Le polémique février 2014

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le polemique

Février 2014

Volume 32 - Numéro 3

LA RUSSIE DE SOTCHI dossier en page 6

EXPAT CHRONIQUES ART & CULTURE POLEMIQUE DU MOIS Journal étudiant du département de science politique et études internationales


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Volume 32 - Numéro 3

EDITORIAL

La censure, un mal nécessaire? Rose Chabot, Clara Déry et Gabriella Stien

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’art qu’on connait, qui est montré, le plus souvent, est un art beau. Mais l'art, ce n'est pas que le beau. Ce n'est, après tout, qu’un simple médium pour faire passer un message, en allant chercher la sensibilité des gens. Que l’art soit beau ou laid, son principal atout réside dans le fait qu’il ne prend pas mille détours pour arriver à ses fins; l’art vient nous chercher directement, nous surprend sans que l’on ne comprenne trop pourquoi ou comment, parce qu’il nous atteint dans notre irrationnalité la plus totale. Googlez Goya, les peintures noires. Il peignait le laid, après avoir peint les horreurs de la guerre et cette bourgeoisie qu'il trouvait ridicule. L’art peut être cru. Il peut agir comme puissante arme, dérangeante, instigatrice de changements sociétaux profonds, ou simplement comme miroir d’une réalité que certains préfèrent garder dans l’ombre. Les artistes veulent passer un message, et celui-ci peut être véhiculé par un certain esprit de dissidence. C’est ainsi que grandit l’intérêt politique de réprimer, de taire ces voix qui hurlent plus fort qu’on ne le croit. C’est donc cette même censure, celle des Otto Dix qui peignent à travers des putes berlinoises toute l’horreur de la guerre, ces Kokoschka dont les toiles et œuvres théâtrales manquent d’héroïsme, de patriotisme, qui démontre la force de cet art de dénonciation. L’intervention du politique dans l’art a donc bien souvent une connotation négative. Pourtant, si cette main invisible du politique dans le domaine des arts peut être fusillée de critiques par son paternalisme étouffant, elle peut aussi lui offrir un indispensable coup de main... Ainsi, le politique contribue paradoxalement tout autant à la création, au bourgeonnement de l’art, qu’à sa destruction; c’est ici que surgit le désaccord à notre question polémique du mois: pour ou contre l’intervention du politique dans le domaine des arts?

Équipe du Journal

Rappelons-nous l’index du temps de la Grande Noirceur québécoise, ce recueil de livres bannis par l’Église catholique, dont la lecture était interdite puisque Dieu les savait truffés de faussetés et d’immoralités venant à l’encontre des valeurs du pratiquant obéissant… L’intervention était alors nette ingérence. Cependant, la censure actuelle, elle est latente. Si elle n’est peut-être plus présente de façon flagrante, évidente, elle nous côtoie tous les jours en se dissimulant sous les beaux apparats de la liberté d’expression; pourrait-on dire que ces subventions, ces moyens de diffusions oligopolisés par l’État, extrêmement convoités par des artistes de divers horizons, représentent un facteur de sélection qui n’a pas lieu d’être? Le fait de ‘priver’ certain-e-s artistes de leurs capacités à créer et à diffuser leur art par manque de ressources financières, par rapport à d’autres artistes subventionné-es par des programmes étatiques ou des sociétés d’État, peut-il être considéré comme une barrière insidieuse à leur liberté d’expression? Quel processus de sélection, quels critères permettent aux comités de sélection de RadioCanada, de la SODEQ ou de Téléfilm Canada d’accorder ou pas une subvention à un-e artiste? Probablement des raisons semblables à celles qui poussent les États à la censure; lorsque l’œuvre en question contrevient aux «valeurs» de l’État. Cette mise à l’écart, cette censure économique dont sont victimes ceux et celles qui ne voient pas leur projet artistique subventionné, sert-il comme de moyen permettant au politique de préserver le statut quo idéologique? S’agit-il d’un ultime rempart d’ordre moral pour l’État? Et dire que petits bourgeons germants de la démocratie, on nous disait dès la maternelle que notre monde Occidental à nous est l’incarnation de la liberté. «Dans notre monde, ma petite fille, on est libre de dire, d’agir comme on veut. C’est pas partout pareil, considère-toi chanceuse de vivre dans une démocratie».

Le politique détient donc un rôle paradoxal dans le domaine artistique, parfois nécessaire à la survie et la promotion de l’art, parfois bourreau qui cherche à tuer dans l’œuf toute réflexion populaire au nom de la paix sociale. L’intervention du politique dans l’art n’a bien évidemment pas vu le jour avec les régimes autoritaires du XXème siècle; elle y est, pour certaines formes d’art plus contemporaines, intrinsèque; que ce soit à travers le parrainage d’artistes par des mécènes à la Catherine de Médicis, au financement du théâtre romain par les dator ludi, ces grands magistrats animés d’une soif de propagande politique, à la création même des musées, initiatives des États, aux peintres, mis à l’avant-scène grâce à ces familles royales désireuses de se montrer au peuple sous leur plus beau jour, l’histoire révèle l’importance du politique dans la subsistance et le développement de plusieurs formes d’art. Pourtant, nous nous pensons à l’abri de la censure, protégée par la démocratie. Comme si ce mot puisait son aura de la transcendance. Il est inviolable, intouchable. Il siège parmi les Grands Dieux. Les gens, toi, moi, le voisin irakien de l’étage, la vieille dame aux chats…on est probablement tous envoûté-e-s par la noblesse de ce mot. Comme si le pouvoir du mot nous procurait de facto les libertés individuelles, les droits fondamentaux, la justice et tout ce joli bordel. Et comme si la démocratie nous protégeait de la censure. La censure aujourd’hui n’est plus ce qu’elle a été. Il s’agit dorénavant de mécanismes officiels ou confidentiels qui condamnent une expression jugée trop dangereuse pour la communauté ou pour un public vulnérable. Est-ce un mal nécessaire, ou une ingérence injustifiée? À vous d’en débattre!

Illustration : Lydia Rédaction en chef : Rose Chabot, Gabriella Stien et Clara Képinski Déry Journalistes : Dan Mise en page : Rose Chabot, Gabriella Stien et Clara Déry Michaël Abécassis, Gabriel Arruda, Sihem Attalah, Léo Coordonnateur à la correction: Mohamed Merhi Barruol, Andréanne Bernier, Jeanne Bettez, Anaïs Boisdron, Correction : Léo Barruol, Lara Bouvet, Medhi Debagha, Jonathan Deschamps, Gwendoline Decat, Éléonore Duchêne, Clara Déry, Alexia Ludwig, Mohamed Merhi, Charlotte Guillaume Freire,Tristan Gutierrez Garcia, Mathieu Labelle, Plancquaert, Mélanie Radilla. Eugénie Lépine-Blondeau, Alexia Ludwig, François RobertImpression: Service d'impression de l'Université de Montréal Durand, Jonathan Ruscigno, Olivier Thivierge, Mégane Visette, Alan Volant. Pour nous joindre: journalpolemique@gmail.com * Il est à noter que le masculin est utilisé de façon générale afin d’alléger le texte, et qu'il relève du choix de l'auteur-e. Le féminin est, bien sûr, implicite.


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CHRONIQUES

Entre obéissance et avertissement

François Robert-Durand

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l est très facile d'obéir. Quiconque a expérimenté les diverses retenues à l'école primaire peut aisément le réaliser à travers le calcul coût/bénéfice qu'une dérogation entraîne. Obéir est réconfortant. Cela nous permet d'écarter l'ennui de se remettre en question et d'envisager des formes alternatives de vivre-ensemble. Obéir est même rassurant. Le leitmotiv de l'obéissance nous fait agir en substituant la finalité bonne ou mauvaise de nos actions par le spectre de la sentence. À l'heure actuelle, le Québec et une partie non négligeable d'autres États fonctionnent ainsi. Ils obéissent aux différentes entités internationales même si cela a pour finalité évidente de nuire au bien commun national. Nous nous en rendons compte suite au récent rapport de l'ONG Oxfam qui, recherche à l'appui, affirme que 50% de la richesse mondiale est détenue par à peine 1% des individus. Les causes de cet écart assourdissant sont bien connues: dérèglementation financière tout acabit, évasion fiscale, etc. Cependant, ce qui est révoltant

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Dan Michaël Abécassis

’AÉSPÉIUM, si vous ne le saviez pas déjà, est votre association étudiante. En tant qu’exécutants, ce que nous faisons principalement consiste à représenter, défendre et superviser vos droits et intérêts académiques, moraux, sociaux, économiques et intellectuels tant à l’Université qu’en dehors. Nous possédons un local, qui se trouve au C-2175. Ouvert tous les jours de 8h30 à 16h00, il est facile d’accès via toutes vos classes (ou presque). Au moment de la rédaction de ces lignes, le conseil d’administration venait de passer 4 mois à se côtoyer et travailler ensemble. Audrey Gagnon, vice-présidente et secrétaire qui est la meilleure aide et soutien qu’on puisse avoir pour ce rôle. C’est elle qui est en charge, de gérer les ressources de l’association, de veiller au suivi des décisions et d’aider au maintien des affaires courantes et administratives. Amélie Dumont, trésorière, gère les fonds de l’association avec rigueur et précision. Elle estime les implications financières de nos activités, prépare nos budgets, trouve les meilleurs moyens de financement pour l’association et s’assure que vos cotisations soient utilisées le mieux possible. Étienne Laforest, délégué aux affaires externes, qui se démarque par sa patience, sa vivacité d’esprit et sa répartie, lors d’instances bien souvent difficiles à suivre. Il est la personne en charge de faire des liens avec les organismes et institutions en rapport avec nos intérêts. Il représente l’association sur les instances de la FAÉCUM, comme le conseil cen-

est cet enthousiasme qu'ont les divers États à suivre les diktats émis par ces entités internationales. En effet, celles-ci persistent à prescrire exactement tout ce qui a amené à cette disparité actuelle. Cette croyance absolue envers le marché leur fait office d'œillère face à toute vision alternative. Combien de décennies a-t-il fallu au FMI pour qu'il réalise que ses politiques d'ajustements structurels sont contreproductives? Comment expliquer que les grandes agences de notation financière, bien qu'elles disent souvent n'importe quoi en regardant leur boule de cristal, soient écoutées tels des bergers qui éclairent la voie aux pauvres brebis égarées? Malgré que l'expérience démontre les effets pervers de ces prescriptions, nous retrouvons aujourd'hui plus que jamais des apôtres de cette doctrine néolibérale qui s'est auto-érigée en science parfaite et infaillible. Regardez le cas québécois où les trois principaux partis politiques représentés à l'Assemblée nationale s'en font fièrement les porte-étendards. Bien sûr le Québec est parmi les endroits au monde où les inégalités sociales sont les plus restreintes. Pour cela, nous avons profondément de quoi être fiers. Cependant, trop de gourous de bonne

conscience persistent à utiliser l'adage du soi-disant pragmatisme pour vouloir briser les mécanismes mêmes qui font en sorte que nous sommes jalousés partout à travers le monde. Un de ces mécanismes décriés est le système de redistribution des richesses somme toute louable, guidé, du moins je l'espère, par une réelle conscience de l'Autre. C'est ce même système qui est présentement remis en question pour assainir les finances publiques et redonner confiance aux investisseurs étrangers. Là est l'effet pervers de l'obéissance. Il pousse les États non seulement à détruire nos acquis sociaux, mais aussi à camoufler le bouillonnement hyperactif des idées derrière un conformisme à toute épreuve. Cela nous permet de croire que c'est ce même conformisme qui transcende tout ce qui a fait en sorte que la moitié des richesses soient détenues par une toute petite fraction de la population mondiale. Ainsi, si j'avais un souhait à formuler pour 2014, cela serait de laisser bouillir les idées et de les laisser faire leur chemin sans que la règle métallique de l'institutrice d'école persiste à en faire la chasse gardée des rêveurs de salon.

