois-ci, vous avez décidé de mettre uniquement vos propres compositions. Était-ce important ? Lucie : C’est une envie que nous avions bien avant le premier album. Nous avions annoncé la tournée du premier album, car nous voulions que les gens puissent profiter de toutes ces chansons que nous avions reprises, pour qu’ils les chantent avec nous. Nous voulions inscrire nos reprises dans le temps. Nous savions qu’un jour nous allions faire un album avec nos propres compositions. C’était important pour nous de nous exprimer, de montrer notre musique et de partager nos émotions les plus profondes. Juliette : Les reprises nous ont permis de construire notre style, notre histoire, de savoir jusqu’où nous pouvions aller avec des voix et des violoncelles. Nous voulions développer ce que nous savions faire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons commencé avec des reprises, car à aucun moment nous ne nous sommes dit que des violoncelles et des voix pouvaient donner quelque chose sur scène
LFC MAGAZINE #10 | 160
pendant deux heures. La scène nous a beaucoup aidés. À chaque date, nous essayions d’arranger et de réarranger les morceaux. LFC : Et plus vous arrangez les chansons, plus elles deviennent vos propres compositions… Elisa : Effectivement. Merci de le souligner ! (Rires) C’est sûr qu’avec l’arrangement, on ne part pas d’une feuille blanche. Comme nous avons la chance de nous connaître depuis que l’on a un an, tout se fait instinctivement. Comme disait Juliette, à force de réarranger les morceaux, cela nous a donné envie d’aller plus loin. Nous voulions faire des choses qui n’existent pas. Il y a d’ailleurs une composition dans l’album qui découle d’une composition que nous avions faite au début et qui n’avait rien à voir. Pour nous, cet album, c’est l’album numéro un. Et l’album de reprise est l’album zéro. LFC : Comme vous le dîtes, cet album vous a permis de vous rôder, d’expérimenter des choses avec plus de deux cents dates de concert. C’est énorme ! Lucie : Notre musique prend du sens sur scène. Quand on travaille sur l’album, c’est difficile de figer le violoncelle et la voix, c’est assez aseptisé. Sur scène, on s’amuse beaucoup plus qu’en studio. Nous sommes
LEJ - LFC MAGAZINE #10
beaucoup moins dans le perfectionnisme, dans le chanter juste. Il y a un lâcher-prise sur scène où nous nous réalisons. LFC : C’est une aventure musicale, mais aussi une aventure humaine puisque vous vous connaissez depuis l’enfance. Elisa : Si nous n’étions pas amis, rien de tout cela ne serait arrivé. Avant d’être une histoire de collègues, c’est surtout une histoire de potes. Notre histoire va au-delà de l’amitié. Nous avons vécu tellement de choses ensemble, qu’aujourd’hui, nous avons une relation fraternelle. L’avantage lorsque vous avez ce genre de relation, c’est que vous pouvez vous disputer un jour, et le lendemain, tout est oublié. La complicité que j’ai avec ces deux filles-là, je ne la retrouverai jamais ailleurs. Juliette : C’est aussi pour cela que nous avons appelé cet album Poupées russes. Les poupées russes, ce sont de petites dames qui s’emboîtent, qui se protègent et qui sont infinies. Le groupe forme une personne, même si nous sommes plusieurs personnes à la fois. Lucie : Nous sommes toutes différentes, et en même temps, tellement complémentaires. Cette histoire d’amitié a fait que ce projet a plu aux gens. C’était quelque chose de vrai, et je crois qu’ils le ressentaient de cette façon. Beaucoup de gens ont des amis d’enfance et peut-être qu’ils se sont retrouvés en nous.
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Notre histoire va au-delà de l’amitié. Nous avons vécu tellement de choses ensemble, qu’aujourd’hui, nous avons une relation fraternelle. L’avantage lorsque vous avez ce genre de relation, c’est que vous pouvez vous disputer un jour, et le lendemain, tout est oublié. LFC : Poupées russes, c’est aussi une manière de surprendre le public. Derrière chacune d’entre vous, il y a des choses que vous n’avez pas encore montrées. Êtes-vous d’accord avec cela ? Juliette : Tout à fait. Nous avons fait des reprises, puis des compositions à travers des influences musicales très différentes. Elisa : Sur cet album, il y a des chansons qui sont amenées par les influences de l’une et de l’autre. Ce qui a été incroyable, c’est qu’à chaque fois qu’une de nous trois proposait quelque chose, nous étions toujours emballées par l’idée. Lorsqu’une chanson ressemblait à l’une, cela finissait par ressembler aux autres. Lucie : Tout ce que nous n’avons pas pu montrer avec les reprises, nous l’avons mis dans cet album. LFC : Quelles sont les thématiques que vous abordez dans cet album ? Lucie : La chanson Poupées russes parle de notre amitié. Nous voulions mettre des mots sur notre
LEJÂ LFC MAGAZINE #10
amitié et sur ce que nous ressentions les unes pour les autres. Le buzz parle de ce qui nous est arrivé avec le groupe. C’est un titre qui a été émotionnellement compliqué à écrire. Puis, il y a des sujets qui sont nés de conversations que l’on a entre filles de vingt ans où l’on rigole. On parle de mecs, du fait de se faire chier au lit… (Rires) D’ailleurs, il y a une chanson qui en parle et qui s’appelle Saine sainte n’y touche. Juliette : Il n’y a pas de tabous entre nous. Et nous ne voulions pas en mettre dans nos chansons. C’est pour cela que nous avons dû apprendre à mettre des filtres avec les autres gens. Entre nous, nous sommes très brutes de décoffrage. Tout est très spontané. Elisa : Le point commun de tout que nous abordons, c’est une espèce de dualité. Le titre Par ego dit que nous faisons des choses qui sont parfois positives, mais parfois très négatives. Se faire chier au lit, sur le moment, c’est sûr que ce n’est pas agréable. Mais finalement, ce n’est pas très grave. Il y a le titre Miss Monde qui dit que l’on veut s’en aller. Mais qu’au final, nous sommes très contentes de ce qui nous arrive. LFC : C’est le plaisir des contradictions ! Juliette : Nous avons beaucoup de chance d’avoir eu l’éducation que nous avons eue. Nous avons habité à Saint-Denis tout en allant à l’école dans le seizième arrondissement de Paris. Il y avait déjà cette dualité lorsque nous étions jeunes. Elisa : C’est une chance énorme d’avoir grandi dans une ville aussi multiculturelle. LFC : Avez-vous le sentiment d’avoir porté votre pierre à l’édifice en rassemblant la musique urbaine et la musique classique ? Lucie : Nous n’avons pas instauré ce mouvement, mais il est vrai que lorsque
LFC MAGAZINE #10 | 164
nous avons commencé, c’était un moment où beaucoup de gens commençaient à mélanger ces deux styles. Nous avons même des parents qui viennent nous voir en nous disant que leurs enfants commencent à prendre des cours de violoncelle. Elisa : Toutes les personnes qui ont une certaine notoriété apportent ce genre de choses aux personnes qui les suivent. LFC : Nous aimons beaucoup le titre La nuit. L’avez-vous composé vous-même ? Juliette : Nous avons composé la musique et nous écrivons avec notre manager Cyril Ozarm qui est aussi parolier sur tout l’album. Lucie : Au commencement de cet album, nous savions que nous voulions écrire en français. Nous n’avons jamais eu la prétention de nous prendre pour Gainsbourg. Ceci dit, chanter en français, c’était un vrai challenge. Nous
Chanter en français, c’était un vrai challenge. Nous adorons la dualité, les jeux de mots. Il y a toujours au moins deux sens de lectures dans nos textes.
adorons la dualité, les jeux de mots. Il y a toujours au moins deux sens de lectures dans nos textes. Elisa : C’est important de travailler avec des gens qui humainement dégagent quelque chose. Nous avons besoin d’avoir une relation intense avec les gens qui nous entourent surtout dans ce milieu compliqué. LFC : Pouvez-vous nous raconter votre expérience avec Mathieu Kassovitz ?
Le nouveau disque de douze titres de LEJ, Poupées russes, disponible en magasin et sur toutes les plateformes digitales.
Lucie : C’était une rencontre incroyable. La rencontre entre lui et les membres du groupe a eu lieu le jour même sur le plateau. Il était très professionnel, très sympa. Il a beaucoup aimé la chanson. Et il a dit oui tout de suite. Juliette : Tout comme Jérôme Le Banner et Naila, les deux acteurs du clip. Ils ont été très professionnels. LFC : Une tournée est-elle prévue ? Elisa : Notre tournée commencera le 29 septembre 2018 à Nîmes, puis continuera tout l’automne avec un passage à la Salle Pleyel le 26 octobre 2018. Et en 2019, nous allons peut-être faire du théâtre… À suivre !
