BEDOUS-CANFRANC
S’APPUYER SUR LE PROJET FERROVIAIRE POUR REDYNAMISER LES VALLÉES TRAVERSÉES
CLAIRE DUTHIL
MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDE 2017-2018
SOURCES En l’absence de mention de source, toute illustration, photographie, cartographie est un document personnel
COMPOSITION DU JURY PRÉSIDENT DE JURY Bruno Ricard Ingénieur chef de projet au cabinet SINBIO Enseignant en hydrologie à l’INSA CVL, département École de la nature et du Paysage DIRECTRICE D’ÉTUDE Catherine Farelle Paysagiste libérale, paysagiste Conseil de l’État Enseignante en projet à l’INSA CVL, département École de la nature et du Paysage PROFESSEUR ENCADRANT Olivier Gaudin Docteur en philosophie Enseignant en histoire de la formation des paysages à l’INSA CVL, département École de la nature et du Paysage
AVANT-PROPOS Les Pyrénées, c’est mon horizon depuis toujours. J’ai voulu me plonger dans ces montagnes familières que je connais pourtant si mal, tenter de les voir avec le regard du paysagiste. Ainsi la première fois que j'ai entendu parler de la voie ferrée Pau-Saragosse, c’était dans un petit encart sur la gare de Canfranc, en parcourant un ouvrage sur ces montagnes. J'y ai découvert cette immense gare abandonnée au cœur des montagnes, ce bâtiment démesuré qui a beaucoup fait parler. Et surtout le projet de voie ferrée qui l'a amené. Une infrastructure impressionnante, et une renommée que je ne soupçonnais pas. Une voie qui n’a eu qu’une brève existence, souvent controversée, mais aujourd’hui en cours de réouverture. Ce sont les vallées traversées, d’Aspe et de Canfranc, qui m’ont le plus interpellé. Comment vit-on ce type d’infrastructure au quotidien ? Peut-on en tirer un réel bénéfice ? Depuis le train, et grâce à ce dernier, ces vallées ont peut-être l’opportunité de retrouver un équilibre, et c’est ce que j’aimerais montrer dans ce travail de fin d’études.
NOUVELLE AQUITAINE
64 - PYRÉNÉES ATLANTIQUES
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COMMUNAUTÉ AUTONOME DE L’ARAGON
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SITE D’ÉTUDE
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Vallée de Canfranc CANFRANC
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PROVINCIA DE HUESCA
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INTRODUCTION
12 DÉCOUVRIR
30 FRANCHIR
14
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PREMIERS RESSENTIS
26
UNE MORPHOLOGIE PARTICULIÈREMENT ENCAISSÉE
1. PRENDRE DU RECUL
34
La vision externe, les Pyrénées comme frontière naturelle
36
Visions combinées et imposées, les Pyrénées comme espace de franchissement
38
Vision interne, des communautés indépendantes
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2. PAU-SARAGOSSE, UNE LONGUE MISE EN PLACE
52
De la France à l’Espagne, les grands franchissements
54
A l’échelle locale, l’impact du projet ferroviaire
62 INVESTIR
112 COMPOSER
64
112
1.DES VALLÉES À L’ABANDON ?
66
Tendances
70
Usages et pratiques, les structures du paysage
80
DU PASSAGE À L’ARRÊT
CONCLUSION
Bedous-Canfranc, jeux d’acteurs
158 BIBLIOGRAPHIE
116
128
Réfléchir autrement, l’impact possible du train
134
Le ressenti de l’abandon du train dans la vallée
Inverser la tendances, réinvestir les vallées
88 2.DES VILLAGES TRAVERSÉES
Un site représentatif, le vallon d’Urdos
90
Habiter le territoire
98
La domination de la route
104 Repenser l’attractivité
108
Se déplacer autrement, quel avenir ?
157
146
INTRODUCTION
10
Si l'on s'intéresse majoritairement aux espaces urbains ces dernières années, la réalité des territoires ruraux délaissés commence à nous rattraper. En moyenne montagne particulièrement, les territoires se trouvent souvent délaissées, à cause de conditions de vie trop rudes induites par le climat et la topographie, et souvent d'une faible diversité économique, amenant peu d'emplois. Pourtant ces territoires ont connu des périodes d'essor importantes, et ont toujours su maintenir leur indépendance, développer des ressources ainsi qu'une notion de partage et de bien commun très poussée, ne s'accordant pas toujours avec les vues de l’État. Aujourd'hui, ils peinent à s'insérer dans une société qui ne leur amène aucune facilité, favorisant un système uniforme peu adapté à la montagne, malgré quelques initiatives pour s'y engager. Il est donc nécessaire de s'intéresser à ces territoires, et de mieux comprendre le déclin qu'ils ont pu connaître, ainsi que le futur encore envisageable. En effet les territoires ruraux de moyenne montagne représentent de véritables terrains d’expérimentation et d'innovation, dans une période charnière pour inverser les tendances. Les vallées d'Aspe en France et de Canfranc en Espagne, au coeur des Pyrénées sont un exemple assez représentatifs de ces problèmes. Se battant depuis
de nombreuses années pour tenter de dynamiser leur territoire, elles peinent à stopper le flux d'habitants les quittant pour la ville. Deux vallées pourtant assez différentes, reliées autrefois par une infrastructure majeure, le train. Une voie ferrée qui dès son ouverture a été un symbole assez fort des incompréhensions possibles entre le global et le local, et parfois entre la France et l'Espagne. En effet cette voie a été ouverte tardivement en 1928, suite à de nombreuses discussions, amenée par une forte volonté espagnole de traverser les Pyrénées, et une réticence française à investir dans un projet qui semblait peu rentable. La voie n'a connu qu'une exploitation assez courte, puisqu'elle s'est arrêté en 1970 suite à un accident côté français, après seulement 42 ans de service, entrecoupé de deux fermetures avant et après la seconde guerre mondiale, au coeur de la guerre civile espagnole. Il s’en est suivi un délaissement profond de la vallée. La vallée d'Aspe, qui représente la partie la plus à l'Ouest du parc national des Pyrénées, a connu par la suite d’autres bouleversements. Par l’abandon du ferroviaire, les politiques se sont tournées vers le tout voiture. Le tunnel routier a beaucoup fait parler, réveillant à l’opposé les espoirs liés au train comme alternative, et inquiétant les habitants sur l'augmentation de la fréquentation des camions. Ce n’est que
11
INTRODUCTION
récemment, dans le cadre de la politique régionale, que la réouverture a été décidée. Après de nombreuses discussions, la première portion, entre Oloron et Bedous, a été réouverte en 2016. Une réouverture demandant encore du recul, qui amène autant d’enthousiasme que de dépit. La communication autour de la ligne n'est pas toujours optimale, et habitants comme élus s'inquiètent de sa fréquentation, et des fonds investis dans ce projet. De plus il est difficile localement de s’imprégner de ce projet qui ne relie toujours pas France et Espagne, et représente une véritable rupture. Des deux côtés, on ressent une impasse, renforcée par la différence de gabarit entre voie française et voie espagnole. C’est entre Bedous et Canfranc, dernière étape, que se joue le raccord. C’est justement cette dernière portion qui m'intéresse. Aujourd'hui programmée, mais toujours en discussion par rapport aux financements, elle représente bien l’écart de point de vue qu'il y a entre de grands projets d’infrastructure, et les territoires qu'ils traversent. Malgré de grands discours sur le désenclavement, la voie ferrée n'est pas toujours bien reliée aux espaces qu'elle traverse. Des espaces qui ont pourtant besoin d'une dynamique nouvelle pour encourager de nouvelles initiatives, et d'un dialogue entre les grandes instances et le local, pour proposer de nouveaux projets inno-
vants, et se battre contre un essoufflement général. Alors comment une nouvelle liaison ferroviaire peut-elle devenir le support du redéploiement d'une vallée rurale frontalière ? Pour montrer que cette voie peut insuffler une nouvelle cohérence territoriale, je reviendrai sur différentes composantes . Tout d'abord, les différentes appréciations des Pyrénées, qui ont amené une certaine distance de compréhension, ainsi qu’une déconnexion des valeurs des vallées concernées. Dans un deuxième temps, il s’agira de comprendre la construction des paysages actuels et des pratiques qui les engendrent, ainsi que le sentiment d'abandon ressenti dans la vallée, notamment au travers du train. Puis je développerai la notion de traversée, présente depuis toujours dans la vallée, et les difficultés liées au déplacement, ainsi qu'à la dominance de la route. Enfin j'illustrerai comment dans la situation actuelle il est possible d'envisager une autre manière de percevoir, et de vivre la vallée, au travers du retour du train.
12 GRANDE PARTIE
13
SOUS-PARTIE
14 DÉCOUVRIR
ENTRÉE DANS BEDOUS LE LONG DE LA ROUTE
VIADUC D’ARNOUSSE LE COL DU SOMPORT
15 PREMIERS RESSENTIS
PREMIERS RESSENTIS TRAVERSER LA VALLÉE
Lors de ma première visite de la vallée d’Aspe, j’ai été marquée par cette sensation de successions et de contrastes, mais aussi par le ressenti d’un axe ininterrompu, invitant à continuer sans s’arrêter. Le long de la route, qui suit par moments l’ancienne voie ferrée, on se trouve confronté à des défilés très fermés, où la roche affleure, nous enferme, pour mieux se rouvrir sur les paysages remarquables des vallons, où le regard peut se poser sur les sommets. Ainsi le vallon de Bedous, entrée dans le site d’étude, se distingue par cette grande plaine ensoleillée, que l’on traverse par le centre. Le regard s’arrête sur les bords de cette grande cuvette, où l’on trouve les villages les plus habités. La route suit le gave d’Aspe et la voie ferrée, elle les longe, les surplombe, les enjambe. On a toujours ce rapport très fort entre ces trois lignes directrices dans le fond de vallée. Le gave semble disparaître par endroit, masqué par sa ripisylve abondante. La voie ferrée, abandonnée, est toujours présente au
regard. La topographie rude de la vallée a imposé de nombreux ouvrages d’arts qui marquent la traversée. De grandes structures de pierre et de ferrailles rythment ainsi le passage, rappelant l’importance passée de la voie, ainsi que les difficultés liées aux contraintes de la montagne. Le passage vers l’Espagne, s’il peut se faire en douceur par le col du Somport, où la vue s’ouvre sur les sommets, est aussi possible par un long tunnel au cœur de la montagne, suivant l’ancien tunnel ferroviaire. Quelle surprise alors de passer des villages pittoresques de la vallée française, marquée par les feuillus et les couleurs tendres, au village de Canfranc et à ses grands immeubles au caractère urbain, dans une vallée encaissée surplombée par de grandes forêts de conifères aux couleurs sombres. D’un vert tendre et soutenu, à un aspect bleuté, aux contrastes saisissants. La vallée espagnole, si elle présente tout d’abord un aspect plus encaissé que la vallée française, se réouvrira ensuite plus rapidement vers de larges plaines.
16 DÉCOUVRIR GRANDE PARTIE
LA HAUTE VALLÉE
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LE PROFIL DE LA VOIE FERRÉE
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LA VALLÉE DE CANFRANC
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DES PROFILS VARIÉS
1 LE VALLON DE BEDOUS
Le vallon de Bedous représente une respiration, une ouverture. C’est la portion la plus ouverte de la vallée. On y trouve quatre villages, Bedous et Accous, les principaux, ainsi que Osse-en-Aspe et Léés-Athas.
2 LE DÉFILÉ D’ESQUIT
3 LES VILLAGES DES DÉFILÉS
Entre deux défilés de la vallée étroite, on trouve des petites ouvertures où se nichent les villages. Tout d’abord Cette-Eygun, séparé en deux regroupements d’habitations, l’une près du Gave, l’autre surplombant la vallée. Plus loin, on trouvera Estaut et Borce, se faisant face et s’étalant le long de la pente.
Juste après le vallon, on trouve une formation assez régulière dans la vallée, un défilé. Le gave, la route et le voie ferrée y avancent côte à côte, et la roche affleure sur les versants, formant de véritables murs le long du passage. La vallée d’Aspe est une vallée très encaissée, fortement marquée par ce type de formations.
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4 VERS LE FORT DU PORTALET
Après le village d’Etsaut, la vallée se referme à nouveau. La route surplombe le gave, qui disparaît au regard. L’ancienne voie ferrée apparaît par moment, marquée par les entrées de tunnels et quelques murs de pierres. Le fort du Portalet se distingue ensuite aux côté des gorges de l’Enfer.
5 LA HAUTE VALLÉE ET LA VALLON D’URDOS
La haute vallée représente la deuxième grande ouverture après la vallon de Bedous. On y trouve le village d’Urdos, ainsi que de nombreuses cabanes de bergers et anciennes fermes, qui s’étaient installées sur ces terres planes. La voie ferrée y traverse à plusieurs reprise la route et le gave, se manifestant par d’immenses ponts aux côtés de la route.
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PREMIERS RESSENTIS
6 LE COL DU SOMPORT
Quand on continue sur la route,le passage du col du Somport se manifeste par quelques bâtis épars au point haut, et une vue ouverte sur les environs. On y croise la station de ski de Candanchu et ses barres d’hôtels qui se détachent sur le flanc de la montagne. C’est le coeur du parc national des Pyrénées.
7 LA VALLÉE DE CANFRANC
En redescendant, on trouve la haute vallée espagnole. Le village de Canfranc est divisé en deux : l’ancien village médiéval, et le village de la gare, datant du XXème siècle. On se trouve dans une vallée encaissée, au coeur des immeubles qui longent un cours d’eau canalisé, l’Aragon.
24 GRANDE PARTIE
OSSE-EN-ASPE
BEDOUS
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25 PREMIERS RESSENTIS
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COMMUNES 10 EN FRANCE 3 EN ESPAGNE
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L’ALTITUDE MINIMALE L’ALTITUDE MAXIMALE
UN SITE D’ÉTUDE DÉFINI PAR LES CRÊTES «GAVE» Le gave est le nom génrique donné aux cours d’eau situés en Béarn, en Bigorre et en Chalosse. Le terme viendrait du pré-celtique «gaba» qui signifie rivière encaissée.. 1
LÉGENDE Limites du territoire d’étude Frontière Limites communales Tracé de la voie ferrée
Le site d’étude correspond à la séquence de liaison ferrée restant à parcourir : la portion Bedous-Canfranc, intégrant les communes traversées ou influencées par la voie, entre France et Espagne. Ces limites administratives et sociales sont renforcées par des limites géographiques marquantes. Ainsi au nord le territoire s’ouvre sur le vallon de Bedous, après un défilé marqué. Au sud le terrain d’étude s’arrête justement avant la lente réouverture vers les plaines de l’Aragon. A l’est et à l’Ouest, ce sont les lignes de crêtes, limites vers les vallées d’Ossau et du Barétous qui le délimitent. Au centre, on retrouve le gave d’Aspe, suivi par la N134 et par l’ancienne voie ferrée. Il prend sa source dans le cirque d’Aspe. De l’autre côté de la frontière, on suit l’Aragon depuis sa source à Astùn.
La frontière est marquée par différents pics, ainsi que par la présence du col du Somport, voie de passage privilégiée. Ce site est caractérisé par un nombre d’habitant très peu élevé par rapport au nombre de communes. On trouve en effet seulement 2800 habitants sur les 13 communes. De plus, les niches d’habitats sont très peu équilibrées. On trouvera 1796 habitants regroupés dans le vallon, dans les communes de Bedous, Accous, Léés-athas, Osse-en-Aspe et Aydius, et 672 côté espagnol dans la commune de Canfranc, alors que les communes de la haute vallée, Lescun, Etsaut, Borce et Urdos, n’en regroupent que 483. La ligne ferroviaire traverse donc un espace aux entités géographiques marquantes, au sein de communautés aujourd’hui fortement dépeuplées.
26
UNE MORPHOLOGIE PARTICULIÈREMENT ENCAISSÉE VERSANT SUD, VERSANT NORD, DEUX PERCEPTIONS
zone sous pyrénéenne, la zone nord pyrénéenne, la zone axiale, la zone sud pyrénéenne, les sierras marginales, et l’avant-pays méridional, le bassin de l’Ebre. Ces différentes zones et les différences géologiques qu’elles comportent sont le résultat de la rencontre entre la plaque ibérique et la plaque eurasiatique. Ce qui nous intéresse ici, c’est la différence de morphologie depuis ou vers la zone axiale. En effet c’est au niveau du Haut Béarn que cette zone commence à s’enfoncer vers l’ouest. Elle y est cependant toujours présente, et se ressent au travers de la hauteur de la crête délimitant la frontière entre France et Espagne. Cependant, depuis cette crête, deux formation très différentes se présentent.
Huesca
DÉPRESSION INTRA PYRÉNÉENNES
SIERRAS EXTÉRIEURES
BASSIN DE L’ÈBRE
Si les populations françaises et espagnoles partagent des opinions différentes sur ce territoire, c’est tout d’abord à cause de différences géomorphologiques assez marquées. En effet l’approche de cette partie des Pyrénées, si elle se fait par le nord ou par le sud, diffère énormément. Au niveau de la frontière, au cœur des Pyrénées centrales, se trouve la partie la plus élevée de la chaîne, avec des massifs atteignant les 3000 mètres. En effet les Pyrénées sont divisées en plusieurs zones de formation différentes du nord au sud : le bassin aquitain, la
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27
UNE MORPHOLOGIE PARTICULIÈREMENT ENCAISÉE
BASSIN AQUITAIN
centrale aragonaise, avant d’arriver dans les sierras extérieures, où un certain relief revient, puis de rejoindre le bassin de l’Èbre. Ainsi les Pyrénées s’étendent beaucoup plus largement côté méridional, au travers d’une succession de formations diverses. Ce contraste entre la partie française et la partie espagnole se ressent dans l’appréhension des populations. Pour les Espagnols, les Pyrénées centrales représentent une large zone nordique d’altitude, marquée par un climat plus humide que le reste du pays, contrastant avec la vision française de cette chaîne s’élevant d’un seul élan, où le climat nuancé par la proximité de l’Espagne présente plus de douceur.
NORD PYRÉNÉES
HAUTES PYRÉNÉES ESPAGNOLES
HAUTES PYRÉNÉES FRANÇAISES
Si en France, la hauteur des massifs se rattrape assez brutalement en seulement 25km, en Espagne, la baisse d’altitude s’étend sur plus de 50km. On en finit plus d’approcher ces hauteurs. Cette forme est due à deux formations géologiques différentes sur la plaque ibérique et sur la plaque eurasiatique. Côté français, on trouve majoritairement des affleurements de l’ère secondaire, marqués par trois failles consécutives, qui forment un relief marqué. Côté espagnol, on rencontre la zone sud pyrénéenne, siège d’amples mouvements dirigés du Nord vers le Sud, venant rencontrer le bassin de l’Èbre. On y retrouve majoritairement des affleurements de l’ère tertiaire. On quitte les hauts massifs calcaire pour traverser des marnes tendres dans la dépression
Canfranc
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VALLÉE DE L’ARAGON VALLÉE DE CANFRANC Ar ag on
HAUTE VALLÉE VALLON D’URDOS GORGES DE L’ENFER
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LE RESSENTI D’UNE VALLÉE FERMÉE
DÉFILÉ D’ESQUIT
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Typiques des vallées glaciaires, les vallées d'Aspe et de Canfranc sont toutes deux étroites et encaissées. La vallée d'Aspe s'est formée lors d'une ère glaciaire il y a 25 000 ans. Ainsi, le profil de la vallée, en U, témoigne de l'ancien emplacement du glacier. Ce dernier a surtout sculpté le vallon de Bedous, partie la plus ouverte de la vallée, en épargnant les roches les plus dures, qui forment les défilés. Le régime torrentiel du gave a continué à creuser la vallée, affirmant son aspect encaissé le long d'un profil en V. Côté espagnol, la vallée de Canfranc représente la partie haute de la vallée de l'Aragon. Cette dernière, a été marquée différemment par le passage du glacier. En effet ses zones méridionales, el campo de Jaca, et la vallée d'Aruej, sont beaucoup plus ouvertes, formées dans des roches plus tendres facilement érodées. Les paysages plus ouverts que l'on peut connaître aujourd'hui en témoignent fortement. Ainsi le contraste entre les parties basses et la vallée de Canfranc, étroite et abrupte, est d’autant plus fort.
2.
1
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PRENDRE DU RECUL, Quelle vision de la montagne ?
