Revue Jules Verne n°1 | Géant des mers

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Revue

J6rA," n"l



Revue du Centre

de Documentation Jules Verne d'Amiens Nouvelle sĂŠrie: 1"' semestre 1996 * 2 rue Charles Dubois

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80000 Amiens



SOMMAIRE

Vie de I'association La Lettre aux Lecteurs, J-P. DEKISS Notre premier Journal, C. COMPÈRE

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Qu'est-ce que le CDJV? Annonce : Les Deuxièmes Rencontres internationales Jules Verne........ Dossler thématique « Géants des mers » Le Léuiathan ou le fil de la uie, D. M COLIN À propos du câble transatlantique, V. DEHS L'îIe aux . calembredaines., imagination et oralité Qans la conception de Standard Island, C. CHELEBOURG..,........... A propos du Great Eastern:

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t7 22 27

lo correspondance de Jules Verne, C. COMPÈRE Extraits d'études...... Une Ville flottante, résumé et extraits de l'æuvre Documents consultables au Centre de Documentation

4r

Jules Verne, C. COMPÈRE Tours et détours pour un géant de lo littérature hançaise: Le géant d'une uille, J. 8E4L........ La maison à la tour, J-J. NASONI Quelques exemples de géants dans I'uniuers uernien, J-J. NASONL........,

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Éducation et Récréation Éducation et Récréation, J-P.

50 52

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DEKISS

...,.......... 90

Actualité vernienne, C. COMPÈRE

...............,.... 93

Actualité vernienne

Assemblées Générales du C.D.J.V. et de la S.J.V. (Compte-rendu) .......... 101 Une nouvelle biographie de Jules Verne (H. LOTTMAI!,

notre critique .................. Avis de recherche

........... 103 ........................ 107



LETTRE AUX LECTEURS Chers amis,

Lannée 1995 a été consacrée à la consolidation de notre association et à la mise en place de relations stables avec la municipalité d'Amiens avec laquelle nous sommes parvenus à un accord. Nous signerons avec la Ville d'Amiens une convention qui devrait permettre au Centre de Documentation Jules Verne un développement modeste mais tout à fait réel et une participation plus active à la vie intellectuelle de la cité. Lors de notre assemblée générale de 1996, vous avez élu un conseil d'administration dans lequel sont entrés des chercheurs de réputation

internationale ainsi que des Amiénois compétents venus renforcer l'équipe en place. Notre premier objectif : nous doter d'une revue semestrielle nouvelle formule dont chaque numéro se construira autour d'un thème. Le thème central regroupe des articles inédits, des extraits de textes existants, des citations de Jules Verne ainsi qu'une fiche sur la documentation disponible au Centre sur le thème traité. Autour de ce dossier central, la rubrique éducation et récréation situe Jules Verne dans une réflexion éducative. La rubrique amiénoise et régionale situe l'écrivain dans la vie de la cité. Nous aimerions également instaurer une revue d'actualité vernienne qui vous mette tous à contribution. Nous comptons sur vous pour nous signaler ce qui nous échappera ! Le prochain numéro, prévu pour janvier 1997, sera axé sur le thème r Jules Verne et l'argent r. Le présent numéro constitue un essai de la nouvelle formule. ll comporte sans doute de nombreuses imperfections, tout en donnant une idée de ce que nous voudrions faire. Nous comptons donc sur vous pour nous communiquer impressions, réactions et suggestions ! Le Président

et le comité de rédaction



NOTRE PREMIERJOURNAL PAR CÉcrLE

CO/I,IPEfuE

f ln petit regard sur le passé: la Reuue succède au ./7. Celle ce "IIl évoque son histoire... Ce numéro I I qri fut l'âme deprécédé de 36 numéros que nous appelleV, de la Reuue fut 1

rons désormais: Ancienne Série. En effet, en 1987 des membres de notre association exprimèrent le souhait de recevoir une lettre d'information sur les événements verniens se déroulant ici et là, les récentes parutions d'ouvrages, etc. Une feuille de liaison, nJ.V.r», fut alors créée, sans pour autant vouloir concurrencer le Bulletin de la Société Jules Verne édité depuis 1935 (et encore de nos jours). De très modeste présentation (photocopies agrafées), parfois illustrée, cette feuille «J.V. » s'est améliorée petit à petit, des auteurs ont envoyé des textes intéressants à faire paraltre... Voici la liste et le tarif (le prix indiqué comporte les frais d'envoi et d'emballage. Il serait toutefois bienvenu de joindre un ou deux timbres-poste): Feuille de Liaison "/.14, anciens numéros: Année Année Année Année Année Année Année Année Année

1987, 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995,

(n"1, 2,3,4) ... 70 F (n"5, 617,8) ...... 70 F (n"9, 10, 11, l2)..................80 F (n"13, 14, 15, 16).............. 100 F (n'17, 18, 19, 20).............. 110 F (n'21, 22, 23, 24).............. 120 F (n"25, 26, 27,28).............. 120 F (n"29l30, 31, 32).............. 120 F (n"33134,35136) .............. 120 F


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Le contenu des numéros peut être demandé avant la commande à la documentaliste. Le Centre de Documentation est une association Loi 1901. Le service de Ia Revue est compris dans le montant annuel de I'adhésion, pour les membres à jour de leur cotisation. Le montant de la cotisation est actuellement de 100 F.


QU'EST-CE QUE LE CENTRE

DEDOCUMENTRTION JULES \rERNE? e Centre de Documentation Jules Verne est une association 1901 créé en 1971 et développée depuis cette date par

loi

une famille d'Amiénois: Daniel puis Cécile et Maurice Compère. Il regroupe trois cent cinquante adhérents du monde entier et dispose de près de 20 000 documents concernant la vie et l'æuvre de Jules Verne. II est installé en France, à Amiens, sur deux étages d'une maison habitée autrefois par l'écrivain, 2 rue Charles Dubois. L'association est actuellement présidée par Jean-Paul Dekiss, écrivain, réalisateur et producteur de films. Le conseil d'administration international est composé de 2l membres. L'activité principale du Centre consiste à fournir aux chercheurs, universitaires, étudiants, élèves du primaire et du secondaire, enseignants, et amateurs de l'écrivain monde - dudans entier une documentation abondante et précise un - vérité historique. Travaillant en collaboration étroite souci de avec les sociétés littéraires n Jules Verne , d'une vingtaine de pays, sa documentation est réactualisée en permanence et intègre aussitôt toutes les études nouvelles sur l'écrivain ainsi que le plus grand nombre des utilisations commerciales qui sont faites de son nom. Huit à neuf salariés dont une documentaliste travaillent à mitemps et assistent les membres de I'association, dont deux collaborent en permanence au Centre. L'activité de documentation s'accompagne de la création et de la location d'expositions itinérantes, et de visites guidées, dans la Maison de Jules Verne et sur les pas de l'écrivain dans Ia ville d'Amiens. Une librairie


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fournit sur place ou sur commande toute l'æuvre disponible de l'écrivain ainsi que les ouvrages le concernant. Le Centre de Documentation Jules Verne développe une collaboration suivie avec d'autres associations ainsi qu'avec la Ville d'Amiens, le Conseil Général de la Somme et la Région Picardie. Il entreprend avec ses partenaires une réflexion plus générale sur la place de Jules Verne dans la littérature, son rôle dans la pensée moderne et ses enseignements pour notre société.


DEUXIEMES RENCONTRES INTERNATIONALES JULES \rERNE es premières Rencontres Jules Verne à Àmiens s'étaient tenues en 1977 à I'occasion des cent cinquante ans de la nais-

sance de l'écrivain tll. Elles avaient permis de montrer Ie rôle du voyage comme véhicule de connaissance dans son

æuvre. On aurait pu croire, après cette période anniversaire de la fin des années 70, que Jules Verne serait ressorti de I'actualité. Il en a été tout autrement. Cette période a permis, en remettant un coup de proiecteur sur l'écrivain, de découvrir à quel point son æuvre était restée actuelle. Les recherches de ta Société Jules Verne, en particulier celles de Piero Gondolo della Riva et d'Olivier Dumas, les travaux de Daniel Compère, Simone Vierne, Christian Chelebourg, Volker Dehs, William Butcher, entre autres, ont dégagé l'æuvre de Jules Verne de la littérature enfantine où I'avait réduite, en Ia déformant, la Bibliothèque Derte Hachette. Les travaux de vulgarisation récents de Jean-Paul Dekiss et Herbert Lottman ont pu intégrer cette recherche grâce à I'existence du Centre de Documentation d'Amiens et porter vers un large public une connaissance plus juste de l'écrivain. Le succès de Pan's au XXe siècle souligne combien Jules Verne continue d'intriguer, de susciter la curiosité, de questionner. Pourquoi plus de cent trente ans après la publication de Cinq semaines en ballon, Jules Verne reste-t-il le plus puissant symbole d'une littérature tournée vers I'avenir ? Comment Jules Verne at-il conçu son métier d'écrivain? Qu'est-ce qui le fait à ce point emblématique d'une relation d'intelligence et de culture avec son lecteur? Que nous dit finalement son æuvre, presque un siècle après sa mort ? Voilà les quelques questions auxquelles les études réalisées


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depuis 1977 ont apporté des réponses nouvelles. Elles permettent de comprendre ce que signifie dans I'imaginaire de la fin du XXe siècle l'æuvre littéraire de Jules Verne. Les Deuxièmes Rencontres Jules Verne à Amiens feront un bilan de ces études et poseront les questions pour demain. Les Rencontres, qui seront aussi les premières Rencontres Jules Verne de Picardi" [2], se tiendront les vendredi 21 et samedi 22 mars 1997 et ouvriront la prochaine Àssemblée générale ordinaire et extraordinaire de notre association. Notes:

[]

Jules Verne est né le 8 féwier 1828.

[2] Ces rencontres seront réalisées avec le concours du Conseil général de Ia

Somme.


Dossier Géants des mefs ((

»»


Gravure (d'origine inconnue) représentant Isambard Brunel, l'ingénieur qui a conçu et fait construirele Great Eastern.


LELEVIATI{AN OU LE FILDELAVIE PAR D o r,I INI eue-lr[t c n nr, C O

LIN

<{.e Léuiathdn, monstre dont il est question dans la Bible, au Livre de Job, et dont le nom a passé dans la langue pour désigner quelque chose de colossal et de monstrueux ». Ce Léuiafftan hanta longtemps I'esprit de Jules Verne qui en parle souvent dans ses romans et nouvelles : Une Ville Flottante, Paris au XX siècle, Autour de la Lune,20 000 lieues sous les mers, Le Humbug, soit sous le nom de Léuiathan, soit sous celui de... Great Eastern, car il s'agit évidem-

ment de lui, de ce monstre qui heurta et choqua par ses dimensions, I'imagination des hommes du XIX" siècle. En effet, Jules Verne en parle directement ou par allusions. Dans le Humbug, page 357, notre auteur écrit: n Que parlez-vous de chemin de fer? Ce Monsieur Hopkins vient installer un câble électrique à travers le Lac Ontario, et ces grandes caisses contiennent des lieues de fil et de gutta-percha ». Matière qui servit à protéger le câble transocéanique et qui est « une substance gommeuse extraite d'un grand arbre de lïle de Sumatra et des autres lles de I'archipel oriental et qui a beaucoup d'analogie avec le caoutchouc, (LAROUSSE).

Mais ce que I'on ne sait point, c'est que cette substance fut utilisée pour isoler les câbles sous-marins par Werner von Siemens, le quatrième de quatorze enfants. Siemens était né à Lenthe près de Hanovre en 1816, ses parents exploitaient le domaine de Menzendorf dans Ie Grand Duché de Mecklembourg. Ses parents étant pauvres, à l7 ans, il gagna à pied la capitale de la Prusse où il fut admis

comme recrue au 3e Régiment d'Artillerie de la Garde, puis brigadier et lieutenant en 1838. C'est en prison pour affaire d'honneur qu'il travaille dans sa cellule à galvaniser des cuillères en fer blanc. Il fut envoyé à Spadau puis à Berlin. Il se consacra alors à la Phy-


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sique et aux Mathématiques. Il construisit un nouveau modèle de télégraphe électrique à cadran puis il fut attaché à la mission chargée de la télégraphie à Bendlerstrasse. Son frère Wilhelm, établi à Londres, lui envoya un échantillon d'une substance venant de Sumatra. Il décida de I'utiliser pour protéger les câbles électriques et fit quelques essais. Il réalisa une presse qu'il utilisa pour fabriquer le fil reliant Berlin à Grossbeeren. En 1846, il fonda avec son ami Halske Ia firme Siemens-Halske pour fabriquer des appareils télégraphiques à cadran. Il créa quelques lignes allemandes puis travailla pour les Russes dès 1851. Il se rendit à Paris puis créa les lignes russes. Son matériel permettait de passer 400 mots à la minute, soit 10 fois ce que I'on obtenait jusqu'à présent. La ligne Moscou-Sébastopol fut créée en 16 semaines en pleine guerre de Crimée, juste pour apprendre la victoire des Franco-Britanniques. En 1858, il fonda à Londres la fabrique de câbles Siemens-Brothers dirigée par son frère Withelm. Il était membre de I'Académie des Sciences de Paris comme membre étranger (comme Marc Isambart Brunel, le père du fameux ingénieur). A partir de 1865, il se consacra uniquement à son travail qui aboutit linalement à la création de la dynamo, puis en 1879, à la première locomotive électrique. Il mourut en 1892. Son frère Wilhelm (Lenthe, 1823 Londres, 1883) le procédé émigra en 1844 en Grande-Bretagne et perfectionna d'élaboration de I'acier. Son autre frère Friedrich (Mezendorf , L824 Dresde, l90l) imagina, avec son frère Wilhelm, le four à récupê -rateur de chaleur pour la fonte de I'acier et du verre en 1856. Si i'ai parlé de cette famille d'ingénieurs et d'inventeurs, c'est qu'elle apparalt sans être citée dans certains romans de Jules Verne, quand ses personnages utilisent le télégraphe et les câbles sous-marins, telle I'allusion faite dans le roman Autour de la Lune (1870), au chapitre XX, titré uLes sondages de la Susquehârrlâ» dont est tiré cet extrait: «Les grandes profondeurs, reprit le Lieutenant, sont peu favorables à la pose des câbles télégraphiques. Mieux vaut un plateau uni, tel que celui qui supporte le câble am6 ricain entre Valencia et Terre-Neuve» (page 486), et page 489: «La série de sondages exécutée par le Susquehanna avait pour but de reconnaltre les fonds les plus favorables à l'établissement d'un câble sous-marin qui devait relier les lles Hawai à la côte américaine. C'était un vaste proiet dû à I'initiative d'une compagnie puissante. Son directeur, I'intelligent Cyrus Field, prétendait même couvrir toutes Ies îles de I'Océanie d'un vaste réseau électrique, entreprise immense et digne du génie américain. » Et page 505: o le proiectile en aluminium ne pesait que dix-neuf


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mille deux cent cinquante livres, poids bien inférieur à celui du

câble transatlantique, qui fut relevé dans des conditions pareilles ». Cyrus Field, personnage bien réel et bien puissant, apparaît aussi dans deux romans de Jules Verne: 20000 Lieues sous les Mers et Une Ville Flottante.

Cyrus Field, I'ingénieur en chef qui décida de poser le câble transatlantique, est le digne représentant de I'homme audacieux, inventif et intelligent si cher à Jules Verne. Le type même de I'ingénieur de Cinq semaines en bollon ou de I'île Mystérieuse. Il fait partie de ces hommes rares et efficaces qui dénouent les fils de I'intrigue ici un câble et qui inventent et fabriquent tous les objets nê -cessaires à une-petite communauté. Même s'il ne fait que deux apparitions dans Une uille flottante, pages l7 et 81. Il est omniprésent dans ce reportage que nous offre Jules Verne, qui malicieusernent a pris la place d'un véritable iournaliste du ïimes de Londres, Sir William Howard Russel, surnommé Bull Run Russel et qui participa à la tentative de 1865 entre Valentia en lrlande et Hears Content à Terre-Neuve (Valentia est une petite lle et un bourg de I'Ouest de I'lrlande, 1600 habitants en 1934, tête de ligne de trois câbles transatlantiques et importante station météorologique). Cyrus Field apparâît longuement dans Vingt mille Lieues sous les Mers dans la Deuxième partie, pages 583, 584 et 585. L'ingénieur était aussi un industriel américain né à Stuckbridge dans le Massachusetts en 1819. Dès 1854, il discute avec I'ingénieur Gisborne, dans une chambre d'un hôtel de New-York, du meilleur moyen de réunir le vieux continent à la jeune Amérique. Dès cette date, I'ingénieur britannique d'origine française (son père est né à Hacqueville dans I'Eure) Isambart Kingdom Brunel, déià célèbre pour ses ponts, ses tunnels, ses voies ferrées et ses navires Q.e Great Western,le Great Britain en cale sèche à Bristol), envoya aux deux hommes des rapports détaillés sur cette future opération. Il est pratiquement certain que le « Petit Géant » pensait déià à utiliser le futur Great Eostern qui portait encore le nom de Léuiathan (voir gravures) dont il avait dessiné les plans et dont la construction avait commencé. Dans les Auentures du Capitaine Hatteras,le Forward,le fameux brick, avait été mis en chantier à Birkenhead, une petite ville située perpendiculairement à la côte et équipée de bassins sur Ia Mersey: « Le constructeur Scott et Co, I'un des plus habiles de I'Angleterre », puis page 13, dans la lettre inattendue: «Le navire sera construit dans les ateliers de MM.Scott et Co». Ce personnage que I'on retrouve dans le roman 20 000 Lieues sous les mers, page 135, où I'h6 lice du Nautilus est fabriquée «Chez Scott de Glasgowr, est-il le


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même que celui qui ruina I'entreprise qui finança la construction du Great Eastern en 1858, s'appelait John Scott Russel, touchait à tout, et fit faillite en 1859 laissant I.K. Brunel se débrouiller alors qu'il était très fatigué et très malade? (Voir gravure) Le Léuiathan ou le Great Eastern occupe une grande place dans I'æuvre de Jules Verne à travers des romans comme Une Ville Flottante, 20 000 Lieues sous les Mers, Paris au XXe siècle, et les Souuenirs d'enfance et de Jeunesse (BSJV n"89, 1989, page 7) : « J'ai même traversé I'Atlantique sur le Greaf Eastem, et i'ai mis Ie pied en Amê je ne rique où c'est honteux de I'avouer devant les Américains suis resté- que huit jours. Que voulez-vous. J'avais un billet-d'aller et retour valable seulement pour une semaine ». Dans I'article de Mme Simone Vierne « Les merveilleuses machines de Jules Verne n'annoncent pas le meilleur des mondes, paru dans Info-matin du 2l-0&1994, dont huit pages étaient consacrées au Paris au XXe siècle, on lit ceci: « Quant à la société, elle n'est pas près d'atteindre la sagesse souhaitée par Robur, ces milliardaires de L'île à Hélice, divisée en factions politiques rivales, dâ truisent leur féérique lle flottante, si proche du Léuiathan du roman

inédit ». En 1858, il y avait Pierre Rousseau qui cite ces chiffres - selon « Les hommes communiquent de plus en dans son article intitulé plus vite entre eux», page232 et suivantes du numéro 124 d'Historia de mars 1957 km de fils dans le monde; 50 000 pour les - 160000 USA, 25 000 pour la Grande-Bretagne et 14 000 pour la France. 9 millions de dépêches circulaient alors. Plusieurs lignes sgus-marines existaient déjà, mais elles ne traversaient que des rivières ou pour essais avec bateau en mer à 3 km des côtes. Cyrus Field monta plusieurs projets financiers qui échouèrent. Puis en 1857, le 6 août, la frégate anglaise l'Agamemnon et le navire de guerre américain Niagcra quittèrent I'lrlande pour dérouler le câble du point central de I'océan en direction des côtes américaines pour I'un et de I'lrlande pour I'autre. Le câble se rompit maintes fois parce qu'il était de mauvaise qualité. Le 5 aott 1858,\'Agamemnon en débarquait un bout à Valentia, une île irlandaise où il fait 6,8 ' en février et 14,5 ' en août, le mois le plus chaud. Le Niagara débarqua le sien dans la baie de la Trinité à Terre-Neuve. Après quelques heures d'utilisation, le câble cassa définitivement et cessa d'émettre. Qu'à cela ne tienne, après la guerre civile américaine, Cyrus Field remonta un projet et décida d'utiliser le Great Eastern,le seul navire capable de transporter le câble; les machines nécessaires à Ia pose;et les hommes utiles à ce projet, ou plutôt à cette expédition, car il s'agit véritablement d'une grande aventure, avec tempêtes, décourage-


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ment et trahisons, le scénario idéal pour un film catastrophe ou le roman d'aventure que Jules Verne aurait dt écrire à la place de ce reportage insipide indigne de son talent. Les efforts fournis par les hommes et Ia merveilleuse machine qu'était le navire, étaient inhumains. Le temps est exécrable et I'atmosphère explosive entre les différentes équipes. Il y eut même plusieurs sabotages. Jules Verne relate les faits dans 20 000 Lieues sous les Mers et raconte surtout I'expédition de 1867 qui fut un succès complet puisque le Great Eastern se paya le luxe de récupérer le câble de 1865 et de le faire fonctionner. Ainsi donc, grâce à la ténacité d'un homme, Cyrus Field, qui mourut à New-York en 1892, et à ce fabuleux navire qui ne sombra iamais malgré les mauvaises langues, I'homme avait relié les cinq parties du monde entre elles. Le réseau sous-marin passa à 60000 km en 1870, puis à 153000 km en 1880, 467 000 en l9l0 pour atteindre 675000 km cent ans après la première tentative de 1858. Ainsi donc, grâce à eux, le monde entra dans l'ère moderne des communications. Hacqueville l2-0&1995. .: Nouveau Petit Larousse illustré de 1934, page 1492 Historia n"124, n"14l

Réf

-

n"89 -Bÿÿn'60, Le grand liure des inuentions,

1987 - Les régions britannigues, U2 l97l - Illustrated Times n'146 - Info-Motin, 2 l-09-1994 - Le Printemps technologique de Jules Verne, Courrier Picard, 1985 - Articles Bÿÿfournis par M. Philippe Burgaud - Les Brunel par J.J. Pilinski, Hacqueville, 1993 - Au Pays d'Argentelle, 1983. (ORNUBENT, OSMONT, Jacques Osmont). - Le Humbug, Autour de la Lune, Voyages et auentures du Capitaine Hatteras, - mille lieues soas les Mers I et II, Une uille flottante, Edito service, Hachette, Vingt

1966.


