Le Polemique
Avril 2014
ELECTIONS provinciales quebecoises POUR ou CONTRE la politique environnementale du Parti Quebecois ? VOTER ou ne pas voter ? EXPAT
CHRONIQUES
Volume 32 - Numéro 4
Microcredit en Afrique // EXPAT // Exploitation miniere en Amerique du Sud // Orientalisme et mondialisation // Droit et politique // ALENA // Lars Von Trier // Entretien avec Nordin Lazreg // Tribunes politiques etudiantes
ART & CULTURE
POLEMIQUE DU MOIS
Journal étudiant du département de science politique et d'études internationales de l'Université de Montréal
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Volume 32 - Numéro 4
EDITORIAL
Premières impressions universitaires & maté caliente Rose Chabot
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ssise à l’arrière de son petit scooter, je tentais avec une main de replacer le trop gros casque qui me bloquait la vue et avec l’autre, de plus en plus suante de par la chaleur accablante et le contact avec le métal luisant de la motocyclette, de me maintenir en place. Tranquille, malgré le chaos total que représente la conduite automobile argentine, Pablo m’expliquait que cette faculté de l’Universidad nacional del Litoral qui se trouvait à présent devant nous avait été construite durant la dictature, sur la rive opposée à la ville, afin de mieux contrôler et réprimer d’éventuelles rébellions estudiantines. «Tiens, on dirait l’UQÀM!», me suis-je dit, observant cet imposant édifice de briques orangées. J’arrive en cours. Il s’agit d’un séminaire sur le militantisme de gauche en Argentine et au Chili durant les années 1970. Nous sommes douze élèves et devant nous, quatre professeurs. «Au courant de la session, vous allez tous abandonner le cours et nous serons plus de professeurs que d’élèves», blagua alors le titulaire, avant de prendre une gorgée de maté puis de le passer à son voisin. C’est ainsi que durant les 4 heures que durèrent le cours, 4 spécialistes nous exposèrent avec une énergie, une passion tellement caractéristique des Argentin-es, des perspectives différentes sur les enjeux touchés; ici, la légitimation de l’utilisation de l’histoire orale, des témoignages, à des fins de compréhension de
l’histoire latino-américaine récente, ainsi que les tensions existantes entre cette approche et l’histoire telle qu’interprétée dans un cadre disciplinaire théorique. Le passé récent en Argentine, du moins, des 40 dernières années, c’est ainsi qu’on l’enseigne, qu’on le transmet, afin qu’il conserve sa place dans la lourde mémoire collective argentine et que le «nunca más» s’écrive encore sur les murs des bâtiments et se prononce sur toutes les lèvres; c’est par le témoignage d’un père, d’un-e voisin-e, d’un-e intellectuel-le ou du boucher-ère du coin, que l’on comprend, sans toutefois jamais être capable de comprendre. J’étais absorbée. Autant par le savoir inégalé transmis par ces spécialistes, par l’intensité des propos tenus sur une réalité que tous-tes en classe, sauf moi, ont connue de près, que par la fumée s’échappant de la cigarette allumée par un des professeurs ou le maté qui passait d’étudiante à étudiant-e. C’est dans cette chaleur humaine que réussissaient à peine à estomper les ventilateurs que je compris réellement ce que devrait constituer l’Enseignement; la transmission du savoir par les tripes et par le cœur, tout en ayant la tête bien solide sur les épaules afin de conserver un regard critique et objectif. Retour dans les années 1970. L’Argentine me semble finalement entrée dans cette période de
L'équipe du journal
Rédaction en chef : Clara Déry et Gabriella Stien Mise en page : Rose Chabot, Gabriella Stien et Clara Déry Coordonnateur à la correction: Mohamed Merhi Correction : Léo Barruol, Lara Bouvet, Medhi Debagha, Clara Déry, Alexia Ludwig, Mohamed Merhi, Charlotte Plancquaert, Mélanie Radilla. Impression: Service d'impression de l'Université de Montréal Pour nous joindre: journalpolemique@gmail.com
floraison intellectuelle et culturelle, d’ouverture sur le monde que caractérisa la période Hippie en Amérique du nord. Dans les milieux intellectuels et universitaires, un féminisme de plus en plus présent, autant chez les femmes que chez les hommes, commence à transformer les normes sociales de cette société où l’avortement n’est toujours pas légalisé. L’ampleur de la mobilisation politique estudiantine, semblable à celle connue durant le Printemps érable, mais qui cependant perdure à longueur d’année, donne vie aux institutions d’enseignement; après seulement 30 ans de démocratie, les Argentin-es restent constamment aux aguets afin de conserver cette valeur souvent tenue pour acquise dans le monde occidental. Leurs universités publiques, gratuites, sont d’un niveau académique bien supérieur aux universités privées, dont la réputation de ceux qui les fréquentent repose sur leur capacité à «acheter leurs diplômes». Ainsi, ce libre accès à l’éducation supérieure permet la formation d’un peuple dont l’élite intellectuelle ne se construit pas en fonction du milieu socio-économique dont elle provient. En fait, cette façon de percevoir l’éducation en Argentine: égalitaire, progressiste, ouverte, humaine, et qui forme des citoyens davantage que de futurs pions de l’industrie capitaliste, représente tout ce que le Québec est tranquillement en train de laisser glisser entre ses doigts.