LA VISION EXTERNE, LES PYRÉNÉES COMME FRONTIÈRE NATURELLE VISIONS INTERNES ET VISIONS COMBINÉES
Échanges locaux et traversées des populations VISION INTERNE, DES COMMUNAUTÉS INDÉPENDANTES
L’histoire de la frontière L’intégration dans l’union européenne Une forte tradition d’indépendance
34 PRENDRE DU RECUL
LES PYRÉNÉES DEPUIS PAU Le Boulevard des Pyrénées
35
LA VISION EXTERNE
LA VISION EXTERNE,
Les Pyrénées comme frontière naturelle
«Pyrenaei montes ; montagnes d'Europe aux frontieres de la France & de l'Espagne, dont elles font la séparation. Elles ont toujours été réputées la borne naturelle de ces deux états.» Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, Géograpie ancienne, De jeaucourt
1. Lettres à une inconnue, Prosper mérimée, 1874, Michel Lévy frères.
Les Pyrénées s’étendent de l’Océan atlantique à la Mer méditerranée. Ainsi, elles forment une véritable rupture entre la France et l’Espagne. Pour la péninsule ibérique, elles sont même un obstacle physique face à l’Europe. Dans ce contexte, la montagne apparaît comme un objet géographique, une limite topographique, entre deux entités. C’est ce qui ressort dans cette définition de l’encyclopédie de Diderot et d’Alambert au XVIIIème siècle, où ces montagnes sont décrites comme une « séparation », une « borne naturelle », faisant ressortir un côté immuable. Cette vision, c’est celle de l’Homme de la plaine. En effet, les Pyrénées, culminant à 3404 mètres d’altitude, ont toujours suscité à la fois curiosité et appréhension. Jusqu’au XVIIème siècle, pour l’ensemble des populations, la montagne est l’espace des dieux, un monde effrayant, peu franchissable, et certainement pas accueillant. Si certains se risquent à les parcourir et à tenter d’approcher leurs sommets, ces tentatives restent fortement marginales. C’est dans les Alpes que va commencer une certaine démystification de la montagne. Tout d’abord par l’étude scientifique de nouveaux aventuriers qui vont amener un changement de point de vue, puis par un essor
touristique, attirant les aristocrates, amenés par une vision romantique de la montagne. Ce changement sera plus tardif dans les Pyrénées, où l’intérêt ne commencera à se développer qu’à la fin du XVIIIème siècle. Un intérêt beaucoup plus tourné vers les sciences. Ce n’est que plus tard qu’une certaine attraction va se développer, non pas pour les sommets, mais plutôt pour les eaux thermales propres à ces montagnes. Ainsi au XIXème siècle, comme le souligne Michel Chafaud, on assiste à «l’invention » des Pyrénées. Cependant, un fond d’appréhension reste envers ses montagnes qui demeurent dangereuses pour le marcheur imprudent, renforcé par la grande distance entre l’Homme de la plaine et l’Homme de la montagne. De nombreux témoignages de l’époque démontrent une méfiance réciproque. Pour les valléens, de « l’étranger », qui envahit leur terre, pour les touristes les « indigènes », écrasés par la pauvreté. Ainsi Prosper Mérimée écrit en 18591 « Il y avait longtemps que je n’avais pas pratiqué les provinciaux. A Tarbes, ils sont d’une espèce assez tolérable et d’une complaisance extraordinaire. Cependant, je ne conçois pas comment on peut rester avec eux pendant un mois ».
36 PRENDRE DU RECUL
LE COL DU SOMPORT AUJOURD’HUI Une route permet de traverser aisément de la vallée D’Aspe à la vallée Espagnole. Somport vient de l’occitan «som» signifiant sommet, et port désignant le passage.
37
LES VISIONS COMBINÉES
LES VISIONS COMBINÉES
Les Pyrénées comme espace de franchissement
« Rien ni personne n'a jamais durablement empêché que les Pyrénées ne soient traversées autant de fois que s'imposait la nécessité militaire, politique et économique ». Bernard Kayser, 1999, politique, économie, société des Pyrénées
ÉCHANGES LOCAUX ET TRAVERSÉES DES POPULATIONS
Si les Pyrénées peuvent sembler un obstacle majeur à l’échelle nationale, ils font en réalité partie des massifs les plus facilement franchissables d’Europe. On y trouve en effet de nombreux cols à basse altitude, et ils sont aisément contournables aux extrémités, voire par la mer. Au centre des Pyrénées, deux profils se distinguent. Au Nord des vallées dégagées par les glaciers présentant de belles ouvertures, malgré des resserrements importants dus à des barres rocheuses, au sud un synclinonium au niveau de l’Aragon présentant un vaste couloir Est-Ouest. Ainsi l’histoire montre partout piétons, cavaliers, et troupeaux traversant le massif, autour de relation de proximité transfrontalière. Ces relations s’illustrent principalement par le passage des bêtes au niveau des cols, notamment pour pâturer sur les terres voisines. En effet la rigueur de la topographie, la différence de climat, ainsi que les ressources restreintes, imposant ces échanges . Très tôt dans les vallées une successions d’accords se met en place, les «lies et passeries», pour réguler les passages et éviter les conflits. Ils sont
conclus de vallée à vallée, et assurent en premier lieu la paix entre les communautés, puis la jouissance indivisible des pâturages d’altitude (les estives). Ainsi ces pâturages sont parcourus de sentiers permettant d’accéder aux autres versants des vallées. Ils sont en général établis par les autorités locales, les jurats (voir «fort d’Aspe», p.46). Cependant les grands royaume interviennent parfois, comme pour le traité de la Vesiau établi lors de la définition de la frontière entre France et Espagne, permettant aux éleveurs de trois communes françaises de la haute vallée d’Aspe depuis 1659, d’aller pâturer sur les terres espagnoles. Les passages « canalisés » se sont assez vite instaurés, au travers tout d’abord des routes romaines, puis, beaucoup plus tard, de routes au niveau du Somport, du portalet ou du Val d’Aran. Une longue tradition de traversées, à plus ou moins grande échelle, s’illustre donc dans les vallées pyrénéennes. Autant d’anciennes armées traversant les cols vers la péninsule ibérique, que de nombreux chemins définis, comme le chemin de compostelle.
XVÈME SIÈCLE XIIÈME SIÈCLE
1659 Ro de yaum Fra e nc e
Ro d’E yaum sp ag e ne
DÉBUT XVIIÈME Ro de yaum Fra e nc e
Ro d’A yaum rag e on In f l an uenc gla i se e
Ro de yaum Fra e nc e
Ro d’A yaum rag e on Un Na ion B va rre éarn -
Ro de yaum Fra e nc e
Ro d’E yaum sp ag e ne
IIIÈME SIÈCLE VIIÈME SIÈCLE
IXÈME SIÈCLE
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39
LA VISION EXTERNE
LA VISION INTERNE Gouvernance locale et espace de coopération Chaîne de montagnes du sud-ouest de l'Europe, partagées entre la France et l'Espagne (avec le statut particulier d'Andorre). Larousse 2017
L’HISTOIRE DE LA FRONTIÈRE Dans la définition actuelle du Larousse, les Pyrénées ne sont pas définies comme une séparation, mais comme un espace « partagé », entre la France et l'Espagne. Ainsi la chaîne de montagne est considérée comme un espace et non comme un trait tiré entre les deux pays. En effet si la frontière entre la France et l'Espagne fait partie des plus vieilles de l'Europe, les Pyrénées se sont toujours plus caractérisées comme un espace partagé et vécu par plusieurs peuples coopérant que comme deux espaces partagés du Nord au Sud. On peut d'abord s'intéresser à l'histoire de la frontière elle-même. En effet jusqu'au XVIIème siècle, la chaîne de montagne est partagée successivement en micro état, représentant différentes communautés, comme le Béarn, le Rousillon, ou la Navarre. Ces espaces sont cependant soumis ponctuellement à l'influence de plus grands royaumes, comme la France, l'Aragon, voire l'Angleterre pendant la guerre de cent ans. Lors de l'établissement de la frontière « définitive », avec le traité des Pyrénées en 1659, ce sont l'attribution du Roussillon, du Béarn et de la Navarre qui vont le plus poser problème, soit par une volonté
d'indépendance, soit par la volonté de chaque état de s'approprier des zones stratégiques, comme le Roussillon, permettant le contournement des montages. Cependant « même en montagne, la création de la frontière apparaît comme une création de la civilisation, mais, dans cette création de limites, l'homme de la montagne a une part bien moindre que l'homme des plaines » (R.Plandé, 1938). En effet entre « hommes de montagne », la limite est une question tout autre. Si elle est pratiquée pour les cultures, ou elle a une réelle représentation physique (parfois un mur entre différentes propriétés), elle paraît impossible pour la gestion des pâturages, des forêts ou des eaux. Ainsi la limite nette a longtemps été inconnue des montagnards, et reste floue dans de nombreux domaines. La frontière politique est née de l’infiltration économique de la plaine dans la montagne. Avec les échanges, liés à la transhumance, et aux produits de l'élevage, les autorités extérieures s’immiscent peu à peu dans l'espace montagnard. Les Pyrénées sont alors considérées comme un espace à acquérir par les États, dans une logique proclamant « qu'il n'y a plus de Pyrénées ». Mais à ce sujet, les États, comme les communautés montagnardes avant
40 PRENDRE DU RECUL ESPACE SCHENGEN
EVOLUTION DE L’UNION ÉUROPÉENNE
1957
ZONE EURO
1973 1981 1986
L’Espagne rejoint la CEE
1995 2004 2013
URDOS, DÉBUT XXÈME Dans la vallée d’Aspe, le village d’Urdos, dernier avant la frontière, regroupait les services de gendarmerie, de police et des douanes. Une grande partie de son économie reposait sur cette fonction
http://www.cartepostaleoloron.fr
41
1. La frontière, le territoire et le lieu. Norme et transgression dans les Pyrénées Occidentales, Marie-Hélène VelascoGraciet, 2002
2. Une géographie traversière, l’environnement à travers territoires et temporalités, Claude et Georges Bertrand, 2002
3.CTP Communauté de travail des Pyrénées
LA VISION INTERNE
eux, vont vite se rendre compte après des luttes acharnées, non seulement que les faits de civilisation locales déjà bien établis leur font obstacles, mais en plus qu'aucun n'est assez puissant pour s'octroyer le massif dans son ensemble. Ainsi chacun s'octroie un versant, et accepte les usages et limites déjà définis par les communautés. Au lieu de la rejeter car extérieure, les groupes frontaliers vont se l'approprier, la faire entrer dans leur vision du monde et même plus, elle va venir «conforter les pratiques et les représentations qui fondent leurs structures et leurs fonctionnements sociaux endogènes». (Marie-Hélène Velasco-Graciet, 2002)1 Dans les Pyrénées, la frontière vient renforcer les normes sociales des communautés, et amène une dimension politique d’abord, puis humaine, avec l’installation des douaniers ou des passeurs.
L’INTÉGRATION DANS L’UNION EUROPÉENNE
« Ni marge ni centre ni axe, le massif pyrénéen occupe encore une position incertaine dans un espace européen mobile » (Claude et George Bertrand, 2002)2 Actuellement, l'Union européenne amène à reconsidérer les espaces transfrontaliers. S’il semble que les populations montagnardes ont depuis longtemps trouvé terrain d'entente, et façon de s'approprier la frontière, ce n'est pas
forcément le cas des États. En effet la France s'est longtemps opposée à l'intégration de l'Espagne et du Portugal dans la CEE. Les élus locaux montraient une peur de la concurrence avec les entreprises espagnoles. L'intégration de l'Espagne représentait la fin d'une situation qui convenait à la France, et qui faisait des Pyrénées le « cul de sac » de l'Europe des dix. Ainsi les logiques vont changer avec cette nouvelle donnée. L'Espagne et la France font partie d'un ensemble plus global. Avec la création de l'espace Schengen en 1995, la frontière inter-Etats change d'aspect, voire disparaît sous certains points. A Urdos dans la vallée d’Aspe l’économie était basée sur les différentes activités liées à la douane. La disparition d’une frontière effective a ainsi beaucoup perturbé le village, qui peine à retrouver une activité. Cependant la construction européenne encourage des dynamiques de solidarités jusque là bridés par les États, mais demandées par la communautés locales. Ainsi deux logiques s'affrontent, celle de la technocratie, qui appelle à traverser à tout prix, et celle du développement durabl et des logiques d’aménagement. Pour mieux appréhender la frontière et réfléchir à des projets communs, la CTP3 est crée en 1983 sous l’impulsion du conseil de l’Europe, pour encourager la coopération transfrontalière, elle se veut lieu d’échange des régions concernées.
42 PRENDRE DU RECUL
UNE FORTE TRADITION D’INDÉPENDANCE A l’échelle de mon site de projet, les valeurs des communautés, et leur particularités sont encore présentes. Au fil des siècles, ces populations se sont construites au coeur d’un territoire difficile, où elles se sont battues pour garder une certaine indépendance. Le relief de ces deux vallées en fait des terres difficiles d'accès. Marquées par des versants abrupts, où seule un certain type de végétation peut s'installer, les terres arables sont rares. On les trouve dans les deux vallons principaux, autour de Bedous et d'Urdos. Le climat lui est plus clément qu'il peut l'être sur le piémont, ou dans d'autres vallées. Influencé à la fois par l'Atlantique qui amène une forte humidité, et par les vents du Sud apportant une certaine douceur, il reste plutôt doux et nuancé. Malgré tout, le fond de vallée connaît un fort enneigement au mois 5 mois par an et plus vers les sommets. Côté espagnol, on trouve des terres plus sèches et chaudes, rendant les cultures tout aussi difficiles. Malgré ces contraintes morphologiques et climatiques, l'Homme a su s'adapter à la montagne, et modeler les paysages selon ses besoins. Si les deux vallées n'ont jamais été fortement peuplées, on y trouve les traces de nombreuses civilisa-
tions, et surtout d'un passage important par le col du Somport. Mieux comprendre les paysages d'hier, leur influence, et l'instauration des pratiques permet de voir ce qui a apporté les paysages actuels. Dans ces montagnes, il est essentiel de saisir l'importance de la traversée, mais aussi de l'implication extérieure au fil des siècles. Les populations montagnardes sont en effet depuis toujours des peuples autonomes, qui ont su se construire et survivre dans des conditions difficiles, souvent en autarcie par rapport aux plaines. Ainsi comprendre les jeux d'implications et de détournement permet de mieux appréhender les paysages ainsi que les mentalités actuelles. Aujourd'hui, la vallée française et la vallée espagnole présentent deux fonctionnements très différents. Ce sont des tournants de l'histoire qui les ont amené à ces distances, marqués par des choix d'activités, des mentalités divergentes. Ainsi j’aimerai montrer ici comment ces grandes problématiques de frontières se sont illustrées à l’échelle des vallées étudiées, et comment les populations ont su s’adapter et se forger pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui.
43
LA VISION INTERNE
PAYS-BASQUE
Labourd
BISCAYE
Ga ve
d’O lo ro n
Ga ve de Pa u
Pau
Basse-navarre
GIPUZKOA
ARAGON
Gave d’Ossau
Navarre
Oloron Sainte Marie Gave d’Aspe
Àlava
Le Saison
Soule
Comme on a pu le voir par la frontière, ces vallées se situent au sein de régions culturelles à l’identité très forte, longées par le Pays Basque. Ainsi la vallée française se situe dans le haut Béarn, regroupant vallée d’Aspe, vallée du Barétous et vallée d’Ossau, et la vallée Espagnole dans le Haut Aragon, au sein d’une vaste communauté autonome.
BÉARN
44 PRENDRE DU RECUL
DATES CLÉS
MILIEU DU MOYEN ÂGE
60 AVANT JC
César a soumis les peuples montagnards, construction d’une voie romaine au travers de la vallée
VALLON DE BEDOUS-ACCOUS
Les paturages suivent le versant
Cultures
VALLÉE ÉTROITE On privilégie la futaie plantée, qui permet de concilier pacage des troupeaux et conservation du bois
Le village de Canfranc se base sur d’anciennes fortifications construites par les troupes de Charlemagne en 800, cherchant à se protéger d’un retour offensif des Maures. Ce serait l’origine du nom (Campus franci, le champ des francs)
HAUTE VALLÉE ESPAGNOLE
XIÈME SIÈCLE Création du village de Canfranc.
LA DOMINATION DE LA MONTAGNE Au Moyen âge, les communautés pyrénéennes s’intéressent peu à la plaine. Côté français, la population repose sur le pastoralisme, Côté espagnol, le fond de vallée trop étroit impose une vie basée sur le commerce avec la vallée d’Aspe. Les communautés se fixent donc leurs propres limites, très claires au niveau des cultures, partagées pour l’eau, la forêt et les estives. Les deux vallées sont fortement marquées par le passage des pèlerins du chemin de compostelle. Des hôpitaux sont construits dans de nombreux villages, qui se développent autour de cette activité. Une première distance se crée entre les villages des hauteurs tournées uniquement vers le pastoralisme, et les villages traversés par la route. Le « for » de la vallée d’Aspe entre en vigueur au XIIème siècle. Il permet à la vallée de garder une certaine indépendance, au travers de juras élus par les communautés. Une forme de « démocratie » qui permettait une grande autonomie aux vallées béarnaises.
LES FORS D’ASPE Les fors désignent l’ensemble des textes légaux accumulés au Béarn entre le XIème et le XII ème siècle. Ils constituent une particularité de gestion propre aux vallées concernées.
45
LA VISION INTERNE
1620
1659
Le Béarn est rattaché au royaume de France.
Traité des Pyrénées, définition de la frontière
XVIIIÈME SIÈCLE
VALLON DE BEDOUS-ACCOUS
Exploitation massive du massif d’Issaux
Mise en place de ports pour acheminer le bois vers Bayonne
Exploitation de la mature
1789
Révolution, fin des fors dans les vallées béarnaises
En effet à cette époque la vallée d’Aspe s’administre de manière autonome. Un conseil de jurats est élu par les chefs de famille dans chaque localité, et gère toutes les questions relatives à la vallée. Ainsi les habitants des vallées ont pu atténuer, voire supprimer la rigueur du système féodal.
L’IMPLICATION DE L’ETAT
Les fonds de vallons servent toujours pour les cultures
VALLÉE ÉTROITE Exploitation massive du bois de Pacq Les pâturages s’étalent le long du versant
HAUTE VALLÉE ESPAGNOLE
ANTS BI T HA ASPE 9000
1760-1780
Le Royaume français commence à s'intéresser plus fortement aux vallées pyrénéennes. Le Béarn rejoint officiellement le royaume de France en 1620. Tout d'abord pour fixer une frontière administrative en 1659. Le for de la vallée d'Aspe, qui permettait son indépendance, prend fin avec la révolution. Les forêts aspoises deviennent intéressantes pour le royaume, qui les exploite fortement pour les chantiers navaux. Cette période marque la vallée, des ports sont créés, le chemin de la mature, creusé directement dans la roche permet de descendre le bois qui servira à construire les mâts des bateaux. Cette exploitation n'est pas bien vécue par les éleveurs de la vallée, qui y voient une avancée sur leurs terres. En effet les sous bois sont pâturés, et tout les espaces de la vallées se doivent d'être traversables par les bêtes. Cependant, tout s'arrête avec l'épuisement de la ressource.
46 PRENDRE DU RECUL
DATES CLÉS
1856
Traité de Bayonne. Définition physique de la frontière.
LE FORT DU PORTALET
Construction du Fort de Portalet et rénovation du fort de Ladrones côté espagnol
FRONTIÈRE ET DÉFENSE
Guide album aux eaux des Pyrénées, 1853, H.C Landrin, Tarbes
VALLON DE BEDOUS
ANTS BI T HA ASPE 11500 CANFRANC 770
ANNÉES 1870
Guide album aux eaux des Pyrénées, 1853, H.C Landrin, Tarbes
Au XVIIIème siècle, différentes lois sont dirigées vers l’aménagement de la montagne (plantation de boisement, engazonnements pour éviter les inondations en aval...). Elle sont plus ou moins ignorées par les habitants qui y voient une intervention de trop de la part de l’État. La vallée d’Aspe va connaître une période difficile avec la tentative de Napoléon d’envahir l’Espagne. Ce dernier emprunte l’ancienne route romaine pour rejoindre Saragosse. En représailles, les troupes espagnoles pillent et saccagent les villages des vallées françaises. Ainsi une période tournée vers la défense et le militarisme commence. Des garnisons françaises demeurent dans la vallée d’Aspe, et des forts de défense sont construits des deux côtés de la frontière, fort du Portalet côté français, fort de Ladrones côté espagnol. En 1856, la frontière est redéfinie, marquée par des points précis. C’est à ce moment que la voie ferrée est évoquée pour la première fois. Le milieu du XVIIIème siècle est aussi marqué par le début de l’exode rural. La surcharge des terres, ainsi que le peu, voire l’absence d’industrialisation des deux vallées entraînent le début d’une fuite des populations.
47
DÉBUT XXÈME SIÈCLE
LA VISION INTERNE
VALLON DE BEDOUS-ACCOUS
Mise en place de la voie Création d’usine hydroélectrique
VALLÉE ÉTROITE
Début d’enfrichement des terres intermédiaires
HAUTE VALLÉE ESPAGNOLE
Village ouvrier de la gare de Canfranc ANTS BI T HA ASPE 5513 CANFRANC 2997
DES VALEURS FORTES Les habitants de la vallée d’Aspe se sont forgé une identité très forte au cours des siècles. Basée sur les conditions difficiles d’un milieu peu accueillant, mais aussi sur une distance par rapport à l’État importante, avec les fors d’Aspe. C’est la notion de bien commun, et d’espace partagé par les populations montagnardes, qu’elles soient françaises ou espagnoles, qui marque le plus. En effet, malgré les guerres, de chaque côté du col de Somport, les troupeaux traversent. L’importance du pastoralisme, dont dépend la vie de la vallée d’Aspe a su passer outre certaines querelles, mais aussi être la source de nombreux désaccords avec l’État (lois sur la montagne...). Les deux vallées connaissent ainsi des périodes de prospérité, liées au passage du chemin de Compostelle, ainsi qu’à la pratique des terres. Chaque famille élève ses bêtes, et dépend donc des terres attribuées par les juras, ainsi que du bois d’oeuvre. On connaît alors un équilibre, où tout est disponible sur place. Cependant, le milieu du XIXème siècle marque le début d’une surcharge des terres. La vallée d’Aspe peine à contenir le départ des populations. Le train qui ouvre en 1928 ne vas pas suffire à maintenir les populations. Pour la vallée, il semble de plus en plus important de trouver un équilibre entre les valeurs et pratiques ancestrales qui ont fait son identité, et une ouverture vers l’extérieur peut-être nécessaire à sa survie.
