Rapport de stage ENP

Page 1

Takano landscape planning

3 MOIS AU JAPON Maîtrise d’oeuvre 3ème année Claire Duthil

INSA CENTRE VAL DE LOIRE - DÉPARTEMENT ÉCOLE DE LA NATURE ET DU PAYSAGE


2


POURQUOI LE JAPON ?

E

n 3ème année, la notion du projet de paysage devient plus concrète. J’avais envie de voir comment fonctionnait une maîtrise d’oeuvre, mais surtout de découvrir une autre façon de penser le projet et plus que ça, le métier de paysagiste. Ainsi j’ai choisi de faire un stage à l’étranger, et plus particulièrement au Japon. J’étais attirée par l’attachement ancien du pays à ses paysages, à leur façon différente de ressentir le lien entre le bâti et l’espace qui l’entoure. Je voulais voir comment ces concepts pouvaient être appliqués dans une agence, et si l’on pratiquait le projet de la même manière à l’autre bout du monde. J’ai donc trouvé l’agence Takano Landscape planning co., petite structure au milieu de la campagne japonaise.


4


SOMMAIRE LE JAPON

8......Le choc culturel 10...Géographie 12...Hokkaido 16...Le paysage

PROJETS PHARES

38...Tokachi millenium forest 44...Festival des jardins 46...Tokachi ecology park 50...Takino hillside park 54...Aire de jeux 56...Jardin Kahn

L’AGENCE

22...Histoire 24...Situation 26...Organisation 30...Vie à l’agence 32...Méthode

EN CE MOMENT

60...Hôtel daishu 64...Onsen 66...Jardins thérapeutiques 70...Karikachi garden 74...Bilan


6

Le Japon, pays du soleil Levant.... Un pays où des paysages incroyables se côtoient. Un pays où la notion du travail est complètement différente de celle de la France. Où la communauté prend une place incroyable dans la société. Où l’on est un peu perdu au premiers abords en tant que français.


LE JAPON


8

LE CHOC CULTUREL ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

Ayant choisi de faire un stage dans un pays très différent de la France, il me semblait important de commencer ce rapport par une partie explicative sur le Japon. En effet, le dépaysement rencontré sur les terres nippones, les différences entre nos deux cultures me semblent importantes à comprendre pour mieux comprendre la philosophie de l’agence. Le Japon est un pays où la fierté reste un principe d’une importance énorme, tout comme la politesse à l’extrême, et l’application dans ce que l’on fait. C’est aussi un pays où l’on va trouver autant de traditions encore très présentes, que de gadgets modernes dans tout les coins de rue. Il est assez incroyable de voir tout ces contrastes. Des contrastes que l’on a pu retrouver dans certains projets, mais surtout dans la façon de travailler de l’agence. J’étais partie sans trop savoir à quoi m’attendre, mais les différences m’ont souvent marquée. Ayant effectué mon stage avec Sara-linh au fin fond de la campagne japonaise, j’ai pu m’immerger complètement dans la vie japonaise, pour le meilleur et pour le pire !



10

GÉOGRAPHIE

QUELQUES GÉNÉRALITÉS... Nombre d’habitants : 127M Superficie : 377 000km² Langue : Japonais Capitale : Tokyo 3ème puissance économique mondiale Régime : monarchie constitutionnelle

UN PAYS AUX PAYSAGES VARIÉS

Le Japon est le siège de nombreux contrastes. Constitué de 6 852 îles, on le divise souvent en quatre îles principales. Du Nord au Sud, Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyushu. Quatre îles qui, si elles sont soumises à différents climats, de tempéré à subtropical, sont soumises à un même élément omniprésent : la montagne. En effet les montagnes occupent 71% du territoire nippon. Les Alpes japonaises s’étirent sur 1800km sur l’île d’Honshu. C’est la première chose qui m’a marquée lors de mon arrivée au Japon. Où que l’on soit, les montagnes sont proches. Elles se présentent à l’horizon au dessus des grandes étendues cultivées, mais s’imposent aussi dans la ville. Même dans les grandes villes comme Sapporo à Hokkaido, la montagne est partout présente, faisant concurrence aux immenses buildings et aux publicités qui défilent dans les rues, comme un rappel que malgré tout, la nature n’est pas si loin. Les Japonais sont donc contraints de vivre sur le littoral, entre mer et montagne. Il est donc étonnant de voir une population 2 fois supérieure à celle de la France, sur un territoire restreint (moins de 24% de terre cultivables!), et capricieux ! En effet la vie ici n’est possible que grâce à la rigueur du peuple japonais, qui a su s’adapter aux diverses catastrophes naturelles s’attaquant à l’île du fait de sa position à l’encontre de 4 plaques tectoniques. Séismes, Tsunami, Typhons... Rien n’épargne le Japon. Mais un esprit de communauté et de nombreuses réglementations quant aux constructions et au attitudes à adopter en cas de catastrophe en font un pays très résilient. Les paysages sont donc marqués par cette topographie particulière, mais aussi par le climat très différent du Nord au Sud. N’ayant pour le moment vu que le Nord du Japon et l’île d’Hokkaido, j’ai surtout pu profiter des grandes forêts de bouleaux dont les sous-bois sont envahis par le Bambou Sasa, et les champs immenses, le climat tempéré en faisant un endroit propice aux cultures, malgré les hivers rudes. Les images que j’ai pu voir du Sud du Japon m’en ont donné un aperçu très différent, à la végétation riche et abondante.


HOKKAIDO ET SON CLIMAT TEMPÉRÉ

Quelque part au milieu de la campagne, Takano Landscape planning

HOKKAIDO

HONSHU, SUBTROPICAL

HONSHU

SHIKOKU KYUSHU ET SA VÉGÉTATION LUXURIANTE

KYUSHU


12

HOKKAIDO

UNE ÎLE AU CLIMAT RUDE ET AU PAYSAGE MARQUÉ L’île d’Hokakido est l’île la plus septentrionale du Japon. C’est là que se trouve l’agence Takano Landscape planning co. Hokkaido est à la fois une préfecture et une région du Japon, divisée en sous préfectures. Nous étions plus précisément dans la sous préfecture de Tokachi, délimitée par les chaînes volcaniques la séparant de la partie Ouest de l’île. L’île connaît un climat assez différent du reste du Japon, plutôt tempéré mais soumis aux vents sibériens venant de la mer du Japon. Il est donc assez courant qu’elle soit recouverte de neige au moins 5 mois par an, avec des températures allant jusqu’à -20°C. En arrivant mi Avril, nous avons connu des premières semaines très froides. Les habitants s’en accommodent assez bien, possédant nombreuses pelles de déblai et pneus neiges. La ville principale, Sapporo, possède un réseau souterrain assez impressionnant. C’est à Hokkaido qu’on va trouver le plus grand nombre de cultures au Japon. Riziculture, mais aussi légumes variés. La tendance est au grands champs de terre nue, avec très peu de protection arbustive. Les villages de pêcheurs sont aussi très nombreux, et approvisionnent une partie du Japon. Comme le reste du Japon, l’île est marquée par ses montagnes. Il est assez saisissant de voir ces grandes étendues de champs s’arrêtant au pied de hautes montagnes enneigées. Si elle est très cultivée l’île a aussi une grande part de forêt. On trouve ici principalement d’immenses forêts de bouleaux et de conifères, dont les sous bois sont envahis par le bambou. Nous avons été assez étonnées au début, de ne voir que ce bambou Sasa en sous bois. Il est ici très courant, et s’étend rapidement, empêchant toute autre espèce de prendre le dessus. Hokkaido est aussi réputée pour ses nombreux onsen. Onsen désigne en japonais à la fois une source chaude géothermique et les bains publics qui y sont souvent installés. Dû à la nature volcanique du sol japonais, l’eau peut avoir différente caractéristiques, riche en soufre, chlorure de sodium ou encore en fer. Les onsen sont très populaires au Japon, et beaucoup de Japonais s’y rendent plusieurs fois par semaine pour profiter des vertus du bain.