APROPOS DU CABLE TRANSATLANTIQUE: DEUx connpr-ÉmENTs D'INFoRMÀrIoN unVorxm DEHS C'est à lui que nous deuons de communiquer auec New-York plus rapidement qu'auec la première commune uenue du département non pourüue d'un bureau de télégraphe. Ce fait gros de conséquences politiques, économiques, scien-

tifiques, dramatiques, anarchiques, etc., etc. ualait la peine d'être relaté. A la santê de M. Cyrus Field!

ous reproduisons ici deux textes peu connus, aptes à illustrer

ce qui a été dit dans les articles précédents.

Il s'agit tout d'abord d'un extrait de I'ouvrage Le Nouveau Monde, premier de trois titres constituant la Conquête économique et scientifique du globe, trilogie écrite à la demande de Hetzel par le géographe Gabriel MARCEL (1843-1909) pour faire suite à l'Histoire des grands uoyages et des grands uoyageurs (1878 à 1880). Comme celle-ci, la Conquête du globe, conçue entre 1880 et 1886, était destinée à paraître sous le seul nom de Jules Verne bien que le rôle du romancier se réduislt à la correction des épreuves. Pourquoi I'ouvrage n'a-t-il jamais paru? Voilà ce que les spécialistes verniens n'ont pas encore su établir tll. Deux factures au compte de Marcel suggèrent que la rédaction duNouueau Monde se situe entre octobre 1880 et juillet l88l ; les 4500 F payés par Hetzel (ainsi que 300 F pour la composition des cartes) n'ont toutefois jamais pu couvrir leurs frais. Lorsque Louis-Jules Hetzel vend sa maison d'édition en l9l4 à la Librairie Hachette, La Conquête du Globe


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fait toujours partie du fonds. Dans une lettre du 2l avril 1915, Hetzel écrit à Hachette: *Je ioins à la présente lettre 6 fiches uQus donnant le détail de Ia remise entre uos moins des manuscrifs, dessins ou grauures d'ouurages inédits ou en cours de fabrications. 1...1 2" Fiche relatioe à la Conquête scientifique et économique du Globe de J. Verne en collaboration auec Gabriel Mar' cel. Vous receurez en même temps le texte de cet ouurage en épreuues, une partie. en manuscrits, les albums et dossiers de fumés de grauures. Deux boîtes contenant les grauures sur bois ont été déposées par les sofns de M. Lancelot au Magasin des bois, rue Jocob, le 87qgs..l2l Le texte qui suit est extrait du chapitre II de la première Partie t3l. Après avoir vanté les progrès de I'art de la navigation au XIX" siècle et souligné I'apport du commandant Maury sur la reconnaissance des courants maritimes, I'auteur décrit les diverses tentatives pour installer des câbles sous-marins. On constate avec surprise que ne sont pas cités les noms ni du Great Eastern ni de Cyrus Field alors que Jules Verne ne manque iamais de les citer à chaque occasion

qui se présente...

LE NOUVEAU MONDE En même temps que Maury songeait pour « réduire » la distance, à augmenter la vitesse des navires, d'autres voulaient la « supprimer » complètement, en réunissant les continents au moyen de câbles électriques. Le premier câble télégraphique « sous-marin » est celui qui réunit Douvres à Calais. Il fut posé en 1850; mais les commu-

nications ne furent établies d'une manière constante qu'en 1851. «

Plus on a, plus on veut avoir

»,

dit un proverbe. Aussi, de

1851 à 1860, cinquante câbles furent-ils immergés. Toutefois,

on n'en avait pas fini avec I'apprentissage: de ces câbles, les uns se rompirent, tandis que les autres, mal isolés, permirent à l'électricité de se perdre. Si bien, qu'en 1860, vingt seulement de ces câbles fonctionnaient avec régularité. L Angleterre et I'lrlande, I'Angleterre et la Hollande, étaient réunies ainsi que d'autres contrées peu éloignées: il n'y avait là rien de bien extraordinaire. Mais autrement difficile allait

être la solution du problème, qui consistait à relier deux


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continents séparés par une large mer, à profondeur variable et peu connue. Ce projet audacieux, les Anglais le conçurent et eurent la gloire de le mettre à exécution. On ne compte pas moins de 3658 kilomètres des États-Unis en Irlande. C'est cette énorme distance qu'il s'agissait de franchir. Or, le sol de I'Océan n'est pas moins accidenté que l'écorce terrestre. Par une heureuse circonstance, de I'lrlande à Terre-Neuve, il existe une sorte de plateau à trois mille mètres environ au-dessous de la surface, séparé des deux continents par des tranchées, des failles plus profondes de 500 mètres, mais assez étroites. En outre, le fond de I'Océan, en cet endroit, n'est pas hérissé de roches dures et coupantes, mais, au contraire, il est tapissé d'une boue visqueuse, sur laquelle un câble pouvait reposer mollement. Une fois de plus ces données démontrent l'utilité pratique des sondages en eau profonde, car si la nature du fond de I'Océan n'avait pas été connue d'avance, on n'aurait pas osé émettre la proposition de la pose d'un câble transatlantique. Ce serait sortir de ce cadre que de nous arrêter trop longtemps sur les difficultés que devait rencontrer la construction d'un câble capable de résister à I'énorme tension qu'il allait avoir à subir, sur les péripéties de la pose, sur I'insuccès primitif et sur la réussite d'une opération aussi délicate. Qu'il suffise de dire que les travaux, commencés en 1857, ne furent terminés qu'en 1866. Il avait fallu dix ans de lutte et une ténacité merveilleuse pour triompher d'obstacles aussi nombreux que redoutables. « C'est avec une grande satisfaction que je félicite le pays et le monde entier de I'heureuse issue de Ia grande entreprise qui avait pour but de relier télégraphiquement I'Europe et I'Amérique. On peut à peine prévoir les bienfaits que l'humanité est appelée à réaliser de ce triomphe de la science., Ces paroles de la reine Victoria, tout en rendant justice à I'invincible persévérance des Anglais, montrent qu'elle comprenait toute I'importance de la victoire remportée par la science sur les éléments. Mais ce serait, croyons-nous, enfoncer une porte ouverte que d'insister sur I'importance des résultats de tout genre que cette invention allait procurer. IGabriel MARCEL et Jules VERNE]


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Le second document est un court article paru dans le Journal d'Amiens. Moniteur de la Somme. Comme Verne était en très bonnes relations avec le directeur de ce journal, Roger-Richard Le Guenilet de Lignerolles (né en 1841, gendre de I'ancien directeur, Théodore Jeunet), il lui faisait parvenir de temps en temps des documents de sa correspondance personnelle, documents dont il pensait qu'ils pourraient intéresser le grand public:

M. CYRUS FIELD M. Jules Verne vient de recevoir de New-York une dépêche lui annonçant que M. Cyrus Field, le richissime américain en compagnie duquel il fit jadis la traversée de New-York au Havre sur le Great Eastern, est très malade. Ce nom ne vous dira peut-être pas grand'chose au premier abord? Il a eu cependant son heure de célébrité en France, tout comme le Great Eastern lui-même, à qui il a même survécu... Admirable matière à mettre en uers latins. Tout le monde sait, en effet, que le Great Eastern, le navire gigantesque qui a servi à poser le premier câble transatlantique, a dû être vendu aux enchères, il y a un ou deux ans, comme matériel de démolition... à moins que... ainsi que dirait Cloude{irofle, le célèbre dynamo-giffles du non moins c& lèbre César Cascabel, il n'ait été racheté par un collectionneur. Mais ce que I'on sait moins, c'est que M. Cyrus Field fut le grand promoteur de cette entreprise colossale. C'est grâce à son initiative et à ses capitaux que fut posé, entre les deux mondes, I'ancien et le nouveau, le premier trait d'union... mê tallique. C'est à lui que nous devons de communiquer avec NewYork plus rapidement qu'avec la première cômmune venue du département non pourvue d'un bureau de télégraphe. Ce fait gros de conséquences politiques, économiques, scientifiques, dramatiques, anarchiques, etc., etc. valait la peine d'être relaté.

A la santé de M. Cyrus Field

!

(Journal d'Amiens. Moniteur de la Somme, T el8 décembre 1891, p. 2)


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Notes:

[]

Voir les articles de Charles-Noël MARTIN, «Deux lnédits de Jules Verne: Les Vieux Continents et Le Nowteau mondeo, Bulletin de la Société Jules Verne (abrégé- par la suite en : BSJV), n"62 (1982), pp.217-222; Piero GONDOLO della RIVA, u A propos des æuvres inédites les Vieux Continents, L'Ancien Monde et Le Nouoeau Monder, Bÿÿ, même numéro, pp.222-223; V. DEHS, «Jules Verne et Gabriel Marcel,, Bÿÿn"80 (1986), pp. l3-14. [2] Bibllothèque Nationale, NAF 17059, fol. 199. [3] É,preuves du 26 octobre 1888, pp. l&19 de I'exemplaire de ma collection.


vfi,nAUx

" CALEMBREDAINES " IMAGINATION ET ORALITÉ DANS LA CONCEPTION DE STANDARD ISLAND pan Curusuax CHELEBOURG *L'fte à hêlice n'est pas seulement - comme on a trop tendonce à le croire - le roman de la fièure électorale. Certes, la conception de cette utopie tire parti de I'expérience politique de Jules Veme, mais nous auons pu constater qu'elle est tout autant inspirée par ses déboires digestifs et ses problèmes de santé.., dit l'auteur. La démonstration suit...

ar 20' de latitude sud et 160" de longitude ouest, près

'

des

côtes de Mangia, la plus importante des huit lles qui forment I'archipel de Cook, Pinchinat rêve, comme à son habitude, de sauvages... et il a quelque raison de croire que son espoir ne sera pas une nouvelle fois déçu:

n- Mon vieux Zorn, dit-il ce iourJà à son camarade, s'il n'y a pas d'anthropophages ici, il n'y en a plus nulle part ! - Je pourrais te répondre: « Qu'est-ce que cela me fait ? » r& plique le hérisson du quatuor. Mais ie te demanderai: « Pourquoi... nulle part?.., - Parce qu'une île qui s'appelle « Mangia » ne peut être habitée que par des cannibales.


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Revue Jules Verne n'1 Et Pinchinat n'a que le temps d'esquiver le coup de poing que mérite son abominable calembredaine. » (2e, I, lg4) I

Dans le Quatuor concertant de la psyché vernienne, le jeune alto, indécrottable amateur de calembredaines et calembours » (1re, I, 7), incarne la fantaisie z. Et, n'en déplaise à Sébastien Zorn comme à tous les zélateurs du sens p^ropre, c'est précisément cette fantaisielà qui est à l'æuvre dans L'lle à hélice... «

o Sans gu'on n'y ait iamais pris garde, les titres d'Une uille flottante et de L'lle à hélice se répondent, en écho, à vingt-cinq ans de distance3. Tous deux sont construits sur le même modèle thématicosyntagmatique: un substantif désignant un élément terrestre stable est doté d'une qualification maritime. La paronomase qui relie les substantifs invite au rapprochement et inscrit leurs qualificatifs dans un même paradigme, si bien que le Great Eastern nous apparaît comme une «ville à hélice » et que§tandard Island se révèle naturellement « flottante ». Le texte de L'Ile à hêlice confirme ce jeu en appliquant à I'ambitieux proiet des milliardaires américains l'adiectif accolé, en 1870, au fleuron de la marine britannique: «Eu égard à sa destination, aux exigences qu'elle devait satisfaire, il fallait que cette île pût se déplacer et, conséquemment, qu'elle fût flottante. » (1re, V, 50). Standard Island est donc une île flottante. Léchange des paradigmes cachait une recette gourmande: du lait et des æufs, des æufs battus en neige flottant sur une crème anglaise. J'ai, sur nombre de mes collègues, cette modeste supériorité d'avoir passé mon enfance dans les cuisines d'un grand-restaurant; mon père y régnait en maître absolu et ma qualité de fils du « chef » me valait d'exécuter fièrement les entremets les plus simples. Combien d'hectolitres de crème anglaise n'ai-je pas préparés ! Ses secrets me sont encore familiers: on travaille les jaunes d'æufs avec un peu de sucre jusqu'à obtenir un mélange mousseux, sur lequel on verse à petits traits un lait bouillant, sans s'interrompre de « touiller ». Puis I'on épaissit la crème à feu doux... Lorsqu'elle nappe la spatule, le tour est ioué. Il est recommandé d'agrémenter le lait de vanille et la crème de kirsch, mais ce n'est pas I'essentiel. Lîle flottante est sans doute née des meilleurs principes d'économie domestique: le blanc des æufs, énergiquement battu et moulé à la cuillère, est répandu à la surface de la crème, sur laquelle il repose douillettement


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- ainsi, rien n'est perdu. Toute I'alchimie

de cet humble dessert repose sur I'harmonieuse combinaison du lait et des æufs. Du lait et des æufs, tel est le minimum sans lequel les habitants de Standard Island ne sauraient vivre. En effet, dans cette île aussi peu autarcique que possible, dans ce monde artificiel si parfaitement organisé pour faire commerce de villégiature, on relève une singulière exception à la règle de la dépendance alimentaire en matière de protéines animales: « Il ett paru peu pratique de demander à ce sol factice de produire des céréales et de pourvoir à I'entretien des bestiaux de boucherie, qui sont d'ailleurs I'objet d'une importation régulière. Mais il y eut lieu de créer les installations nê cessaires afin que le lait et le produit des basses-cours ne dê pendissent pas de ces importations. » (1re, V 52)

Le reste, «les bæufs, les moutons, les porcs des meilleurs marchés de I'Amérique, [...] enfin, tout ce qu'il faut au plus difficile des gourmets en fait d'articles comestibles» (l'e, V 58) arrive par bateau, soit à Bâbord Harbour, soit à Tribord Harbour, selon le caprice des vents. Pourquoi diantre y eut-il « lieu de » garantir, plus que tout autre, I'approvisionnement de ces milliardaires en lait et en ceufs ? Jules

Verne ne I'explique pas. Afin de bien comprendre cette étrange contrainte, il faut se rappeler qu'au début des années 1890, et suite à d'importants troubles gastriques, Jules Verne était astreint à un régime alimentaire des plus sévères, et des plus farfelus à la fois: du lait et des ceufs {. En 1892, il avait souffert d'une grave dilatation de I'estomac pendant tout l'été, de juin à octobre, et s'était traité essentiellement par une alimentation lactées. Ecrit du 17 mars au l7 octobre 1893 6, L'Ile à hélice s'inspire de cette étrange diététique : Standard Island est conçue pour répondre, en toute situation, aux besoins médicaux de son auteur. Parallèlement, elle est en mesure d'assouvir la boulimie qui a ruiné, au fil des années, son système digestif t. En effet, la culture intensive qu'on y pratique, à côté de I'indispensable élevage de poules et de vache à lait, participe de cet imaginaire de Cocagne dont sont empreints plusieurs de ses écrits 8: « [... ] l'électroculture est largement employée, c'est-à-dire I'influence de courants continus, qui se manifeste par une accélération extraordinaire et la production de légumes de dimensions invraisemblables, tels des radis de quarante-cinq


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centimètres et des carottes de trois kilos. Jardins, potagers, vergers peuvent rivaliser avec les plus beaux de Ia Virginie ou de la Louisiane. Il convient de ne point s'en étonner: on ne regarde pas à la dépense dans cette île si justement nommée « le Joyau du Pacifique ». » (lre, V 52-54) L électricité produit ici ce que I'oxygène réalisait au chapitre X d'Une fantaisie du Docteur Ox. De même, Ia presse de Standard Island réalise certains fantasmes également dévoilés dans les Souuenirs d'enfance et de jeunessee; voilà, en effet, ce que Jules Verne nous apprend de quelques-unes des publications diffusées à bord: « Elles n'ont d'autre but que de distraire un instant, en s'adressant à I'esprit... et même à I'estomac. Oui! quelquesunes sont imprimées sur pâte comestible à I'encre de chocolat. Lorsqu'on les a lues, on les mange au premier déjeuner. Les unes sont astringentes, les autres légèrement purgatives, et le corps s'en accommode fort bien. Le quatuor trouve cette invention aussi agréable que pratique. - Voilà des lectures d'une digestion lacile! observe iudicieusement Yvernès. - Et d'une lecture nourrissante ! répond Pinchinat. Pâtisserie et littérature mêlées, cela s'accorde parfaitement avec la musique hygiénique!» (l'e, VII, 83)

L'allusion finale de Pinchinat se réfère à une précédente diatribe de Calistus Munbar « sur la musique considérée non seulement comme une des manifestations de I'art, mais comme agent thérapeutique [...] exerçant une action réflexe sur les centres nerveux» (l'e, VI, 73). A Milliard City, n Pâtisseries et littérature mêlées » accomplissent, à l'égard du système digestif, le même miracle que la musique opère sur les nerfs: elles contribuent, tout uniment, au plaisir et à la santÉ. « Pâtisserie et littérature mêlées », tel est le programme de cette /Ie flottante à hélice dans laquelle Jules Verne réalise I'improbable idéal d'un microcosme où sa boulimie ferait bon ménage avec le traitement de ses gastralgies - Standard Island vise à rêconcilier diététique et voracité pathologique, médecine et maladie, c'est une véritable utopie hygiénique. Du moins dans les premiers chapitres du roman... Par la suite, les choses se gâtent. On sait que cette île, « Joyau du Pacifique u, finit par s'abîmer dans les flots, victime de I'absurde rivalité des Bâbordais et des Tribordais. La signification humaine et politique de cette catastrophe n'a échappé à personne, mais on n'a


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pas examiné avec suffisamment d'attention les termes dans lesquels Jules Verne I'annonce puis la décrit. A I'origine du drame, il y a les « divisions intestines » (2e, II, 200), les « dissensions intestines » (2e, XII, 333 et XIII, 340) excitées par la rivalité de Nat Coverley et de Jem Tankerdon; la récurrence de l'épithète renvoie sylleptiquement aux intestins et se relie de la sorte aux pathologies oro-anales que I'imaginaire vernien considère de façon globale, c'est-à-dire sans concevoir de solution de continuité entre les troubles de I'appétit (boulimie), de la digestion (gastralgie) et de la défécation (colique)r0. La querelle des Tribordais et des Bâbordais n'est donc pas seulement socio-politique, elle joue en profondeur sur Ie plan de I'oralité. Rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'une fois portée à son paroxysme I'opposition des clans donne le «vertige» (2e, XIII, 338) à Standard Island, fasse planer sur ses habitants Ie «spectre de la famine» (2e, XIII, 341) et contraigne les autorités à borner I'alimentation « au strict nécessaire » (2", XIll, 345), puis à sans cesse « restreindre le ravitaillement » (2", XIII, 346). En effet, les vertiges faisaient partie des symptômes qui avaient conduit I'auteur à suivre un régime lors de l'été 92; cette année-là, le 3l août précisément, il écrivait à Hetzel fils: « [...] je continue à suivre un très sévère régime: malheureusement, si je ne suis plus à la merci des indigestions, i'ai encore bien des vertiges., @N, II225). On le comprend, en subissant vertige et privation, llle et ses habitants ont à souffrir les maux que Jules Verne avait endurés un an auparavant. Le destin de Standard Island est calqué sur les pathologies de I'auteur. Pour achever de nous en persuader, relisons le dialogue au cours duquel Pinchinat et Frascolin s'entretiennent des ravages causés à la machinerie et à la fabrique d'énergie électrique de Babord Harbour: On en sera quitte pour n'y voir que d'un æil ! Soit, répond Frascolin, mais nous avons aussi perdu une jambe, et celle qui reste ne nous servira guère ! Borgne et boiteux, c'était trop. » (2", KII, 340) «

-

« Borgne et boiteux», conclut Jules Verne, renchérissant sur I'humour grinçant de ses personnages; il ne fait ainsi que décrire son état. Tandis qu'il boitait depuis I'attentat de 1886, il s'était vu menacer d'une opération oculaire après ses troubles gastriques de 1892: « Non! ma santé est bête. Du côté de I'estomac, cela va peutêtre mieux, bien que les vertiges n'aient point disparu. Mais les inf irmités pleuvent, [ . . . ] maintenant, i'ai les yeux malades, et deux jo' lis petits §stes à faire extirper» (BN, II-229), écrivait-il à son édi-


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teur le 20 oct^obre, cinq mois seulement avant de commencer la rê daction de L'lle à hélice. Jules Verne projette ses pathologies à la surface de Standard IsIand; il fait de cette lle le double de son corps dolent. Le roman s'achève par une interrogation sur I'ubn's des ingénieurs: « n'est-il pas défendu à I'homme, qui ne dispose pi des vents ni des flots, d'USURPER si témérairement SUR LE CREATEUR?.., (2', XIV 363); par-delà le propos bien conventionnel, je lis volontiers cette formule comme une élégante manière de suggérer, pour finir, que cette lle travaillée par ses dissensions intestines, saisie de vertiges, sévèrement rationnée, borgne et boiteuse, usurpe sur son démiurgique créateur. La révélation de cette projection éclaire d'un jour inattendu la

structure générale du récit. Celui-ci est divisé en deux parties

d'égale grandeur, correspondant au « calibrage » des uolumes publiés par la librairie Hetzel; mais à cette division quelque peu arbitraire s'en superpose une autre, placée sous le signe de I'oralité, qui nous mène d'une croisière exotique et somme toute paisible à une navigation semée de péripéties dramatiques. C'est précisément autour du thème de la dévoration que le roman nous apparaît structuré en deux mouvements opposés. Dans un premier temps, en effet, les musiciens du Quatuor concertant ne cessent de marquer leur déception devant les progrès de la civilisation parmi les populations océaniennes et de dê plorer, tout particulièrement, I'abandon des traditions anthropophages. Cela commence en vue des îles Sandwich: «

-

-

Que vois-tu ? demande Frascolin. Là-bas... des clochers... Oui... et des tours... et des façades de palais!... répond

-

Yvernès.