L'AÉSPÉIUM tral, ou le comité des affaires socio-politiques. Grégory Calonges et Mélissa Paradis, délégués aux affaires académiques de science politique et études internationales, ils sont à eux deux les représentants de l’association en tout ce qui a trait aux affaires pédagogiques, que ce soit l’embauche de professeurs, les évaluations de mi-session, les assemblées départementales ou le conseil des affaires académiques de la FAÉCUM. Émilie Brisson, conseillère à la vie étudiante festive, bien qu’il est toujours difficile de s’intégrer à une équipe qui roule depuis déjà un moment, elle aura tout de même réussi à organiser les initiations de cette année, le party de mi-session au B1 et le party Apocalypse de fin de session. Il semblerait que d’autres événements comme un vin et fromage ou la traditionnelle Cabane à Sucre seraient au rendez-vous. Sophia Déry, conseillère à la vie étudiante sport. Ce poste, à l’origine un projet-pilote, nous permet d’évaluer les besoins quant aux activités sportives de l’association, mais personne ne s’attendait à ce que Sophia prenne aussi en main le Carnaval et aussi les Jeux de la Politique 2014. Éléonore Duchêne et Sophie Coutu, déléguées aux communications, les rares élèves de première année à se présenter à un poste pour les élections. En charge de superviser les communications, elles agissent comme pilier de l’association, préparent les tournées de classe, elles nous lient à vous et vice-versa, gèrent les réseaux sociaux, l’envoi de courriels de masse et sont les premières respon-

sables de la participation des membres à nos activités, ce qui reste un de nos principaux objectifs. Sihem Attalah est représentante des étudiants internationaux, première responsable de la participation de l’AÉSPÉIUM à la semaine interculturelle en collaboration avec les associations d’économie et d’économie et politique. Elle aura innové en montrant un aspect plus global aux étudiants internationaux, en préparant des projections de films, des diners du monde, mais aussi la très populaire fin de semaine à Québec. Catherine Joubert gère avec une main de chef les prises de photos pour les finissants, l’organisation relative au bal, le dossier des bagues et tout ce qui touche de prêt ou de loin ceux qui nous quitteront à la fin de cette session. Clara Déry, rédactrice en chef du journal le Polémique, dernière mais non la moindre. La gestion du journal est plus que formidable et il fait plaisir de le lire. Toutes mes plus sincères félicitations à l’équipe, je suis agréablement surpris du résultat. Maintenant, je me permets de féliciter Charles Gascon et Guillaume Lajoie, vos tout nouveaux représentants aux affaires externes junior et votre nouveau conseiller à la vie étudiante socioculturelle, en qui nous nourrissons beaucoup d’espoir. Il ferait plaisir de vous voir vous impliquer au sein de l’association, ou de simplement passer au local de l’association!


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CHRONIQUES

Entrevue avec le Consul honoraire de Maurice, Richard G.Gervais Notre chroniqueur Alan Volant vous propose ce mois-ci une entrevue avec le Consul de la République de Maurice, mieux connue sous de nom de l'Île Maurice, en guise de Chronique africaine.

Propos recueillis par Alan Volant Le Polémique: Est-ce que vous pouvez en premier lieu nous parler de l’île Maurice, ou plutôt de la République de Maurice, de manière générale ? Richard G. Gervais: Je suis ravi que vous fassiez la correction parce que la République de Maurice est composée de très nombreux îles et îlots, certains formants même des archipels. L’Île Maurice est évidemment celle qui regroupe la plus grande partie des 1,4 millions d’habitants. Ca peut vous paraitre peu mais c’est presque le double des Bahamas. Maurice a sous sa souveraineté une autre île importante qui s’appelle Rodrigues avec près de 35000 habitants, et qui détient, à cause de l’éloignement relatif, un statut lui donnant une certaine autonomie. Maurice était à l’origine une colonie hollandaise, puis longtemps une colonie française. Sous Louis XIV elle s’appelait « L’Île Royale ». A la suite des guerres napoléoniennes, elle passe sous l’autorité de l’Angleterre suite au règlement de la fin de l’empire français. Elle a longtemps été, comme le Canada, sous la Couronne britannique, c'est-à-dire qu’il y avait et qu’il y a toujours un régime de parlementarisme britannique. C’est donc une démocratie, mais en même temps la Reine y était le Chef de l’État ; était la Reine de Maurice. L’indépendance remonte à 46 ans maintenant. Il y a plus d’une dizaine d’années, l’État Mauricien est devenu une République, comme l’Inde. Il y a donc depuis un Président de la République, élu par le Parlement. Celui-ci exerce un rôle essentiellement cérémonial mais détient quelques pouvoirs additionnels pour répondre à des situations d’urgence ; Ce que le Gouverneur-général du Canada n’a pas, par exemple. L’actuel premier ministre, SE Dr. le Très Honorable Navin Ramgoolam, est le fils du père de l’indépendance Sir Seewoosagur Ramgoolam. Celui-ci a effectué une visite officielle avec son épouse en 1967 à Montréal dans le cadre de l’Exposition Universelle et fut d’ailleurs accueilli par mon futur beaupère, l’Hon. Lionel Chevrier, Commissaire général, à cette occasion. P: Venons-en après ce rapide tour d’horizon institutionnel et historique au développement économique de Maurice. Quels sont les principaux secteurs d’activités de cette République ? R.G.G.: Au début et pendant la majeure partie de l’histoire du pays, les deux princi-

pales sources de revenus étaient d’abord la canne à sucre ; les propriétaires terriens qui l’exploitent sont en majorité franco-mauriciens. Le sucre était exporté en Europe et protégé au niveau des tarifs par la France et la Grande-Bretagne. Mais avec l’arrivée du marché commun et de la CEE, l’exportation de ce sucre a perdu sa protection tarifaire et est donc devenu moins rentable. La deuxième source est le textile. C’est une des raisons, d’ailleurs, pour lesquelles on a favorisé l’immigration de main-d’œuvre essentiellement indienne et chinoise. C’est à Maurice, par exemple, que l’on fabrique une grande partie des vêtements Ralph Lauren, tout comme ceux de la marque Yves StLaurent. Mais avec le temps, comme partout, la Chine représente une concurrence importante. Comme Montréal, Maurice a perdu plusieurs de ses usines de textile. C’est alors que Maurice, par son génie créatif, a inventé toutes sortes de moyens pour développer son économie. D’abord les voyages. Avec les années le pays a développé un tourisme de luxe inouï. Il doit y avoir à Maurice des dizaines d’hôtels 5 étoiles magnifiques. Nous avons des plages parmi les plus belles au monde. En effet, Maurice bénéficie une très lente dénivellation vers la mer, et beaucoup de coraux. Alors, il va sans dire qu’il s’agit d’un véritable Eden pour les amoureux de la plongée sousmarine. Est venu, avec le développement du tourisme, le développement d’une compagnie aérienne de grande qualité, Air Mauritius, qui longtemps fut une entreprise détenue par l’État mauricien et d’autres actionnaires. La majorité des grandes lignes aériennes vont à Maurice. Maurice a aussi développé une zone franche où des entrepreneurs peuvent exporter vers l’Asie, mettre leurs marchandises en transit et ce avec nombre d’avantages fiscaux. Nous avons aussi du off-shore banking, tout à fait légal car Maurice est un État de droit. C’est une démocratie avec une opposition officielle et une presse libre importante. Je suis très fier de vous dire que c’est exemplaire. C’était autrefois un pays sous-développé, puis un pays en développement. Les Mauriciens sont un peuple très travaillant et très éduqué, avec des liens universitaires vers l’Angleterre et la France. Ils sont, grâce à leur imagination, leur travail, devenus un pays intermédiaire « plus ». Année après année, Maurice est un

pays relié à l’Afrique qui arrive en tête de liste des analyses internationales. Du fait des différentes cultures qui composent le pays, on retrouve des axes économiques très marqués avec les pays d’origines de sa population : liens très privilégiés avec l’Inde, la Chine et biensûr l’Afrique. Port-Louis est à 2h30 de vol de Nairobi. Nous sommes en fait équidistants de deux continents et du sous-continent. P: Afin de conclure cette entrevue, pourriezvous nous parler un peu plus en détail de ce sujet parfois délicat ? Celui de l’ethnicité et des communautés. R.G.G.: Plus de 60% de la population est d’origine indienne qui viennent de toutes les régions de l’Inde dont le nord et le Tamil Nadu. Maurice se trouve géographiquement directement au sud de l’Inde. Il y a aussi une population d’origine chinoise, minoritaire mais importante, qui vient du pays Hakka. On dénombre quelques milliers d’anglomauriciens avec une minorité influente de franco-mauriciens. Au niveau des langues, Maurice a pour langue officielle l’anglais. Cependant, Maurice a gardé la pratique du français oral. Les débats au Parlement se font en français mais la documentation et les textes administratifs sont en anglais. Les Mauriciens parlent donc parfaitement anglais, français, sans oublier que la majorité parle aussi sa langue culturelle d’origine. En outre, les citoyens d’origine africaine ont apporté le créole, aussi appelé mauricien. Ce qui fait qu’en définitive, Maurice a donc ses distinctions ethniques mais il y a aussi beaucoup d’intégration, beaucoup de variétés religieuses, et tous s’entendent bien. Maurice est un exemple de cohabitation multiethnique unique au monde. P: Merci beaucoup Monsieur le Consul R.G.G.: Merci à vous et j’espère avoir fait un portrait intéressant pour vos lecteurs, universitaires et autres. Un portrait bref de ce pays, petit mais fascinant, lointain mais très près des grandes cultures occidentales et des grandes cultures asiatiques, allié de l’Occident et qui marche fort bien malgré la crise économique.