L’île n’a été colonisé qu’au XIXème siècle. Auparavant, elle était habité par le peuple Ainu, très respectueux de la nature. En seulement quelques années, l’Homme a réussi à faire reculer les forêts jusqu’au montagnes, remplacées par des grandes étendues de champs...


14

Le feng-shui est caractérisé par quatre animaux : tortue, dragon, tigre et phénix. Leur disposition favorise la circulation des influences propices et l’expulsion des néfastes.

LA SOUS PREFECTURE DE TOKACHI L’agence se situe au cœur de la région de Tokachi, su Sud Est de l’île. Cette région a un contexte particulier par rapport au reste d’Hokkaido, puisqu’elle est cernée par les montagnes. Il y a quelques millénaires, la région entière était sous l’eau, formant un lac immense. Ce lac s’est peu à peu transformé en zone humide, qui se sont peut à peu couvertes de forêts. Aujourd’hui, et depuis la colonisation d’Hokkaido, la région est couverte de champs immenses, prenant le pas sur la forêt. Nous avons été marqué par ces grandes étendues de terre nue. Lors de grands vents, on croirait presque à des tempêtes de sable... Cependant, la région connaît une grande richesse écologique le long des montagnes. L’agence Takano se base souvent sur des principes de feng shui, bien loin des dispositions de décorations, mais plus proche des équilibres de la nature, décelés dans la topographie et les éléments principaux. Ainsi selon cette discipline, la région a aussi une position idéale. En effet, le fait d’être entourée de montagnes lui confère une assise « confortable », et la forme même des montagnes, très escarpées, rappelle le dos d’un dragon, signe de puissance.


TORTUE NOIRE LE DRAGON BLEU

LE TIGRE BLANC

LE PHÉNIX ROUGE

Région de tokachi, feng shui


16

LE PAYSAGE

DES JARDINS TRADITIONNAUX AU «LANDSCAPE ARCHITECT»

Le rapport à la nature et au paysage et à la nature est profondément ancré dans la culture japonaise. Il prend source dans la religion shintoiste, où chaque élément, fleur ou montagne , est une manifestation des dieux. Ainsi les japonais entretiennent un rapport étroit avec la nature. On le ressent beaucoup dans les sanctuaires shintos. Contrairement à nos églises chrétiennes, l’espace sacré est ici autant extérieur qu’intérieur. Des portiques sont disposés à l’extérieur, pour marquer plusieurs seuils, souvent renforcés par des jeux de topographies. Le sanctuaire est donc un ensemble, le cheminement qui y mène, mais aussi le rapport du bâti à ce qui l’entoure. C’est l’ensemble qui en fait un lieu très paisible, autant pour l’homme que pour les animaux qui l’habitent. Les jardins japonais ont aussi beaucoup fait parler. On les suppose importés comme l’écriture japonaise, de Chine. On y trouve plusieurs éléments caractéristiques, comme la présence de l’eau souvent sous forme de ruisseau, les collines miniatures, mais aussi une forte présence minérale. C’est surtout à l’époque Kamakura (XIVème siècle), que le concept zen va s’installer dans les jardins japonais. On y retrouvera alors mousse, arbres et étangs en bas, et un jardin sec en haut, représentant le monde épuré de la méditation. C’est souvent ce symbole qui est le plus connu en Europe. Enfin et surtout, le jardin « japonais » est source de contemplation. On y trouve souvent un abri, d’où l’on peut apprécier les changements de saison et l’évolution du jardin. Aujourd’hui, seuls des vieux maîtres japonais maîtrisent l’art du jardin japonais tel qu’on le connaît en Europe. La plupart de nos jardins sont d’ailleurs des répliques de jardins symboliques, ce qui nous amène à oublier que le jardin japonais est plus que le jardin zen, c’est un jardin qui raconte une histoire, et dont la symbolique est profondément lié à son environnement et donc au paysage alentour, incitant à la contemplation et au respect de ce dernier. Si le paysage est ancré dans la culture japonaise, il n’empêche que le paysagiste concepteur a aussi du mal à se faire connaître ici, et justement à se détacher des créateurs de jardins traditionnels. Takano-san, créateur de l’agence, tente aujourd’hui de faire connaître ce métier aux plus jeunes, notamment au cours d’une option spéciale dans le lycée de la région, où il dispense des cours magistraux.



18

«We’ve got artists eyes We’ve got scientist’s brains We’vve got poets’ hearts We are landscape architects» Fumiaki TAKANO


L’AGENCE


20


QUEL TYPE D’AGENCE ? L'agence Takano Landscape planning s'est construite autour de trois concepts, qui se sont développes petit à petit : Le design, l'écologie, et la participation. C'est donc une agence qui tente dans la mesure du possible d'aborder ses projets dans un principe de slow design, en prenant le temps de prendre l'avis des habitants, et de passer beaucoup de temps sur site. L'agence traite majoritairement avec des clients du privé. Elle s'est distinguée par de nombreux parcs à plus ou moins grande échelle, et très peu d'urbain.


22

L’HISTOIRE

le déménagement

Le Japon connaît un fort essor économique. Le prix du loyer à Tokyo augmente. Pour ne pas avoir à accepter trop de projets dont des projets non voulus, l’agence se déplace. L’île d’Hokkaido est finalement sélectionnée, où une vieille école de campagne de la région de Tokachi devient le nouveau bureau.

DE TOKYO A TOKACHI

Amba Mountain Park Création de l’agence

Takano-san travaille encore seul. La majorité des projets abordés sont des parcs pour enfants.

1975

L’agence essaye de plus en plus d’intégrer la participation des habitants au processus de projet. Il est tout d’abord difficile de trouver un équilibre entre l’envie des communautés, et ce que peux apporter le paysagiste au niveau du design.

1990

Tokachi millenium Forest


Aujourd’hui

L’agence tente dans chacun de ses projets, de rester fidèle aux principes qu’elle s’est donnée. Associer une approche écologique et participative du projet, tout en y apportant le regard du paysagiste designer.

Tokachi Ecology park

Après le projet de la Millenium forest, l’aspect écologique est de plus en plus intégré dans les projets

2000

Hokkaido garden show

Les jardins sont à la mode... A la demande du propriétaire de la Millenium Forest, et après une visite à Chaumont-sur-Loire, la première édition d’un festival de jardin se tient à Hokkaido.

