PANHARD&CITROËN un mariage de raison ?
Yann Le Lay - Bernard Vermeylen
Données CIP Le Lay, Yann Vermeylen, Bernard Panhard et Citroën, un mariage de raison ? Bemmel (NL), 2022 276 pg, 22 × 24 cm ISBN 978-90-831417-8-7 NUR 462 Mots-clés Panhard (automobiles), Citroën (automobiles), histoire Mise en page Thijs van der Zanden www.citrovisie.nl info@citrovisie.nl
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Sommaire Sommaire
3
Introduction
4
1
Panhard & Levassor, une entreprise structurellement fragile
6
2
Les accords Panhard - Citroën : une question de survie
22 38
3
La Dyna Z sous l’ère Citroën... et les 2 CV de chez Panhard
4
La PL 17 : relance à moindre frais
58
5
Le pari de Charles Deutsch
84
6
Ultime lifting pour la Dyna
102 122
7
Survivre sans gêner : la Panhard 24, ou l’art des ruptures
8
Née parmi les roses
142
9
Quatre ans de carrière: l’évolution continue de la Panhard 24
156
10
Commercialisation : un créneau étroit pour la 24
174 186
11
Championne de rallye, championne d’économie
12
Le tourisme en Panhard, c’est fini
202
13
Les Panhard dans le monde
220
14
Une naissance illégitime avenue d’Ivry : la Dyane
250
A
Production detailée par année
264
B
Production detaillée par type
265
C
Identification par type
269
D
Caractéristiques techniques de tous les modèles
272
E
Remerciements et sources
275
Sommaire 3
1
Panhard & Levassor, une entreprise structurellement fragile Le document date de 1911, mais symbolise parfaitement les activités initiales de la société créée par Jean-Louis Périn en 1845, et qui constituent la préhistoire de la marque Panhard & Levassor. Le département des machines à bois reste d’ailleurs actif au sein de la société jusqu’en 1953, année où il est cédé à un autre groupe industriel.
Des origines très anciennes Il faut remonter à 1845 pour trouver trace de la société aux origines de la marque Panhard & Levassor, quand deux menuisiers, Périn et Pauwels, s’associent pour fabriquer des machines à travailler le bois dans un atelier du Faubourg Saint-Antoine à Paris. En 1867, Jean-Louis Périn se retrouve seul, et s’associe alors avec le jeune René Panhard. Lequel recrute à son tour un ancien camarade de Centrale, Émile Levassor. C’est lui surtout qui va ouvrir de nouvelles perspectives à la société. Installée depuis 1873 à la route d’Ivry* dans le 13e arrondissement de Paris, la société se lance dans la fabrication sous licence de moteurs à gaz allemands Otto & Langen. Levassor se lie alors d’amitié avec Gottlieb Daimler, qui travaille sur la conception d’un moteur à pétrole, breveté dès 1885. Périn disparu, en 1886, la nouvelle société « Panhard & Levassor » voit son capital partagé entre René Panhard et Émile Levassor. Ce dernier s’est laissé convaincre d’adopter le moteur Daimler et d’en développer des applications pratiques : moteurs fixes, bateau, tramway et… automobile.
Pionniers de l’industrie automobile Une rencontre fondatrice a lieu en novembre 1888 : en présence d’Émile Levassor, Gottlieb Daimler rend visite à Armand Peugeot. Il est convenu que Peugeot achètera des moteurs Daimler fabriqués chez Panhard & Levassor. Trois mois plus tard, Daimler termine la mise au point d’un nouveau moteur, un bicylindre en V de 565 cm³, dont le rapport poids/puissance est nettement meilleur. Émile Levassor décide d’étudier une voiture dotée de ce moteur, dont les premiers essais débutent à la fin de l’été 1890. Un deuxième prototype, terminé 6 Panhard & Levassor, une entreprise structurellement fragile
De 1876 à 1895, la société fabrique des moteurs à gaz, d’abord sous licence Otto & Langen (1876-1883), puis d’autres origines (Friederich, Ravel, Benz et même Panhard & Levassor), de 1888 à 1895. Ce document montre la couverture du tarif édité en 1892.
* Rebaptisée un peu plus tard « avenue d’Ivry ».
Équipée du moteur Phénix, type M2E, cette voiture de livraison sortie en avril 1896 est le toute premier utilitaire fabriqué par la marque, et véritablement l’ancêtre de tous les véhicules utilitaires.
La voiture à moteur n° 102, mise en service en septembre 1892, est identique aux premières voitures « de série » de la marque animées par le bicylindre licence Daimler, sorties un an plus tôt. Propriété d’Hippolyte Panhard, elle se rend célèbre en ralliant Marseille depuis Paris, entre le 27 mars et le 1er avril 1893. Elle est aujourd’hui pensionnaire du Musée de l’Automobile de Mulhouse. Cet omnibus à moteur type M4F, un gros quatre cylindres de 3.296 cm³, est en balade à Biarritz en 1899. Sur les voitures dotées d’une carrosserie de ce type, le moteur est placé sous le siège du conducteur.
au début de l’été 1891, est utilisé pour un périple qui mène en deux jours Émile Levassor de Paris à Étretat. Cet exploit conforte Levassor dans l’idée d’entamer la fabrication d’une série de trente voitures à moteur avant, une disposition inédite, et qui fera école. Cinq voitures sont vendues entre le 30 octobre et fin décembre 1891. De son côté, Peugeot commercialise presque en même temps ses premières voitures équipées du moteur Daimler fabriqué chez Panhard & Levassor. L’aventure automobile est lancée ! Les voitures, qui font l’objet de perfectionnements incessants, commencent à être exportées à partir de 1893. Mais Émile Levassor a compris que pour asseoir durablement la supériorité du moteur à pétrole Daimler, il faut marquer les esprits. L’organisation des premières courses automobiles lui en fournit l’occasion, et sa victoire en juin 1895, lors de la course Paris-Bordeaux-Paris, a un grand retentissement. Elle montre aussi la supériorité du nouveau moteur Phénix, doté d’un carburateur révolutionnaire qui autorise une marche bien plus régulière. Infatigable, Levassor travaille sans relâche pour tout améliorer, en continuant aussi à participer aux courses automobiles. Hélas, l’impensable se produit le 14 avril 1897 avec son décès brutal. Panhard & Levassor, une entreprise structurellement fragile 7
« Je suis la Dyna 58 » Fidèle à ses habitudes, Panhard apporte quelques améliorations à la Dyna dans le courant du millésime 1957, mais le changement le plus important intervient au mois de mai, avec la restructuration de la gamme. En modèle d’accès, on trouve toujours la Luxe type Z11 (inchangée) ; en revanche, la Luxe Spécial type Z12 disparaît et cède la place à deux versions : une « Grand Luxe » à l’équipement un peu simplifié, et la « Grand Standing » qui se présente comme une Luxe Spécial dotée de quelques équipements supplémentaires. La Dyna 1958 est commercialisée dès le 22 juillet 1957 et à cette occasion, les berlines Z12 et le cabriolet Z15 bénéficient d’une innovation importante : le moteur dit « Aérodyne » se caractérise par sa nouvelle turbine de refroidissement à double effet, en fait un ventilateur à
Les modifications du millésime 1958 font leur apparition sur la Dyna dès le 22 juillet 1957. On voit ici la nouvelle berline « Grand Luxe ». Le 1er mai 1957, la gamme des berlines Dyna est remaniée. La Luxe continue sa carrière inchangée, mais la Luxe Spécial est remplacée à la fois par une « Grand Luxe » (dont la finition est intermédiaire entre la Luxe et l’ancienne Luxe Spécial), et une « Grand Standing » proche de cette dernière, mais dotée de sabots d’ailes et de joncs polis garnissant la sellerie. La Grand Standing est la seule à conserver le phare antibrouillard central.