EN RÉSUMÉ Les communautés des vallées d’Aspe et de Canfranc ont su se développer malgré des conditions difficiles. Elles ont forgé leur identité autour d’une notion de bien commun, parfois fortement en écart avec les États auxquels elles appartenaient. Ainsi si la frontière a toujours été partie prenante de ce territoire, elle ne symbolise par forcément un obstacle, mais plus une forme d’échange et de partage. On retiendra des communautés habituées à vivre sur leurs ressources, au coeur d’un équilibre local bien étudié.
ENJEUX
UNE COHÉRENCE INTERNE À REMETTRE EN AVANT
VALORISER LES RELATIONS TRANSFRONTALIÈRES
APPUYER L’IDENTITÉ DU TERRITOIRE
2.
2
PAU-SARAGOSSE, UNE LONGUE MISE EN PLACE DE LA FRANCE À L’ESPAGNE, LES GRANDS FRANCHISSEMENTS La ligne Pau Saragose dans le trafic actuel À L’ÉCHELLE LOCALE, L’IMPACT DU PROJET FERROVIAIRE Un chantier qui a marqué les paysages et les populations L’ouverture dans un contexte défavorable Fermer la voie et favoriser les routes
52 PAU-SARAGOSSE;;;
BORDEAUX
Mont-de-Marsan
TOULOUSE
Auch Bayonne Bilbao San-Sebastian
Pau
Oloron Sainte Marie
Tarbes
Carcassone Foix
Lourdes
Perpignan Pamplona
Jaca
Logroño Huesca
Burgos
TRAFIC DE FRET SUR LA ROUTE Engorgements aux extrémités
Gerona
BARCELONA Lérida
ZARAGOZA
BORDEAUX
Mont-de-Marsan
TOULOUSE
Auch Bayonne
San-Sebastian
Logroño Burgos
Oloron Sainte Marie
Pamplona
Pau
Tarbes
Carcassone Foix
Lourdes
Perpignan
Jaca
Huesca
Gerona
BARCELONA LE TRAFIC DE FRET FERROVIAIRE Encore exploité de manière minoritaire
Lérida
ZARAGOZA Données : A.Cazenave-Piarrot, Le franchissement des Pyrénées centrales, containtes pratiques, enjeux
53
DE LA FRANCE 0 L4ESPAGNE
DE LA FRANCE À L’ESPAGNE, LES GRANDS FRANCHISSEMENTS LA LIGNE PAU-SARAGOSSE DANS LE TRAFIC ACTUEL
train semble la seule solution d'avenir. Depuis quelques années, il est question de creuser un nouveau tunnel, pour créer L’arrivée du chemin de fer s'est faite au une Traversée Centrale des Pyrénées, travers de plusieurs projets. Tout d'abord dont le tracé reste incertain, fortement les extrémités, au niveau d'Hendaye et contesté par les vallées possiblement de Perpignan, puis le centre. La question touchées. Ainsi, il serait question de d'une voie centrale a longtemps fait par- réouvrir la ligne Pau-Saragosse, dans un ler, toujours plus demandée par l'Espagne premier temps, dans une optique de ferque par la France, davantage intéressée routage. Une remise en marche poussée par les voies des extrémités de la chaîne. par l'Aragon, et appuyée depuis quelque Pour l’Espagne, non seulement la France année par la région Aquitaine. Si les diset donc le passage des Pyrénées, reprécussions entre France et Espagne sont sente le seul accès vers l’Europe, mais parfois complexes, et les projets durs à en plus, une voie centrale est mieux vue aboutir, notamment à cause d'une diffépar l’État. Deux projets sont alors décirence d’échelle de réflexion (régionale en dés, l’un reliant Pau à Saragosse, l’autre Espagne, centrale en France), la volonté Saint-Girons à Lérida. L’Aragon présente commune récente est la « permeabilizaun aspect plus neutre et loyal à la coución de la frontera ». ronne, que ses voisins basques et cataPour cela il faut constamment paslans, demandeurs d’indépendance. Ainsi ser d'une réflexion globale, de flux après de nombreux pourparlers, seul le mondiaux, pour lesquels les pyrénées projet Pau-Saragosse sera réalisé, au ne représentent qu'un « haussement travers du tunnel ferroviaire du Somport. d'épaules », à une échelle locale, Un projet qui arrive tardivement, en 1928, d'échanges transfrontaliers, et de et qui ne durera que 52 ans, puisque construction communes. Ainsi c'est le trafic s'est arrêté en 1970 suite à un aux collectivités de faire le lien entre la accident. globalité, et la réalité physique et sociale Aujourd'hui, la question ferroviaire des des territoires traversés. traversées pyrénéennes se pose à nouDans les vallées d’Aspe et de Canfranc, veau, notamment celle de la traversée le passage du train a été un événement centrale. En effet le trafic de camions marquant, qui a fortement impacté les ne cesse d'augmenter, et les extrémités paysages et les mentalités. sont saturées. De plus, dans une logique de développement durable, le recours au
54 PAU-SARAGOSSE...
1.PONT D’ESCOT Étape du chantier, 1906
1904
1914
Début des travaux
Inauguration OloronBedous
1.
Phototypie Labouche Frères; Edition Lacau
2.CANFRANC Grands travaux de terrassement, 1911 3.URDOS Mise en place de la voie sur le versant
ANTS BI T HA ASPE 7665 CANFRANC 1696
Alain Ferrier, canfraneus.eu
2.
Labouche Frères, Toulouse
3.
55
À L’ECHELLE LOCALE
A L’ÉCHELLE LOCALE, L’IMPACT DU PROJET FERROVIAIRE UN CHANTIER QUI A MARQUÉ LES PAYSAGES ET LES POPULATIONS Cette voie montagnarde a entraîné des travaux pharaoniques. En effet son tracé tourmenté culmine à 1211 mètres d'altitude, et fait face à des pentes de plus de 43%. Pour construire la voie, les ingénieurs ont du faire preuve de créativité. Entre Bedous et Canfranc, on trouve énormément d'ouvrages d'art : tunnels (dont un hélicoïdal pour rattraper le dénivelé) et viaducs s’alternent le long du tracé, pour aboutir au tunnel du Somport, d'une longueur de 8km. La construction la plus conséquente reste la gare de Canfranc. Après de nombreuses négociations, il est décidé que la gare transnationale sera construite côté espagnol, au lieu dit « Los arañones ». La topographie difficile de la vallée de Canfranc va
amener la nécessité d'un énorme terrassement, accompagné de nombreux dispositifs de régulation des eaux ainsi que des chutes de neige. L'ampleur de ces ouvrages a engendré un temps de chantier important, constamment ralenti par de nouvelles contraintes techniques et financières. Il a aussi fait appel à une main d’œuvre conséquente, principalement espagnole. Les ouvriers ont formé de véritables communautés au sein des montagnes pendant le temps des travaux, s'installant dans des bâtisses construites au plus près des chantiers, dont il subsiste peu de traces aujourd'hui. L'ampleur de ces travaux a fortement marqué les esprits, et participe à la vision mythique de cette ligne de chemin de fer.
4.FORGES D’ABEL Habitation des ouvriers 5.CANFRANC ESTACION Le village ouvrier sort de terre
Phototypie Labouche Frères; Edition Lacau
4.
http://www.pirineum.es/canfranc.php
5.
56 PAU-SARAGOSSE...
Seconde guerre mondiale
Fe vo rme i e tu
1944
1948 re
1939
Début de la guerre civile espagnole
Fe vo rme i e tu
1936 re
1928 Inauguration de la voie ferrée
INAUGURATION DE LA GARE DE CANFRANC, 1928. L’ouverture de la ligne fait la une des journeaux «ya no hay pireneos» titrent certain. On y retrouve les principales personnalités politiques des deux pays : Le roi d’Espagne Alfonso XIII, Gaston Doumergues, Miguel prime de Rivera et Louis Barthou.
Photos archives Sud Ouest, Photographie de Francisco de la Heras.
GARE DE CANFRANC 1945 Sortie de la gare à l’arrivée d’un train de neige après la guerre
ANTS BI T HA ASPE 5513 CANFRANC 2997
http://transpyreneen.free.fr
57
À L’ÉCHELLE LOCALE
1958
*
L’OUVERTURE DANS UN CONTEXTE DÉFAVORABLE
INAUGURATION À BEDOUS, 1928
L’ouverture de la voie ferrée marque fortement les deux vallées. Côté espagnol, elle est associé à l’installation définitive d’une partie des ouvriers ainsi qu’à des modifications majeures dans le paysage : terrassements, plantations forestières pour protéger la gare... Côté français, elle est accompagnée de l’ouverture de nombreuses centrales hydroélectriques premièrement destinées à l’alimentation du train, et donc à de nombreux barrages qui modifient le rythme du Gave. Cependant, la ligne est déficitaire dès ses débuts. Le trafic se révèle plus interrégional qu’international, ayant cependant peu d’impact à l’échelle des vallées. De plus, la guerre civile espagnole se déclare peu après l’ouverture, et instaure une méfiance réciproque. Étrangement, c’est pendant la seconde guerre mondiale que la voie ferrée est la plus utilisée. Par sa localisation à l’écart des grandes lignes, perdue dans les montagnes, et le caractère bi-national de la gare de Canfranc, elle va permettre à de nombreux résistants et juifs fuyant le régime de Vichy, de rejoindre le sud et les colonies. En 1942, lorsque la partie sud de la France est envahie à son tour, ce sont les nazis qui se servent de la voie pour un trafic de marchandises, et
!
Centenaire des apparitions à Lourdes
YA NO HAY PIRENEOS ! *Il n’y a plus de Pyrénées !
d’or volé avec le régime franquiste. Cette période a beaucoup marqué les esprits, mais le trafic de la voie s’effondrera à nouveau après la guerre. D’autant plus que Franco, craignant la fuite des opposants républicains en France, fait murer le tunnel du Somport entre 1944 et 1948. La voie sera utilisée pendant une courte période pour transporter les pèlerins désirant atteindre Lourdes. Dans le même principe, le chemin de Compostelle à participer grandement à l’économie des deux vallées. En parallèle, les vallées se ferment peu à peu, marquées par un exode rural qui continue.
Francisco de la Heras.
58 PAU-SARAGOSSE
1970
1988
ACCIDENT DE L’ESTANGUET
PREMIÈRES ÉVOCATION DU TUNNEL ROUTIER
2003
OUVERTURE DU TUNNEL ROUTIER SU SOMPORT
MANIFESTATION POUR LE RETOUR DU TRAIN, Gare de Canfranc, 1986
MANIFESTATION CONTRE LE TUNNEL ROUTIER Bedous, 1992 FIN ACTUELLE DE LA VOIE La voie s’arrête brusquement après la gare de Bedous.
ANTS BI T HA ASPE 2646 CANFRANC 908
Archives Sud Ouest
Fonds Pardie
59
À L’ÉCHELLE LOCALE
2016
RÉOUVERTURE DE LA VOIE BEDOUS CANFRANC
FERMER LA VOIE ET FAVORISER LES ROUTES Après un accident amenant la destruction du pont de l'Estanguet, la SNCF qui n'a jamais été vraiment intéressée par la voie, décide de fermer le portion BedousCanfranc, puis Oloron-Bedous. Les priorités ont changé, et c'est le routier qui prend la première place. Ainsi la question d'un deuxième tunnel destiné à la route est rapidement abordée. Ce nouveau projet va mobiliser les habitants, qui s'inquiètent de son impact dans leur quotidien et de l'augmentation du nombre de camions. La lutte contre le tunnel devient un vrai symbole à l'échelle nationale pour les écologistes et les défenseurs de la montagne, qui s'inquiètent pour les risques dans un milieu fragile et « sauvage » comme la vallée d'Aspe, qui abrite les derniers ours des Pyrénées. A cette période, les manifestants demandent le retour du train, plutôt que l’augmentation du trafic routier. En parallèle, l’exode rural qui a débuté en 1850 continue et les paysages de la vallée changent peu à peu. Le départ des bergers entraîne une modification dans la gestion des terres, qui s’enfrichent autour des villages, fermant l’horizon. Finalement, le tunnel est construit en 2003. Si la hausse du trafic de camion n’a pas été significative, leur nombre continue d’augmenter, et marque beaucoup dans une vallée à la route res-
treintes et tortueuses par endroit. La vallée se concentre donc sur les questions liées à la route nationale qui la traverse. On tente de créer des déviations pour atténuer le trafic, mais ces dernières ont aussi un impact sur la fréquentation des villages. L’activité pastorale est toujours importante dans la vallée, mais les éleveurs sont peu nombreux. Côté espagnol, c’est le tourisme qui fait vivre. Les villages, en forte déprise au milieu du siècle, se sont tournés vers les sports de nature, et les stations de ski. C’est dans ce contexte que la portion Oloron-Bedous a été réouverte en 2016, dans l’optique d’une réouverture totale à terme. Aujourd’hui c’est donc la portion Bedous-Canfranc qui est en projet. Elle représente la dernière étape pour atteindre l’Espagne, et ainsi remettre en place le fret. Cela permettrait à terme de donner un nouveau visage à la vallée, en réduisant le trafic routier. 24 trains par jour traverseraient la vallée, avec 8 allers-retours de fret, et 4 allers-retours de voyageurs. La ligne aura donc un certain impact au coeur du territoire. En effet le trafic de marchandises impose un rapport particulier à la voie, surtout dans un contexte de vallée étroite (bruit, proximité). C’est donc aujourd’hui qu’il faut anticiper le passage de la voie, pour qu’elle soit un axe fédérateur et non subi.
EN RÉSUMÉ Pour un regard extérieur, la chaîne de montagne impressionne, et parait marquer une limite forte. Ainsi franchir les Pyrénées a toujours été un but pour les États ou les régions attenantes. Cette notion de franchissement a elle aussi participé à l’identité du site. Particulièrement la ligne Pau-Saragosse, qui se voulait à la fois lien international, et renouveau local. Les deux vallées ont connu de longues périodes de déclin avec l’exode rural, qui les laissent aujourd’hui dépeuplées et à la recherche d’une nouvelle cohérence.
ENJEUX
ASSOCIER RÉFLEXION GLOBALE ET VIE LOCALE
UTILISER LA SYMBOLIQUE DE LA VOIE COMME LEVIER
TIRER PARTI DU PASSAGE
62 GRANDE PARTIE
63
SOUS-PARTIE
3.
1
DES VALLÉES À L’ABANDON ? TENDANCES La fermeture des paysages USAGES ET PRATIQUES, LES TRUCTURES DU PAYSAGE À l’échelle du territoire, des pratiques qui perdurent La place de la forêt La vallée sauvage LE RESSENTI DE L’ABANDON DU TRAIN DANS LA VALLÉE A l’origine, espoir de dynamisme Quelle place pour le patrimoine ferroviaire ?
66 DES VALLÉES À L’ABANDON ?
1948
2015
Pâturage sur les zones les plus hautes
Cultures céréalières de petites taille
Zones intermédiaires fortement pâturées, très ouvertes
Cultures autour des villages
Enfrichement des zones intermédiaires
Pâturages des zones basses
Majorité de boisements ou de zones embroussaillées
Minorité de pâturages toujours utilisés
LE BÉRAT DU HAUT en amont de la vallée d’Aspe, riche vallon se fermant peu à peu. Perte de diversité des activité avec le passage de cultures au pâturage dans le fond de vallée.
N
0
2.5
5(km)
BORCE ET ETSAUT Au coeur de la vallée étroite, autour des villages de Borce et Etsaut, on perçoit clairement le changement dans la dynamique de population, et l’enfrichement des terres autour des villages. Les deux villages ont perdu en co-visibilité.
ETSAUT
ETSAUT
BORCE BORCE
N
0
2.5
© IGN 2017 -
5(km) N134
N134
67
TENDANCES
TENDANCES LA FERMETURE DES PAYSAGES
2.ECOBUAGE Pratique consistant à débroussailler par le feu pour l’obtention de surface pastorale
1. La question sociale de la fermeture des paysages : synthèse d’une enquête dans le parc national des Pyrénées, S.Le Floch, P.Deuffic, L.Ginelli. Janvier 2006
La tendance la plus notable au cours de l'histoire des deux vallées est celle de la « fermeture des paysages ». Un terme qui revient de plus en plus dans les vallées rurales comme la vallée d'Aspe. En effet si cette vallée n'a jamais été aussi ouverte que d'autres, limitée par la topographie très rude, les zones intermédiaires, entre les villages et les hauteurs, se sont fermées de manière accélérées en quelques dizaines d’années. Avec l'exode rural, ce territoire depuis le milieu du XIXème siècle, les bergers se firent de moins en moins nombreux, tout en conservant un nombre de bêtes conséquent. Ainsi les zones intermédiaires, plus difficiles à pâturer, ont été peu à peu abandonnées au profit des zones planes des vallons, dont l'usage d'origine était plutôt céréalier. Il est difficile de dire que ces fermetures autour des villages sont réellement négatives. En effet, l'ouverture totale de la vallée était un témoignage des pratiques d'autrefois, aujourd'hui difficilement applicables. La PAC a fortement défavorisé les territoires de montagne, où la mécanisation était rarement possible, encourageant à abandonner complètement certaines cultures, et les mentalités ont changé. Des études ont été menées au sein du parc national des Pyrénées1, sur la question du ressenti
de la fermeture des paysages par les populations dans la vallée d'Aspe, auprès des habitants, des élus, des éleveurs ou encore des forestiers. Il en résulte que ce sont souvent les institutions, à l'échelle de la commune ou de l'intercommunalité, qui voient le plus négativement ce changement de végétation, alors dénommé « fermeture des paysages », car ayant peur de la vision des habitants et des touristes, qu'ils imagient négative. Pourtant, ces derniers ne semblent pas affectés par ces changements, qu'ils considèrent parfois comme un « juste retour à la nature ». Les agriculteurs et les générations les plus anciennes considèrent cependant ces changements comme un échec de la société montagnarde, et une peur de l'avenir. Ainsi certains continuent à pratiquer un écobuage1 plus ou moins encadré, par peur de l'évolution de ces friches sur l'ensemble du territoire. La question se pose alors de l'action possible sur ces espaces, et sur l'état actuel des pratiques montagnardes. Car comme le dit l'étude du parc national des Pyrénées, la question n'est peutêtre finalement pas la « fermeture » des paysages, mais plutôt l'ouverture de l'espace montagnard, pour qui et pour quels usages ?
68 DES VALLÉES À L’ABANDON
1.ACCOUS A cette époque, on distingue clairement les nombreux bocages autour d’Accous, et les champs cultivés
2.BEDOUS L’entrée sur Bedous est encore très dégagée. Les haies sont maintenues basses, et on perçoit encore les peupliers qui marquaient certaines limites.
F.Levasseur, carte postale 1930
1.
F.Levasseur, carte postale 1930
2.
3.ETSAUT Le village d’Etsaut se remarque aisément depuis Borce ou depuis la route.
4.VALLON D’URDOS Les alentours du village d’Urdos
Labouche frères, Toulouse. Les Basses-Pyréénes, n°604. 3. 1930
Labouche frères, Toulouse. Les Basses-Pyréénes, n°604. 1930 4.
69
TENDANCES
5..ACCOUS Depuis les hauteurs du villages, on perçoit l’étalement des haies et l’avancée des boisements sur le fond de vallée.
6..BEDOUS Les constructions se sont beaucoup étalées à Bedous, et on remarque une végétation moins démarquée. 5.
Google maps, 2016
6.
7..ETSAUT Depuis Borce. Autour du village, les haies et la rypisylve se sont fortement développées, diminuant fortement l’inter visibilité entre villages
8. DEPUIS URDOS L’ensemble des terrains dans les alentours direct du village s’est fortement refermé.
7.
8.
70 GRANDE PARTIE OSSE-EN-ASÊ
LÉÉES-ATHAS
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ETSAUT BORCE
URDOS
Broussailles Pelouses et pâturages naturels Patûre et culture
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Landes Prairie à usage pastoral
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CANFRANC PUEBLO
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USAGES ET PRATIQUES
USAGES ET PRATIQUES, LES STRUCTURES DU PAYSAGE A L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE, UNE PRATIQUE DES TERRES QUI PERDURE 2.Estive L’estive est la période de l’année où les troupeaux partent pâturer dans les hauteurs. Par métonymie, le mot désigne aussi le paturage des hauteurs.
1. Selon les chiffres de l’INSEE, la part des établissements agricoles dans la vallée en 2014 était de 18.7%
Mieux comprendre les paysages de la vallée d'Aspe, ainsi que les raisons des changements dans les dynamiques de végétations au cours des dernières décennies, repose d'abord sur la compréhension d'une activité, qui a donné depuis longtemps son identité à la vallée, le pastoralisme. Quand on se renseigne sur ce territoire, c'est l'un des premiers éléments qui ressort : « une vallée fortement pastorale ». Depuis ses origines, cette activité a constitué le moyen de subsistance des habitants, et le cœur d'organisation de ses directives. Tout a toujours été pensé en fonction du pastoralisme, qui permettait aux familles et aux communes qui louaient leur terre, de vivre. Depuis le début de l'exode rural, le nombre d'éleveurs a cependant chuté. Ainsi si l'identité de la vallée reste attachée à cette activité, faute d'autre utilisation majeure comme le tourisme qui en redéfinirait l'image, elle ne représente en réalité que peu d'emplois1. Le pastoralisme de la vallée d'Aspe s'est construit autour de plusieurs caractéristiques, que l'on peut retrouver en partie dans les vallées voisines (vallée d'Ossau notamment). Tout d'abord, une préférence pour l'élevage ovin qui n'a pas changé au cours des siècles. La vallée, qui connaît un climat aux faibles
amplitudes thermales, ainsi qu'une pluviométrie importante, est propice aux herbages, et c'est donc très tôt que les premiers élevages ovins laitiers se sont installés. En effet, la production première dans ces régions est fromagère. Les éleveurs pratiquant la transhumance, et partant pâturer les estives2 pendant plusieurs mois, le fromage est directement fabriqué sur place dans les cabanes. Cependant, si ce fromage a fait la renommée de la région, l’élevage a beaucoup de mal à se remettre de l'exode rural.