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CHRONIQUES

L'abolition du registre des armes à feu: atteinte à la sécurité Gwendoline Decat

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uite à la tuerie de l’École Polytechnique, témoignages, enquêtes publiques, pressions et une importante alliance de plus de 350 organisations motivèrent la création d’un registre canadien des armes à feu. Les experts en sécurité publique, la santé publique, les groupes de femmes ainsi que les policiers ont soutenu ce registre. Il s’agit d’une base de données, créée en 1995 et tenue à jour par le gouvernement du Canada afin de noter diverses informations relatives aux armes en circulation. Le gouvernement conservateur de Monsieur Harper a fait le choix de détruire le registre des armes à feu, malgré l’opposition des experts en santé et en sécurité publique et de la population québécoise. Ce registre a prouvé son efficacité. Il donne accès aux policiers à l'information sur les armes détenues par un individu, ce qui peut être très utile lors de leurs interventions. Cela accroît la prévention puisque les services de police peuvent réagir lors d'un dépôt de plainte (menaces, violences, intimidation)

et appuyer les résolutions d’enquêtes (renseignements à disposition). L’enregistrement permet ainsi une meilleure traçabilité des armes par la vérification de la validité des permis et le renforcement de l'entreposage sécuritaire. Que le gouvernement du Canada décide que le registre est inutile est une chose mais priver le Québec de ces données alors que tous les partis politiques à l’Assemblée nationale et la population ont montré leur volonté d’y avoir accès pose un problème de fond. Le 21 novembre 2013, la Cour suprême du Canada a accueilli la demande du gouvernement du Québec d’en appeler du jugement rendu par la Cour d’appel du Québec. Celui-ci autorisait le gouvernement fédéral à détruire les données du registre des armes à feu dans lequel se retrouvent des informations sur plus de 1,6 millions d’armes enregistrées dans la province. En ayant accès à ces données, le Québec pourrait créer son propre registre des armes à feu. Ainsi, mettre un point d’honneur à la surveillance des détenteurs d’armes à feu

démontrant des risques de violence ou de suicide permettrait de renforcer la sécurité de sa population. Par ailleurs, cela représenterait une avancée majeure dans la prévention et la diminution des violences conjugales (physiques et par intimidation). Le gouvernement du Canada continue de refuser de rendre ses données à la Province du Québec pour la création de son propre registre; la question sera débattue très prochainement devant la Cour suprême du Canada. La Coalition pour le contrôle des armes, qui lutte pour des mesures sensées sur toutes les armes à feu, a décidé d’appuyer la bataille du gouvernement du Québec. La création d’un registre québécois serait la meilleure façon de continuer à protéger la sécurité des Québécois et des Québécoises. Il ne reste qu’à souhaiter que la Cour suprême perçoive l’importance de cette question. Pour plus d’informationS, consultez le site controledesarmes.ca Twitter : @cgcmontreal #registre

Plus de murs dans un monde sans frontières Sihem Attalah

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n entend souvent parler d’un effacement des frontières conjoint au processus de globalisation. Le phénomène évoque l’ouverture au monde ainsi que la possibilité de se déplacer plus facilement. Le voyage est perçu comme le lien intime de la globalisation. On envie tous ces grands voyageurs qui parcourent le monde, allant d’hôtel en hôtel, d’aéroport en aéroport ; qui arpentent les sites touristiques et submergent les marchés populaires. Au-delà des comtés idylliques, la mondialisation sollicite grandement les avantages de l’universalisme. Prônant l’idée d’un tout uniforme, le phénomène reproche l’immobilité géographique et le localisme à ses opposants. Pourquoi contester l’ouverture au monde et tous les avantages qu’elle procure ? Hormis la mobilité touristique, toutes les facettes de la globalisation ne sont pas désirables. Elle est présentée comme telle, car c’est

un des aspects fonctionnels du phénomène. On nous expose une soi-disant ouverture au monde, que l’on peut voir à travers l’extension remarquable des flux migratoires, touristiques, monétaires...etc. Toutes sortes de flux qui finalement ne veulent pas dire grandchose, et entrainent un effet complètement inverse à la disparition des frontières. Certes, il est vrai que la mondialisation offre davantage d’opportunités en termes de mobilité géographique. Tous ces mouvements sont bien réels, mais ce n’est pas parce que les flux augmentent, que les frontières disparaissent. Le paradoxe même de la mondialisation est la limitation de la circulation humaine. De moins en moins de pays sont ouverts au monde. Les frontières ne s’érodent pas, il s’agit d’une redéfinition des territoires. On assiste aujourd’hui à un véritable blindage des frontières. Le monde globalisé connaît des changements précipités,

qui mènent paradoxalement à une sanctuarisation régionale. Entre 2001 et 2011, 29 murs frontaliers ont été construits à travers le monde. Un mur en béton sépare la Thaïlande de la Malaisie, une barrière barbelée a été construite le long de la frontière entre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan, Brunei a placé une barrière de sécurité le long de la frontière de Limbang, les Etats-Unis avaient débuté la construction d’un mur pour s’isoler du Mexique. La démarcation des frontières répond à plusieurs objectifs différents, mais qui demeurent des enjeux classiques ; à savoir limiter les migrations, préserver la sécurité nationale ou se protéger des trafics en tout genre. Il n’y a rien de plus étanche et exclusif qu’un mur. Ce phénomène est contradictoire, car les frontières sont censées être des zones de contact et d’influence. Cependant, notre monde globalisé prend des tournures globalitaires, et face à la prééminence du risque, les États ont un réflexe de repli sur eux-mêmes.


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DOSSIER

Magnus, carius, obscurius plus grand, plus cher, plus obscur

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Sihem Attalah

agnus, carius, obscurius - plus grand, plus cher, plus obscur.

Les Jeux Olympiques sont la propriété exclusive du Comité international olympique (CIO). Ce dernier est une organisation non gouvernementale à but non lucratif ; Il détient tous les droits d’organisation, d’exploitation et de diffusion des JO. Il se finance grâce des sommes payées par les télévisions pour la retransmission des épreuves et par un partenariat très avantageux avec les sociétés multinationales. Les droits de télévision et d’utilisation de l’image olympique, que le comité perçoit, atteignent généralement plusieurs centaines de millions de dollars, qui permettent, entre autres, de traiter somptueusement les 100 membres qui composent ce cercle élitiste très fermé. Le CIO se proclame apolitique, mais ses pouvoirs dans le domaine sont considérables. Qu’il s’agisse de la reconnaissance d’un comité national ou du choix de la ville organisatrice des Jeux, ses décisions sont grandement politiques. Il est évident que ces facteurs jouent un rôle notable dans l’attribution des Jeux. Ce n’est pas pour rien que les villes se font vivement concurrence pour les accueillir. Recevoir les JO est vu comme la reconnaissance d’une puissance régionale, tout comme l’appartenance au Comité. La Palestine par exemple, qui ne possède toujours pas d’État, est membre du CIO depuis 1994, ce qui lui

Site olympique

Patinoire olympique de Sotchi

EUROSPORT.FR

confère une forme de reconnaissance internationale. En revanche, les processus décisionnels du CIO sont extrêmement flous, et la gestion de ses fonds est critiquable. Plusieurs de ses membres ont été accusés de corruption en 2002 à l’occasion des Jeux d’hiver de Salt Lake City aux États-Unis. On lui reproche souvent son opacité et peu d’informations nous sont données sur la façon dont les villes sont sélec

FRANCETVSPORT.FR

tionnées. Le choix des villes s’apparente à une enchère dans laquelle les candidats sont mis en concurrence. Ce qui conduit les villes à surenchérir les unes sur les autres, en acceptant finalement de payer trop cher pour offrir au CIO les Jeux les plus remarquables. Toutes les villes qui ont accueillies les JO se sont endettées et ont connu des déficits budgétaires - ce sera également le cas pour Sotchi, où les coûts de la cérémonie d’ouverture ont déjà été dépassés- Le CIO ne prend pas personnellement conscience des coûts réels des Jeux. Ils sont toujours sous-estimés. Les seuls JO qui n’ont pas connu de déficit, sont les ceux de Los Angeles de 1984. Étrangement, suite au désastre financier de Montréal en 1976, aucune ville ne s’est portée candidate pour recevoir les JO. Le CIO a dû convaincre Los Angeles de se porter volontaire. Il n’y a donc pas eu d’enchère. Les Jeux se sont terminés par un bénéfice financier, sans dépassement des coûts. Il est tant que le sport reprenne ses droits. Jusqu’à présent les Jeux de Sotchi n’ont renvoyé qu’une image de corruption, de revendications politiques et de préparatifs sécuritaires de la part du gouvernement russe. Il y a encore du progrès à faire.


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LA RUSSIE DE SOTCHI

Des Jeux olympiques ou des enjeux économiques ? Alexia Ludwig

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’expérience montre qu’il est difficile de se procurer les chiffres réels des dépenses afférentes à l’organisation des Jeux olympiques. Bien qu’il soit tôt pour faire un tel bilan, il n’y a aucune raison que l’édition hiver 2014 se déroulant à Sotchi en Russie déroge à cette coutume. En 2007, d’après un communiqué de presse du Comité international olympique (CIO), Vladimir Poutine annonçait que la Russie dépenserait 12 milliards de dollars américains à l’occasion de cet événement. Au fil des ans, ce budget a été revu à la hausse, certains disant qu’il aurait triplé et d’autres, comme le leader de l’opposition Boris Nemtsov, l’estimant désormais à 50 milliards. Quoi qu’il en soit, ceci est un record dans l’histoire des Jeux olympiques.

le pays pour l’avenir ». Certes, les investissements du gouvernement en infrastructures, qu’elles soient sportives, routières, ferroviaires, aéroportuaires ou bien hôtelières, ont eu des retombées économiques bien avant 2013 et en auront durant les Jeux olympiques, voire après. L’emploi, déjà stimulé depuis quelques années par la phase de construction et d’aménagement — 239 000 postes créés d’après la page officielle des Jeux olympiques — , va continuer de l’être pendant l’événement sportif. Allant dans le même sens, le ministre régional du développement économique Igor Galas a annoncé lors du Forum économique de Sotchi 2013 que la Russie avait réalisé une croissance économique de 15 % entre 2009 et 2012.

Laurent Vinatier, chercheur spécialiste de la Russie, explique cette somme colossale par le fait que Sotchi n’avait aucune infrastructure adéquate pour organiser un événement d’une telle ampleur et que, dans certains cas, il a même fallu déconstruire l’infrastructure déjà existante pour en reconstruire une nouvelle. D’autre part, les pots-de-vin seraient monnaie courante en Russie. En effet dans un rapport indépendant intitulé « Les Jeux d’hiver dans les Subtropiques », après avoir analysé comparativement l’augmentation des dépenses prévues à Sotchi à celles des éditions précédentes ainsi que les coûts des infrastructures russes à ceux des infrastructures analogues, l’opposant et ancien vice-premier ministre Boris Nemtsov estime que la corruption représenterait entre 50 et 60 % du budget total alloué à l’organisation des Jeux olympiques par le gouvernement, soit l’équivalent de 25 à 30 milliards de dollars.