TINA ARENA LFC MAGAZINE #9
Musique LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018
LOUIS DELORT Et aussi... ANTSA ET MENDRIKA - FORAY - GINTA ANTOINE ÉLIE - MATHIEU DES LONGCHAMPS
Louis Delort, plus libre que jamais Louis Delort vient de publier son EP de cinq titres inédits Stockholm avec en plus le single Le monde est à rendre accompagné d'un clip visible sur Youtube et les chaînes TV musicales. Nous l'avons rencontré au mois de mai à Paris pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit dans lequel il nous confie la sortie de son nouvel album prévu courant septembre. LFC : Le public vous a découvert dans l’émission The Voice diffusée sur
LD : C’est ainsi que je voyais les
TF1. Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de cette aventure ?
choses. Personne ne savait ce que cette aventure pouvait
LD : Je n’ai que de bons souvenirs de cette émission. J’ai eu la chance
engendrer. Le fait d’arriver second
d’arriver jusqu’à la dernière semaine et de pouvoir profiter de chaque
m’a un peu protégé. Le vainqueur
instant. C’est du bonheur, de grosses émotions, des rencontres avec de
a en quelque sorte l’obligation de
grands artistes comme mon coach Garou par exemple.
faire un album rapidement. Il faut être prêt pour tout cela. Je voulais
LFC : Et c’est aussi une expérience de télévision hors du commun…
prendre le temps de préparer mes chansons et mon univers.
LD : Exactement. C’est la première fois que je travaillais de manière quotidienne avec un coach. Je travaillais ma voix, ma façon de me tenir
LFC : Comment s’est passé l’après
sur scène… Même si à la télévision, le spectateur ne voit qu’une
The Voice ?
séquence de cinq minutes avec le coach. Dans la réalité, c’est un peu plus d’une heure. J’ai trouvé qu’il prenait vraiment son rôle à cœur.
LD : Tout a été très vite. J’ai participé à la comédie musicale
LFC : Vous êtes arrivé deuxième de l’émission. Et vous avez déclaré
1789 avec cent vingt dates de
dans une interview que vous aviez eu la chance de ne pas gagner.
tournée et plus de deux mois de
Expliquez-nous !
LFC MAGAZINE #10 167
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE
Je me sens extrêmement chanceux, mais c’est difficile de s’en rendre compte. C’est uniquement quand on descend du train et qu’on attend le prochain que l’on prend conscience qu‘on a eu de la chance d’aller aussi vite et aussi fort. J’ai eu très peu de temps pour prendre du recul et pour me rendre compte des rencontres avec les artistes. Tout va à une vitesse folle. préparation, les NRJ Music Awards, des clips, la
musique. Mon projet.
tournée The Voice… C’était une période très intense. Dès que je suis sorti de l’émission, je suis tout de
LFC : Pouvez-vous nous parler de votre expérience
suite rentré dans un autre wagon. Et j’ai surtout
avec le groupe Louis Delort & The Sheperds ?
continué à apprendre de nombreuses choses. Je voulais continuer de vivre mon métier à fond. C’est
LD : C’était un entre-deux. Je suis sorti de The Voice
ce que j’ai fait.
avec une notoriété acquise très rapidement. Et je suis arrivé dans une maison de disques qui voulait
LFC : Vous considérez-vous chanceux de vivre de ce
me faire travailler sur un album solo. Je leur ai dit
métier ?
tout de suite que je souhaitais travailler avec mon groupe. Après quelques désaccords, ils ont quand
LD : Je me sens extrêmement chanceux, mais c’est
même voulu tenter l’expérience.
difficile de s’en rendre compte. C’est uniquement quand on descend du train et qu’on attend le
LFC: Le clip Outre Manche nous a beaucoup
prochain que l’on prend conscience qu‘on a eu de la
amusés. Pouvez-vous nous en parler ?
chance d’aller aussi vite et aussi fort. J’ai eu très peu de temps pour prendre du recul et pour me
LD : Nous avons passé de vrais bons moments
rendre compte des rencontres avec les artistes. Tout
entre potes. Nous avons passé plus de seize heures
va à une vitesse folle.
dans ce minibus que la production avait loué. Nous sommes partis en Angleterre. Nous nous sommes
LFC : Vous avez joué dans la comédie musicale
baladés à Londres avec nos instruments. Et nous
1789. Avez-vous envie de réitérer l’expérience dans
avons surtout beaucoup rigolé.
une autre comédie musicale ? LFC : Il s’est passé du temps depuis cette LD : Pas forcément. S’il y a un très gros projet qui se
expérience. Aujourd’hui, nous nous rencontrons
présente et que je ne travaille pas sur un album, je
pour parler de votre nouvel album. Le train s’est
peux y réfléchir. Mais ce n’est pas mon envie
arrêté. Et vous grimpez dans un nouveau wagon.
première. Je préfère me concentrer sur ma
169 LFC MAGAZINE #10
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE
Aujourd’hui, je me sens légitime et mature pour pouvoir écrire mes propres chansons et les chanter. Pendant les trois ans où j’étais tranquille, j’ai pu prendre le temps d’organiser tout cela. J’avais un autre regard sur certains morceaux. LD : Tout à fait. Je suis allé me nourrir de la vie,
que la Terre ne nous appartient pas. C’est une
d’horizons différents. Après l’expérience de la
chanson assez utopique. J’ai choisi ce titre
comédie musicale 1789, je suis retourné à la
pour éviter les incompréhensions pour les
campagne. Là d’où je viens. Afin de me poser
gens.
les bonnes questions, savoir ce que je voulais. J’ai eu la chance de gouter à tout. Et je ne
LFC : Vous avez écrit ce texte. Comment est-il
savais plus vraiment ce que je voulais faire. En
né ?
me posant et en y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que j’avais envie de créer de
LD : Il est né d’un malentendu. Ce sont des
nouveau un disque. Et de pouvoir mettre enfin
questions que je me posais et qui m’ont amené
les chansons que j’avais sur un support pour
à réfléchir. Je fonctionne assez simplement : je
les partager.
construis d’abord une mélodie, j’écris mon texte, puis je l’arrange pour qu’il y ait une
LFC : Vous chantez et vous écrivez aussi.
profondeur et une résonance.
LD : Sur le premier album, j’ai écrit et composé
LFC : Le clip vient de sortir et on sent que vous
plusieurs titres. Même si j’aurais voulu en faire
proposez quelque chose dont vous aviez
plus, c’était déjà très bien pour un jeune artiste.
vraiment envie.
Aujourd’hui, je me sens légitime et mature pour pouvoir écrire mes propres chansons et les
LD : J’ai fait cet album grâce au financement
chanter. Pendant les trois ans où j’étais
participatif après avoir passé quatre ans dans
tranquille, j’ai pu prendre le temps d’organiser
une major. C’était une période où je n’étais pas
tout cela. J’avais un autre regard sur certains
forcément le plus à l’aise. Et je pense que
morceaux.
c’était la même chose de leur côté. Peut-être que je n’étais pas l’artiste dont ils avaient
LFC : Le premier single est Le monde est à
besoin. Je me suis dit que pour le prochain
rendre. Pouvez-nous nous en parler ?
album, je voulais avoir la main et le regard sur tout. Je suis un artiste sincère. Et j’ai besoin de
LD : Dans cette chanson, j’appuie sur le fait que
croire en ce que je fais. Cet album me
le monde n’est pas à vendre. Je considère
ressemble beaucoup. Je gagne en liberté.
171 LFC MAGAZINE #10
LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018
GINTA L'INTERVIEW
LFC MAGAZINE #10 172
LFC : Bonjour Ginta ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? G : Depuis mon plus jeune âge, j’aime l’art de manière générale. J’ai fait du théâtre, de la danse, de la musique… J’avais une préférence pour la musique, même si à l’époque ce n’était qu’une passion. Et à aucun moment, je ne me suis dit que j’allais en faire mon métier. À dix-neuf ans, j’ai décidé de m’inscrire en sciences politiques à Milan simplement pour trouver de l’inspiration pour mes chansons. Tout au long de mes études, j’ai continué à développer ce côté artistique. En parallèle, j’ai fait une formation pour devenir ingénieur du son pendant quatre ans. J’étais la seule fille de la classe, mais j’ai beaucoup appris. J’ai ensuite eu la chance de faire de la musique pour la télévision, pour la radio, pour le cinéma… C’était très enrichissant. LFC : Vous avez décidé de commencer par les coulisses de la musique avec cette formation.