2012


24

SITUATION

UN CONTEXTE PARTICULIER, PLUS ADAPTÉ À LA MENTALITÉ DE L’AGENCE

Avec la hausse des loyers à Tokyo, l’agence a préféré se déplacer plutôt que de devoir accepter trop de projets pas forcément en accord avec ses principes. C’est comme ça que Takano Landscape planning s’est retrouvé un fin fond de la campagne de Tokachi. Les locaux sont ceux d’une vieilles école de campagne, et comprennent donc cuisines, gymnase, salle de musique... Parfois encore utilisés par les habitants des alentours. Habitants d’ailleurs peu nombreux, car l’agence est uniquement entouré de grandes étendues de champs à perte de vue. De temps en temps, on aperçoit la maison d’un fermier, ou une voiture qui traverse les longues routes droites. Cet emplacement m’a tout d’abord paru très incongru pour une agence de paysage. Takano-san nous a ensuite expliqué les avantages qu’ils en tiraient : loyer bas, un grand terrain d’expérimentation devant l’agence pour des maquettes au 1/10ème, et surtout des projets plus en accord avec la philosophie de l’agence, dans la région de Tokachi (parcs naturels, onsen...). Cependant, pour obtenir plus de projet, l’agence a tout de même une filiale à Sapporo, la grande ville d’Hokkaido, mais c’est la branche de Tokachi qui reste principale. J’ai été encore plus étonnée quand nous avons découvert d’autres agences, d’architectes par exemple, aux alentours, dans les même conditions !


LOGEMENT DES STAGIAIRES

TAKANO LANDSCAPE PLANNING CO.


26

ORGANISATION QUI ?

Takano-san a crée l’agence dans les années 70. Il a donc commencé seul, après des études de paysage au Japon puis aux Etats-Unis. En travaillant à Tokyo, il a fait la rencontre d’autres paysagistes concepteurs comme Ueda-san ou Kanekiyo-san, toujours présents à l’agence. Aujourd’hui, Takano-san prend doucement sa retraite (il est encore beaucoup présent à l’agence), et c’est Kanekiyo-san qui gère l’entreprise. Elle est composée de cinq paysagistes et de deux personnes gérant l’administration. Un architecte, Araki-san est aussi souvent présent à l’agence, pour travailler en collaboration sur certains projets. Il arrive de même que l’équipe fasse appel à un paysagiste concepteur travaillant à son compte, Nakasawa-san, qui se déplace depuis Tokyo. L’équipe travaille sur de nombreux projets différents, même si pendant notre stage, certains sites se trouvaient faire partie d’un même complexe d’onsen. Pour chaque projet, on retrouve un chef de projet, et ses collaborateurs. Au fil des années, certains employés sont restés dans des pays étrangers, et ont créés des filiales de TLP, notamment à Taiwan et en Malaisie. L’agence est aussi associée à l’Atelier Zoo à Paris. Ici, malheureusement, les stagiaires servent principalement de petites mains en plus. Nous n’avons pas été directement impliquées dans les projets, mais plutôt dans des tâches minimes : retouche de maquette, dossier de référence, recherche de plante, voire même scans ou collage...


comment l’agence représente son évolution

Les autres symboles représentent les différentes particularités de l’agence : design, écologie et participation, qui se sont melées au fil du temps.

MALAISIE

FRANCE

TAIWAN


28

OHAYO GOZAIMASU ! AKAMINE-SAN UNE PETITE ÉQUIPE

(du côté des stagiaires) Paysagiste conceptrice Formation d’architecte Celle qui nous a le plus impliqué dans des projets, et amené sur les sites. Toujours très occuppée

MAO

stagiaire Récemment diplômée, Mao cherche à découvrir d’autres façon de travailler en voyageant

UEDA-SAN

Paysagiste concepteur Formation d’architecte à l’université de science de Tokyo

MIDO-SAN

Administration La plus présente pour les stagiaires, et pour nous apprendre quelques mots de japonais


NAKA-SAN

KANEKIYO-SAN

ICHII-SAN

Paysagiste concepteur, directeur Administration représentatif Toujours un sourire ! Diplômé de l’université de Chiba, en arts et paysage Le plus généreux en conseils. Il tourne constamment dans l’agence pour voir tout le monde.

Paysagiste conceptrice Diplômée à l’université d’arts et design de Kyoto Responsable des relations internationales, toujours très concentrée sur le projet d’onsen

BAKU-SAN

Paysagiste concepteur Diplômé de l’université d’Arts et d’architecture de Waseda.

TAKANO-SAN

Paysagiste concepteur, fondateur de Takano Landscape planning Diplômé de l’université d’Hokkaido, section architecture Diplômé de l’université de Georgie (USA), section design environnemental Très impliqué avec les stagiaires Il a pris le temps de nous expliquer la philosophie de l’agence et de nous faire visiter d’anciens projets


30 COIN DES MAQUETTES ET DES STAGIAIRES

LA VIE À L’AGENCE

UNE AUTRE FAÇON DE PENSER LE TRAVAIL

La mentalité japonaise concernant le travail est assez différente de celle des français. Ici, l’important, c’est de montrer sa présence, et ce le plus possible. Aussi à notre grand étonnement, nous avons découvert à notre arrivée que l’équipe mangeait à l’agence matin, midi et soir. Ce qui est justifié par une présence constante. Tout nous indiquait, autant sur le papier que sur la présentation de l’agence, des horaires habituelles : 9h-18h. En réalité, personne ne compte ses heures supplémentaires, qui semblent ici plus que normales. Ainsi quand nous arrivons à l’agence le matin, il est récurrent de trouver toute l’équipe déjà au travail et ce jusqu’à plus de 23h, tout les jours. Nous avons été tout aussi étonnée de voir que la plupart des membres de l’agence travaillaient le week-end ainsi que les jours fériés, avec les même horaires. A côté de ça, il arrive souvent que quelqu’un s’endorme sur son bureau. Le rythme de travail est aussi assez lent, avec des reprises jusqu’au dernier moment. Bref, la présence constante n’est pas un gage de productivité. En tant que stagiaires, nos journées étaient légèrement moins longues mais se terminaient souvent aux alentours de 21h ou 21h30. L’agence est ici une petite communauté. La cuisine se fait tour à tour, on nettoie l’agence de manière collective, les sorties se font aussi ente collègues... Ce mode de vie a été dur à accepter pour nous. Combinés avec le choc des cultures et de la langue, les journées nous ont souvent semblé très longues, d’autant plus qu’assez improductives puisque l’équipe ne nous a pas toujours trouvé du travail.