48 La Dyna Z sous l’ère Citroën… et les 2 CV de chez Panhard
Le tableau de bord de la berline Grand Standing 1958. Outre la sellerie bicolore, on remarque entre autres les poches de portières, les bandes chromées sur la planche de bord et le macaron de volant à motif, réservé aux finitions les mieux dotées.
Les pages intérieures du catalogue édité pour le Salon 1957 comportent cet éclaté qui met en avant 12 points forts de la Dyna et notamment le nouveau moteur aérodyne. Le dessin d’Alexis Kow, selon une pratique récurrente, allonge visuellement la voiture.
Depuis le mois d’octobre 1957, les Dyna Grand Standing peuvent être livrées avec une peinture extérieure bicolore, la seconde teinte étant appliquée sur une large bande couvrant les flancs et sur toute la partie supérieure de la caisse. En manque de place, Panhard n’hésite pas à garer des voitures neuves dans les environs immédiats de l’usine. Depuis le mois de décembre 1956, la gamme des camions Panhard s’est enrichie du modèle IE70 motorisé par le Diesel 4HL de 110 CV et doté d’une cabine d’origine Citroën. Avec 87 exemplaires produits jusqu’en janvier 1961, on ne peut pas dire que cet utilitaire ait remporté un grand succès. En 1957, la production de véhicules utilitaires lourds a fortement chuté chez Panhard, mais, en collaboration avec les Ateliers Legeu à Meaux (ALM), la marque s’est notamment spécialisée dans les véhicules à quatre roues motrices utilisés entre autres par les sociétés pratiquant la recherche pétrolière. Ces véhicules sont photographiés au forage de Tineldjame au Sahara.
aubes qui dirige un courant d’air pulsé vers les cylindres, et un carénage en aluminium poli. Ce dispositif qui optimise le refroidissement du moteur a aussi un effet très bénéfique sur le bruit, désormais très atténué, et améliore de plus le système de chauffage-dégivrage. A l’intérieur, la sellerie en matériau synthétique lavable (une sorte de vinyle rebaptisé « Dynil ») remplace l’ancien simili et prend l’appellation, dans la littérature commerciale, de « pelage de biche ». De la même façon, l’Isorel utilisé dans la Dyna est rebaptisé « Dynorel », ceci prouvant une nouvelle fois que chez Panhard, le service commercial n’est jamais à court d’imagination. De son côté, la berline Luxe reste identique au modèle 57. Pendant le Salon, Panhard expose six Dyna présentant les quatre modèles disponibles, dont une Grand Standing bicolore en vedette, tout comme le cabriolet – la nouvelle option peinture deux tons est en effet la nouveauté la plus visible – et aussi une Dyna équipée d’un coupleur Jaeger, une nouvelle option qui vient remplacer l’éphémère embrayage Ferlec, mais ne sera finalement commercialisée que quelques mois plus tard ; à la Porte de Versailles (salon du poids-lourd) se trouvent un camion IE70 et pas moins de cinq véhicules 4X4 conçus surtout pour le Sahara et l’exploration pétrolière. Dans le courant du millésime, quelques changements de détail sont encore apportés à la gamme, mais on est loin des modifications en cascade des années 55-56. La Dyna Z sous l’ère Citroën… et les 2 CV de chez Panhard 49
4
La PL17 : relance à moindre frais Revenons un peu en arrière. Le 2 mai 1958, lorsque le Conseil d’administration de Panhard se réunit pour tirer les enseignements de l’année 1957, l’heure est, pour une fois, à l’optimisme. La Dyna a réussi à atteindre une cadence de production soutenue, d’environ 120 voitures par jour, en progression de 197 % par rapport à 1955, grâce à la crise de Suez de l’automne 1956. De plus, l’alliance avec Citroën et la « conjugaison des réseaux » semble fonctionner : sur les 38.000 ventes réalisées en 1957, 40,5 % l’ont été au sein du réseau Citroën, soit 15.400 transactions. Ces bons résultats, après deux années médiocres, confortent l’avenue d’Ivry dans sa volonté de faire avancer le projet « V 338 », en cours d’étude depuis quelques mois et destiné à assurer une succession à la Dyna. Celle-ci, née en 1953, commence en effet à « faire son âge » malgré les améliorations constantes qui lui ont été apportées ; elle ne pourra franchir sans dommage le tournant de la décennie, même avec l’apport d’un nouveau moteur, le « Tigre » encore à venir. La production a déjà commencé à marquer le pas : 34.000 unités seront vendues sur l’exercice 1958. Le début de l’année 1959 sera même synonyme d’effondrement (12.000 unités seulement au premier semestre) face à une concurrence toujours plus pugnace. Au Salon d’octobre 1958, l’Aronde a fait peau neuve sous la forme d’une jolie « P60 » (« Personnalisée 1960 ») ; du côté de la Régie, la Dauphine, avec l’apport un an plus tôt du modèle « Gordini », poursuit sa marche triomphale ; à Sochaux, la récente « 403 », vendue en version Grand Luxe au même prix que la Dyna Grand Standing (780.000 F contre 779.000 F), se situe dans une catégorie fiscale défavorable (8 CV)* mais bénéficie d’un argument imparable : sa robustesse à toute épreuve.
* Cette différence avec la Dyna (5 CV) devient douloureuse au moment de s’acquitter de la vignette fiscale, créée en juin 1956 par le gouvernement socialiste de Paul Ramadier, au nom de la « solidarité ».
58 La PL17 : relance à moindre frais
Élaboré au cours de l’hiver 1957, finalisé au printemps 1958, ce projet de remplacement de la Dyna reste fidèle à une construction modulaire. La ligne est modernisée de façon spectaculaire. Bien plus timide, la réalisation finale conservera certains éléments stylistiques de ce projet, dont la forme des passages de roues.
De plus, après de bons débuts, les ventes de Dyna dans le réseau Citroën sont aussi en nette baisse (- 33 % en 1958), car les concessionnaires n’ont plus besoin d’elle pour faire du volume : ils disposent d’une nouvelle arme depuis mars 1957 avec l’ID 19 qui, proposée au prix de 894.000 F en version « Normale », un tarif qui restera inchangé sur les modèles 1959, peut constituer une alternative à la Dyna Grand Standing (754.000 F). Moyennant un surcoût raisonnable, le client accède à une technique de pointe, la suspension hydropneumatique, et à un véhicule plus « statutaire », semblable extérieurement à la DS du notaire si on ne détaille pas trop l’équipement... Sur le terrain, l’harmonie ne règne pas. Les concessionnaires et agents du réseau Panhard, souvent très anciens et très fidèles, vivent infiniment moins bien que leurs homologues de chez Citroën ; quand ils se trouvent en concurrence frontale dans la même bourgade, la comparaison peut même s’avérer cruelle. Le siège n’est pas épargné : comme nous le rappelait Étienne de Valance lors d’un entretien récent, les cadres de l’avenue d’Ivry supportent mal les méthodes empreintes de morgue de leur partenaire, incarnées par exemple par l’inspecteur commercial Jean Masclet, envoyé par Citroën au moment de la conjugaison des réseaux. Le plus conciliant Roger Créange qui lui succède ne parvient pas vraiment à mobiliser les garages Citroën.