DES DIFFICULTÉS À MAINTENIR UNE DYNAMIQUE POSITIVE
Aujourd'hui dans la vallée, de moins en moins d'exploitants sont présents. On en trouve parfois seulement quelques uns sur une commune, comme à Borce, voire plus du tout à Urdos. Mais les estives continuent à être utilisées par les éleveurs restants, et parfois par d’autres, venant parfois du Pays Basque ou de la vallée d'Ossau. Si le nombre d'éleveurs a chuté, la taille des troupeaux n'est pas moindre, voire plus importante, et les éleveurs se sont retranchés dans sur les herbages les plus faciles à exploiter, en fond de vallée sur les anciennes terres agricoles, et dans les estives. Ainsi le trajet de la transhumance suivant les versants de la montagne est coupé, et les zones intermédiaires abandonnées. Cependant, si la situation a paru cri-
72 DES VALLÉES À L’ABANDON ?
PLAINE DE BEDOUS On trouve dans la plaine de Bedous une majorité de pâturages ainsi que quelques cultures.
ESTIVES Les estives sont des prairies naturelles permanentes.
Cabane Espélunguère,randonnées-pyrénées64.fr, 3 Nov.2017
VERS URDOS Autour d’Urdos, la vision est très restreinte, de nombreux anciens pâturages ayant disparu, remplacé progressivement par des boisements
73
85% 1. IPHB L’IPHB (institut patrimonial du Haut Béarn) rassemble une majorité d’acteurs des 3 vallées du Haut Béarn pour discuter plus facilement de leur développement.
PRIVÉ/PUBLIC/ PARTAGÉ Parcellaire complexe et morcelé dans les zones intermédiaires COMMUNAL Souvent, les zones les plus hautes appartiennent à la commune.
USAGES ET PRATIQUES
du territoire appartient aux communes, dans l’ensemble des trois vallées béarnaises
tique, voire désespérée dans les années 70, l'activité a connu un certain regain depuis. La situation enclavée de nombreuses exploitation s'est améliorée, soit grâce à la création de nouvelles routes, soit par le biais d'actions mis en place par les collectivités, encadrées par l'IPHB1, comme l'héliportage, qui permet un acheminement de matériel dans les estives peu accessibles, et une aide pour le muletage. En effet la production des fromages dans les estives implique des descente régulières, dans des sentiers parfois peu aisés. La reconnaissance de la production grâce à l'obtention du label Ossau-Iraty, dont plusieurs éleveurs font partie, a contribué à une amélioration de la situation. En 2010, la marque d’estive a été créée pour valoriser ces produits. Mais ce sont aussi des initiatives locales,
comme la formation de l'association des éleveurs transhumants des 3 vallées (Barétous, Aspe, Ossau), qui ont permis de mieux réguler la production et surtout le marché visé, qui ont un nouvel impact sur la vallée. Ainsi aujourd’hui, quelques jeunes éleveurs viennent s’installer dans la vallée. Les zones d’estives, qui appartiennent aux communes, sont constamment entretenues et valorisées. Cependant la vallée reste bloquée par une fuite de population constante et par un statut foncier complexes au niveau des zones intermédiaires, qui ne permet pas de régulation de l'enfrichement qui les caractérise. Il est nécessaire aujourd’hui de pérenniser les arrivées, et les exploitations existantes, en continuant à améliorer les conditions de vie des bergers. Cela passe par de nombreuses actions, visant autant l’entretien et la valorisation des sentiers pastoraux, que l’encadrement des bâtiments de fabrication fromagère, ainsi que le partage avec les autres utilisateurs de la montagne, notamment les randonneurs, pour mieux promouvoir les pratiques. L’enjeu principal reste la gestion du foncier. Il est l’outil principal permettant une meilleure gestion des terres, aujourd’hui réellement difficile sur les flancs de versant. Récemment cependant, une association foncière pastorale a vu le jour à Borce, permettant un espoir pour les zones abandonnées de la vallée, et la revitalisation de certains hameaux.
74 GRANDE PARTIE OSSE-EN-ASÊ
LÉÉES-ATHAS
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URDOS
CANFRANC ESTACION Conifères Forêt mixte Forêt de feuillus
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CANFRANC PUEBLO
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USAGES ET PRATIQUES
LA PLACE DE LA FORÊT La forêt aspoise n'est pas uniforme. Elle est inscrite dans un étagement bioclimatique diversifié, du chêne pédonculé aux niveaux colinéens, au pin à crochet en milieu subalpin. Au milieu, on trouve une majorité de hêtres, traces de l'exploitation principale du secteur forestier, aujourd'hui mélangé aux sapins qui se réinstallent peu à peu. La forêt est un élément fort du paysage, puisqu’elle occupe la plupart des espaces non pâturés, ou dont la topographie en fait un lieu trop difficile d’accès. Elle a une influence sur l’ensemble des terres puisqu’elle a un rôle stabilisateur au niveau des sols, mais aussi au niveau des eaux, puisqu’elle ralentit leur écoulement. Deux contraintes ont modulées l’installation des boisements : la topographie exigeante, mais surtout la tradition pastorale, qui l'a jusqu'à une certaine époque, cantonnée à des espaces définis, qui se ressentent encore dans le parcellaire actuel. En effet la vallée n'a jamais eu de vocation forestière. Hors quelques brèves périodes de grosse exploitation (lors de la mâture au XVIIIème siècle notamment, et des grandes exploitations par câble des années 19501970), la forêt est plus un espace vécu qu'une donnée de production. Elle sert pour l'élevage, puisque les troupeaux pâturaient les sous-bois à certaines
période, la cueillette et la chasse. Seul un bois d’œuvre minimal à l’usage des habitants a toujours été utilisé, et nécessaire. Une donnée qui fait que les tentatives extérieures pour instaurer une véritable filière bois dans la vallée ont toujours été mal acceptées par les habitants, qui y voient une entrave à l'élevage.Tout espace doit rester traversable par les troupeaux, et l'idée que certaines parcelles puissent servir uniquement à la production de bois n'est pas forcément bien vue. L’introduction d’une économie mettant en concurrence les productions du bois et de l’élevage a ainsi creusé l’écart entre ces deux pratiques qui fonctionnaient pourtant dans une logique de gestion complémentaire. Les communes, propriétaires majeures, en tirent une petite production, qui participe à leur budget communal. La forêt a donc à petite échelle, une certaine importance économique. Cependant, une production plus importante est souvent bloquée par un manque de débouchés locaux, ainsi qu’une difficulté à le valoriser.
UN NOUVEL ÉQUILIBRE À TROUVER
Pourtant aujourd'hui, l'équilibre a changé. Avec le départ de nombreux éleveurs, et l'abandon de certaines zones, c'est la forêt qui reprend ses droits sur les prairies. On la trouve alors dans les zones intermédiaires, où elle représente une
76 DES VALLÉES À L’ABANDON ?
FORGES D’ABEL Sur de nombreux versants, la forêt n’est pas accessible pour l’exploitation car pourvue d’une pente trop forte.
MASSIF D’ISSAUX On trouve assez peu de grands massifs forestiers facilement exploitables comme celui d’Issaux.
CANFRANC Autour de Canfranc, l’ambiance est marquée par de nombreux conifères plantés lors de la construction de la gare pour éviter les avalanches.
77
USAGES ET PRATIQUES
ressource peu exploitée, ni pour le bois, ni comme espace. Sa gestion est rendue difficile par un morcelage de parcelles complexe, majoritairement privées. A l’inverse, les grands massifs comme le bois de Pacq ou le massif d'Issaux représentent de vastes terres communales gérées par l'ONF. Ainsi la forêt aspoise présente une certaine diversité de statut juridique et fonciers, entre les forêts communales, majoritaires, les forêts syndicales, les forêts gerées par les communes ou encore les forêts du parc national. Certains organismes, comme le Parc National et l'ONF, agissent de concert dans une vocation de production raisonnée, et une tentative de considérer la forêt comme un biotope plus que comme un simple espace de production Face à cela, d’autres propriétaires restent seuls, délaissant des espaces jugés trop petits pour être exploités indépendamment. Pourtant, quelques initiatives locales se font sentir dans la filière bois, comme la présence d’une scierie dans le vallon de Bedous, travaillant avec l’ONF, et tentant petit à petit de s’adapter au marché de la vallée, comme à la demande en bois de chauffage croissante. (à Bedous, un poêle collectif a récemment été installé). Il serait donc intéréssant de considérer la filière bois-énergie dans les pratiques actuelles, à associer directement avec les besoins de la vallée. En parallèle, l'écobuage, consistant à débroussailler par le feu pour faciliter
la pâture, continue à être appliqué dans de nombreux endroits. Légalement par le parc national ou l'ONF, qui régulent l'activité pour ne pas risquer d'atteinte aux forêts voisines, et parfois de manière sauvage par certains éleveurs. Cette pratique, si elle se justifie encore par endroits, continue à être appliquée de manière globale même dans des espaces non pâturés, pour tenter de garder une ouverture. On peut se demander jusqu'à quel point il est justifié de continuer certaines pratiques. Quelle doit être la place de la forêt dans la vallée d'Aspe, et comment peut-elle redevenir un espace pratiqué, plutôt qu'un signe d'abandon des terres ?
LA VALLÉE «SAUVAGE»
La vallée d'Aspe présente des milieux divers, abritant une faune et flore riche. En effet les conditions écologiques variées (climat, topographie...) et la gestion par l'homme principalement pastorale, ont permis le maintien d'une diversité de milieux importante : forêt, pelouses, landes, milieux rocheux... De nombreuses espèces y trouvent refuge, comme le gypaète barbu, le percoptère d'egypte, ou encore jusqu'à récemment, l'ours brun des pyrénées. En effet c'est la présence de cet animal qui a fait la renommée de la vallée d'Aspe, la présentant comme une vallée « sauvage » dernier refuge de l’ours, dont le dernier représentant de l’espèce, Cannelle est abattu par un chasseur en 2004. La
BEDOUS
78 GRANDE PARTIE
DÉFILÉ D’ESQUE
COMMUNE D’ACCOUS
MASSIF D’ASPE ET D’OSSAU HAUTE VALLÉE D’ASPE ET D’OSSAU FORT DU PORTALET ET CHEMIN DE LA MATURE
PROTECTIONS Carte des différentes protections de la vallée.
HAUTE SAOULE, MASSIF DE LA PIERRE SAINT MARTIN
Nautura 2000 directives oiseaux
Site inscrit Site classé Coeur du parc National Réserve de biosphère Classement restauration écologique des cous d’eau
LES VALLÉES OCCIDENTALES
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CANFRANC ESTACION
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USAGES ET PRATIQUES
vallée semble en effet plus préservée que certaines de ses voisines. Elle n’a pas été touchée par un tourisme de masse, et relativement préservée d’extensions urbaines. Lors des débats sur le tunnel routier du Somport, ces caractéristiques qui avaient inquiété les habitants et surtout de nombreux écologistes à l’échelle nationale, craignant de défigurer une vallée « sauvage et préservée ». Aujourd’hui, elle est traversée par de nombreux camions, dont certains se retrouvent parfois dans le Gave, entraînés dans le vide sur certaines portions routières trop tortueuses, et déversant leur charge dans les eaux.
L’EAU, RESSOURCE ET MILIEU Dans la vallée, l’eau est une ressource d’importance, non seulement pour le pastoralisme, mais aussi pour l’hydroéléctricité. En effet on y trouve 6 stations hydroélectriques, et trois barrages, avec une production équivalente à la consomation de 120 000 habitants. Cette production permet un revenu constant à certaines communes. Cependant, la relation au gave est rendue plus complexe par cette production. En effet, les levées des barrages par période en font un endroit dangereux, avec un rappel constant des risques occasionés, engendrant des conflits d’usage avec les pêcheurs et les patiquants de sport d’eau vive. Cependant le cours du gave est relativement préservé comparé à d’autres vallées On
y trouve une ripisylve très riche, qui s’est cependant étendue, et à parfois tendance à masquer le cours d’eau, renforcé par les anciennes haies des cultures.
UNE SUPERPOSITION DE PROTECTIONS Le gave d’Aspe fait l’objet d’une protection Natura 2000, comme l'ensemble de la vallée d'Aspe et de celle de Canfranc. Par dessus cette première réglementation, d'autres protections s’accumulent sur la vallée, visant à protéger de nombreuses espèces, ainsi que certains paysages ou patrimoines d’exception. Parmi eux on trouve le fort du Portalet et le chemin de la mature, espaces reconnus du patrimoine valléen, dont la classification d'abord restreinte au monument historique, s'est étendu en site en 2005, pour éviter des dégradations possibles des paysages alentours avec l'aménagement de la route nationale. Ensuite le défilé d'Esquit, formation géologique impressionnante à la sortie de la plaine de Bedous. L'ensemble de l'emprise communale d'Accous, comprenant le plateau de Lhers, fait partie des sites inscrits. Cette superposition de protections tend à alourdir encore au yeux de certains valléens, la charge de l'Etat sur leur vallée.
80 DES VALLÉES À L’ABANDON ?
2. AFFICHE DES CHEMINS DE FER DU MIDI, 1930 1928
1. SNCF PROMOTION DE LA VOIE EN 1960
81
LE RESSENTI DE L’ABANDON DU TRAIN
LE RESSENTI DE L’ABANDON DU TRAIN DANS LA VALÉE A L’ORIGINE : ESPOIR DE DYNAMISME Au XIXème siècle, une véritable culture des réseaux se développe avec l'arrivée du chemin de fer. Il est associé à une nouvelle manière de vivre les déplacements, un progrès technique étonnant, et devient prétexte aux plus grandes démonstrations techniques, notamment dans les régions montagneuses et vallonnées. Au delà de ça, le chemin de fer représente l'espoir d'un dynamisme nouveau pour les territoires qu'il traverse. Associé au progrès technique donc, mais aussi à une nouvelle attractivité. Dans son ouvrage sur l'Histoire des voyages en train, Wolfgang Schivelbush dit que « la région que l'on achète avec le billet devient lieu de représentation », en ce sens qu'avec ces trajets raccourcis, on achète la destination plus le voyage. Destination que se pare alors d'un nouvel intérêt. Ainsi on tente de raccorder l'ensemble de la France par le biais du chemin de fer, et l’État décide de rallier les territoires avec les moins de ressource et le moins d'accessibilités, dont les Pyrénées. Comme on pu le voir, la ligne Pau-Saragosse s'est ouverte tardivement dans l'histoire du rail. Ainsi pendant l'âge d'or du train, la voie n'était encore qu'en construction, et a été ensuite assez peu utilisée à cause d'un contexte difficile. Mais la ligne a tout de même une forte symbolique, comme attrait en temps que
réseau, mais aussi en tant que patrimoine ferroviaire pour les vallées d'Aspe et de Canfranc. En effet si l’espoir d’un nouveau dynamisme associé au train, fortement porté par les communautés françaises et espagnoles au début du siècle, n’a pas été assouvi, le tracé de cette ligne, et ses infrastructures, marquent profondément les deux vallées. Ces traces d’une volonté de franchir la montagne, et de démontrer un savoir technique nouveau, jalonnent la vallée d’Aspe, dont la ligne de chemin de fer, qui suit le Gave, constitue une véritable colonne vertébrale.
SYMBOLIQUE ET ESPOIR
On trouve plusieurs traces d’un attachement au train, lié à sa symbolique, et à l’espoir qu’il représentait en matière de désenclavement, mais aussi de tourisme. Ainsi en 1930, ce sont les chemins de fer du midi qui tentent de promouvoir la voie, via sa destination la plus lointaine, Saragosse, grande ville espagnole au fort potentiel touristique. On voit sur l’affiche concernée une allusion au trajet, même si l’image principale est celle de la destination. Ainsi la qualification de «transpyrénéen» associe la voie à une prouesse technique qui reste dans les mémoire. Plus tard en 1960, la SNCF choisit de promouvoir la voie au travers d’une allusion aux Pyrénées qu’elle traverse. On y trouve un paysage pittoresque, sans habitations, dessiné par les pâtures qui forment les paysages de la vallée.
82 GRANDE PARTIE
15 308
KM DE VOIE
MÈTRES
DE DÉNIVELÉ
QUEL PLACE POUR LE PATRIMOINE FERROVIAIRE ?
N
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2
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6 (km)
Suite à l'accident de l'Estanguet, l'ensemble des infrastructures et du bâti a été abandonné. Le tracé de la ligne s'est perdu sous la végétation qui s'y est étendu, les gares ont été délaissées, les entrées de tunnel peu à peu recouvertes... Pourtant les immenses viaducs traversant le gave et la route par endroits restent des témoignages de l'importance de la voie ferrée, et des travaux titanesques pour la réaliser. Ainsi l'abandon est d'autant plus marquant qu'il ne suffit pas à faire oublier la voie. Elle est au contraire devenu un symbole d'autant plus poignant par ces grandes structures délaissées. La gare de Canfranc en est le plus célèbre exemple. Construite au cœur des Pyrénées, deuxième plus grande gare d'Europe après celle de Leipzig, la gare était lors de son ouverture, un symbole du franchissement, de l'ouverture entre les deux pays. Son emplacement, dans une haute vallée sauvage , était fortement soutenu par le gouvernement espagnol, autant pour des raisons politiques que symboliques. Cependant, c'est sa période d'abandon qui en a le plus fait
83
6
GARES
LE RESSENTI DE L’ABANDON DU TRAIN
15
10
PONTS ET VIADUCS
TUNNELS
DONT UN TUNNEL HÉLICOÏDAL ET LE TUNNEL DU SOMPORT DE 8KM
parler. Elle est l'exemple le plus marquant de l'attitude vis-à-vis de la ligne, entre obsession et désintérêt. La gare a été laissée à l'abandon pendant plus de 50 ans, étant surnommée le « Titanic des Pyrénées », et continuant à faire parler, à être visitée... Cependant seul le bâtiment principal a fait l'objet d'une protection patrimoniale par l'Aragon. Ainsi l'ensemble est resté longtemps entre parenthèse, dans l'attente de fonds, d'une possible réouverture de la ligne, d'un projet, figeant ce site d'envergure. Aujourd'hui le site de la gare fait l'objet d'un immense projet d'urbanisation, qui devrait réunir habitations, hôtels de luxe, mais aussi un musée ferroviaire et de nombreux espaces publics, tout cela destiné aux touristes et aux pèlerins. Le bâtiment principal de la gare deviendra alors un immense hôtel associé à de nombreux commerces, et l'emprise ferroviaire sera réduite à une partie plus modeste, cantonnée au fond du site. Cependant, le projet choisi a tout de même pris le parti de conserver les bâtiments existants sans en construire de nouveaux, réduisant des ambitions titanesques. L'ensemble de la ligne fait l'objet d'une hésitation et d'une attente qui dure depuis plus de 50 ans. Sans savoir si la ligne sera réouverte, aban-
donnée, réaffectée, le doute se ressent dans la patrimoine restant. Si certains éléments font l'objet d'un classement côté français, comme l'entrée du tunnel hélicoïdal ou du tunnel du Somport, d'autres ont été réhabilité, racheté par des associations ou des particuliers. Ainsi la gare d'Etsaut est désormais la maison du parc national des pyrénées. Celle d'Urdos, un camping, celle de Sarrance, une habitation privée. Même la partie réouverte n'a pas réinvesti les bâtiments d'origine, trop imposants pour le trafic voyageurs actuel. La gare de Bedous est toujours à l’abandon, même si elle intéresse certains entrepreneurs, qui y verraient une brasserie, un endroit où se retrouver. D'autres gares, comme celle des Forges d'Abel, sont restées entièrement à l'abandon. Elles s'effondrent peu à peu, et continuent pourtant à rythmer la traversée de la vallée, comme les immenses viaducs de pierre et de métal qui surplombent par moment la route. L'ensemble de cette voie semble être alors le symbole d'un grand doute sur la vallée, à l'image de son abandon progressif, jalonné cependant d'initiatives de reprise, ou de réouverture.
84 DES VALLÉES À L’ABANDON ?
1. GARE DES FORGES D’ABEL Cet ancien hameau qui a abrité de nombreux ouvriers lors du chantier est aujourd’hui entièrement délaissé
2. DERRIÈRE LA GARE DE CANFRANC La gare de Canfranc a connu un abandon total pendant de nombreuses années
1.
2.
3.
4.