- Pas possible qu'on ait mangé là le capitaine Cook!... - Nous ne sommes pas aux Sandwich ! dit Sébastien Zorn,

en haussant les épaules. Le commodore s'est trompé de route... » (l'e,lX, 104) Par la suite, leur déception se renouvelle à Papeete, où il s'avère impossible de retrouver « ces braves sauvages, qui, avant la conquête, dînaient volontiers d'une côtelette humaine et réservaient à leur souverain les yeux d'un guerrier vaincu, rôti suivant la recette de la cuisine tahitienne!» (l'e, XN, 173). Près des côtes de Mangia, I'avidité d'un pasteur protestant prive Pinchinat « du plaisir de serrer la main à d'honorables anthropophages - s'il y en avait. Mais


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qu'il se console, ajoute Jules Verne, on ne se mange plus entre soi aux lles de Cook - à regret peut-être ! » (2', I, 197-198). Aux Samoa, un père mariste leur apprend qu'ils ne trouveront pas davantage

« de ces indigènes qui pratiquent Ie cannibalisme... » (2", II, 209). Enfin, au moment de relâcher à Vavao et Tonga-Tabou, c'est le surintendant Calistus Munbar qui déclare au jeune alto: « ce n'est point encore là que vous trouverez les vrais sauvages de vos rêves, mon cher Pinchinat!» (2e, V 238). Dans un second temps, en revanche, les instrumentistes comme I'ensemble des Milliardais se trouvent en danger d'être dévorés. Entre I'archipel des Tonga et celui des Fidji, un navire, probablement anglais, lâche sur lTle artificielle une «collection de fauves, (2", VI, 252) qui menace gravement la population avant d'être exterminée (2", VID. Sur ITle de Viti-Levou, Pinchinat est capturé par une tribu anthropophage, dont ses amis le libèrent in extremis pour constater avec étonnement qu'il n'a rien perdu de son enthou-

siasme:

«- Et savez-vous ce qui me vexait le plus, dans cette situation de gibier humain sur le point d'être mis à la broche?.. demande Pinchinat. - Que je sois pendu si je le devine! réplique Yvernès. - Eh bien ! ce n'était pas d'être mangé sur le pouce par ces indigènes !... Non ! c'était d'être dévoré par un sauvage en habit... en habit bleu à boutons d'or... avec un parapluie sous le bras. . . un horrible pépin britannique ! » (2e, IX, 296-298) Pareille entorse à la couleur locale gâchait sans doute à ses yeux le plaisir d'assister en si bonne place à une cérémonie cannibale !... Enfin, dans les parages d'Erromango, I'horrible machination des Malais recueillis sur Standard Island vaut à ses habitants d'être exposés à une horde de sauvages, dévoreurs de missionnaires et de

prisonniers (2", XI,313) - et Pinchinat de devoir «défendre ses propres côtelettes contre les cannibales des Nouvelles-Hébrides » (2", XI, 317) !... Ce crescendo tragique a pour obiectif quasi explicite de suggérer, au terme du roman, Iorsque llle, disloquée, part à la dérive, que Bâbordais et Tribordais ont été plus dangereux que fauves et cannibales; Sébastien Zorn nous souffle à I'oreille cette interprétation, lorsqu'il se livre, en forme de prédiction, à cette synthèse des derniers aléas du voyage: «

Est-ce qu'une pareille machine flottante est jamais

stre

de I'avenir?.. Après I'abordage du navire anglais, l'envahisse-


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ment des fauves; après les fauves, I'envahissement des NéoHébridiens... après les indigènes, Ies... » (2", XII, 328)

...les rivalités politiques, bien sûr, les conflits d'orgueil et les querelles de prêséance!Plus profondément, cette progression des dangers révèle que, sous Ie masque des n dissensions intestines », I'auteur dissimule le déploiement des pulsions orales. Plusieurs dê tails m'apportent la preuve du lien que Jules Verne établit dans ce roman entre politique et oralité. Tandis que l'île s'apprête au mariage de Walter Tankerdon et de Miss Dy Coverley, la presse milliardaise nse désole» (2", XII,326) de I'apaisement des tensions entre Bâbordais et Tribordais - et Jules Verne de s'interroger: « Est-ce donc la politique qui la DÉMANGE?..»» (2e, XII, 32O. Or,Littre m'apprend que ce verbe signifie « rrraDsêr continuellement, faire éprouver la sensation comme si quelque chose vous mangeait »; dans son abrégé du Dictionnaire de la langue française, Beaujean précise encore que le préfixe dé ici un sens «augmentatif ». Ainsi, Ia politique menace-t-elle -revêt bel et bien de renchérir sur les menaces de dévoration que fauves et cannibales ont déjà fait peser sur Standard Island. Un peu plus loin, face à la montée des tensions, Calistus Munbar nous apparalt * DEVORE d'une mortelle inquiétude » (2e, XII, 329). Rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'évoquant la redoutable stabilité du corps électoral, Jules Verne écrive: « Il n'est aucune majorité possible, s'il ne se détache quelques voix d'un côté ou de I'autre. Or, ces voixlà tiennent comme des dents à Ia mâchoire d'un tigre. » (ibid.). Ce tigreJà va bientôt se dévorer luimême, et une comparaison vient expliciter la mêtamorphose de llle en mets: pour éviter la crise, Pinchinat propose de diviser llle « en deux tranches égales, comme une galette » (2e, Xil, 331). Les différents dangers qui s'abattent sur llle, depuis I'invasion des fauves jusqu'à l'élection d'un maire, ont donc un dénominateur commun: le thème de la dévoration. Le clivage de la croisière bourgeoise et des tribulations p6 rilleuses de Standard Island est lui-même marqué au sceau du thème alimentaire. Ce basculement s'opère au chapitre V de la deuxième partie, « Le tabou à Tonga-Tabou r; ici encore, la récurrence est significative: c'est bel et bien de tabou qu'il s'agit, un tabou qui frappe sans prê venir le violoncelle de Sébastien Zorn, au beau milieu des « rythmes endiablés d'Orphée aux Enfers, (2", V, 250), sur lesquels sauvages et Milliardais se laissent aller à une « chorégraphie inlernale » (ibid.). Tabou musical? Pas seulement. En effet, la cérémonie par Iaquelle il se trouve brisé relève d'un tout autre registre:


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«[...] la rupture du tabou a dt s'opérer régulièrement, conformément aux cérémonies cultuelles du fata en usage dans ces circonstances. Suivant la coutume, un nombre considérable de porcs sont égorgés, cuits à l'étouffée dans un trou rempli de pierres brûlantes, de patates douces, de taros et de fruits du macoré, puis mangés à I'extrême satisfaction des estomacs tongiens., (2u, V 251-252) Sur l'Île de Tonga-Tabou, Jules Verne brise dans I'euphorie Ies deux tabous hygiéniques qui pesaient jusque-là sur la musique et I'alimentation. Il n'est plus question, désormais, de concilier plaisir et santé: l'heure de la osatisfaction» pure a sonné! et, avec elle, I'heure du danger. Après les assouvissements hygiéniques, les appétits brutaux!

o L'Îte à hélice n'est pas seulement - comme on a trop tendance à le croire - le roman de la fièvre électorale. Certes, la conception de cette utopie tire parti de l'expérience politique de Jules Verne, mais nous avons pu constater qu'elle est tout autant inspirée par ses dê boires digestifs et ses problèmes de santé. La description des passions électoralistes s'intègre ici dans un imaginaire oral qui sub-

sume leur signification socio-politique. Standard Island s'avère conçue comme un « petit monde au complet » (2", XII, 326), un microcosme offert à la libre expression des pulsions orales de I'auteur. C'est une utopie alimentaire, comme le sont Ratopolis, dans Ia Famille Raton, ou Quiquendone, dans Une fantaisie du docteur Ox. L intrigue politique, qui parcourt tout le texte et vient le clore dans une vision d'apocalypse, participe pleinement de I'imaginaire géophagique il, au même titre que I'invasion des fauves, le combat avec les cannibales, ou encore I'analogie de cet espace artificiel avec une lle flottante et Ie choix d'un parcours jalonné de noms aux résonances alimentaires: Madeleine Bay, îles de Cook, archipel des Sandwich. Sur la surface métallique de Standard lsland, Jules Verne projette son appétit d'espace; I'intrigue de L'lle à hélice fonctionne comme une « machine » à transformer la politique en pathologie orale et digestive.


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Notes:

l.

Nous indiquons successivement la partie, le chapitre et la pagination de

l'édition Rencontre. Dans les citations, nous respectons les italiques de I'auteur. Les passages soulignés par nos soins sont en petites capitales. 2. Yvernès, « prodigieusement artiste » (l*, I, 6) et d'allure très romantique, représente I'identité sublime, ce n'est donc pas un hasard s'il est, par ailleurs, chargé de porter le nom de Verne, à peine déformé. Frascolin incarne le réalisme et la modestie. Enfin, Sébastien Zorn, c'est le «hérisson» (l'", I, 7);les trois domaines dont il est charge font irrésistiblement penser à la dimension éditoriale du travail de Jules Verne: « La composition des programmes, la direction des itinéraires, la correspondance avec les imprésarios, (ibid.). Cette façon de présenter sous forme de personnages différents les principaux traits de son caractère s'inscrit dans la tradition romantique: Victor Hugo fait de même lorsqu'il distingue en lui Olympio Qa lyre), Hermann Q'amour), Maglia Qe rire) et Hierro Qe combat). 3. Une uille flottante fut publié en préoriginale dans le Journal des Débats politiques et liltéraires, du 9 août au 6 septembre 1870. L'lle à hélice le fut dans le Magasin d'Education et de Récréatron du ler ianvier au l5 décembre 1895. Ces renseignements me sont fournis par I'indispensable outil bibliographique que constitue I'ouvrage de Gondolo della Riva Piero, Bibliographie analytique de toutes les æuures de Jules Verne, I, CEuures romanesques publiées, Paris, Société Jules Verne, 1977. pp. 28 et 120. 4. Voir CHELEBOURG Christian, « Le Texte et la table dans l'æuvre de Jules Verne ,, Bulletin de la Société Jules Verne, n'80, 4e trim. 1986 (pp. 8-12), p. 12. 5. Voir les lettres à Hetzel fils des 17 juin (BN, II-215), 20 et 30 iuillet @N, II221,223),9 et 3l août (BN, II-224 et225),20 octobre (BN, II-229). 6. Si je puis être aussi précis, c'est parce que Jules Verne s'est donné la peine de récapituler les dates de rédaction de ses derniers Voyages extraordinaires sur un important document que M. Piero Gondolo della Riva a récemment mis au iour et qu'il a révélé lors de la dernière assemblée générale de la Société Jules Verne. Ce manuscrit sera publié dans le Bulletin de la Société lules Verne,

n'l19,

3e trim. 1996. 7. Sur ce point, voir le témoignage de JULES-VERNE Jean, Jules Verne, Hachette, « Hachette Littérature », 1973. p. 17.

Paris,

8. Voir CHELEBOURG Christian, Poétique de l'imaginaire, Construction du texte et construction de l'imaginaire dans les *Voyages extraordinaires. de Jules Verne,Diion, Université de Bourgogne, t8 féwier 1994. pp. 25ÿ263. 9. Les .§ouuen irs d'enfance et de jeunesse ont été publiés dans le.B§/Iz, n'89, ler trim. 1989 @p. 3-8). Jules Verne y décrit une Amérique dotée de «iournaux en pâte « feuilletée », imprimés à I'encre de chocolat, qu'on lit d'abord et qu'on mange ensuite!» (p. 5). 10. Voir CHELEBOURG C., op. cit., pp. 218 et 290-291. I l. Sur cette constante de I'imaginaire vernien, voir mon étude: « Splendeurs et misères d'un géophage - Jules Verne au pays d'Hansel et Gretel,, in CHELEBOURG C., GONDOLO DELLA RM P., PICOT J.-P. et VIERNE 5., Voyages extaordinaires en pays uernien ltextes recueillis par Danielle LECOQ], Paris, Université de Paris VII, 1996 [à paraître].


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hristian Chelebourg est un universitaire qui manie naturellement et avec brio le vocabulaire très technique de la linguistique et de la rhétorique. Pour les lecteurs qui n'auraient pas la même facilité, nous avons pensé qu'il ne se rait pas inutile d'expliquer de manière simple quelques-uns des termes qui peuvent paraître les plus énigmatiques: Syntagmatique et paradlgme: en résumant - et en schématisant - beaucoup, on peut dire que le syntagme c'est la combinaison des mots qui ont été « mis ensemble » (conferle préfixe grec syn-) dans un membre de phrase et que le paradigme, c'est la liste de tous les mots qui auraient pu être également placés à un endroit précis du syntagme. Un de ces mots a nécessairement été choisi par I'auteur. Les autres se trouvent « à côté » (confer le préfixe grec para-) dans la liste. Ils auraient pu être « mis à cet endroit » en raison de leur « compatibilité » avec les autres éléments du syntagme. Il y aura compatibilité dans trois cas: 1) si I'on a affaire à des mots plus ou moins synonymes; 2) s'il existe un point commun entre les objets ou les notions qu'ils désignent; 3) s'ils désignent un objet ou une notion qui n'est pas incompatible avec les autres éléments du syntagme. Ce système est très riche et un auteur, par le choix qu'il opère et les combinaisons qu'il forme, peut en tirer de multiples effets. Il peut littéralement jouer szr les paradigmes », jouer auec les paradigmes », et jouer du paradigme ». Quelques exemples feront mieux comprendre ce jeu... Prenons un modèle de syntagme comme: article défini ou indéfini + nom commun + adjectif, en pensant aux romans de Jules Verne dans lesquels apparaissent des engins mobiles et amphibies, comme: le Great Eastem, Standord Island,le Géant d'Acier, et l'Epouuonfe. Dans le paradigme de I'article, nous trouverons : une, et: /a (ou /). Dans celui du nom commun: uille, île, automobile, et: locomobile. Et dans celui de I'adjectif : flottante, mouuante, et: ifinérante. Avec ça, on peut former 24 combinaisons, comme celles-ci: Une uille flottante, Une uille mounante, Une uille itinérante, Une île mouuante, Une île itinérante, Une automobile flottante, Une locomobile flottante, La uille flottante, L'île itiné«

«

«

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Revue Jules Verne n"1 rante, L'automobile flottante, La locomobile flottante (cherchez les autres!). On voit que flottante, nnouüante, eti itinérante sont plus ou moins synonymes. C'est notre cas de compatibilité l. Ville, île, automobile, et locomobile ne sont pas exactement synonymes entre eux (une uille, une île et une automobile oulocomobile sont des choses très différentes!). Mais on

peut leur trouver un point commun: les obiets en question peuuent se déplacer, par définition pour automobile eT locomobile, et par la grâce de la fantaisie d'un écrivain pour uille et î/e. Ce sont nos cas de compatibilité 2 et 3: uille et î/e peuvent entrer sans problème dans un syntagme, en association avec les adjectifs exprimant I'idée de mobilité... Prenons un

autre exemple. Sur le modèle de syntagme: un nom * ude, + une expression, on peut former: Aoentures de trois Russes et de trots Anglais et: Tribulatlons d'un Chinois en Chine. On voit que aüentures et tribulations sont des termes synonymes et qu'ils seraient quasiment interchangeables dans ces deux titres. Mais Verne a opéré un choix significatif : « aventures » est plus neutre; « tribulations » introduit une nuance importante (les aventures sont plutôt des mésouentures, et elles sont pénibles)... Enfin, prenons un exemple dans lequel les termes du paradigme n'ont pas d'autre rapport entre eux que celui d'être compatibles avec les autres éléments du syntagme (cas de compatibilité 3)... Sur le modèle de syntagme: article + nom + «de» + complément de nom, on peut former aussi bien: Les aaentures du Capüaine Hatteras que: Le chien du Capitaine Hatteras (le Dog Captain!). On voit que les deux sont également acceptables (car Hatteras, dans le roman, a bien: des aüentures et un chien !) mais que le choix opéré entre « aventures » et « chien » Dê mêt pas du tout l'accent sur le même aspect de la question... Une dernière chose, et nous aurons fait le tour complet des possibilités de notre ieu: on peut très bien s'amuser à placer à un endroit du syntagme un élément de paradigme qui correspondrait mieux à l'élément de paradigme qui a été placé à un autre endroit du syntagme. Un exemple: sur le modèle de syntagme: article défini + nom d'objet susceptible de se mouvoir + «à» + nofil du moyen de propulsion, Jules Verne a pu former deux titres de romans : La maison à aapeur et: LTle à hélice.ll a donc ioué sur un paradigme « noms d'objets susceptibles de se mouvoir», comprenant les éléments: rnar'son et île, et sur un paradigme «noms de moyens de propulsion», comprenant les élémentsi uapeur et hélice. Dans le paradigme «noms de


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moyens de propulsion », il a « logiquement » sélectionné respectivement : I'élément üapeur, convenant plus particulièrement à la maison, et I'élémenl hélice, convenant tout spécialement à l'îIe. Mais rien ne nous empêcherait d'intervertlr, dans les deux titres, les éléments du paradigme «moyens de propulsion», afin de générer «malicieusement» deux autres titres: La maison à hélice, el: Lîle à aapeurt Paronomase: Quand on joue dans un ênoncé sur des mots dont les sonorités sont très proches l'une de I'autre (on retrouve là I'idée marquée par le préfixe: para-), on fait - un peu à la manière de Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir ! - une paronomase. Les plus gros consommateurs de paronomases sont: les adages populaires (comme: «Tout passe, tout fosse, tout cosse », «Vouloir c'est poutsoir»,

«Qui vole un æuf vole un bæuf») et les slogans (comme: u Non à la femme bonniche el potiche !»). Comme on le voit, la paronomase nécessite un élément commun (qu'on a fait ressortir par de l'italique simple dans les exemples ci-dessus), et un élément qui diffère (souligné par de I'italique gras). La différence peut consister en une uariation d.e consonnes Qtassel lassef casse, oouloirl pouuoir, bonniche I potiche) ou en une présence d'un côté et une absence de I'autre (présence d'une consonne dans bæuf, et absence dans æuf . Le couple: Une aille flottantelUne île flottante est une paronomase du deuxième type. Enfin, est-il besoin de préciser qu'une bonne partie des exemples que nous vous avons donnés dans la rubrique précédente (sur synfagmes el paradigmes) font aussl lntervenir des paronomases? Sylleptiquement: Faire une syllepse, c'est employer dans une phrase un mot qui peut se comprendre dans deux sens différents, de manière à donner I'impression que I'on «a ensemble, (pensez au préfixe syn les deux sens en un seul -!) « exemple mot ». On cite généralement comme de syllepse les propos que Racine lait tenir à Pyrrhus d,ans Andromaque: Je souffre tous les maux que j'ai faits devant Troie. Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé, Brûlé de plus de feux que je n'en allumai. Pauvre Pyrrhus, guerrier passant pour avoir la main lourde, et amoureux sans espoir! Le feu et le mal qui le àrû/enf, d'après Monsieur Racine, sont à prendre à la fois au sens propre et physique (les incendies qu'il a allumés et les mas-

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sacres qu'il a commis, à Ia guerre de Troie) et au sens figuré et psychologique (la souffrance causée par le remords et

I'amour impossible)... Parfois, la syllepse repose simplement sur un rapprochement plus ou moins forcé que I'on pourrait faire entre deux mots voisins. C'est le cas des «querelles intestines» qu'on fait semblant de prendre pour des « luttes » se livrant « à I'intérieur», à la fois de lasociété décrite par I'auteur dans son roman et des... boyaux dudit auteur! Le nprocédé» rhétorique est alors dénoncé par le fait que s'il y a bien jeu de mots possible sur « intestin », notre langue distingue soigneusement les deux sens, en utilisant deux adjectifs-distincts: il y a, en français, les querelles « intestines » de L'lle à hélice, et les querelles « intestinales» du bonhomme Verne! UJN]


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DU GnBar EasrBnN: LA CORRESPONDANCE. DE JULES \rERNE paa

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CÉum CO/YIPERE

uelques lettres au sujet de ce voyage ont été retrouvées et l'on peut constater que selon son habitude (regrettable pour les chercheurs), Jules Verne ne donne pas la date complète. Cependant dans le cas présent, sachant que I'année concernée est 1867, la chose est plus facile. La première lettre (Annexe I) indique: Liuerpool, uendredi, sans plus de précision. Dans les archives de la Bibliothèque Nationale [voir références, 1] cette missive est supposêe écrite «vers le 20 mars". Nous adoptons le 22 mars qui est un vendredi en 1867. Cette lettre est adressée à Hetzel. Jules Verne l'écrit sans doute très rapidement et dès le début nous constatons un lapsus: notre retard au lieu de notre départ.ll annonce en effet que le départ du Monstre est retardé. Une seconde lettre à son éditeur (Annexe II) écrite à bord du Great Eastern est de « mardi matin » [voir références, 2] et ne peutêtre que du 9 avril 1867 si I'on tient compte de la lettre suivante adressée au rédacteur du Messager Franco-Américain, dont la date: mardi 6 avril, est également erronée. Le seul mardi est le 9 (Annexe III) et dans Ies deux lettres Jules Verne précise que le grand navire est en vue de la baie d'Hudson ou I'a passée [voir références,3]. La lecture de ces lettres permet de constater que Jules Verne continue à s'intéresser à ce qui se passe en France et tient aussi à ne pas contrarier Hetzel en restant trop longtemps en Amérique.