Ambitions contrariées
Plusieurs projets de capots et d’entrées d’air sont testés en grandeur réelle. Certains paraissent radicaux (phares escamotables ou englobés dans la calandre), mais seul sera retenu le principe de la plaque d’immatriculation intégrée au parechocs.
Ce « mannequin » sommaire ne manque pas d’intérêt : s’il présente un capot et des « sourcils » arrière préfigurant ceux de la PL 17, il propose aussi des solutions innovantes comme le prolongement des pare-chocs par une protection latérale, la forme des vitrages et la ceinture supérieure de caisse qu’on retrouvera sur la Panhard 24 quelques années plus tard.
Pour Panhard, la « fenêtre de tir » est étroite, mais le Bureau d’études peut tabler sur des moyens renouvelés, grâce à une nouvelle augmentation du capital de la firme, décidée conjointement avec Citroën et autorisée dans son principe par la même assemblée annuelle de mai 1958 : certes, le doublement de ce capital, qui passe en juin de 1,4 à 2,8 milliards d’anciens francs par émission de 280.000 actions presque toutes souscrites par Citroën, rend la marque doyenne encore plus dépendante de son partenaire, dont la part est passée de 25 à plus de 45 % ; après les vacances d’été, à la demande expresse de Citroën, l’usine passera à deux équipes pour le montage des fourgonnettes. Mais en l’occurrence la marque aux chevrons n’a pas mis son veto à l’étude d’un nouveau modèle Panhard, au contraire de ce qui faillira se produire un peu plus tard, au moment de la conception de la « 24 ». La PL17 : relance à moindre frais 59
en esthétique (charnières invisibles) qu’en sécurité. De l’intérieur, l’ouverture s’effectue à l’aide d’un levier coulissant plus qualitatif. Les contre-portes disposent d’accoudoirs galbés ; les garnitures adoptent des teintes unies assorties à la couleur extérieure. Les sièges sont doublés de « Dunlopillo ». Volant, bloc compteur et autres accessoires sont traités en gris foncé. Même teinte pour la garniture du tableau de bord, qui s’agrémente de plis rapprochés, sauf sur le modèle de base. Ainsi la PL 17 s’éloigne-t-elle encore du clinquant de la Dyna. Extérieurement, les bas de caisse reçoivent une large nervure. On note aussi le montage sous les phares, en remplacement des feux latéraux, de lanternes bien visibles faisant office de clignotants et de feux de position, surmontés des « sourcils » de même style que ceux des phares, ou décorés d’une fine baguette sur le modèle de base désormais baptisé « PL 17 Grand Luxe ». Mécaniquement, il n’y a à signaler que des modifications mineures, ainsi qu’un abaissement de la cylindrée, qui passe de 851 à 848 cm³ sans conséquence sur la puissance et le couple ; cette réduction permet d’engager les voitures en rallye dans la catégorie « 700 à 850 cm³ ». Les modifications apportées à la PL 17 1961 ont entraîné un passage devant le service des Mines, pour lequel elle devient donc le type « L4 ». Les utilitaires bénéficient de la plupart de ces avancées.
Une poire pour la soif ? À la même époque, la direction de Panhard apprend que l’usine se voit confier la fabrication d’un nouveau dérivé de la 2 CV : la Sahara à quatre roues motrices, dont le prototype a été présenté à la presse dès le 7 mars 1958 à la Mer de sable à Ermenonville, puis au public à l’occasion du Salon de Paris en octobre. Mais la 2 CV 4x4 (l’appellation « Sahara » n’est plus utilisée lors de la commercialisation) n’est mise en vente qu’en février 1961, près de trois ans après sa présentation ! L’assemblage, entamé à l’automne 1960, commence à l’usine Panhard d’Orléans où sont fabriqués les sous-ensembles, et se termine avec le montage de la carrosserie à l’usine de Paris. Malgré les apparences, la 2 CV 4x4 n’a que peu de pièces en commun avec la berline 2 CV AZ. Vendue très cher – 9.995 NF en 1962, soit le double de la 2 CV 70 La PL17 : relance à moindre frais
Sophie Destrade a repris du service pour dévoiler les avantages des sièges « Relax ». Paul Panhard a-t-il donné son aval à cette pose langoureuse à la Brigitte Bardot ?
La présentation des F 65 (et F50) 1961 ressemble à celle des berlines « Grand Luxe » : petits enjoliveurs de roues, absence de déflecteurs et de jonc de parebrise. Les baguettes inférieures de caisse, encore présentes en 1960, ont été supprimées.
La 2 CV 4 x 4 est dite « bimoteur » : un second moteur de 425 cm³ de série (13 ch. SAE comme le premier) est monté à l’arrière, ce qui porte la cylindrée totale à 850 cm³… et la puissance fiscale à 5 CV ! Les grosses manches à air sont destinées au refroidissement. La plaque d’immatriculation a été déplacée. On note aussi les ailes arrière échancrées pour permettre le montage de pneus de forte section (155 x 400 au lieu de 125 x 400). Du poste de conduite, on peut apercevoir la roue de secours qui a dû être déplacée sur le capot (lequel comporte un embouti spécial). Le levier de vitesses au plancher commande soit la seule boîte avant, soit les deux boîtes avant et arrière ensemble. Deux clefs de contact et deux boutons de démarreur séparés permettent de mettre en marche chacun des moteurs, dotés chacun d’un voyant de pression d’huile. Enfin, un moteur d’essuie-glace a été monté en lieu et place de l’entraînement par le tachymètre, la voiture étant appelée à évoluer souvent à basse vitesse.
Les coques complètes, dont on découvre ici la structure et les pièces particulières, arrivent en caisse de chez Citroën pour être montées sur les chaînes de l’avenue d’Ivry. On remarquera les ouïes d’entrée d’air au-dessus des ailes arrière. Détails de la 2 CV 4 x 4. Dans l’ordre : le châssis renforcé, la séparation entre l’habitacle et le compartiment arrière (la cloison est solidaire du siège), l’emplacement sous les sièges avant des deux réservoirs d’essence alimentant chacun un moteur.
La PL17 : relance à moindre frais 71
Sur le stand Panhard du Salon de Paris d’octobre 1962, une CD blanche, dont la caisse est, pour l’instant, en aluminium, est exposée sur le stand Panhard, aux côtés des nouveautés de l’année. Charles Deutsch pose volontiers devant sa création. Pour construire la voiture du Salon, il semble qu’on ait réutilisé le châssis de la voiture accidentée au Mans (n° 104), dont seule la coque avait souffert. La CD « client » a été profondément modifiée par rapport aux voitures des 24 Heures : la face avant a été remaniée, les appendices « compétition » ont disparu, le pare-brise a gagné en hauteur, le pavillon arbore un double bossage qui fait penser aux plus belles réalisations italiennes (Zagato) et le réservoir d’essence plus petit a permis de ménager une banquette de secours à l’arrière. Un peu moins fine que les voitures de compétition (Cx : 0,22 au lieu de 0,17), elle est animée par la nouvelle version (M6) du moteur Tigre 848 cm³ de série, qui fait son apparition au même moment sur les PL 17 ; il offre 60 ch. SAE et permet d’atteindre les 160 / 165 km/h. Les garnitures et les sièges sont ceux d’une grande routière ; ils ont été conçus par le service Méthodes de l’avenue d’Ivry. L’accastillage est typé sport et luxe, même si certaines pièces ne peuvent masquer leur provenance « PL 17 ». Devant le conducteur, deux gros compteurs ronds, un beau volant à jante bois et branches ajourées en aluminium ; au centre, les commandes au tableau de bord sont organisées Pour le Salon, on conçoit en hâte un premier catalogue qui devra être rapidement réimprimé car il comporte une erreur : le moteur y est donné pour « 701 cm³ », soit la cylindrée des voitures du Mans. La colorisation de la photo semble assez sommaire. On voit ici la 2e version du catalogue.