«L’emploi, déjà stimulé depuis quelques années par la phase de construction et d’aménagement — 239 000 postes créés d’après la page officielle des Jeux olympiques»

Néanmoins, selon le rapport de la commission d’évaluation 2014 du CIO et le dossier de candidature russe, l’organisation des Jeux olympiques à Sotchi serait l’occasion idéale de faire de cette ville une destination touristique durant toute l’année. Située au bord de la mer Noire, elle était jusqu’à présent une station balnéaire. Également présenté dans le rapport, un but plus large, et bien plus flou, serait de « mettre en œuvre la nouvelle philosophie de la Russie en investissant dans

Toutefois, quelles sont les prévisions à long terme ? Quel avenir attend les travailleurs une fois les chantiers et leurs missions terminés ? Il est difficile de répondre à ce type d’interrogations, mais c’est bel et bien là qu’est tout l’enjeu : nul ne peut savoir réellement si dans les années futures la région suscitera un intérêt suffisant qui permettrait de rentabiliser les coûts d’entretien des différents sites ou des voies de circulation par exemple. Afin d’anticiper cet éventuel problème, un fonds de 35 millions de dollars provenant du budget du Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) devrait être attribué à l’entretien et à l’exploitation des sites. De plus, dans le cadre du projet « Héritage Olympique » du CIO, plusieurs solutions sont envisagées par le gouvernement russe afin d’exploiter au maximum les installations une fois la compétition sportive achevée : organisation de concerts et de grands événements dans les différents stades et sites sportifs, reconversion du port de fret en port de plaisance, vente aux enchères de parking et de centres commerciaux, etc. Ainsi, dans l’hypothèse où la ville réussit à devenir

attractive après les Jeux, il est probable que le coût de la vie devienne plus élevé qu’auparavant et que cette augmentation devienne une contrainte financière pour certains habitants de la ville et de ses environs. D’un point de vue régional, il est important de souligner que Sotchi se situe dans Kraï de Krasnodar, une subdivision régionale d’une superficie comparable à celle de la République Tchèque et qui regroupe seulement environ 5 des 143 millions d’habitants de la Russie. L’argument selon lequel ce projet bénéficierait à la région semble peu crédible dans la mesure où les nouvelles infrastructures sont concentrées autour de Sotchi. De fait, au quotidien et hormis les touristes, seul un infime pourcentage de la population russe profitera des nouvelles infrastructures et des éventuelles recettes du tourisme. Mais si les plus gros bénéfices ne reviennent pas aux habitants, le CIO grâce à ses partenariats, ses fournisseurs officiels et ses licences olympiques récupère la plus grosse part du gâteau. Ici encore il y a une certaine opacité quant aux revenus exacts générés par les Jeux olympiques. Sans davantage de précisions, le CIO redistribuerait 90 % des revenus de marketing aux Comités d’organisation des Jeux olympiques (COJO), aux Comités nationaux olympiques (CNO) et à diverses fédérations et organisations internationales, et garderait les 10 % restant pour les frais administratifs et de fonctionnement. Récemment, Jacques Rogge a cédé sa place à la présidence du CIO en laissant derrière lui une réserve de plus de 900 millions de dollars au CIO. Finalement, la réévaluation du projet olympique initial soumis par la Russie indique bien que le bilan économique des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi n’est pas réellement prévisible à l’avance. L’estimation préalable des coûts et des recettes d’un événement comme celui-ci reste délicate et est souvent sujette à changement tant les facteurs à considérer sont nombreux. Le meilleur que la Russie puisse espérer dans les prochaines années est que les rencontres sportives donnent de la visibilité à la région et attirent les touristes et les investisseurs d’autres activités économiques afin que les importantes dépenses du gouvernement ne soient pas vaines.


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DOSSIER

Volume 32 - Numéro 3

La Russie sous les feux de la rampe; Entrevue avec Ekaterina Piskunova

Pour les Jeux olympiques de Sotchi, le monde entier a les yeux rivés sur la Fédération de Russie. Que ce soit à travers la libération des prisonniers, les récents actes de terrorisme ou la question des droits homosexuels, la Russie est placée au centre de l’actualité internationale. L’équipe du Polémique a rencontré Ekaterina Piskunova, chargée de cours à l’Université de Montréal et spécialiste des questions de sécurité internationale, pour en discuter.

Propos recueillis par Guillaume Freire et Gabriel Arruda

Le Polémique : Pouvez-vous nous brosser un Les attaques ne relevaient pas nécessairement du EP : On peut toujours essayer de trouver des liens portrait global de la politique interne actuelle en terrorisme ethnique, mais plutôt religieux. Mais, entre des joutes sportives et les évènements interRussie? Quelles relations entretient Moscou avec il est certain que la Russie investit massivement nationaux, comme l’action de la Russie en Syrie. ses régions?

dans les mesures de sécurité présentement, car sa Par contre, de mon point de vue, il faut regarder

Ekaterina Piskunova : Sur l’enjeu de sécurité à la réputation internationale est en jeu, parce que les séparément ces cas. La coupe du monde et la parveille des Jeux, en Russie, nous regardons surtout Jeux sont extrêmement importants en termes de ticipation au règlement de la crise syrienne sont

les actes de terrorisme. Malheureusement, dans prestige et de retombées économiques. On peut des évènements différents. Je ne les mettrai pas le cas qui nous intéresse, ces actes sont surtout même voir maintenant les mesures de sécurité dans le même panier. Par contre, il est certain que

l’œuvre d’individus musulmans caucasiens (on : les fermetures de routes, le « nettoyage » des la Russie vise un renforcement de sa position sur la scène internationale. C’est un des buts avoués parle ici d’habitants du Caucase du Nord et du environs de Sotchi. Sud). Le facteur musulman a toujours fait partie Toutefois, de mon point de vue d’analyste de de Poutine à la fin de son premier terme présiintégrante du portrait politique russe, mais la questions de sécurité, assurer la protection dans dentiel. Le phénix est une fois de plus ressuscité

pour des régions montagneuses, ce n’est pas une mince : la Russie revient comme acteur important. La deux raisons. D’une part, il y a toujours eu une affaire. Géopolitiquement parlant, c’est une Russie est là pour rester et on fait tout pour le population musulmane en Russie. On parle d’un contrainte géographique majeure, alors le risque démontrer. situation s’est compliquée dernièrement

groupe qui représente environ 15 % de la popu- est d’autant plus grand.

Par contre, ce qui est intéressant dans ce cas, les

lation. D’autre part, il y a une forte immigration P : Pourrait-il y avoir des cas de violence ciblée JO, et surtout la politique russe en Syrie et en musulmane des États du Caucase et des répu- envers une délégation de joueurs? Serait-il possible Iran, c’est leur caractère inédit. La Russie utilise bliques de l’Asie Centrale dans la partie euro- d’assister à une situation similaire à l’attentat aux pratiquement uniquement le droit international péenne du pays. Cela crée un certain clivage, car Jeux olympiques de Munich 2012? dans sa stratégie politique. Avant c’était de la l’immigration est demandée, encouragée, mais nous avons aussi peur d’actes terroristes potentiels qui sont liés entre autres à l’histoire compliquée de la guerre de Tchétchénie. Pour l’instant, le Caucase du Nord est un foyer de résistance islamique fondamentaliste. Cette situation remet en question la sécurité des citoyens, étant donné que la ville de Sotchi est située au Caucase du Nord. Cela crée un risque majeur qu’il y ait des actes de terrorisme durant les jeux

EP : Je ne pense pas. C’est sûr que les membres des équipes olympiques peuvent être à risque: la rationalité du terrorisme veut que plus l’action est retentissante, plus elle est réussie. Un membre de l’équipe olympique pourrait être visé, non pas parce qu’il représente un État en particulier, mais parce que la notoriété de l’acte serait plus importante que si elle était dirigée vers ses concitoyens dans une région éloignée. L’écho sera plus grand, tout comme la médiatisation qu’ils recherchent.

pression, des menaces, de la puissance brute. En 2013, la Russie utilise les mécanismes institutionnels pour promouvoir ses intérêts. En Syrie, c’était un recours clair au droit international, dans le discours comme dans les actions. C’est très impressionnant de la part de la Russie. En agissant de cette façon, ce serait les États-Unis

qui bafoueraient le droit international, tandis qu’elle serait perçue comme une défenderesse de ce droit.

P : Devrions-nous plus avoir peur de l’intégrisme Mais ceci étant dit, les mesures de sécurité qui Nous pouvons également voir ce type d’action religieux ou des violences liées aux groupes reven- sont sur place sont tout de même colossales. de la Russie sur la question de l’Arctique, pardicateurs, comme les Tchéchènes?

P : Nous parlions tout à l’heure de l’importance

ticulièrement pertinent pour le Canada. Si on

E.P : Je ne collerais pas l’étiquette Tchéchènes sur que pouvait avoir le succès des Jeux olympiques observe la politique en Arctique, on y voit encore ceux qui font les actes de terrorisme. On peut pour la notoriété de la Russie à l’international. Est- un attachement au droit international. C’est une également parler de l’influence externe, notam- ce que les Jeux olympiques, la Coupe du monde de tendance qui est relativement nouvelle qui s’est ment jordanienne. Il y a, parmi ces terroristes, soccer en 2018 et l’aide au règlement du cas des confirmée en 2013. C’est, à mon avis, un des des Russes qui se sont convertis à l’Islam. Les rai- armes chimiques en Russie se regroupent dans le changements les plus importants de la politique sons qui poussent les individus à poser ces actes même but de recentrer la Russie comme acteur étrangère russe. pourraient être idéologiques ou personnelles. incontournable du régime international?


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LA RUSSIE DE SOTCHI

Volume 32 - Numéro 3

P : Et on situe le début de cette nouvelle politique talisée et ne vient certainement pas d’une préoc- la Russie ne la laisserait partir facilement. Cependans les années récentes?

cupation du respect des droits de la personne. dant, là où je pose une question, c’est à savoir si

EP : Il est toujours difficile de donner une date Ceci étant dit, peut-on s'attendre à d’autres l’adhésion de l’Ukraine comme membre associé précise de début d’un processus politique. Moi libérations? Le collaborateur de Khodorkovski, ou comme membre à part entière, est une chose

je l’associerais plutôt aux évènements et enjeux Platon Lebedev, devrait être libéré d’ici quelques si grave pour la Russie. Oui, cela changerait la marquants. Selon moi, cette vision a commencé jours (NDLR : Il fut en effet libéré deux jours donne, mais de façon dramatique? Le Russie ar-

avec l’émergence de la problématique arctique. Il après notre entrevue). Toutefois, on va toujours rêtera-t-elle d’utiliser le territoire ukrainien pour y a eu tout d’abord une tentative de la Russie de libérer les gens qui sont connus de l’Occident. Le exporter le gaz? Les conditions économiques de mettre en avant la politique habituelle de puis- but étant de bien paraître.

la vente des combustibles sont est très avanta-

sance. Elle a toutefois évolué pour ramener la P : Quelle est la place attribuée à la Russie vis- geuses pour la Russie pour l’instant. Russie dans le cadre du droit international, dans à-vis les émeutes qui se passent actuellement en Lorsqu’on parle des alliances militaires, cela les institutions existantes.