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Ses lettres à Honorine ne sont pas retrouvées, mais il ne l'oublie pas et elle est en contact avec l'éditeur et son épouse. Il en est de même pour ses parents. Et de Paris [voir références, 4] il leur fait part de ses regrets qu'ils ne soient pas venus à Brest à leur retour. Mais Paul a dû leur donner tous les détails et sans

doute leur a-t-il écrit. On s'aperçoit aussi que les incidents et accidents et les festivités que les deux frères ont connus à bord sont plus complets dans la lettre à Hetzel que dans I'article du Messager. Toutefois et surtout dans ce dernier, Ies quelques critiques sur Ie grand navire passent inaperçues devant les louanges enthousiastes du passager. Pourtant dans la lettre à ses parents, s'il évoque les merveilleuses choses qu'ils ont vues, il se soucie peu du Géant des mers. Une seule phrase lui est accordée: « Quant au Greot Easfern, c'est une affaire entièrement terminée; je crois même que Ia faillite est déclarée". Pas un regret pour ce navire qu'il a tant vanté. Mais comme il I'a promis, il le transforme peu après en « Une ville flottante".

nÉrÉnnNcrs I

Archives Hetzel, Ms NAF 17004, ff.51152 (Annexe [) - B.N. B.N. Archives Hetzel, Ms NAF 17004,1169170 (Annexe II) 3 - Le Paquebot, joumal de la nauigation et des uoyages, 2u année, -n'18, 4 mai 1967, p. 6 (Annexe III). Voir aussi pour cette lettre et 2

la précédente: Marcel Destombes , Jules Verne et le Great Eastern, 1967, Bulletin de la Société Jules Verne, Paris, no56, 4" trimestre 1980, p. 286 4 Lettre à ses parents: Paris, mardi [7 mai 1867], Olivier Dumas,-La Manufacture, 1988, lettre n'141


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ANNE}ffi

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I [Vers le 20 mars 1867 ?] Liverpool, Vendredi

Mon cher et bon Hetzel, vous savez que notre retard [sic] a été retardé de 3 jours parce que le monstre n'était pas prêt. Mais maintenant, il a le ventre plein et il va se mettre demain en route. D'ailleurs, notre retour ne sera pas retardé, mais ce sera autant de perdu à New-York, et je crains que nous n'ayons pas le temps d'aller aux chûtes du Niagara. Enfin, je veux vous serrer la main avant de partir. Depuis que nous avons quitté Paris, mon frère et moi, nous marchons de merveille en merveille, et je vous assure que je fais de bonnes provisions pour I'avenir. Vous, poète, que les usines et les magasins de Toulon ont ému, que diriez-vous donc de Liverpool, et même d'un Great Eastern? J'apprends par une lettre de ma femme que vous avez assisté à la lre représentation de Dumas fils, et que sa pièce a parfaitement réussi; je suis bien content, je vous assure, et ie vous envie d'avoir été là! Il n'est guère question de ces choses dans une ville comme Liverpool, et ça m'a fait I'effet d'une petite brise littéraire qui m'arrivait de France. Maintenant, mon cher Hetzel, laissez-moi vous embrasser rapidement, car la poste n'attend pas, nous devons être de retour le Vendredi-Saint, le capitaine Sir James Anderson me I'a promis; ainsi mon absence se renfermera dans les limites prescrites et je serai de retour à mon poste à I'heure dite. Je me rappelle au souvenir de Madame Hetzel, qui a I'air de ne point vouloir abandonner ma femme dans sa solitude, et je serre la main de votre cher fils. Quant à vous, de tout coeur ou, comme disent les anglais, votre fidèle Yours faithfully Jules Verne Goudchaux m'avait prié de prendre une petite caisse à Commercial hotel pour I'emporter à New-York, mais il a oublié de me donner une lettre, de telle sorte que je ne puis avoir la dite caisse.


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Première page de la lettre de Verne à Hetzel,

écrite à bord du Great Eastern,le 2 avril

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ANNEXE

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II Great Eastern, mardi matin [9 avril 1867]

Mon cher Hetzel, Je veux absolument vous écrire en vue de la terre américaine, et à bord du Great Eastern. Nous serons à New-York à midi, car il a fallu attendre Ia marée iusqu'à ce matin pour passer la barre de l'Hudson. J'éprouve le besoin de vous dire que je vous aime bien en France et non moins en Amérique. Ah ! si vous étiez venu avec nous, votre coeur eut palpité plus d'une fois car les incidents, et malheureusement les accidents ne nous ont pas manqué pendant ce voyage. Je crois que mon Iivre sur le Great Eastern sera plus varié que je ne I'eusse voulu, grâce aux épreuves par lesquelles nous sommes passés depuis quinze jours. Nous avons eu des coups de vent épouvantables i le Great Eastern, malgré sa masse dansait comme une plume sur I'océan; son avant a été emporté par un coup de mer. C'était effrayant, mon frère avoue n'avoir jamais vu une mer plus mauvaise. J'ai fait la provision d'émotions pour le reste de mes jours. Ma femme, à qui je donne des détails sur cette traversée pourra vous en dire plus long et je lui recommande de le faire. C'est vraiment pénible d'être pendant si longtemps sans nouvelle des siens; c'est inquiétant et cela trouble les joies du voyage. Je suis str, méchant homme, que vous ne m'aurez point écrit à New-York. En tout cas, il ne faut plus le faire parce que vos lettres ne m'arriveraient pas. Notre traversée a duré 14 jours par suite du mauvais temps, c'est-à-dire quatre iours de plus que les traversées moyennes du Great Eastern. Si donc, nous nous décidions à revenir par un transatlantique, nous ne pourrions plus prendre que celui du 20 avril qui ne nous mettrait à Brest que le 30. Mais, heureusement, nous avons I'assurance que le Great Eastern repartira le 16 et nous arriverons en France vers le 26 ou27, ce qui ne fera qu'un retard de 5 à 6 jours sur la date antérieurement fixée pour notre retour. Si donc, comme je vous l'ai écrit, vous avez commencé la Géographie, j'arriverai encore suffisamment en avance pour continuer les départements. Que fait-on là-bas, en France, que devient-on? Lexposition est-


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elle ouverte? Les journaux apportés hier soir à bord par le pilote nous donnent Ia rente française à 66 F. C'est 3 F de baisse depuis notre départ de Liverpool. Qu'est-ce qui se passe donc? Est-ce qu'on se bat en Europe ? Vous voyez, mon cher Hetzel, que nous ne savons rien, que nous sommes comme des sauvages dans notre lle flottante. Mais quelle lle!Quel échantillon de I'industrie humaine. Jamais le génie industriel de l'homme n'a été poussé plus loin. J'espère bien peindre tout cela dans Une trauersée à bord du Great Eastern, et apprendre au public des choses qu'il faut savoir. C'est une huitième merveille du monde que ce navire!Qui sait si vous n'iriez point le voir à Brest quand il y sera. Veuillez, mon cher Hetzel, me rappeler au souvenir de madame Hetzel, qui d'ailleurs, ne m'aura point oublié. Dites lui que je compte voir madame la Consulesse aujourd'hui-même et lui remettre les divers objets dont elle m'a chargé. Je ne sais si nous aurons le temps de faire notre pointe au Niagara. Cela sera décidé ce soir même. Nous désirons vivement voir ces admirables chttes, mais, pour le faire, nous ne voulons pas retarder d'un jour notre arrivée en France. Or, cette visite nous mangera trois jours au moins car il y a 20 heures de chemin de fer pour arriver au Niagara. Mon cher ami, embrassez ma femme quand vous la verrez, ça lui fera plaisir. Mais embrassez là pour moi, pas pour vous, diable! Donnez une bonne poignée de main à votre fils, touiours pour moi, et croyez moi Votre dévoué de tout cæur, Jules Verne

Depuis deux iours, nous avons un temps admirable; pas un nuage au ciel; aussi, notre arrivée à New-York va être splendide. Ah ! La mer, quel admirable élément. Encore une fois, adieu et à bientôt.


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ANNEXE

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III Mardi, 6 avril à bord dt Great Eastern

«

Monsieur le rédacteur",

Le Great Eastern vient de mouiller aujourd'hui dans I'Hudson, après avoir pour la vingt-deuxième fois traversé I'océan Atlantique. Voulez-vous me permettre de vous donner quelques détails sur ce voyage qui, j'espère, ne pourront manquer d'intéresser vos lecteurs, car tout ce qui se rapporte à ce magnifique steamer préoccupe justement I'opinion publique. Il s'agit en effet de savoir si le Greot Eastern est à tous les points de vue le dernier mot de la science nautique moderne. Le Great Eastern, affrété par une compagnie française pour faire le service entre Brest et New-York, a quitté Liverpool le 26 mars dernier et il est arrivé à New-York après une traversée de quatorze jours. C'est donc le plus long de ses voyages, mais aussi le plus cu-

rieux à étudier, car jamais ses qualités spéciales n'ont été plus

mises en relief. Deux raisons ont contribué à accroître la durée de cette dernière traversée: d'abord, parce que les chaudières de I'hélice étant nouvelles, I'ingénieur n'a pas voulu pousser ses feux et s'est maintenu à une pression modérée; mais on peut assurer, dès maintenant, que

les nouvelles chaudières fonctionneront d'une manière remar-

quable, et que la vitesse du Great Easfern qui est de treize milles au moment où ie vous écris, pourra être facilement portée à quatorze milles par heure, moyenne que n'ont pas dépassée les plus rapides navires transocéaniens. Le second motif pour lequel la traversée du Great Eastern a été allongée, c'est la série des mauvais temps qu'il a essuyés du premier au dernier iour. De I'avis unanime des officiers qui I'ont accompagné dans tous ses voyages, de I'opinion même des passagers

qui avaient souvent franchi I'Atlantique, jamais navire ne s'est trouvé en présence de plus furieux coups de vent que celui du 28 mars, et en dernier lieu, celui du 6 avril. Pour en donner une juste idée, monsieur Ie rédacteur, il suffira de dire que dans le der-

nier ouragan, c'est-à-dire une sorte de cyclone, les pavois de I'avant du Great Eastern ont été enlevés par deux coups de mer monstrueux, et il fallait qu'ils fussent tels, car ces pavois sont élevés à


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une hauteur de trente pieds. On n'ose songer sans épouvante aux terribles effets qu'eût produits I'assaut de ces lames effroyables sur un tout autre navire que le Great Eastern Bien peu eussent résisté à

ces formidables attaques, et pas un, en tous cas, j'entends des meilleurs qui soient, ne s'en fût tiré sans avaries excessivement graves, qui l'eus§ent mis en perdition. Eh bien, pour le Great Eastern, ces furieux coups de mer ont passé presque inaperçus. Pendant que le solide navire se jouait pour ainsi dire de l'Océan déchaîné, les passagers déjeunaient tranquillement dans les salles à manger du bord et ne se doutaient même pas de ce qui se passait à I'avant. Le Great Easfern s'était mis debout à la lame;ni roulis, ni tangage ne se faisaient sentir, et le géant continuait majestueusement et tranquillement sa route au milieu des flots impuissants. Il faut donc dire, il faut le répéter souvent car c'est une question qui intéresse ces nombreux voyageurs que leurs affaires ou leurs plaisirs entralnent sur les mers, un navire de la dimension du Greaf Eastern I'emporte sur tous les autres steamers, par cela seul qu'il est cinq ou six fois plus grand; sa masse le rend indifférent à la mer; il peut toujours, dans un mauvais temps, se placer debout à la lame, ou Ia fuir, suivant les exigences de sa route, et alors sa longue coque également supportée ne connalt ni les coups terribles, ni les heurts insupportables du tangage, il navigue comme en eau calme; si sous d'autres allures, par des mers de travers, il est sensible au roulis, c'est un inconvénient dont un lest mieux réparti Ie débarrassera certainement dans ses autres voyages. Voici donc, et tout d'abord, les qualités nautiques, c'est-à-dire celles dont on doit se préoccuper en premier lieu, qui recommandent le Great Eastern à la préférence des passagers. Déjà, dans une précédente traversée, cet inébranlable navire avait montré que, même dépourvu de ses roues et démonté de son gouvernail, il n'avait rien à craindre avec sa double coque des fureurs de la mer; dans ce dernier voyage, il a prouvé que quelles que fussent les violences d'un ouragan, il pouvait s'y soustraire en choisissant son allure, et en épargnant ainsi à ses passagers les fatigues inévitables à bord de tout autre navire. Je ne veux pas terminer ces réflexions sans ajouter que les dÈ mensions dr Great Easfern qui en font Ie navire le plus sûr et le plus rapide, ont permis de I'aménager de la manière la plus confortable. Le public connaît déjà les salons luxueux qui ont été souvent dê crits dans les articles inspirés par le Great Eastern Mais la nouvelle Compagnie ne s'en est pas tenue à son ancien aménagement. EIIe a voulu faire spécialement de l'immense steamer un navire à passa-


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gers, où ceux-ci pussent trouver tout le confort des plus beaux hôtels de Paris, de Londres ou de New York. De nouveaux roufs ont été construits sur le pont, I'un formant un grand « dining saloon » qui peut contenir trois cent cinquante convives, I'autre un « smoking room » disposé à I'américaine. Au dessus de ces salons règnent de longs « spardechs » où peuvent se promener plusieurs centaines de passagers. Quant aux cabines, par leurs dispositions, leurs dimensions et leur ventilation, elles offrent un confort inconnu des autres bâtiments transocéaniens. Vous comprendrez aisément, monsieur Ie rédacteur, I'influence que tous ces avantages réunis à bord duGreat Easfern, ont sur I'esprit et Ie moral des voyageurs, et on I'a bien pu voir pendant cette dernière traversée. On peut dire qu'en dépit du mauvais temps et des cyclones,le Great Eastern a navigué au milieu de fêtes perpétuelles; des concerts dont les passagers faisaient eux-mêmes les frais, des danses, des lectures, des conférences du capitaine, sir James Anderson, sur le câble transatlantique, d'intéressants récits de M. Du Chaillu sur ses audacieuses explorations dans I'Afrique

équatoriale, des scènes comiques par les matelots du bord ont fourni à chaque soirée son «entertainment". Lennui n'a pas droit de cité à bord du Great Eastern, et il en est banni comme le mal de mer.

Je termine cette lettre, monsieur le rédacteur, en vous remerciant de I'avoir accueillie dans votre journal. Je me propose, à mon retour en France, de consacrer un volume entier à l'étude et à la description du Great Eastern; mais je n'ai pas voulu attendre plus longtemps pour ici payer le tribut d'une juste reconnaissance. C'est un admirable navire, qui n'a pas de rival au monde. Agréez, monsieur Ie rédacteur, I'assurance de ma haute considâ ration. Jules Verne


EXTRAITS D'ETUDES ans le style vivant et commercial, caractéristique du journaIisme américain, Sélection du Reader's Digest d'avril 1954 propose les extraits d'un livre de James Dugan: « The Great lron Ship ». Voici comment il relate Ie premier lancement du Great Eastem: *Conçu par Brunel en 1851, Ie Great Eastern était une entreprise qui, tdnt au point de uue technique qu'au point de uue financier, dépassait de beaucoup les moyens de son époque. Il marqua d'une façon tragique l'apogée de sa carrière d'ingénieur.

Le lancement deoait auoir lieu Ie 3 nouembre 1857. Brunel réclama un * silence absolu- de façon à pouuoir faire entendre ses ordres. Il ignorait que la compagnie auait émis des milliers de tickets d'entrée sur le chantier, que I'on deurait dresser des tribunes dans tout le uoisinage et que les marins de la Tamise louaient leurs bateaux pour perrnettre aux curieux d'assister au spectacle de la riuière. L'heure approchait, des fanfares retentissaient et, en dépit du crachin qui assombrissait I'atmosphère, une foule immense s'était déplacée. Au milieu de la boue et du tumulte, coiffé d'un grand chapeau en poil de castor, le petit Brunel repoussa les spectoteurs qui encombraient l'aire de lancement et s'installa sur une posserelle située dans la partie supérieure du nauire. A midi, il donna le signal. La lourde coque trembla et gémit, la boue sur laquelle reposait le chantier frissonna majestueusement. - Il bouge! hurlèrent les gens.ll bouge. Son arrière aoait glissé de quelques centimètres. Brunel agita un drapeau rouge pour ordonner que I'on mît en marche les béliers hydrouliques. On entendit un grincement aigu et le Great Eastern se mit à glisser. L'équipe chargée de manæuürer le treuil de 60 tonnes pour retenir le bateau par l'arrière eut malheureusement le tort de s'intéresser, conime les milliers de spectateurs, à ce qui se possait ailleurs..§ans sur-


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ueillance le treuil se mit à toumer à l'enuers, projetant des dizaines d'ouuriers sur la tête des spectateurs. Ce fut la panique. Cinq hommes, dont 2 rt1 mortellement blessés, durent être emportés sur des ciuières. Brunel fit un nouuel essai alors qu'une uiolente auerse commençait à tomber. La foule impatiente pataugeait dans la boue. De nouueou, la coque gémit et grinça mcrs sans bouger. Les chaînes se rompirent et projetèrent des maillons gros comme le bras sur les spectateurs qui décampèrent en hurlant.»

Par la suite, le navire connut encore de houleuses mésaventures, jusqu'à ce que le millionnaire américain Cyrus FIELD n'ait I'idée de I'utiliser pour la pose du câble télégraphique transatlantique. Quelques autres avatars supplémentaires et en 1869, comme I'explique R. TAUSSAT dans Ie mqlheureux destin du Great Easfern (n B.S.J.V., nouvelle série, n"15) * Il mouilla un nouueau câble entre Brest et Saint-Pierre et Miquelon, puis entre Bombay et Aden. A son retour, il fut d.ésarmé, seruit d'exposition flottante en 1886 à Liuerpool, Dublin et Greenoch et fut, enfin, uendu aux enchères, en octobre 1887, ù des récupérateurs de ferraille qui le payèrent 525 00 F. Il auait coûté trente-six fois plus. Et c'est uers le chantier de démolition de Birkenhead qu'il effectua son dernier uoyage. En ouurant une cellule étanche du

double fond, les ouoriers qui dépeçaient la coque trouuèrent ce qui deuait être la cause, au dire des uieux matelots, des malheurs dont le Great Eastern auait été la constante uictime. Un squelette humain, celui d'un rioeur, disparu trente4inq ans plus tôt lors de la construction du üoisseau, gisait dans la ténébreuse oubliette. Une plaque d'ocier, obstruant soudain I'ouoerture de I'aloéole auait scellé ce malheureux dans l'obscurité de la mort. Il n'est pos interdit de croire que Jules Verne, qui s'était passionné pour le Great Eastern, dut auoir connaissance de cette découuerte. Il ne put, alors, s'empêcher d'éuoquer une autre oubliette, au fond de laquelle tintent les grelots d'un bouffon dégrisé par la terreur, une caoe profonde où, dans une éternelle nuit, Montrésor maçonne à jamais le tombeau de celui qui uoulait goûter à la Barrique d'Amontillado..

tlt sic (N.D.L.R.)


T.JXB

VILLE

FLOTTANTE (nxrnarrs) Le narrateur: anonyme

Fabian Mac Elwin: capitaine au 22e Régiment de I'armée des Indes (veut effacer un chagrin d'amour) Archibald Corsican: Idem, son ami Docteur Dean Pitferge: un passager en quête de naufrages Ellen Hodges: épouse Drake Harry Drake: L'homme qui a ravi Ellen à Fabian Résumé: Traversée de l'Atlantique sur le plus grand paquebot du monde. Fabian veut oublier celle qu'il aime et qu'un père riche a donnée à un vaurien. Le hasard veut que tous trois soient à bord. Ellen est un fantôme nocturne, Drake un joueul Fabian un romantique. La fin est un duel dans lequel Drake meurt atteint par la foudre. Près des chutes du Niagara, Ellen retrouve la raison. Cette histoire et ce voyage sont observés par deux comparses de voyage: le narrateur (Jules Verne) et Dean Pitferge (son ami Aristide Hignard). Ecrit en 1867-69, publié en 1871.


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«Ire 18 mars 1867, j'arrivais à lriverpool. Lre Greaf Eastern devait partir quelques jours après pour NewYork, et je venais prendre passage à son bord. »»


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clrrrpcoteit, on gr{eit, oo Pcigurit (p.

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tt...J'entreuis sa masse hnposante

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Irc Great Easfern était mouillé à peu près à trois milles en amont, à la hauteur des premières maisons de lriverpool. Du quai de New-Prince, on ne pouvait l'apercevoir. Ce fut au premier tournant de la rivière que j'entrevis sa masse imposante. On eût dit une sorte d'îlot à demi estompé dans les brumes.Il se présentait par I'avant, ayant évité au flot; mais bientôt le tender prit du tour, et le steam-ship se montra dans toute sa longueur. Il me parut ce qu'il était : énorme ! (.. .)