Illustration : Lydia Képinski Journalistes: Alan Volant, Marine Blengino, Anaïs Boisdron, Jean-Pascal Bilodeau, Milan Bernard, Gabriel Clermont, Gabriel Arruda, Charles-Olivier Peloquin, Théo Bourgery, Dragos Leach, Laura Marec, Catherine Joubert, Guillaume Rousseau, Hadrien Chenier-Desmarais, Guillaume Freire, Miriam Sbih, Sihem Attalah et Gaëlle Mazé.
* Il est à noter que le masculin est utilisé de façon générale afin d’alléger le texte, et qu'il relève du choix de l'auteur-e. Le féminin est, bien sûr, implicite.
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INTERNATIONAL
Le microcrédit : quand même la solution miracle a ses problèmes
Alan Volant
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ouvent cité en exemple lorsque l’on évoque les politiques de développement, le microcrédit se trouve désormais avoir une réelle importance, et ce pour des millions de foyers à travers le monde. Lancé dans le courant des années 1970 par Muhamad Yunus au Bangladesh, le succès de la démarche 40 ans plus tard ne s’est que peu démenti, et ce malgré les vices cachés que peut dissimuler le concept. Simple et de bonne foi, il s’agit de permettre à des populations sans accès au crédit de pouvoir se financer, dans le but de développer une activité économique au niveau local. Il faut ici comprendre que financer sa petite entreprise de briques n’est pas aussi simple que d’aller voir sa succursale à Montréal pour lui demander une carte de crédit. Scandale (à raison) diront certains, surtout lorsque que l’on connait les sommes en jeu pour ce genre de crédit. La situation n’est cependant pas exempte de justifications. Force est de constater que les établissements bancaires ne sont pas légions dans la brousse guinéenne (les populations urbaines en Afrique subsaharienne sont deux fois plus susceptibles de détenir un compte en banque que les ruraux), et si tant est que l’on ait accès à une banque, faut-il encore être solvable et que cette dernière accepte de prêter une centaine de dollars , avec tous les frais qui en découlent pour
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elle. C’est dans cette perspective que le microcrédit prend donc tout son sens. S’inscrivant dans une certaine mesure à la mouvance du « social business », les produits financiers fournis par les IMF (instituts de microfinance) sont toutefois soumis à certaines critiques. On ne peut par exemple que déplorer le fait que certains IMF ont fait preuve de méthodes à la limite de la moralité. On a vu dans le cas la société indienne SKS de véritables cas de harcèlements moraux, allant jusqu’au suicide de clients acculés par des établissements ayant autant la fibre sociale que des cadres de Goldman Sachs. Ceci est sans compter que certaines d’entre elles ne sont en réalité que la face visible d’activités mafieuses gérées par des usuriers. Ce genre de comportement est d’autant plus indigne que le but originel du microcrédit, soit de donner les moyens aux plus pauvres de se sortir de la misère et non, bien évidemment, de les exploiter un peu plus au nom du rendement du capital ou du simple appât du gain. Qu’en est-il alors de l’Afrique, et plus particulièrement de l’Afrique de l’Ouest, terre qui aurait, entre autres, plus que besoin d’investisseurs étrangers qui fassent confiance aux populations locales ? Pour tout dire, les chiffres de l’Afrique restent assez en marge de ce que sont les chiffres asiatiques. Alors que la zone Asie de l’Est-Pacifique cumula en 2010 18.5 Mds de $ (34% du