CUISINE

COULOIR/ BIBLIOTHÈQUE/ ACCUMULATION DE SALLE DE MUSIQUE MAQUETTES


32

MÉTHODE

AVANCER PAS À PAS La façon de travailler le projet de l’agence diffère en certains points de ce que l’on apprend à l’ENSNP. Ce qui nous a le plus marqué ici, c’est la manière de représenter le projet. L’agence ne travaille pas du tout avec un système de vues d’ambiances ni de mise en page, que ce soit pour les dossiers ou les présentations. On va trouver ici, à chaque étape du projet, une maquette représentative, qui sera modifiée au fil des changements d’idées. Kanekiyo-san nous a expliqué que cette méthode leur avait toujours semblé plus véridique et plus simple pour la discussion autour d’un projet, que de se baser seulement sur des plans et des dessins. On trouvera donc une maquette de situation après avoir pris les mesures sur le terrain, une maquette à plus petite échelle avec les premières idées du projet, puis souvent une maquette au 1/50ème (suivant la taille du site), pour montrer chaque détail. Cette maquette sera modifiée tout au long du projet pour pouvoir en discuter en équipe, et surtout la montrer au client. Cependant, aucune vue n’y est jamais ajoutée. Les maquettes sont donc réalisée à l’aide d’une argile très modelable, qui permet de tout changer au fur et à mesure. L’équipe va parfois jusqu’à réaliser des maquettes au 1/20ème ou au 1/10ème sur le terrain en face de l’agence pour mieux se rendre compte des volumes et des ombres. Les maquettes ne sont pas forcément très esthétiques, il s’agit surtout d’être juste. (l’argile utilisée a un rendu assez douteux à côté du carton plume, mais elle est très pratique). Le reste du travail se fait entièrement sur autocad et parfois skecthup (sans retouches) N’ayant jamais travaillé dans une agence française, je ne peux pas réellement comparer, mais j’ai été assez étonnée par la façon de toujours revenir sur des grosses parties du projet jusqu’au tout dernier moment. La façon de travailler ici m’a paru assez lente par ce point. C’est aussi un aspect que revendique l’agence pour de nombreux projets, le « slow design », avec de nombreux retours sur le terrain, une observation du site sur la longueur, et une grande patience sur les projets. Il n’est pas rare sur certains projets, que l’équipe participe à la réalisation, pour être sûr de trouver les bonnes pierres, les bon points de vue, et pouvoir revenir sur le principe même tout au long de la construction. Ainsi pour un projet en forêt, l’équipe a attendu plusieurs années après avoir éclairci les sous-bois, pour observer la diversité qui s’y développer, et décider en dernier de l’emplacement des chemins et de certains points de vue, selon leur ressenti en se baladant.


PLAN 1/1 D’UN BASSIN D’ONSEN

MAQUETTE 1/10ÈME EARTH GARDEN


34

Takano-san a pris le temps de nous expliquer plusieurs projets ayant marqués l’agence et ses principes. M’intéresser à la méthodologie de l’agence a été une des plus grandes part de ce stage, notre participation par ailleurs ayant été minime. C’est l’observation qui nous a beaucoup apporté


LES PROJETS PHARES


36

QUELQUES PRINCIPES slow design

Pour Takano-san, le slow design, c’est une manière différente de réfléchir à un projet. C’est réellement le site qui va définir le projet, sur plusieurs année. Il s’agit d’observer les modifications qui s’opèrent après quelques changements, et d’y adapter au fur et à mesure les étapes suivantes du projet.

Dynamic design

Le Desgin «dynamique», c’est une façon de réellement impliquer les personnes concernées par le projet à sa conception. Ainsi au lieu de demander une fois le projet défini son avis à la population, c’est elle qui va définir le projet. En invitant les habitants sur le site, en observant leur manière de se l’approprier, on a une autre manière de voir le projet.


ĂŠcologie

participation

design


38

1996-1998 2004-2008

TOKACHI MILLENIUM FOREST PROJETER SUR LE LONG TERME

Ce qui est tout d’abord étonnant dans ce projet, qui est devenu un symbole de l’engagement écologique de Takano Landscape planning co. c’est que la demande vient d’un des grands propriétaire de la région de Tokachi, l’entreprise du journal local. En effet, cette forêt, située proche des montagnes de Hidaka était à l’origine destinée à la production de papier, notamment pour le journal. Le patron de l’entreprise a cependant décidé un jour d’en faire un lieu touristique, ouvert aux visiteurs, et a pour cela fait appel à TLP pour ce projet. Mais Takano-san a voulu imposer au projet une direction plus globale que le simple tourisme, en faire un lieu durable, qui pourra se reconstruire dans le millénaire à venir, d’où le nom Tokachi Millenium Forest. Après les négociations avec le client, le projet s’est donc axé sur plusieurs points : Des études du potentiel écologique du milieu, une recherche sur le côté touristique (comment attirer des gens tout en respectant la forêt et les écosystème présents ?), et comment se servir de la forêt comme un point d’apprentissage pour les visiteurs. Le projet s’est donc construit, comme Takano-san l’appelle, dans un «slow design», c’est-à-dire au fur et à mesure et sur le terrain.


Client : Tokachi-Mainichi Newspaper Taille du projet : 400ha Temps de conception : 2 ans Temps de réalisation : 4 ans Du masterplan à la réalisation Collaboration avec Dan Pearson et l’Atelier Zo. Situation : Tokachi


40

LE POTENTIEL ÉCOLOGIQUE : Pour étudier le potentiel du milieu, Takano-san s’est à la fois basé sur une approche occidentale : déceler les espèces présentes et les différents milieux existants dans la forêt, mais aussi sur une approche chinoise, par le feng shui. Le feng shui est souvent associé aux petites superstitions qu’on lui confères aujourd’hui, et à la décoration intérieure... Dans ses principes de bases, il tend à expliquer les grandes forces de la nature, et les liens qui se forment entre elles. Il est donc souvent lié aux corridors écologiques, et à la nature même d’un lieu. La topographie de la forêt, encadrée par les montagnes, et les différents éléments qui la constituent, en faisaient un lieu tout autant propice à une richesse écologique, que puissant en terme de feng-shui.


SLOW DESIGN Pour attirer des gens, et créer de nouveaux espaces, il a été décidé de créer plusieurs jardins au sein de la forêt. Ces jardins ont été crées en collaboration avec Dan Pearson, paysagiste anglais. Le principe de base est toujours resté de ne pas réellement perturber l’équilibre de la forêt. Sa réorganisation s’est donc fait selon ce que Takano-san appelle le design par soustraction. Ainsi on enlève des éléments un à un, pour révéler la beauté primaire de la nature. Ici, la première action a été de débarrasser les sous bois de la forêt du bambou sasa qui les envahissait.C’est encore une autre facette du projet, le « slow design ». La forêt a été débarrassée de son envahisseur petit à petit, avec une attention constante qui a permit à la diversité originale des sous bois de se réinstaller. Ainsi il a suffit d’attendre pour voir de nombreuses espèces reprendre leur droits. Ainsi en plus d’augmenter la biodiversité, on permet l’accès au visiteur, jusque là bloqué par le bambou L’agence a d’abord attendu que la végétation s’installe avant de décider de l’emplacement du cheminement, et de quelques promontoirs et points de vue.