Toute en grâce sensuelle et en fausse ingénuité, Ginta est une femme libre avec un premier single Mais oui Mais non actuellement disponible avec un clip sublime qui mélange l'esprit futuriste et celui de Brigitte Bardot. Photos exclusives au siège de Sony Music et entretien inédit. LFC MAGAZINE #10 173
G : Je l’ai fait, car j’étais curieuse. Je voulais connaître tous les détails d’une musique jusqu’à ce qu’on l’entende à la radio. Désormais, je connais toutes les possibilités lorsque je suis en studio. Je sais ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Parfois, j’ai des idées que j’ai du mal à exprimer. Produire est quelque chose qui me passionne beaucoup.
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA
J’adore le cinéma français, italien des années soixante. C’est quelque chose que j’ai dans l’âme, dans le sang. Brigitte Bardot est quelqu’un qui incarne des valeurs dans lesquelles je m’identifie. J’aimais l’esprit qu’il y avait à l’époque. LFC : Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour
nous comprendre.
votre premier single Mais oui, mais non. Êtes-vous beaucoup intervenue dans la production ?
LFC : Vous n’étiez pas encore née lorsque ces artistes se produisaient. Comment les avez-vous
G : Absolument. J’ai travaillé avec un tout jeune
découverts ?
producteur italien de vingt ans. Vingt ans, c’est l’âge moyen de la nouvelle génération de
G : J’adore le cinéma français, italien des années
producteurs électro. Nous avons créé une sorte de
soixante. C’est quelque chose que j’ai dans l’âme,
laboratoire où nous avons fait beaucoup
dans le sang. Brigitte Bardot est quelqu’un qui
d’expérimentation jusqu’à trouver ce qui nous
incarne des valeurs dans lesquelles je m’identifie.
convenait le plus. Je me suis aussi servi de mon
J’aimais l’esprit qu’il y avait à l’époque.
expérience aux États-Unis où j’ai vécu quelques années. L’idée de collaborer avec d’autres
LFC : Votre univers est très coloré, très girly.
personnes me plaît beaucoup. G : C’est un rose particulier. Nous avons voulu LFC : Mais oui, mais non nous rappelle le titre Tu
mélanger le côté traditionnel (stylisme, costumes,
veux ou tu veux pas ? de Marcel Zanini repris par
maquillage…) avec le côté moderne. J’ai étudié les
Brigitte Bardot. Connaissez-vous cette chanson ?
nouvelles technologies à San Francisco et je m’en suis servie pour ce clip. C’est un clip très futuriste,
G : Tout à fait. Brigitte Bardot est une grande
un peu comme si vous aviez Brigitte Bardot en
inspiration pour moi. C’est un symbole du cinéma,
version 2.0. Nous avons reçu onze nominations pour
mais aussi de la musique des années soixante
des festivals de cinéma. Je suis très heureuse de ce
avec Serge Gainsbourg. Dans la musique, on
bel accueil.
n’invente plus rien. Ce sont des cycles qui se répètent. On ne peut plus tout faire nous-mêmes.
LFC : Qui a réalisé ce clip ?
Nous sommes tous inspirés par de grands artistes. Et ce titre est une sorte d’hommage que
G : C’était une collaboration entre les pays baltiques,
je leur rends. Cette chanson représente aussi
la Suisse et la France. J’ai aussi participé à la
l’esprit de la femme. Parfois, on pense une chose
production, car j’adore toucher à tout. Je ne peux
et on en dit une autre. On ne sait jamais où on se
pas juste arriver et chanter quelque chose qui ne
situe. Et c’est compliqué pour les hommes de
m’appartient pas.
174 LFC MAGAZINE #10
LFC : Ce titre vient de sortir en France. Va-t-il sortir dans d’autres pays ? G : Grâce au digital, il va pouvoir être écouté dans le monde entier. Il va y avoir une version italienne et une version russe de la chanson. C’est quelque chose qui se faisait beaucoup à l’époque. Et je suis très heureuse que certains producteurs aient encore cette idée. De plus, la Russie est une région très vaste. C’est une bonne opportunité pour la chanson. LFC : Quelle relation entretenez-vous avec le succès ? G : Le succès est quelque chose de naturel pour moi. Je ne travaille pas pour cela. Je travaille, car j’adore ce que je fais. Je veux partager des émotions. Et une vision avec le plus de monde possible. Le succès est individuel. Chaque jour m’amène mon lot de satisfaction et de bonheur. Je suis inscrite au Conservatoire à Paris également. Ce qui me permet de poursuivre mes études et de garder les pieds sur terre.
LFC : Pourquoi avez-vous décidé de chanter en français ? G : J’adore la France. C’est un petit hommage au pays que j’aime le plus au monde. Peut-être que j’étais française dans une vie précédente. (Rires) J’ai pris énormément d’inspiration dans ce pays. LFC : Un album est-il prévu ? G : Nous le préparons. Et j’espère que nous pourrons le sortir prochainement.
Antsa & Mendrika L'INTERVIEW
LFC MAGAZINE #10 177
LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS MATHIEU GENON LEEMAGE
Duo solaire, Antsa & Mendrika accompagnera votre été avec un premier single Je suis comme toi, entre feelgood et joie de vivre. Mai 2018, nous avons rencontrés les deux espoirs de la chanson française déjà soutenues par Vianney pour une séance de photos exclusives et un entretien inédit. LFC : Pouvez-vous nous raconter vos débuts
A : Le fait de chanter depuis toutes petites nous
dans la musique ?
a permis de nous améliorer quotidiennement. Nous faisions nos propres cours de chant en
A : Nous chantons depuis que nous sommes
nous corrigeant. C’est de cette façon que nous
toutes petites. Nous chantons tous les jours
sommes devenues très complémentaires.
dès que nous en avons l’occasion. C’est lié à notre culture malgache qui est une culture
LFC : Puis il y a eu l’aventure internet. À quel
où l’on chante beaucoup. Tout est venu de
moment avez-vous décidé de vous lancer ?
façon assez classique. M : À un moment donné, nous nous demandions M : Nous avons commencé le solfège dès
ce que les gens pourraient bien penser de notre
l’âge de six ans. Puis nos parents nous ont
travail. Beaucoup de personnes postaient des
beaucoup formés musicalement en nous
vidéos de reprise sur internet. Alors nous nous
faisant écouter de la musique très jeune.
sommes dit, pourquoi pas nous.
C’est de cette façon que nous nous sommes familiarisées avec la musique.
A : La première reprise que nous avions faite était Radioactive du groupe Imagine Dragons.
LFC : Une fois vos premiers pas musicaux
C’est le groupe Lili Cros & Thierry Chazelle qui
effectués, que s’est-il passé ensuite ?
nous avait appris à nous enregistrer nousmêmes. Nous voulions voir ce que cela pouvait
M : Nous avons commencé sérieusement le
donner sur les réseaux.
travail de composition à l’âge de douze ans, puis tout est venu naturellement. Je crois
LFC : Vous avez l’air plutôt discrètes dans la vie.
surtout que notre histoire est une histoire de
Mais dès qu’il s’agit de chanson ou de concert,
famille. Notre mère est peintre et notre père
vous vous donnez à fond.
écrivait des poèmes. Il y a donc cet esprit créatif au sein de notre famille.
M : C’est vrai. Nous ne sommes pas des personnes très extravagantes. Que ce soit dans
LFC : L’expression Ensemble ou pas du tout
la vie ou dans les études. (Rires)
correspond à l’état d’esprit de votre duo ? A : Mais sur scène, on se lâche vraiment. C’est
178 LFC MAGAZINE #10
C’est une chanson qui dit que l’on peut avoir des émotions similaires face à des événements. Parfois la différence peut faire peur. Nous ressentons tous les mêmes émotions. C’est une chanson positive et tolérante. un moment où l’on peut tout oublier. Nous en
début. Nous prenons beaucoup de risques. Parfois cela
apprenons un peu plus sur nous à chaque
marche. Parfois, cela ne marche pas. Mais il faut toujours
fois.
tenter.
LFC : Les réactions furent plutôt bonnes sur
LFC : Qu’avez-vous fait justement lorsque cela ne marchait
les réseaux sociaux. Que s’est-il passé dans
pas ? Comment avez-vous trouvé la force de rebondir ?
vos têtes ? M : Il faut persévérer et se dire que tout est possible, même A : Cela nous donne envie d’en faire plus. Et
quand la chance est infime.
surtout de pouvoir nous améliorer de chanson en chanson.
LFC : Votre premier single s’appelle Je suis comme toi. Cette chanson est-elle un morceau miroir en rapport avec vous ?