marché des IMF), l’Afrique, elle, ne représentait que 7% (5.5 mds $) de ce marché pourtant encore promis à un bel avenir. Cette constatation est d’autant plus regrettable que le microcrédit n’est pas seulement une invention avec des vertus économiques, mais aussi un outil pouvant être utilisé pour libérer des populations aliénées. À ce titre, on ne peut qu’être satisfait de constater que ce sont, dans les pays du tiers-monde, les femmes qui sont les premières bénéficiaires de ce modèle de développement. Vous l’aurez sans doute compris, cet article traite plus de ce qu’est le microcrédit que de son sort en Afrique. Mais en comprenant simplement certains ressorts de ce processus, d’autres choses apparaissent : que ce n’est pas dans l’assistance permanente que se trouve le salut des peuples africains, et surtout qu’ils ne demandent rien, sauf d’avoir enfin les moyens de jouer le jeu selon les mêmes règles que les autres acteurs. En guise de conclusion, je vous laisse méditer sur ce fait surprenant après avoir parlé de pauvreté et de développement : le Québec dispose de 23 établissements proposant des microcrédits. La raison d’un tel succès en plein occident ? Elle peut se lire sur le site du gouvernement québécois pour le crédit communautaire : « Il ne faut pas oublier qu’il y a partout, même au Québec, des exclus de la société, des gens qui, au sens littéral du terme, sont défavorisés ».
Et si vous demandiez à votre banquier où va votre argent ?
Marine Blengino
a crise économique s’accompagne de nombreux changements et réflexions dans les plus hautes sphères de la société. Mais qu’en est-il pour nous simple consommateur? La crise économique c’est aussi une crise de confiance, une remise en question de notre système financier. C’est l’occasion pour nous de prendre conscience que l’on ne sait pas vraiment ce que notre argent finance. Le Projet Accompagnement Québec-Guatemala se propose de suivre le fil de l’argent pour répondre à cette nouvelle problématique « où va notre argent ? »
profit. Fleuron de l’économie, symbole de la richesse et de l’influence du Canada, l’industrie minière est l’un des secteurs des plus productifs et des plus rentables du pays. Difficile cependant d’ignorer les scandales liés aux agissements des industries canadiennes à travers le monde. L’extractivisme se répète, impunément, et laisse sur son passage des écosystèmes détruits et pollués, des populations exposées à des dangers sanitaires désastreux et les droits de l’homme laissés pour compte.
Tahoe resources, au Guatemala, comme Marlin ou Escobal paraîtraient aberrants. Répondre à la question « où va notre argent ?», c’est suivre le fil de notre argent pour mieux comprendre le lien financier qui nous lie aux Guatémaltèques. C’est ne plus ignorer que nous sommes les complices passifs, malgré nous, d’un grand nombre de violations des droits de l'homme en cours au Guatemala. C’est aussi reconnaitre que ce lien financier nous donne des moyens d’agir. Nous ne sommes pas des spectateurs impuissants, nous pouvons dénoncer ces investissements.