SOUS-BOIS ENVAHIS PAR LA SASA

Disporum smilacinum

Glaucidium

PLUSIEURS ANNÉES APRÈS ÉCLAIRCISSMENT

Anemone flaccida


42

Au niveau des jardins, 6 espaces sont créés : La jardin de la forêt, le jardin de la terre, le jardin de l’eau, le jardin du ruisseau, de la ferme, et de la prairie. Dans chaque jardin, on applique le même principe : rien n’est apporté, rien n’est enlevé (ou le moins possible!). Ainsi, dans le jardin de la terre, on crée du mouvement sur un sol plat grâce à de nombreux déblais/ remblai. Dans le jardin du ruisseau, on crée un petit cours d’eau grâce à des troncs d’arbre de la forêt elle-même et des pierres des montagnes. Le jardin de la forêt se matérialise seulement par un dégagement des sous-bois, et une démarcation de certains endroits par des formes simples. Une arche pour l’entrée, ou encore un éclaircissement autour d’un bel arbre pour lui permettre de se développer sur le long terme. Ce design lent et propre au site, a nécessite une présence constante de l’agence, qui a participé avec Dan Pearson, à la réalisation pas à pas du projet. La forêt évolue maintenant depuis plus d’une dizaine d’années. Elle est devenue l’un des symboles de la région, mais aussi de l’esprit de l’agence, à la fois dans la participation, l’écologie et le « slow désign ».

Jardin de la forêt

jardin de l’eau jardin de la terre

prairie ferme

jardin du ruisseau


meadow garden

The earth garden

Forest garden


44

Disposition des jardins à Hokkaido

HOKKAIDO GARDEN SHOW LES JARDINS À LA MODE

Récemment, la mode des jardins s’est répandue un peu partout dans Hokkaido, où les élus ont tenté de créer un « chemin des jardins ». Dans cette optique, le client de la Millenium forest a tenté de convaincre Takanosan de l’aider à créer un festival de jardin au sein de la forêt. Cependant, la plupart des festivals sont des événements très brefs, avec des jardins plus qu’éphémères (quelques jours), et donc en désaccord avec l’esprit du projet initial. Mr Takano a d’abord refusé, puis après avoir découvert le festival de Chaumont sur Loire a trouvé l’idée de jardin certes éphemères, mais plus pérennes, intéressante et applicable à Hokkaido. Le festival d’Hokkaido est cependant assez différent de Chaumont-sur-Loire. Il s’organise autour de jardins « invités », choisis par les organisateurs, et d’un concours autour d’un thème ouvert à la jeune génération de jardiniers et paysagistes. Ainsi on trouve une douzaine de jardins en tout. La principale liberté et différence par rapport à un festival comme Chaumont-sur-Loire, c’est celle de choisir l’espace où installer son jardin, et la dimension de ce dernier. Les concepteurs peuvent alors adapter un concept en accord avec l’environnement qui l’entoure. Le festival ne se tient que tout les quatre ou cinq ans, et les jardins restent pendant cette période. Il se tient donc à différent endroits selon les années. Pour le moment, seules deux éditions se sont déroulées, en 2012 et 2015


taketani hidoshi INVITÉ

nakatani koichiro INVITÉ

fernanda elias CONCOURS


46

1998-2004

TOKACHI ECOLOGY PARK LE DESIGN DYNAMIQUE

La région de Tokachi a connu de grands changements depuis l’installation de l’homme. Si celle-ci est récente sur l’île d’Hokkaido (XIXème siècle), elle a suffit à bouleverser le paysage. Ce qui n’était auparavant que forêts, montagnes et zones humides est aujourd’hui recouvert de champs. Peu de forêts et de cours d’eau naturels y ont résisté. Ce n’est que ces dernières années que les politiques locales ont commencé à se préoccuper de l’importance des forêts perdues, à la fois écologique, mais aussi comme brise vent dans la vallée. Ainsi les politiques actuels ont encouragé la replantation de forêt autour d’Obihiro, et tentent ainsi de créer un « cercle vert » autour de la ville. Le parc s’inscrit dans cette logique. Il devait au départ surtout être basé sur un tourisme attractif et donc de nombreuses constructions.L’agence Takano ayant plutôt proposé une approche écologique, et invitant à la conservation des espaces, elle a d’abord été écarté du projet, pour finalement y revenir un peu plus tard.


Client : Hokkaido prefecture Taille du projet : 141ha Temps de conception : 6ans Conception Situation : Tokachi


48

PARTICIPATION Le projet s’est ainsi axé autour d’une conception dynamique. L’agence a souhaité intégrer les citoyens du début à la fin, et créer le parc avec eux.Ainsi un bâtiment a été rénové pour accueillir de nouvelles activités, un parc pour enfant a été construit. Pour ce faire, l’équipe a campé sur le site avec les habitants, et a observé comment les enfants s’amusaient de peu. Ainsi des interventions minimes ont été faites, accompagnées par des installations marquantes comme de grands gonflables où peuvent sauter les enfants.


ÉCOLOGIE Au niveau écologique, des points d’observation ont été mis en place pour observer le site à différentes périodes de l’année. La forêt s’est revelée très dense en été, et a donc été légerement éclaircie. Le site jouxtant un cours d’eau, l’agence a aussi décidé d’en faire un déversoir. En cas de crue, le parc est donc immergé créant un nouveau paysage et apportant de nouvelles graines. L’ensemble du parc tente d’être en accord avec la nature environnante, et de l’accepter plutôt que de la repousser. De même, une grande prairie est seulement modifiée par la gestion qu’on lui impose suivant les saisons, laissant apparaître de nouvelles espèces chaque année. Ainsi elle change d’aspect et modifie le parc sans intervention radicale. Un ruisseau a aussi été amené. Toujours dans l’optique de conception dynamique, l’équipe a observé où coulait naturellement l’eau, pour renforcer cette topographie, dont les courbes se distinguent même lorsque le ruisseau est à sec.

L'ensemble du parc s'est donc construit de manière progressive, en accord avec les citoyens et avec la nature. Aujourd'hui encore, de nombreux dispositifs sont mis en place pour impliquer le visiteur, comme des logiciels dans le bâtiment principal permettant de noter toutes les nouvelles plantes observées ou des ateliers avec les enfants sur la végétation du parc.


50

1998-2000

TAKINO HILLSIDE PARK LES JEUX POUR ENFANTS

Si la philosophie de l’agence est grandement basée sur la participation et l’écologie, certains projets font aussi preuve de design affirmé et de collaboration avec d’autres professions artistiques. Mr Takano a commencé à travailler avec des projets de jardins pour enfants, un intérêt qu’il a gardé au fil des années. Ainsi ce projet, un terrain de jeu pour enfant dans un parc proche de Sapporo, l’a forcément intéressé. Ce projet est basé autour d’un concept de base assez inhabituel, les nids d’insectes. En effet l’agence avait trouvé qu’en plus d’apporter aux enfants un intérêt pour la nature, les nids peuvent offrir des terrains de jeux et d’aventures aux sources infinies. Ils ont donc créés des nids à taille humaine, pour permettre aux enfants d’avoir l’impression d’avoir soudain la taille de petits organismes. Ainsi après avoir étudié de nombreux habitats, le choix s’est porté sur différents insectes ou animaux.