M : Ce que nous aimons, c’est s’approprier des chansons et y ajouter notre touche
A : C’est plus général. C’est une chanson qui dit que l’on peut
personnelle. C’est pour cela que nous
avoir des émotions similaires face à des événements.
souhaitons continuer dans cette voie. M : Parfois la différence peut faire peur. Nous ressentons LFC : Et c’est grâce à cela que vous vous
tous les mêmes émotions. C’est une chanson positive et
faites remarquer. Racontez-nous !
tolérante. Ce qui est vraiment intéressant dans la musique, c’est qu’à chaque chanson que nous faisons, nous essayons
M : Suite au concours de chant Il était une voix
de faire passer un propos que le public peut s’approprier.
que nous avons gagné toutes les deux en 2016, nous avons pu rencontrer des
LFC : Pouvez-vous nous parler de la scène ? Que vous
producteurs. Nous avions gagné le droit de
procure-t-elle ?
faire un single avec eux. Ce que nous avons fait. Ils ont beaucoup aimé au point de nous
M : C’est presque vital pour nous. Nous préférons la scène
proposer de faire un album.
au studio. Ce sont des moments de partage avec le public et des moments d’émotion entre nous.
A : Nous avons dit oui tout de suite ! (Rires) Avant, tout cela nous semblait impossible.
A : Ce que l’on aime beaucoup, c’est l’adrénaline. Nous avons l’impression d’être en connexion avec ceux qui nous
LFC : Vous êtes des personnes plutôt
écoutent.
discrètes. Cependant vous osez. Est-ce votre force ?
LFC : Votre premier album est prévu pour début juin. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
A : C’est notre philosophie de vie depuis le
M : Plein de surprises ! (Rires) Plus sérieusement, nous sommes très contentes, car il y a plusieurs de nos compositions. Nous avons aussi travaillé avec d’autres compositeurs et artistes avec qui tout s’est très bien passé. A : Ce qui est amusant dans cet album, c’est que nous avons travaillé avec des personnes d’univers totalement différents. C’est notre premier album. Nous avons envie de mettre des choses qui nous ressemblent comme des ballades, des chansons acoustiques assez simples et optimistes. M : Nous voulons que cet album soit une pause dans le temps pour ceux qui l’écoutent. LFC : Quelles sont les thématiques que vous allez aborder ? A : Nous parlons de voyage, d’évasion, de tolérance, de perte de mémoire… Nous avons hâte de le partager avec notre public. LFC : Avez-vous l’impression de vivre un rêve ? M : Nous sommes conscientes de la chance que nous avons. C’est beaucoup de travail. Mais nous profitons de chaque instant.
LFC MAGAZINE #10• JUIN 2018
L'INTERVIEW
Mathieu des Longchamps
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA
Nouveau dans le paysage musical, Mathieu des Longchamps propose un premier EP de quatre titres Héros anonyme, dans lequel il rend hommage aux gens ordinaires - comme nous - qui affrontent les épreuves d'une vie dans le silence. Séance de photos exclusives et entretien inédit avec un nouveau talent à suivre de près... LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de
MDC : Oui. Comme je le disais, j’ai gardé des
votre EP Héros anonyme. Pouvez-vous nous
attaches très fortes avec le Panama. Ce qui est
raconter vos débuts dans la musique ?
paradoxal, c’est lorsque vous êtes le plus éloigné de cette réalité qu’elle vous revient en plein visage.
MDC : Assez simplement pour être honnête.
Les dernières chansons que j’ai écrites, je les ai
Mes parents sont musiciens. Et depuis tout
écrites en Italie, à une période où je n’avais pas été
jeune, il y avait de la musique à la maison. Je
au Panama depuis longtemps. Tout m’est revenu
disais souvent que plus tard, je ferais comme
d’un coup.
papa et maman, sans savoir trop pourquoi. Et finalement, après avoir essayé plusieurs
LFC : Ce côté voyageur se ressent beaucoup dans
instruments, je me suis pris d’amour pour la
les titres que vous nous proposez dans vos
guitare. J’avais quinze ans. C’était une
chansons.
révélation. C’est à ce moment-là que je me suis
dit que je voulais devenir musicien.
MDC : Au départ, ma mère est chanteuse de folk. Ce qui m’a beaucoup influencé. Cette musique me
LFC : Durant votre enfance, vous avez beaucoup
touche directement. Il y a quelque chose
voyagé…
d’inexplicable qui arrive droit au cœur. Mes parents faisaient aussi de la musique latino. Et ce
MDC : En effet, je suis né au Canada. Nous
genre a aussi été important pour moi. J’ai aussi
avons ensuite été au Panama très brièvement.
écouté de la variété française, du jazz… Bref,
C’est là-bas où j’ai fait mes premiers pas. Nous
toutes ces influences se sont regroupées. Et c’est
étions dans un environnement et une ambiance
pourquoi une certaine diversité cohabite dans ce
à la Robinson Crusoé. Nous étions loin de tout.
projet.
Cette période a vraiment marqué mon enfance. Ensuite, nous sommes partis à Paris. Tous les
LFC : Le titre Héros anonyme part-il d’un point de
étés, nous retournions au Panama. J’en garde
départ personnel ?
d’excellents souvenirs. MDC : Le fait de voyager est quelque chose LFC : D’où l’un des titres de cet EP : Sentir
d’extraordinaire. Mais il ne faut pas oublier que
encore.
l’on s’éloigne des gens qui nous sont chers. Ce
183 LFC MAGAZINE #10
Lorsque vous portez des chansons en vous depuis longtemps, c’est une sorte de libération de les sortir. On a le sentiment de laisser partir ses enfants. Cela permet d’aller de l’avant et de se concentrer sur l’avenir. titre parle de ma vie qui à un moment a été
l’époque, j’étais avec une fille sublime. Je vivais un moment magique, un
difficile. Il y a eu une grosse déception et
moment où les astres se mettent en place. Et finalement, ce moment ne
cela a été un gros tournant. Je me suis
s’est pas passé comme prévu. J’ai proposé à cette fille d’aller se baigner,
rendu compte que beaucoup de gens qui
mais elle a décliné. J’ai été confronté à la réalité. Il y avait un décalage entre
vivent des moments difficiles vivent cela
nous. À la base, ce titre était en espagnol. Mais finalement, je l’ai traduit en
en silence. Personne ne peut rien faire pour
français pour que les francophones se l’approprient.
eux. Je trouve que ce sont des héros du quotidien.
LFC : Pourquoi avoir voulu mélanger les langues ?
LFC : Vous vous êtes rendu compte que
MDC : J’ai plusieurs facettes. Celle du parisien où mon quotidien c’est la
vous n’étiez pas seul ?
variété française et la richesse culturelle de la France. Et puis il y a le Panama, la Méditerranée… Dans ces moments-là, je ne peux pas
MDC : On se rend compte que l’on est
m’empêcher d’écrire en espagnol. C’est instinctif.
beaucoup à être seul. Donc finalement, nous ne sommes pas si seuls. (Rires) Je
LFC : Comment définiriez-vous votre style musical ?
suis quelqu’un qui a la foi en Dieu. Et je me suis beaucoup raccroché à cela lorsque j’ai
MDC : Aujourd’hui, les styles se mélangent de plus en plus. Cela va avec
eu des coups durs.
l’époque dans laquelle nous vivons. Je dirais que ma musique est de la musique folk en français mélangée à de la musique latine. Avec une petite
LFC : Avez-vous écrit le morceau Ni les
pointe de jazz également. La guitare me permet d’aller sur des horizons
nuages ni le vent à la même période ?
différents.
MDC : Cela parle du sentiment de tenir très
LFC : Votre disque Héros anonyme est disponible depuis le 27 avril 2018.
fort à quelque chose, de tout faire pour le
Quel a été votre sentiment lors de sa sortie ?
garder. Mais comme on ne contrôle pas tout, à un moment donné, avec les nuages
MDC : Lorsque vous portez des chansons en vous depuis longtemps, c’est
et le vent, on perd le contrôle. On a beau se
une sorte de libération de les sortir. On a le sentiment de laisser partir ses
faire de grandes promesses, parfois, cela
enfants. Cela permet d’aller de l’avant et de se concentrer sur l’avenir.
ne dépend pas que de nous. Il faut s’incliner face à la vie.
LFC : Un album est-il en préparation ?
LFC : Pouvez-vous nous parler du titre
MDC : Nous avons déjà enregistré six morceaux au Studio Saint-Germain.
Rumba Clara ?