3. AMÉNAGEMENT DES VOIES, ETSAUT A Etsaut, la gare est aujourd’hui occupé par la maison du parc national, et une partie de l’emprise des voies utilisée en tant que balade 4. VERS URDOS, VIADUC D’ARNOUSSE De nombreux ouvrages d’arts rythment le passage dans la vallée, et rappellent l’importance de la voie
85
LE RESSENTI DE L’ABANDON DU TRAIN
5. ETSAUT Etsaut est marqué par le passage du train, notamment ce pont visible depuis la place principale
6. GARE DE LESCUNCETTE-EYGUN Cette gare est à l’abandon depuis de nombreuses années, malgré une brève utilisation par l’association «la goutte d’eau» lors des manifestations contre le tunnel routier
5.
6.
7.
8.
7. LE PONT D’URDOS Juste avant le village d’urdos, cet immense pont de métal marque profondément le paysage.
8.. BEDOUS, LA NOUVELLE VOIE La voie ferré récemment réouverte s’arrête aujourd’hui à Bedous.
EN RÉSUMÉ Les pratiques actuelles montrent une rupture entre l’espace pastoral et la forêt, source d’incompréhension, et faisant perdre son sens à certaines zones. Les dynamiques végétales ont changé, marquées par la baisse du nombre d’habitants et de travailleurs de la montagne. Ces changements reflètent une moindre appropriation des espaces de la montagne, pourtant porteurs de ressources, et amenant un cadre de vie attractif. Cette perte de sens, qui entraîne les communes dans une boucle négative, se reflète aussi autour de la voie ferrée devenue un symbole d’abandon important dans la vallée. La reconquête de cette vallée délaissée semble passer par une autre vision de ses terres, associant les valeurs actuelles aux valeurs passées, à l’image de certaines initiatives déjà présentes, comme les associations foncières pastorales.
ENJEUX
VALORISER ET DIVERSIFIER LES RESSOURCES EXISTANTES
STRUCTURER LES PAYSAGES
INVERSER LE RAPPORT AU TRAIN POUR QU’IL SOIT SUPPORT DE DÉVELOPPEMENT
3.
2
DES VILLAGES TRAVERSÉES HABITER LE TERRITOIRE Bassin de vie Des foyers d’habitation dilués le long de la vallée LA DOMINATION DE LA ROUTE La voiture, nouvel occupant des espaces publics Des services déséquilibrés REPENSER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE Des événements traditionnels qui perdurent et animent la vallée Le tourisme, un levier pour l’attractivité ? SE DÉPLACER AUTREMENT, QUEL AVENIR ? Des mobilités éclatés
90 DES VILLAGES TRAVERSÉS
A6
4 PAU
N1
34
COMMUNAUTÉ DE COMMUNE DU HAUT BÉARN
OLORON SAINTE MARIE
BEDOUS
COMARCA DE JACETANIA
N33
0
CANFRANC
N240
JACA
N330 SABIÑÁNIGO
COMMUNAUTÉS DE COMMUNES
N
0
10
20
30 (km)
VERS HUESCA
91
HABITER LE TERRITOIRE
HABITER LE TERRITOIRE 32429
HABITANTS dans la CC Haut Béarn
18709
HABITANTS en Jacetania
BASSIN DE VIE Les vallées de d’Aspe et de Canfranc fonctionne dans un des ensembles définis et entretiennent plusieurs relations avec le territoire environnant. En effet la communauté de commune de la vallée d’Aspe a rejoint en janvier 2017 trois autres CC : celle de la vallée du Barétous, celle de Josbeig, et surtout celle du piémont oloronais. Ainsi depuis récemment elles forment ensemble la communauté de commune du Haut Béarn. Ce changement renforce les liens entre vallées et piémont, reliant certains services, comme les offices de tourisme, ou les bibliothèques. Tout ce territoire se trouve sous l’influence de Pau, ville moyenne, où l’on trouve notamment l’aéroport, et l’accès à l’autoroute A64, mais aussi le plus de services. Oloron bien que petite ville, influcence beaucoup le territoire rural dans lequel elle s’inscrit. Elle représente un bassin d’emplois grâce à de nombreuses usines comme celle de Lindt. Côté espagnol, Canfranc s’inscrit au sein du la Jacetania, comarque du Nord Ouest de la communauté autonome de l’Aragon. Sa capitale,
Jaca, se situe à la sortie de la vallée de Canfranc, et en constitue donc l’influence principale. L’ensemble du territoire s’inscrit plutôt dans une logique rurale. En effet les plus grandes villes ne dépassent pas les 80 000 habitants (Pau), et l’influence de Saragosse reste très lointaine. Si la démographie a plutôt stagné voire baissé à la fin du XXème siècle, elle a tendance à remonter ces dernières années. Dépendante d’apports extérieurs, elle repose sur l’attractivité du territoire. La vallée d’Aspe elle-même attire de plus en plus de néo ruraux ces dernières années. Venant des villes alentours ou même d’Espagne, à la recherche d’un cadre plus calme et d’une autre façon de vivre. Les nouveaux venus ouvrent parfois des commerces, cafés, restaurant, participant directement à la vie de la vallée. La vallée d’Aspe dépend donc directement de ces nouveaux habitants, qui connaissent cependant des difficultés à s’installer, liées au foncier.
92 DES VILLAGES TRAVERSÉS
BEDOUS
OSSE-EN-ASPE 326
AYDIUS 578
107
LÉES ATHAS ACCOUS 279 463 LESCUN
CETTE-EYGUN
189
74 BORCE
SUPERPOSITION DES RÉSEAUX
145
Dans le fond de vallée, les réseaux sont souvent très proches les uns des autres, tentant de trouver leur place autour du gave. L’espace étant très contraint, il est parfois difficile d’instaurer des déviations, sans que la route finisse par prendre tout l’espace disponible.
ETSAUT 83
URDOS 68
NOMBRE D’HABITANTS ET PROPORTION D’HABITAT PRINCIPAL ET SECONDAIRES Nombre d’habitant 591 Logement secondaire Logement principal Logement vacant INSEE, 2014 (France) IAEST 2017, (Espagne)
Sur cette carte, on peut voir l’écart creusé entre le vallon et la haute vallée. En effet on trouve beaucoup plus d’habitants au nord, dans le vallon plus clément, qu’au Sud, ou les accès sont plus difficiles. De même, on peut voir que si l’ensemble de la vallée est touchée par le problème des maisons secondaires, ce problème s’accentue dans la haute vallée, particulièrement à Lescun, Borce, et Canfranc, bloquant complètement le foncier, et le nombre d’habitant. En parallèle, c’est à Urdos que la situation semble la plus critique, avec 20% de logements vacants.
CANFRANC ESTACTION
N
0
2
4
6 (km)
591 CANFRANC PUEBLO
93
HABITER LE TERRITOIRE
DES FOYERS D’HABITATION DILUÉS LE LONG DE LA VALLÉE La vallée d'Aspe est étalée en longueur, dans un fond de vallée restreint. Comme on a pu le voir, malgré une légère remontée ces dernières années, la population a fortement baissé au cours des décennies précédentes. Depuis le début de l'exode rural, les collectivités locales ont du mal à garder leurs habitants, qui quittent un territoire isolé. Si la vallée s'est construite autour de la traversée, du chemin de Compostelle ou de la route, en parallèle d'un fort ancrage agro-pastoral, elle connaît aujourd'hui des difficultés pour y arrêter de nouveaux habitants. On y trouve sur l'ensemble moins de 2500 habitants. Ils sont répartis sur des petits foyers d'habitation, sur plus de 10 communes. Certains villages n'ont gardé que quelques dizaines d'habitants, comme à Urdos, où la population locale est aujourd'hui de 67 habitants, contre
COMPARAISON DES ÉVOLUTIONS DE POPULATION ENTRE 1968 ET 2014 INSEE, 2014 (France) IAEST 2017, (Espagne)
3000 2500 2000 1500 1000 500 0
1968
1975
1982
1990
2009
2014
300 en 1950. On pourrait s'attendre à une majorité de logements vacants à l'abandon, cependant la difficulté de la vallée se situe aussi autour d'un foncier bloqué par les maisons secondaires et les héritages. Sur une population aussi restreinte, centrée sur les cœurs de bourgs, ces maisons aux volets fermées pendant la majeure partie de l'année présentent un aspect d'abandon pesant pour les habitants à l'année. Et pour les personnes souhaitant s'installer durablement, les logements paraissent bloqués, trop chers ou même absents. De plus, s'organiser en groupe, autour de politiques communes est plus difficile sur un territoire étalé. Pour mieux comprendre la vallée et la vie qui s'y déroule, il me semble important de comprendre dans un premier temps sa structure, la forme de ses villages, qui reflète ses pratiques, et son lien à la notion de traversée, qui peut aujourd'hui paraître plus handicapante que valorisante.
La population globale de la vallée d’Aspe et de Canfranc a connu une VALLÉE D’ASPE baisse constante jusqu’en 2000, avant de remonter légèrement ces dernières années. Cependant, VALLON DE on se rend compte en prenant les BEDOUS HAUTE VALLÉE villages à part, que cette remontée ne concerne que le vallon, et que HAUTE VALLÉE la haute vallée continue à perdre des habitants, malgré une brève remontée en 1990.
94 DES VILLAGES TRAVERSÉS
UN HABITAT TRADITIONNELLEMENT RÉPARTI LE LONG DES VERSANTS Traditionnellement, la bâti lui-même est à la fois regroupé au sein de hameaux ou de bourgs en fond de vallée, et étalé le long du versant, témoin de l'activité agro-pastorale. Ainsi, les villages sont regroupés près du gave le long de la route, construits sur de longues parcelles. En montant vers quelques fermes éparses se distinguent, témoins des cultures passées. C'est souvent au dessus des villages que se sont installées les constructions les plus récentes, qui se distinguent par l'absence de regroupe-
P AV
2
1
B OU
ment. Elles s'étendent aussi peti à petit le long des routes. Plus haut, les bordes, anciennement utilisées pour stocker le fourrage quand les troupeaux pâturaient le flanc de montagne, sont aujourd'hui souvent à l'abandon, où reconverties en maisons secondaires. Enfin les cabanes d'estives se trouvent au cœur des pâturages d'été dans les sommets. Elles sont construites avec les ressources disponibles, souvent à l'abri du vent, tournées vers l'espace de pâture. Aujourd'hui, si certaines sont toujours utilisées pas les bergers transhumants, et récemment rénovées, de nombreuses sont à l'abandon, ou reconverties en refuge.
RG
ILLONS 2 1
3
95
HABITER LE TERRITOIRE
LE VILLAGE DE CANFRANC, RESSENTI URBAIN Côté espagnol, le village de Canfranc se scinde en deux parties. Canfranc Pueblo, datant du moyen âge, à la disposition plus proche des villages français, et la Canfranc Estacion, datant du début de la construction du train. Ce village, qui marque l'arrivée en Espagne, a été conçu selon les principes modernes d'après guerre, où l'on trouve de grands immeubles collectifs, qui s'organisent néanmoins autour de la place de l'église. On y trouve un ressenti urbain, très loin du côté pittoresque des villages français.
4
S E N 4 C A BA
3
B OR
D ES
96 GRANDE DES VILLAGES PARTIE TRAVERSÉS
DES EXTENSIONS BÂTIES TRÈS DISPERSÉES
ACCOUS VALLON PRINCIPAL
Centre bourg Extensions bâti
© IGN 2017
2016
N
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100
200
300(m)
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URDOS
HABITER LE TERRITOIRE
RN134
FOND DE VALLÉE
1951
2016
N
0
100
200
300(m)
98 DES VILLAGES TRAVERSÉS
PLACE PRINCIPALE DE BEDOUS 1930
Labouche frères, Toulouse. Les Basses-Pyréénes, n°604. 1930
PLACE PRINCIPALE DE BEDOUS AUJOURD’HUI
Google 2016
99
LA DOMINATION DE LA ROUTE
LA DOMINATION DE LA ROUTE LA VOITURE, NOUVEL OCCUPANT DES ESPACES PUBLICS Les formes urbaines de la vallées se sont construites autour des chemins, que ce soit celui de Compostelle, la route romaine, ou encore la voie ferrée. Ainsi on retrouve toujours une disposition en village rue. Si certains villages ont bénéficié d'une déviation de la route nationale où se suivent camions et voitures, leur permettant ainsi de réinvestir leurs rues, une autre partie reste traversé par un flux de camion, modeste certes, mais important pour des villages de cette taille. Ainsi on ressent surtout l'omniprésence de la route et de la voiture dans les espaces publics. De nombreuses disposition
urbaines auparavant destinées au rassemblement sont aujourd'hui envahies par de larges parking. L'équilibre est dur à trouver pour les villages de la vallée, entre des déviations avantageuses pour la qualité de vie, mais qui les dissimulent aux yeux des voyageurs, et les villages constamment traversés, qui ne semblent en tirer aucun bénéfice. La vallée semble constamment hésiter entre une surabondance de réseaux qui l'étouffe, amenant seulement du passage, et une demande de nouveaux liens pour développer certaines parties trop enclavées. Le retour du train pourrait permettre un axe central moins dérangeant, libérant de l'espace au sein de villages pour de nouvelles activités.
100 DES VILLAGES TRAVERSÉS
1. PETITE PLACE À ACCOUS
D’anciennes places de villages sont aujourd’hui occupées par des stationnements et des arrêts
2. ENTRÉE D’EGLISE ACCOUS
La place anciennement facilement appropriable est aujourd’hui rendue neutre par le stationnement.
1.
2.
3.
4.
3.ENTRÉE D’URDOS Une entrée à l’ambiance assez urbaine entre la route et l’immeuble, pour l’un des villages les moins habité de la vallée.
4.PLACE D’ETSAUT
La place centrale du village d’Etsaut est aujourd’hui majoritairement occupé par un large parking.
101 LA DOMINATION DE LA ROUTE
5.RUE D’ETSAUT
La route nationale ne passe plus à Etsaut et les rues sont marquées par de petites appropriations par les habitants..
6.EYGUN
Le coeur du bourg est entièrement pris par la route.
5.
6.
7.
8.
7.CANFRANC
A Canfranc l’ambiance est très urbaine, avec des rues longées par de hauts immeubles.
8.RIVES DE L’ARAGON
A Canfranc malgré l’importance de la route on trouve de nombreux espaces piétons, notamment au bord du gave, toujours dans une ambiance très urbaine.
DÉPLACEMENTS À GRANDE ÉCHELLE
OSSE-EN-ASPE
Oloron Sainte-Marie
BEDOUS
25km
AYDIUS
LÉÉS-ATHAS ACCOUS
8km
Vallon de Bedous
16km
LESCUN CETTE-EYGUN
4km
19km ETSAUT BORCE
Canfranc
5km
12km Villanua
FORT DU PORTALET
20km URDOS
Jaca
Travail Services 20km RÉPARTITION DES SERVICES À L’ÉCHELLES DE LA VALLÉE SERVICES PUBLICS AUTRE Poste
Pharmacie
Bibliothèque
Station essence
Maison de santé
Commerce de proximité
École primaire Collège Crèche Centre de déneigement
CANFRANC ESTACION
Banque 4km
Supermarché Maison de retraite Usine Toyal
N
0
2
4
6 (km)
Canfranc pueblo
103 LA DOMINATION DE LA ROUTE
DES SERVICES DÉSÉQUILIBRÉS Si les villages sont aussi marqués, c'est parce qu'il est impossible de vivre sans voiture dans la vallée d'Aspe et de Canfranc. Pour tout les déplacements, courses, travail, loisir, la voiture est nécessaire. En effet, la plupart des villages n'ont que peu de services de proximité. Ainsi on remarque que l'ensemble des services, qu'ils soient publics, comme la poste, l'école ou le collège, ou privés, comme les commerces et les banques, se trouvent dans le vallon d'Accous/Bedous. C'est là que la vallée a su conserver de quoi survivre. On y trouve une maison de santé, un collège, un supermarché... L'installation et le maintien de ces services évitent de nombreux aller-retours à Oloron Sainte Marie, mais n'empêchent pas d'y aller régulièrement quand on a un besoin plus particulier. Aller au cinéma par exemple, ou tout simplement trouver plus de choix dans les activités. Ce ressenti d'éloignement se sent beaucoup chez les jeunes, malgré quelques initiatives ces dernières années, de néo ruraux s'installant dans la vallée et ouvrant bars et restaurants. Cependant la fatigue de l'utilisation constante de la voiture se fait sentir, et n'est pas possible pour toutes les catégories de population. Quand on habite dans la haute vallée, la descente sur Bedous est nécéssaire de manière au moins hebdomadaire, sinon journalière, et ce besoin engendre des espaces où tout es plus facile pour la voiture.
En Espagne, on est face à la même logique tout voiture, dans une organisation ou la route prime avant tout, et ce même si plus de services sont disponibles.
DES DÉPLACEMENTS CONSTANTS POUR LE TRAVAIL Les emplois possibles dans la vallée, se répartissent entre l'usine Toyal et les différentes maisons de santé, suivies ensuite des commerces et de quelques emplois liés au sport et au tourisme. Étrangement, quand on observe les déplacements des populations, on se rend compte qu'ils sont plus importants depuis le piémont vers la vallée. En effet, de nombreux habitants de la ville d’Oloron travaillent à l'usine ou dans les maisons de santé. En temps que nouvel habitant, il est très dur de s'installer, entre l'immobilier bloqué et le peu d'emplois disponibles. Les villages gardent cependant un avantage, la présence d'écoles primaires dans le vallon, et d'un regroupement dans la haute vallée. Encore mieux, un collège perdure à Accous. C'est seulement pour le lycée, et les études supérieures, qu’il est nécessaire d’atteindre Oloron. Ainsi on voit beaucoup de déplacement journalier au sein de la vallée et même au-delà, car certains enfants espagnols, venant parfois de villes assez éloignées, viennent se scolariser en France, accueillis par des familles locales.
104 DES VILLAGES TRAVERSÉS
FÊTE DU FROMAGE À ETSAUT La République des Pyrénées, 26 Juillet 2017
PHOTOS DIFFÉRENTS ÉVENEMENTS
MARCHÉ DU JEUDI À BEDOUS eterritoire.com, information marché de Bedous
105 REPENSER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE
REPENSER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE DES ÉVÉNEMENTS TRADITIONNELS QUI PERDURENT ET ANIMENT LA VALLÉE La vie dans les villages est plus dure en hiver. Si la vallée de Canfranc est tournée vers le ski avec les stations de Candanchu et d'Astun, la vallée d'Aspe n'a que la station de ski de fond du Somport, assez peu fréquentée actuellement. Ainsi quand la neige commence à tomber, contrairement à d'autres vallées pyrénéennes où le ski attire tourisme de masse, la vallée d'Aspe devient très silencieuse, l'activité pastorale étant moins visible. Les déplacements sont plus difficiles, les routes peu déneigées... C'est donc plutôt en été que la vallée revit, animée par la transhumance, grand déplacement des bêtes, mais aussi par différents événements. Les villages pittoresques ont gardées de nombreuses traditions et festivités, qui les regroupent, et attirent quelques touristes. On trouve par exemple la fête du fromage à Estaut, ainsi qu'un marché estival régulier, ou bien la célébration du traité de la Vesiau entre les communes de la haute vallée et Jaca, pour marquer chaque année la frontière et les terres partagées. Quand j'ai demandé si des projets était organisés entre la vallée française et la vallée espagnole, on m'avait répondu « ensemble, on fait surtout la fête ». Ces différents événements amènent une image plus dynamique de la vallée d'Aspe.
LE TOURISME, UN LEVIER POUR L’ATTRACTIVITÉ ? Au delà des festivités, c'est aussi en été que la vallée accueille le plus de touriste. Si la vallée d'Aspe ne s'est jamais tourné principalement vers cette activité, il reste l'ombre d'un regret à certains habitants et élus, qui y voient une issue à l'exode massif et au manque d'emplois. « On n'a pas su se tourner vers le tourisme... Mais attention, on ne veut pas non plus d'un tourisme de masse comme ils ont fait ailleurs ! ». La vallée n'a en effet presque pas de structure pouvant accueillir des groupes, mais on y trouve dispersé, quelques hôtels et campings, qui suffisent amplement aux randonneurs qui la traversent. Car c'est plutôt le côté « naturel » et « sauvage » qui attire ici. Justement préservée du tourisme de masse, la vallée mise sur des randonnées qui la traverse, mettant en valeur certains paysages remarquables, comme le cirque de Lescun, le tour du vallon de Bedous, ou des éléments patrimoniaux. Parmi eux on trouve surtout le chemin de la mâture, où passe un GR, ainsi que le fort du Portalet qui lui fait face. Le fort du Portalet a récemment fait l'objet de rénovation, racheté par la communauté de communes, et le département compte aujourd'hui financer une grande passerelle le reliant au chemin de la mature, évitant ainsi aux visiteurs de longer la nationale.