Comptes courants, épargnes personnelles et collectives, fonds de pension publics, nous sommes amenés dans nos vies à consommer un nombre croissant de produits financiers proposés par des institutions financières publiques et privées. Il serait faux de croire que votre argent « dort » dans ces institutions. Celles-ci la font « travailler », l’investissant sur le marché boursier pour la faire fructifier et ainsi dégager des bénéfices. C’est à la bourse de Toronto que les institutions font leurs marchés. Au Toronto Stock Exchange (TSE), les industries minières sont les reines du
Au Guatemala, Goldcorp inc. et Tahoe Resources exploitent 4 projets miniers. Les compagnies minières voient dans les gisements miniers un potentiel de richesse économique pure, faisant abstraction des impacts humains et environnementaux, des coûts économiques de la destruction et des dommages engendrés à long terme. Des études scientifiques et un rapport d’OXFAM parus récemment révèlent que si les coûts humains et environnementaux étaient intégrés au calcul coûts/bénéfices des compagnies, les mégaprojets miniers de Goldcorp et
La campagne « le fil de l’argent » a pour but de rendre public un atelier d’éducation et du matériel pédagogique, afin que les Québécois et les Canadiens, comprennent les enjeux liés aux exactions de l’industrie minière canadienne. C’est aussi l’occasion pour la société civile de s’approprier les outils pour pousser les investisseurs au désinvestissement ! Pour plus d’informations, visitez le site web de la campagne : www.lefildelargent.org ou www. themoneythread.org
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INTERNATIONAL Dragos Leach
C
’est en étant assis dans un cours portant sur la Seconde Guerre mondiale que j’ai vu des écrans afficher des images de pneus enflammés, de combats de rue, d’une Kiev qui résonnait au son sympathique de slogans, d'injures et de discours criés par les manifestants pro-européens, mais également du doux son des grenades assourdissantes lancées par la police. Les souvenirs des grandes manifestations à Montréal et les soirées mouvementées sur Ste-Catherine encore frais dans ma mémoire, je reste accroché aux images que transmettait le site RT.com en direct de Kiev. La chose semblait presque irréelle, la violence dans les rues de la capitale ukrainienne était vive. Il m’était alors nécessaire de comprendre les raisons derrière ces images.Pour comprendre cela, on se doit de remonter jusqu’à la tombée de l’URSS. Pourquoi aussi loin ?
Douce Ukraine
BBC faisait un profil général des manifestants comme étant des jeunes de l’Ouest éduqués et ouverts sur l’Europe, alors que les partisans du président Yanukovych sont décrits comme des personnes plus âgées faisant partie de la classe ouvrière de l’Est, et qui ont eux-mêmes connu l’ère soviétique. Malgré tout, il ne faut pas oublier le groupe de droite, le Right Sector, qui s’est joint aux manifestants dès les premiers jours de la crise en novembre 2013. Ce groupe participe aux manifestations, mais n’a pas nécessairement les mêmes buts politiques que les manifestants pro-UE. En entrevue pour Vice, le meneur du groupe, Andriy Tarasenko, explique que le Right Sector n’est pas intéressé par un rapprochement avec l’UE, mais qu’ils se définissent comme un regroupement de nationalistes qui veulent combattre la corruption et l’emprise de la mafia sur le pays. Tarasenko disait également être prêt C’est bien simple. Lors de la fin de l’ère sovié- pour une guerre civile advenant le cas que le tique le problème stratégique émana autour des président Yanukovych ne démissionne pas. armes nucléaires qui sont toujours restées dans C’est à la mi-février que les choses se sont enveles mains des anciens territoires de l’URSS. Le nimées en Ukraine et que le monde commencas de l’Ukraine posait un problème d’une plus çait à prendre une plus grande conscience de grande importance, étant donné qu’après son ces événements. En effet, suivant la logique du autonomie, l’Ukraine devenait la 3e puissance «mort kilométrique», les nouvelles provenant nucléaire au monde après les États-Unis et la d’Ukraine devenaient plus alléchantes pour les Russie, grâce aux armes soviétiques qui sont médias occidentaux. À quoi ou même à qui devrait-on faire porter la responsabilité de cette toujours sur son territoire. À ce moment, les États-Unis, la Russie et la situation ? Au gouvernement ? Aux manifesGrande-Bretagne ont incité l’Ukraine à se tants ? À la Russie de Vladimir Poutine ? Il n’y joindre au Pacte de non-prolifération des a malheureusement pas de réponse magique, armes nucléaires et à retourner tout le matériel mais il y a une interaction assez forte entre tous soviétique en Russie. Pour cela, il