J’ai eu la chance de collaborer avec des musiciens incroyables avec
lesquels nous avons enregistré en live. Nous sommes peut-être sur le point
MDC : C’est un titre que j’ai écrit en sortant
de partir au Panama. Je souhaite que cet album me ressemble le plus
de l’eau dans un pays méditerranéen. À
possible.
samedi 30 juin Saint-Etienne vendredi 5 octobre Saint-Germain-en-Laye, 1ère partie Benabar vendredi 12 octobre Maisons-Alfort, 1ère partie BB Brunes
LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018
Foray L'INTERVIEW NOUVEAU TALENT
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS CELINE NIESZAWER LEEXTRA
Foray publie son album Grand Turn Over mi-juin et nous en parle avec enthousiasme et poésie lors d'un entretien sous les toits de Paris. Interview et séance de photos exclusives. LFC : Pouvez-nous dire comment vous êtes arrivé
quatorze ans en Normandie. C’est un lieu d’inspiration
dans le milieu de la musique ?
exceptionnel.
F : Je suis venu à la chanson il y a assez longtemps.
LFC : Comment est né votre amour pour la musique ?
J’ai commencé dans des groupes à l’âge de quinze ans. Il y a quatre ans, j’ai décidé de me lancer en
F : Lorsque j’étais petit, mes premiers amours étaient
solo, car tous les groupes dans lesquels je jouais se
la peinture et le dessin. Puis à l’adolescence, j’ai
sont dissous. Je me suis quand même demandé si je
découvert Nirvana et The Doors grâce à ma sœur.
devais vraiment le faire. Et finalement, après
J’écoutais aussi Renaud, Jacques Higelin, Georges
réflexion, c’est ce que j’ai fait.
Brassens… Ensuite, j’ai commencé à emprunter la guitare de ma sœur. Mais comme j’étais gaucher, j’ai
LFC : Vous avez d’ailleurs changé de nom en cours
commencé à jouer à l’envers. (Rires) À quinze ans, j’ai
de route en passant de Nord à Foray. Pourquoi ?
fait mon premier album en chantant les poèmes que j’avais écrits à l’encre. Je suis ensuite rentré dans des
F : J’avais choisi Nord pour une question
groupes. Et j’ai fait mes premiers concerts. Quand on
d’atmosphère. Mes amis me disaient que mes
commence à faire des chansons étant jeunes, c’est
chansons étaient froides. Et j’aimais le côté
toujours plus facile de les faire en anglais.
directionnel. En arrivant chez Columbia, le patronyme Nord existait déjà. J’ai donc dû changer
LFC : Quand avez-vous décidé de chanter en
pour devenir Foray.
français ?
LFC : Pourquoi Foray ?
F : Un jour, j’ai rencontré un musicien qui avait tourné
pendant des années avec Gary Numan. Je lui avais
F : J’ai mis Nord et mon nom de famille dans un sac.
apporté une cassette avec vingt titres. Dix-neuf en
J’ai mélangé et cela a donné Foray. (Rires) Je trouve
anglais et un en français. Après quelques litres de thé
qu’il y a une consonance anglo-saxonne qui me plaît
et après avoir écouté toute la cassette, il m’a dit : la
bien. C’est d’ailleurs grâce à ce type de musique que
meilleure est la chanson française. Depuis ce jour là,
je me suis lancé. Même si cela ne s’écrit pas pareil,
je n’ai fait que des chansons en français.
cela m’évoque aussi la forêt. J’y ai vécu pendant
188 LFC MAGAZINE #10
Foray LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS CELINE NIESZAWER LEEXTRA
Le but pour moi est de créer une masse sonore avec des choses que j’entends pour ensuite pouvoir créer autour de cela. C’est un peu la même chose pour Grand Turn Over où au début il n’y avait que des samples. Ensuite, j’ai construit ma mélodie. LFC : Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour
à explorer. L’objectif est de créer un climat.
la sortie de votre album Grand Turn Over qui est disponible depuis le 15 juin 2018. À quelques
LFC : Vous utilisez beaucoup de samples sur vos morceaux. Est-ce
jours de la sortie, comment vous sentez-vous ?
le point de départ de votre processus créatif ?
F : J’ai vraiment hâte qu’il sorte. Nous l’avons
F : Exactement. C’est ce qui me permet de créer ensuite. Comme
enregistré il y a longtemps. J’espère que les
sur le morceau Drunk par exemple. Le but pour moi est de créer une
gens prendront autant de plaisir à l’écouter que
masse sonore avec des choses que j’entends pour ensuite pouvoir
nous en avons pris à le concevoir.
créer autour de cela. C’est un peu la même chose pour Grand Turn Over où au début il n’y avait que des samples. Ensuite, j’ai construit
LFC : Vous n’êtes pas tout seul sur cet album.
ma mélodie.
Pouvez-vous nous parler des collaborations ? LFC : Des titres sont déjà en écoute. L'album est disponible ce F : J’ai tout écrit et tout composé sur cet
mois-ci. Pouvez-vous nous en parler ?
album. Et nous avons tout arrangé avec Thierry
Minot. Il m’a été d’une grande aide pour intégrer
F : Faut pas croire et Si tu ne dors pas sont deux chansons qui se
mes chansons guitare/voix que je ne parvenais
répondent. C’est pour cela que nous avons réalisé les clips
pas à intégrer dans l’album.
quasiment en même temps. Si tu ne dors pas est une série de questions, un peu comme quand vous vous couchez et que vous
LFC : Vous avez tenu à faire ce disque
réalisez que vous n’avez pas fait certaines choses. Faut pas croire
quasiment seul. Pourquoi ?
est une sorte de réponse cynique sur le fait que nous sommes
entourés de médias. Mais qu’aucun ne nous ait vraiment utile.
F : C’est un album sur lequel je travaille depuis dix ans. C’est un travail de longue haleine. Mais
LFC : Vous allez faire de la scène. Comment abordez-vous cela ?
j’avais envie de trouver des solutions seules.
J’ai aimé aller dans une direction que je ne
F : J’aime bien commencer doucement et finir fort. Je prends
connaissais pas. J’ai aimé mélanger les genres
l’exemple de Mathias Malzieu que j’ai vu plusieurs fois en concert.
pop, folk… Il y a de nombreuses pistes
Et que je trouve tellement énergique. Je suis un peu pareil. J’aime bien me lâcher. La scène est un lieu où vous oubliez le temps. C’est un moment où il peut tout se passer.
190 LFC MAGAZINE #10
LFC MAGAZINE #10 • JUIN 2018
LFC MAGAZINE #10 - JUIN 2018
INTERVIEW Photos : Patrice Normand Leextra // Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
LFC MAGAZINE #10 192
ANTOINE ÉLIE
Attention talent ! Antoine Élie va vous étonner avec son premier EP. La grande claque ! Une voix singulière, une sensibilité à fleur de peau et des textes qui frappent. Cinq titres puissants comme L'amas d'chair ou encore Aïe qui résonneront fortement dans votre tête. Entretien inédit avec un très bel artiste et une séance de photos exclusives.
LFC : C’est la première fois que nous
LFC : C’est la première fois que nous nous rencontrons.
nous rencontrons. Racontez-nous vos
Racontez-nous vos débuts dans la musique.
débuts dans la musique. AE : Tout s’est fait très naturellement. Déjà petit, j’aimais AE : Tout s’est fait très naturellement.
beaucoup chanter seul, de façon assez discrète. Je ne
Déjà petit, j’aimais beaucoup chanter
voulais pas être vu. Un jour, je me suis mis à chanter dans la
seul, de façon assez discrète. Je ne
cour de l’école. Et ma mère l’a appris. Elle m’a demandé que
voulais pas être vu. Un jour, je me
je lui chante une chanson. Elle a beaucoup aimé. Mon père
suis mis à chanter dans la cour de
m’a inscrit au piano très jeune. Je baigne dans ce milieu
l’école. Et ma mère l’a appris. Elle m’a
depuis un petit moment. Et aujourd’hui, j’ai la chance d’en
demandé que je lui chante une
faire mon métier.
chanson. Elle a beaucoup aimé. Mon père m’a inscrit au piano très jeune.
LFC : Jusqu’à écrire des chansons pour Tina Arena…
Je baigne dans ce milieu depuis un petit moment. Et aujourd’hui, j’ai la
AE : C’est vrai. (Rires) Jean-Christophe Bourgeois, avec qui je
chance d’en faire mon métier.
travaille chez Sony et qui avait travaillé avec Tina Arena, nous a mis en contact et la rencontre s’est faite.
LFC : Jusqu’à écrire des chansons pour Tina Arena…
LFC : Vous avez deux univers pourtant assez différents. Comment s’est passé la rencontre ?