Client : Hokkaido developpment agency Taille du projet : 1.8ha Temps de conception : 2ans Collaboration avec Toshiko Macadam Situation : Sapporo Conception

LES TERMITES Tout d’abord les termites. Avec des nids en hauteurs et des galeries souterraines, leur système de nidification offre un espace de labyrinthe et de jeux infini. De plus la forme du nid rend possible de nombreux jeux de lumières dans la structure. La structure mesurant plusieurs mètres de haut, elle offre aussi un point de vue remarquable sur le reste du parc


52

OISEAUX On trouvera aussi des nids d’oiseaux, construits comme des cachettes pour les enfants.


ARAIGNÉES Comme autre inspiration, les araignées et leurs toiles incroyables ont aussi marqué l’équipe. Avec l’aide d’une artiste spécialisé dans les tissus, Tokisho Macadam, ils ont ainsi pu créer une toile multicolore dans un domecolline, une œuvre d’art permettant aussi le jeu et l’apprentissage.

Ainsi l'agence tente toujours de collaborer avec des artistes, pour travailler en parallèle sur le contexte et sur les œuvres ellesmêmes, et qu'aucun des deux ne soient isolés. Une œuvre n'aura pas la même valeur suivant la place qu'elle occupe, et le rapport qu'elle a dans son ensemble, un regard que le paysagiste peut apporter.


54

AIRE DE JEUX

LE PROJET PAR LES HABITANTS

En tant que paysagiste, Mr Takano a souvent trouvé que le concepteur mettait parfois trop de lui sans tenir compte de l’envie des habitants. Du design pour du design en somme. C’est ce qui l’a encouragé à pousser l’agence vers des projets participatifs. L’un des premiers projets de ce type est un parc pour enfant, à l’échelle d’un quartier, rendant donc plus facile l’implication des habitants. Ainsi, le projet est réellement créé par les habitants, en plusieurs étapes. L’agence a pour cela organisé des workshops, pour recueillir les envies des habitants quant à l’aire de jeu. Les enfants se présentent, et dessinent leurs envies, les jeux qu’ils aimeraient retrouver dans leur parc. En même temps, les mères les accompagnant, aussi intéressées, finissent par participer et à composer à leur tour le parc idéal, bientôt suivies par les pères. Les différentes idées sont alors résumées en quatre groupes principaux. L’agence a traduit ces quatre idées en quatre projets différents, présentés lors d’une prochaine séance sous forme de maquettes. Ces maquettes ont servi de bases de discussion aux familles, pour finalement aboutir à un mélange de deux idées principales. La participation des habitants du quartier a continué lors de la construction du parc et du design. Des dalles en mosaïques sont créées avec les enfants, les habitants viennent encourager les ouvriers du chantier, et ont beaucoup plus de respect pour ce projet en construction, car ils ont été impliqués dans les décisions, et se sont approprié le parc. L’aire de jeu est aujourd’hui beaucoup utilisé. Considérant réellement le parc comme le leur, les habitants lui présentent beaucoup plus d’attention (ramassage spontané des déchets, pas de dégradation...). C’est l’un des exemples les plus marquants de l’agence dans un paysage par les habitants. Leur seul regret pour cet espace, et de n’avoir pas suffisamment réussi à apporter d’eux-même, c’est-à-dire un design plus marqué, une vision de paysagiste. Les habitants ont souvent tendance à reproduire des choses qu’ils ont déjà vu. Le rôle du paysagiste consiste alors à apporter une vision plus large, et de nouvelles idées pour créer quelque chose de nouveau. Dans d’autres projets, souvent à plus grande échelle (ville, grande entreprise...), l’agence a appliqué la même démarche avec des groupes d’habitants représentatifs, mais en tentant de synthétiser davantage les envies. Ainsi, ils ont pu à la fois prendre en compte les demandes et les idées des habitants, mais aussi apporter une vision différente et un Design plus marqué.


IdĂŠes

Concertation

4 maquettes

Participation design

Chantier


56

1990-1992

JARDINS KAHN LE JARDIN MODERNE

Alors qu’ils finissaient un projet à Paris, on a proposé à Takano-san et Kanekiyo-san de travailler sur la rénovation des jardins Kahn, plus particulièrement le nouveau jardin japonais. Après avoir établi un concept de jardin, ils ont vite avoué au client n’avoir jamais réalisé de jardin « japonais » comme on l’entend chez nous. C’est pourquoi ils ont essayé de proposer une nouvelle expérience du jardin japonais, en reprenant ses codes tout en l’enrichissant. Pour les besoins de ce projet, Kanekiyo-san est resté 2 ans en France. Ce jardin replonge dans les sources du jardin japonais : la symbolique et l’histoire plus que les codes classiques. Ainsi il repart au source de la culture japonaise, l’époque Jomon, qui contrairement à la facette la plus connue du japon, soit le zen et l’épuré, est marquée par la richesse de ses formes et de ses motifs, en particulier la spirale. Ils ont donc tenté d’appliquer des principes japonais ancien à la vie d’Albert Kahn. Le jardin est devenu un symbole de sa vie. Ainsi l’eau, toujours présente dans les jardins japonais, traverse la jardin de part en part. Elle part d’une source coulant d’une montagne de galet, représentant la naissance d’Albert Khan, puis un petit ruisseau torturé pour sa jeunesse, se déversant ensuite dans un lac central, l’apogée de sa vie, pour finir dans les chutes représentant la crise qui l’a ruiné, le menant à une spirale de galet, sa mort. Chaque étape est appuyée par un changement de pierre, de la pierre blanche et pure, à la pierre noire, en passant par la pierre rose de Bretagne. Kanekiyo-san a parcouru la France pour trouver les pierres idéales. Outre l’eau, le jardin est basé sur deux axes : Nord-Sud, marqué par deux arbres opposés représentant féminin et masculin, et l’axe est-ouest, axe de la vie. Différents jeux de topographie, avec notamment des collines artificielles typique de ce type de jardin, permettent de créer une promenade dynamique et agréable, marquée par un calendrier floral détaillé permettant au jardin de se démarquer au fil des saisons. L’agence a donc tenté de créer un jardin remontant au sources de la culture japonaise, pour aller au delà du jardin zen connu de tous, mais pour remonter à l’histoire que se doit de raconter un jardin.


Client : Prefecture des hauts de Seine Taille du projet : 1ha Temps de conception : 2 ans Collaboration avec Atelier Zo Situation : Paris Conception


58

Nous sommes arrivées pendant une période très chargée à l’agence. L’équipe était occupée par plusieurs projets sur des onsen, qui amenaient de nombreux problèmes avec les clients. Je voulais présenter ici les quelques projets dont nous avons eu un aperçu durant le stage, et les implications que j’ai pu y avoir.


EN CE MOMENT...


60

Hotel daishu

CRÉER UN POINT DE VUE FIXE

Ce projet est une demande privée, venant d’un complexe d’Onsen de la région de Tokachi. En effet plusieurs onsen ont lancé un programme de rénovation intérieur et extérieur, et deux des projets de l’agence font partie de ce programme. En ce qui concerne le Daishu Hotel, il s’agit d’un jardin faisant office de décor. En effet les bains de l’onsen en question font face à une immense baie vitrée donnant sur un espace extérieur arrondi. Ici, le contexte ne transparaît pas, puisque le terrain est entouré d’une haute clôture et de nombreux arbres (les japonais se baignent nus dans les bains publics, il est donc important d’éviter tout vis à vis avec le parc autour, servant de terrain de golf). De même, le jardin ne se visite pas, seulement visible. Les bains étant séparés entre femme et homme, on accède aux bassins extérieurs, mais on n’en sort pas, les deux parties étant seulement séparées par un haut mur.