fut offert à ces éléments. L’Australian Broadcasting Corpol’Ukraine un traité, le Mémorandum de Buda- ration (ABC) fait remarquer une chose intérespest, qui assurait principalement le respect, par sante par rapport aux combats du 18 février. Ils les signataires, de la souveraineté territoriale indiquent que la police anti-émeute a charger de l’Ukraine, et la promesse de ne pas utiliser les manifestants tout juste quelques heures après la force contre cette dernière, qu’elle soit éco- qu’une somme de 2 billions de dollars aie été nomique, militaire ou nucléaire. Le 5 décembre transférée au gouvernement ukrainien de la part prochain, ce Mémorandum fêtera ses 20 ans de Moscou avec l’indication d’être plus ferme et avec, possiblement, des troupes russes en terri- de prendre des actions décisives face aux manifestants qu’il considère comme des terroristes. toire ukrainien. C’est ainsi que nous avons eu droit aux scènes Ensuite, vient tout le dossier autour du désir, d’horreur; un policier qui tire à l’AK-47 sur des dans l’Ouest ukrainien, d’un rapprochement manifestants, portant un casque de moto et un avec l’Union européenne. Ce qui est important bouclier en bois, qui tente d’aller chercher des de comprendre, c’est que l’Est du pays n’est pas camarades qui ont été touchés par des balles. en accord avec les protestataires à Kiev. L’Est industriel est plus proche de la Russie et sup- Outre la violence que l’État a utilisée contre sa porte le président Viktor Yanukovych. Toute- population manifestante à Kiev, ce qui est chofois, depuis le début du conflit de l’Euromaidan, quant dans le dossier ukrainien, c’est principaplusieurs manifestants attribuent déjà un rôle lement les actions du président Yanukovych. Ce prédominant au Kremlin dans le rapport entre dernier a eu une carrière politique qui est loin le gouvernement ukrainien et les manifestants d’être exemplaire. Il fut destitué de la présidence qui demandent un changement dans la men- deux fois et il a, depuis ses débuts, été suivi d’une talité ukrainienne de rester dans le giron de image de politicien corrompu. En premier lieu, Moscou. Ce qui est intéressant, c’est de poser sa première victoire à la présidence fut scanun regard sur l’identité de ces manifestants. La daleuse et a déclenché ce qui est maintenant
connu sous le nom de la Révolution orange en 2004-2005. Cet épisode permis à certains Ukrainiens de constater la corruption dans laquelle se trouve leur pays. Puis, il y a eu le dossier controversé entourant l’arrestation de Yulia Tymoshenko qui a entaché la réputation du président Yanukovych qui a remporté les élections de 2010 de façon légitime cette fois. Ce qui surprend dans le dossier actuel est l’évolution de la position de Yanukovych. Au début de son mandat, ce dernier a poussé l’Ukraine dans un rapprochement avec l’Union européenne, mais en novembre 2013, lorsqu’il devait signer l’entente de près de 900 millions de dollars, Yanukovych préféra un rapprochement avec Moscou d’une valeur de 15 billions de dollars. Finalement, lors de sa fuite vers la Russie, des Ukrainiens ont réussi à accéder à son luxueux complexe de plusieurs centaines d’hectares qui comprenait un zoo privé ainsi qu’une impressionnante collection de véhicules de luxe. Cette intrusion a permis la découverte de plusieurs documents confirmant que Yanukovych profitait d’un système de corruption. Ironiquement, ces documents ont été découverts dans une rivière avoisinante et séchés dans le sauna privé de l’ex-président. Je me permets ici de présenter une constatation de Jean-Claude Juncker, premier président de l’Eurogroup, qui dit que l’Europe actuelle présente des similitudes avec l’Europe d’avant la Première Guerre mondiale. Alors que monsieur Juncker fait un parallèle avec la PGM, plus proche de nous, le premier ministre Stephen Harper, lui, fait un parallèle avec la Seconde Guerre mondiale en ce qui a trait à l’attitude de la Russie dans le dossier de la Crimée, que monsieur Harper compare aux Sudètes annexées par l’Allemagne nazie. Bref, c'est un dossier très chaud à suivre, de quoi mousser vos réflexions de fin de session. La primauté du droit, ou l’application des lois par les interprètes que forment la magistrature, engendre énormément de tension et de rivalités au sein de la classe politique, mais aussi au sein la population dans son ensemble. Que l’on examine les incidents du Printemps érable, le contenu de la Charte de la laïcité ou les multiples recours juridiques intentés contre les déchets législatifs adoptés par le gouvernement Harper, on semble constamment confrontés à une rhétorique opposant, d’une part, la prétendue volonté du peuple et, d’autre part, les interprétations judiciaires de l’élite.