AE : C’est vrai. (Rires) Jean-Christophe Bourgeois, avec qui je travaille chez
AE : Très bien. Je me souviens que je l’écoutais étant gamin,
Sony et qui avait travaillé avec Tina
notamment avec la bande originale du film Le masque de
Arena, nous a mis en contact et la
Zorro. Je suis absolument fan de sa voix et de son accent.
rencontre s’est faite.
Lorsque j’ai reçu la chanson et que je l’ai écouté, j’ai failli
LFC MAGAZINE #10 193
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS PATRICE NORMAND LEEXTRA
Je pense que j’ai mis beaucoup de ma colère et de ma tristesse dans ce EP. C’était important que les gens l’entendent. pleurer. J’ai compris que c’était de cette
LFC : Votre projet personnel est constitué de cinq
manière que je voulais qu’une femme m’aime. Il
titres dans lesquels on reconnait tout de suite
y a un côté très maternel dans sa voix, très
votre voix, votre grain rocailleux… Le fait qu’il y
chaud. Cela m’a fait beaucoup de bien
ait une identité vocale est-il important pour vous
d’entendre mes mots dans sa bouche.
?
LFC : Avez-vous collaboré avec d’autres
AE : Oui, et je crois que je m’en suis beaucoup
artistes ?
amusé. À la base, je crois que je ne chantais vraiment pas bien. J’ai d’ailleurs retrouvé des
AE : J’ai essayé de collaborer avec pas mal de
enregistrements lorsque j’étais jeune qui étaient
monde. J’aimerais bien un jour faire quelque
très mauvais. (Rires) Cependant, à force de jouer
chose avec Zaz. Le problème, c’est qu’elle a
et de rencontrer des gens, j’ai progressé.
une personnalité très forte et que je n’ai pas encore trouvé l’angle pour lui proposer un
LFC : Vos débuts ont-ils été compliqués ?
projet. Pour le moment, c’est compliqué. Les artistes acceptent des chansons d’autres
AE : Il y a eu beaucoup d’échecs sur scène. J’ai
artistes lorsqu’ils les connaissent. Aujourd’hui,
fait beaucoup de choses que je n’assumais pas.
je ne suis personne. J’espère que mon projet va
Mais que j’assume aujourd’hui, car cela m’a
créer un élan et une énergie qui va donner envie
permis de devenir l’artiste que je suis. Je suis
à d’autres personnes de collaborer avec moi.
passé par plein de fausses routes avant de trouver celle-ci. J’aime bien les blessures et les
LFC : Pourquoi avez-vous cette envie de
cicatrices. J’aime voir le corps évoluer.
partager votre passion avec d’autres artistes ? LFC : Vous avez utilisé des thèmes très forts AE : Je crois que c’est le fait d’écrire mes
dans ce premier EP. En êtes-vous conscient ?
propres chansons. Je me suis dit pourquoi pas les partager avec d’autres artistes. La première
AE : Il le fallait. Je pense que j’ai mis beaucoup de
collaboration que j’ai fait était pour une artiste
ma colère et de ma tristesse dans ce EP. C’était
qui s’appelle Clem et le fait d’entendre mes
important que les gens l’entendent. Nous
mots dans sa bouche m’a fait quelque chose.
sommes actuellement en train de travailler sur
C’est galvanisant et touchant.
l’album. Et je pense que les thèmes seront moins denses dans la noirceur et plus légers.
195 LFC MAGAZINE #10
LFC : Votre réponse nous fait penser au titre Aïe. Comment est née cette chanson ? AE : J’écris beaucoup. Et sur ce texte là, je voulais que les mots m’éraflent le corps au passage. J’aime quand les textes, émancipés de leur sens, ont une certaine dynamique et une certaine force. Bertrand Cantat maîtrise cela à la perfection par exemple. LFC : La musique est-elle un exutoire ? AE : Entre autre. Tout comme la vie en est un. Jamais, je ne pensais un jour en faire mon métier. Et avec le temps, je me rends compte que j’aime cela. Que ce soit les responsabilités, les rencontres… La musique est un lien vers l’autre. LFC : Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de ces cinq titres ? AE : J’aimerais que les gens se reconnaissent dedans, qu’ils me ressentent. J’imagine les gens écouter ce projet au casque et ressentir ce que j’ai ressenti lorsque j’ai composé les chansons. J’essaye d’être sincère et de ne pas me mentir. LFC : La musique est-elle une forme de mise à nu selon vous ? AE : Lorsque je suis sur scène, j’ouvre mon cœur et je ferme mon esprit. LFC : L’album que vous préparez sera t-il dans la même veine que cet EP ?
AE :Je travaille avec la même équipe. Le fait d’avoir fait cet EP a clôturé une certaine période. Désormais, nous recherchons de nouvelles couleurs, de nouveaux axes. Je crois que sur cet album, je souhaite créer de l’énergie. LFC : Vous êtes passé dans l’émission Taratata sur France 2 le mois dernier. Votre sentiment ? AE : Je n’en reviens toujours pas. Que ce soit Nagui, ou Cali que j’ai pu rencontrer en coulisses, tous me regardent avec bienveillance et c’est très touchant. C’est une sensation bizarre d’être considéré par des gens comme eux. LFC : Ressentez-vous de la peur pour la suite ? AE : J’ai peur de ne pas me ressembler surtout. Je ne veux pas me mentir, même si c’est compliqué, car on évolue au cours de sa vie. Je fais tout pour rester concentré. LFC : On vous laisse le mot de la fin… AE : J’ai une petite sœur et elle est très belle ! (Rires)
LFC MAGAZINE #10 193
JUIN 2018 • LFC #10
Spectacle LES
4
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
2 Mètres 74
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : B. PONS
La capacité du Studio Hébertot est l’écrin parfait pour
plus affecté que lui de cette perte soudaine. Les
cette nouvelle comédie de mœurs psychologique qui
souvenirs refluent, les confidences aussi, quand surgit
dévoile, derrière le rire, comment un événement
Alma (Leïla Tabaï, ce soir-là), la fille de la concertiste,
inattendu peut bouleverser une vie qui a renoncé à ses
en conflit avec sa mère dont elle n’a connu que
rêves. « 2 Mètres 74 » est le nom de cette pièce de
l’absence et les notes de musique. Elle veut à tout prix
Martine Paillot, à l’écriture saillante et nerveuse qui
récupérer le piano…, un père et peut-être aussi cette
manie l’humour au fouet pour réveiller les illusions de
tendresse complice dont la passion de sa mère l’a tant
deux amis. L’un, Pierre (Nicolas Georges), traîne le
privée !
matin sa lassitude jusqu’à son bureau de banquier et le soir jusqu’à son domicile de petit bourgeois où sa
On l’aura compris, « 2 Mètres 74 » est l’envergure de ce
femme le méprise. L’autre, Vladimir (Frédéric Jacquot),
piano à queue imaginaire. Grâce à cette illusion
ne vibre que pour le cheval de course et les paris, mais a
omniprésente, cet encombrant instrument joue la
les poches et le cœur vides. L’arrivée d’un imposant
partition de trois tranches de vie bousculées. Si la
piano Steinway & Sons de 2,74 mètres dans son studio
pièce a été écrite sur mesure pour le comédien
riquiqui va chambouler son espace et sa vie. Mais
Frédéric Jacquot, féru de chevaux de course, elle met
pourquoi diable la concertiste de renommée
aussi au diapason plusieurs passions dévorantes,
internationale, Jeanne Donati, une amourette de
assumées ou non. Ce genre de passion qui devient le
jeunesse, lui a-t-elle légué son piano ? Un mystère qu’il
maître, gouverne les comportements et fait le nid de la
tente de démêler avec son ami d’enfance qui semble
souffrance dans le cœur des proches. Alma a été une
LFC MAGAZINE #10 200
enfant délaissée par sa mère concertiste dès lors
deuxième et l’absence pour le troisième. Cette
qu’il est apparu évident qu’elle n’égalerait pas la
magie s’opère instantanément et se renforce au fil
grande Donati au piano. Un rejet doublé d’un non-dit
des rebondissements, des confidences et des
sur son origine paternelle. Ce legs ravive aussi chez
querelles. Dirigés par Philippe Chevallier, les
Pierre une passion réprimée pour son unique amour,
acteurs sont d’égale puissance dans l’émotion par
Jeanne Donati, et la musique de Mozart. Alors que
leur silence, leur joie communicative, leur tristesse
pour Vladimir, ce piano est un bien marchand
mêlée de colères, et leurs rêves retrouvés. Frédéric
inespéré qui, vendu, lui permettra de régler ses
Jacquot est attendrissant en campant un Vladimir
dettes et de prendre des parts dans un cheval de
si flamboyant dans son rapport avec les chevaux et
course. L’arrivée de ce personnage central,
si gauche avec les sentiments. En incarnant l’ami
l’évanescence de la concertiste adulée, va entraîner
fidèle et le banquier protecteur, Nicolas Georges
des prises de conscience du temps qui passe, des
parvient à s’entourer de mystères avec ses regards
rêves enfouis ou inaccessibles à reconquérir, de
rêveurs et sa ferveur qui monte crescendo. Quant à
l’importance de l’amitié, de ses responsabilités dans
Leïla Tabaï, elle donne corps à Alma en lui prêtant
les relations humaines. Ce piano est le catalyseur de
vie par son énergie, et en composant un cocktail
tous les espoirs de trois êtres en recherche d’une vie
explosif à base de fraîcheur candide et de violence
qui leur ressemblerait.