92 Le pari de Charles Deutsch
Trônant au milieu d’une composition florale, la berlinette CD exposée au Salon de Paris 1962 est inaccessible et certainement fermée à clef. Il ne s’agit que d’un prototype, loin d’être apte à une commercialisation effective. Le rétroviseur est désormais fixé au plafond. Pour être homologuée, la CD « client » a reçu des pare-chocs, avec bananes à l’arrière, des vitrages en verre et non plus en plexiglas, des feux arrière multifonctions, etc. On notera l’implantation des catadioptres, l’échappement double, les custodes ouvrantes, etc.
Projet d’annonce publicitaire non daté, sans doute de l’automne 1962 : peu de différences séparent la voiture victorieuse au Mans de celle dont le client prendra livraison…
en trois lignes superposées et se prolongent par une console centrale. Certains accessoires inhabituels chez Panhard sont montés en série : allume-cigares, phares antibrouillard, poignée de maintien au tableau de bord. Cependant, le freinage fait appel comme les autres modèles 1963 aux tambours « E.T.A. » (la CD n’aura jamais droit aux disques montés sur les 24 CT et BT à partir de l’automne 1964), tandis que les pneus Michelin X de 145 x 380, les mêmes que ceux d’une PL 17 Tigre, paraissent quand même bien minces. Compacte, râblée (longueur : 4,06 m ; largeur : 1,60 m), basse (1,18 m), légère (660 kg), la CD « client » devient la Panhard de série la plus rapide jamais produite. Son élégance, les promesses de performances, d’élégance et de sécurité qu’elle contient lui ont valu de recevoir, à l’ouverture du Salon, le Grand Prix de l’Art et de l’Industrie en catégorie Sport et Grand Tourisme. À l’issue de la manifestation, 17 commandes ont été signées sans qu’aucun essai ait été effectué, et des contacts sérieux pris avec près de 700 clients ; Panhard espère fabriquer, avant la fin de 1963, 1.000 exemplaires de la voiture, afin d’obtenir une homologation en compétition en catégorie Tourisme, où la CD s’imposerait facilement.
Panhard diffuse rapidement à la presse des photos d’usine dévoilant la nouvelle CD sous tous les angles, ainsi que son intérieur sportif. Le tableau de bord est resté proche de celui des exemplaires de compétition. On remarquera l’implantation du commodo d’avertisseurs / appel de phares, censé « tomber sous la main » à côté du levier de vitesses.
Le pari de Charles Deutsch 93
V527 : l’élaboration d’un style Réalisés selon les instructions de Louis Bionier, les documents fournis par René Ducassou-Péhau se présentent sous forme d’aquarelles, de croquis ou de dessins cotés qui traduisent parfois une certaine influence américaine (ailerons, dérive sur le toit, pare-brise panoramique, vitres sans montants). Mais d’autres traits trouvent vite leur style définitif : couvercle de coffre en saillie abritant des feux allongés, passages de roues avant venant se noyer en arrondi dans l’aile, ceinture de caisse fermement dessinée surmontant des flancs en creux, optiques avant de grande taille sous verrière. Un autre dispositif a longtemps été présent sur les dessins et même les maquettes à l’échelle 1 : les pare-chocs prolongés sur les flancs par une imposante moulure de protection. Le principe, qui ne se retrouvera que bien plus tard sur une voiture de série (la Renault 5 GTL de 1976), sera finalement abandonné.
Dessin sans date, sans doute un des premiers de Ducassou pour le projet. À noter : une proue assez maladroite, un énorme pare-brise panoramique, mais une partie arrière qui préfigure déjà la future « 24 ».
Dessin signé Ducassou n° 1934 du 18 juillet 1960. La mention « LM » signifie « longueur maximale » ; elle est ici de 4,25 m.
Plan coté (échelle : 1/10 e) n° 1882 du 11 juin 1960 : avant-projet carrosserie pour un coupé 3 places. À noter : l’aileron sur le toit, la lunette arrière concave. Dessins signés Ducassou (1/5e) n° 1980 du 10 octobre 1960 : profils VS. À noter : les toits plus plats, les capots relevables d’un bloc.
130 Survivre sans gêner : la Panhard 24, ou l’art des ruptures
Plan coté (1/5e) n° 1990 : coupé 2 + 2. À noter : une ligne de ceinture marquée rejoignant les phares, un toit très arrondi, un volant tulipé.
Dessin n° 2012. À noter : l’harmonie des proportions.
Deux dessins couleurs signés Ducassou, l’un du 7 novembre 1960, l’autre sans date. À noter : l’imposante protection latérale dans le prolongement des pare-chocs. Les formes de l’avant et de l’arrière ont été trouvées, sauf en ce qui concerne les phares, mais le toit est encore très arrondi. On a prévu des compteurs centraux.
Plan coté (1/5e) n° 2105 du 20 mars 1961 : voiture VX. À noter : des lignes plus rectilignes, un toit plat mais la position des montants reste à trouver.
Dessin n° 2230 du 5 mai 1961 : profil VX. À noter : des lignes qui s’éloignent des dessins précédents mais des traits de style originaux (prise d’air avant, phares, passages de roues, implantation de la ceinture de caisse dans leur prolongement).
Survivre sans gêner : la Panhard 24, ou l’art des ruptures 131
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Née parmi les roses La 24 conquiert Versailles Dès le mois de mars 1963, Étienne de Valance, avec l’aide de la S.N.P.* se met à la recherche d’un bel endroit pour la présentation du nouveau modèle. Dans un premier temps, on envisage un aérodrome au sud de Paris, notamment Villacoublay ou le grand hall de l’aéroport d’Orly, Ce projet initial est finalement abandonné en faveur d’un cadre plus champêtre suggéré par la S.N.P. : la jardinerie Truffaut à Versailles. Très agréable (il s’agit d‘une roseraie), le site est de plus mis à disposition à titre gracieux, à l’exception d’éventuelles décorations florales. Traditionnellement, chez Panhard, la présentation des nouveaux modèles a lieu le lundi qui suit immédiatement les 24 Heures du Mans. La raison en est très simple ; le choix de cette date permet aux nombreux journalistes étrangers présents de n’avoir pas à programmer un déplacement supplémentaire en France. En 1963, le jour « J » tombe le 24 juin, un heureux hasard pour révéler une nouvelle voiture précisément baptisée « 24 ». Dès le vendredi 14, les cartons d’invitation sont envoyés. Le personnel commercial a droit à une présentation en avant-première le samedi 22 au cinéma Ivry Palace, où, après une allocution de M. Léger, il pourra découvrir les 24 C et CT (portes fermées…) et quatre berlines 17 du millésime 1964 (portes ouvertes…).
La pochette cartonnée du dossier de presse remis aux journalistes lors de la présentation de la 24 rappelle le passé prestigieux et déjà long de la marque, souligné par ces mots : « Le blason prestigieux de la société Panhard a frappé de son sceau une longue lignée d’automobiles de classe », dont la 24 est évidemment la digne héritière.
*La Société Nouvelle de Publicité, filiale du groupe Havas, conçoit et édite à l’époque les documents publicitaires de la marque.
142 Née parmi les roses
Cette 24 CT de teinte rouge Fandango à conduite à droite est exposée lors de la présentation chez Truffaut. Une portière est ouverte pour que les invités puissent apercevoir l’aménagement intérieur. En effet, les 24 plus accessibles restent fermées à clé.
Le grand jour arrivé, l’organisation des festivités se déroule suivant un horaire très précis : • Installation des voitures dès 7 h du matin. • De 9 à 10h, visite des personnalités. • De 11 à 13h, réception presse : les allocutions successives de Paul Panhard (5 minutes) et Jean Panhard (15 minutes) sont suivies d’un buffet, chaque journaliste recevant un dossier complet avant de quitter les lieux. • De 16 à 19 h, réunion du service commercial de Citroën, avec les allocutions des mêmes intervenants, suivies d’un buffet. Le 9 juillet, ce sont les concessionnaires et agents de la région NordEst qui sont conviés à venir découvrir les nouvelles 24 à Reims dans les locaux des établissements Pommery, célèbres producteurs de champagne. (FDPMHI)
Dans le cadre de l’opération « Points Cardinaux », la 24 est présentée le 29 juin à l’Aéro-Club d’Angoulême à l’intention du réseau régional et des journalistes locaux. Contrairement à ce qui fut fait pour le lancement de la PL 17, les voitures sont convoyées sur place par la route. (FDPMHI)
Quatre 24 sont exposées, deux C et deux CT. Une voiture est placée au milieu d’une pièce d’eau, une autre se trouve sur un podium ; en outre, une CT sans portes permet aux visiteurs de voir l’habitacle. La dernière voiture, une C, est accessible aux visiteurs. Cette exposition est complétée par dix berlines 17 en différentes configurations, deux breaks, deux utilitaires et un CD. Enfin, six berlines, un break et un CD sont également prévus pour des essais. Une fois la journée de présentation terminée, une 24 et plusieurs 17 sont transportées au magasin des Champs-Elysées pour y être exposées, la 24 devant rester portes fermées. Cette opération sera suivie le 26 juin par une présentation dans les usines de Reims, Orléans et Paris, puis de réunions régionales pour le personnel de vente et les journalistes locaux. Ce dernier dispositif, baptisé «Opération points cardinaux», se déroulera à Laval, Angoulême, Avignon, Beaune, Reims puis Saint-Germain en Laye, entre le 27 juin et le 11 juillet. Lors de ces présentations, les journalistes reçoivent une pochette contenant notamment des photos et un catalogue. Pour réaliser ce dernier, très peu de temps avant la présentation de Versailles, il aura fallu négocier avec Louis Bionier le prêt d’une voiture un après-midi, puis quelques séances de deux heures. Par souci de Trônant au beau milieu de la roseraie Truffaut de Versailles, comme délicatement posée à la surface d’un étang garni de nénuphars, un prototype 24 C bicolore (quetsche, toit gris capelinos) attire tous les regards. La voiture étant sans moteur, des gueuses ont été placées à plusieurs endroits pour qu’elle soit bien horizontale.
Née parmi les roses 143
Puisque les 24 sont désormais des Citroën, c’est l’agence Delpire qui est chargée de concevoir et d’imprimer les catalogues. Le très beau catalogue du millésime 1966 (et repris pour 1967) adopte le style à la fois original et identifiable du célèbre imprimeur. Le document contient de superbes photos au caractère artistique indéniable.
184 Un crémeau étroit
Il existe parallèlement aux brochures plus ou moins luxueuses une fiche individuelle pour chaque modèle et, pour le millésime 1967, ce dépliant consacré aux caractéristiques techniques. Fait remarquable : le nom de Panhard n’apparaît qu’en petit dans le texte, alors que le mot « Citroën » prend ici des proportions démesurées… Comme l’ego de la marque à l’époque ?
Aujourd’hui fort rare, ce petit dépliant édité en 1966 permet de visualiser, à l’aide d’un rabat, la différence entre le coupé sport (la CT) et la berline 4/5 places (les B et BT). Un volet détachable permet de solliciter l’essai d’une 24.
ne sont pas des coupés). Enfin, le réseau se montre souvent réticent à reprendre une Panhard. La tentative de séduire des propriétaires de 17 pour qui la 24 B est trop chère en proposant une 24 BA à un tarif plancher, au prix d’un dénuement poussé à l’extrême, se solde, comme on pouvait le prévoir, par un cuisant échec. Comme la 24 est depuis la fusion considérée comme une Citroën, les chiffres de production mensuels sont mentionnés dans les comptes-rendus du Conseil d’administration à partir du mois de juillet 1965. Ceci permet de constater la lente érosion des ventes au fil des mois, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous. Lors du lancement des modèles du millésime 1967, le sort des 24 apparaît scellé à relativement brève échéance avec pour conséquence un arrêt des investissements destinés à doper les ventes. L’engagement des 24 en compétition n’est pas reconduit à l’issue d’une saison 1965/1966 pourtant très réussie, et la communication se raréfie. On n’investit plus dans l’amélioration de ce modèle, et le beau catalogue de la saison précédente est réutilisé pour 1967, malgré le fait que la 24 BA y soit représentée, alors que ce modèle est supprimé. On peut imaginer qu’à ce stade, il s’agit avant tout de liquider les stocks de pièces accumulés pour la fabrication des voitures. Comme si la maison Citroën voulait à toute force se débarrasser d’un boulet, elle annonce même la fin de production du modèle à la date du 20 juillet 1967, alors que la dernière voiture ne quitte la chaîne que le 19 septembre…
Chiffres de production Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre Octobre
Novembre Décembre
1965
?
?
?
?
?
?
737
40
634
513
659
545
1966
445
386
445
373
378
436
308
48
252
247
279
248
1967
166
155
201
223
236
269
169
12
25
-
Un crémeau étroit 185
Voici le poste de conduite d’une Dyna Z12 de rallye : le tableau de bord est de série, mais on a pris soin de monter un compte-tours et un tripmaster. La banquette avant est remplacée par des sièges empruntés à la 2 CV Citroën pour gagner de précieux kilos.
largement évoqués par ailleurs*. Cependant, d’autres victoires sont remportées en endurance par des voitures à mécanique Panhard, notamment au GP de Rouen et aux 1.000 km de Paris en 1956, aux Coupes de vitesse de l’Union Sportive à Montlhéry et au Circuit de Caen en 1957, au GP de Pau, au Prix de Paris, aux 12 Heures de Reims et au GP de Spa en 1958, aux 12 Heures de Sebring, au Prix de Paris, aux Coupes de Paris et au Circuit de Clermont-Ferrand en 1959, aux 1.000 km du Nürburgring, au GP de Rouen, au Circuit des Six Heures d’Auvergne et aux 1.000 km de Paris en 1960. À l’issue de la saison 1962, l’ensemble des prestations des CD aura permis à Panhard de remporter le titre de champion de France en catégorie Sport. Si la présence de la marque est très limitée en endurance à partir de là pour différentes raisons, il n’en reste pas moins que la mécanique Panhard peut revendiquer un remarquable palmarès en dix ans de participation ciblée mais assidue.
En rallye, la Dyna Z succède avec bonheur aux Dyna X L’exceptionnel rapport cylindrée / poids / performances affiché par la Dyna Z1 ne pouvait que faire des merveilles. À la fois profilée et légère, la voiture atteint les 130 km/h grâce à son flat-twin 851 cm³ de 42 ch., ce qui lui permet de rivaliser avec des voitures bien plus puissantes qui, le plus souvent, ne peuvent prétendre aux mêmes qualités routières. Comment s’étonner, dès lors, de la brillante 2e place au classement général remportée par la Dyna de Gillard et Dugat au Rallye de Monte-Carlo 1955 ? La publicité Panhard ne manque évidemment pas de se faire l’écho des nombreux succès en compétition dans sa publicité. Le dépliant de la Dyna 56 met ainsi en évidence « La mécanique
* Voir chapitre 5, page 84 et suivantes.