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TRIBUNES POLITIQUES ETUDIANTES
Recherche d'ancien-ne-s militant-e-s et d'étudiant-e-s de l'Université de Montréal
Le comité de rédaction du mémoire
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uoi: MementUM est un projet qui vise à construire une mémoire militante à l’Université de Montréal afin que les luttes futures soient nourries du passé. MementUM, c’est la fusion de memento, un cahier dans lequel l’on note les choses que l’on ne veut pas oublier, et momentum, c’est-à-dire l’énergie accumulée par un mouvement en rapport à sa vitesse et son poids. C’est cela qui nourrit le projet : ne pas oublier pour nourrir notre élan ; connaître notre passé pour foncer vers l’avenir. Ce projet prendra la forme d’un livre collectif auto-édité et consistera principalement en un texte sur l’histoire du militantisme à l’UdeM ponctué de textes plus courts sur des sujets variés. Vous êtes intéressé-e-s? Il y a plusieurs manières de nous aider. D’abord, nous sommes à la recherche de contributions en tout genre et pouvant prendre la forme de textes de réflexions (sur des sujets aussi divers que les organisations, les structures, les luttes, les défis et particularités de la lutte à l’UdeM et/ou dans les associations départementales, les luttes et enjeux féministes/queers/anti-racistes, etc.), de photos, de dessins/projets d’art, de récits personnels, anecdotiques ou d’aventures, des
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“How to do guides” militants, des conseils, etc. De plus, nous cherchons des personnes ressources pouvant nous parler (à l’oral ou à l’écrit) du militantisme à l’UdeM entre les années 1970 et aujourd’hui. Ceci nous aidera dans la construction d’une chronologie et à la rédaction de l’histoire militante de notre université. Finalement, toutes les sources bibliographiques jugées pertinentes pour le projet seront les bienvenues. Si vous comptez nous envoyer quelque chose, nous vous demandons de nous envoyer le plus rapidement possible un très court résumé pour nous faire connaître le sujet du texte afin de prévoir et organiser l’assemblage du projet final. Ceci nous permettra également de mettre en contact les personnes qui comptent travailler sur des sujets similaires. Qui : Les contributions peuvent venir de n’importe qui ayant envie de participer au projet, que cette personne soit actuellement étudiante à l’UdeM ou non. Quand : Nous recueillerons les contributions en tout genre jusqu’à la fin de la session d’hiver 2014. À partir de cette date, l’aide recherchée concernera davantage les tâches liées à la rédaction, l’édition, à la correction, à la mise en page et à la diffusion du projet.
Le projet : L’idée du projet a germé à partir du constat qu’il n’y avait pas de mémoire militante à l’UdeM. Nous avions envie de participer à la création d’un pouvoir populaire, d’écrire une mémoire collective, parce que sinon, nous ne serons pas capables d’enraciner nos luttes; nous serons condamné-e-s à toujours recommencer à partir de zéro. C’est aussi une manière de faire un contrepoids à l’histoire unitaire de l’université, véhiculée par la FAECUM et la direction, et de léguer quelque chose de concret aux futur-e-s militant-e-s. Nous voulons faire de ce projet quelque chose d’éclaté qui représenterait bien la multitude des voix et des histoires de militant-e-s de l’UdeM. Nous avons aussi discuté de la question de l’anonymat dans la rédaction des textes. Nous nous sommes entendu-e-s pour respecter la volonté des auteur-e-s de dévoiler ou non leur identité, et surtout de mettre en place une plate-forme sécuritaire pour que les gens puissent offrir leurs témoignages d’actions directes sans risquer d’être criminalisés. Pour toutes questions ou commentaires, n’hésitez pas à nous contacter, mementum.udem@gmail.com
Standpoints pour redonner la parole aux jeunes
Théo Bourgery
u’en est-il de la jeunesse de nos jours ? Et de la politique? Si ces deux questions ouvertes semblent bien distinctes, leur lien est cependant indéniable. La jeunesse n’est que l’enfant de la politique dans lequel il nait. La politique, quant à elle, est le résultat d’une concertation des adultes, des plus vieux et des sages, tous visant à rendre la société plus juste et intelligente. Amis lecteurs, le problème est ici évident. Qui de tous est plus légitime à avoir un impact politique, sinon ceux qui entre dans la polis, dans leur citoyenneté, soit les jeunes ? Ces derniers ont trop souvent été mis de côté, leurs idées jugées non-pertinentes. Pourtant, ne sontils pas les seuls les mieux placés pour savoir ce qu’ils veulent pour leuravenir, en tant que membre à part entière de la Société ? Standpoints vise à remédier à ces maux systémiques. Créée en octobre 2013 à McGill, l’association n’est rien d’autre qu’un laboratoire d’idées (think tank) étudiant, qui cherche à redonner une voix trop souvent ignorée de ces derniers. Le but n’est pas la contestation constante, mais plutôt l’analyse constructive de problèmes sociétaux dans le but d’offrir une solution alter-
native à celles des professionnels de la politique. Standpoints met en avant la voix d’une jeunesse oubliée par trois moyens principaux. Premièrement en invitant le jeune, par l’intermédiaire d’un article d’opinion, à mettre en avant ses propres idées et à affirmer avec fierté sa position, quelle qu’elle soit. Il n’y a pas de mauvaise alternative, de solution idiote : que des idées potentielles, dans le but d’améliorer l’état de notre démocratie. Attention, Standpoints n’a pas la prétention de proclamer, , que la jeunesse est omnisciente. Elle a, c’est certain, beaucoup à apprendre. C’est dans cette optique que Standpoints a également mis en place des conférences, lieu de rencontre intergénérationnel, entre ceux qui ont fait, et ceux qui vont faire. Créateurs, innovateurs et entrepreneurs sociaux sont les bienvenus – tous sont acceptés, quand il s’agit de dynamiser une jeunesse trop souvent oubliée. Enfin, il ne nait pas d’idée nouvelle sans débat. Le débat est, d’une certaine manière, partie intégrante de l’idée. Ainsi Standpoints s’engage-t-il à animer des tables rondes sur des sujets variés, plutôt au niveau local. Le but est, par le biais d’une discussion approfondie entre différents étudiants, d’arriver à formuler une
alternative concrète. Un article est alors écrit, relatant les conclusions atteintes, puis envoyé aux instances concernées. L’humilité, notons-le, est vitale pour Standpoints. Rien ne peut assumer que nos articles seront lus, nos débats pris au sérieux, et nos conférences efficaces. Mais il ne suffit que d’une fois, d’une lecture, pour que la machine se lance. Quoi qu’il arrive, Standpoints n’abandonnera pas de sitôt. Les jeunes, , ont encore beaucoup à dire. Standpoints co-organise la Social Entrepreneurship Week, qui aura lieu à l’Université McGill du 10 au 14 mars inclus. Un débat sur l’entreprenariat social se déroulera le lundi 10 mars à 18h, dans la salle Leacock 232 (855 Rue Sherbrooke Ouest, deuxième étage), après le projection du documentaire « Solar Mamas ». Une conférence intitulée « S’appuyant sur le pouvoir de l’empathie : ce que chaque entrepreneur social doit savoir ». aura aussi lieu le mardi 11 mars à 18h30 au Moyse Hall (853 Rue Sherbrooke Ouest) Plus d’informations sur www.standpoints.ca, sur notre page Facebook ou sur notre twitter : @Standpoints1
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ELECTIONS: Voter ou ne pas voter ?
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Milan Bernard
Les périls de l'anarchisme ordinaire
n 2012, Pierre Foglia, chroniqueur à La Presse, après avoir promis de donner son vote à Québec Solidaire, s’était ravisé et avait choisi de ne pas voter. L’automne dernier, des militants anarchistes distribuaient à l’université des tracts prônant l’abstentionnisme lors des conférences des candidats à la mairie. La cerise sur le gâteau, une lettre ouverte dans Le Devoir du 25 février dernier, d’un certain Daniel Faucher intitulée « Pourquoi je n’irai pas voter ». J’ai alors pris conscience d’un phénomène dont on a l’habitude de négliger ou de croire marginale. Nous avons tort. L’abstentionnisme électoral n’est pas à prendre à la légère. Il ne s’agit pas de se fondre dans le moule de l’uniformité que de remplir son devoir citoyen, mais bien d’agir au minimum pour la démocratie. J’irai même plus loin : cette forme d' « anarchisme ordinaire » est un fléau pour notre société. Faussement à gauche, il s’agit plutôt d’une justification infondée de la passivité ; c'est une porte ouverte, non seulement au cynisme, mais également au contrôle de la droite affairiste de la société. Charles Taylor, souvent médiatiquement
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Gabriel Clermont
diminué injustement à la fameuse commission de 2007, dans Grandeur et Misère de la modernité, nous mettait en garde contre le cynisme et la fragmentation : ces phénomènes mettent la population à merci de la raison instrumentale, nous recentrant vers notre individualisme et ouvrant la porte au contrôle d'une élite « malfaisante ». Refuser de participer à l'exercice politique le plus direct dans la situation actuelle québécoise en citant la continuité étouffante et la convergence des programmes des vieux partis constitue une mauvaise lecture de l'action électorale. En effet, les « îlots de résistance », c’est-àdire les idées divergentes par les alternatives politiques, toujours selon Taylor, ne peuvent exister que par une participation active au processus électoral. L’attachement aux institutions, peu importe notre affiliation politique, doit être démontré : aucun changement ne viendra de l’inaction. Pour mettre en marche de véritables mesures progressistes, les acteurs de gauche ne doivent pas laisser la voie libre aux gens du milieu des affaires comme candidats politiques : c’est en intégrant les structures actuelles que les politiques sociales pourront être appliquées.