révoltée. Il flotte sur la scène un réel plaisir de jouer des acteurs qui nous racontent une histoire à
La mise en scène de Frédéric Jacquot cristallise
laquelle on adhère jusqu’à la ligne d’arrivée. Un
toutes les attentions sur ce piano absent qui
théâtre comme on aime, où la narration ne se
s’impose par là même comme un quatrième acteur,
contente pas de servir le rire, mais de le porter
matérialisé sur la scène par du ruban adhésif fixé au
comme un élément constitutif d’un tout. Un pari
sol. L’action se déroule autour de ce symbole
gagnant !
personnifié qui représente de l’argent pour le premier personnage, un amour perdu pour le
Distribution Avec : Frédéric Jacquot, Nicolas Georges, Élisa Birsel en alternance avec Leïla Tabaï.
A
Créateurs Auteur : Martine Paillot Mise en scène : Frédéric Jacquot Directeur d’acteurs : Philippe Chevallier Du jeudi au samedi à 19 heures, jusqu’au 23 juin 2018. Au Studio Hébertot, 78 bis, Boulevard des Batignolles, Paris 75017. Durée : 1h20.
LFC MAGAZINE #10 201
JUIN 2018 • LFC #10
“17 fois Maximilien”, et plus encore ! LES 4 PIÈCES DU MOIS À VOIR
17 fois Maximilien
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME ©Nathalie Gendreau Tous les mardis, au Studio Hébertot, on assiste à une
aura manqué chaque soir la main apaisante d’une maman
performance intimiste qui allie finesse et force de jeu.
sur sa tête d’enfant. Soudain projeté dans le fauteuil du
Dans cette pièce à flux tendu, à l’écriture ciselée de son
thérapeute, le public est tout ouïe durant les 17 fois
complice Richard Charest, Nikola Parienty se transforme
Maximilien.
en Maximilien, un être imbu de lui-même, à la désinvolture affectée, qui entreprend une analyse pour asseoir sa
De séance en séance, qu’une sonnerie interrompt
légitimité d’acteur. Au fil des dix-sept séances
abruptement, Max – pour les intimes – évoque une mère
chronométrées par un thérapeute imaginaire, ce
indifférente qui l’oublie au rayon Parfumerie où elle travaille
quarantenaire va peu à peu déjouer l’ascendance de
; d’où sa détestation des odeurs ! Il compare son père au
l’adulte brillant en société pour laisser émerger cet enfant
nougat dur qui finit par s’attendrir ; il se souvient de son
qui hurle son manque d’affection depuis l’enfance et que
chien à trois pattes, Zéro, qui s’est fait écraser par son
pourtant personne n’a jamais entendu. Lui, le meilleur ami
voisin ; il se remémore son énurésie et ses peurs nocturnes
des mots, va trouver dans son passé ces mots dits ou non
quand il était enfant, transformées en insomnie chronique
dits, qui l’empêchent d’être heureux, tout simplement, et
une fois adulte. Tout en s’interrogeant sur le bien-fondé
de dormir sans insomnie. Nikola Parienty incarne à la
d’une analyse, il ravive pas à pas des souvenirs enfouis
perfection cet être détestable en l’enveloppant d’une grâce
dont il se distancie avec le panache artificiel des
attachante qui émeut tout en faisant rire. Au-delà des
désespérés. Il libère une parole qui remonte des
manières hautaines, les provocations et la suffisance de
profondeurs de l’enfance 17 fois Maximilien, Nikola
son personnage, il donne à voir, à entendre et à ressentir
Parienty, Studio Hébertotétouffée, amplifiée par
une belle âme à la sensibilité heurtée, à qui il
l’exubérance des gestes. Il s’étend sans plus de retenue
LFC MAGAZINE #10 203
sur ses états d’âme dans un fauteuil rose, les pensées tristes s’échappant en volute de fumée de cigarette. Parviendra-t-il à casser toutes ces chaînes traumatiques qui entravent son sommeil et sa véritable nature ? Le regard hypnotique, la voix profonde, le corps bavard, Nikola Parienty est un être vibrant. Il ne se contente pas de jouer, de se mouvoir, de vitupérer, de s’esclaffer, de penser dans un murmure langoureux, il glorifie la vie par sa présence intense. Son jeu est éloquent dans les silences et exalte les sentiments universels qui traversent l’homme depuis la nuit des temps pour les exposer avec simplicité et humilité. Contraste éclatant entre un Maximilien égocentrique et hâbleur et un Nikola modeste et sincère. Parler de talent serait superfétatoire, car il l’habille avec naturel, sans suivre de mode. Son style est unique, discret, et pourtant il crève l’évidence. Chanteur, comédien, coach et metteur en scène, cet artiste aux multiples casquettes livre avec « 17 fois Maximilien » une fiction théâtrale ahurissante teintée de réalisme. Il donne tant l’impression de faire partie de soi qu’il parvient à réinventer la relation artiste/public. Un pur moment de communion forte et vraie qu’on aurait envie de revoir au moins 17 fois…
« 17 fois Maximilien » Distribution Avec : Nikola Parienty Créateur
A
Auteur : Richard Charest Tous les mardis à 21 heures, jusqu’au 26 juin 2018. Au Studio Hébertot, 78 Boulevard des Batignolles, Paris 75017. Durée : 1h10.
LFC MAGAZINE #10 204
JUIN 2018 • LFC #10
“Bio et barge”, humour et dérision à foison ! LES 4 PIÈCES DU MOIS À VOIR
Bio et barge surchargées et de femme en quête d’épanouissement personnel. Sa première comédie est survoltée, sans tabous et décoiffe un max. Son texte est savoureux, stylé et percutant, et la mise en scène dynamique de Nathaly Coualy en fait une belle réussite ! Mais attention, les oreilles chastes risquent de tomber en pâmoison !Bio la semaine et mojito le week-end, Stéphanie Jarroux claironne qu’elle est en dissonance cognitive. Si le concept est vaporeux, la démonstration est on ne peut plus éclairante ! La comédienne est un soleil à la chevelure exubérante qui darde PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : ©Thomas Graindorge et Nathalie Gendreau
ses rayons cosmiques. Une synthèse vivante du propos de son one-womanshow. Elle a de l’énergie à revendre, et heureusement ! Comment survivre à la gestion de trois enfants, surtout le mercredi, lorsqu’on vit à Versailles et qu’il faut s’occuper de la maison, des courses et des diverses activités périscolaires ?
Entre bio et mojito, faut-il vraiment choisir ? La
Elle nous confie, sans regret, avoir
comédienne Stéphanie Jarroux est tiraillée tout le long de
démissionné de son poste de rédactrice
son one-woman-show inspiré de la vie très réelle d’une
en chef du magazine FémininBio pour les
mère de famille comblée par ses trois enfants. Enfin…
éduquer en usant de méthodes qui
Comblée, c’est vite dit ! Car qui se met en tête de vivre 100
paraissent si faciles à appliquer dans le
% “bio” tout en s’imbibant… d’expériences Vegan se
monde idéal. Sauf que la réalité est bien
complique l’existence à plein temps. “Bio et barge” est une
différente ! D’emblée, l’empathie du public
bourrasque vivifiante qui, sous prétexte de prôner le bio en
lui est tout acquise. Qui n’a pas connu des
toutes occasions, balaye les bonnes intentions face aux
mercredis un peu compliqués où les
réalités du terrain qui impose son inévitable dictature et
caprices des délicieux chérubins
qui a pour doux nom : le quotidien ! Stéphanie Jarroux
deviennent insupportables au point
rejoue pour nous, à coups d’outrance trash et
d’exploser ?