Vues de côté, ces roues paraissaient maigres, émaciées, bien que la longueur de leurs pales fût de quatre

mètres; mais de face, elles avaient un aspect monumental. Ireur élégante armature, Ia disposition du solide moyen, point d'appui de tout le système,les étrésillons entrecroisés, destinés à maintenir l'écartement de la triple jante, cette auréole de rayons rouges, ce mécanisme à demi perdu dans I'ombre des larges tarnbours qui coiffaient l'appareil, tout cet ensemble frappait I'esprit et évoquait I'idée de quelque puissance farouche et mystérieuse. Page 4

«un immense chantier»

Le pont n'était encore qu'un immense chantier liwé à une armée de travailleurs. Je ne pouvais me croire à bord d'un navire. Plusieurs milliers d'homrnes, ouvriers, gens de l'équipage, mécaniciens, officiers, manæuvresr curieux, se croisaient, se coudoyaient sans se gêner, les uns sur le pont, les autres dans les machines, ceux-ci courant les rouffles, ceux-là éparpillés à travers la mâture, tous dans un pêle-mêle qui êchappe à la description. Ici des grues volantes enlevaient d'énormes pièces de fonte; là, de lourds madriers étaient hissés à I'aide de treuils à vapeur; au-dessus de la chambre des machines se balançait un cylindre


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lous les bomnes dispsés sur ks barre* araieot Étdrenrsr#s tp.

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de fer, véritable tronc de métal; à I'avant, les vergues montaient en gémissant le long des mâts de hune; à I'arrière se dressait un échafaudage qui cachait sans doute quelque édifice en construction. On bâtissait, on ajustait, on charpentait, on gréait, on peignait au milieu d' un incomparable désordre.

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«venaîent de luer quatre matelots tt

Mon interlocuteur et moi, nous étions précipités vers I'avant. Sans exception, tous les hommes disposés sur les barres avaient été renversés; Ies uns se relevaient; d'autres gisaient sur le pont. Un pignon de la machine ayant cassé,le cabestan avait dérivé irrésistiblement sous la traction effroyable des chaînes. Ires hommes, pris à revers, avaient été frappés avec une violence extrême à la tête ou à la poitrine. Dégagées de leurs rabans cassés, les barres, faisant mitraille autour d'elles, venaient de tuer quatre matelots et d'en blesser douze. Parmi ces dernieis, le maître d'équipage, un Écossais de Dundee. On se précipita vers ces malheweux. Ires blessés furent conduits au poste des malades, situé à I'arrière. Quant aux quatre morts, on s'occupa de les débarquer immédiatement. D'ailleurs, les Anglo-Saxons ont une telle indifférence pour la vie des çrens, que cet événement ne provoqua qu'une médiocre impression à bord. Ces infortunés, tués ou blessés, n'étaient que les dents d'unrouage que I'onpouvait remplacer àpeu de frais.

Page 18 Ire lendemain,27 mars, le Greaf Eastern prolongeait par tribord la côte accidentée de l'Irlande.


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Àlors connença ,l'htermioable æænsion (p.

t{).


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ndans sa yie un malheur que j'ignorais»

Fabian parlait avec une volubilité nerveuse, et sa poitrine se gonflait de soupirs.Il y avait évidemment dans sa vie un malheur que j'ignorais encore, et que ses lettres mêmes ne m'avaient pas laissé pressentir. Àrchibald Corsican me parut être au courant de cette situation. Il montrait une très vive amitié pour Pabian, plus jeune que lui de quelques années.Il semblait être Ie frère aîné de Mac Elwin, ce grand capitaine anglais, dont le dévouement, à l'occasion, pouvait être porté jusqu'à I'héroïsme. Page

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«I)e longues mislress à défenses d'ivoîre

»t

Entre tous, les Californiens se distinguaient par leur aptitude à boire du champagne.Il y avait Ià, près de son mari, ancien douanier, une blanchisseuse enrichie dans les lavages de San-Francisco, qui buvait du cüquot à trois dollars la bouteille. Deux ou trois jeunes missess, frêles et pâIes, dévoraient des tranches de bæuf saigmant. De longues mistress, à défenses d'ivoire, vidaient dans leurs petits verres le contenu d'un æuf à la coque. D'autres dégustaient avec une évidente satisfaction les tartes à la rhubarbe ou les céleris du dessert. Page 26

« Un

corps vinl rouler à raes pieds »

De taquets en taquets, je parvins à gagner le tambour

de tribord. Le pont, mouillé par la brume, était très glissant. ]e me préparais donc à m'accoter contre une

des épontilles de la passerelle, quand un corps vint rouler à mes pieds. C'était celui du docteur Dean Pitferge. Mon original se redressa aussitôt sur les çIenoux, et me regrardant: <<

C'est bien cela, dit-il. Lr'amplitude de l'arc décrit par


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Uo des matelols dtcntlu saos connaissalre (p. Tir).


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les parois du Greaf Eastern est de quarante degrés, soit vingt au-dessous de l'horizontale et vingt au-dessus. - Vraiment ! m'écriai-je, riant, non de l'observation, mais des conditions dans lesquelles elle était faite. -Vraiment, reprit le docteur. Pendant I'oscillation, la vitesse des parois est d'un mètre sept cent quarantequatre millimètres par seconde. Un transatlantique, qui est moitié moins largre, ne met que ce temps à revenir d'un bord sur I'autre. - Âlors, répondis-je, puisque le Great Easfern reprend si vite sa perpendiculaire, c'est qu'il y a excès de sta-

bilité.

- Pour lui, oü, mais non pour ses passagers ! répliqua gaiement Dean Pitferçre, car eux, vous le voyez, reviennent à I'horizontale, et plus vite gu'ils ne le veulent. r» te docteur, enchanté de sa répartie, s'était relevé, et, nous soutenant mutuellement, nous pûmes gagner un des bancs de la dunette. Dean Pitferge en était quitte pour quelques écorchures, et je I'en félicitai, car il aurait pu se briser la tête. « Oh ! ce n'est pas fini ! me répondit-il, et avant peu il nous arrivera malheur. - A nous? - Au steam-ship, et, par conséquent, à moi, à nous, à tous les passagers. - Si vous parlez sérieusement, demandai-je, pourquoi vous êtes-vous embarqué à bord? - Pour voir ce qui arrivera, car il ne me déplairait pas de faire naufrage ! répondit le docteur, me regardant d'un air entendu. »»

Page 28 <<Avez-vous

« Ane vache tombe dans

entendu parler de son dix-neuvième

voyage entre Liverpool et New-York? -Non, docteur. - Eh bien, j'étais à bord. Nous avions quitté lriverpool, le l0 décembre, un mardi. Les passagers étaient nombreux, et tous pleins de confiance. L,es choses allèrent

Ie salon »


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Quand un corps

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rirtrouler à mes picds {p, §ii1.


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bien, tant que nous fûmes abrités des lames du large par la côte d'Irlande. Pas de roulis, pas de malades. Le lendemain, même indifférence à la mer. Même enchantement des passagers. Le 12, vers le matin, le vent fraîchit. Ira houle du large nous prit par le travers, et le Great Eastern de rouler. Ires passagers, hommes et femrnes, disparurent dans les cabines. À guatre heures, le vent soufflait en tempête. Ires meubles entrèrent en danse, Une des glaces du salon est brisée d'un coup de la tête de votre serviteur. Toute la vaisselle se casse. Unvacarme épouvantable ! Huit embarcations sont arrachées de Ieurs porte manteaux dans un coup de mer. En ce moment la situation devient grave. La machine des roues a dû être arrêtée. Un énorme morceau de plomb, déplacé par le roulis, menaçait de s'engager dans ses organes. Cependant I'hélice continuait de nous passer en avant. Bientôt les roues reprennent à demi-vitesse; mais I'une d'elles, pendant son arrêt a été faussée; ses rayons et ses pales raclent Ia coque du navire. Il faut arrêter de nouveau la machine et se contenter de I'hélice pour tenir la cape. Lra nuit fut horrible. La tempête avait redoublé. Le Great Easfern était tombé dans le creux des lames et

ne pouvait s'en relever. Au point du jour, il ne restait pas une ferrure des roues. On hissa quelques voiles pour évoluer et remettre le navire debout à la mer. Voiles aussitôt emportées que tendues. Ira confusion règne partout. Les chaînes-câbles, arrachées de leur puits, roulent d'un bord à I'autre. Un parc à bestiaux défoncé, et une vache tombe dans le salon des dames à travers I'écoutille. Nouveau malheur ! la mèche du gouvernail se rompt. On ne gouverne plus. Des chocs épouvantables se font entendre. C'est un réservoir à huile, pesant trois mille kilos, dont les saisines se sont brisées, et qui, balayant l'entrepont, frappe alternativement les flancs intérieurs qu'il va défoncer peutêtre ! Le samedi se passe au milieu d'une épouvante générale. Toujours dans le creurk des lames. Le dimanche seulement, le vent corrunence à mollir. Un ingénieur américain, passager à bord, parvint à frapper des chaînes sur le safran du gouvernail. On évolue peu à peu. Ire grand Great Eastern se remet debout à la mer, et huit jours après avoir quitté lriverpool, nous

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Jo rois,

r没pndit ls doc&ur (p, 4'lI.


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rentrions à Queen's town. Or, qui sait, monsieur, où nous serons dans huit jours Page 34

!

»

«Il calcule toujours et toujours»

<<Considérez,là-bas, ce groupe d'homrnes sans gêne, les jambes étendues sur les divans, le chapeau vissé sur la tête. Ce sont desYankees, de pursYankees des petits États du Maine, du Vermont oü du Connecticut, des produits de la Nouvelle-Ângleterre, d'hommes d'intelligence et d'action, un peu trop influencés par les révérends, mais qui ont le tort de ne pas mettre leur main devant leur bouche quand ils éternuent. Ah ! cher monsieur, ce sont là de wais Sa:rons, des natures âpres au gain et habiles donc ! Enfermez deuxYankees dans une chambre, au bout d'une heure, chacun d'eux aura gagné dix dollars à l'autre ! - Je ne vous demanderai pas comrnent, répondis-je en riant au docteur, mais parmi eur, je nois un petit homme, le nez au vent, une vraie girouette. Il est vêtu d'une longue redingote et d'un pantalon noir un peu court. Quel est ce monsieur? - C'est un ministre protestant, un homme considérabJe du Massachussets. Il va rejoindre sa femme, une ex-institutrice très avantageusement compromise dans un procès célèbre. - Et cet autre, grand et lugubre, qui paraît absorbé dans ses calculs ? - Cet homme calcule, en effet, dit le docteur. Il calcule toujours et toujours. - Des problèmes? - Non, sa fortune. C'est un homme considérable. A toute heure il sait à un centime près ce qu'il possède. I1 est riche. Un guartier de New-York est bâti sur ses terrains. Il y a un quart d'heure, il avait un million six cent vingt-cinq mille trois cent soixante-sept dollars et demi; mais maintenant, iI n'a plus qu'un million six cent vingt-cinq mille trois cent soixante-sept dollars un quart. - Pourquoi cette différence dans sa fortune? - Parce qu'il üent de fumer un cigare de trente sols. »»


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n'I Page 38

Ce jour-là, à midi et demi, à la porte du grand salon, un timonier afficha la note suivante: Irat.

5lo l5'N.

Long. l8o 13'\lV. Dist. : Fastenet, 323 miles. «

îl

sacriîîa le bonheur de sa IîIle »

Page 39

Ire lendemain, samedi 30 mars, le temps était beau. Brise faible, mer calme. Ires feux, activement poussés, avaient fait monter la pression. Uhélice donnait trentesix tours à la minute. Lra vitesse du Greaü Easüern dépassait alors douze næuds.

Archibald Corsican m'apprit, en quelques mots, que Fabian avait connu à Bombay une jeune fille charmante, miss Hodges. II I'aimait, il en était aimé. Rien ne semblait s'opposer à ce qu'un mariage unît miss Hodges et Ie capitaine Mac Elwin, quand la jeune fille, du consentement de son père, fut recherchée par Ie fils d'un négociant de Calcutta. C'était une affaire, oui, une affaire »> arrêtêe de longue date. Hodges, homme positif, dur, peu accessible aux sentiments, se trouvait alors dans une situation délicate vis-à-vis de son correspondant de Calcutta. Ce mariage pouvait arrrangier bien des choses, et il sacrifia le bonheur de sa fille aux intérêts de sa fortune. La pauvre enfant ne put résister. On mit sa main dans la main d'un homme qu'elle n'aimait pas, qu'elle ne pouvait pas aimer, et qui waisemblablement ne I'aimait pas lui-même. Pure affaire, mauvaise affaire et déplorable action. Le mari enunena sa femrne le lendemain du mariage, et depuis lors, Fabian, fou de douleur, malade à en mourir, n'avait jamais revu celle qu'il aimait toujours. <<

Page 44

te lendemain,3I mars, était un dimanche.


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«

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S'il plaît à I'Anérique d'être prônée ainsi, je n'ai rien à dire. »

Ires promeneurs échangeaient entre eux des saluts discrets. Chacun tenait à la main son livre de prières, et tous attendaient que les derniers tintements eussent annoncé le commencement de l'office. En ce moment, je vis passer un monceau de Bibles entassées sur le plateau qui servait ordinairement aux sandwiches. Ces Bibles furent distribuées sur les tables du temple. te temple, c'était la grande salle à manç[er, formée par le rouffle de l'arrière, et qui, extérieurement, rappelait par sa longueur et sa régularité l'hôtel du Ministère des Finances sur la rue de Rivoli. J'entrai. Ires fidèles «attablés» étaient déjà nombreux. Un profond silence régnait dans l'assistance. Ires officiers occupaient le chevet du temple. Au milieu d'eux, le capitaine Anderson trônait comme un pasteur. Mon ami Dean Pitferge s'était placé près de moi. Ses petits yeux ardents couraient sur toute cette assemblée. Il était là, j'ose Ie croire, plutôt en curieux qu'en fidèle. À dix heures et demi, le capitaine se leva et commença I'office. Il lut en anglais un chapitre de l'Ancien Testament, le dixième de I'Exode. Àprès chaque verset, les assistants murmuraient Ie verset suivant. On entendait distinctement le soprano aigu des enfants et le mezzo-soprano des femmes se détachant sur le baryton des hommes. Ce dialogue biblique dura une demiheure environ. Cette cérémonie, très simple et très digne à la fois, s'accomplissait avec une gravité toute puritaine, et Ie capitaine Anderson, le <<maître après Dieu»», faisant les fonctions de ministre à bord, au milieu de cet imrnense océan, et parlant à cette foule suspendue sur un abîme, avait droit au respect même des plus indifférents. Si l'office s'était bornée à cette lecture, c'eût été bien; mais au capitaine succéda un orateur, qui ne pouvait manquer d'apporter la passion et la violence là où devaient régner la tolérance et le recueillement. C'était le révérend dont il a été question, ce petit homme remuant, cet intrigantYankee, un des ministres dont l'influence est si grande dans les Etats de la Nou-


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La daare miĂŚ tp. 59).


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velle-Àngleterre. Son sermon était tout préparé, et I'occasion étant bonne, il voulait I'utiliser. L'aimable Yorick n'en eût-il pas fait autant? Je regardai le docteur Pitferge. Lre docteur Pitferge ne sourcilla pas, et sembla disposé à essuyer le feu du prédicateur. Celui-ci boutonna gravement sa redingote noire, posa son chapeau de soie sur la table, tira son mouchoir avec lequel il toucha légèrement ses lèvres, et enveloppant l' assemblée d'un regrard circulaire : <<Au commencement, dit-il, Dieu créa I'Amérique en six jours et se reposa le septième. Irà-dessus, moi, je gagnai la porte. »>

Pendant le lunch, Dean Pitferge m'apprit que le révérend avait admirablement développé son texte. Lres monitors, les béliers de guerre, les forts cuirassés, les torpilles sous-marines, tous ces engins avaient manæuvré dans son discours. Lui-même, il s'était fait grand de toute Ia grandeur de l'Àmérique. S'il plaît à l'Àmérique d'être prônée ainsi, je n'ai rien à dire. Page 47

«te croîs bien auxtnorts qui ressuscitent»t

-Voyons, docteur, dis-je. Est-ce que vous croyez sérieusement aux morts qui reviennent sur le pont des navires? - Je crois bien aux morts qui ressuscitent, répondit le docteur, et cela est d'autant plus étonnant, que je suis médecin. Page 59

«Ane âme errante ! »

<<Chut !»

Puis, de la main, il désigna une ombre qui se mouvait lentement à l'extrémité du rouffle. C'était cette forme à peine visible que regardait Fabian. Puis, souriant tristement: «lra dame noire !» murmura-t-il. Un trésaillement m'agita. te capitaine Corsican


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ta tête GlcrguchùD!éc

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m'avait pris le bras et je sentis qu'il trésaillait aussi. ta même pensée nous avait frappés tous deux. Cette ombre, c'était l'apparition annoncée par le docteur Pitferge. Fabian était retombé dans sa rêveuse contemplation. Moi, Ia poitrine oppressée, I'ceil trouble, je regardais cette forme humaine, à peine estompée dans I'ombre, qui bientôt se profila plus nettement à nos regards. Elle s'avançait, hêsitait, allait, s'arrêtait, reprenait sa m€rrche, semblant plutôt glisser que marcher. Une âme errante ! A dix pas de nous, elle demeura immobile.Je pus distinguer alors la forme d'une femme élancée, drapée étroitement dans une sorte de burnous brun, le visage couvert d'un voile épais. «Une folle! une folle! n'est-ce pas?» murmura Fabian. Et c'était une folle, en effet. Mais Fabian ne nous interrogeait pas.Il se parlait à lui-même. Cependant, cette pauvre créature s'approcha plus près encore. Je crus voir ses yeux briller à travers son voile, quand ils se fixèrent sur Fabian. ElIe vint jusqu'à lui. Fabian se redressa, électrisé. La femme voilée lui mit Ia main sur le cæur comme pour en compter les battements... Puis, s'échappant, elle disparut par I'arrière du rouffle. Fabian retomba, presque agenouillé, les mains tendues. « Elle ! »r murmura-t-il. Puis, secouant Ia tête: « Quelle hallucination ! » ajouta-t-il. Le capitaine Corsican lui prit alors la main: <«Viens, Fabian, viens, » dit-il, et il entraîna son malheureux ami. Page 67

«An second journal...

Corsican et moi, nous ne pouvions plus douter. C'était E1len, la fiancée de Fabian, la femme d'Harry Drake.

Pendant la nuit du vendredi au samedi, le Greal Eastern traversa le courant du Gulfstream, dont les eaux

»t


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plus foncées et plus chaudes tranchaient sur les couches ambiantes. Un nouvel «entertainment>l fut annoncé pour Ie soir. Ie n'y assistai point. Ces mêmes plaisanteries, incessamment renouvelées, me fatiguaient. Un second journal, rival de I'Ocean-fime, avait été fondé. Ce soir-là, paraît-il, les deux feuilles fusionnèrent.

«l'aspecl de l'Atlantique était efîrayant»t

Page 74

En me retournant, j'aperçus le capitaine, le second et

le premier ingénieur, encapuchonnés dans leurs su-

rouest, et cramponnés aux garde-fous des passerelles. Ir'embrun des lames les enveloppait de la tête aux pieds. Lre capitaine souriait selon sa coutume. Ire second riait et montrait ses dents blanches envoyant son navire rouler à faire croire que les mâts et les cheminées allaient venir en bas ! Cependant, cette obstination, cet entêtement du capitaine à lutter contre la mer, m'étonnaient. À sept heures et demie, l'aspect de l'Àtlantique était effrayant. A l'avant, les lames couvraient le navire en grand. Je regardais ce sublime spectacle, ce combat du colosse contre les flots. Je comprenais, jusqu'à un certain point, cette opiniâtreté du maître après Dieu » qui ne voulait pas céder. Mais j'oubliais que la puiss.rnce de la mer est infinie, et que rien ne peut lui résister de ce qui est fait de la main de l'homme ! Et, en effet, si puissant qu'il fût,le géant devait bientôt fuir devant la tempête. <«

«EIIen se courba sur ce cadawe... tt

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Harry Drake, pétrifié, était resté dans la même position, mais sonvisage était noir!

te malheureun, provoquant l'éclair de sa pointe, avait-il donc été foudroyé? Ellen quitta Fabian, s'approcha d'Harry Drake, le re-


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gard plein d'une céleste compassion. Elle lui posa la main sur l'épaule... Ce léger contact suffit pour rompre I'équilibre. Ire corps de Drake tomba comme une masse inerte. Ellen se courba sur ce cadavre, pendant que nous reculions épouvantés. Lre misérable Harry était mort. «Foudroyé ! dit le docteur, me saisissant le bras, foudroyé ! Ah ! vous ne vouliez pas croire à I'intenrention de la foudre?»r Harry Drake avait-il été en effet foudroyé, comme I'affirmait Dean Pitterçre, ou plutôt, ainsi que le soutint plus tard le médecin du bord, un vaisseau s'était-il rompu dans la poitrine du malheureux? Je n'en sais rien. Toujours est-il que nous n'avions plus sous les yeux qu'un cadawe. Page I I5

«

An jour,Ia poste me remit une lettre... tt

Et quand je fus assis devant ma table, si je n'avais pas

eu ces notes de chaque jour, oui, ce Great Eastern, cette ville flottante que j'avais habitée pendant un mois, cette rencontre d'Ellen et de Fabian, cet incom-

parable Niagara, j'aurais cru que j'avais tout rêvé ! Àh ! que c'est beau, les voyages, «même quand on en revient, » guoi qu'en dise le docteur ! Pendant huit mois, je n'entendis plus parler de mon original. Mais, un jour, la poste me remit une lettre couverte de timbres multicolores et qui commençait par ces mots: «À bord du Coringuy, récifs d'Aukland. Enfin, nous avons fait naufrage... »» Et qui finissait par ceux-ci: «<Jamais je ne me suis mieux porté ! « Très cordialement votre

DEÂN PITFERGE. » FIN DE I,AVII,I,E FI,OTTAIiTTE



D O CUMENTS CONSUI,|TABLE,S ro AU cENr REi E

3trJ^trNrAr

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fl ur le thème retenu pour le présent numéro, on peut consulter la liïte ci-dessous, \au C.D.J.V., outre les ouvrugàs indiqués dans plus général,

L-r65 articles, brochures, et ouvrages d'intérêt

ainsi

que 29 cartes postales et illustrations diverses. La liste dressée par Cécile Compère donne le recensement des principales études. Pour faciliter une éventuelle demande de consultation sur place des ouvrages indiqués, on a fait figurer en tête de notice leurs numéro de document el rubrique de classemenf : (VF) renvoie au classeur Une Ville flottanfe, (Gén) au rayon général, et Usuels au rayon des ouvrages en accès libre.

N'6861 (VD: \ryEY Francis. The Great Eastern: ooyoge sur le uaisseou monstre. Musée des familles, lecture du soir, 24" année, avril 1857, pp. 217-219.

N'14410 (VF): P.C., Le premier Voyage du Great Eastern. Musée des familles, lecture du soir, chronique du mois, 28" année, novembre 1860, pp. 62-63. N"9673 (VD: MANGIN, Arthur. La science en famille: Le Great Eastern et le côble. Musée des familles, lecture du soir, 33" année, septembre 1866, pp. 366-368. N'10641 (VF): MARC , A. Le câble transatlantique français. L illustration,2"semestre 1869, p. 604-605. N'12215 (VF): BASSO, Louis. Les poquebots géants: ancêtres et précurseurs. La revue scientifique, Paris, 23 septembre 1935, pp. 604605.

N"5330 (VF): DUGAN, James. Les mésauentures d'un géant des mers. Sélection du Reader's Digest, Vol. XV n'4, avril 1954 (condensé de son livre), pp. 147-183.


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N"1222. (VF): DUGAN, James. Le grand bateau de fer. The great iron ship, traduit de I'anglais par Pierre F. Caillé. Ed. DenoëI, 1.954,268 pages.

N"9572 (VF): POIRIER, René. La fabuleuse épopée du câble océonique. Constellation, vol. XVI, n"98, Juin 1956, pp. L21-127. N"2010 (Gén): DELGOVE, Henri. À, toute uapeur. Edition France Club, 1963, 187 pages. Usuels: TAUSSAT, Robert. Le malheureux destin du Great Eostern. Bulletin Société Jules Verne, nol5, 3" trimestre, 1970, pp. 138-141. N"4482 (Gén.): RAGON, Michel. Jules Verne oisionnaire de I'archï tecture, dépassé par la perspectiue architecturale d'aujourd'hui L'(Eil, Paris, n"I27, juin 1974. Usuels: DESTOMBES, Marcel. Jules Verne et le great Eastern, 1867. Bulletin Société Jules Verne, n"56, 4" trimestre 1980, pp. 286-291. N"3352 (VF): ANTIER, Jean-Jacques. Ce fut un géant. Cols Bleus, 24 avril 1982, pp. 1 l-13. N"5392 (Gén): MARGOT, Jean-Michel, 46 ans d'expérience maritime. La nouvelle revue maritime, Paris, n"386-387, mai-juin 1984, pp. 12-19. Usuels: DUMAS, Olivier. Un canulard de carabin ou pourquoi le Docteur Pitferge n'exerce pas la médecine. Bulletin Société Jules Verne, no79, 3u trimestre, 1986, pp. 34-35. Usuels: PICOT, Jean Pierre. La morte uiuante et la femme sans ombre. Jules Verne, noS, La Revue des lettres modernes, Ed. Minard, Paris 1987, pp. 77-99. N'15033 (Gén): BUISINE, Alain. Voglio morire... in BESSIÈRE, Jean. Modernités de Jules Verne, Université de Picardie, Presses Universitaires de France, Paris, 1988, pp. 157-180. N"16364 (Gén): HILLION, Daniel. Le Haure/New-York Historia. Série: paquebots de légende. N"541 Janvier 1992, pp.65-75. N"l7l70 (Gén): PLOUZENNEC, Gaëlle. Reportage: Paquebots de légende. Histoire d'une course au luxe. L'Echo de la C.l.P S., no23, Juillet -août-septembre 1 992. N'18516 (VF): LUTUN, Bernard. Récréation, techniques auancées. Paris, Revue de I'amicale du génie maritime et des ingénieurs ENSTA, n'25, Septembre 1993, pp.4048, notes 32,. pp.4448. N"18634 (Gén): FIGUIER. Les merveilles de la science: les Bateaux à vapeur. Furne, Jouvel et compagnie éditeurs, non daté, pp. 149261.


ToURS ET oÉrouRs

PouRUNcÉaxr

DE LA LITTERATURE FRANÇAISE Dans un numéro majoritairement consocré aux géants des mers, l'esprit de boutade ÿpiquement uernien commandait d'introduire un chapitre amiénois qui parlû.t un peu d'un géant des.. . terres. Jacques Béal, journaliste et écriuain, a pris la plume pour éuoquer Jules Verne et la Tour Perret.. . Autre tour de rêue, se dressant comme un signal uernien dans le paysage amiénois: celle de la maison du 2 de la rue Charles Dubois. Jean-Jacques Nasoni a exhumé de la collection de documents du Centre de Documentation Jules Verne une curieuse contribution à la dialectique de la production littéraire et du site mythique...


LE cÉENT D,UNEVILLE paa Jacouns

nÉAl

l'époque, Jules Verne ne pouvait, dans sa ville, admirer comme témoignage d'une démesure architecturale accomI l. plie que la seule flèche de Ia cathédrale. Cette verticalité audacieuse, résistant depuis des siècles aux assauts du vent, culmine au-dessus d'Amiens à cent sept mètres. Jules Verne voyait grand dans ses romans. Grand mais pas haut ! Dans sa uVille idéale (Amiens en I'an 2000)», I'écrivain ne poussa pas son imaginaire jusqu'à concevoir un «gratte-ciel» (t). Mais Ies conseillers municipaux qui allaient lui succéder, réparèrent ce manque d'un auteur par ailleurs fécond en inventions en tous genres.

Au lendemain de Ia Deuxième Guerre mondiale, les édiles amiénois acceptèrent I'offre de I'architecte Auguste Perret qui cherchait une ville pour réaliser I'un des projets auxquels il tenait Ie plus: construire une tour gigantesque en béton précontraint. Totem ajouré, planté droit dans le ciel d'Amiens, la Tour Perret fait, depuis un demi-siècle,; un bras d'honneur à la cathédrale, sa seule rivale en hauteur. Pendant quelques années, ce «gratte-ciel» (comme on disait alors) fut le plus haut d'Europe avant d'être dê trônée par le Palais de la Culture de Moscou. Personne n'eut I'idée de baptiser cette tour, une fois achevée, du nom de Jules Verne. Accoler le nom de I'écrivain à cette tour futuriste aurait été un hommage mérité. Depuis, I'oubli a été réparé. Le label «Jules Verne » est entré dans I'univers des Ponts et Chaussées. L'ouvrage d'art Ie plus géant après la Tour Perret porte désormais son nom: le viaduc Jules Verne, dont I'originalité est d'avoir été construit selon la technique du « pont poussé », porte, d'une rive à I'autre de la Somme, au-dessus des hortillonnages, Ies automobilistes, à I'aube de I'an 2000.


LAMAISONALATOUR PAR JEAN-

Jdc ouns NAS ONI

ans le numéro du 15 avril 1905 de La Nouuelle Reuue, Eugène

Morel écrit ceci:

Il y avait une tour d'angle de sa maison, une tour, pas en ivoire, en briques et pierres de taille. C'est là qu'il I'avait enfermée, sa fantaisie. Il avait des allures louches et mécaniques d'un geôlier. Il allait à heures fixes lui porter sa ration. Elle devait voler en rond, se heurtant au mur. Et je le revois devant sa tasse de café, dans les quelques minutes où il laissait le dehors pénétrer iusqu'à lui; ce front dur et têtu était une cage solide, et il fallait qu'elle fût ainsi pour bien tenir la bête sauvage qui s'agitait là-dedans... Mais il la tenait bien, et elle fut condamnée à ne faire que de bons livres.

Cette contribution, assez peu connue, d'un auteur assez peu connu lui aussi, pose le problème de la dialectique qui peut s'établir entre la production d'un écrivain et un site mythique. La rédaction d'une grande partie des Voyages extraordinaires dans la fameuse tour du 2 de la rue Charles Dubois relève en effet de la constitution du légendaire uernien (dont nous espérons rendre compte du mécanisme dans un des prochains numéros, consacré aux maisons). Mais il est intéressant de voir comment un auteur, en partant d'une donnée des plus sujettes à caution sur le plan biographique (Jules Verne écriuait dans la tour; alors que tous les témoignages de contemporains, écrivains, et journalistes, qui vinrent voir I'auteur et le lieu où il composait son æuvre, le montrent installé au deuxième étage de la maison, où se trouvaient, de plain-


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pied: son coin-repos, son cabinet de travail, et sa bibliothèque!), peut déboucher sur une assertion fort Tusfe sur un plan symbolique: l'écrivain doté d'une imagination féconde devant l'enfermer

dans une certaine discipline pour qu'elle produise des ouvrages acceptables pour les lecteurs... Cette belle image de Jules Verne composant dans les hauteurs du 2 de la rue Charles Dubois, qui est ve nue sous la plume d'Eugène Morel, conserve donc toute sa force, en descendant simplement le lieu d'écriture d'un petit cran: de la Tour vers /e Cabinet de trauail. Lequel Cabinet de travail frappait lui aussi par son aspect exigu et carcéral... Et tant pis pour la fameuse tour, qui continuera à nous faire rêver!

(l) Note de la rédaction: S'il est exact qu'il n'y a pas de «gratte{iel» dans Une Ville idéale ni dans les romans qui constituent les Voyages extraordinaires, il convient toutefois de noter qu'il y en a dans Paris au XXe siècle. Mais on sait que c'est Hetzel qui s'opposa à ce que Verne publiât ce roman, qu'il iugeait trop futuriste et trop en avance pour son époque. Et voilà pourquoi la production vernienne demeura très longtemps absolument muette sur les « gratte-ciel » !


OUELOUES EXEMPLES \,\,, DE GEANTS DAI\S UUNI\IERS \IERNIEN PAR JEAN-

J,acQuBs NAS ONI

f ules Verne a volontiers parsemé son immense æuvre soit de ces I etres humains dotés d'üne taille dépassant la normale que nous r,l appelons dss géants », soit d'éléments que nous pouvons qua«

lifier de «gigantesques», ou de «colossaux»: animaux, végétaux,

sites, constructions, engins... Les relever et les citer tous, comme ça, au pied leué, serait impossible ou constituerait une tâche... fifanesgue ! Nous nous bornerons donc à en citer quelques-uns, en de mandant bien pardon aux autres de les avoir, volontairement ou involontairement, laissés de côté: les poulpes de 20 000 lieues sous les mers et les monstres antédiluviens du Voyage au cenffe de la terre;la forêt de chompignons dans ledit Voyage au centre de la terre et d'eucalypfus dans Les enfants du capitaine Grant;le monstrueux (dans tous les sens du terme !) massif rocheux du §pftirx des glaces; llle artificielle de L'lle à hélice; le canon de Maston dans De la Terre à la Lune et celui de Herr Schultze dans les 500 millions de la Bégum... Et nous nous consacrerons à une étude un peu plus détaillée de géants verniens à travers lesquels notre incorrigible conteur et fantaisiste s'est manifestement complu à exercer un humour forte. ment alimenté de culture et d'études classiques... Voici tout d'abord - «à tout seigneur tout d'honneur»!- l'éléphant de La maison à uapeur, justement surnommé: « le Géant d'acier». Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler à cette occasion qu'on doit à la plume de Rudyard Kipling un Monseigneur l'éléphant, et que Ie conte Toomai des éléphanfs, inséré dans le célèbre Liore de la jungle, parâît en 1894, I'année où Verne/Hetzel publient les Mirifiques auentures de Maître Antifer... Dans ce numéro consacré aux


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géants des mers, et plus spécialement au Great Eastern, alias : le Léuiathan, nous ne pouvions en effet mieux commencer que par cette citation du chapitre V qui jette curieusement un pont entre les deux

monstres d'acier: Le voyage fut donc résolu, et voilà comment un éléphant d'acier, un animal unique en son genre, un Léviathan artificiel, en fut réduit à traîner la demeure roulante de quatre Anglais, au lieu de promener de toute sa pompe I'un des plus opulents rajahs de la péninsule indienne.

Notons que dans Paris au XX"siècle, roman de la démesure (estce en partie pour cela qu'il fut blackboulé par Hetzel ?), Jules Verne nous gratifie d'un Léuiathan /ÿ, décrit comme une « gigantesque machine », au chapitre Xl, Une promenade au port de Grenelle, chapitre dont nous aurons bientôt I'occasion de reparler... Et voici à présent les hommes: Aux chapitres VIll et IX des 500 millions de la Bégum, Jules Verne nous présente «deux géants» qui sont au service de Schultze, et dont on appréciera le portrait qu'il nous en donne: Le timbre résonna. Arminius et Sigimer, deux géants, apparurent à la porte de la salle. [...] Seulement, à peine Marcel fut-il dehors, qu'il vit bien que, quoique libre en apparence, il ne pourrait plus faire un pas sans être escorté des deux personnages qui répondaient aux noms historiques, ou plutôt préhistoriques, d'Arminius et Sigimer. Il s'êtait déjà demandé plus d'une fois, en les rencontrant sur son passage, quelle pouvait bien être la lonction de ces deux colosses en casaque grise, au cou de taureau, aux biceps herculéens, aux faces rouges embroussaillées de moustaches épaisses et de favoris buissonnants ! Leur fonction, il la connaissait maintenant.

C'étaient les exécuteurs des hautes æuvres de Herr Schultze, et provisoirement ses gardes du corps personnels. Ces deux géants le tenaient à vue, couchaient à la porte de sa chambre, emboltaient le pas derrière lui s'il sortait dans le parc. Un formidable armement de revolvers et de poignards, ajouté à leur uniforme, accentuait encore cette surveillance. ^Àvec cela, muets comme des poissons. Que les mânes de I'auteur et de l'éditeur veuillent bien nous pardonner si, pour les besoins du portrait, nous avons fait sauter les sacro-saints paragraphes et retraits de paragraphesl.


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À côté de ces géants bien vivants surgissent dans l'æuvre vernienne des géants dont on peut se demander s'ils existent vraiment et qui ne se manifestent parfois que par la découverte de leurs ossements. Tournons-nous donc un peu vers ceux du présumé géant antédiluvien du Humbug (Le Humbug, antépénultième nouvelle du recueil Hier et demain), dont nous allons une fois de plus nous permettre ici de retracer I'histoire de la découverte en opérant des raccourcis qui empruntent beaucoup à la technique informatique du couper-coller: L autre iour, la pioche d'un ouvrier a mis à découvert les restes d'un squelette énorme évidemment enfoui depuis des milliers d'années. t...1 II paraît, du reste, que cette trouvaille

était véritablement miraculeuse. Les fouilles étaient pratiquêes, suivant les ordres de Hopkins, de façon à rencontrer I'autre extrémité du fossile gigantesque, et trois jours de travail opiniâtre n'amenaient encore aucun résultat. On ne pouvait donc prévoir jusqu'où allaient ses dimensions surprenantes, quand Hopkins, qui faisait exécuter lui-même de profondes excavations à deux cents pieds des premières, aperçut enfin le bout de cette carcasse cyclopéenne. La nouvelle s'en répandit aussitôt avec une rapidité électrique, et ce fait unique dans les annales de la géologie prit le caractère d'un événement mondial. [...] On se demanda d'où pouvaient provenir ces vastes débris, ce qu'il fallait conclure de leur existence dans le sol indigène, et des études furent entreprises à

ce suiet par I'Albany Institute. [...] Quatre iours après, Le New York Herald donnait des détails nouveaux sur le monstrueux squelette. Ce n'était Ia carcasse, ni d'un mammouth, ni d'un mastodonte, ni d'un mégathérium, ni d'un ptêrodactyle, ni d'un plésiausaure, car tous les noms étranges de la paléontologie furent invoqués par antiphrase. [...] Qu'en conclure, sinon que ce monstre, n'étant ni un mollusque, ni un pachyderme, ni un rongeur, ni un ruminant, ni un carnassier, ni un mammifère amphibie, était un homme? Et cet homme, un géant de plus de quarante mètres de haut!On ne pouvait donc plus nier I'existence d'une race titanesque antérieure à la nôtre. Si le fait était vrai, et tout le monde I'acceptait comme tel, les théories géologiques les mieux assises devaient être changées, puisqu'on retrouvait des fossiles bien audessous des dêpôts diluviens, ce qui indiquait qu'ils avaient été enfouis à une époque antérieure au déluge. [...]


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Et le narrateur de conclure:

J'avoue que toutes ces rêve-ries me séduisirent au plus haut point.le voyais Adam et Ève commandant à des troupeaux féroces, qui n'étaient plus une fiction en Amérique comme sur les bords de I'Euphrate, où I'on n'en trouve pas le moindre vestige. Le serpent tentateur prenait dans ma pensée la forme du constrictor ou du crotale. Mais, ce qui m'étonnait le plus, c'est qu'on ajoutait foi à cette découverte avec une obéissance et un laisser-aller merveilleux. Il ne venait à personne I'idée que le fameux squelette pouvait être un puff, un bluff, un humbug, comme disent les Américains, et pas un de ces savants si enthousiastes ne songeait à voir de ses propres yeux le miracle qui mettait sa cervelle en ébullition. Naturellement, comme I'indique d'entrée le titre de la nouvelle, ce squelette de géant antédiluvien est un vaste bluff , à la Barnum. . . Or, de ces géants antédiluuiens, et assez oniriques, qu'on « imagine » en train de garder un troupeau à leur taille, I'ami Jules nous en avait déjà laissé entrevoir un spécimen dans Voyage au cenffe de

la

terre:

'

t...] A moins d'un quart de mille, appuyé au tronc d'un kaunis énorme, un être humain, un Protée de ces contrêes souterraines, un nouveau fils de Neptune, gardait cet innombrable troupeau de mastodontes ! Immanis pecoris custos, immanior ipse! Ouil immanior ipsel Ce n'était plus l'être fossile dont nous avions relevé le cadavre dans l'ossuaire, c'était un géant, capable de commander à ces monstres. Sa taille dépassait douze pieds. Sa tête, grosse comme la tête d'un buffle, disparaissait dans les broussailles d'une chevelure inculte. On eût dit une véritable crinière, semblable à celle de l'éléphant des premiers âges. Il brandissait de la main une branche énorme, digne houlette de ce berger antédiluvien. [1] Tournons-nous à présent vers le satellite de notre planète Terre... Que Verne ne soit pas trop partisan des extravagances à la Wells et des Sélénites, ne I'empêche nullement de faire appel à I'imagination la plus débridée (celle de Michel Ardan) pour fournir, au chapitre XIII de Autour de la Zune, intitulé: Paysages lunaires, une explication dans laquelle entrent des « géants » inattendus:


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Michel Ardan était en observation près du président, quand il remarqua de longues lignes blanches, vivement éclairées par les rayons directs du soleil. C'était une succession de sillons lumineux très différents du rayonnement que Copernic présentait naguère. Ils s'allongeaient parallèlement les uns aux autres.

Michel, avec son applomb habituel, ne manqua pas de s'écrier: «

Tiens ! des champs cultivés

!

- Des champs cultivés ? répondit Nicholl, haussant les épaules. - Labourés tout au moins, répliqua Michel Ardan. Mais

quels laboureurs que ces Sélénites, et quels bceufs gigantesques ils doivent atteler à leur charrue pour creuser de tels sillons ! - Ce ne sont pas des sillons, dit Barbicane, ce sont des rainures. - Va pour des rainures, répondit docilement Michel. Seule' ment qu'entend-on par des rainures dans le monde scientifique? »

À cette explication des plus poétiques, digne des statues de bceufs couronnant le sommet des tours de la cathédrale de Laon, succèdera évidemment - Éducation et Récréation obligent ! - I'explication scientifique complaisamment fournie par Barbicane. Au chapitre VIII du même roman, nous avons le mouvement inverse: l'explication scientifique devient poétique. Barbicane explique à Ardan qu'en raison de la faible pesanteur lunaire, ses forces seront sextuplées. Et voici le thème des géants qui reparaît sous Ia plume vernienne:

- Mais nous serons des Hercules dans Ia Lune ! s'écria Michel. - D'autant plus, répondit Nicholl, que si la taille des Sélê nites est proportionnelle à la masse de leur globe, ils seront hauts d'un pied à peine. - Des Lilliputiens ! répliqua Michel. Je vais donc iouer le

rôle de Gulliver ! Nous allons réaliser la fable des géants ! Voilà I'avantage de quitter sa planète et de courir le monde solaire ! - Un instant, Michel, répondit Barbicane. Si tu veux jouer les Gulliver ne visite que les planètes inférieures, telles que


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Mercure, Vénus ou Mars dont la masse est un peu moindre que celle de la Terre. Mais ne te hasarde pas dans les grandes planètes, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, car là les rôles seraient intervertis, et tu deviendrais Lilliputien. - Et dans le Soleil ? - Dans le Soleil, si sa densité est quatre fois moindre que celle de la Terre, son volume est treize cent vingt-quatre mille fois plus considérable, et l'attraction y est vingt-sept fois plus grande qu'à la surface de notre globe. Toute proportion gardée, les habitants y devraient avoir en moyenne deux cents pieds de haut. - Mille diables ! s'écria Michel. Je ne serais plus qu'un pygmée, un mirmidon! - Gulliver chez les géants, dit Nicholl. - Juste! répondit Barbicane. Nous achèverons ce bref tour d'horizon des citations verniennes faisant intervenir des géants en revenant sur la Terre, et plus précisément à Amiens, où le Concours régional qui clôt Une uille idéale se déroule sur les rives d'un modeste affluent de la Somme, fortement mis à contribution par Ie gigantisme «à I'américaine » des machines, comme on peut le constater: Des pompes centrifuges manoeuvraient de manière à s'absorber, en quelques coups de pistons, la Selle tout entière, et me rappelaient le joli vers d'Hégésippe Moreau sur la Voul-

zie; Un géant altéré Ia boirait d'une haleine!

Pour terminer, disons bien vite aux Verniens qui seraient restés sur leur faim, qu'ils peuvent touiours nous envoyer leur propre liste des « oubliés » de cet article. Nous I'accueillerons avec grand plaisir, et elle contribuera à compléter le Corpus des citations uerniennes que nous avons modestement commencé ici à constituer: «un petit pas pour I'homme, mais un pas de... géant pour laconnaissance de I'univers vernien

» t2l.


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Notes: I I ] Cet immanis pecoris cusfos, emprunté à Virgile urc Victor Hugo (voir : la postface de Piero Gondolo della Riva à Paris au XXe siècle),le père Jules I'a n re casé » deux fois - la première dans Poris au XX" siècle (dans le fameux chapitre Xl, Une promenade au port de Grenelle),la seconde dans Une uille idéale - en s'amusant à en faire massacrer la traduction par un de ses personnages préIérés : le u cancre » latiniste. Ce qui donne : « gardien d'une épouvantable pécore r, version Paris 1961, et: « gardien d'une immense pécore r, version Amiens 2000 ! On notera que le cancre vernien n'a, semble-t-il pas perdu tout son latin: s'il a oublié le sens d,e pecus/pecons au point de confondre femme et bétail, ll est encore apparemment capable de traduire correctement cusfos par « gardien » et d'attribuer à I'adJectif immank ses deux sens d'immense (dans Une uille idéale) et d'épouaantaôIe (dans Paris au XX" siècle) !

[2] Petite parodie au passage de la phrase historique prononcée par Neil Armstrong posant Ie premier le pied sur la Lune, le 20 julllet 1969: un petlt pas pour I'homme, un pas de géant pour I'humanité. ..



POURQT/Or

UNE RUBryQUP EDUCATION ET RECREATION? A la fin du XX. siècle, les animateurs de la communication ont ravi le devant de la scène aux intellectuels.0n assiste à une perte du sens. L'informationspectacle et la «culture mosaique» paraissent à la fin du XX. siècle plus proches de la culture populaire que les valeurs de l'esprit et de la raison. La perte de sens, touche aussi l'école et plus généralement l'éducation populaire affaiblissant l'un des fondements de la république et de la démocratie : l'éga-

lité des chances. Linstruction et l'éducation dans le divertissement ont formé le cadre dans lequel s'est inscrite l'æuvre romanesque de Jules Verne. Cette rubrique a pour

objectif d'ouvrir le débat sur ces questions et replacer l'écrivain dans

le

contexte des idées qui l'entouraient. Une telle approche permet aussi de comprendre l'actualité de sa réflexion. LA REDACTION


EDUCATION ET RECREATION PAR JEAN-P.,qur

DEKISS

« Nous nous tairions dès auiourd'hui s'il nous fallait à jamais sacrifier I'utile, c'est à dire le nécessaire, à I'agréable, qui n'est que le superflu. Nous voulons plaire par la raison avant de plaire par le pur agrément. » [1]

(Pierre'Jules Hetzel)

f.{ n 1863 et 1864, c'est à dire dès le début de leur rencontre, la refi lation entre Jules Verne et l'éditeur Pierre-Jules Hetzel se consI-ltruit autour d'un magazine dont Jules Verne devient co-direc-

teur en 1866: le Magasin d'Educotion et de Récréation (M.E.R.). C'est le complément de-la Bibliothèque d'É,ducation et de Réciéation dans laquelle sont édités depuis 1861 les livres de la Maison Hetzel destinés à la ieunesse. L'éditeur n'en est pas à son coup d'essai. Avant d'être exilé par le Second Empire il avait déjà publié Le nouüeau magasin des enfants, inspiré des magazineé pour Ia jeunesse, très populaires en Angleterre. La conception nouvelle qu'il a d'un tel périodique est née de sa rencontre avec un républicain, ancien exilé comme lui, ancien instituteur et « professeur de demoiselles », futur fondateur de la Ligue de I'enseignement: Jean Macé. Pierre-Jules Hetzel, Jean Macé et Jules Verne sont trois personnalités très différentes et complémentaires. Jean Macé est un pionnier de I'éducation civique, convaincu que I'instruction publique doit servir à former de bons citoyens. Exilé comme Hetzel pour ses convictions républicaines et ses articles sur I'instruction publique dans uZa République », il se réfugie en Lorraine et ne revient à Paris qu'après I'amnistie de 1862. Lorsque grâce à son action la Ligue de I'enseignement sera parvenue à Iaire voter en 1880-1882 les lois


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il dira: « Mon but n'a jamais été autre que I'éducation du suffrage universel». Ce militant républicain attaché à la cause laique, dont Jules Verne devient I'associé, sera avec Hetzel le gardien d'une ligne de conduite qui fixe à I'æuvre de l'écrivain ses limites et son unité. A la direction du M.E.R. Hetzel se charge de la morale, Jean Macé des sciences et Jules Verne de l'imagination. Le M.E.R. est un périodique livré chaque quinzaine en livrets de 32 pages. Hetzel publie chaque semestre leur version reliée, des volumes cartonnés et ouvragés qui prennent place dans les bibliothèques comme des ouvrages luxueux. Dès les premières pages du premier volume, Hetzel annonce I'obiectif sur Iequel il reviendra avec une constance imperturbable: « Il s'agit pour nous de constituer un enseignement de famille dans le wai sens du mot, un enseignement sérieux et attrayant à la fois, qui plaise aux parents et pro. fite aux enfants. t...]... le caractère de notre æuvre entière est de s'adresser tout à la fois aux grands et aux petits. » Cette attitude n'est pas dépourvue de stratégie commerciale: « aux grand'mamans qui sont contentes de nous, aux enfants qui déjà nous aiment parce qu'ils sentent que nous les aimons, aux pères qui approuvent notre volonté de bien faire, nous demandons aux mères qu'émeut notre zèle, de stimuler le bon vouloir de leurs x6is. n tzl Bien que le Magasin associe dans son titre-même distraction et instruction, Jules Verne fait un peu figure d'exception. Au comité de rédaction la plupart des collaborateurs du M.E.R. sont des savants souvent illustres qui n'hésitent pas à prêter leur plume à la vulgarisation romancée de leurs connaissances. Le Comte de Gramont, collaborateur du Magasin souligne: « Ce sont des æuvres véritables, des livres de fond sous une forme attrayante, toute une bibliothèque classique et amusante écrite à leur intention et mise à leur portée qu'amuseront, quinzaine par quinzaine, les ieunes lecteurs du nouveau Magasin. » Les avertissements de l'éditeur le répètent et suggèrent auxjeunes abonnés: «de bien comprendre que notre devoir ne sera pas d'être en tout et touiours exclusivement amusants. Nous nous tairions dès aujourd'hui s'il nous fallait à jamais sacrifier I'utile, c'est-à-dire le nécessaire, à I'agréable, qui n'est que le superflu. Nous voulons plaire par la raison avant de plaire par le pur agrémen[. n t3) Voici donc I'entourage éditorial rationaliste dans lequel Jules Verne va évoluer dès le premier volume des « Voyages Extraordinaires ». Dans cet univers, le voyage devient porteur d'imaginaire, I'imaginaire porteur d'instruction, I'instruction véhicule de la culture qui ne s'appelle pas encore ainsi. La culture, concept dissocié du sacré et du religieux est une notion nouvelle pour un homme

Jules Ferry,


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nouveau. Elle construit un citoyen issu de la Révolution française de 1789, prêt à conquérir la connaissance de I'univers sur des fondements modernes. Pour Pierre-Jules Hetzel et Jean Macé, elle englobe tout le domaine des connaissances rationnelles qui sont pr6 sentées de manière à stimuler le désir. Jean Macé lui-même écrit Fragments d'un uoyage au pays de la grammaire après sa très populaire Histoire d'une bouchée de pain [ll. Le voyage devient un véhicule idéal de la connaissance. La géographie parmi les sciences est la mieux représentée à côté de I'histoire naturelle. Tout le monde toutefois n'est pas de I'avis qu'il faille mêler imaginaire et science, confondre fable, conte et jeu avec I'instruction. Louis Figuier auteur d'une monumentale encyclopédie des sciences s'en prend vivement à cette conception: « Notre intelligence est à peine formée qu'on s'empresse de la dénaturer et de I'abâtardir, en la tralnant, dès ses premiers pas, dans les sentiers de la folie, de I'impossible et de I'absurde. On écrase pour ainsi dire, le bon sens dans son æuf, en concentrant les idées de I'enfance sur des idées mensongères et contraires à Ia raison » Isl. La fin du XX"siècle nous apprend le rôle essentiel des univers romanesques et poétiques dans notre culture. Ils parlent à la sensibilité, I'imaginaire comme à I'esprit et la raison. Les romans, comme ceux de Jules Verne nous disaient, il y a un siècle déjà, les limites de l'Homme dans le progrès industriel qui allait bientôt affecter ses sentiments et sa raison. Notes: l1lM.E.R. n"ll, 375 t2l Magasin d'Éducation et de Récréation cité par Guy Gauthier dans Arts et Métiers du livre n'139, mai 1986 t31 ibidem l4l L'histoire d'une bouchée de pain (1861) raconte le blé depuis sa naissance, la ferine, le pain iusqu'au retour à la terre après le transit intestinal. t5l Préface de « La terre avant le déluge » Hachette 1874


ACTUALITE \IERNIENNE PAR CÉcrLE

COIIPEfuE

IN MEMORIAM e grandes personnalités du monde vernien ont disparu ces derniers temps et il est impossible de ne pas les évoquer. AU près le décès en décembre 1994 de Marc Soriano, auteur de bien des travaux (en particulier Le cas Verne qui fit couler beaucoup d'encre) et celui de Paul-Emile-Victor, conquérant des mers, qui le suivit de près, ce fut en février 1995 le départ de J.P. HervéBazin dont la réputation n'est plus à faire. En 1987, dès la parution de notre revue J.V.,il avait aimablement accepté de devenir membre du Comité d'Honneur du C.D.J.V. Sa dernière visite à Amiens date de décembre 1994. Le 10 mars 1995 nous a quittés Cornelis Helling. Né à Amsterdam en 1901, il demeurait à Emmeloord depuis plusieurs années. Plus connu des anciens, il est co-fondateur en 1935, avec le regretté Jean Guermonprez et I'italien Edmondo Marcucci, de la Société Jules Verne etcollaborateur de son bulletin, toujours publié actuellement. Citons ses titres verniens: Vice-Président de la Société Jules Verne, membre bienfaiteur du C.D.J.V., Chevalier de I'Ordre des Palmes Académiques, Citoyen d'Honneur de la ville de Nantes, qui prouvent, si besoin est, combien était grande la réputation internationale de cet érudit, toujours prêt à aider, à conseiller, et qui comptait des amis dans bien des pays. Nous avons eu la chance de le rencontrer à diverses reprises à Amsterdam, ou à Amiens, et depuis 1972, d'échanger avec lui des livres, brochures, documents, mais aussi de précieux renseignements.


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Venu à Amiens dans les années 1950, avec son ami Marcucci, il avait pu prendre des photos de la maison de Jules Verne et rencontrer la seconde fille d'Honorine, Suzanne Morel épouse Lefebvre, avec laquelle, pendant de longues années, il a échangé une correspondance suivie. Revenu plusieurs lois ensuite, il observait les changements de la maison dus aux travaux. Àvec l'âge, il perdait la vue, écrivait difficilement. Dans sa dernière lettre de 1993, très déprimé par la mort de sa femme, il nous disait sa hâte de la reioindre. Le ciel I'a exaucé. Mais nous ne pouvons oublier celui qui signait: «Votre grand ami r. En août 1995, à quelques jours d'intervalle, ont disparu Monsieur André Camus et son épouse. Le premier Président @onoraire) de la Cour d'Appel, membre du Conseil Supérieur de la magistrature, mais aussi de bien des associations locales, devenu adhérent dès 1987, nous a apporté une aide précieuse au cours de nos recherches concernant I'attentat dont Jules Verne fut victime. Il aimait aussi raconter que dans son enfance ses parents I'avaient emmené à la salle des ventes et qu'il Iût alors bien chagriné en voyant se disperser une quantité de beaux livres rouges: la collection des æuvres de Jules Verne appartenant à l'écrivain ! Le 7 avril 1996, le matin de Pâques, à l'âge de 90 ans, monsieur I'Abbé André Bailleul nous a quittés aussi discrètement qu'il a vécu. Figure amiénoise attachante, il assistait le 23 mars à notre Assemblée Générale, comme il le faisait chaque année, et y prit exceptionnellement la parole. Les membres présents s'en souviendront. C'est avec ioie qu'en apprenant en 1982 I'installation d'un Centre de Documentation Jules Verne dans la maison, il avait offert à I'association deux meubles néo-gothiques, d'autres objets ayant appartenu aux Verne (en particulier: un coupe-papier d'ivoire que Jules Verne avait rapporté d'un de ses voyages pour un jeune voisin: André, oncle que I'Abbé n'a pas connu mais à qui il doit son prénom). Tous ces biens appartenaient à sa famille maternelle. Il en était très fier et venait de temps en temps les voir. Ces détails ne peuvent laisser indifférent. Encore un grand ami que nous n'oublierons pas. Nous prions toutes ces familles endeuillées d'accepter nos sincères condoléances et I'assurance de notre sympathie.


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CAUSERIES Outre Michaël Guillon-Verne, Cécile et Maurice Compère, Philippe Burgaud, qui parlent de Jules Verne en France et à l'étranger, citons Serge Robillard qui en Février dernier a présenté une communication portant sur « Jules Verne et la rade de Toulon » au cours d'une séance de I'Académie du Var. Elle succède à d'autres, notamment celle qu'il fit sur Jules Verne et la Côte d'Opale, parue dans ÿisions Nouuelles sur Jules Verne.

Notre adhérente Christiane Mortelier, de l'Université de Welling-

ton (Nouvelle-Zélande) n'en est pas non plus à sa première conférence. Elle a évoqué le 24 mai 1996, en cette ville, devant un im-

pressionnant public, Jules Verne et la Nouuelle-Zélande. Pendant quatre mois de cette année 1996, une autre adhérente, N.H. Dini, d'lndonésie, a été invitée par I'lnstitut À,ustralie-lndonésie à faire des conférences dans plusieurs universités australiennes. Cette femme méritante lutte contre I'illettrisme des femmes d'lndonésie, est une fervente admiratrice de Jules Verne et espère que Ia parution de sa traduction de 20 000 lieues sous les mers en indonésien, repoussée depuis deux ans, intéressera enfin les services culturels concernés. Ajoutons un forum organisé en janvier 1995, par I'Université ouverte @EPAES), axé autour de Pans au XX" siècle.ll rassemblait P. Gondolo della Riva, S. Vierne, Ch. Chelebourg, et J.P. Picot.

PUBTICATIONS À T'ÉTNANGER Les Editions Mladé-Leta de Bratislava (Slovaquie) dirigées par la sympathique Maria Galova poursuivent la parution des æuvres de Jules Verne. Notre amie de Russie, Anastasia Oudova nous annonce que les Éditions Lodomir de Moscou ont publié récemment la totalité des æuvres verniennes. En Pologne, sont parus Le Pays des Fourrures et les 500 millions de la Bégum. Un exemplaire de chacun des livres a été offert au C.D.J.V. par nos amis W. Lachacinski et Woitczak. L infatigable Winicjusv Lachacinski et A.Z. Zydorzak ont réalisé une bibliographie des ceuvres de Jules Verne éditées en Pologne, de la toute première à la plus récente. É,diteurs, illustrateurs, t--raduc-


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teurs sont répertoriés. L'ouvrage est en polonais et en français. Un exemplaire de cet ouvrage, fruit d'un gros travail, a été offert au C.D.J.V.

En Italie, Massimo Del Pizzo, de Bari nous a envoyé Viaggie Passagi, letture di Jules Verne Marino Solfanelli Edit. Ce n'est pas le premier travail vernien de cet universitaire qui s'intéresse au fantastique et à la science fiction et qui a présenté une causerie sur ce su-

jet en 1995. En Italie, pour commémorer les 90 ans de la mort de Jules Verne à Amiens en 1905, le Centro Culturale de Sant'Antonio delle Fontanelle, a publié en 1995 un joli petit livre, dans lequel I'auteur Marco Crestani, évoque la rencontre de Jules Verne et Edmondo De Amicis

Un exemplaire de cet ouvrage a été envoyé au C.D.J.V. - Société La Jules Verne est française, mais grâce à elle, les Editions Gramma de Bruxelles, série Ie passé du futur et les Editions STANKE, de Montréal au Canada, ont publié La chasse au Météore (version originale) suivi de Edom, avec Postface d'Olivier Dumas. D'Espagne, notre adhérent Jordi Sottora-Pedrola, qui nous envoie beaucoup d'articles a expédié au C.D.J.V. un exemplaire de la nouvelle présentation de I'ouvrage de J. J Benitez: Yo Jules Verne, tout récemment parue. Après avoir publié en 1994, Le guide de la Somme (en vente au CDJV) les éditions Casterman, de Tournai @elgique), ont sorti en 1995 un Guide d'Amiens, Dans chacun d'eux Jules Verne a bien naturellement sa place. Une excellente traduction du Tour du monde en S0lours due à William Butcher est parue (World's Classics, Oxford University Press, Walton Street OX 2 -GDP) 4,99 $.

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PUBLICATIONS FRANÇAISES Certains de ces ouvrages sont en vente au CDJV. On peut se les procurer sur place, au prix indiqué. Pour la vente par correspondance, il convient de contacter le Centre afin de connaître le montant des frais de port. Dans son n"2508 du 23 août 1995 La Vie du rail a évoqué les trains dans I'æuvre de Jules Verne en plusieurs pages illustrées noir et couleurs. Paris au XXe siècle, publié par Hachette et le Cherche-Midi est paru en divers formats: petit volume broché (en vente au CDJV: 119 D;grand livre de luxë;et récemment en Livre de poche (en vente au CDJV: 26 F).


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Dans son curieux ouvrage Voyage au Centre du Mystère @enoël, Coll. Sueurs froides,1995, 95 F), René Reouven décrit une intrigue policière dont I'action se passe au XIXU siècle. Jules Verne et d'autres y iouent un rôle inattendu. Le Volcan d'Or, version originale, présentée et annotée par O. Dumas est paru en 1995 aux éditions de I'Archipel 13, rue Chapon, 75003 Paris,284 pages (125 F), et au Canada, Editions Stanke, 1212 Saint-Mathieu Montréal, Québec, H3N 2H7. La parution de ce roman fut signalée dans Agir en Picardie, magazine publié par le Conseil Régional de Picardie, dans son no56, 1996. Ce magazine dans son n"57 a consacré une longue colonne à une étude d'Une uille idéale, après venue au C.D.J.V. d'une collaboratrice de la revue. A noter que dans Ie n'56, Yves-Marie Lucot évoque Jules Verne et H.G. Wells dans un article. Il annonce qu'une nouvelle revue sera consacrée à I'imaginaire scientifique. Le tome I est paru (Scientificfions, N'1, 253 pages, 250 F. Encrage Edition, 8.P. 0451, 80004 ,A,MIENS CEDEX)

Aux éditions Minard, le n'7 de la collection est paru, sous le titre: Voir du feu * Contribution à l'étude du regard (en vente au CDJV: 162 F). Cette revue, autrefois dirigée par le regretté François Raymond est maintenant placée sous la direction de Christian Chelebourg. Fin 1995, les éditions Exacomta ont réalisé un bel agenda Jules Verne où chaque iour est consacré à un thème vernien et illustré. Le n"13, 1996, des Cahiers Nantais nous est récemment parvenu. On y trouve deux lettres inédites de Jules Verne et une d'Honorine, deux études, et les habituelles rubriques; 69 pages sous couverture bleue (40 F), Amis de la bibliothèque municipale-médiathèque, 15, rue de I'Héronnière, 4404I Nantes Cedex. Deux maisons d'éditions nantaises se sont lancées dans la publication. L'une, Joca-Seria, en 1995, avec Le comte de Chanteleine (en vente au CDJV: 100 F), petit livre cartonné;l'autre, Les presses du

temps, qui a sorti récemment La maison à uapeur (en vente au CDJV: 198 F en édition numérotée) armée de modernes et iolies illustrations en couleurs, et qui promet de continuer. La Société Jules Verne a sorti le n"119, 3" trimestre 1996 de son Bulletin (en vente au CDJV: 65 F). Deux biographies par deux de nos adhérents: Jules Verne, par H. Lottman, Flammarion, 1996, gros ouvrage de 425 pages. Les notes notamment sont précieuses (en vente au CDJV: 150 r). Jules Verne, sous-titré « Le Nantais de L IIe Feydeau », par Jean Sibenaler. Ce livre de 300 pages est en souscription. Ecrire aux Edit.


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Hérault, B.P. 14, 49360 MAULÉVRIER (150 F + 30 F Franco à partir de 2 exemplaires). Franca Esperantisto, revue française d'Esperanto a traduit en 1995 en cette «langue universelle» Ia Verda radio, que Jules Verne titrait: Le Rayon Vert. Jean Amouroux nous a envoyé les trois jolis petits volumes de cette traduction due à Jeannine Vincent (Edit. Fernand Rose, Sinte-Klaradreef, 59, 8000 Brugge, Belgique): nt463, avril; n'465, juin; n"468, octobre. Yoir Unuigo Franca par Esiteranto, 4 bis rue de la Cerisaie, 75004 Paris. Prix spécial pour les 3 numéros. Il est impossible de ne pas citer une excellente biographie d'Offenbach due à Robert Pourvoyeur. Y sont bien str évoquées les pièces Le uoyage dans la Lune et Une fantaisie du D'Ox. («Offenbach », Ie Seuil, Coll. Solfège, fin 1994, 225 pages illustrées). Et il n'est pas inutile de rappeler que le C.D.J.V. possède encore quelques exemplaires de I'ouvrage de François Dérivery, Pulsions et inscriptions, où sont examinés deux romans: Le Rayon Veft et La Chasse au Météore (en vente au CDJV: 60 F). Et bien d'autres ouvrages ou brochures, et même des æuvres de Jules Verne, ainsi que les anciens numéros de « J.V. » Il suffit de demander la liste...

INFOS DIVERSES Le 4" festiual internationat du film d'exploration Jules Verne, organisé à Paris par «Jules Verne Aventures », s'est tenu du 23 au27 novembre 1995 à l'lnstitut Océanographique de Paris. Il a connu le même succès que les précédents. La nouvelle Société Jules Verne nord américaine fondée en 1994 a tenu sa 2" réunion en iuin 1995 à Frederiksburg, ville à 90 km de Washington. Heureux de se retrouver, les amis, dont certains nous sont connus de longue date, comptaient parmi eux Jean-Michel Margot qui vit momentanément aux U.S.A. et Piero Gondolo della Riva venu d'ltalie. Deux noms bien connus des Verniens. u Si Jules Verne m'était conté », comédie musicale de Marc Carles

présentée par le Conservatoire et les Beaux-Arts de Castres a connu le même succès à Perpignan en février 1996, nous apprennent des articles aimablement envoyés par Jean Amouroux. En février aussi, I'Université de Picardie Jules Verne a présenté une belle exposition consacrée à Albert Robida, le dessinateur caricaturiste né en Picardie. Des membres de sa famille présents à l'inauguration sont ensuite venus visiter Ia maison de Jules Verne


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et la collection du Centre. Celle-ci possède maintenant un exemplaire du beau catalogue illustré offert par Bernard Galtier, directeur du service culturel de I'Université, organisateur de l'exposition et membre de notre association. La chaîne ARTE a repris fin décembre 1995 la « soirée thématique Jules Verne », de Pierre Trividic, avec le concours de Michel Serres. Ceci a fait bien des heureux parmi ceux qui n'avaient pu la voir I'année précédente. En mars dernier, à Nantes, s'est tenu le 2& salon international de peinture organisé par l'Association nantaise fondée par Ghislain Bernier. Le vernissage fut sous la présidence d'honneur de Jean Verne, arrière petitJils de l'écrivain, P. Gondolo della Riva étant l'invité d'honneur et membre du jury à titre international. Plusieurs amis nantais sont aussi cités. Pendant tout Ie mois d'avril le C.D.J.V. a été amené à prêter bien des éléments de ses expositions au Crédit Mutuel qui accueillit gratuitement dans ses locaux d'Amiens aussi bien des particuliers que des groupes de tous âges sur le thème du Cirque. Les Amis du Cirque, amis verniens, ont aussi participé à cette exposition pour la grande joie des petits et des grands. Plusieurs d'entre vous écoutent peut-être l'émission Le jeu des mille francs présentée par L. Bozon sur France-lnter (12 h45). Venu à Amiens en avril 1996, Ie présentateur a cherché, comme il le fait toujours, à faire mieux connaitre la ville. Ceux qui ont écouté auront été étonnés d'apprendre que « le C.D.J.V. est propriétaire de la maison de Jules Verne » alors qu'en réalité, il est logé par la Ville d'Amiens, à qui appartient la maison. Mais cela fait plaisir d'entendre parler de son association ! Aioutons que des Amiénois et des élèves de la Providence et du collège Edouard Lucas d'Amiens n'ont pas mal réussi le ieu. Nous avons été heureux d'apprendre que le dimanche 16 avril, sur France 2, les actuels propriétaires de la maison où a vécu Jules Verne au Crotoy, Simon et Marguerite Bourgau, depuis longtemps retraités, ont raconté de nombreuses anecdotes. Les tournages ont été effectués dans cette maison dont ils viennent de rénover la façade, puis sur un bateau.


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Message aux collectionneurs, bibliophiles et amateurs de Jules Verne Volker Dehs demande aux adhérents de lui signaler I'existence de tous textes, lettres, etc., publiés (dans des journaux ou ailleurs) ou inédits pour compléter son Catalogue des CEuures de Jules Verne.

Merci d'avance de lui transmettre tous renseignements en votre possession pour que ce travail déjà remarguable soit Ie plus complet possible (V. Dehs, Brauweg 5, 37073 GOTTINGEN, Allemagne).

Timbre appartenânt à une série émise en 1955 par les Postes de la principauté de Monaco sur une thématique mettant en parallèle des romans de Jules Verne et des réalisations contemporaines.


ASSEMBLÉES CÉNÉRALES Les deux associations qui mènent une action constonte et ré-

- le Centre de Documentation Jules Verne et la Société Jules Verne - ont tenu leur assemblée générale 96. En uoici le compte rendu, rédigé par les deux présidents...

gulière de recherche et de publication sur Jules Verne

CENTRE DE DOCUMENTATION JULES VERNE 'assemblée générale du Centre de Documentation Jules Verne s'est tenue le 23 mars 1996. Elle a renouvelé pour un tiers Ie conseil d'administration, lui permettant de se ren-

forcer par I'arrivée d'experts verniens universellement reconnus: Christian Chelebourg de I'université de Diion, Volker Dehs de I'université de Gôttingen, Olivier Dumas, président de la Société Jules Verne, Simone Vierne de I'université de Grenoble, qui sont ainsi venus renforcer les compétences des époux Compère et de Jean-Paul Dekiss. Lors de son rapport moral, le président du Centre, a insisté pour que I'esprit de Jules Verne anime I'esprit et les choix de I'association, rappelant entre autres « qü'à I'image des personnages de Jules Verne nous avions le souci de notre indépendance, et au-delà, le souci de faire connaître I'indépendance comme qualité essentielle dans l'æuvre de l'écrivain. Jamais des personnages comme le Capitaine Nemo, le Capitaine Hatteras ou Mathias Sandorf, n'aliènent leur indépendance à leur formidable créativité au service des découvertes et du progrès. C'est une sacrée leçon pour notre fin de XXe siècle ». Le Centre de Documentation Jules Verne souhaite signer une


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convention avec la ville d'Amiens qui permette de déterminer Ies engagements réciproques, notamment en matière de création d'emploi et d'attribution des locaux, pour fournir à tous ceux qui s'intéressent à Jules Verne dans le monde des prestations dignes d'un Centre International. L écho du côté de la Ville, qui soutient déià le Centre depuis plusieurs années, paraît favorable. Les priorités sont accordées à l'édition d'une revue semestrielle qui prendrq la succession du bulletin de Iiaison- ; I'organisation des DEUXIEMES RENCONTRES JULES VERNE A AMIENS, organisées par le Centre; ainsi qu'à I'extension de nos relations avec d'autres associations de Picardie en vue d'actions communes. [JPD]

SOCIÉTÉ JUTES VERNE En 1996, la Société Jules Verne s'est réunie en Assemblée Génâ rale à Saint-Malo pour sa trentième année d'existence. Dans I'admi« capitale de la littérature d'aventure », selon rable cité malouine son maire furent -entendues d'importantes communications: en particulier,- les découvertes faites par Olivier Dumas dans les His« monstre marin » serait la réappatoires de J.M. Cabidoulin - où leapportées par Piero Gondolo della rition du Naurilus et celles Riva: deux pages manuscrites de Jules Verne, dont I'une révèle « les dates de composition des derniers Voyages extraordinaires », étonnant document inédit qui permet enfin d'affirmer les dates de création des romans posthumes. Le bon équilibre financier de la Société

par

conforté la stabilité du nombre des sociétaires -I'achat - permet par Midu film La Destinée de Jean Morénas, conçu et réalisé chel Verne en 1916, ainsi que la décision d'entreprendre la transcription des lettres de Verne à P.J. Hetzel, conservées à la Biblie. thèque nationale. Le lendemain, après une agréable promenade touristique, découverte du « Festival Saint-Malo Etonnants Voya§eurs » où 40.000 visiteurs étaient attendus. La Société Jules Verne y présentait, avec le concours de Raymond Perrussel, une belle exposition autour du thème de I'année: I'Amérique latine. Un excellent moyen pour mieux faire connaître Jules Verne et son association. IOD]


UNE NOUVELLE, BIOGRAPHIE DE JULES VERNE: NOTRE CRITIOUE

Herbert Lottman, adhérent du C.D.J.V. et de la S.J.V., uient de sortir chez Flammarion, dans la collection Grandes Biographies, un Jules Verne que nous aüons soumis aux feux de la critique des membres de notre comité de rédaction. Chacun oyant réagi selon sa formation, ses inclinations et sa sensibilité, nous uous offrons ici la palette de ces jugements émanant de diuers représentants de notre association

f Tne compilation stuI I dieuse. bien documenl.-rl te" et âctualisée

qui jus-

tifie la réputation d'un biographe confirmé. Il nous offre

à plusieurs occasions sur l'écrivain le regard à chaud de la presse de son temps et incitera le C.D.J.V. à une étude approfondie sur ce

thème. L'ouvrage se situe à un niveau anecdotique, donc superficiel, mais symptomatique. Les résumés des romans restituent difficilement la magie du romancier et I'ouvrage, en ignorant Ia culture française et européenne dans laquelle s'intègre I'æuvre de Jules


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Verne, passe quelque peu au Iarge d'une étude profonde. Le travail biographique de Monsieur Lottman n'en constitue pas moins un ouvrage de référence sur lequel de nouveaux chercheurs pourront do-

rénavant s'appuyer. IJPD] Toute nouvelle biographie de Jules Verne, surtout à vocation exhaustive, ne saurait manquer de susciter l'attention, voire de créer l'événement. Or, le récent ouvrage d'Herbert Lottman n'échappe pas à la règle, pour son originalité méthodologique comme pour sa richesse documentaire. Car il puise aux meilleures sources, donc très souvent dans les collections du Centre de Documentation Jules Verne d'Amiens. Mais, en complément, il ett étê souhaitable d'adioindre à I'apparat critique existant un index analytique des thèmes. Quant au contenu, son mérite essentiel vient de ce que I'auteur n'exclut aucun champ d'investigation, ftt-il intime ou polê mique. Ainsi, cet essai constitue une contribution de qualitê aux études verniennes contemporaines. ICL] Le tour d'une vie en 40 chapitres; tel est le défi, relevé avec un certain talent, par Herbert R. Lottman, auteur d'une toute récente biographie de Jules Verne. Cet ouvrage, par ailleurs très bien documenté et illustré, aborde avec un regard anglo-saxon, les rapports à I'argent d'un financier devenu un romancier prolifique, sujet encore tabou dans notre environnement culturel contemporain latin, mais qui m'intéresse à plus d'un titre. J'ai relevé quelques erreurs mais je laisse le soin aux spécialistes verniens d'en dresser une liste exhaustive. Ultime regret, qui est peut-être la conséquence de la traduction: I'emploi en alternance dans le même paragraphe du prâ sent et du passé (simple ou composé). tOBl Une biographie de 425 pages qui se lit assez rapidement est un livre à conseiller aux lecteurs, quitte à les mettre en garde. En savourant les compliments (1), j'ai sursauté en lisant que le C.D.J.V. est situé «dans la maison où mourut Jules Verne». Lapsus sans doute, puisque M. Lottman fit une partie de ses recherches en cet endroit, en 1994. Un second m'étonne aussi: Auguste Lelarge devient Zafarge, « parent nantais qui se marie loin de chez lui» (2). Détails sans doute, mais qui ont leur importance. Je passe sur I'idée que l'auteur se fait d'Amiens et de ses habitants, son choix de I'intervention de Verne au Conseil municipal, son opinion personnelle sur les romans « ratés » et les inévitables redites. Mais i'aime certains passages ; des légendes sont détruites; Honorine est bien elle-même; les trente pages de notes sont précieuses. Maintenant mon avis fa-


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vorable sur I'ouvrage, i'ai pourtant I'impression d'une écriture hâtive, ou d'une traduction infidèle, tout en sachant bien que je le re. lirai souvent. ICC] Le Jules Verne (un de plus !) d'Herbert Lottman arrive à propos car jusqu'à présent, mise à part la bonne synthèse due à Jean-Paul Dekiss (3), il n'était pas aisé de trouver dans le commerce un ouvrage qui donne un aperçu relativement complet de la vie et de l'æuvre du uieux conteur. Ce dear Herberf, qui a laissé au personnel du Centre le souvenir d'un chercheur fort assidu et conuiuial, a adopté pour cette bio-bibliographie le plan chronologique (dêjà suivi par Jean Jules-Verne), intelligemment et honnêtement réactualisé en fonction des derniers apports de la recherche verniste (mais on aurait aimé des réfêrences moins anonymes que Ie trop fréquent « un spécialiste de Jules Verne » !), avec les avantages et inconvénients de ce type de plan... On regrettera sans doute l'omniprésence del'analité uernienne, propre à vous décourager de deve. nir un écrivain célèbre, dont on publiera les lettres intimes, et la brièveté des extraits de la corresfiondance avec Hetzel, dont la publication intégrale par un spécialiste de Jules Verne, nous est enfin annoncée «)! UJNI

Après le haut niveau des biographies sur Camus et Flaubert signées Lottman, Ie nouveau livre sur Jules Verne déçoit. Le grand mérite de l'ouvrage c'est qu'il est actuel, et comprend les résultats des recherches récentes. D'ailleurs I'auteur cite scrupuleusement ses sources ! Mais il présente peu de choses vraiment nouvelles. Certes, Lottman a fait des recherches dans les archives de la S.A.C.D. sur les recettes de certaines pièces de Verne, mais il n'en a pas tiré tout le parti possible, et souvent ces indications prêtent à malentendu. Il s'efforce de faire une présentation différenciée du caractère de Verne et y réussit mieux que ses prédécesseurs. Par contre, au lieu de commenter les æuvres, il se contente de les résumer et d'en donner (comme I'avait déjà fait Jean Jules-Verne) des aperçus très subjectifs dont la portée n'est pas très grande. IVDI Cette nouvelle biographie a le mérite d'être actualisée par rapport à la précédente - souvent citée - d'Olivier Dumas (Jules Verne, La Manufacture, Lyon, 1988). Le biographe y analyse chacun des romans parus: résumer un livre est inutile pour celui qui I'a lu et insuffisant pour en prendre connaissance. De plus, proférer des jugements reste un exercice périlleux, car on prône aujourd'hui des æuvres considérées autrefois comme médiocres (Le château des


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Corpathes, Le rayon uert, Une oille flottante, etc.). Lottman apprécie

peu la valeur littéraire de Verne, va jusqu'à parler d'une « usine Jules Verne », alors que l'écrivain a toujours cru en ses æuvres, s'efforçant de les parfaire, ne doutant pas de leurs qualités et persuadé

qu'un jour il «comptera dans la littérature française». Lottman ne réalise pas I'effet destructeur de la censure des deux Hetzel, père et fils, même s'il en parle sans détour. ApprouvonsJe d'avoir présenté un Jules Verne humain, descendu de son piédestal, obéissant aux exigences de son éditeur. Mais la consolation du romancier, enfouir - à I'insu de tous - des secrets dans ses æuvres, n'est même pas évoquée par le biographe. Verne n'écrit pas à la ligne, sa sincérité cache un grand écrivain toujours incompris et à découvrir. IOD] Notes:

(l)

P. 383, non datée. (2) Chapitres X, p. 86 XI, pp. 95 et l0l Index, p. 423. (3) Le Rêoe du Progrès, coll. Découuertes Gallimard, n'll9 (4) Voir page Actualités: compte.rendu de I'A.G. de la S.J.V.

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AVIS DE RECHERCHE L'illustration ci-dessous correspond à la première image d'une bande dessinée, qui est vraisemblablement extraite d'un magazine pour la jeunesse, et qui est entrée dans le fonds de documents de notre Centre. Les recherches auxquelles nous nous sommes livrés ne nous ont pas permis d'en déterminer l'auteur ni l'éditeur. Nous serions donc reconnaissants à tout lecteur ou organisme susceptible de nous fournir ces renselgnements de bien vouloir nous les communiquer (Centre de Documentation Jules Verne, 2 rue Charles Dubois 80000 AMIENS, té1. : 03.22.45.37.84, fax: 03.22.45.32.96) afin que nous puissions procéder à toutes les régularisations nécessaires...



CENTRE DE DOCUMENTATION JULES VERNE 2, rue Charles Dubois Télép hone : 03.22. 45.37. 84

Association créée en 1971

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80000 Amiens Fax : 03.22. 45.32.96

déclarée Ie 17 décembre 1976

Fondateur : Daniel COMPÈRE Président d'honneur : Maurice COMPÈRE COMITÉ D'HONNEUR: M. Ie Maire d'Amiens M. le Professeur Louis LEPRINCE-RINGUET, de I'Académie Française, de I'Académie des Sciences t M. Hervé BMIN, président de I'Académie Goncourt M. Paul GUIMARD, écrivain M. Jean VERNE, descendant de l'écrivain M. Yves KOVACS, réalisateur de télévision

Mme Madeleine GÉROME, écrivain (Canada) M. Patrick BAUDRY, astronaute Mme Raymonde GILLMANN, journaliste CONSEIL D'ADMINISTRATION

:

Président: M. Jean-Paul DEKISS Vice-Présidents: MM. Raymond DEWAS et Claude LEPAGNEZ Délégué générâl: M. Maurice COMPÈRE Délégué général-adjoint: M. Olivier BONDOIS Secrétaire général: M. Jérôme MUSTIOLI Secrétaire-adioint : N. Trésorier: M. Olivier BONDOIS Trésorier adjoint: M. André BURG Documentaliste : Mme Cécile COMPÈRE Membres: Mmes Colette GRAUX, Simone VIERNE MM. Jacques BÉAL, Jean-François BLOC, Christian CHELEBOURG, Volker DEHS, Olivier DUMAS, Michaël GUILLON-VERNE, Francis LE CONTE, Jean-Claude VA,SSEUR, Jean VERNE, Bernard PERDU


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COMITÉ DE RÉDACTION DE LA REVUE: Mme Cécile COMPÈRE,

MM. Jacques BÉAL, Christian CHELEBOURG, Volker DEHS, Jean-Paul DEKISS, Olivier DUMAS, Claude LEPAGNEZ, Jean-Jacques NASONI

Directeur de la publication: le Président Rédacteur en chef: Jean-Paul DEKISS Secrétaire de rédaction: Jean-Jacques NASONI Saisie informatique et moyens techniques: Mme Cécile HAUTIÈRE, Mlles Patricia CORSYN, Véronique SIMARD, M. Christophe CARON Les opinions exprimées dans la présente feuille n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Réalisation: Centre de Documentation Jules Verne, Amiens Tirage : 1000 exemplaires Dépôt légal: octobre 1996 N'ISSN: en cours Le service de la revue est assuré gratuitement aux adhérents à

iour de leur cotisation ainsi qu'aux bienfaiteurs. Prix de vente au public: 40 francs


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Références

» no2

Daniel Compère

JULES VERNE PARCOURS D'UNE GUVRE un vol. broché, 130x200, 128 p., ISBN 2-906389-72-2

Daniel Compère, collaborateur d'Encrage, travaille depuis une vingtaine d'années sur Jules Verne. Il est I'auteur, entre autres, de Jules Verne écriuain (1991). Avec ce livre, il relativise l'image d'un Jules Verne père de la science-fiction qu'il présente avant tout comme un écrivain témoin d'une époque en évolution, qui se lança dans des voyages extraordinaires et joua comme nul autre avec les conventions romanesques. II nous incite à redécouvrir un auteur incontournable qui ne se résume pas à quelques æuvres phares. En vente au Centre de Documentation Par correspondance à : Encrage Edition - B.P. 0451 - 80004 Amiens Cedex

Déià paru n Références » nol : ALFU GASTON LEROUX

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Remerciements

Le Centre international Jules Verne reçoit de précieux soutiens pour réaliser ses différentes missions culturelles. Nous tenons à remercier chaleureusement, pour leur fidélité et leur bienveillance, les partenaires qui nous accompagnent tout au long de l'année et qui contribuent durablement à nos travaux. Sans eux, cette publication ne pourrait voir le jour :

•Amiens Métropole •Le Conseil régional de Picardie •La Direction régionale des affaires culturelles de Picardie •Le Centre National du Livre et bien sûr les adhérents du centre, les auteurs de la revue qui contribuent gracieusement à cette publication depuis 1996 ainsi qu’à Parmis Parki qui ornemente sur demande l’illustration graphique et photographique de la revue depuis décembre 2011. La conception et la réalisation de la numérisation sont réalisées par Marc Sayous



se développe

Le Centre international Jules Verne

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