Ukraine?

risque d’être beaucoup plus corsé. On connait ce

P : Le fait que la Russie se range sous la gouverne E.P : C’est une question intéressante. L’Ukraine qui s’est passé en Géorgie lorsque celle-ci a expridu droit international montre-t-il la victoire du n’est pas mon domaine d’intérêt, mais qu’on le mé sa volonté d’adhérer à l’OTAN en 2008. Cette régime international occidental des USA? Ce n’est pas une histoire qui vise nécessairement

veuille ou non, il faut étudier ce qui se passe dans question restera plus sensible que les accords ce pays. En effet, les évènements en Ukraine ont économiques. Je crois cependant qu’il faut porter

plus d’attentions aux dynamiques internes de ce les États-Unis. C’est plutôt une évaluation assez été fondamentaux dans le changement de la polipays notamment au clivage interne de l’Ukraine juste des mécanismes existants et l’utilisation tique étrangère de la Russie au milieu des années entre l’Est et l’Ouest ainsi qu’aux facteurs de la efficace de ceux-ci. C’est une analyse très écono- 2000. La Révolution orange a changé la tangente corruption, et à tout ce qui se passe dans l’écomique basée sur le coût-bénéfice: pourquoi ne de celle-ci. À cette époque, les Russes ont eu peur nomie interne. De nombreuses fortunes de Dopas l’utiliser si ça fonctionne? Mais si le droit per- de la démocratisation et de l’adhésion probable netsk, la patrie du président actuel, ont été faite met la résolution des différends, pourquoi aller de l’Ukraine à l’OTAN. Comme la théorie de de façon illégale dans les années 1990 et 2000. s’investir dans un conflit? Les conflits sont tou- l’équilibre de menaces l’énonce, la proximité de Yanukovych a lui-même effectué deux séjours en jours coûteux. Il est beaucoup plus brillant pour la menace augmente la valeur des intérêts. Il est prison. Il ne s’agit pas d’un enfant de cœur. la réputation du pays d’utiliser cette tactique. Il alors certain que la Russie n’est pas étrangère à ce faut aussi se dire que la réputation de la Russie qui se passe en Ukraine. Yanukovych, le président P : Quelle est l’avenir de la Russie : une puissance

est à reconstruire. Les Jeux Olympiques, la coupe dont l’autorité est remise en question actuelle- émergente ou déclinante? du monde et l’action en politique étrangère de la ment, s’est appuyé sur le régime de Poutine. Il y E.P : En 2013, si ma mémoire est bonne, la Russie Russie sont tous des façons de redorer son image a des accords économiques importants pour l’un a eu pour la première fois depuis 15 ans un taux à l’international. Ce serait plutôt là que nous et pour l’autre. Cependant, il ne faut pas exagérer de démographique positif. C’est le résultat des le rôle de la Russie dans ces évènements. La cause efforts du gouvernement, à travers sa politique pourrions les réunir. des troubles en Ukraine est vraiment le produit nataliste. En même temps, le taux de natalité P : Comme l’attention est, et sera encore portée sur de la dynamique interne de ce pays. Peu d’experts positif s’explique aussi par les migrations de l’Asie la Russie, pour un certain temps, pourrions-nous s’entendaient sur l’émergence de l’ex-boxeur et traditionnelle qui ont beaucoup d’enfants. Toutevoir de nouvelles libérations politiques? politicien Vitali. Klitschko qui a une autorité très fois, la faiblesse démographique est un problème EP : Ce que je trouve le plus étonnant lorsqu’on importante sur le mouvement. On ne pensait pas grave pour la Russie. La menace de la sinisation parle de libération politique dans le cadre de la que ses ambitions politiques iraient si loin que ça. de l’Extrême-Orient et des régions peu peuplées Russie, c’est que nous mettons régulièrement de Aujourd’hui, il parle comme un leader d’opposien raison de la pression démographique cause l’avant la libération des Pussy Riot et des acti- tion et est même devenu un rival du président des différences de densité de population. Il y a vistes de Greenpeace. Pourtant, dans la presse, Yanukovych. une migration légale et illégale des chinois dans personne ne parle de Khodorkovski (NDLR : Cela dit, la tendance de la politique étrangère l’Est et le Sud-Est russe. Démographiquement, ce rival éventuel de Poutine aux élections de 2004 russe est d’acquérir des partenaires maniables n’est pas positif. D’un point de vue économique, ayant fait fortune dans les ressources naturelles et dépendants pour satisfaire ses besoins écoil y a toujours des signes de croissance, et même avant d’être arrêté par Poutine pour avoir fait de nomiques et stratégiques. L’Ukraine, en tant que assez élevés. Ce qui est plus inquiétant dans l’écol’évasion fiscale). C’est bizarre que ce soit si peu pays affaibli et divisé, est donc un partenaire idéal nomie russe, c’est la corruption qui est devenue médiatisé au Canada. Et si on parle du poids pour la Russie. Il s’agit en plus d’un partenaire inun facteur structurel qui entrave désormais le politique entre les Pussy Riot et Khodorkovski, contournable puisque c’est par l’Ukraine que les développement économique russe. Pour l’insla libération de ce dernier me semble beaucoup gazoducs acheminent le gaz naturel en Europe, tant, la haute valeur des combustibles fossiles est plus importante. le principal consommateur de cette exportation ce qui permet de maintenir la croissance. La libération ces gens est totalement instrumen- russe. Le rôle de l’Ukraine est donc important et


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Volume 32 - Numéro 3

EXPAT

Chaque mois, Le Polémique vous présente un article à saveur politique d'un-e étudiant-e du département en échange dans une université étrangère. Cette édition-ci, nous vous proposons un retour en profondeur à nos Royales Racines.

Chronique d'un expat' pas si expat'

I

Jonathan Deschamps

l y a de ces moments où les certitudes que l’on croyait acquises s’effondrent, laissant place à l’immensité déconcertante du monde des possibilités. Cet échange en fut l’un d’eux. Je ne peux encore sincèrement identifier les produits d’une telle expérience, quoiqu’il me soit néanmoins possible d’affirmer qu’un changement radical s’est amorcé en ma personne. Loin de moi l’intention de faire ici l’apologie du voyage ou bien encore d’adopter un point de vue prescriptif en la matière. Je tiens simplement à faire part de mon expérience, aussi courte fut-elle. Londres. J’y suis resté trois mois à peine. Au risque de m’opposer à plusieurs, je dois admettre que ces trois mois étaient largement suffisants. Ne vous méprenez pas par contre : j’ai adoré mon séjour en terre britannique. Le fait est que toute décision, quelle qu’elle soit, se voit légitimée par un certain nombre d’attentes. Des expectatives que l’on nourrit secrètement dans l’intention inavouée d’échapper à un quotidien rébarbatif, de parfaire une formation académique ou bien de voyager à peu de frais. Quoi qu’il en soit, dans mon cas, j’ai dû assez rapidement me rabattre sur des objectifs qui n’étaient pas les miens à mon départ. L’excellence de la formation académique à laquelle j’aspirais, par exemple, s’est trouvée réduite à un maigre quatre heures de cours par semaine, ponctuée de temps en temps d’un « discussion group », que très peu d’entres nous ne prenaient véritablement au sérieux, probablement du au fait que nous étions en grande majorité issus de programmes d’études à l’étranger. Le fait est que les universités britanniques, investies d’une autorité morale quasi incontestable, misent gros sur les étudiants étrangers, véritables moteurs engrangeant des recettes faramineuses comparativement aux étudiants anglais, dont les frais de scolarité avoisinent les neuf milles livres sterling annuellement. Ainsi, tous mes cours au sein d’une université qui se caractérise elle-même de « global uni-

versity », étaient exempts d’étudiants nationaux. On repassera donc pour l’intégration culturelle. En ce qui a trait au « nightlife », on oublie. Certes, Londres est littéralement gigantesque, mais ça ne veut pas dire pour autant que la vie nocturne s’y est des plus trépidantes (surtout quand tous les pubs – et je dis biens tous les pubs sans exception aucune – ferment leurs portes à 23h tapante… Mais peut-être estce justement de cet affrontement entre mes attentes personnelles et la réalité physique, sociale et politique de Londres qu’est née, ultimement, l’appréciation de mon séjour au Royaume-Uni.

Quoi qu’il en soit, Londres est une ville où il est préférable d’avoir un compte en banque bien garni (ce qui n’était vraisemblablement pas mon cas). L’endroit le plus cher, paraîtil. Difficile de saisir toutes les nuances d’un tel euphémisme sans y avoir passé quelques mois. On se conforte en s’imaginant qu’une fois avoir enfin saisi le rythme effréné de Londres, les cordons de la bourse ne se délieront plus aussi facilement que durant les premiers jours. Et on y arrive, du moins partiellement. Londres apparaît alors pour ce

qu’elle est véritablement : un terreau fertile à l’effervescence culturelle et identitaire dont jouissent plus de huit millions d’individus. Marchés, concerts, musées, théâtres et architecture hétéroclite octroient à la mégalopole ce charme et cet attrait dont nul autre ne peut s’enorgueillir et dont la souplesse de mon emploi du temps me permit de tirer profit. Emploi du temps qui m’autorisa également cette certaine latitude dont je ne bénéficiais pas à Montréal. Ce qui me permit de m’investir dans divers domaines qui m’étaient jusqu'alors totalement étrangers, sans contrainte ou limitation, que ce soit d’ordre professionnel, académique ou encore familial. Et c’est précisément le fait de m’exposer, de sortir des sentiers qui m’étaient connus et sur lesquels j’étais à l’aise, qui m’a insufflé une toute nouvelle volonté. Une volonté de confronter mes idées et mes convictions, de confirmer ou, le cas échant, d’infirmer mes choix tant professionnels que personnels dans un cadre propice à cette démarche activement centrée sur soimême. Je disais un peu plus haut que trois mois m’étaient largement suffisants. Certes, j’y aurais passé encore quelques temps, mais ce pourquoi je suis alors parti en échange, ces questions pressantes auxquelles je ne pouvais CLC.FR répondre par mon manque de recul et de perspective, eh bien elles le sont aujourd’hui. Je reviens l’esprit plus clair, la tête plus apaisée. C’est lorsque le chemin semble tracé à l’avance que l’on devrait s’en éloigner. C’est ce que j’ai fait. Voilà pourquoi j’ai passé sous silence toute analyse politique de mon séjour d’études à l’étranger. Je ne suis dorénavant plus étudiant en science politique.