humoristique, son quotidien de maman aux journées
LFC MAGAZINE #10 206
Et, à la Comédie des 3 Bornes,
Mine de rien, sous le prétexte de divertir,
Stéphanie Jarroux explose littéralement
l’ancienne journaliste reprend ses droits en
! De sketch en sketch, tendue comme un
soulignant le paradoxe de notre monde qui
arc, elle décoche de belles flèches, bien
veut tout et son contraire à la fois : s’engager
aiguisées, bien vives, qui touchent juste
à fond pour sauver la planète tout en vivant
et dans un feu d’artifice de drôlerie. Faut
dans un corps sain durant la semaine, pour
dire, entre un compagnon “hipster”,
ensuite tout jeter aux orties le week-end
comprendre “branché”, les séances de
autour d’un bon mojito et d’une bonne
stage de sexe tantrique – où comment
cigarette. Une ambivalence qui sera
faire l’amour par la respiration, mais à
prochainement illustrée dans une bande
distance –, le yoga, la communication
dessinée qui reprendra son propre
non violente, la nourriture bio, le
personnage déjanté. Mais il ne faut pas se
recyclage, il y a de quoi ne plus savoir
tromper ! Sous des abords sympathiquement
où donner de la tête ! À cela s’ajoutent
loufoques, la comédienne s’implique très
des expériences non moins
sérieusement au quotidien, notamment
ultranaturelles comme les cours de
auprès d’adolescents en difficulté via des
zook-zumba pour faire tomber une
séances d’art-thérapie. Changer radicalement
récalcitrante coupe menstruelle… ou
de métier est une audace dont elle doit se
ses mésaventures avec la tireuse à lait.
féliciter, car elle parvient à nouer le dialogue
Y a pas à dire, avec Stéphanie Jarroux,
avec un public qui, lui, ne se trompe jamais
on ne s’ennuie pas une seconde !
sur la sincérité d’un projet. Et le projet que
D’autant qu’elle est très en phase avec
nous propose Stéphanie Jarroux avec Bio et
la réalité, et c’est ce qui fait rire et
barge est diablement sincère !
s’esclaffer tout du long.
Distribution Avec : Stéphanie Jarroux.
A
Créateurs Auteure : Stéphanie Jarroux Mise en scène : Nathalie Coualy Tous les mardis soirs, 20h15, jusqu’au 31 juillet 2018. À la Comédie des 3 Bornes, 32 rue des 3 Bornes, Paris 75011. Durée : 1h05.
LFC MAGAZINE #10 207
Les crapauds fous JUIN 2018 • LFC #10
LES
4
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU
Après son succès au Ciné XIII, la comédie d’aventure Les
En 1990, Anastazy, étudiante en psychologie et petite-
crapauds fous se joue au Théâtre des Béliers parisiens.
fille d’Eugène, l’un des deux médecins héroïques, cherche
Servie par un texte qui allie la force d’évocation à celle
à comprendre comment une minorité d’individus, 3 %
de l’émotion juste, cette pièce est née de l’idée
selon l’expérience de psychologie de Milgram sur la
formidable de l’auteure et metteure en scène Mélody
soumission consentie, parvient à refuser l’obéissance
Mourey de restituer une histoire vraie et extraordinaire,
aveugle alors que 97 % en sont incapables. Aussi, elle
jamais encore évoquée au théâtre. Celle de deux
souhaite connaître l’histoire de son grand-père qui a
médecins polonais, Eugène Lazowski et Stanislaw
résisté à l’autorité nazie et dont il n’a jamais fait état. Elle
Matulewicz, qui ont sauvé 8 000 Juifs durant la Seconde
fait appel à Stanislaw, médecin à la retraite et le meilleur
Guerre mondiale, en faisant croire à une épidémie de
ami de son grand-père, qui lui raconte cette aventure
typhus, un virus hautement contagieux. La mise en
démentielle et dangereuse, à sa manière, avec la
scène imbrique deux époques (1942-45 et 1990) et les
simplicité de ceux qui estiment n’avoir fait que leur
fait interagir avec une vivacité étourdissante. Cette
devoir. Sa narration commentée tantôt avec gravité,
astuce captive l’intérêt tout en mettant en relief de façon
tantôt avec légèreté, nous ramène en 1940 dans la ville
exemplaire le courage de ces deux “crapauds fous” qui
de Rozwadów, en Pologne. Désirant épargner à l’un de
ont osé dire “non”. Aujourd’hui, on les nommerait les
ses amis les camps de travail, Stanislaw imagine de lui
“Insoumis”, comme le rappelle la pièce qui ne manque
inoculer des bactéries mortes responsables du typhus.
pas de distiller une bonne dose d’humour. Ces clins d’œil
Cette injection suffit à rendre le test positif. Sans rien en
à l’actualité sont autant de bulles d’air qui autorisent le
dire à sa femme, Eugène reprendra cet audacieux
spectateur en apnée du suspense à respirer… et à rire
stratagème pour éviter aux Juifs menacés de se faire
de bon cœur !
massacrer ou d’être déportés. Même lorsque les soldats
LFC MAGAZINE #10 209
allemands, soupçonneux, viennent vérifier la réalité de la pandémie, et
des vies suspendues entre la
donc de la quarantaine, les deux médecins tiennent bon en brandissant
dénonciation et la mort. La
le spectre de la contagion. Mais tiendront-ils jusqu’à la fin de la guerre ?
tension habille chacun des
Leur manigance est si fragile qu’une indiscrétion ou une malveillance
personnages, et plus
pourrait tout faire écrouler !
particulièrement Damien Jouillerot qui campe tour à tour
De ces deux jeunes médecins polonais généreux et courageux, Eugène
un idiot du village attendrissant
Lazowski et Stanislaw Matulewicz, l’histoire retiendra cette audacieuse
et un Hitler aussi glaçant que
supercherie. À l’instar de la liste de Schindler, ce sauvetage méritait
drolatique qui n’est pas sans
d’être retracé à travers une fiction. Mélody Mourey a choisi de la porter à
rappeler le Hitler de Jacques
notre connaissance sur la scène théâtrale, lieu de prédilection pour
Villeret (dans Papy fait de la
transfuser à une aventure du passé toute la vigueur de l’instant fragile du
résistance). Les neuf comédiens
direct, et ainsi créer une communion avec les spectateurs. L’auteure y
de la troupe interprètent plus de
réussit merveilleusement bien. Dès la première minute, le narrateur
vingt personnages à un rythme
Stanislaw, alors retraité, (Frédéric Imberty) accroche l’intérêt par sa
renversant. C’est une valse de
distinction vocale et sa présence bonhomme, de celle qui rassure et
costumes et d’interprétations,
réconforte. Charlie Fargialla (Eugène Lazowski) et Gaël Cottat (Stanislaw
qui en trois temps quatre
Matulewicz jeune) jouent deux caractères opposés, le premier plus
mouvements, font coulisser les
intrépide et fougueux que le second qui soupèse les actions à l’aune de
décors et bruisser le temps
ses angoisses. Si les colères sont tonitruantes, les réconciliations le sont
entre les souvenirs et les
tout autant. Cette différence pour appréhender les situations provoque
actions. La mise en scène habile
un dialogue enlevé, vif et tournoyant à l’image
de Mélody Mourey et la scénographie inventive de Hélie Chomiac permettent ces tours
Avec : Benjamin Arba, Merryl Beaudonnet, Constance Carrelet, Hélie Chomiac, Gaël Cottat, Rémi Couturier, Charlie Fargialla, Tadrina Hocking, Frédéric Imberty, Damien Jouillerot, Blaise Le Boulanger, Claire-Lise
de passe-passe temporel et spatial. Les années s’enchaînent et c’est la vérité qui se libère du silence. Le silence d’un acte exceptionnel
Lecerf, Christian Pellissier.
qui s’est répété le temps des
Créateurs
retentissant qui est restitué
Auteur et metteur en scène : Mélody Mourey
sensibilité.
atrocités, un silence avec intelligence et une grande
A
Scénographie : Hélie Chomiac Chorégraphie : Reda Bendahou Musique : Simon Meuret Du mardi au samedi à 21 heures et dimanche à 15 heures, jusqu’au mois d’octobre 2018. Au Théâtre des Béliers parisiens, 14 bis rue Sainte-Isause, Paris 75018. Durée : 1h35. LFC MAGAZINE #10 210
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À NE PAS MANQUER
PHOTO : PATRICE NORMAND // LEEXTRA
GUILLAUME DE TONQUEDEC / MARC LEVY / BERNARD MINIER / MIREILLE CALMEL / DOUGLAS KENNEDY / BARBARA ABEL / HYPHEN HYPHEN ET DES SURPRISES...
JUILLET 2018 | #11 | BIENTÔT
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RENDEZ-VOUS MI-JUILLET 2018 POUR LFC #11 Cela semble impossible jusqu'Ã ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA