À LA RECONQUÊTE DES BERGES DE SHEFFIELD HABITER UN PAYSAGE RÉSILIENT AUX RYTHMES DE L’EAU TOME 2 MASTER ARCHITECTURE, VILLES, RESSOURCES
Cindy Jouanas-Matthieu BROCHIER
“ L’homme transforme l’aléa naturel en catastrophe” Salvano Briceno
Director of the secretariat of the international strategy for disaster reduction (UN/ISDR) Le Monde, Article publié le 28 août 2010
SOMMAIRE RETOUR DE VOYAGE
p.2
INTRODUCTION
p.12
1.
p.14
2.
3.
SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS 1.1 CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES 1.2 UNE URBANISATION À RISQUE 1.3 Peut-on trouver des ressources à proximité et dans l’aléa?
p.16 p.22 p.38
ENTRE GENTRIFICATION ET INONDATION
p.32
2.1 Le quartier des industries culturelles 2.2 Aménager les berges et la profondeur des tissus 2.3 LES POSSIBLES DE L'INONDATION
p.36
É HABITER L'ALEA
p.52
3.1 un PAYSAGE DE SOL INONDABLE 3.2 se loger sans être inondé 3.3 TRAVERSER L'inondation
p.54 p.64 p.70
p.42 p.48
conclusion
p.86
GLOSSAIRE
p.88
BIBLIOGRAPHIE
p.90
REMERCIEMENT
p.94 1
RETOUR DE VOYAGE
Vue sur le centre-ville Sheffield depuis Park Hill. Photographie personnelle
RETOUR DE VOYAGE
Vue sur Park Hill depuis la gare. Photographie personnelle
Ruelle entre les friches donnant sur le centre-ville, dans la frange entre les suburbs et le centre ville Photographie personnelle
Rue entre les maisons en bande dans les suburbs Photographie personnelle
Maisons en bande dans les pentes du centre-ville Photographie personnelle
Le centre-ville se transforme. Photographie personnelle
La rivière du Don . Photographie personnelle
Park Hill Photographie personnelle
INTRODUCTION
INtroduction
Avec l’envie de découvrir cette ville de l’intérieur, nous nous sommes rendus à Sheffield. Direction le South Yorkshire dans le nord de l’Angleterre. Notre voyage a confirmé la studentification du centre-ville dû à la présence des 2 universités. Les étudiants ont colonisé le centre à tel point qu’on a l’impression de se trouver dans un campus. Les offres de logements à destination de ce public sont présentes à chaque coin de rue. Puis, destination Park Hill, le grand ensemble qui a fait l’objet d’une réhabilitation, et nous avons compris l’ampleur de la transformation. Les parties réhabilitées s’ouvrent sur un parc accessible et agréable. Mais, les étages restent inaccessibles, comme cela a été décrit dans le tome 1, le bâtiment est fermé par un sas avec plusieurs codes. Nous n’avons donc pas pu nous rendre dans les étages de Park Hill. Le reste du site, qui n’a pas encore été réhabilité, est fermé par des grilles qui entourent le grand ensemble et le rend en partie impénétrable. Durant notre séjour, nous voulions observer les berges de Sheffield, le territoire de cohabitation. Nous nous sommes rendus compte qu’en effet la majorité des rivières étaient cachées par les industries, mais qu’un certain nombre aménagements permettait d’être connecté à l’eau. La ville a mis en place des bassins d’orages, le long du Don et du Porter Brook, afin d’élargir le lit de la rivière en cas de crue et qui de plus constituent un espace public par temps normal. Nous nous sommes alors posés des questions sur le phénomène d’inondation. « L’inondation est une submersion, rapide ou lente, d’une zone habituellement hors de l’eau.»1 C’est un aléa naturel qui fait partie des plus fréquents, et qui devient un risque en présence d’enjeux humains, économiques et environnementaux. Ce phénomène peut être la conséquence de condition météorologique, de l’imperméabilisation des sols, de la montée rapide des eaux ou encore, de l’intervention humaine. Les fortes pluies sur un temps court n’arrivent pas à se disperser par infiltration, ce qui crée un Ministère de la transition écologique et solidaire, Inondation [en ligne] Géorisque.gouv.fr URL : http://www.georisques.gouv.fr/dossiers/inondations Consulté le 16 avril 2018 1
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INTRODUCTION
surplus d’eau. Cette eau s’écoule alors par ruissellement de surface en suivant la topographie. C’est cette répartition tant spatiale que temporelle par rapport au bassin versant* qui influence la crue. Une autre cause peut être liée au débordement indirect suite à la remontée d’une nappe phréatique. Tous ces phénomènes peuvent engendrer des crues qui font sortir les rivières de leur lit mineur et occasionner des dommages. Face à l’inondation, il existe différentes postures : lutter contre, faire avec ou s’appuyer sur le concept de résilience. Cet aléa naturel est présent à Sheffield et pousse la ville à s’interroger sur l’aménagement des berges. Ce territoire oublié reprend sa place dans le questionnement du renouvellement urbain. Nous nous demandons alors, comment l’aléa inondation peut-il devenir un levier pour faire barrage à la studentification du centre-ville de Sheffield et par là à la gentrification? Ce projet d’architecture s’appuie à la fois sur le risque de gentrification qui a déjà marqué le centre-ville de Sheffield et le risque d’inondation qui représente une menace invisible capable de faire barrage et de permettre à une classe moyenne de réinvestir le centre. Dans un premier temps, nous verrons pourquoi Sheffield se trouve au coeur des risques d’inondations. Par la suite, nous observerons que certains quartiers de la ville se positionnent entre gentrification et inondation. Et pour finir, nous présenterons notre proposition pour vivre dans ces zones aux multiples risques.
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SHEFFIEld au coeur des inondations
1
SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS
1.1
CARACTERISTIQUES PHYSIQUES
Sheffield a puisé ses forces dans ses ressources géologiques pour se développer et se perfectionner dans le travail de l’acier. Cette ville est entourée de cinq rivières qui prennent leurs sources dans la chaîne montagneuse des Pennines : Le Don, Le Sheaf, Le Porter Brook, Le Rivelin, et Le Loxley. La topographie permet aux rivières de prendre de la vitesse ce qui leur donne un fort débit. Les usines se sont ainsi rapidement appuyées sur cette énergie hydraulique. C’est pourquoi, les berges sont majoritairement entourées par d’anciennes usines. Ces rivières ne sont pas indépendantes les unes des autres. En amont de la ville, le Rivelin et le Loxley se jettent dans le Don. Plus en aval, le Porter se jette dans le Sheaf qui termine sa course dans le Don. Ces trois confluents sont des zones qui présentent un risque d’inondation plus important, car les débits des cours d’eau se conjuguent. Ainsi en cas de pluies, le volume d’eau des sources dans les Pennines augmentent ce qui amène les cours d’eau à déborder à leur confluence. Les rivières voient alors leur flux grossir ce qui les fait sortir de leur lit naturel. Ces caractéristiques physiques de Sheffield sont autant de points propices aux risques d’inondations. Il y a une probabilité sur 25 que la ville soit inondée sur une année. Pour comparaison, à Paris, on parle de crue centennale, c’est-à-dire qu’il y a une 1 chance sur 100 pour que Paris soit inondée sur 1 an. Les inondations se rapprochent d’année en année. Celles qui ont le plus marqué la ville de Sheffield sont les catastrophes de 2007 et 2012. Les suivantes ont eu lieu en 2015 et 2016. Avec le réchauffement climatique, ce phénomène n’est pas près de s’arrêter. Chaque ville doit réagir face à ce risque. Le Royaume-Uni a investi pour aménager certaines parties de son territoire, et dans ce contexte Sheffield est une ville pilote. Fig. 01 : Illustration montrant la chronologie des inondations à Sheffield, les investissements dans la protection contre les inondations ainsi que les dégâts que causerait une prochaine inondation. Document personnel. 16
1973
NOVEMBRE 2000
JUIN 2007
JUIN 2009
JUILLET 2012
OCTOBRE 2015
NOVEMBRE 2016
... ?
2.5 MILLIARD DE LIVRES INVESTIS AU ROYAUME UNI DANS LA PROTECTION CONTRE LES INONDATIONS
430 MILLIONS DE LIVRES INVESTIS DANS LE COMTÉ DU YORKSHIRE DANS LA PROTECTION CONTRE LES INONDATIONS
86 MILLIONS DE LIVRES INVESTIS À SHEFFIELD DANS LA PROTECTION CONTRE LES INONDATIONS
6.000 LOGEMENTS
1.760 ENTREPRISES
32.707 EMPLOYÉS 17
COÛT APPROXIMATIF DES DOMMAGES 8 MILLIONS DE LIVRES
UNE TOPOGRAPHIE FAVORISANT LE RISQUE
Fig. 02 : Topographie et risque naturel. Document issue du logiciel Qgis.
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SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS
MENDEL Gideon, Submerged Portraits, « Margaret Clegg, Toll Bar Village, South Yorkshire, UK, June 2007» 20
MENDEL Gideon, Drowing World, « Maison de John Jackson, Toll Bar Village, South Yorkshire, UK, June 2007» 21
SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS
1.2 une urbanisation AÉ risque
La ville se trouve en point bas par rapport à la source des rivières. Cette position, qui permet d’utiliser la force de l’eau, place aussi la ville dans une zone à risque d’inondation. Pendant la période industrielle, les rivières étaient une source d’énergie et par conséquent elles étaient entretenues. La faible urbanisation rendait le sol perméable, les eaux de pluie pouvaient s’infiltrer plus rapidement dans les sols (Fig. 03 ). Avec la désindustrialisation, les rivières ont perdu de leur valeur pour finalement tomber en désuétude. L’urbanisation a de plus en plus pris de place à Sheffield rendant les sols imperméables (Fig. 04). L’arrivée du tout-voiture a nécessité certains aménagements sur les rivières comme des ponts créant des points de pincements (Fig. 05). Des portions de cours d’eau sont devenues souterraines, le Sheaf en est un exemple, pour pouvoir installer la gare ferroviaire. Ces points sont susceptibles de modifier le débit des cours d’eau. Des débris peuvent se coincer sous les ponts et former un barrage qui peut faire sortir la rivière de son lit (Fig. 06). Sheffield fait partie d’un projet pilote pour créer et modifier les aménagements afin de réduire l’impact des inondations. La ville a reçu une subvention de 86 millions de livres sterling soit 1/5 de la somme versée à la région du Yorkshire. La prochaine inondation pourrait mettre en péril près de 6000 logements, 1760 entreprises et avoir un coût approximatif de 8 millions de livres sterling. Il est donc nécessaire pour la ville de mettre en place de nouveaux systèmes pour se protéger des inondations et pouvoir vivre avec. Deux bassins d’orages ont d’oref et déjà été mis en place sur le Don et le Porter Brook.
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une urbanisation A risque
Fig. 03 : Entretien des rivières, utilisation de la force hydraulique et faible urbanisation. Document personnel.
Fig. 04 : Désindustrialisation et augmentation de l’imperméabilisation des sols. Document personnel.
Fig. 05 : Disparitions de la majorité des usines, apparition du tout-voiture et sol imperméable. Document personnel. 23
24
CANAUX 0 0,1 0,4m
RISQUES D’INONDATIONS CANAUX SOUTERRAINS POINTS DE PINCEMENTS Les ponts, ponceaux, déversoirs et sections étroites de la rivière réduisent le flux et peuvent être le sujet de blocage de débris.
PARCOURS DE RUISSELLEMENT Une fois que l’eau s’échappe, elle peut traverser les terres avant de retrouver le canal en aval. Ce qui perturbe les réseaux routiers et inonde les propriétés
DEBORDEMENT EN POINTS BAS Les tempêtes augmentent les niveaux d’eau dans le canal, provoquant le déversement de l’eau aux points les plus bas le long des berges.
RUISSELLEMENT SUR LES FLANCS DE COLLINES L’emplacement de Sheffield au pied des Pennines signifie que les rivières répondent rapidement aux orages.
CONFLUENT Le Sheaf et le Porter se rejoignent en un point. Ce point devient une des zones a risque d’inondation important d’autant plus que ces deux cours d’eau finissent leur course dans le Don qui est le canal avec le plus important risque d’inondation
0
150
450
750m 25
Fig. 06 : Des aménagements à risque aux fortes conséquence. Document personnel, issue de floodprotectionsheffield.
INTRODUCTION
MENDEL Gideon, Submerged Portraits, « Graham and Kieran Leith, Toll Bar Village, South Yorkshire, UK, June 2007»
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INTRODUCTION
MENDEL Gideon, Submerged Portraits, « The home of Cheryl Towers, Toll Bar Village, South Yorkshire, UK, June 2007»
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SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS
É 1.3 Des ressources dANS l’ALEA
Vivre dans une zone avec un risque d’inondation, c’est accepter de vivre en présence de l’aléa. Les rivières qui sont l’un des facteurs de l’aléa présentent des ressources qu’il nous semble important de rappeler. Les cours d’eau représentent un apport en énergie cinétique. Cette énergie était autrefois utilisée par les usines sous sa forme mécanique comme dans les moulins à eau. Les usines ont quitté les berges avec la désindustrialisation, mais les rivières sont toujours présentes et possèdent un débit élevé. La présence de l’eau, malgré le danger d’inondation actuel, propose une source d’énergie pouvant être transformée en électricité via des turbines (Fig. 07). De plus, ces rivières représentent des continuités urbaines. Les 5 rivières qui entourent Sheffield apparaissent et disparaissent dans la ville. Elles créent un paysage tout en luttant contre les îlots de chaleur. (Fig. 08) Cette expression « désigne la différence de température observée entre les milieux urbains et les zones rurales environnantes. »2 Les rivières permettent de rafraîchir les zones qu’elles traversent. Malgré le risque qu’ils représentent, les cours d’eau sont des espaces aux nombreuses ressources.
Ville de Grenoble, Atelier multiple, Terao, C. Benneton, Attrapa, Equateur, «Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine» A-Volet environnement [en ligne] Info.grenoble.fr URL : http://infos.grenoble.fr/PLU2013/2_Dossier_enquete_AVAP/1_Projet_AVAP/Diagnostic_AVAP/Anex2_volet_envir.PDF Consulté le 16 avril 2018 2
28
Des ressources dANS l'ALEA
RUE
TURBINE
RIVIÈRE
Fig. 07 : Des turbines positionnées dans le lit mineur des rivières pourrait utiliser l’énergie cinétique de l’eau pour la transformer en énergie électrique. Document personnel.
TEMPÉRATURE
RUE
RIVIÈRE
RUE
Fig. 08 : Les rivières diminuent l’effet d’îlot de chaleur. Document personnel.
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SHEFFIELD AU COEUR DES INONDATIONS
Les inondations à Sheffield sont principalement dues à de fortes pluies, qui font gonfler les rivières. Ces pluies sont à la fois un danger, mais aussi une ressource en eau. Cet apport pourrait être stocké ce qui permettrait de diminuer légèrement la quantité d’eau à absorber par les sols, mais d’exploiter une ressource surabondante à un instant donné et d’avoir de l’eau à usage domestique pour les jardins ou bien filtrée pour devenir potable. Ainsi une partie des précipitations serait stockée réduisant en partie l’impact au sol. (Fig. 09) Les inondations façonnent un paysage aux multiples temporalités. Il est possible de travailler les berges pour qu’en cas d’inondation des zones s’activent et se désactivent, laissant place à un nouveau décor. L’inondation devient un agrément et transforme la ville. En travaillant ce phénomène de manière paysagère, des zones d’absorption sont créées et permettent une infiltration par des sols plus poreux en ville. (Fig. 10) Enfin, cet aléa désorganise des portions de tissu urbain ce qui dévalorise les terrains impactés. Cela crée des opportunités foncières pour traiter le risque, réduire l’impact de la désorganisation et permettre, dans notre cas, à une nouvelle population d’habiter dans le centre-ville. (Fig. 11)
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Des ressources dANS l'ALEA
RUE
RIVIÈRE
RÉSERVOIR
Fig. 09 : Des réservoirs d’eau ou citernes récupèrent l’eau de pluie et de crue ce qui contient une partie du surplus d’eau et devient une ressource en eau. Document personnel.
RUE
RIVIÈRE
PAYSAGE RÉSILIENT
Fig. 10 : Des espaces recréent un lien entre les habitants et les rivières tout en se transformant lors de crue. Ils absorbent une partie de la perturbation. Document personnel.
ZONE PROTÉGÉE
RIVIÈRE
ZONE À RISQUE
Fig. 11 : Les zones à risque représentent des opportunités foncières comparé aux zones protégé des inondations. Document personnel. 31
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ENTRE GENTRIFICATION et INONDATION
INONDATIONS À SHEFFIELD.
Campbelle Lorne, « Flooding Sheffield », UK, Sheffield. 2007.
Centralsheffield, « Penistone Road, Hillsborough », UK, Sheffield. N.c.
Owlstalk, « Sheffield Wednesday ground under flood water », UK, Sheffield. November 21, 2016.
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N.c., « Sheffield Floods’ the Wicker», UK, Sheffield. 2007
Floodprotectionsheffield « Flooding Hillsborough », UK, Sheffield. N.c.
Fig. 20: Schéma de stratégie générale
Garvey Dominic, « Wednesday’s scene brought back memories of summer floods which devasted Sheffield», UK, Sheffield. June 2007. 35
ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
É 2.1 AmEnager les berges et la profondeur des tissus
Les berges sont les terrains à travailler en priorité pour vivre avec le risque d’inondation. Ces lieux peuvent être transfomés en des espaces publics, des lieux de rencontre... Pour adapter les berges, il existe différentes stratégies qui peuvent renforcer ou non la résilience. Ces interventions peuvent être d’ordre architectural, paysager et infrastructurel.
Plusieurs stratégies d’ordre architectural et paysager s’offrent à nous.
D’un point de vue architectural, le bâtit pourrait laisser passer l’eau au moyen de pilotis et ainsi se positionner au-dessus du niveau maximal de la crue. Ce principe permet de créer une sous-face pouvant abriter un espace public. À l’abri du mauvais temps, les usagers peuvent pratiquer des activités extérieures. Il pourrait aussi flotter et ainsi s’adapter au niveau des crues, mais ce système n’est intéressant qu’en cas de marée ou de crue très fréquente. Une autre stratégie consisterait en la mise en place d’un cuvelage permettant de protéger le logement, mais n’entretenant aucune relation avec l’eau si ce n’est de résister et de s’y confronter. On pourrait encore imaginer la mise en place d’une pièce refuge au-dessus du niveau de crue et ainsi éviter la crise. La stratégie paysagère permet aussi prévenir les risques d’inondation en augmentant le lit mineur de la rivière ou encore en aménageant les berges de façon à ce que l’eau puisse s’y infiltrer. Ces deux solutions demandent de prendre conscience que les rivières peuvent s’élargir et occuper leur lit majeur lors de certains épisodes. Dans les deux cas, elles appliquent le concept de résilience qui est la capacité à absorber une perturbation, à se réorganiser, et à continuer de fonctionner de la même manière qu’avant. À l’inverse, la mise en place de digue n’est pas une méthode pérenne. Les aléas sont de plus en plus imprévisibles et les hauteurs
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STRATÉGIES ARCHITECTURALES LAISSER PASSER Se mettre sur pilotis pour laisser passer la crue
FLOTTER Sʼélever au rythme des crues
RÉSISTER Mettre en place en place un cuvelage et résister à lʼinondation
EVITER Mettre en place des espaces sécurisé au dessus du niveau de crue
STRATÉGIES PAYSAGÈRES ÉLARGIR Élargir le lit de la rivière
ABSORBER Créer un paysage dʼabsorbtion et dʼinfiltration
CANALISER Mettre en place des digues, vouloir contrôler la rivière. Création de barrière visuelle Fig. 12 : Stratégies architecturales et paysagères face à l’innondation. Document personnel. 37
ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
de digue ne sont pas toujours suffisantes. De plus, cette stratégie constitue un masque visuel empêchant la visibilité du risque. Nous choisissons d’utiliser plusieurs stratégies pour réduire l’impact de l’inondation dans ce projet. Chaque élément d’un réseau, que l’on met en place, est composé de trois éléments qui permettent d’absorber l’eau de pluie, de retenir l’eau de crue et de protéger les habitants. Dans certaines configurations, des éléments transforment la force hydraulique en énergie par l’intermédiaire de turbines, et d’alternateurs. (Fig. 13 ) L’impact des inondations ne peut pas être réduit en adaptant un seul point. Il est nécessaire de créer un réseau pour gérer les conséquences de l’aléa. Ce réseau prend place le long du Porter Brook et du Sheaf, en amont du Don. Réduire l’impact des inondations en amont, sous la forme de point d’intervention ciblée, permettra de réduire l’impact de l’aléa en aval (Fig. 14). Le Don est la rivière qui possède le plus fort risque d’inondation avec des crues allant jusqu’à 4,5 m. À laquelle viennent s’ajouter les quatre autres qui entourent Sheffield. En absorbant une partie de la crue par l’implantation d’infrastructures paysagères, il sera possible de réduire le niveau de débord du Don. Chaque espace en friche, à proximité des rivières, pourra devenir un équipement paysager résilient capable de limiter les effets de l’aléa. Des programmes variés peuvent prendre place sur les berges du Porter Brook et du Sheaf. Dans un premier temps, les ponts et autres aménagements dédiés au tout-voiture, sont retravaillés pour réduire leur impact sur le débit des rivières. Aux abords des rivières, des zones de stationnements peuvent être traitées de façon à rendre le sol plus poreux et ainsi devenir des espaces d’infiltration ou de rétention. En cas d’alerte inondation, les habitants déplacent leurs voitures, laissant le parking s’inonder et l’eau s’infiltrer. En insérant ponctuellement des turbines, couplées à des transformateurs et à des alternateurs, dans les rivières du Porter Brook et du Sheaf, les logements seront alimentés en énergie. L’utilisation de l’énergie hydraulique redonnera aux rivières une de leur fonction première.
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AmEnager les berges et la profondeur des tissus
PROTÉGER
ABSORBER
RETENIR
TRANSFORMER
RIVIÈRE
Fig. 13 : Schéma des stratégies retenuent. Document personnel.
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ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
Les friches peuvent accueillir des zones d’agriculture urbaine en hauteur avec un stockage d’eau des inondations au sol. L’eau en surplus est réutilisée pour arroser la culture. Ces espaces deviennent des citernes et créent une réserve d’eau. Ce type de programme prend place dans les zones où la rivière passe entre deux espaces de végétation ou d’habitat. Il devient un espace d’agrément en utilisant une des ressources de l’aléa qui correspond à un apport en eau. Ces mêmes lieux peuvent être transformés en bassins d’orages. Ils proposent une micro-topographie capable de ralentir l’impact de l’inondation. L’aléa met en scène un nouveau décor changeant. Ces lieux s’activent et se désactivent en fonction du niveau de crue. Une infrastructure paysagère résiliente qui permet de prendre conscience de l’inondation et devient un parc d’agrément. Sur ce réseau, des logements viennent habiter ce nouveau paysage. En plus de ce réseau, nous pensons qu’il est important de prendre en compte les perpendiculaires des rivières, dans la profondeur du tissu urbain. Les ruissellements suivent la topographie de la ville, il est nécessaire de travailler la profondeur des tissus de façon à en ralentir le débit. Pour cela, les poches de stationnement en amont des rivières sur le parcours de ruissellement peuvent être travaillées de façon à permettre l’infiltration dans les sols. De la même façon, des toitures pourraient être végétalisées afin d’absorber l’eau de pluie et la rejeter dans un temps différé.
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AmEnager les berges et la profondeur des tissus
CARTOGRAPHIE RESEAU
Des espaces paysagés qui se transforment au rythme des inondations tout en s’activant et se désactivant. Des lieux d’agriculture urbaine prennent place le long du Porter et du Sheaf en utilisant le surplus d’eau. Des logements viennent habiter les paysages tout en utilisant la force hydraulique des rivières pour générer de l’énergie.
Site de projet.
Fig. 14 : Mise en place d’un réseau et d’une programmation sur les anciennes friches industrielles le long du Porter Brook et du Sheaf. Document personnel. 41
ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
2.2 UN SITE face aÉ la menace
De nombreux sites de la ville présentent des risques d’inondation. Nous voulions trouver une usine en friche à proximité de l’une des cinq rivières de Sheffield. Lors de notre voyage, nous avons découvert Bernard Works, une ancienne usine sidérurgique. Cette usine a été fondée entre 1830 et 1890, dont il ne reste plus aujourd’hui que l’atelier de broyage. En 2001, ce bâtiment a été conservé pour son caractère historique. Situé le long du Porter Brook, cet espace était à l’origine un réservoir d’eau pour activer les moulins. À l’époque, il y en avait plus de 80 qui utilisaient la force hydraulique de cette rivière3. Bernard Works se situe dans le quartier des industries culturelles dans le centre-ville à proximité de l’hyper centre, en frange des suburbs et en zone inondable. Ce quartier a été nommé ainsi dans les années 90 par le conseil municipal et dédié aux entreprises de production culturelle. Certaines usines ont été réhabilitées en studio d’enregistrement, en cinéma, en espace de coworking et en espace de formation aux médias. Le quartier des industries culturelles est un important cluster d’entreprises créatives qui fait le lien avec l’université présente à proximité. Ce quartier est principalement dédié aux étudiants, la majorité des offres de logements leur sont réservées (Fig. 15 ). En nous y intéressant de plus près, nous avons remarqué que la majorité des habitants de ce quartier étaient des étudiants entre 16 et 24 ans. Il habité pour l’essentiel par de jeunes adultes, mais a du mal à attirer les retraités qui représentent une population au pouvoir d’achat élevé et du temps libre à dépenser. En effet, ces derniers sont absent de ce quartier, les plus de 65 ans représentent 1 %. La fin de l’année scolaire se traduit par un temps mort. Les étudiants rentrent dans leur ville d’origine, ce qui enlève une partie des 82% N.c., River Sheaf, Porter Mill 19 – Sylvester Wheel [en ligne] riversheaf.org URL: http://www.riversheaf.org/sheafrwp/?page_id=617 Consulté le 15 avril 2018 3
42
Fig. 15 : Offre de logement ĂŠtudiant en centre ville. Photographie personnel. 43
ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
d’étudiants qui habitent dans le quartier des industries culturelles (Fig. 16). Proposer à un autre type de population d’habiter dans cette partie du centreville permettrait de maintenir une activité tout au long de l’année. Pour proposer des logements en centre ville aux habitants des suburbs, il est nécessaire de trouver un moyen pour faire barrage à la gentrification. Les inondations représentent un levier qui fait baisser la valeur du foncier. Les sites liés aux risques pourraient devenir des terrains à investir et ainsi permettre de ralentir l’impact de l’aléa tout en proposant à une classe moyenne de vivre en centre ville et d’alimenter ce dernier. (Fig. 17) Notre projet à cet endroit a pour but de faire face à deux risques, celui de la studentification ainsi que celui de l’inondation. L’un nous servant a contrer l’autre.
90 80 70 60 50
45 à 64ans
0%
25 à 44ans
10
16 à 24ans
20
0 à 15ans
30
65ans et plus
40
Fig. 16 : Pourcentage des résidents du quartier des industries culturelles. Document personnel, Source Digimap. 44
UNIVERSITÉ
GARE
PLATEAU COMMERCIALE LIM ITE V RE NT
CE
INDUSTRIE CULTURELLE
ILL E SITE
SUBURB
Fig.17 : Bernard Works aux franges du centre-ville et des suburbs. Document personnel.
Fig. 18 : Une friche face au développement du centre-ville. Photographie personnel. 45
1
2
3
4
5
6
Fig. 19 : Photographies de site. Photographie personnel. 46
UN SITE FACE A LA MENACE
3
5
1 6 k
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4
2
Limite parcellaire Bernard Works Inondation forte Inondation moyenne Porter Brooks Fig. 20 : Un site face Ă la menace. Document personnel.
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ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
2.3 FAIRE BARRAGE AÉ LA GENTRIFICATION EN HABITANT L'INONDATION
Ce projet permet d’articuler le phénomène de gentrification et d’inondation. Dans le cadre du projet de protection contre les inondations, Sheffield met en place une politique visant à protéger ses habitants. Chaque nouvelle construction à proximité d’une rivière doit prendre en compte le phénomène d’inondation et intégrer un espace refuge. En parallèle, nous souhaitons augmenter les solidarités de voisinage, pour diminuer l’isolement induit par la crise. C’est pourquoi, ces espaces refuges deviennent des espaces communs utilisables toute l’année pour accueillir sa famille, faire une fête de voisinage ou encore créer une cuisine collective pouvant être à des entreprises. La résilience dans sa définition insiste sur la capacité de la société à rebondir en cas de catastrophe. « La résilience en cas d’inondation catastrophique demande aux populations de savoir réagir, même - voire surtout - en cas de défaut des pouvoirs publics. La stimulation de la résilience des populations s’appuie sur la confiance envers les pouvoirs publics (information et concertation), mais aussi sur la préparation des populations (auto-organisation). La résilience demande une confiance dans l’autonomie des groupes sociaux, c’est-à-dire des “communautés” dans le sens anglo-saxon du terme »4. La mise en place de ces espaces communs qui deviennent des espaces refuges en cas d’inondation, tend à développer une solidarité entre les habitants du quartier, de manière à les protéger et à les rendre acteurs de la résilience face aux inondations. (Fig. 21) En période de crue, l’espace commun reprend son statut d’espace refuge pour les habitants du quartier habitant au rez-de-chaussée.
Daluzeau Julie, Gralepois Mathilde et Oger Clément, « La résilience face à la normativité et la solidarité des territoires », EchoGéo [En ligne], 24 | 2013, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 24 avril 2018. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/13445 ; DOI : 10.4000/echogeo.13445 4
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FAIRE BARRAGE A LA GENTRIFICATION EN HABITANT L'INONDATION
Les inondations ...
Font baisser le prix du foncier dans les zones inondables
Une nouvelle loi va obliger les nouvelles constructions à avoir un refuge dans leurs programmes...
et ainsi subventionner les constructions dans les zones à risques
Les inondations entraînent de l’isolement...
le refuge devient un catalyseur de liens sociaux
Le refuge évolue alors en espace collectif renforçant les solidarités de voisinage Fig. 21 : Du refuge à catalyseur de solidarités de voisinages. Document personnel.
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ENTRE GENTRIFICATION ET NONDATION
Le programme qui prend place sur site est réversible, il suit un cycle entre usage quotidien et période d’inondation, à la manière de l’espace refuge (Fig. 22). Le sol sur lequel s’appuie l’architecture est un parc qui ralentit la crue tout en absorbant les eaux de ruissellement. Aux moments de l’aléa, l’espace public se transforme en jardin de pluie. Au rez-de-chaussée, on retrouve des activités commerciales en lien avec le projet « Outdoor City » tel qu’un local associatif, une location de kayak ou de vélo, et des activités qui s’adressent à la population majoritaire du centre-ville, les étudiants, par la mise en place d’un coworking. Le rez-de-chaussée devient un lieu de rencontre, entre les anciens habitants des suburbs et les étudiants, de la même façon que les rivières rencontrent la ville en période de crue. Ces lieux viennent alors s’activer et se désactiver à mesure de la progression de l’inondation. Deux programmes ne subissent aucun changement lors de l’inondation: le logement et l’énergie hydraulique. Les logements se trouvent au-dessus du niveau de crue maximal ce qui permet aux habitants de rester au sec. Sur la rivière, on trouve une promenade, se connectant au réseau le long du Porter et du Sheaf, qui abrite des turbines capables de transformer la force hydraulique en énergie. Cet élément de la programmation permet de redonner aux rivières leur ancien statut tout en permettant aux logements d’être en partie autonome. Ainsi, en plus d’avoir une valeur de foncier plutôt basse, la facture d’électricité s’adoucit grâce à la proximité des rivières.
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FAIRE BARRAGE A LA GENTRIFICATION EN HABITANT L'INONDATION
Détentes Promenades Activités Parcs Espaces collectifs Energies hydrauliques
Logements
Fonctionnement quotidien
CYCLE PROGRAMMATIQUE Période d’inondation
Logements
Energies hydrauliques Espaces refuges
Jardin de pluie Couloirs d’eaux
Inactif
Activités d’eaux
Fig. 22 : Une programmation cyclique et reversible en fonction de l’aléa. Document personnel.
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52
É habiter l'alea
3
HABITER l'alea
3.1 UN PAYSAGE DE SOL submersible
Ce projet veut relier la ville et la rivière en créant un « estran » où la ville et le Porter Brook se partagent l’espace (Fig. 23). Une micro-topographie permet de créer des jardins de pluie capables de retenir l’eau de crue et de protéger les habitations (Fig. 24). L’architecture s’implante en peigne, proposant des vues sur la rivière depuis la rue (Fig. 25). Une promenade, le long du Porter Brook, implante le projet dans le territoire de Sheffield et dans le réseau résilient face aux inondations (Fig. 26). Le nouveau quartier devient un moyen pour prévenir la progression des inondations (Fig. 27). L’inondation de 2007 a mis entre 4 et 5 heures pour atteindre son plus haut niveau. En partant de cet aléa, nous estimons, qu’en temps équivalent, le Porter brook atteindra son niveau maximum. Les bassins sont gradués tous les 50 cm ce qui permet d’anticiper la progression de l’aléa. Les habitants peuvent savoir le temps qu’il leur reste pour se mettre à l’abri. Les bassins d’orage ont une profondeur de 2 mètres, le Porter quant à lui peut déborder jusqu’à 1 mètre au-dessus du niveau du sol. La mise en place de ces bassins permet de réduire le niveau de crue en présumant que les prochaines crises ne soient pas plus intenses. Ces phénomènes ne peuvent être qu’estimés. Il existe une part d’incertitude quant à la fréquence et la violence de l’aléa. Nous insistons sur le fait que malgré la mise en place de ces stratégies de résilience, une part de risque plus élevée est à prendre en compte. Si l’aléa s’avère plus important que prévu, certaines habitations pourraient être submergées. C’est pourquoi, il est important de concevoir des édifices capables de supporter l’inondation.
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Fig. 23 : « L’estran » entre la ville et la rivière
Fig. 24 : Une micro-topographie
Fig.25 : Mise en place d’un paysage résilient
Fig. 26 : Connection au réseau et production hydroélectrique
Fig. 27 : Un paysage qui alerte et protége 55
HABITER l'alea
Chaque élément du projet joue un rôle dans la résilience et s’implante sur le site à sa manière. La totalité du sol devient ouvert au public, avec des espaces couverts et des activités qui animent le quartier. Il propose un lieu de détente au rythme de l’eau qui est, en temps normal, tourné vers les sheffielder et qui, en temps de crue, devient le territoire de l’eau. Associé à un lieu de promenade, le projet propose de découvrir sous un autre angle le patrimoine paysager de Sheffield. En s’appuyant sur l’envie de la ville de se tourner vers les activités de plein air, ce projet devient un point de départ, en centre-ville, pour les sheffielder et le tourisme. Les espaces communs sont à mi-chemin entre l’espace collectif et l’espace public, tantôt lieu des habitants, tantôt lieu d’accueil. Plus on se rapproche des édifices, plus l’espace public devient espace collectif jusqu’à arriver dans l’espace privé. Chaque élément joue sur sa réversibilité et s’amuse à détourner les contraintes liées à l’inondation. Les espaces s’activent et se désactivent en fonction du niveau de crue. Cette contrainte d’habiter en zone inondable vient dessiner les espaces à la manière de l’eau et positionne chaque élément de par sa capacité à laisser passer, se mettre en retrait ou absorber la crue. (Fig. 28)
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LOGEMENTS
ESPACES COLLECTIFS
ACTIVITÉS
DÉTENTE
PROMENADE
PARC
ENERGIE
LOGEMENTS
ESPACES REFUGES
COULOIRS DʼEAUX
INACTIF
ACTIVITÉS DʼEAU
JARDIN DE PLUIE
ENERGIE
Fig. 28 : Réversibilité programmatique en fonction de l’aléa. Document personnel. 57
HABITER l'alea
Ruissellement de surface
RALENTIR
RETENIR
PROTÉGER
ABSORBE
La micro-topographie s’appuie sur le principe de résilience. Chaque partie du paysage joue un rôle précis pour absorber l’aléa. Il se tourne vers les deux facteurs de l’inondation à Sheffield : les ruissellements de surface et la rivière qui déborde. Les premiers vont arriver du côté de la ville, et vont être ralentis puis retenus par des noues, les empêchant de rejoindre la rivière. L’eau qui n’aura pas été absorbée par le sol sera rejetée dans un temps différé dans les jardins de pluie.
58
R
ER
UN PAYSAGE DE SOL submersible
Niveau de crue maximal Niveau de crue moyen
REJETÉ DANS UN TEMPS DIFFÉRÉ RALENTIR
TRANSFORMER
LAISSER COULER
Eau de crue
Lorsque la rivière va commencer à gonfler et déborder de son lit mineur, l’eau va dans un premier temps être ralentie par un bassin d’orage. Ce premier palier, accueille des plantes d’eau et crée un premier paysage qui dialogue directement avec la rivière, absorbant la moindre perturbation. Dans un second temps, le palier va à la fois permettre une absorption de l’eau de crue tout en informant sur son niveau. Et enfin le dernier palier protège les édifices déjà présents sur site, par l’intermédiaire d’un jardin composé d’arbres demandant un grand apport en eau. En cas de crue maximale, la micro-topographie devient un bassin de rétention. (Fig. 29)
Fig. 29 : Temporalité paysagère. Élévation Ouest. Document personnel. 59
IC S PUBL ACCÈ RC PA
ÈRE
AG PAYS
G
COUR
NOUE
ET MENTS S LOGE ACCÈ CE REFUGE ESPA PORCHE
IN S PARK ACCÈ ATIF PRIV
7m
LOCAL TRANSFO
LOCAL OM 16m
LOCAL VELO
10m
38m
JARDIN COMMUN WC 4m
BUREAU 11m
ET ENTS GE
CUISINE 6m
GEM FU S LO ACCÈ PACE RE ES
LOCAL BRICOLAGE
PORCHE
ET MENTS S LOGE ACCÈ CE REFUGE ESPA
LOCAL ASSOCIATIF
SALLE POLYVALENTE 40m
6m
32m
LOCAL OM
70m
COURS ESPACE BRICOLAGE 30m
8m
LOCAL VÉLO 30m
LOCAL OM 8m
LOCAL VÉLO
WC 7m
30m
VESTIAIRE HOMME 16m
VESTIAIRE FEMME 16m
ENTREPÔT KAYAK
ESPACE COUVERT ABRITÉ
ESPACE COWORKING
8m
80m
CAFÉ ASSOCIATIF 80m
PELOUSE ENSOLEILLÉE
JARDIN PLUIE
PONTON CAFÉ
JARDIN HUMIDE
PELOUSE ENSOLEILLÉE
PO
RT
ER
BR
OO
K
60
OK
RO
RB
TE
OR
EP
ELL
ER
SS
PA
JARDIN PLUIE
T MEN S LOGE GE ACCÈ CE REFU PA ET ES
ING S PARK ACCÈ ATIF PRIV
LOCAL OM 7m
BANDE VÉGÉTAL
BASSIN PAYSAGER
PORCHE 10m
IC S PUBL ACCÈ RC PA
LOCAL TRANSFO
LOCAL OM
PLACETTE
10m
BANDE VÉGÉTAL
15m
TERRASSE CAFÉ
BUREAU 10m
ACCEUIL 6m
LOCAL VÉLO
ATELIER 20m
30m
LOCATION/VENTE VÉLO
PUB
110m
ESPACE MULTISPORT ABRITÉ
PELOUSE ENSOLEILLÉE BUREAU 10m
ACCEUIL
JARDIN HUMIDE
EÀ K
MIS ON AYA K
NT
PO
AU
L’E
Le plan de rez-de-chaussée montre que les effets de l’inondation ne peuvent être atténués en aménageant qu’un seul point. De ce fait, le projet déborde et intègre le parking positionné à côté de Bernard Works. Il met en scène des paliers qui, de la même manière que le paysage créé, préviennent et protègent de la crue et ralentissent l’eau de ruissellement. Cette zone de stationnement montre une manière de travailler la profondeur des tissus et plus précisément les parkings sauvage. Les entrées de nos bâtiments sont orientées vers la rue, ils sont les derniers espaces à être touchés par l’inondation et permettent d’accéder aux espaces refuges. Les rez-de-chaussée sont conçu comme des couloirs d’eau pour laisser passer l’inondation. Les espaces couverts extérieurs sont des aires de jeux ou de sports et permettent d’être à l’extérieur tout en étant abrité. Devant l’ancien atelier de broyage, se trouve une place qui est un seuil entre la ville et le Porter Brook. Cette place vient s’animer par des jeux d’eaux qui mettent en scène l’élément qui à la fois relie et sépare. Une promenade prend la forme d’une passerelle qui se développe le long de la rivière tout en se connectant aux grands territoires. Fig. 30 : Plan de RDC, un rapport particulier à l’inondation. Document personnel. 61
HABITER l'alea
Cette passerelle n’est pas uniquement paysagère, elle est aussi génératrice d’énergie. (Fig. 31) Elle vient à certains endroits déborder sur la rivière pour abriter les turbines et pour créer un autre rapport à l’eau. Elle est le support d’énergie et d’activités. Sa caractéristique varie en fonction de l’activité qui se déroule dans les bâtiments. Au niveau de la location de kayak, la passerelle devient un lieu de mise à l’eau. En face du micro-terrain de sport, la passerelle devient un lieu de pêche avec une relation privilégiée à la rivière. Les rambardes peuvent servire d’assises et le niveau bas de la passerelle arrive à fleur d’eau. Elle devient le témoin de la moindre évolution du niveau du Porter. (Fig. 32) Les turbines, que la passerelle abrite, font partie des moyens qui permettent aux sheffielders de vivre en centre-ville. Utiliser la force hydraulique permet d’avoir des bâtiments autonomes en énergies, et ainsi de réaliser des économies.
ONDULEUR
REDRESSEUR
COMPTEUR INTELLIGENT
RESEAU ELECTRIQUE
PANNEAU ELECTRIQUE
TURBINE
LOGEMENTS
ECONOMIE
Fig. 31 : Schéma de fonctionnement de la turbine. Document personnel.
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INTRODUCTION
Fig.32 : Une passerelle active, support d’activités. Document personnel. 63
HABITER l'alea
É 3.2 Habiter une architecture resiliente
L’architecture qui prend place dans ce paysage résilient a été sculptée par l’eau. C’est une architecture toit, permettant à l’eau de ruisseler le long des parois. Les pignons sont en retrait de la toiture pour à la fois les protéger et offrir un espace extérieur abrité. L’eau de pluie est guidé par la forme de cette toiture vers des volumes supplémentaires qui relâcheront cette eau dans un temps différé. De plus, ces volumes surajoutés à la toiture prennent la forme de bow window et permettent aux habitants de s’extraire de leur logement. Au sol, le bâtiment vient se décoller pour laisser passer l’eau par un système de pilotis. Chaque élément est pensé en fonction l’eau et donne un caractère spécifique à la manière d’habiter cette architecture. L’intérieur et l’extérieur se répondent, proposant des avantages aux habitants, de par la contrainte de ralentir l’eau de pluie tout en laissant passer l’eau de crue. L’architecture participe à la mitigation du risque.
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Habiter une architecture resiliente
ÉCOULER
PROTÉGER
ABSORBER
TEMPORISER
HABITER LE TOIT
SʼEXTRAIRE DE SON LOGEMENT
CADRER LE PAYSAGE
METTRE EN SCÈNE LʼEAU
LAISSER TRAVERSER
CRÉATION DʼESPACES PUBLICS ABRITÉ ET DʼESPACES DʼACTIVITÉS
Fig. 33 : Entre mitigation et résilience, une architecture pensée par l’eau. Document personnel.
65
HABITER l'alea
Fig.34 : Mise en scène du cheminement de l’eau. Document personnel.
La toiture végétalisée, en partie, stocke l’eau qui vient du ciel. La végétation présente va absorber une partie et libérera le reste dans un temps différé. De la même manière, les bow-windows, qui permettent d’ajouter de la surface supplémentaire tant pour ralentir l’eau de pluie que pour offrir de l’espace aux habitants, absorbent l’eau dirigée par la toiture en zinc grâce à des végétaux. L’eau en surplus reprendra son chemin par des gouttières qui augmentent la distance de parcours, l’eau met ainsi plus de temps avant d’arriver au sol. Le bâtiment fait sa part et retient dans un temps donné une partie de l’eau qui fait gonfler les rivières. (Fig. 34) Le bâtiment est divisé en deux parties qui montre le rapport de l’architecture avec l’eau. La première se trouve au niveau du sol et laisse passer l’inondation, que les espaces soient fermés ou non. C’est pourquoi, nous avons choisi de la réaliser en béton poli pour que les murs soient étanches, alors que le bâtiment est perméable. La seconde partie est composé de portique en béton protégé par une enveloppe de zinc, abritant les logements. (Fig. 35)
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Habiter une architecture resiliente
TOITURE VÉGÉTALISÉE
ENVELOPPE EN ZINC
GOUTTIÈRE
BOW WINDOW
PORTIQUE EN BÉTON
LOGEMENTS
PIGNON REMPLISSAGE EN BRIQUE
ESPACE COLLECTIF ou ESPACE REFUGE
BÉTON POLIE ESPACE D’ACTIVITÉ ou ESPACE PUBLIC Fig. 35 : Mitiger le risque, entre ciel, terre et eau. Document personnel. 67
HABITER l'alea
La toiture en zinc enveloppe les logements et les protège. Les bowwindows et fenêtres occupent l’espace laissé par l’inclinaison du toit. Les pignons sont marqués par la brique, matériaux chaleureux et respirants, ils se fondent dans les bâtiments témoins du passé industriel de Sheffield. Ce changement de matériaux marque l’usage domestique abrité de la pluie. Les pignons permettent de lire les portiques en béton qui disparaissent, par la suite, sous l’enveloppe de zinc. Ils sont un point de vue, privilégié des habitants, sur le Porter Brook. En dessous des logements, le béton reprend sa place et marque le lieu de l’inondation. Le béton poli n’est pas endommagé par l’eau qui monte, son effet brillant le distingue de la structure. C’est à cet endroit, au rez-dechaussée, que l’architecture se met à jouer avec ce sol submersible.
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Habiter une architecture resiliente
Le niveau de la rue se prolonge sous les édifices tout en laissant passer l’eau au travers des pilotis. Tandis que le sol descend, l’architecture semble se soulever. Les bâtiments viennent plus ou moins se décoller. Des espaces extérieurs couverts se développent entre les pilotis. Un micro-terrain multisports propose des activités physiques tout en étant abrité. La mise en place de poutres avec rehausse permet de libérer l’espace central du terrain de sport. La faible occupation du sol laisse une surface utile aux usagers tout en laissant l’eau passé. Sous un autre bâtiment, la sous-face permet de suspendre des balançoires, d’abriter des tables de ping-pong, elle abrite des activités plus calmes, et toujours en extérieur.
Fig. 36: Une architecture qui joue avec son sol. Document personnel. Élévation Sud.
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HABITER l'alea
3.3 tRAVERSER L'INONDATION
Les sous-faces ne sont pas toujours des espaces à l’air libre, elles sont parfois fermées, permettant d’accueillir des activités commerciales, en l’occurrence : un coworking, un café, un pub, une location de kayak et de vélo. En cas d’inondation moyenne, les locaux ne sont pas impactés et restent accessibles grâce à des passerelles. Lorsque l’inondation est supérieure à 1 m, ces espaces deviennent des couloirs d’eau. L’eau rentre dans le bâtiment par les fenêtres possédant une allège de 1 m, puis est dirigée vers les portes par un faible dénivelé. L’eau peut alors s’évacuer et continuer sa route dans la microtopographie entre les pilotis. Les espaces sont composés de matériaux bruts et ne sont pas isolés, les murs en béton poli sont étanches, mais le bâtiment devient perméable. Le mobilier présent dans ces espaces est relié à un système de poulies qui, à la manière des décors de théâtre, montent et descendent en fonction du niveau de crue ce qui permet d’avoir le moins de dégât possible. Les éléments techniques, tels que les sanitaires ou les cuisines, sont regroupés aux extrémités des bâtiments. Ils forment des blocs qui orientent l’eau. Le système électrique est positionné au plafond dans un bloc technique qui accueille aussi le système de traction du mobilier. Au niveau supérieur, une coursive mène de la rue jusqu’aux espaces refuges. À chaque niveau, les ouvertures permettent de s’extraire de son logement et c’est cette extraction, tant physique que mentale, qui fait sa part dans l’absorption.
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TRAVERSER L'INONDATION
DUPLEX
DUPLEX
APPARTEMENTS
APPARTEMENTS
SIMPLEX APPARTEMENTS COURSI V E ESPACE COMMUN ACTIVITÉS
SIMPLEX APPARTEMENTS COURSI V E ESPACE REFUGE COULOIRS
COMMERCIALES
DʼEAU
Fig.37 : Empilement programmatique et réversibilité d’usage. Document personnel.
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72
Niveau de crue maximal Niveau de crue moyen
Fig. 38: Absorption et perméabilité. Document personnel. 73
HABITER l'alea
Fig. 39: Module déployable de l’espace refuge. Document personnel.
Les espaces refuges sont réversibles, ils ont une capacité d’accueil de 12 personnes, et peuvent aussi offrir un espace à usage collectif comprenant : une cuisine, une buanderie, chambre d’appoint... Les points d’eau sont fixes, seul leur accès est modulable. Ses usages s’activent et se désactivent en bougeant des blocs intégrant des lits pliables. Ces modules, en OSB, positionnés sur roulette, coulissent le long de rail afin de délimiter 6 espaces pouvant être transformés en chambre si le lit est déplié ou en alcôve à s’approprier. Les placards, qui les composent, peuvent être utilisés pour déposer les affaires des invités, des sinistrés, ou pour ranger les jouets des enfants, les ustensiles pour la cuisine collective ou encore les tables pour manger ensemble... Cet espace s’adapte donc aux besoins des usagers, tantôt un espace commun, tantôt une alcôve, tantôt une chambre de passage. Cet espace donne sur une terrasse couverte qui profite d’une relation privilégiée avec le Porter Brook. Chaque habitant est obligé de passer devant ce lieu et donc de croiser ses voisins. En plus d’être un espace refuge, ce lieu intensifie les solidarités de voisinage.
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ESPACE REFUGE DEPLOYÉ
ESPACE COLLECTIF PLIÉ
Fig.40 : Modularité et adaptabilité. Document personnel. 75
HABITER l'alea
ACCÈS ESPACE COLLECTIF/REFUGE COURSIVE
ACCÈS LOGEMENTS
ACCÈS ESPACE COLLECTIF/REFUGE
TERRASSE COLLECTIVE
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TRAVERSER L'INONDATION
ACCÈS ESPACE COLLECTIF/REFUGE COURSIVE
ACCÈS LOGEMENTS
ACCÈS ESPACE COLLECTIF/REFUGE
TERRASSE COLLECTIVE
Fig.41 : De l’espace collectif à l’espace refuge. Plan espace commun, R+1. 77
HABITER l'alea
L’espace commun/refuge fait partie des seuils avant de rentrer chez soi. La circulation verticale, légèrement désaxée de par l’inclinaison des portiques, prend place dans un noyau en béton situé au cœur du bâtiment. Les étages courants sont composés de 3 appartements : un T2, un T3 et un T4. L’entrée des logements donne sur une double orientation de manière à se projeter instantanément dans le paysage après être sorti du cœur en béton aveugle. Chaque appartement suit une division jour/nuit. Les chambres sont principalement orientées au nord tandis que le salon-cuisine s’organise en L et possède une double orientation. Les pignons décollés de la structure créent un espace extérieur abrité à investir. C’est la partie de l’appartement qui est en dialogue direct avec le paysage. Les logements sont tournés vers l’extérieur pour s’extraire de chez soi, mais aussi pour alerter si la rivière commence à s’agiter. Les habitants de ce quartier sont protégés et peuvent devenir les surveillants de la crue. L’inclinaison de la toiture, liée à l’évacuation des eaux pluviales, donne la possibilité de créer deux duplex par bâtiment. Ces appartements occupent la toiture et proposent une autre forme d’habiter. Le premier niveau est à l’image des simplex à l’exception du salon qui se déploie sur une double hauteur. Cela donne un apport en lumière plus important. Ce même niveau accueille également la chambre parentale et la cuisine. À l’étage supérieur, on trouve un espace pouvant être dédié aux enfants. Le couloir qui distribue les deux chambres longe la double hauteur du salon et se termine sur un bowwindow qui peut devenir un lieu où les enfants partagent, jouent et lisent des histoires.
78
TRAVERSER L'INONDATION
TERRASSE PRIVATIVE
TERRASSE PRIVATIVE
TERRASSE PRIVATIVE
Fig.42 : Relation privilégiée au paysage. Plan R+1 79
HABITER l'alea
TERRASSE PRIVATIVE
TERRASSE PRIVATIVE
Fig.43: Duplex habiter la toiture, Plan R+3 80
TRAVERSER L'INONDATION
Fig.44 : Duplex habiter la toiture, Plan R+4 81
HABITER l'alea
Le bow-window, ouverture typiquement anglaise en décroché sur la façade et possédant plusieurs orientations, a un autre niveau de dialogue avec le paysage. Cet espace n’est pas isolé, il peut se fermer par le biais d’une cloison coulissante offrant un confort thermique. Entre intérieur et extérieur, le bow-window crée un entre-deux à investir où l’on peut se mettre à l’écart. Ces ouvertures sont orientées sur le paysage et évitent les vis-à-vis. Ils sont à la fois des lieux de partage ou de mise en retrait. Dans le salon, cet espace va permettre de se mettre à l’écart tandis que dans une chambre d’enfant, le bow-window peut se transformer en salle de jeu, un endroit où les parents viennent lire une histoire... Ce lieu est un espace à part entière, marqué par un seuil et qui possède son propre climat. Il y fait plus chaud que dehors, mais plus frais que dans les autres pièces. Une retombé de poutre et la trace du rail marque cet espace en décroché sur la façade. Les habitants peuvent se l’approprier et le transformer en jardin d’hiver, en espace de lecture avec des rangements sur lesquels on vient s’assoir, en bureaux où l’on travaille face au paysage... Ce petit espace propose un grand nombre de possibilités, tout en s’ouvrant sur le paysage qui protège les habitants de l’inondation et permettant à une classe moyenne d’habiter en centre-ville.
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TRAVERSER L'INONDATION
Fig. 45: Libre appropriation des Bow-Windows. Document personnel. 83
INTRODUCTION
84
INTRODUCTION
Fig.46 : Plan masse, La reconquĂŞte des berges, un projet qui prend en compte son contexte. 85
CONCLUSION
CONCLUSION
Avec la désindustrialisation, Sheffield a dû se réinventer. Après avoir testé plusieurs voies, elle a choisi de le faire autour des universités. Cette politique a contribué à vider le centre-ville de ses habitants initiaux au profit d’une population étudiante. Le territoire s’est alors divisé entre le centre-ville et les suburbs. Les berges sont devenues le seul lien entre ces deux entités et donc un lieu de cohabitation. À mesure que la ville se transforme, les anciens habitants sont éloignés de la vie dans le centre. À l’image de la rénovation de Park Hill, la studentification du coeur de ville a eu comme conséquence sa gentrification. Ce projet a pour but de proposer un nouveau mode d’habiter au cœur de ce phénomène. Pour cela, il nous fallait un levier économique, l’abaissement du coût du foncier induit par le risque de crue. Les inondations nous ont permis de penser ce projet d’architecture de façon à faire barrage à la gentrification. C’est pourquoi, il prend place en frange du centre-ville, à proximité de la rivière Porter Brook, là où le foncier est moins cher, car localiser dans une zone à risque. Les inondations nécessitent la mise en place d’aménagements qui doivent prendre place dans un nouveau réseau de gestion du risque hydrologique. Ces aménagements s’appuient sur les friches des usines qui utilisaient autrefois la force hydraulique de la rivière. En multipliant les points d’interventions, le long du Porter Brook et du Sheaf, nous réduisons et
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CONCLUSION
ralentissons l’impact des potentielles inondations. Ce projet est à la fois architectural, paysagé et infrastructurel. Chaque élément joue sur une réversibilité et s’amuse à détourner les contraintes liées à l’inondation. Les aménagements dus aux stratégies de résilience créent des caractéristiques propres à l’habitation de ce nouveau quartier. Laisser passer l’eau de crue met à disposition des habitants des espaces publics couverts. Ralentir l’écoulement des eaux permet de s’extraire de son logement par les bow-windows. La mise en place d’espace refuge ajoute une pièce en plus aux habitants. À chaque échelle, notre volonté était de transformer les contraintes en atout en répondant à un confort de vie et à l’aléa inondation. Ce projet interroge les solidarités de voisinage pour traverser les moments de crise. L’espace public, qui ralentit l’inondation et protège les habitants de la ville, est aussi un espace de partage entre les étudiants et les résidents. Les activités permettent de dynamiser cet espace qui se connecte au grand territoire en intégrant une production d’énergie pour les logements. La rivière et les risques qu’elle comporte sont un levier pour habiter en centre-ville à bas coût. Les logements sont tournés vers l’extérieur et proposent des vues pour habiter le paysage. La contrainte de l’écoulement des eaux pluviales crée une forme de logement spécifique. La réversibilité est le cœur de ce projet qui, à sa manière, propose une vision de l’aléa comme une ressource plus tôt que comme un risque. Ce projet de reconquête des berges de Sheffield met en avant un mode d’habiter au rythme de l’eau.
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GLOSSAIRE
GLOSSAIRE
ALÉA NATUREL : Événement ayant pour origine un phénomène naturel, en opposition à un événement qui fait suite à une action humaine. Un aléa ne devient un risque qu’en présence d’enjeux humains, économiques et environnementaux. BASSIN D’ORAGE : Bassin de rétention pour les excédents d’eau dus aux orages. BASSIN DE RÉTENTION OU DE RETENUE : Bassin de stockage provisoire des eaux de ruissellement et/ou permettant de stopper la propagation d’une pollution accidentelle. Dans un réseau d’assainissement, bassin à ciel ouvert ou réservoir enterré dans lesquels sont provisoirement stockées les eaux excédentaires que le réseau n’est pas capable d’évacuer. CRUE : Élévation du niveau d’un cours d’eau, résultant de la fonte des neiges ou des glaces ou de pluies abondantes. INONDATION : Débordement d’eau qui submerge les terrains environnants. Elle peut-être bénéfique, quand elle est lente : apport de limons fertilisants. Elle peut-être désastreuse quand elle est violente : ravine le sol et dépôt de matériaux grossiers et stériles. Si l’inondation concerne des zones habitées, il se transforme rapidement en risque et entraîne des conséquences plus ou moins graves sur les populations, leurs biens et l’environnement. MITIGATION : La mitigation est spécifique à la prévention de risques majeurs naturels. C’est l’action qui conduit à réduire l’intensité de certains aléas (inondations, coulées de boue, avalanches…) et la vulnérabilité des enjeux pour faire en sorte que le coût des dommages liés à la survenue de phénomènes climatologiques ou géologiques soit supportable par notre société. Ceci amène l’État et les collectivités locales à engager des actions qui vont y contribuer et à impliquer le particulier qui doit agir sur ses biens propres afin d’en réduire leur vulnérabilité. RÉSILIENCE : Capacité à absorber une perturbation, à se réorganiser, et à continuer de fonctionner de la même manière qu’avant.
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GLOSSAIRE
RISQUE NATUREL : Tout risque lié aux phénomènes naturels tels que les avalanches, feux de forêt, inondations, mouvements de terrain, cyclones, tempêtes, séismes, éruptions volcaniques… Risque = ALEA x VULNÉRABILITÉS RIVIÈRES : Cours d’eau de faible ou moyenne importance qui se jette dans un autre cours d’eau. VULNÉRABILITÉ : Désigne l’aptitude d’un milieu, d’un bien, d’une personne à subir un dommage à la suite d’un événement, naturel ou anthropique.
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iconographie-BIBLIOGRAPHIE-PHOTOGRAPHIE
ICONOGRAPHIE
Fig 01 - Illustration montrant la chronologie des inondations à Sheffield, les investissements
dans la protection contre les inondations ainsi que les dégâts que causerait une prochaine inondation. Document personnel. Fig 02 - Topographie et risque naturel. Document issue du logiciel Qgis. Fig 03 - Entretien des rivières, utilisation de la force hydraulique et faible urbanisation. Document personnel. Fig 04 - Désindustrialisation et augmentation de l’imperméabilisation des sols. Document personnel. Fig 05 - Disparitions de la majorité des usines, apparition du tout-voiture et sol imperméable. Document personnel. Fig 06 - Des aménagements à risque aux fortes conséquence. Document personnel, issue de floodprotectionsheffield. Fig 07 - Des turbines positionnées dans le lit mineur des rivières pourrait utiliser l’énergie cinétique de l’eau pour la transformer en énergie électrique. Document personnel. Fig 08 - Les rivières diminuent l’effet d’îlot de chaleur. Document personnel Fig 09 - Des réservoirs d’eau ou citernes récupèrent l’eau de pluie et de crue ce qui contient une partie du surplus d’eau et devient une ressource en eau. Document personnel. Fig 10 - Des espaces recréent un lien entre les habitants et les rivières tout en se transformant lors de crue. Ils absorbent une partie de la perturbation. Document personnel. Fig 11 - Les zones à risque représentent des opportunités foncières comparé aux zones protégé des inondations. Document personnel. Fig 12 - Stratégies architecturales et paysagères face à l’innondation. Document personnel. Fig 13 - Schéma des stratégies retenuent. Document personnel. Fig 14 - Mise en place d’un réseau et d’une programmation sur les anciennes friches industrielles le long du Porter Brook et du Sheaf. Document personnel. Fig 15 - Offre de logement étudiant en centre ville. Photographie personnel. Fig 16 - Pourcentage des résidents du quartier des industries culturelles. Document personnel, Source Digimap. Fig 17 - Bernard Works aux franges du centre-ville et des suburbs. Document personnel. Fig 18 - Une friche face au développement du centre-ville. Photographie personnel. Fig 19 - Photographies de site. Photographie personnel. Fig 20 - Un site face à la menace.Document personnel. Fig 21 - Du refuge à catalyseur de solidarités de voisinages. Document personnel. Fig 22 - Une programmation cyclique et réversible en fonction de l’aléa. Document personnel.
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Fig 23 - «L’estran» entre la ville et la rivière. Document personnel. Fig 24 - Une micro-topographie. Document personnel. Fig 25 - Mise en place d’un paysage résilient. Document personnel. Fig 26 - Connection au réseau et production hydro-éléctrique. Document personnel. Fig 27 - Un paysage qui alerte et protège. Document personnel. Fig 28 - Réversibilité pogrammatique. Document personnel. Fig 29 - Temporalité paysagère. Document personnel. Fig 30 - Plan de rez-de-chausée, rapport particulier à l’inondation. Document personnel. Fig 31 - Schéma de fonctionnement de la turbine. Document personnel. Fig 32 - Une passerelle active, support d’activités. Document personnel. Fig 33 - Entre mitigation et résilience, une architecture penser par l’eau. Document personnel. Fig 34 - Mise en scène du cheminement de l’eau. Document personnel. Fig 35 - Mitiger le risque, entre ciel, terre et eau. Document personnel. Fig 36 - Une architecture qui joue avec son sol Document personnel. Fig 37 - Empilement programmatique et réversibilté d’usage. Document personnel. Fig 38 - Absorption et perméabilité. Document personnel. Fig 39 - Module déployable de l’espace refuge. Document personnel. Fig 40 - Modularité et adaptabilité. Document personnel. Fig 41 - De l’espace collectif à l’espace refuge. Document personnel. Fig 42 - Relation privilégiée au paysage. Document personnel. Fig 43 - Duplex habiter la toiture, R+3. Document personnel. Fig 44 - Duplex habiter la toiture, Plan R+4. Document personnel. Fig 45 - Libre appropriation des bow-window. Document personnel. Fig 46 - Plan masse, la reconquête des berges, qui prend en compte son contexte. Document
personnel.
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iconographie-BIBLIOGRAPHIE-PHOTOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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iconographie-BIBLIOGRAPHIE-PHOTOGRAPHIE
PHOTOGRAPHIE
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REMERCIEMENT
REMERCIEMENT
Nous tenons à remercier toute l’équipe pédagogique du master « Architecture, Villes, Ressources » pour leur accompagnement tout au long de cette dernière année d’étude. Et plus particulièrement, Stéphanie David et Fred Guillaud pour nous avoir suivi dans l’avancement de ce projet. Nous remercions Étienne Léna pour ses précieux conseils qui nous ont permis de mener à bien cette réflexion et Cécile Léonardi pour son investissement. Merci à nos familles pour nous avoir soutenus durant ces cinq années d’étude et particulièrement dans cette dernière. À nos amis et camarades d’aventure qui ont été là à chaque étape de cette année et surtout dans la dernière ligne droite. Merci à Andréa Goudal, Mathilde Hirlemann Victor Lagoa, Jeanne Thoviste et Baptiste Nevoret. Et enfin, merci à la grande famille de l’ENSAG qui aura marqué ces cinq dernières années.
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La gentrification du centre-ville de Sheffield pose de nombreuses questions quant à la pérennité de son attractivité. Ce phénomène a tendance à vider les villes de par des loyers trop élevés et par la faible occupation des logements. Dans le cas de Sheffield, les étudiants représentent la cible privilégiée des offres locatives. Ces derniers quittent la ville à chaque vacance scolaire ce qui vide le centre. Ajouté à ce phénomène, Sheffield est en proie aux inondations. Nous voyons dans cet aléa un levier économique capable de préserver quelques zones du centre-ville de la gentrification, à proximité des rivières. Permettre à une nouvelle population d’habiter le long des cours d’eau pour retrouver un équilibre et une union entre les deux entités qui compose Sheffield. La reconquête des berges propose un nouveau regard sur l’aléa comme levier de projet, et une autre forme d’habiter.
PROJET DE FIN D’ÉTUDES JUIN 2018 DIRECTEUR D’ÉTUDE ÉTIENNE LENA ET RESPONSABLE DU MASTER STÉPHANIE DAVID