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Volume 32 - Numéro 3

EXPAT

Londres, ou l'apogée de la surveillance Léo Barruol

A

rrivé au Royaume-Uni à Londres, depuis maintenant quatre mois pour faire mon échange étudiant à University College London, je commence à discerner certaines différences existant entre la capitale britannique et Montréal et plus généralement entre le Royaume-Uni et le Québec. La distinction et la politesse qui se dégagent de l’accent british des Anglais sont, bien sûr, des traits saillants et marquants lors de l’arrivée sur ce bout du Vieux Continent. Aussi, la dimension de la ville comparativement à Montréal est étourdissante, tout comme l’est le coût des loyers et des transports en commun ! Enfin, les méthodes d’enseignement sont particulières et le système universitaire britannique présente de nombreuses spécificités et est organisé de manière atypique. Toutefois, l’aspect qui m’a pour le moment le plus marqué est sûrement l’omniprésence de la surveillance de la population dans la vie quotidienne. Ce fait, qui surprend, voire choque au premier abord, est l’une des principales caractéristiques de la vie britannique. En effet, bien que l’on croise assez peu de policiers, on repère aisément un nombre incalculable de caméras de surveillance. Il se trouve en effet qu’il y aurait plus de 4 millions de caméras de surveillance au Royaume-Uni, dont environ 500 000 à Londres, ce qui fait de la capitale, la ville où la vidéosurveillance est la plus importante au monde . Les caméras de vidéosurveillance sont installées un peu partout dans les rues de la capitale anglaise, elles sont si nombreuses qu’il est rare de faire 50 mètres sans en rencontrer une. Et au cas, peu probable, où on ne les aurait pas remarquées, des panneaux indiquant « Be aware ! CCTV in operation » rappellent fréquemment leur

présence. Ainsi, à Londres, l’utilisation particulièrement répandue et généralisée, des moyens de contrôle et de surveillance de la population, donne la désagréable impression qu’existent dans cette ville une méfiance et une suspicion permanentes des uns par rapport aux autres. Il est particulièrement aisé de faire référence à Big Brother, du roman 1984 de George Orwell, dans lequel l’auteur décrit un équipement de surveillance présent dans chaque foyer, et avec lequel le « Parti» peut contrôler les esprits . Même s’il est vrai que les attentats du 7 Juillet 2005 faisant 56 morts, qui sont en-

l’arraché proches des distributeurs automatiques sont courants et, plus généralement, que Londres est une ville dangereuse. Aussi, ils préviennent les étudiants que le port d’armes ou de bombe lacrymogène est illégal au Royaume-Uni et passible d’un séjour en prison, même s’il reste possible, pour les plus méfiants, de se procurer une bombe « antiviol» dans les boutiques de l’université. Bref, une présentation rassurante et inspirante pour commencer l’année! À la sortie de celleci, il y a de quoi devenir paranoïaque et avoir envie de se barricader jusqu’à la fin de l’année dans ses résidences ! Pourtant, après quelques mois à Londres, je ne suis pas persuadé que la capitale britannique soit réellement moins sûre que Montréal ou Paris. En outre, l’efficacité de la vidéosurveillance fait débat, même si depuis le début des années 2000, la plupart des rapports concluent à l’inefficacité de ces politiques de surveillance. Selon plusieurs rapports, le système de CCTV ne permet de résoudre qu’environ 3% des crimes commis au Royaume-Uni , ce qui correspond à un crime résolu pour 1 000 caméras. Un représentant de Scotland Yard a même qualifié cette obsession sécuritaire d’« échec complet » à cause du coût des opérations, mais aussi des failles dans l’ensemble du système (formation des officiers de police, quantité d’informations recueillies, manque de temps pour le traitement, etc.).

«Londres, (...) la ville où la vidéosurveillance est la plus importante au monde» core très présents dans les mémoires des londoniens, et les Jeux Olympiques de l’été 2012 ont probablement participé au renforcement considérable des moyens de surveillance et de la sécurité, ces moyens de surveillance amènent à se questionner sur le respect des libertés fondamentales et de la vie privée. Bien que la sécurité soit importante et cruciale dans une ville aussi grande et cosmopolite que Londres, cette prévention peut parfois sembler un peu excessive. Effectivement, lors de l’International Student Orientation Program organisé par mon université d’accueil, l’une des présentations est effectuée par un groupe de policiers de la Metropolitan Police, le fameux Scotland Yard. Ils se font une joie de vous effrayer en vous disant qu’une femme sur dix qui monte dans un taxi non licencié (ou mini-cab) se fait violer, que les vols à

Ainsi, l’échange étudiant permet aussi de se questionner en profondeur sur des questions de société du pays d’accueil et de confronter son opinion à celle des autres.


12 Février 2014

Volume 32 - Numéro 3

OPINION

Efficacité versus démocratie:

D

Jonathan Rusigno

contre l'abolition du sénat

éjà en 2004, alors chef de l’opposition officielle, Stephen Harper annonçait publiquement que l’une de ses priorités était de réformer le Sénat canadien. Cette question revint une fois de plus dans l’actualité lorsque les conservateurs ont remporté les élections fédérales de 2006, avec la réforme toujours parmi leurs promesses. Huit ans plus tard, le projet du gouvernement, qui tente d’apporter certaines modifications au Sénat sans consulter la population ni les provinces, est devant la Cour suprême pour en vérifier sa constitutionnalité. Cette impasse a amené les néodémocrates ainsi que certains conservateurs à réclamer ni plus ni moins que l’abolition de la Chambre haute du Parlement. Devant la monté en popularité de cette option, je me sens obligé d’amener mon opinion dans le débat, car certains aspects cruciaux de la question me semblent complètement laissés de côté. Selon moi, une Chambre haute au Parlement est un outil démocratique essentiel dans un système politique comme celui dans lequel nous sommes. Toutefois, pour que mon point de vue soit bien compris, je me dois d’abord de le mettre en contexte. Au niveau du système politique du Canada et des provinces, les pouvoirs ont été ramenés entre les mains de moins en moins de personnes. Au fil des ans, les différents pouvoirs, autrefois détenus par la Couronne, ont été transférés au premier(e) ministre comme le pouvoir de nommer la ou le gouverneur(e) général(e), les juges de la Cour suprême et les sénateurs. C’est le ou la premier(e) ministre qui décide du moment où le Parlement est prorogé ou dissout et donc, quand ont lieu les élections. Sur ce dernier point, le pouvoir est redonné à la Couronne lorsque le gouvernement veut contourner la loi sur les élections à dates fixes. De plus, les changements à la dynamique parlementaire apportés par le système de parti accordent automatiquement à la ou au chef du parti vainqueur le poste de première ou premier ministre. Elle ou il dicte l’orientation que prendra le gouvernement, approuve les projets de loi déposés par son parti et s’assure qu’ils soient adoptés grâce : au respect de la ligne de parti imposée sur la députation, à la solidarité ministérielle et à la nomination de

sénateurs représentant leur parti au Sénat. Les membres du gouvernement étant également des députés, donc occupant les positions exécutives et législatives, il est certain que ces lois visent à servir les besoins du gouvernement, violant du même coup le principe de séparation des pouvoirs. Et donc voilà où nous en sommes. Les pouvoirs sont pratiquement tous concentrés entre les mains d’une seule personne à cause d’un système politique rempli de lacunes et d’archaïsmes. Étant souverainiste, la solution idéale pour moi est évidemment de faire du Québec un pays afin que nous puissions enfin bâtir l’État moderne que nous voulons, à travers un système politique et des institutions réellement démocratiques qui nous conviendront. Bien que ce combat doit continuer sans relâche, nous devons également avancer sans cesse vers plus de justice sociale et de démocratie.

« Les élections sénatoriales pourraient survenir à mi-mandat de la Chambre des communes, ce qui donnerait au peuple deux ans pour évaluer le travail du gouvernement et pour décider si le Sénat doit être favorable ou non à ce gouvernement » Selon moi, n’est souverain que le peuple; le plus de pouvoirs il a sur les décisions de l’État, le mieux ce sera. Trop souvent, les élus oublient que c’est le peuple qui leur a donné leur siège et que c’est lui son patron. C’est pourquoi abolir le Sénat est insensé car il ne ferait que donner le champ libre au gouvernement pour faire ce qu’il veut, dans les limites que permet la Constitution j’en conviens, mais tout de même! Tout changement en politique résulte d’une conjoncture, et la fenêtre qui est ouverte en ce moment nous donne une opportunité de repenser la place et le rôle du Sénat dans le système politique canadien. Je suis d’accord avec les abolitionnistes sur certains points. Il va à l’encontre d’une logique démocratique que les sénateurs soient nommés par ce(tte) même premier(e) ministre. Une Chambre haute occupée par des gens favorables au parti au pouvoir et qui

adoptent aveuglément tous les projets de loi du gouvernement ne sert effectivement à rien. Par contre, les récentes histoires d’utilisation illégale de fonds publics par des sénatrices et sénateurs ne sont pas une raison pour s’en défaire. Il faut évidemment de nouvelles mesures pour empêcher que ça se reproduise, mais à ce que je sache, nous n’avons jamais voulu abolir la Chambre des communes ou l’Assemblée nationale même si des députés ont déjà été reconnus coupables d’avoir fait la même chose. Nous ne devrions pas nous débarrasser du Sénat pour ses défauts, mais bien le réformer pour ce qu’il peut devenir. Les gens qui siègent au Sénat mènent déjà des études plus approfondies sur certains projets de loi et apportent une deuxième réflexion sur ceuxci. Ils peuvent également déposer des projets de loi qui ne touchent pas les finances. En d’autres mots, le Sénat peut et doit devenir la police d’assurance du peuple. Il doit pouvoir bloquer les initiatives d’un gouvernement qui serait devenu hors de contrôle et qui vote des lois jugées inacceptables par la population. Il faut un contrepoids au trop grand pouvoir que possède actuellement le ou la premier(e) ministre. Afin d’y arriver, il pourrait y avoir des élections qui se tiendraient réellement à date fixe pour la Chambre des communes et pour le Sénat. Les élections sénatoriales pourraient survenir à mi-mandat de la Chambre des communes, ce qui donnerait au peuple deux ans pour évaluer le travail du gouvernement et pour décider si le Sénat doit être favorable ou non à ce gouvernement. Quelles seraient les modalités d’une telle élection? Comment seraient répartis les sièges? Des partis politiques devraient-ils y être représentés? Il faut évidemment réfléchir là-dessus. En fin de compte, le débat sur l’abolition ou non du Sénat se résume à un «veut-on plus d’efficacité gouvernementale ou plus de démocratie». Plus le processus de prise de décisions est démocratique, plus il est long, mais, au final, le peuple en sort gagnant. Réformer le Sénat n’est pas la solution miracle qui règle tout, loin de là, mais ce serait, selon moi, mieux que ce que nous avons en ce moment.


13 Février 2014

Volume 32 - Numéro 3

POLEMIQUE DU MOIS Deux journalistes, deux points de vues, un sujet. Faites entrer la polémique.Ce mois-ci:

pour ou contre l'intervention étatique dans le domaine des arts?

POUR: Au-delà de l'idéologie

Olivier Thivierge

L

a censure est un sujet extrêmement épineux. Dans notre société libérale, nous avons tendance à la condamner en bloc rapidement au nom de la liberté d’expression. Toutefois, il me semble que la réflexion qui appuie cette condamnation est incomplète. Si le politique ne doit pas censurer une œuvre artistique pour des raisons idéologiques, il a le devoir de le faire en certain cas pour des raisons juridiques. En effet, la liberté d’expression ne légitime pas certains propos. Le code criminel canadien définit comme illégaux l’incitation à la haine, la menace, et la diffamation. Une œuvre véhiculant un discours jugé comme appartenant à l’une de ces catégories devrait donc, selon moi, être censurée et son auteur jugé. Trois éléments me poussent à appuyer cette idée. D’abord, si l’individu a droit à la liberté d’expression, il a également droit à la sécurité et au sentiment de sécurité, droit de ne pas

vivre dans la peur. De cette façon, lorsqu’un propos haineux et menaçant s’attaquant à une personne ou à un groupe est délivré à travers une œuvre, le droit à la sécurité des individus visés par l’œuvre l’emporte sur le droit d’expression de l’artiste.

«Si le politique ne doit pas censurer une œuvre artistique pour des raisons idéologiques, il a le devoir de le faire en certain cas pour des raisons juridiques» Ensuite, compte tenu du flou entourant la notion « d’artistique », je ne crois pas que l’art puisse justifier des propos qui serait condamnables dans d’autres contextes. On ne peut expliquer ou justifier une menace de mort en affirmant qu’il s’agit d’une blague ou d’une performance poétique. Finalement, si l’acte d’émettre une incitation à

la haine, une menace, ou une diffamation est condamnable, le message lui-même devrait être retiré de la circulation, en égard aux individus ou groupes attaqués par le message. Ces constats m’amènent ainsi à affirmer que la censure est une mesure juridique valable. Cependant, comme toute mesure juridique, son application doit être surveillée et appropriée. Je crois que si la censure ne peut être condamnée dans son ensemble, il est d’une importance capitale de questionner chaque geste de censure. Pour conclure, dans un autre registre d’idées, je vous poserai une question liée à l’actualité du moment. Et si la société étatique Radio-Canada censurait la diffusion des Jeux Olympiques de Sotchi pour se positionner clairement contre les politiques homophobes de la Russie, appuierez-vous l’État dans sa décision? Dans certains cas, la censure peut, comme l’art, être un acte.

CONTRE: La censure, ou le corps qui se coupait les pieds Mathieu Labelle

Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. -Arthur Rimbaud Une œuvre d’art est bonne qui surgit de la nécessité. -Rainer Maria Rilke ne branche de l’arbre généalogique des grands singes vient à peine de pousser que l’homo, ne parlant sans doute pas encore, se représente déjà des scènes quotidiennes et les émotions vécues par des fresques sur canevas de roche. L’art lui serait-il intrinsèque? Une sorte de protolangage essentiel dont l’Histoire raconte le drame d’un caviardage incessant. Si tel est le cas et que l’humanité a néanmoins engrangé un impressionnant progrès technique, existe-t-il un motif légitime de censurer l’art?

U

L’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète. -André Chénier Alice : Pouvez-vous me dire où nous devrions aller à présent ? Le chat : Cela dépend en bonne partie d’où vous voulez aller. -Lewis Carroll Précision : je traite ici du désir pour l’humain de se représenter le monde. Les aspects techniques de l’art sont certes les outils nécessaires de l’expression esthétique, mais la technique la mieux appliquée n’oblige aucune poésie. Ainsi,

c’est la valeur psychique de l’art qui importe ici, cette pulsion créatrice naturelle qui ne doit en aucun cas être bafouée au nom d’une quelconque morale ou éthique. Conséquemment, je soutiens que l’art, du plus primitif au plus élaboré, doit apparaître dans son entièreté. La distorsion de l’expression artistique constitue un outrage d’une violence psychologique parfois indécente. Qu’elle soit politique, religieuse ou encore familiale, la censure prive l’artiste de la pleine jouissance de sa liberté d’expression, certes, mais bien davantage de sa pleine identité, de son droit d’exister de manière émancipée. Elle est une privation de l’essence de l’être, une sorte de siphonage de l’œuf pour ne conserver que l’écho de ce qui aurait dû exister. Et si elle dépersonnifie l’individu, elle se charge autant d’amputer une culture de l’un de ses membres, l’atome nécessaire à l’existence du corps. Les gens raisonnables s’adaptent au monde ; Les gens déraisonnables persistent à tenter d’adapter le monde à eux. Tout progrès, dès lors, dépend des gens déraisonnables. -George Bernard Shaw D’aucuns pourraient soutenir que toute forme d’art n’est pas nécessairement saine et digne d’être perçue. Quelqu’un de désaxé ou violent

peut très bien être artiste ; de même cette personne peut transposer des facettes de son comportement dans une œuvre et ainsi propager des idées distordant les codes normés. Un groupe d’artistes contestataires peut fragiliser un ordre établi en confrontant l’esthétique dominante. De tels exemples en amèneront trop à accepter aveuglément la censure et même à l’exhorter ; la paix sociale par un tri martial… honorable? Ainsi, cette ordonnatrice sécurisante qu’est la censure occulte le fait que l’acte créatif germe dans une certaine écologie sociale et naturelle ; l’artiste façonné par son milieu, le façonne aussi par la critique de son ordonnancement esthétique. S’il éprouve de l’aversion pour son environnement, son œuvre en sera la manifestation pulsionnelle esthétisée. La censure n’est alors que l’hypocrite paravent d’un malaise vivace et affirme l’incapacité de vivre ensemble sans contrôle, non plus des corps, mais des esprits. Or, une telle répression de l’individu ne saurait jamais annihiler des idées effervescentes et qui se doivent d’être lues, vues et entendues. La création artistique, témoignage de l’intelligence humaine, est fondamentale à l’émancipation individuelle et collective. Pleinement libérée, elle est la seule avenue d’une construction symbolique qui soit davantage qu’un instrument politique nationalisant. Considération, empathie et création.


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SIMULATIONS & ACTIVITES POLITIQUES Plus ou moins connues et pourtant passionantes et formatrices, de nombreuses simulations sont organisées chaque année pour les étudiant-e-s, afin de leur permettre une immersion complète dans la vie politique. Les frais encourus sont généralement assez peu élevés, et l'expérience en vaut nettement la chandelle!

National Model United Nations

Parlement Jeunesse Québec

La « National Model United Nations » (NMUN) est une simulation des Nations Unies qui a lieu à New York tous les ans. Officiellement reconnue par l’ONU, elle invite les délégations d’universités à travers le monde à venir simuler les différents comités, qui forme l’organisation, dans lesquels seront discutés différents enjeux et sujets traités à l’ONU.

Je ne sais pas s’il vous est déjà arrivé, entre deux films à ciné-cadeau, de tomber sur la chaine parlementaire et d’y voir des jeunes. Au début cela surprend, un peu intrigué on écoute quelques minutes sans comprendre réellement. Qu’est-ce que font ces jeunes à l’Assemblée nationale pendant le temps des fêtes? Se demande-t-on.

Jonathan Ruscigno

Pour se préparer à la simulation, les délégués doivent maîtriser le mode de fonctionnement de l’Assemblée générale et des autres comités, ainsi que le vocabulaire spécifique à utiliser lors de ces séances. Être à l’aise en anglais est également nécessaire puisque la simulation se déroule entièrement dans cette langue. Au cours de l’année, les différentes délégations se font attribuer un pays, qu’elles représenteront à New York. La délégation assigne ensuite à ses délégués, deux par deux, le comité dans lequel ils simuleront ainsi que les trois sujets qui peuvent y être discutés. Commence alors un long travail de recherche, où il sera nécessaire de fouiller à travers des discours, des résolutions, des statistiques et toutes autres documentations pertinentes pour bien assimiler la position du pays représenté. Personnellement, je trouve que c’est une expérience formatrice autant sur le plan académique que personnel. Grâce à la simulation, j’ai amélioré ma compréhension du système politique international, des institutions onusiennes et de la dynamique de dialogue entre les pays. J’ai aussi acquis de l’expérience dans l’écriture de discours et donc amélioré ma façon de m’exprimer. Je suis maintenant plus à l’aise lorsque je communique en public. Et c’est sans compter les gens extraordinaires qu’on y rencontre!

Tristan Guttierrez-Garcia

Ils sont en train de participer à une simulation parlementaire, le Parlement Jeunesse du Québec (PJQ). Cette simulation a comme objectif de faire vivre aux participant-e-s l’expérience du processus d’adoption de quatre lois. Tout commence avec les débats sur le principe des projets de loi. Vient ensuite le travail en commission parlementaire puis, finalement, les débats finaux sur les l’entièreté des projets modifiés (torchon). Ce qui prend en réalité des semaines se fait ici en cinq jours; autant dire que chaque minute est comptée! Les thématiques des projets sont diversifiées et c’est aux quatre ministres de les choisir. Ils et elles travaillent tout au long de l’année avec leur critique à l’opposition, afin de mettre sur papier leur projet de loi. Cette année, nous avons débattu sur la représentativité des sexes sur le marché du travail, la gestion de l’information génomique, la violence et sa représentation et sur une réforme de l’immigration économique. Les projets changent chaque année et se veulent controversés. Si vous pensez avoir déjà fait de très bons débats dans votre vie, détrompezvous. Rien ne vaut un débat entre cent personnes où chacun-e s’écoute et se fait écouter avec comme décor l’Assemblée nationale du Québec. Il ne vous reste plus qu’à vous inscrire pour l’année prochaine! Coût estimé de participation: 200$ Dates de la prochaine édition: 26 au 30 décembre 2014

Coût estimé de participation: 200$ Dates de la simulation: 30 mars au 3 avril 2014 Dates de la prochaine édition: 22 au 26 mars 2015

L'équipe du conseil de sécurité du Pakistan de la déléguation de l'UdeM à Crédit photo: Délégation des Nations Unies de l'Université de Montréal

L'équipe de la 64e législature au salon rouge de l'ASSNAT Crédit photo: Guillaume Morin


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Volume 32 - Numéro 3

SIMULATIONS & ACTIVITES POLITIQUES

Parlement Étudiant du Québec

Les jeux de la politique

Le parlement étudiant c’est cinq jours, deux partis politiques, six projets de loi, deux projets de livre, deux budgets, quatre périodes de questions et des dizaines de déclarations ministérielles. Le parlement étudiant du Québec, c’est l’une des simulations parlementaires les plus réalistes qui soient au Canada.

Cette année, les Jeux de science politique 2014 se sont déroulés à l’UQAM où une délégation d’étudiants de science politique, d’études internationales et d’économie et politique a représenté l’UdeM.

Andréanne Bernier

C’est l’endroit où le sommeil n’est qu’un mythe au même titre que la nourriture équilibrée et où l’idée même d’une vie paisible et sans stress n’existe pas. C’est l’occasion d’occuper les couloirs d’un chic hôtel de Québec dans vos plus beaux pyjamas jusqu’aux petites heures du matin. C’est l’occasion de rire, pleurer et déchirer sa chemise pour les causes qui nous tienne à cœur. Le parlement étudiant, c’est l’endroit où l’on découvre ces propres talents, qu’on apprend à découvrir ceux des autres, et où l’on pousse nos limites plus loin qu’on n’aurait pu l’imaginer.

Éléonore Duchêne

Les JDSP, c’est plusieurs universités (Sherbrooke, Laval, Ottawa, UQAM,Concordia et UdeM) qui s’affrontent dans différentes épreuves : Le discours : les participants ont 1h30 pour rédiger un discours sur un cas précis, en se mettant à la place du maire de Montréal, qu’ils doivent prononcer devant l’ensemble des délégations et répondent ensuite aux questions des jurés et de la salle. Exactement comme une conférence de presse ! Le débat : d’une durée de 20 minutes, les participants ont d’abord 50 minutes pour se préparer sur le sujet qui leur a été imposé, notamment avec des articles qui leur sont fournis. Le quizz ressemble à l’épreuve des génies en herbe, mais il est focalisé sur la politique. L’épreuve sportive était le hockey-cosom. Le cas académique est divisé en deux : le cas long pour lequel les participants ont un mois pour préparer un travail de recherche qui doit ensuite être présenté en 30 minutes à un jury ; le cas court pour lequel les participants ont 3h pour préparer une présentation orale sur un sujet qui leur est donné le jour même. Cette épreuve fut remportée par Sihem Attalah, Gabriel Arruda et Charles Gascon qui représentaient l’UdeM !

Le PEQ, c’est une grande famille où recrue et azbine cohabite et échange souvenir et anecdote afin que jamais ne soit oublié la fois où quelqu’un a dit «fudge» en période de questions télévisées. Les PEQ, c’est l’endroit dont vous sortirez cernés, malade de fatigue et avec la curieuse habitude de demander la permission pour aller aux toilettes. Il faut certainement être fou pour faire le PEQ! Pourtant, c’est plus de 165 fous et folles qui, année après année, hantent les couloirs du château Laurier la nuit et les chambres du parlement le jour, parce qu’il n’y a nulle part ailleurs où l’on peut vivre une telle expérience. Au fond, le PEQ, c’est Outre le volet académique et intellectuel, les JDSP c’est aussi une grosse boule d’amour! rencontrer des étudiants d’autres universités, notamment lors des partys, mieux connaître des étudiants de l’UdeM de ton Coût estimé de participation : 210$ programme et avoir du plaisir pendant tout un week-end ! Dates de la prochaine édition: 2 au 6 janvier 2014 Si tu es intéressé à participer l’année prochaine ou si tu veux simplement avoir plus d’informations, n’hésite pas à envoyer un mail à : aespeiumudem@hotmail.com

Jeune Conseil Montréal Eugénie Lépine-Blondeau

Coût estimé de participation : 85$ Dates de la prochaine édition: janvier 2015

Les 18, 24, 25, 26 janvier derniers s’est tenue la 27e édition du Jeune Conseil de Montréal (www.jeuneconseil.org), une simulation du Conseil de ville de Montréal. Pour l’occasion, près de 80 jeunes âgés de 18 à 30 ans ont siégé à l’Hôtel de Ville pour débattre de trois projets de règlement, rédigés par trois participants expérimentés, certes, mais non moins fébriles de défendre le fruit de leur travail acharné. Le Conseil de ville a été l’hôte de débats élevés, réfléchis et passionnants sur des enjeux cruciaux montréalais tels la participation citoyenne, l’agriculture urbaine et les technologies de communication. Pour ma part, c’était ma cinquième et dernière participation au JCM, après avoir endossé fièrement plusieurs rôles dont le dernier, cheffe de l’opposition. C’est avec un sentiment réconfortant que j’ai quitté l’Hôtel de Ville après la simulation, rassurée qu’une institution aussi importante que le JCM perduLe conseil d'administration de la 27e édition du JCM rera dans le temps et offrira toujours une expérience unique et extrêmement Crédit photo: Jeune Conseil Montréal formatrice à ceux et celles qui y participent. C’est une chance inouïe et souvent sous-estimée qu’est de pouvoir siéger à l’Hôtel de ville et de s’y exprimer en toute liberté, ayant le droit de livrer ses doutes et de se servir des idées des autres pour enrichir les nôtres. Les simulations parlementaires, ce sont aussi, et peut-être surtout, se sentir vulnérables jusqu’au point d’en être forts, se sentir portés par une collectivité inspirante, se sentir importants, ne serait-ce qu’un peu ; assez, du moins, pour avoir la prétention de changer le monde, une discussion à la fois. Coût estimé de participation: 90$ Dates de la prochiane édition: janvier 2015


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ART & CULTURE

'' Roxanne, you don't have to put on the red light '' Anaïs Boisdron

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uvrez votre journal, allumez le poste de télé, écoutez la radio ou vos amis parler : le sexe est partout. Certes vous ne venez pas de faire LA grande découverte du XXIème siècle en lisant ceci, vous avez même peut-être fait une petite moue de dédains du style : « non encore ! ». Oui encore, mais cette fois ci le combat autour de l’instrumentalisation du con (nous utilisons ici le sexe féminin pour alléger le texte, #humour), s’est fait à la cour suprême du Canada, à Ottawa le 20 décembre 2013 et non dans un obscur local féministe de l’UQÀM. Ou étiez-vous ce jour historique ? Probablement en train de vous noyer dans l’alcool (et le sexe) pour célébrer la fin de vos examens. Si en 2013 la prostitution était effectivement un des thèmes à l’honneur (Jeune et Jolie de François Ozon, Lovelace de Rob Epstein, Jeffrey Friedman et Andy Bellin), en 2014 on en parlera autant que les couleurs lavande et roses pâle dévoilées sur les catwalks des collections automne/hiver prochain. En effet, bien que la job soit légale au Canada, il n’en demeurait pas moins qu’offrir le blow ne l’était

pas. Entendons nous, le sexe tarifé est autorisé mais uniquement lorsque quelqu’un propose de le payer, non de le vendre. Pour le moins confus, ces conflits entre le Code Criminel et la Charte Canadienne des droits et des libertés ne sont plus. La cours ayant tranché en « faveur » des marchand(e)s d’amour, il serait donc considéré comme légal, en outre, d’ouvrir sa propre maison close. Les prostitué(e)s des criminel(le)s ? Plus maintenant ! Des revenus déclarés et un espace légal pour exercer. Ne vous précipitez pas jeunes éphèbes et damoiselles fauchés, l’application de cette décision ne se fera néanmoins, que, dans un an afin de laisser le temps à Ottawa de réviser les lois. Réfléchir, c’est également ce que nous offre comme possibilité la Maison de la culture de Frontenac, dans le cadre de son évènement hiver/printemps 2014 : l’ONF à la maison. Parmi les 22 projections gratuites offertes se trouvent quelques perles dont fait partie le documentaire Sexe à vendre de de Terersa MacIness et Ken Nason. Loin d'être « gynocentré », tout en disséquant les modèles politiques (scandinaves, néo-zélandais) et en

donnant la parole à des travailleurs du sexe provenant d’horizons distincts, le film offre un point de vue qui se veut omniscient quant au plus vieux métier du monde. De plus, après la projection les spectateurs sont invités à interagir, réagir, échanger et se positionner, dans le cadre d’un débat organisé au sein duquel sont invités des intervenants. Le projet cinématographique apparait ici comme l’un des meilleurs supports pour démocratiser le débat sur la prostitution et l’étendre à l’espace public. Il permet d’approcher cette profession si stigmatisée et d’en faire une réalité pour tous. En attendant de découvrir la preuve scientifique légitimant la théorie selon laquelle la différence de taille entre l’homme et la femme ne serait rien d’autre que l’expression physique de la domination des sociétés par les phallocrates, viens assister à la prochaine projection du docu(l) le 5 mars. Maison de la culture Frontenac: 2550 Rue Ontario Est, Montréal Consulter: www.ville.montreal.qc.ca

Semaine interculturelle: une activité sur l'art engagé Mégane Visette et Jeanne Bettez

D

ans le cadre de la semaine interculturelle, nous avons organisé, avec d'autres membres de l'Atelier Sud-Nord, un 5 à 7 sur l'Art engagé. Cet atelier est une des activités de l'Action humanitaire et communautaire, et vise à regrouper des étudiants intéressés par différents enjeux internationaux. Cette année, plusieurs d'entre nous ont voulu aborder le sujet de l'Art comme moyen de sensibilisation à différentes causes. C'est dans l'optique d'en apprendre davantage à ce sujet que nous avons mis sur pied le projet du 5 à 7.

Nous recevrons, entre autres, le groupe de percussions brésiliennes moviMento, qui ont animé plusieurs manifestions et marches pour différentes causes sociales. Ils ont notamment attiré l'attention lors de la grève étudiante de 2012, en jouant lors des manifestations. Leur objectif est de soutenir les manifestants, en donnant du rythme et en attirant l'attention des passants. Le groupe s'est également joint à d'autres évènements, comme le défilé de la Fierté gaie. Les membres de moviMento exécuteront une prestation lors de la soirée.

Le but de cette rencontre est de favoriser le contact des étudiants avec des artistes de disciplines différentes et œuvrant sur divers sujets. Cette activité se veut également un espace de réflexion sur la place de l'Art dans le milieu militant et des possibilités qu'il offre en tant que moyen de communication et de sensibilisation. Nous avons voulu couvrir le plus large éventail possible de disciplines, nous avons donc invité des musiciens, des photographes et des peintres à cette soirée.

Des œuvres de Jimmy Chicaiza seront également exposées. Ce dernier travaille dans la photographie depuis plusieurs années, il a effectué différents projets pour Québec sans frontières, l'AQOCI et Oxfam-Québec. Dans ses travaux, il a couvert de nombreux sujets concernant la coopération internationale, tels que le commerce équitable et les droits humains.

D'autres artistes seront présents au cours la soirée. La soirée se déroulera le jeudi 13 février à partir de 17h, au Carrefour des Arts et des Sciences (local C-3061). Des bouchées et des rafraîchissements seront servis. L'activité est gratuite et ouverte à tous.


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