BAIE VITRÉE DE L’ONSEN DENIVELÉ IMPORTANT DANS LE JARDIN


Vue aĂŠrienne du site

1/2000


62

PRINCIPE ET IMPLICATION L’agence a voulu créer un cadre naturel et apaisant, en profitant du dénivelé existant pour installer une cascade et des ruisseaux, entourés de rochers. L’intention originale était de décaler la clôture pour inclure les arbres extérieurs dans le jardin, et donner l’impression d’une cascade naturelle, sortant d’une forêt. Cependant, le client a finalement décidé qu’il n’était pas possible de déplacer la clôture. En même temps, le budget a été réduit, amenant à changer la nature de la cascade, tout en respectant une nouvelle demande du client qui la voulait plus haute. Je suis surtout intervenue dans les modifications de la maquette suite à ces nombreux changements, Akamine-san voulant se rendre compte en volume des possibilités. Ainsi, la cascade a été avancée pour permettre la plantation de nouveaux arbres à l’arrière, et le bassin principal, devant l’hôtel, a été légèrement réduit et rendu asymétrique, pour un côté plus naturel. J’ai trouvé ce projet très représentatif de la culture japonaise des jardins. On y retrouve l’écoulement de l’eau en méandre, mais surtout le paysage comme décor depuis un abri. Le bâtiment est à la fois partie intégrante du paysage, et incite à la contemplation. Ce projet évoque pour moi un décor de théâtre plus qu’un jardin : il n’est pas fait pour être parcouru et ressenti, mais seulement pour être apprécie de différents points de vue. Ainsi il a été très important dans la maquette de situer les différentes fenêtres du bâtiments d’où l’on pouvait percevoir le jardin, pour ressentir chaque vue. Le travail en volume était pour cela très utile. Ce projet m’a permis de voir tout les ajustements à faire sur une phase avancée.

DEPUIS LES BAINS, LE CLIENT POURRA VOIR CASCADE ET RUISSEAU

POINT DE VUE DEPUIS LES FENÊTRES


maquette au 1/50ème CASCADE

MUR DE SÉPRATION BASSIN DÉCORATIF


64

Onsen

BASSINS ET RUISSEAUX

Ce projet fait partie du complexe d’hôtels et d’onsen en rénovation dans la région de Tokachi. Le projet est travaillé en contact direct avec les architectes, pour avoir un vrai lien entre intérieur et extérieur. Il s’agit donc de créer des bassins, ainsi que des jardins, ou des scènes, visibles depuis ces derniers. L’équipe travaillant sur ce projet était assez frustrée car les budgets sont de plus en plus réduits en faveur du bâti. Nous sommes seulement intervenues au niveau de modifications de taille du bassin et du ruisseau, après les réductions de budget.


maquette au 1/50ème


66

Jardin thérapeutique

CRÉER UN ENVRIONNEMENT AGRÉABLE POUR LA RÉÉDUCATION

Ce projet est encore au stade d'esquisse. Il concerne le jardin d'un futur centre comprenant une maison de rééducation avec des patients pouvant rester un jour ou plusieurs semaines, ainsi qu'une maison de retraite, à résidence prolongée. Les intentions pour ce site sont d'en faire à la fois un jardin thérapeutique et un espace de rééducation extérieures, pour créer un lieu plus agréable et motivant pour les patients, mais aussi encourager les personnes âgées à bouger. Les envies sont donc orientées vers le « active ageing » ou comment inciter les personnes âgées à rester en activité pour ne pas perdre leurs capacités. L'avantage d'un jardin dans ce genre de situation, c'est qu'il apporte du réconfort aux patients qui peuvent sortir dans un environnement apaisant, mais aussi qu'il représente un espace agréable pour les familles en visite. Le site étant au cœur d'un quartier d'habitations, la volonté de l'agence est aussi de faire du futur jardin un lieu ouvert, qui pourrait se construire avec les communautés alentours.


plan global du site

Le projet concerne ausssi un jarin clos entourĂŠ par un cafĂŠ et une librairie


68

Jardin thérapeutique utilisant des principes de reflexologie

Jardin de rééducation Des jardins communautaires

IMPLICATION DANS LE PROJET Ainsi il nous a été demandé de créer un dossier de références dans ces thématiques. Il s'agissait de trouver des projets faisant appel aux sens (plantes odorantes, visuel adapté à des personnes âgées), adaptés à des personnes handicapées (pas seulement accessibles, mais pensé pour des personnes souffrant de différents problèmes), mais aussi encourageant un exercice physique raisonné. Ajouté à tout ça, il était aussi important de trouver des exemples de jardins créés par des communautés de citoyen, pour créer un réel espace de partage

L’importance d’un jardin visible depuis les chambres des patients Des jardins adaptés aux personnes en fauteuil

Des jardins faisant appel aux sens


Tableaux récapitulatifs des différents exemples Main characteristics of the gardens FEATURES Lack of sight

Reduced mobility

DESIGN SOLUTIONS Elderly people -> Sensory landmarks : Colourful (contrasted plants, red and yellow) Odorous (Aromatic plants such as Lavandula officinalis., Melissa officinalis...) Texture (change of type of path : stonepath to pavement... Textured plants such as Stachys latana.) -> Change of atmosphere : Shaded places

Memory loss

-> Handrail -> Large and simple paths -> Several seats -> Awaking gardening memories (references to typical old design) -> Intimate places giving the feeling to be at home. (like a private garden) -> Simple pahtways to avoid any confusion

Need to move (active ageing)

-> Reachable beds to garden and maintain activity -> Open spaces to exercise

Lack of company

-> Spaces significant to everybody to encourage visitors to come -> Collective places to garden to attract people. -> Leaving available spaces to host small events (music, theatre...) Disabled

Moving difficulties

-> Large paths

Different height perception (seated position)

-> Raised beds and planters, reachable by someone in a wheelchair

Need to move

Need to feel your body

Anxiety

Rehabilitation -> Specials modules to encourage exercise -> Open spaces to stretch -> Small height changement such as stairs and barriers to allow specials exercise -> Reflexology paths -> Reachable places to garden (allowing to have a global view on a plant growth) Mental -> Calming forms and maze to ease the patients -> Garden pleasant and calming to see from the windows.

Après avoir étudié de nombreuses références, il nous semblait important de récapituler les solutions apportés à des problèmes physiques ou mentaux dans chaque type de jardin.