AYDIUS OSSE-EN-ASPE BEDOUS
DÉPLACEMENTS À GRANDE ÉCHELLE OLORON SAINTEMARIE
ACCOUS
LÉÉS-ATHAS
8km
25km VALLON DE BEDOUS
LESCUN CETTE-EYGUN
16km
GR10 BORCE
19km
4km
ESTAUT
GR653
5km
CANFRANC FORT DU PORTALET
12km VILLANUA
URDOS
20km
GR11
JACA
20km SERVICES ET POINTS D’INTERÊTS À L’ÉCHELLE DE LA VALLÉE POINTS D’INTÉRÊTS Cabane d’estives ouvertes ponctuellement Maison du Parc National Eco musée Parc’Ours
SERVICE Patinoire Piscine Restaurant Camping
CANFRANC ESTACION
Hôtel Fort du Portalet Fort de Ladrones Gare de Canfranc
4km
Sport nature Station de ski Station de ski de fond
N
0
2
4
6 (km) CANFRANC PUEBLO
107
Deux GR qui traversent la vallée, le GR 653 qui rejoint le chemin de Compostelle, et le GR10 qui traverse les Pyrénées d'est en ouest. Cependant la plupart des sentiers sont peu exploités, et pas toujours bien indiqués. Le Parc National regrette de ne pouvoir en entretenir plus et y associer plus de guides qui pourraient valoriser la faune et la flore de la montagne. C'est en effet le dernier point qui attirait auparavant en vallée d'Aspe, où un tourisme s'était construit autour de la présence de l'ours, notamment autour du recueil d'un ourson qui avait amené la création d'un espace animalier. Enfin ces dernières années, les éleveurs se sont regroupé autour d'une association, et tentent de valoriser leur produit sur place, ainsi que leur mode de vie. Faire comprendre le pastoralisme, le lien avec les paysages de la montagne, et son importance, est devenu une de leurs actions. Il est donc possible de suivre les chemins de la transhumance, ou encore de visiter certains cabanes des estives pendant la belle saison. La vallée d'Aspe tente donc petit à petit de confirmer son image au sein d'un tourisme vert. Mais peu d’aménagement sont encore prévus pour accueillir les visiteurs. Ainsi au sortir du train récemment remis en marche d'Oloron à Bedous, on ne dispose quasiment d'aucune indications sur les visites possibles, ou même d'accroche pour s'aventurer dans Bedous. Un vrai travail au niveau des déplacements et des amé-
nagements publics est donc nécessaire pour mieux mettre en valeur le potentiel de la vallée, et le relier aux activités qui la font vivre. Le train pourrait permettre de faciliter certains déplacements depuis Pau ou Oloron, mais aussi attirer une clientèle espagnole. La vallée, plutôt pittoresque, offre un contraste avec l’offre espagnole, fortement tournée vers les stations de ski et autre sports des sommets.
Temps de trajet projeté
BEDOUS CARTE DES LIGNES ET ARRÊTS DE TRANSPORTS PUBLICS
8.7 km 9mn
TRAIN 7 trains/jours 3 supplémentaire entre Oloron et Bidos (présence d’une usine). Arrêt complet à Bedous CETTE-EYGUN
Arrêt de train actuel
3.4 km 5mn
PIÉTON Présence des GR qui longent ou traversent la vallée, mais de nombreuses portions difficiles, et peu de prévision pour les mobilités à petite échelle (intra et inter village)
ESTAUT 4.3 km 7mn
URDOS REZO’POUCE Points d’arrêts identifiés par des pancartes
5.7 km 8mn
LIGNE DE BUS 3 bus/jour entre Oloron et Bedous 6 bus/jour entre Bedous et Canfranc
FORGES D’ABEL
Arrêt de bus
8 km 10mn
DISTANCE
TEMPS DE TRAJET
PAU-BEDOUS
1H15
1H30
1H06
33MN
40MN
30MN
1H15 -
1H 56MN
-
-
-
2H
1H15
OLORON-BEDOUS OLORON-CANFRANC BEDOUS-JACA BEDOUS-HUESCA CANFRANC-HUESCA
* Hors enneigement
*
*
CANFRANC ESTACION
1H45 N
0
2
4
6 (km)
8 km 10mn
109 SE DÉPLACER AUTREMENT, QUEL AVENIR ?
SE DÉPLACER AUTREMENT, QUEL AVENIR ? 1. Le Cerema est un établissement public tourné vers l’appui aux politiques publiques d’aménagement et de cohésion des territoires. 2. Transport à la demande
DES MOBILITÉS ÉCLATÉS Comme on l’a vu plus haut, la voiture domine tout les trajets dans ces vallées rurales. Ainsi ceux qui ne dispose pas d’un véhicule personnel, ou qui ne peuvent plus s’en servir, comme les jeunes ou les personnes agées, sont dévalorisés par ce système. Un bus dessert cependant la plupart des villages de la vallée, avec 6 passages par jour. Cependant, pendant les mois d'hiver, il ne monte pas dans la haute vallée,laissant de côté les personnes ayant le plus besoin des services du vallon. De plus peu d'aménagements encouragent aujourd'hui les transports publics ou les mobilités douces. Entre les trajets vers l'école, le travail, ou les services, un réel besoin est pourtant présent. La remise en marche de la ligne de chemin de fer, qui s'arrête pour le moment à Bedous est encore peu utilisée. En effet, l'effet cul de sac, le manque d'aménagement, mais aussi certaines horaires peu adaptées (le train du matin arrive trop tard pour les lycéens), le dévalorisent fortement.
QUELLE VALORISATION ? COMMENT RELIER DES ESPACES ÉCLATÉS ET DIFFÉRENTS ? Cependant, si les mobilités sont difficiles, des solutions sont aujourd'hui testés par la communauté de commune, accompagnée du parc national. Ainsi dans le cadre du projet TEAMM (Territoire
d’expérimentation d'actions de mobilités innovantes en zone de montagne), mis en place par le CEREMA Sud ouest1, différentes opérations voient le jour. On y trouve trois actions principales pour tenter de faciliter la vie des habitants. Tout d’abord la mise à disposition de TAD2 le jeudi matin, pour permettre aux habitants de la haute vallée d’accéder au vallon le jour du marché ainsi qu’aux nombreuses permanences de services publics. Dans un autre registre, le «Rezo’pouce» est testé, permettant de l'autostop encadré par la communauté de commune, avec un système d'inscription des atomobilistes et des utilisateurs. Enfin avec le parc national différentes initiatives sont mises en place, pour tenter de se déplacer mieux, dans une perspective plus écologique. On y trouve notamment la mise à disposition de vélos électriques prêté aux habitants, ou même de voitures électriques à louer. Ainsi de nombreux projets sont déjà en cours pour tenter d'améliorer la vie des habitants. Il n'est cependant pas aisé d'inciter tout le monde à changer d'habitude. Et très peu d'actions sont aujourd'hui reliées au train, qui pourrait pourtant devenir un atout majeur pour la vallée. Comment mieux valoriser les mobilités douces à l'échelle de la vallée grâce au projet de train, qui pourrait être un vrai levier pour une façon différente de la parcourir ?
EN RÉSUMÉ La baisse de la population continue dans ces vallées rurales. Cependant, on peut noter depuis quelques années une légère remontée, due à des néoruraux souhaitant s’installer loin des villes, et profiter d’un cadre de vie plus agréable. Installation rendue parfois difficile par un immobilier bloqué par les maisons secondaires. Mais cette légère remontée ne représente pas l’ensemble du territoire, et fait ressortir l’écart entre la haute vallée, l’Espagne, et le vallon d’Accous-Bedous. En effet, la plupart des services sont regroupés aux extrémités du site, dans le vallon, qui conserve cependant une ambiance rurale, et à Canfranc, à l’ambiance urbaine contrastant avec le côté français. Cette répartition des activités s’étalant parfois jusqu’aux villes alentours, entraîne de nombreux déplacements, et une dépendance à la voiture. Ainsi les espaces des deux vallées sont aujourd’hui déterminés par le tout-voiture, qui prend le pas sur la vie locale de certains villages. Des initiatives sont en cours pour tenter d’orienter les habitants vers de nouvelles manière de se déplacer et de vivre la montagne. Il est aujourd’hui nécessaire de retrouver une expérience du territoire encourageant l’installation pérenne de nouveaux habitants
ENJEUX
RETROUVER UN ÉQUILIBRE ENTRE LES DIFFÉRENTES ENTITÉS : VALLON, HAUTE VALLÉE ET HAUTE VALLÉE ESPAGNOLE
RETROUVER UNE DYNAMIQUE AU COEUR MÊME DES VILLAGES
UTILISER LES MOBILITÉS COMME LEVIER POUR MIEUX VIVRE LE TERRITOIRE
112 GRANDE PARTIE
113 SOUS-PARTIE
4.
DU PASSAGE À L’ARRÊT JEUX D’ACTEURS : UN PROJET HÉSITANT Entre désaccord et absence d’avis Au-delà du train, des incompréhensions déjà présentes Oloron-Bedous, une première portion mal comprise Se rattacher aux projets propres à la vallée RÉFLECHIR AUTREMENT, L’IMPACT POSSIBLE DU TRAIN Problématiques principales Des différences comme levier INVERSER LA TENDANCE, REDÉCOUVRIR LES VALLÉES UN SITE REPRÉSENTATIF, LE VALLON D’URDOS
1964 Sous l’impulsion des maires de la vallée, et du conseiller général du canton, la communauté de communes de la vallée d’Aspe est créée
1964 Création du Parc National des Pyrénées
1993 Début des travaux du tunnel routier Création de l’IPHB
2003 Ouverture du tunnel routier
1970 Accident du pont de l’Estanguet, la SCNF décide de fermer la portion Bedous-Canfranc, déficitaire
1988 La région commence à reconsidérer la réouverture de la voie ferrée
2012 Approbation de la charte du parc national des Pyrénées par seulement 50% des communes.
1983 Création de la communauté de travail des Pyrénées
1985 La SCNF décide de fermer la portion Oloron-Bedous, qui ne fonctionnait plus que pour le fret
1988 Prémices du projet du tunnel routier, appuyé par la CCI, les entreprises aragonaises et l’État français. Fortement contesté par les habitants, appuyés par des associations écologistes nationales
2016 Financé par la région Nouvelle Aquitaine uniquement, la ligne est réouverte entre Oloron et Bedous
1986 Adhésion de l’Espagne à la CEE, les conditions du transport de marchandises changent. Création du CRELOC
2017 Nombreuses discussions avec les régions et l’Union Européenne pour la réouverture possible de Bedous-Canfranc
2018 Défrichement de la ligne Bedous-Canfranc pour évaluer le montant des travaux et les financements de l’Union européenne
117
JEUX D’ACTEURS : UN PROJET HÉSITANT ENTRE DÉSACCORD ET ABSENCE D’AVIS Actuellement, le tracé de la voie ferrée entre Bedous et Canfranc est entièrement débroussaillée pour tenter d'évaluer avec précision le coût de la réouverture, et confirmer certains investissements. En effet comme on l’a vu auparavant (voir supra, p.55), la ligne a toujours fait l'objet de nombreux débats, et ce depuis le début de sa réflexion dans les années 1850. C'était donc sans grande surprise que son exploitation s'est arrêtée en 1970, puisqu’elle n’intéressait que moyennement la France, et la SNCF. Aujourd'hui, le contexte a changé, mais certaines oppositions restent les mêmes. La vallée d'Aspe et son piémont sont plus reliés qu'ils ont pu l'être auparavant, notamment grâce à la fusion de trois communautés de communes, pour créer celle du Haut Béarn. Ainsi, certains services sont regroupés, et une nouvelle communication s'installe progressivement. La différence entre la volonté espagnole et la volonté française n'a jamais cessé. Si l'Aragon a continué a entretenir la ligne de son côté, permettant à quelques trains d'atteindre quotidiennement Canfranc, le côté français restait abandonné, sans grand intérêt. Pourtant comme on a pu le voir, la ligne a beaucoup fait parler, par des habitants souhaitant son retour lors de la construction du tunnel routier notamment. Finalement, c'est l'intérêt de
la région qui a débloqué la réouverture. Une réouverture qui a déjà provoqué autant d'enthousiasme que de protestation. L'étude même concernant la réouverture de la portion Oloron-Bedous, qui ne la considérait pas dans un contexte élargi, se déclarait contre, mais ce « à regret ». Cependant le préfet a tout de même décidé de donner son accord pour la déclaration d'utilité publique. La réouverture n'a finalement été supportée ni par l’État français, ni par la SNCF, craignant toujours une ligne déficitaire. En effet, attirer les gens, changer les habitudes en matière de fret n'est pas aisé, et installer une ligne dans un contexte fortement rural peut sembler risqué. Depuis 2002, les régions sont devenues organisatrices des transports. Ainsi ce sont elles qui financent la modernisation des réseaux au travers des contrats de plan région. Si des aides peuvent être débloquées pour aider les régions à financer les réseaux, d’autant plus dans le cas de projets transfrontaliers, la région Nouvelle Aquitaine a entièrement financé la première portion, de l’étude à la réalisation. En 2016 quand la voie rouvre enfin, les avis sont partagés. Une certaine incompréhension règne autour de la ligne, dont les circonstances d'ouvertures compliquées font parler. Certains voient dans la ligne un nouvel espoir pour la vallée, d'autres s’inquiètent du phasage, et de l’impact sur la route, d’autres regrettent des investissements
COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU HAUT BÉARN
ANCIENNE CC PIÉMONT OLORONAIS
ANCIENNE CC DU BARÉTOUS
ANCIENNE CC VALLÉE D’ASPE
RÉGION NOUVELLE AQUITAINE PNP
SNCF
ONF
HABITANTS
Projet de remise en marche de la voie ferrée CCI RENFE ADIF COMMUNAUTÉ AUTONOME D’ARAGON
ÉLEVEURS
STATIONS DE SKI
EUROPE
COMARCA DE JACETANIA
119 DU PASSAGE À L’ARRÊT
énormes qu’ils auraient aimé voir autre part que dans un train qui leur paraît « fantôme » au vu de la fréquentation actuelle. Il semble manquer une communication claire sur la ligne, que certains habitants voient comme une perte, un cul de sac jamais abouti qui ne pourra donc pas assumer de fret. Parmi ceux-là, la peur que la ligne empêche les projets de déviation des villages est importante. Ainsi on sent une grande distance entre les volontés extérieures, de la région, et les volontés locales. Peu d’accords et de réflexion semblent avoir été menés de manière commune entre local et régional. Si côté espagnol l’immense projet d’urbanisation autour de la gare est déjà en marche dans l’espoir d’une réouverture complète, côté français, le simple aménagement autour de la gare de Bedous pour mieux guider le voyageur est encore en suspens. Ainsi on a la sensation que la ligne existe, mais ne comporte pas de réel ancrage dans la vallée. Le support qu’elle pourrait représenter associée aux projets locaux n’est que peu, voire aucunement exploité. Pourtant, la réouverture Bedous-Canfranc est prévue. Aujourd’hui cette dernière portion, qui donnerait du sens à la ligne, semble plus que nécessaire, mais se doit d’être réfléchie dans une logique plus globale. Cette portion, transfrontalière attire l’intérêt de l’Etat et de l’Union européenne, qui seraient prêts à en financer une partie. Ainsi les finance-
ments sont encore en suspens, mais se partageraient entre L’Union européenne, L’État et la région, pour une portion beaucoup plus chère que la précédente, les contraintes techniques étant plus fortes dans la haute vallée.
AU DELÀ DU TRAIN, DES INCOMPRÉHENSIONS DÉJÀ PRÉSENTES Le Parc National des Pyrénées a été créé par décret en 1967, dans le but de protéger les sites remarquables, ainsi que la biodiversité, très riche dans les montagnes. Depuis la loi de 2006, le parc comprend une aire optimale d’adhésion en plus de sa zone coeur dont il a la gestion complète. La vallée d’Aspe représente la vallée la plus occidentale du parc. C’est aussi l’une des zones où l’on trouve le moins d’adhésion à la charte. En effet l’installation du Parc dans une vallée qui a toujours été très indépendante par rapport à l’Etat a été assez mal vue par les habitants et les élus. Ainsi malgré de nombreuses concertations avec les maires, les chasseurs, les habitants et les éleveurs, lors du vote pour la charte en 2012, cinquante pour cent se sont déclarés contre. Cependant, le parc supporte de nombreux projets visant à associer qualité de vie dans la vallée et respect des milieux, autant au niveau de
120 DU PASSAGE À L’ARRÊT PAU 64 PYRÉNÉES ATLANTIQUES
OLORON SAINTE-MARIE
65 HAUTES PYRÉNÉES
SECTEUR D’OSSAU SECTEUR D’AZUN
FRA
NCE
ESPAGNE
SECTEUR D’ASPE
SECTEUR DE CAUTERETS
SECTEUR DE LUZ
SECTEUR D’AURE PROVINCE DE HUESCA
LE PARC NATIONAL Site d’étude
CANFRANC
Aire optimale d’adhésion Zone coeur
PARQUE NATIONAL DE ORDESE Y MONTE PERDIDO
Adhésion IPHB Frontière
1. IPHB Institut patrimonial du Haut Béarn
l’élevage avec la gestion de l’écobuage, que sur des projets concernant directement la vie dans la vallée. Dans les vallées béarnaises, une autre institution a été créée pour faciliter le dialogue entre les différents acteurs locaux, et servir de relais pour les projets à plus grande échelle, l’IPHB1. Il a été créé en 1994 et permet une gestion en «patrimoine commun», c’est-à-dire une implication directe des acteurs. Il leur permet
de se réunir, mais aussi de bénéficier de l’aide d’une équipe de techniciens sur divers sujets. Cette organisme, original démontre le besoin d’indépendance de ces vallées habituées à s’auto gérer. Le projet de train, n’ayant pas fait l’objet de consultation à ce niveau, semble alors imposé à certains.
121 SOUS-PARTIE
COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU HAUT BÉARN
Bedous Osse Léés-Athas Accous Cette-eygun PLU/PGOU PLU en cours
Lescun
Etsaut Borce Urdos
2 SCOT Schéma de Cohérence territorial.
Canfranc
3.PLU Plan Local d’urbasnime DOCUMENTS D’URBANISME EN COURS 4. POS Plan d’occupation des sols
5. PADD Projet d’aménagement et de développement durable
DES DOCUMENTS D’URBANISME EN CONSTUCTION La création de la communauté de communes du haut Béarn amène de nouvelles logiques et un équilibre à travailler à l’échelle du territoire. Ainsi si le Piémont oloronais disposait d’un SCoT2, la vallée d’Aspe n’a jamais engagé de mouvement en ce sens. La mise en place de documents d’urbanisme dans la vallée est parfois difficile. Beaucoup de communes jusqu’à récemment, ne disposaient même
pas d’un PLU, voire d’un POS4. En effet leur mise en place peut représenter un effort important pour des communes de très petite taille. Cependant quelques initiatives de cohérence à différentes échelles sont présentes. Tout d’abord, les communes du vallon, Léés Athas, Bedous, Accous et Osse en Aspe ont constitué un PADD commun, pour tenter d’anticiper leurs évolutions, fortement liées. Ce PADD5 appuie de grands principes, comme la maîtrise de l’habitat, une amélioration des conditions de déplacements, ou l’appui de l’environnement exceptionnel comme base de projet. Il permet une certaine unité entre ces quatre communes qui représentent le «poumon» de la vallée d’Aspe. A plus grande échelle, un schéma de développement de l’ensemble de la vallée a été réfléchi, dans le cadre du projet de territoire du pays Oloron Haut Béarn. Aujourd’hui, ce pays a été absorbé par la CC du Haut Béarn. Cependant la mise en place d’un schéma de développement a permis d’appuyer certains projets aujourd’hui très bénéfiques à l’ensemble de la vallée, comme la création d’une maison de santé à Bedous. Dans le cadre de la fusion des communautés de communes, de nombreuses réflexions sont en cours sur un document d’urbanisme global. Mais les élus on encore du mal à se mettre d’accord sur la nécessité d’un tel projet. Il est question d’un PLUi, ou de la mise en place d’un SCoT, qui s’inscrirait dans la révision de celui du Piémont, ayant été mis en place il y a plus de 10 ans. Une réflexion à cette échelle, qui intégrerait le projet de train, prendrait tout son sens dans cette période charnière.
122 DU PASSAGE À L’ARRÊT
VERS LA GARE DE BEDOUS
ENTRE SARRANCE ET BEDOUS Une longue passerelle bloque la vision des paysages depuis la route.
123 JEUX D’ACTEURS
OLORON-BEDOUS, UNE PREMIÈRE une acquisition foncière en 2013, suivi du début des travaux en 2014. La région PORTION MAL COMPRISE
1. Contre la réouverture du Oloron-Canfranc
2. Société d’études techniques et économiques
Les réflexions concernant la reprise des circulations sur la ligne Oloron-Bedous ont été assez longues. Contestée par certains élus qui y voyaient un énorme gaspillage, un argent qui devrait aller à la mise en état et à la sécurisation de la route. Contesté aussi par une association d’habitants, le CROC1, pour les même raisons. Les investissements dans ce projet par la région (d’une hauteur de 102M) ont été mal compris. Même la SNCF a eu un enthousiasme très mitigé. Ainsi les distensions, entre élus, et entre les acteurs du rail et de la route ont été très fortes. Réouvrir une voie de cette envergure coûte cher dans un territoire de montagne. Entre Oloron et Bedous, on trouve en effet 31 ponts, 7 tunnels, et 4km de murs de soutènement, ainsi que 27 passages à niveaux. La ligne est sujette à de nombreuses contraintes techniques, la rénovation des ouvrages, mais aussi les conflits directs entre différents moyens de transport. En effet le passage étant très étroit dans les défilés, le gave, la route, et le tracé de la voie ferrée se longent de près dans des séquences jumelées, amenant des règles de sécurité très strictes, puisqu’on doit prévoir les éboulis, les chutes possibles de véhicules sur la voie ferrée, la relation avec le gave... Le projet a tout de même été lancé, avec
était l’unique financeur, la maîtrise d’ouvrage la RFF (aujourd’hui SNCF Reséaux), et la maîtrise d’oeuvre partagée entre la SNCF et SETEC1. Cependant malgré de nombreuses propositions, certaines solutions techniques sont apparues très dommageables pour les paysages de la vallée et le ressenti des habitants. Outre la communication difficile entre certains acteurs, les informations transmises aux habitants se sont révélées très limitées. La SCNF semblait vouloir simplement réaliser ce projet rapidement, sans trop de dépenses. Ainsi à l’origine certains villages comme Sarrance, ne devaient pas être desservis. De même, on semble ressentir physiquement la distance et la rigidité des montages opérationnels dans un contexte de maîtres d’ouvrages différents. Sur une longue portion étroite avant Bedous, la meilleure solution contre les éboulements et le risque apporté par la route a été la mise en place d’un long mur de bois, bloquant totalement la vue sur la vallée depuis la route, mais n’apportant aucune protection à la route elle-même, dans une action qui aurait pu profiter à tous. De même, la mise en place du passage à niveau à l’entrée de Bedous s’est faite de manière grossière, avec un dénivelé important, et aucun traitement pour l’entrée de ville. On voit ainsi sous nos yeux l’expression de certains désaccords entre acteurs.