188 Championne de rallye, championne d’économie
Couru du 24 février au 1er mars 1957, le Rallye de Sestrières voit triompher la « vieille » Dyna X86 de l’équipage italien Bianchi-Borghesio au classement général. Avant la course, ces derniers n’avaient pas hésité à se déplacer à l’usine pour bénéficier d’une mise au point optimale.
aux 600 victoires ». L’abandon de l’alliage d’aluminium pour la coque des Dyna en 1956 complique sans doute un peu la tâche des pilotes, mais cela ne se ressent pas trop dans la régularité des résultats, d’autant plus que certains continuent à courir au volant d’anciennes Z1 « tout alu », voire sur d’antédiluviennes Dyna X ! Bien évidemment, les dérivés, au premier rang desquels le coach D.B HBR5, participent largement à la moisson de victoires. Il n’est évidemment pas possible d’entrer dans le détail de toutes les places d’honneur des Dyna et PL 17 en rallye de 1956 à 1961, aussi nous contenterons-nous d’énumérer ici les plus emblématiques, en nous limitant aux berlines de série : Au Grand Prix des Voitures de Série, couru le 12 mai 1957 sur le circuit de Francorchamps, c’est le pilote belge Berchem qui s’avère être le plus rapide de sa catégorie, à la moyenne de 126,346 km/h. En se classant première au général et à l’indice de performance, la Dyna Z12 de Bernard Consten et Jean Hébert offre à Panhard une magnifique victoire à l’occasion du Rallye des Routes du Nord, couru du 7 au 9 février 1958, et cela dans des conditions particulièrement difficiles, mêlant neige, verglas et brouillard. À cette occasion, la marque fait réaliser cette belle affiche de garage.
• 13 mai 1956 : Grand Prix des Voitures de Série à Francorchamps ; victoire de catégorie (Van Hauw). • 26-27 mai 1956 : Rallye de Dieppe : victoire au général (Trimatis) • 23-24 juin 1956 : Rallye Alpin des dix cols : victoire au général (Robin-Bourrely) • 24-28 février 1957 : Rallye de Sestrières : victoire au général (Bianchi-Borghesio, sur Dyna X86) • 7-9 février 1958 : Rallye des Routes du Nord : victoire au général (Consten-Hébert) • 31 janvier / 1er février 1959 : Critérium Neige et Glace : victoire de catégorie (Bernard-Charlois) • 6 avril 1959 : Rallye de la Forêt : victoire au général (Lelong et Mme) • 12-13 décembre 1959 : Tour de l’Oise : victoire au général (Lelong et Mme) • 13 mars 1960 : Rallye de Printemps : victoire au général (Lelong et Mme) • 15-23 septembre 1960 : Tour de France : victoire de catégorie (Lelong-Delignère) • 21-28 janvier 1960 : Rallye de Monte-Carlo : victoire au général (Martin-Bateau)
Nous n’avons pas pu retrouver le classement ni l’identité des pilotes de cette Dyna participant au Trophée de Provence, du 7 au 10 mai 1959.
Championne de rallye, championne d’économie 189
La MEP X2 : Baroud d’honneur pour le flat-twin Panhard Plus de vingt ans après sa création, le flat-twin Panhard s’apprête à tirer sa révérence. Du moins, un sursis lui est accordé grâce au concessionnaire Citroën d’Albi, Maurice Émile Pezous. Ce dernier, ingénieur des Arts et Métiers et ingénieur-mécanicien de l’Aéronavale, est déjà connu pour avoir, en 1954, commercialisé en quelques exemplaires un joli coupé empruntant les organes mécaniques de la 11 CV sous la marque MEP, acronyme des initiales du créateur. En ce milieu des années 1960, la Formule Vee vient d’apparaître : des monoplaces légères utilisant les organes mécaniques d’anciennes Volkswagen sont proposées à des apprentis pilotes désireux de se former à la compétition automobile à moindres frais. Le phénomène est venu aux oreilles de Maurice Pezous, qui imagine alors construire un monoplace française qui pourrait jouer le rôle de formule d’initiation dans l’Hexagone, en partant d’éléments mécaniques Citroën. Son projet
198 Championne de rallye, championne d’économie
Cette vue arrière permet de voir partiellement le châssis en tubes. Le moteur Panhard M10S se trouve en position centrale dans le dos du pilote, et, placée à l’extrême arrière, la boîte de vitesses à quatre rapports empruntée à l’Ami 6 est accouplée au moteur par l’intermédiaire d’une entretoise spéciale.
En janvier 1967, la revue Moteurs n° 59 fait sa une avec la nouvelle MEP X2. Alain Bertaut écrit : « La MEP, dans sa présentation et dans le soin apporté à la réalisation de nombreux détails, peut, sans rougir, supporter la comparaison avec ce qui se fait de mieux dans le genre ».
est longuement mûri : « Je me suis d’emblée fixé deux impératifs : d’abord, j’ai proscrit le bricolage en m’acharnant à réaliser un véritable travail d’ingénieur ; ensuite, j’ai mené mon projet en me disant qu’il ne pouvait être viable qu’à la condition de construire cette voiture en petite série. […] J’ai voulu fournir [aux jeunes] un engin de formation qui présente toutes les caractéristiques d’une monoplace de compétition », déclare-t-il au pilote et journaliste Alain Bertaut fin 1966 *. Son prototype, la MEP X1, est prêt en 1965. Pezous a choisi dans la gamme Citroën le plus puissant des bicylindres, le moteur 602 cm³ de l’Ami 6, qui à l’époque développe 25 ch. Manifestement, la puissance de ce moteur ne suffit pas, ce qui conduit l’Albigeois à se tourner vers le M10S de la 24 CT et ses 60 ch. Le résulDe plein arrière, la MEP affiche clairement son appartenance à la famille Citroën. Les suspensions sont indépendantes sur les quatre roues. Toutes les pièces de suspension sont chromées et articulées sur des rotules Uniball de bonnes dimensions.
* A l’occasion d’un essai de la MEP X2, publié dans la revue Moteurs n° 59 de janvier 1967. Championne de rallye, championne d’économie 199
13
Les Panhard dans le monde Si les accords entre Panhard et Citroën n’ont, dans un premier temps, aucune conséquence sur la diffusion des Panhard à l’étranger, cette situation n’est que très provisoire. Alors qu’en France, on assiste en 1956 à la « conjugaison » des réseaux des deux marques, il faut plutôt attendre l’année suivante pour voir la situation évoluer à l’exportation. Il y a deux aspects importants à prendre en compte : l’assemblage, qui concerne la Belgique et l’Irlande en Europe, et deux pays d’Amérique du Sud, l’Uruguay et le Chili. L’autre aspect est l’importation et la distribution, cette fois dans de nombreux pays du monde. On trouvera ici un panorama, par zone géographique, de la situation de l’exportation. * Mis à part quelques marchés pour lesquels nous disposons de précisions via d’autres sources, les tableaux reproduits ci-dessous ne concernent que les Dyna Z1, les PL 17 (des millésimes 1960** à 1965), les CD et les 24 C / CT du seul millésime 1964. Mis à part un nombre global pour les Dyna Z1, les chiffres concernent les millésimes, et non les années civiles. Enfin, les pays sont mentionnés sous leur nom de l’époque, la dénomination actuelle figurant entre parenthèses le cas échéant. * Compte tenu de l’absence totale de registres de production des Dyna autres que la Z1 (de 1953 à début 1956), et du manque de renseignements fournis sur l’exportation par les registres des Panhard 24 à partir du millésime 1965. **Les registres de PL 17 sont presque complets, mais il manque une « tranche » d’environ 6.000 voitures fin 1959 (soit 18 % du millésime), une partie des utilitaires du millésime 1960 et les cabriolets, sauf les derniers, à partir du printemps 1962. En revanche, certains chiffres existent via d’autres sources ; pour toute la production Panhard de l’usine Citroën de Forest en Belgique, nous possédons la copie intégrale des registres. Les caisses des Dyna sont peintes, mais, pour le reste, les voitures ne sont ici qu’au tout début de leur assemblage. Au second plan, on aperçoit des Dyna qui sont, au contraire, en fin de chaîne (Photo Devaux).