70

karikachi kogen park RÉAMENAGER UN PARC NATUREL

Le parc Karikachi se situe au pied des montagnes de la région Tokachi. L’agence avait déjà établi pour ce parc un masterplan, pour l’affirmer en tant que parc naturel. Cependant, l’État souhaite en faire une zone plus touristique et donc y intégrer des jardins naturels. C’est sur cette partie que l’agence travaille à ce jour. Ainsi, le parc comprenant une ancienne ligne de chemin de fer, l’agence a décidé d’en assumer le côté ferroviaire, en y installant un train miniature. Le projet consiste alors à la fois à faire revivre la forêt comprise dans le parc, en nettoyant les sous bois envahis par le bambou sasa, et à aménager les parties libres avec comme référence l’univers du train. On y trouvera donc des prairies libres tout autant que des jardins miniatures, adaptés à l’échelle d’un petit train (en somme au 1/50ème). Si la réutilisation d’anciens chemins de fer et le thème même a été beaucoup exploité aux États Unis et dans certains pays d’Europe, il est très peu connu au Japon, où l’espace disponible ne permet pas des projets de cette envergure. Ce parc est donc destiné à être l’un des premiers parc « ferroviaires » du Japon.

LA FORÊT ET LES SOUS-BOIS ENVAHIS DE SASA

UNE PARTIE DU PARC REPRODUITE EN MINIATURE


Vue aĂŠrienne du site


72

Café et potager

1/250 IMPLICATION DANS LE PROJET Dans le cadre touristique, il est prévu d’ajouter un café au jardin, associé à un potager. Il m’a été confié de choisir les plantes du potager, réparties en bacs élevés et en parterres « à la française » (« c’est français ça le potager, non ? »). Les légumes sont destinés à être utilisés par le café. Ainsi j’ai effectué des recherches sur le compagnonnage, mais aussi sur les fleurs comestibles qui intéressaient beaucoup Akamine-san, en charge du projet. Je travaille actuellement sur ce projet.


Quelques planches De palette végétale

HEDGE

Good companions : Spinaches/Celery MAIN FRUIT SHRUBS

Ribes nigrum

VEGETABLE - LOWER PART

Ribes rubrum ‘Jonkheer Van test’

Ribes rubrum ‘Versaillaise blanche’

Rubus idaeus

Sambucus nigra

Rosa canina

LOWER PART Good companion to rasperry shrub Keep away the worms

Brassica oleracea var. Botritys ‘vert calabrais’

Primula x acaulis

Myosotis sylvatica

VEGETABLE - LOWER PART

Spinacia oleracea ‘géant d’hiver’

Apium graveolens

CORNER SHRUB

Eriobotrya japonica

341.45 BEDS

Good companion : Leeks/Oignons Oignons/Garlic Garlic/Carrots

BACK ROW

BACK ROW

BACK ROW

Chamamelum nobile

Allium tubercosum

Calendula officinalis

Edible flower

Edible flower Leek companion

FRONT ROW

Allium ampeloprasum

Edible flower Carrot companion

FRONT ROW

Allium porrum ‘Bleu de solaise’

Allium porrum ‘Long de Mézière’

Allium cepa ‘Stuttgarter Riesen’

FRONT ROW

Allium sativum ‘Blanc de Lomagne’

Daucus carota ‘Nantaise’

Daucus carota ‘Rothild’

BACK ROW FLOWER AND HERBS ROW Origanum majorana

Herb Brassica rapa var. japonica

Calendula officinalis

Edible flower Carrot companion

Viola odorata

FRONT ROW

Edible flower

Raphanus sativus longioinnatus

Raphanus sativus niger


74

bref bilan des tâches éffectuées RETOUCHES MAQUETTES Retouches sur un projet d’onsen (changement du bassin et ajout d’un ruisseau) Changement complet de la maquette du projet daishu

OBSERVATIONS DES PROJETS PASSÉS Visite de la Tokachi Millenium Forest Visite du park Takino à Sapporo Présentation des projets et des principes de l’agence par Takano-san

RECHERCHES DE RÉFÉRENCES Recherches de jardins thérapeutiques, de rééducation et adaptés aux personnes agées


LES SORTIES TERRAINS Visite de l’hotêl Daishu, lors d’un rendez-vous avec le client Visite du parc Karikachi (pour redéfinir les limites administratives du parc) Présentation de la France et de l’école dans un lycée japonais

PALETTE VÉGÉTALE

...

Recherches de plantes pour le potager du jardin Karikachi. Plan de principe de plantation (en cours)

TRAVAUX MINIMES

CUISINE

Ici, le stagiaire est aussi là pour coller les dossiers, relier, scanner... Pas vraiment ce que nous attendions en voyant la description du stage.

L’agence est une vraie vie en communauté. Si on cuisine tour à tour, c’est une tâche qui est souvent demandée aux stagiaires, au détriment de l’implication dans les projets...

Le stage n’étant pas fini, cette liste devrait s’allonger. Globalement, Même si j’ai le sentiment d’avoir beaucoup appris en terme de philosophie du projet et de travail, je suis assez déçue par les tâches demandées aux stagiaires dans cette entreprise...


76


CONCLUSION I

l est difficile de faire un bilan définitif au milieu d’un stage... Mais pour le moment, je dois avouer que ce stage a été majoritairement une déception. Le travail de l’agence lui-même, la vision japonaise, m’ont énormément intéressée. Les anciens projets, développant un principe de participation des habitants important, une conception dynamique et en accord avec la nature environnante, ont été pour moi une grande découverte et m’ont beaucoup intéressée. C’est une autre façon de voir le projet que j’aimerais pouvoir appliquer plus tard, et les voir dans un pays si différent m’a beaucoup apporté. Cependant, à côté de ces initiatives et des explications passionnantes des anciens projets, le travail lui-même à l’agence a été bien terne. Je pensais d’après leur description, que nous serions impliquées dans plusieurs projets de l’agence. En réalité, cette implication s’est limitée à des interventions plus que mineures. Je ne sais pas si cette vision des stagiaires est propre au Japon, un pays où ce statut n’est pas des plus courant, ou à cette agence, malgré la gentillesse de l’équipe. J’attendais de découvrir en profondeur le travail d’une agence, de pouvoir retrouver les phases de projets apprises à l’école. A la place, j’ai plutôt eu l’impression d’être à la disposition de chaque personne ayant besoin d’une petite main. Que de frustration, d’autant plus dans une agence où l’approche du projet m’intéressait énormément. Au milieu de ce stage, je suis donc surtout désappointée par rapport à mes attentes. J’espère pouvoir en découvrir plus dans les semaines à venir, mais j’ai cru comprendre qu’il ne fallait pas nous attendre à avoir beaucoup plus de responsabilités. Malgré la déception quant à l’implication, ce stage reste tout de même une expérience unique, qui me servira très certainement dans mon parcours.


78


SOURCES Toutes les photos utilisées dans ce rapport sont personnelles ou appartiennent à la banque de donnée de Takano Landscape planning co. Les plans montrés dans la partie projets en cours ont été réalisés par Takiko Akamine. La plus grande partie des informations sur les anciens projets me vient des présentations faites aux stagiaires par Takano-san Bibliographie : http://www.tlp.co.jp/en/ https://fr.wikipedia.org Jardins japonais en France, Bernard Jeannel


CLAIRE DUTHIL 3A INSA CENTRE VAL DE LOIRE DÉPARTEMENT PAYSAGE 2016


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.