124 DU PASSAGE À L’ARRÊT
LE PARKING DE LA GARE DE BEDOUS
125 JEUX D’ACTEURS
Actuellement, une agence de paysagistes retravaille cette entrée de ville, et l’intervention de la SNCF, qui en gère et/ou possède certaines parties, reste minime, voire absente, compliquant de ce fait le projet. Le ressenti face à cette voie est alors difficile pour certains habitants, entre des discussions sans fin avant la réalisation, et des travaux qui ont semblé trop expéditifs sur de nombreux points, et qui auraient pourtant pu servir à améliorer d’autres points dans la vallée, notamment au niveau de Bedous. En effet, outre l’entrée du village, une étude est en cours au sujet de l’intégration de l’arrêt et de son rapport au centre bourg. Un sentiment de rattrapage est assez fort à ce niveau, et semble démontrer les difficultés pour l’instauration de la voie, ainsi que l’importance, au delà d’une partie intégration paysagère dans les documents d’architecture, d’une véritable étude de paysage. Il est en effet important d’accompagner de manière dynamique les projets d’infrastructure pour mieux les adapter au territoire, et s’en servir comme véritable levier plutôt que comme contrainte subie.
QUEL RECUL SUR LA PREMIÈRE PORTION ?
Outre les problèmes d’aménagements, de nombreux doutes persistaient sur l’usage de la ligne. Si l’objectif est à terme de relier France et Espagne pour un trafic
de fret, la première portion ne peut servir qu’au traffic voyageur. La fréquentation a été assez importante lors des premiers mois, notamment par de nombreux touristes à la fois curieux, et intéressés par une offre permettant d’aller randonner plus facilement dans la vallée. Le train semble aussi amener de nouvelles personnes le jeudi, jour du marché à Bedous. Mais une certaine frustration demeure face aux trajets quotidiens. Si la ligne est utilisée par certains travailleurs d’Oloron, ou inversement habitant dans la ville et travaillant à Bedous (au collège par exemple), elle est encore peu exploitée. Certains horaires sont peu adaptés, puisque la trentaine de lycéens ne peut s’en servir pour atteindre Oloron, le train étant calqué sur les horaires des TGV, pas sur celle du lycée. De plus, le côté cul-de-sac de la ligne est encore décourageant. On arrive actuellement en gare de Bedous, à un simple arrêt ou seul un abri est présent, sans savoir où aller et quelles possibilités sont disponibles, et en dépendant toujours du car pour aller plus loin. Cette expérience montre l’importance de la prise en compte des besoins des communes en même temps que du projet ferroviaire, mais aussi d’un meilleur dialogue entre les différentes infrastructures, pour répondre à un projet global, et pas à de nombreux projets éclatés. Il est intéressant de comprendre l’impact possible du retour complet du train, et de la façon de l’anticiper.
126 DU PASSAGE À L’ARRÊT BEDOUS
SE RATTACHER AUX PROJETS PROPRES À LA VALLÉE
HAUTE VALLÉE
FORT DU PORTALET
SOMPORT
CANFRANC ESTACION
N
0
2
4
6 (km)
A l’échelle du site, plusieurs projets se détachent, et font ressortir les différentes volontés des communes et du département, principalement tournées vers le tourisme. En effet parmi les projets les plus importants, on trouve la passerelle allant du chemin de la mature au fort du Portalet, pour valoriser le fort racheté et rénové dernièrement par la communauté de commune. On trouve aussi la rénovation de la station de ski de fond du Somport, qui appartient à la communauté de commune. Côté espagnol, l’énorme projet autour de la gare de Canfranc, visant à attirer plus de pèlerin et de touristes, se détache aussi fortement, et on peut se demander quel sera son impact sur les vallées. Cependant, les communes se tournent aussi vers des projets plus modestes visant à stabiliser l’emploi ou à valoriser certaines zones. Ainsi la mairie de Bedous vient de créer un tiers lieu proche de la mairie pour attirer des néo ruraux, intéressés par la qualité de vie dans la vallée, et la possibilité de travailler à distance. Ce lieu va devoir faire ses preuves dans les années à venir, mais a déjà fait l’objet de plusieurs demandes avant même sa création. Bedous fait aussi partie des territoires exemples du programme FENICS visant à trouver des solutions innovantes à la désertification des centres-bourgs.
127 JEUX D’ACTEURS
PASSERELLE PORTALET Elle devrait voir le jour en 2018. La communauté de commune espère une augmentation du nombre de visiteurs qui profiterait à la vallée FINANCEMENTS : CONSEIL DÉPARTEMENTAL, EUROPE, COLLECTIVITÉS, RÉGION
SITE DU SOMPORT La station appartient à la communauté de communes et se situe juste avant la frontière. Le but serait de rendre le site attractif pendant la période estivale au travers de nouvelles activités FINANCEMENTS : CDC HAUT BÉARN
TIERS-LIEU DE BEDOUS Récemment créé à côté de la mairie de Bedous, ce lieu se veut une expérimentation et un support à la création de projets dans la vallée. Il est constitué de bureaux et de salles de réunions, proche de l’antenne principale du village. FINANCEMENTS : MAIRIE DE BEDOUS
ENTRÉE DE VILLE ET PASSAGE À NIVEAU Projet pour donner un caractère plus rural à l’entrée du village au niveau du passage à niveau. FINANCEMENTS : MAIRIE DE BEDOUS/SNCF MAITRISE D’OEUVRE : CÉCILE GABAIX-HIALÉ
AVENUE DE LA GARE Projet de réamenagement de l’avenue menant de la gare au centre de Bedous FINANCEMENTS : MAIRIE DE BEDOUS MAITRISE D’OEUVRE : ARTÉSITE
URBANISATION CANFRANC L’ensemble de l’emprise de la gare de Canfranc fait actuellement l’objet d’un grand projet d’urbanisation, partagé entre logements et hôtels, dans les bâtiments désaffectés. L’emprise de la gare sera réduite à une petite portion à l’Est. FINANCEMENTS : COMMUNAUTÉ AUTONOME DE L’ARAGON
HAUTE ASPE, HAUT DÉBIT En 2004, la haute vallée a été choisie pour expérimenter de nouvelles technologies dans le but de participer au développement économique et culturel. FINANCEMENTS : EUROPE ET CONSEIL RÉGIONAL
ASPE SOLIDAIRE En 2011, les habitants de la vallée ont décidé de se mobiliser pour relocaliser l’économie et créer des emplois. Ainsi ils ont créé une association collectant l’épargne des habitants afin de financer des projets locaux à taux zéro. FINANCEMENTS : INITIATIVES LOCALES DES HABITANTS
128 DU PASSAGE À L’ARRÊT
RÉFLECHIR AUTREMENT, L’IMPACT POSSIBLE DU TRAIN SUR LA VALLÉE Pendant les dernières décennies, la vallée d’Aspe s’est enfoncée dans un système dévalorisant, coincée entre les directives et les aides extérieures et les volontés locales, entre le souhait d’attirer sans être banalisée comme d’autres vallées, le désir de se détacher d’un passage constant, sans perdre un certain dynamisme... Ainsi que des hésitations face à la réhabilitation de la voie, ses usages et son utilité. Ce système doit se débloquer, pour retrouver un équilibre à l’échelle du territoire ainsi qu’à celle des villages. La vallée ne doit pas devenir un couloir à camions, vidée de ses habitants, et aux paysages fermés. Il est donc nécessaire de résumer ce qui bloque actuellement ce territoire, pour tenter d’agir sur ces verrous, et de comprendre ce qui pourra être la base d’un nouveau projet.
PROBLÉMATIQUES PRINCIPALES UN DÉSÉQUILIBRE DANS LA VIE RURALE L’ensemble du site connaît une baisse démographique depuis plusieurs années, accompagnée d’un fort déséquilibre au niveau des services, qui se trouvent principalement dans le vallon de Bedous-Accous, ou en Espagne dans le village de Canfranc. Ainsi si les villages de ces entités attirent quelques habitants, les villages de la haute vallée peinent à garder leur population. Ils sont bloqués par les maisons secondaires, ainsi que la difficulté à maintenir des emplois. Ainsi on trouve une véritable sensation d’éloignement et d’enclavement dans la haute vallée française. De plus les formes d’habitat tendent à s’éclater, avec de nouvelles habitations s’étalant le long de la route ou sur les hauteurs.
129 RÉFLECHIR AUTREMENT
UN MODÈLE DE MOBILITÉ DÉVALORISANT Du fait de la dispersion des habitants au sein de petites unités de vie, ainsi que de la difficulté à maintenir des emplois et des services dans la vallée, l’ensemble de la population est entièrement dépendante de la voiture. La route devient alors le système principal de la vallée, marquée par le passage régulier des camions. L’emprise de la voiture va jusqu’au coeur des villages, et prend la place des espaces publics qui reflétaient anciennement la vie de la vallée. Les transports en commun sont encore peu utilisés, malgré des initiatives du parc national et de la communauté de communes pour sensibiliser les habitants à d’autres manières de se déplacer. Ainsi la première portion de la voie ferrée est encore peu utilisée, car très peu accompagnée. UNE ÉVOLUTION DES PAYSAGES MAL VÉCUE L’équilibre qui existait entre l’espace pastoral et la forêt s’est perdu avec le départ massif des bergers. Ainsi de nombreuses zones ont perdu leurs fonctions, et ne sont plus vécues ou utilisées. La forêt et la broussaille se sont rapprochées des villages, et ne sont plus des espaces vécus, mais des formes subies, qui ferment l’horizon. Comment retrouver alors un équilibre et une diversité des pratiques permettant un meilleur vécu de la vallée ? Si l’activité pastorale s’est dernièrement réanimée grâce à de nombreuses actions visant à faciliter la vie des bergers, il est important de redonner un sens aux pratiques montagnardes, un nouveau rythme. UN TERRITOIRE TRAVERSÉ SANS ARRÊT Entre les camions et les touristes reliant l’Espagne, le passage dans la vallée est aujourd’hui plus subi que voulu. La réhabilitation de la voie ferrée, tournée vers le fret, peut prendre le risque de devenir seulement un axe de passage supplémentaire sans arrêt. Or la vallée se vide peu à peu, et a besoin de nouvelles activités. La vallée d’Aspe dispose de paysages remarquables, et d’un cadre préservé d’un tourisme de masse. Elle a commencé à poser les bases d’un tourisme vert qui peut lui être bénéfique, tout en étant contenu. Le train ne doit pas devenir un train d’été touristique, mais servir d’accroche à des habitants pérennes, ainsi qu’à la production.
130 DU PASSAGE À L’ARRÊT
DES DIFFÉRENCES COMME LEVIER
LE TRAIN, UNE NOUVELLE PERCEPTION DES PAYSAGES. Ce projet a amené, et amène encore beaucoup d’hésitations et de doutes. La ligne, qui a pour objectif principal le fret peut être à la fois un support de production pouvant aider au transport de marchandises, et un transport public dans un milieu rural qui peut constituer une véritable opportunité de le redécouvrir. En effet, le train amène une perception différente du territoire, et ce sous plusieurs formes. Tout d’abord, il apporte une échelle différente de réflexion. Il relie en effet des espaces très éloignés, ici Pau à Saragosse, et amène ainsi une nouvelle réflexion le long de la ligne. En étant vecteur de transport à grande échelle, et notamment de transport de fret, il permet de se projeter dans des vallées moins définies par la voiture et le camion. Il représente ainsi l’opportunité
de s’arrêter dans ces territoires et de les traverser. A plus petite échelle, le train s’insère dans deux perceptions. Celle du voyageur tout d’abord, pour qui les paysages se succèdent autrement. Le voyage en train permet un détachement qu’on ne retrouve dans aucun autre moyen de déplacement. Ainsi le territoire devient tableau, présentation, et opportunité à un nouveau rythme. Mais le plus important est la perception amenée à l’habitant. En effet ce dernier peut retrouver dans le train un rythme associé à de nouvelles dynamiques. Il est important de considérer aujourd’hui la façon dont le train peut contribuer au développement de la vallée, et d’accompagner cette dynamique. Si les usages actuels ne semblent pas se concilier complètement à ceux du train, il est important de se projeter dans le long terme. La vallée est dans une étape charnière de son développement, où les problématiques futures commencent à se dessiner. Ce développement, durable, doit passer par de nouvelles mobilités, qui pourront structurer l’ensemble du territoire, et devenir le support de nouvelles façon de vivre, entre un équilibre local et global, où le train sera vecteur de lien.
131 RÉFLECHIR AUTREMENT
LES NOUVELLES FAÇONS DE VIVRE LA MONTAGNE Si la vallée d’Aspe souffre beaucoup de la perte de population, et d’un certain éloignement, ce système a aujourd’hui permis de nouvelles initiatives. En effet il est aujourd’hui possible de vivre la montagne autrement. Elle attire depuis quelques années des néo ruraux à la recherche de calme et d’un cadre de vie plus agréable et moins saturé que la ville. On a vu dans la vallée s’installer de nouveaux ménages, parfois participant activement à de nouvelles activités, comme le jeune couple s’étant approprié un bar à Etsaut, ou les projets de brasserie dans l’ancienne gare de Bedous. A l’échelle de villages de 70 à 400 habitants, ce sont des initiatives de ce type qui peuvent relancer un système équilibré, et une vie locale dynamique. Aujourd’hui, avec les nouveaux réseaux,
il est aussi possible de travailler à distance. La vallée d’Aspe a la chance d’avoir une couverture réseau assez importante, notamment la haute vallée qui avait fait l’objet d’un programme «Haute Aspe, Haut débit», permettant de tester de nouvelles technologies. A Bedous, l’installation récente d’un tiers lieu est en train de faire ses preuves. Il permet d’organiser des réunions, de travailler à distance, de faire des téléconférences... Et donc peut-être à terme d’attirer de nouveaux habitants, et entrepreneurs. La montagne, et ses petits villages, a donc l’avantage d’être un territoire potentiel d’innovation. Il s’agit donc aujourd’hui de valoriser et d’accompagner ces dynamiques, au travers d’espaces appropriés pouvant regrouper des ensembles d’activités, et relancer la vie dans les villages.
132 DU PASSAGE À L’ARRÊT
DES CONTRASTES À VALORISER Le vallon de Bedous-Accous, se caractérise par un climat clément, ainsi qu’une topographie douce, qui a attiré plus d’habitants ces dernières années, et permis de conserver certains services de proximité. La haute vallée, touchée par les périodes d’enneigement, et victime de son éloignement des grandes villes, peine quant à elle à conserver ses habitants, et à ne pas se faire grignoter pas les habitations secondaires. Enfin le village de Canfranc a un côté beaucoup plus urbain, et est aussi victime de son succès, avec un nombre impressionnant de logements secondaires. Pourtant si ces différences semblent actuellement dévaloriser les territoires, elles peuvent aussi être la source d’une nouvelle dynamique et d’un nouvel équilibre. Assumer ces territoires dans leurs dif-
férences peut en faire des espaces plus attractifs. Ainsi la vallée française offre à un visiteur espagnol une expérience pittoresque. L’Espagne quant à elle attire grâce à de nombreux services, et équipements touristiques. Le vallon, lui, est aujourd’hui le «poumon» de la vallée, qu’il entretient en services. Il s’agit donc de valoriser ces espaces en fonction de ce qu’ils peuvent offrir localement, pour recréer un équilibre et une logique locale. La haute vallée doit se baser sur des systèmes la distinguant du vallon. Que ce soit un habitat plus isolé que peuvent chercher certains, la base de nouveaux systèmes innovants permis par une petite population, et de nombreuses ressources naturelles, ou encore la proximité de l’Espagne, mais aussi du coeur du parc naturel. Il serait alors possible de se servir de chaque arrêt de train comme un nouveau point dans le territoire, valorisant une spécialité, et un nouveau système global.
133 RÉFLÉCHIR AUTREMENT
DE NOUVEAUX OUTILS Si la coopération entre les différentes communes et la maîtrise du foncier sur certains terrains est toujours difficile, des outils sont en train de se mettre en place pour une meilleure gestion. La réflexion autour d’un SCoT qui regrouperait piémont et vallées pourrait être associée à la réflexion autour de la voie ferrée, et servir de base à un nouveau projet cohérent. En effet le foncier complexe des flancs de montagne, et les désaccords qui peuvent exister entre les communes, les acteurs de la route et ceux du train, sont aujourd’hui les obstacles majeurs à une meilleure maîtrise du territoire. Si la voie ferrée elle-même ne pose pas de problème à ce niveau, les espaces complémentaires autour de lieux clés peuvent être parfois à acquérir, ou moins à raisonner de manière globale. Un document
qui déterminerait les aires d’actions serait une étape majeure franchie pour la vallée d’Aspe. A plus petite échelle, d’autres outils sont en train de se mettre en place, parfois accompagnés par l’Etat et le programme LEADER, mais plus souvent à l’initiative directe des habitants des vallées. Ainsi comme on l’a vu précédemment, la création de l’association «Aspe solidaire», permet d’encourager les porteurs de projets à s’implanter dans la vallée, instaurant une dynamique locale bénéfique. Autre exemple, l’association foncière pastorale montée en 2013 à Borce pour tenter de ranimer le quartier d’Aubise, autrefois entretenu et exploité. Les Associations foncières pastorales sont des outils de choix pour réinstaurer une gestion dans des espaces délaissés. Au niveau de l’immobilier, les communes tentent d’acquérir peu à peu quelques logements pour éviter le blocage des maisons secondaire, mais ces opérations ne sont pas toujours aisées. Ainsi il est nécessaire de relier les nombreux acteurs qui agissent à l’échelle locale, pour appuyer une dynamique partant des habitants.
135 INVERSER LA TENDANCE
INVERSER LA TENDANCE, RÉINVESTIR LES VALLÉES Le projet s’oriente vers une cohérence territoriale basée sur le retour du train, une opportunité de redécouvrir ces vallées, de les relier, mais aussi de les ranimer. Ainsi ma proposition se décline en quatre approches : une structure, une colonne vertébrale, que sont les mobilités, pensées en vue d’un équilibre autour de la vie dans la vallée et des ses poles principaux. Ensuite, la base de cette vie, qui la modèle et la nourrit, les ressources de ce territoire de montagne. Pour finir, ce qui constitue le support principal, la façon d’appuyer et de révéler les paysages.
1
Favoriser une nouvelle pratique de la vallée autour de mobilités innovantes
3
Valoriser les ressources du territoire
2
Accompagner la vie dans la vallée pour créer de nouvelles dynamiques
4
Appuyer et révéler les paysages de la vallée
Bedous 136 8.7 km 9mn
Toyal/Lescun Usine Toyal
Cette-Eygun 3.4 km 5mn
Cirque de Lescun
Etsaut
Le fort du Portalet
4.3 km 7mn
Urdos
5.7 km 8mn
Forges d’Abel Lac d’Estaens
Ski de fond du somport Candanchu
Gare de Canfranc
8 km 10mn
Canfranc-e 8 km 10mn
Temps de trajet projeté en train
N
0
2
4
6 (km)
Canfranc
137 INVERSER LA TENDANCE
FAVORISER UNE NOUVELLE PRATIQUE DE LA VALLÉE AUTOUR DE MOBILITÉS INNOVANTES Développer des arrêts à des points stratégiques
En implantant les arrêts du train à des endroits d’importance pour les habitants, comme l’usine Toyal
Créer des points relais sur des arrêts stratégiques
Il est important d’adapter l’offre à la vie rurale (navettes, vélos électriques, croisements avec le GR, chemins pastoraux...)
Accompagner la voie dans les villages Gérer les contraintes techniques pour un impact moindre au coeur même des villages
Appuyer les liaisons entre villages en gérant la césure possible de la voie ferrée
Les forges d’Abel représentent un espace pittoresque où l’on peut imaginer un point relais pour découvrir les sommets
Certains villages se font face où se surplombent, et ont aujourd’hui perdu en lien. Aménager des points de passages de la voie dans des endroits stratégiques.
Faciliter les connexions piétonnes et cyclables entre les villages, et les points stratégiques en prenant en compte les abords de la voie ferrée Créer des chemins accessibles à tous
Valoriser le passage du GR le long du cours d’eau
En marquant le passage de manière à le rendre plus lisible A Etsaut la ligne longe le village et sa réhabilitation devra être accompagnée pour préserver le rapport au gave.