220 Les Panhard dans le monde
La chaîne d’assemblage des Dyna Z12 à Forest, en 1957 ou 1958. La pose des pare-chocs est la dernière opération de montage. (Photo Devaux)
Cette publicité belge parue au début du mois de mai 1957 annonce la reprise par le réseau Citroën de la vente des Panhard dans le royaume, et l’assemblage des Dyna à l’usine de Forest. Le dessin montre l’emblématique bâtiment Citroën de la place de l’Yser.
À l’époque, Citroën Belgique fait paraître de nombreuses publicités pour la Dyna dans la presse. Celleci date du mois de mai 1958 et met en avant sa consommation raisonnable.
Europe : le champ d’action principal de la marque Belgique et Grand-Duché de Luxembourg C’est le 4 avril 1957, à l’occasion de la visite des installations bruxelloises par Paul et Jean Panhard, que la nouvelle tombe : à compter de ce jour, l’importation, la vente et l’assemblage des Dyna pour les marchés belge et luxembourgeois sont confiés à la Société Belge des Automobiles Citroën, qui a repris une bonne partie du personnel employé par l’ancien importateur, la S.A. Harold de Hemptinne. M. Rolland, le directeur commercial, continue notamment à assurer cette fonction depuis le siège belge de Citroën, place de l’Yser à Bruxelles. Dans les faits, l’assemblage des berlines Le 12 juillet 1959, Paul et Jean Panhard se rendent à Bruxelles ; à peine débarqués de l’hélicoptère Sabena qui les amenés de Paris (l’aérogare est juste à côté), ils sont accueillis place de l’Yser par Raymond Pérée, alors directeur de la filiale belge de Citroën. (Photo Devaux)
* La plaque « constructeur » mentionne pour les Luxe belges le type « BGL », comme pour les Grand Luxe françaises.
Dyna a déjà commencé : la mise au point des chaînes a pu être faite dès le mois de février sur les trois premières voitures, et en mars, 66 voitures ont quitté les usines Citroën de Forest, en banlieue sud de Bruxelles. Ensuite, ce sont entre 50 et 100 Dyna qui sont assemblées chaque mois à Forest. Ces volumes sont appelés à augmenter notablement à partir du lancement de la PL 17 en 1959, pour se maintenir à environ 300 unités mensuelles jusqu’en 1962. L’activité d’assemblage se poursuit jusqu’en juin 1963, avec la sortie des dernières PL 17 L6 et L7. La toute dernière Panhard assemblée à Forest est une L6 bleue, n° de série 2.171.212, officiellement tombée de chaîne le 22 juin 1963. Les Dyna assemblées à Forest intègrent un certain nombre de pièces fournies par des fabricants locaux, notamment les vitres, les jantes, les pneus, la sellerie, la batterie et la peinture. Jusqu’en 1963, les teintes sont d’ailleurs très différentes de celles que l’on trouve sur les Dyna françaises, car ce sont les mêmes que celles qui sont appliquées sur les 2 CV, Ami 6 et ID / DS montées en Belgique. Les selleries, en revanche, reprennent a priori les teintes et motifs qui ont cours en France. Les Dyna Z12 et Z16 assemblées à Forest conservent aussi jusqu’en juin 1959 les baguettes de capot et d’ailes arrière en aluminium poli, celles-ci étant peintes sur leurs homologues françaises. Au début, la voiture n’est proposée qu’en un seul type de finition, appelé officiellement « Grand Luxe » à partir de janvier 1958 lorsque vient s’ajouter à la gamme une version « Luxe ». La Grand Luxe est, à peu de choses près, semblable à la Grand Standing française, mais la Luxe constitue plutôt un moyen terme entre les versions Luxe et Grand Luxe françaises*. Il est intéressant de noter que ces deux degrés de finition sont maintenus jusqu’à l’arrêt de l’assemblage en Belgique, en juin 1963, indépendamment des évolutions de finitions intervenues sur les voitures montées en France. À l’époque des Dyna, la gamme belge est réduite par rapport à la gamme hexagonale : en effet, le cabriolet, le coupleur Jaeger, le moteur Tigre et les carrosseries bicolores ne font pas partie du programme. Ces lacunes sont corrigées avec l’arrivée de la PL 17, sauf en ce qui concerne les peintures bicolores. L’usine de Forest assemble aussi un contingent Les Panhard dans le monde 221
Chili Un certain nombre de PL 17, dont 42 châssis-cabines WL1 et WL3 livrés en CKD, et à peine quatre berlines ont été livrés à Santiago de 1960 à 1962.
Malgré la mauvaise qualité de la reproduction, nous tenions à montrer cette publicité datant sans doute de 1962-63. Elle présente des variantes inédites et très peu connues des PL 17 locales, curieusement rebaptisées ici « F50 » : un pick-up qui reprend toutefois le capot arrière des berlines, un break et une sorte de limousine à l’esthétique étonnante …
Uruguay - des PL 17 à toutes les sauces Au temps des Dyna X, la société Barrère & Cia avait importé bon nombre de berlines et de nombreux châssis-cabine carrossés sur place. En 1961, c’est un autre importateur, Mutio Passadore & Cia, qui prend l’initiative de distribuer les Panhard en Uruguay. La société, fondée par Jorge Mutio, Albérico Passadore, Ruben Buenchristiano et Jorge Astigarraga a repris dans ce but l’entreprise C. Hernandez & Cie, à Montevideo, plus précisément dans le quartier d’Ejido et Soriano. Pour contourner les droits de douane très élevés qui frappent les voitures entièrement montées, ils ont décidé d’importer des voitures et des châssis-cabine en pièces Cette photo prise au Salon de l’automobile de Montevideo en 1962 permet d’apercevoir une partie du stand Panhard, avec un châssis-cabine F65, et, malheureusement coupée, une berline PL 17 métamorphosée en pick-up « F50 de Lujo ».
Deux versions du pick-up F50 de Lujo commercialisé en Uruguay de 1962 à 1966 (ici, des modèles 1965). La différence se situe dans le traitement de la partie arrière, séparée et entièrement ouverte pour l’une, sans séparation nette et conservant le couvercle de coffre de la berline sur l’autre. La face avant a subi un traitement inédit, et, à notre avis, esthétiquement moins réussi que le dessin original.