Bedous 138 GRANDE PARTIE
Hameau de Jouers 8.7 km 9mn
Quartier Broca
Toyal/Lescun Cette-Eygun 3.4 km 5mn Etsaut
4.3 km 7mn
Urdos Bérat du haut
5.7 km 8mn
Forges d’Abel
8 km 10mn
Canfranc-e 8 km 10mn Temps de trajet projeté en train
N
0
2
4
6 (km)
Canfranc
139 INVERSER LA TENDANCE
ACCOMPAGNER LA VIE DANS LA VALLÉE POUR CRÉER DE NOUVELLES DYNAMIQUES Valoriser les villages de la haute vallée
Appuyer les spéficités de chaque village et anticiper un développement possible et les pressions foncières qui pourraient en découler en favorisant la densification
Mettre en avant les centre bourgs des communes du vallon
Densifier l’habitat pour redonner une cohérence avec le bâti récent dispersé
Conforter les hameaux «quartiers» et mieux les relier à la trame générale Assumer ou réanimer les hameaux
Valoriser la lisibilité inter-villages
Retrouver une connexion entre villages proches
Encourager la création de tiers-lieu
Dans le vallon il est nécessaire d’accompagner le développement de l’habitat pour favoriser le centre bourg et mieux maîtriser l’étalement
Instaurer des espaces mêlant différentes activités
Aménager des espaces propices au passage de services itinérants Favoriser les emplacements accueillant marchés et événements.
Développer un espace culturel transfrontalier
Réhabiliter un bâtiment abandonné pour créer un espace culturel au coeur de l’ancienne douane
A Urdos, l’entrée du village ne reflète pas son potentiel. On trouve beaucoup de logements abandonnés ainsi que d’habitat dispersé à coordonner
Bedous
140 GRANDE PARTIE Forêt d’Issaux
8.7 km 9mn
Scierie locale
Toyal/Lescun Cette-Eygun 3.4 km 5mn Etsaut
Bois du Pacq
4.3 km 7mn
Urdos
5.7 km 8mn
Forges d’Abel
8 km 10mn
Canfranc-e 8 km 10mn Temps de trajet projeté en train
N
0
2
4
6 (km) Canfranc
141 INVERSER LA TENDANCE
DÉVELOPPER LES RESSOURCES DU TERRITOIRE Valoriser les zones d’estives Encourager la découverte des zones pastorales et des produits locaux. Accompagner les éleveurs pour mettre à profit le passage du train pour un transport de marchandises Comforter les actions en faveur de l’amélioration des cabanes pastorales et des sentiers
Encourager la diversification des cultures Retrouver une diversité des paysages dans le fond de vallée, support de production
Réinvestir les versants
Encourager la création d’association foncières pastorales pour gérer les zones intérmédiaires enfrichées, et réouvrir des zones choisies
Conforter la production forestière
S’appuyer sur une reconquête des versants pour diversifier les cultures de fond de vallée (maraîchage?)
Se réapproprier les forêts autour d’une production locale, en favorisant la filière bois énergie. Valoriser les grands massifs forestiers
Créer des points relais pour les différentes productions de la vallée : Inciter l’installation d’entreprises spécialisées dans le bois au plus près des unités existantes Créer des points d’échange autour de l’élevage mêlant production et artisanat.
Encourager la découverte des zones pastorales d’altitude
Bedous
142 GRANDE PARTIE
8.7 km 9mn
Coste Larrun
Toyal/Lescun Cette-Eygun 3.4 km 5mn Etsaut
Gorges de l’Enfer
4.3 km 7mn
Urdos
Vallon d’Urdos
Tunnel hélicoïdal
5.7 km 8mn
Forges d’Abel
Col du Somport
8 km 10mn
Canfranc-e 8 km 10mn Temps de trajet projeté en train
N
0
2
4
6 (km) Canfranc
143 INVERSER LA TENDANCE
APPUYER ET RÉVÉLER LES PAYSAGES DE LA VALLÉE Mettre en scène les entrées de village vues du train
S’appuyer sur la réouverture de la voie ferrée pour rythmer le passage dans les villages ainsi que les entrées.
Dégager des vues stratégiques le long du passage du train Appuyer le contraste au niveau des sorties de tunnel, mais aussi des paysages remarquables
Rythmer les paysages du fond de vallée
S’appuyer sur le passage du train pour ouvrir des points stratégiques autour des villages et améliorer le ressenti -Appuyer les fermetures avant les villages en profitant de la densité de végétation existante
L’enfrichement des zones intermédiaires a fermé certains horizon depuis Urdos. Retrouver une covisibilité permettrait de mieux vivre le village.
- Retrouver de la lumière autour des villages en ouvrant les versants (encourager l’acquisition des parcelles privées des zones intermédiaires au travers d’associations foncières pastorales)
Rythmer la ripisylve le long du gave pour mieux appréhender le passage de l’eau La végétation autour du gave est aujourd’hui d’une grande richesse, mais a pris trop d’ampleur sur certaines zones, où elle empêche le rapport à l’eau
Marquer les vues depuis les points hauts Donner envie de s’arrêter et de découvrir la vallée
Il est important d’affirmer l’entrée dans les villages depuis le train, pour encourager ce nouveau moyen de transport.
Bedous
144 GRANDE PARTIE
8.7 km 9mn
Toyal/Lescun Cette-Eygun 3.4 km 5mn Etsaut
4.3 km 7mn
Urdos
5.7 km 8mn
Forges d’Abel
8 km 10mn
Canfranc-e 8 km 10mn Temps de trajet projeté en train
N
0
2
4
6 (km) Canfranc
145 UN SITE REPRÉSENTATIF
UN SITE REPRÉSENTATIF, LE VALLON D’URDOS VERS LE SITE DE PROJET L’idée est maintenant de trouver un site laboratoire, sur lequel appliquer ces principes et idées. Le vallon d’Urdos, à la fois fond de vallée et entrée depuis l’Espagne, est représentatif des différents enjeux présents dans la vallée. Tout d’abord, le village d’Urdos, où se trouvait anciennement la douane, dans un abandon croissant depuis «l’effacement» de la frontière avec la création de l’espace Schengen. Il est aujourd’hui toujours traversé par la route nationale, qui marque beaucoup les espaces publics de ce village ne comptant plus que 72 habitants. Ainsi on trouve une ambiance très minérale peu adaptée au contexte rural. La ligne de chemin de fer se dessine en contrebas des habitations. L’ancienne gare elle se trouve à une centaine de mètre du village, et a été réinvestie par un camping. Autour du village, en remontant vers l’Espagne, se trouve un vallon plus ouvert, anciennement cultivée. Il représente une vraie respiration après le défilé très marqué du fort du Portalet, un espace lumineux en partie pâturé. Autour du village cependant, les espaces intermédiaires se sont entièrement fermés, bloquant les horizons. Ces terres pourraient regagner en diversité en réinvestissant une partie des flancs de montagne pour dégager les parcelles les plus propices à de nouvelles cultures. La voie ferrée traverse les exploitations, et son ancrage devra être maîtrisé et aménagé pour ne pas créer une césure trop forte dans les terres. La problématique d’un tourisme raisonné et dynamique se retrouve aussi sur ce site, puisqu’on trouve au nord le fort du Portalet ainsi que le chemin de la mâture, et au Sud les forges d’Abel, dernier arrêt avant les sommets et le col du Somport, qui peut représenter un début de ballade ainsi qu’un point relais vers les stations d’altitude. Ce site regroupe donc les principales dynamiques et enjeux de la vallée, que sont la revitalisation et l’attractivité, basées sur les dynamiques paysagères, et le potentiel des ressources.
146 DU PASSAGE À L’ARRÊT
IMMERSION DANS LE VALLON 1. FORT DU PORTALET Ancien fort défensif faisant face au chemin de la mature
2. FORGES D’ABEL Dernière gare abandonnée de la vallée française, ancien hameau. 1.
2.
3.
4.
3. ENTRÉE D’URDOS Entrée très minérale au caractère routier dans le village d’Urdos.
4. BÉRAT DU HAUT
Grandes terres pâturées anciennement en partie cultivées.
147 UN SITE REPRÉSENTATIF
4. FORGES D’ABEL Vers l’Espagne et le col du Somport
148 DU PASSAGE À L’ARRÊT
ANTICIPER L’IMPACT DE LA VOIE FERRÉE La portion restante permettra de reconnecter la France et l’Espagne, et de rétablir le fret sur la ligne. Ainsi elle verra passer de nombreux trains de marchandises chaque jour. Cet aspect est à prendre en compte dans le projet, puisqu’on a un vrai risque que la voie soit une rupture dans certains espaces. Il est alors nécessaire d’anticiper cet aspect, pour éviter un ressenti trop fort de césure. La voie implique aussi de nombreuses contraintes techniques, liées aux différents risques présents dans la vallée : les chutes de pierre à flanc de falaise, les séquences jumelées, rapprochant voie ferrée, route et gave, ainsi que les risques humains au plus près des villages. Il est important d’identifier ces points pour mieux anticiper les aménagements à prévoir, et éviter une gestion trop brutale, qui créerait une fracture dans le paysage.
LE DÉFILÉ FACE AUX GORGES DE L’ENFER, SÉQUENCE JUMELÉE Face au fort du Portalet, la ligne longe la route, ainsi que l’effleurement rocheux. On est face à différents risques : chute de bloc, proximité du trafic routier... Il sera important de considérer l’ensemble des axes pour trouver une réponse commune et maintenir les vues sur le fort, et la possibilité de se déplacer en tant que piéton.
149 UN SITE REPRÉSENTATIF
AUX ABORDS D’URDOS, LE RISQUE HUMAIN Le passage de la ligne en contrebas d’Urdos, ainsi que la présence possible d’un arrêt implique une gestion des risques liés au passage sur la voie. Il s’agira alors de créer une épaisseur qui ne fracture pas le paysage.
PATURAGE, LA CÉSURE La ligne, passe parfois au coeur d’exploitations. Il est important de réflechir à un moyen d’anticiper la césure, et de réflechir aux traversées possibles, ainsi qu’aux croisements avec les routes dédiées au pastoralisme
N
0
20
40 (m)
150 DU PASSAGE À L’ARRÊT
VE
RS
BE
DO
US
1 Fort du Portalet
2 Urdos Centrale hydroéléctrique du Baralet
Arrêt du village
3
Tunnel hélicoïdal
4 Lac du Peilhou Forges d’Abel
Arrêt relais
151 UN SITE REPRÉSENTATIF
DES SÉQUENCES DISTINCTES On trouve quatre séquences distinctes sur ce site, abordant des thématiques différentes.
Col du Somport
1.
De la halte du village au fort du Portalet Gérer les contraintes techniques pour donner une réponse commune aux différents axes : voie ferrée, chemin piéton, route.
2.
La halte d’Urdos Une cohérence à retrouver au niveau du bâti et d’un développement possible. Un arrêt de train au coeur du village.
3.
Le vallon productif Gérer un espace productif à diversifier et à réinventer, tirer partie du train pour valoriser les paysages, et appuyer les productions
4.
Les forges d’Abel, porte d’entrée du territoire Aménager un espace relais entre le fond de vallée et les sommets Marquer les seuils
152 DU PASSAGE À L’ARRÊT
1
SENTIER DES CREVASSES, PARC NATIONAL DES ÉCRINS, DU COL DU LAUTARET AU COL D’ARSINE Un aménagement simple sur le versant, permettant un passage sécurisé ainsi qu’une mise en scène du site.
D’URDOS AU FORT DU PORTALET Depuis le village d’Urdos le trajet vers le fort du Portalet se fait en partie sur la route et se perçoit assez peu. Il s’agirait donc de créer un sentier plus lisible depuis l’arrêt de train au sein du village. Donner plus de visibilité à la fois à ce monument historique, et au hameau. Cette séquence comprend un passage assez abrupt pour la voie ferrée, où il s’agirait d’accompagner son tracé en relations avec les axes qui la longe.
153 UN SITE REPRÉSENTATIF
LE VILLAGE
2
Rééquilibrer l’habitat autour d’espaces publics de caractère modeste. L’arrêt du train se situerait en contrebas direct du village, et pourrait constituer le début d’une trame le structurant. Il s’agirait aussi de relier les habitations récentes qui surplombent le village à la rue principale, et d’anticiper le développement possible du village en déterminant les priorités d’urbanisation.
ECO-HAMEAU DE BERTIGNAT, PARC NATUREL LIVARDOIS FOREZ Boris Bouchet Création d’un éco-hameau surplombant le village d’origine. Au centre de l’aménagement on trouve un vide central pour conserver la vue sur la vallée
PLACETTE DE LA SOURCE, BREZONS A3 paysage, Un projet qui valorise de manière simple le bourg et sa vue sur la vallée, dans le respect des matériaux locaux
154 DU PASSAGE À L’ARRÊT
LE VALLON PRODUCTIF
3
RÉOUVERTURE DES PAYSAGES, VALLÉE DE LA BRUCHE, ALSACE Lassée par le manque de lumière, la communauté de commune de la Bruche a mis en place une politique d’ouverture des paysages, en se basant sur l’agriculture de montagne et la valorisation de la biodiversité. Les communes ont soutenu la création d’associations foncières pastorales, qui ont combinés réhabilitation de prairie et boisements de fruitiers et de bois d’oeuvre, ainsi que le développement des filières locales bois énergie.
Il s’agit de diversifier l’espace de production. Retrouver la lumière passe par une nouvelle gestion des terres, permettant de réinvestir ponctuellement les friches. La création d’associations foncières pastorales permettrait de mieux gérer cet espace, et de valoriser la pratique de l’élevage. Cela pourrait s’appuyer sur une valorisation sur place des produits. En descendant vers le gave, les terres peuvent être le support d’une diversification des cultures. On peut aussi imaginer un usage du train pour déplacer les marchandises à l’échelle locale. Il s’agit d’encourager un espace de production innovant. FERME D’ÉLEVAGE DE VERNANT Fabriques, Rémi Janin Se réapproprier les espaces dans les zones de paturages ou entre les cultures.
155 UN SITE REPRÉSENTATIF
LES FORGES D’ABEL
4
Cet espace constitue l’entrée depuis l’Espagne, la sortie du tunnel. Son implantation au pied des sommets, sur un terrassement surplombant le gave d’Aspe en fait un site au fort potentiel. Il peut devenir un point relais vers des activités orientés vers la découverte de la nature dans le coeur du parc, et vers la station du Somport, qui se veut à l’avenir à la fois espace de ski de fond et de point de départ de randonnée. Il s’agira alors de marquer les seuils et les départs à partir de cet arrêt de train emblématique.
FIER - LAC D’ANNECY Marquer le seuil des sentiers depuis les points relais
VALLON THERMES, EVAUX LES BAINS Aménagement d’un parking au coeur d’un site historique, valorisant les vues alentours
CONCLUSION
Les vallées d'Aspe et de Canfranc traversent aujourd'hui une période charnière. Après une longue période de crise marquée par une fuite des populations, les logiques changent peu à peu. De plus en plus de personnes quittent la ville pour se tourner vers les zones rurales. Les conditions qui peuvent dévaloriser les territoires de moyenne montagne – topographie, isolement, climat- en font aussi des espaces d'innovation, pour d'autres manières d'habiter. Sur le site d'étude, les habitants mettent en place de nouvelles initiatives pour mieux vivre leur vallée. Les politiques publiques doivent pérenniser ces dynamiques naissantes, et trouver un équilibre entre tradition et innovation. Dans un territoire divisé, les particularités peuvent devenir des forces. Le projet de reprise ferroviaire entre Bedous et Canfranc présente une opportunité de repenser la vallée à une échelle plus large. Longtemps bloqué par des désaccords et des incompréhensions, il doit ouvrir la porte à un véritable dialogue tout d'abord entre les acteurs du territoire, mais aussi avec les acteurs régionaux. En effet malgré un échec économique, le train a marqué ces vallées, autant dans la mentalité des populations, que dans les paysages traversés. Il se présente comme une colonne vertébrale de ces territoires. S'il est envisagé comme un axe dédié premièrement au fret, il se doit d'être le support d'une revitalisation, plutôt qu'une politique extérieure subie. En effet si l'évolution globale tend vers une amélioration, de nombreux problèmes perdurent. Les villages subissent le passage de la route, qui modèle l'espace public. Dans le fond de vallée, l'horizon se perd, marqué par l'avancée progressive des friches autour des villages. Il s'agit alors de faire évoluer ces espaces, et de les accompagner pour retrouver un équilibre à l'échelle du territoire, mais aussi au sein de chaque espace vécu. Le projet de voie peut servir de base à un redéploiement, et il est nécessaire d'accompagner la vallée dans cette dynamique. Le projet de paysage partira alors de l'échelle locale, de façon à maîtriser l'impact de la voie ferrée, et valoriser les espaces traversés. Ces actions doivent s'appuyer sur les pratiques de la montagne et les initiatives des habitants, pour redynamiser les vallées d'Aspe et de Canfranc.
158
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160 GRANDE PARTIE
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ENTRETIENS AVEC Mr. Patrick NUQUES, parc national des Pyrénées, chef d’unité territorial du Béarn, 21 Septembre 2017 Mr. Jean-Luc PALACIO, président du CRELOC, 23 Octobre 2017 Mr. Henry BELLEGARDE, Maire de Bedous, 23 Octobre 2017 Mr. Simon FRISONI, Communauté de commune du haut Béarn, service mobilité, 21 Novembre 2017
161 BIBLIOGRAPHIE
Mr. Alain GAILLAT, ONF, responsable unité territoriale Oloron Sainte Marie, 22 Novembre 2017 Mr. Antoine LAVAL, Architecte conseiller, CAUE 64, 22 Novembre 2017 Mr. Didier HERVÉ, Directeur de l’IPHB, 22 Novembre 2017
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier tout d'abord mes deux professeurs encadrants, Catherine Farelle et Olivier Gaudin, qui m'ont accompagné avec beaucoup de bienveillance, et m'ont permis de questionner mon travail et de l'enrichir toujours plus. Toutes les personnes rencontrées sur le terrain, qui ont accepté de m'accorder de leur temps pour répondre à mes questions, me raconter leur ressenti et leur vision des enjeux actuels. Mais aussi remercier ma famille. Mes parents et ma sœur pour leur relecture attentive, pour leur écoute et leur soutien inébranlable. Ma tante et mon oncle pour m'avoir accueilli lors de mes nombreuses visites, mon cousin François, pour m'avoir accompagné dans ma découverte du site, ainsi que mes deux grand-mères, me tenant au courant de chaque information entendue sur le projet ferroviaire. Enfin mes amies de promo, ma colocataire de toujours, celle d’il y a trois jours, et celle qui passe dire bonjour, pour leur soutien et leurs idées, pour les moments partagés, et pour la formation d'une équipe de choc qui nous permet d'avancer dans cette année assez particulière !
BEDOUS-CANFRANC
S’APPUYER SUR LE PROJET FERROVIAIRE POUR REDYNAMISER LES VALLÉES TRAVERSÉES « De toute manière si vous avez entendu parler de la vallée, c'est soit par le train, soit par la route !» Une constatation qui revient souvent quand on parle de la vallée d'Aspe, dans les Pyrénées, marquée par le passage du transpyrénéen Pau-Saragosse entre 1928 et 1970 et par la célèbre et immense gare de Canfranc, bâtie de l'autre côté de la frontière, au cœur des montagnes. Pourtant cette petite vallée béarnaise a un caractère identifiable, au delà des infrastructures qui la traversent. Avec sa voisine espagnole, la vallée de Canfranc, elle constitue un territoire rural qui s'est développé grâce au pastoralisme et au commerce frontalier. Le col du Somport qui les relie, a de tout temps favorisé ces échanges, appuyés sur un partage des terres, et une coopération indépendante des États et des politiques extérieures. Cependant, si elles ont connu une période d'essor, l'exode rural les a laissé démunies, vidées d'une partie de leur population et peinant à remonter la pente. Si des initiatives locales se sont mises en place ces dernières années, avec un essor du tourisme en Espagne, et une légère remontée du pastoralisme dans la vallée d'Aspe, ce territoire est encore bloqué par de nombreux verrous, et certaines difficultés à se retrouver dans un système régional et national qui ne les favorise pas toujours. À la fin des années 1990, les habitants de la vallée ont mal vécu l'instauration d'un tunnel routier, augmentant la fréquence des camions qui la traversent. Cependant ces dernières années, c'est un autre projet qui fait débat. Peu après la mise en place du tunnel routier, la région a en effet décidé de rouvrir la voie ferrée entre Oloron et Canfranc. Cette initiative, demandée depuis des années par l'Espagne, face à un état français réticent, place les vallées traversées dans un tournant décisif. La mise en place de la ligne, destinée majoritairement au fret, se doit d'être accompagnée pour ne pas devenir une rupture, mais plutôt un support de développement. La première portion de la ligne, reliant Oloron à Bedous, à réouvert en 2016, destinée au trafic voyageur. Aujourd'hui, c'est la dernière portion transfrontalière qui se dessine, entre Bedous et Canfranc. Elle traversera moyenne et haute vallée pour rejoindre l'Espagne et la gare de Canfranc. Au travers des petits villages dispersés et des pâturages, longeant le cours d'eau et la route, la voie va impacter la vallée. Il semble alors nécessaire de s'intéresser à l'impact possible de ce dernier tronçon, qui inscrit la vallée dans une logique plus large. Ainsi comment cette voie peut-elle devenir le support du redéploiement de la vallée ? Et quelle stratégie mettre en place pour anticiper et pérenniser un développement possible ? CLAIRE DUTHIL,
Mémoire de fin d’étude 2017-2018 Département école de la nature et du paysage - INSA CVL, 9 rue de la chocolaterie - CS 2902 - 41029 Blois cedex