244 Les Panhard dans le monde
Ventes annuelles (Pérou) Source : Fernando Murgah
1957
5
1958
6
1959
10
1960
17
1961
25
1962
45
1963
16
1964
6
Une jolie photo d’époque d’un pick-up MP qui semble faire la joie des enfants. Cette publicité montre la gamme Panhard PL17 uruguayenne proposée pour le millésime… 1966 ! La MP figure toujours au programme, le break adopte un énième dessin inédit, le pick-up a retrouvé la face avant des 17 1965, et l’étonnante berline deux portes y figure elle-aussi.
détachées. Ils ont dans leur entreprise le soutien de M. Pasture, un inspecteur commercial d’origine basque, établi en Argentine, et qui représente en Amérique du Sud les intérêts de la marque doyenne. Pasture fait courir des PL 17 avec un certain succès en Argentine, et, dans une lettre qu’il adresse le 7 avril 1961 à M. Caspar (qui travaille pour l’exportation chez Panhard), il explique : « Je vous assure que les gens connaissent la Panhard ici [en Argentine]. Le Grand Prix a fait une très grande publicité, ainsi qu’à Montevideo ; avec le principe de montage et le prix de vente que l’on a, elle va se vendre très bien ». L’autorisation, accordée semble-t-il un peu plus tard, a déjà permis de livrer 17 voitures en 1961, et débouche sur l’envoi, le 24 mai 1962, de 96 infrastructures de PL17 L4 à destination de Montevideo. Toujours en 1962, on note que 72 châssis-cabines F65 (WL3) sont expédiés en Uruguay en CKD. Ces véhicules sont montés avec toute une série de carrosseries dessinées localement : des breaks de différentes factures, dont plusieurs sont des exemplaires uniques (il existe en Uruguay plusieurs petits carrossiers effectuant ce genre d’adaptation en break sur les modèles de plusieurs marques), des pick-ups, des berlines à deux portes, dont les pièces spécifiques sont moulées en fibre de verre, et même une carrosserie à quatre portes faisant penser à une limousine, construite à seulement deux unités, dont l’une pour Jorge Mutio lui-même. De façon assez mystérieuse, les pick-up et certains breaks PL 17 uruguayens sont appelés « F50 » dans la publicité. C’est d’autant plus étrange qu’à notre connaissance, aucune F50 n’a jamais été importée dans le pays. Quant aux PL 17 à deux portes, apparues seulement vers fin 1964 ou début 1965, nous n’avons pas pu savoir si elles aussi sont considérées comme des F50.
Née un 4 juillet : la MP Cette publicité parue à l’automne 1962 présente la nouvelle gamme « MP », un modèle utilitaire dont la carrosserie et le châssis ont été conçus en Uruguay autour des organes mécaniques Panhard. Les lettres « MP » sont simplement les initiales de l’importateur, Mutio, Passadore y Cia.
Parallèlement, le 4 juillet 1962, Mutio Passadore y Cia présente à la presse un véhicule dont la carrosserie de type Jeep est entièrement originale : cette MP (les initiales de la société) est disponible en plusieurs configurations : un break, une fourgonnette de 750 kg et un pick-up, dont il a existé plusieurs variantes. La carrosserie des MP repose sur un châssis tubulaire renforcé Les Panhard dans le monde 245
d’instruments, et alimentés par un grand déflecteur situé sur le capot. Le pare-brise a été un peu avancé pour éviter au conducteur de s’écorcher les doigts sur la buse de dégivrage. Autre innovation concernant la planche de bord : le compteur de vitesse linéaire comporte une glace plate inclinée pour refléter sa propre visière, se rendant ainsi invisible. L’aération est complétée à l’avant par des glaces coulissantes dans les deux sens. Détail amusant, il avait été initialement proposé de séparer les vitres avant suivant une ligne diagonale, en conservant le principe de rabattement par moitié des 2 CV, mais cette disposition ne résistera pas aux essais en conditions réelles. En revanche, la troisième vitre latérale pourtant généralisée sur les 2 CV à partir du millésime 1966 a été refusée dans un premier temps à la Dyane.
Citroën fait le museau Si les dessins sont effectués rapidement et efficacement par le B.E.R.C., un point va bientôt poser problème : la face avant, que Bionier a voulu très verticale, un peu comme sur les premières Renault 4 ! C’est la consternation quand la maquette initiale arrive rue du Théâtre pour être montrée à l’état-major : Pierre Bercot demande immédiatement à Robert Opron que la proue soit reprise. Cette réfection en catastrophe demandera force esquisses tant à René Ducassou chez Panhard qu’à Jacques Charreton chez Citroën. Une première proposition d’Opron ayant consisté, pour rendre la petite calandre plus acceptable, à l’habiller d’un grillage du genre « nid d’abeilles », comme on en retrouvera sur la GS, Louis Bionier, furieux qu’on ait touché à son œuvre, s’exclamera : « Opron me reproche d’avoir fait un mur, mais lui, il fait des briques ! » Maquette en plastiline au 1/5e de la Dyane dans son état du 19 mars 1965, un mois et demi après le lancement du projet. Elle a été réalisée par le modeleur de chez Panhard, Jacques Perraud, d’après les dessins de René Ducassou, ce qui prouve que celui-ci a su rapidement définir les formes générales de l’AY. Le capot encore très plat comporte une large nervure en relief, qui sépare deux prises d’air pour l’aération. L’avant reste très vertical. En série, les ailes avant devront être embouties en deux parties soudées.
254 Une naissance illégitime avenue d’Ivry : la Dyane
Daté de février 1965 et redessiné en mai 1966 pour archivage, ce dessin fourmille d’idées malgré un style discutable. Le matricule « VP5 » marque une continuité avec la nomenclature du Bureau d’Études Panhard après-guerre. Les ailes sont intégrées à la ligne générale. Le pare-brise constitué de vitrages plats avec retour latéral rappelle celui de la Dyna Junior. On notera certains traits chers à René Ducassou : les essuie-glaces à balayage croisé intégral, les « heaumes » de climatisation sur le tableau de bord, le capot anti-reflets. Les vitres avant s’ouvrent par moitié en horizontale.
Ces dessins sont datés du 5 mars (droite) et 24 mars 1965 (ci-dessous). Le panneau de custode nervuré ne sera pas retenu, pas plus – économie oblige – que la trappe de remplissage d’essence ni les phares carrés (on se contentera de phares ronds englobés dans un enjoliveur anguleux). Autre différence notable, la face avant très verticale, avec une calandre rappelant un peu celle de la « Dalat » vietnamienne. Telle quelle, cette proue sera refusée par Citroën, ce qui permettra à René Ducassou, selon son témoignage, de « dessiner quatre mois de plus ». La scène évoque ce pays basque cher au dessinateur, qui en est originaire.
Le 9 avril 1965, deux versions sont dessinées : un « modèle de campagne » marron et un « modèle de ville » vert, avec plus de luxe et plus de pièces chromées.
Une naissance illégitime avenue d’Ivry : la Dyane 255
citrovisie ISBN 978-90-831417-8-7
9 789083 141787
Si l’on excepte le domaine très particulier des véhicules militaires, seule activité survivante de la glorieuse aventure de Panhard & Levassor, l’aventure commune entre la marque doyenne et Citroën aura duré un peu plus de douze années. Plus exactement, d’avril 1955 à septembre 1967, date de sortie de la dernière voiture de tourisme Panhard, la 24, dont nous entendons par ailleurs remettre en lumière la riche carrière. Quoi qu’on en pense, l’héritage Panhard n’est pas nul chez Citroën. Grâce aux hommes et aux méthodes issus directement de l’avenue d’Ivry, le constructeur de Javel a nettement enrichi son savoir-faire. Plus de cinquante ans ont passé, et nous pensons qu’il est temps aujourd’hui de jeter un regard objectif sur cette période, en dépassant certaines rancunes encore tenaces. On ne peut réécrire l’histoire, mais on peut la faire découvrir à tous ceux que les deux marques intéressent, ou simplement à ceux qui sont curieux de l’histoire automobile dans sa globalité.