Un taux d’abstention élevé ne révèlerait en rien une adhésion soudaine de la population en l’idéal anarchiste, mais plutôt une option confortable d’indifférence, justifiée par un discours simpliste et réducteur envers les acteurs de la chose publique. Que nos collègues des HEC se rassurent, les ventes de Bakounine, Thoreau ou même Chomsky ne sont pas près d’être au sommet du palmarès de Renaud-Bray ! Faire de la politique, ce n’est pas seulement exercer son droit de vote lors de l’exercice électoral. Le militantisme, les manifestations, les regroupements, les pétitions, les évènements, les discours, les spectacles : tout cela fait partie de la « superstructure » politique. Toutefois, dans un contexte pluraliste et démocratique, comme celui du Québec et le Canada, l’abstentionnisme n’a aucune valeur de protestation et est simplement un refus de participation à la société civile. Le 7 avril prochain, votez ! Charles Taylor. 1992. Grandeur et misère de la modernité. Montréal : Éditions Bellarmin (Fides). (Traduction de Charlotte Melançon) Daniel Faucher. 2014. « Pourquoi je n’irai pas voter ». Le Devoir. 25 février. En ligne.
Lettre à mes ami-e-s abstentionnistes
’air est asphyxiant. Difficile d’éviter l’horrible odeur d’élections printanières, pire encore que la succession de nids-de-poule et le dégel salissant. L’attention médiatique situera ce court instant «démocratique» au cœur de nos préoccupations, et ne se bornera qu’à celui-ci. Il apparait possible de déblatérer éternellement sur les carences de notre carnaval électoral, il reste que néanmoins ce système permet à de nombreux individus d’avoir accès aux coulisses du pouvoir, de poursuivre leur projet de paupérisation d’une tranche vulnérable de nos compères. L’idée sous-entendue ici n’est en rien de cautionner un procédé électoral horrible, ni même de vanter les mérites d’un parti politique particulier. En fait, il s’agit de contribuer à une réflexion que plusieurs partagent ou entreprendront au cours des prochaines semaines, étant moi-même indécis sur la question. Précarité, coupure, le mot d’ordre apparait être comme celui de l’austérité, d’un capitalisme débridé. Tant du côté des libéraux que des péquistes, voire de la quasi-totalité de l’Assemblée nationale, il est possible d’assister à une convergence des formations politiques vers ce modus operandi. L’unique différence entre les deux principaux partis mentionnés ci-haut s’applique sur la clarté de l’application
des principes néolibéraux. En effet, l’année 2012 permit d’exposer au grand jour les visées libérales, cette formation assumant pleinement leur appartenance envers cette doctrine idéologique. Quant aux péquistes, l’évidence est moins vraie. Se réclamant d’être multicolore, par sa finalité souverainiste, ce parti multiplie les prises de positions ambigües tout en alignant les parades, évitant, du coup, d’afficher sa véritable identité. Reste que les politiques sociales dictées par la succession de gouvernements des années précédentes ont paupérisé des populations déjà vulnérables. Ceux et celles à qui toute hausse des frais de scolarité est un fardeau supplémentaire, ceux et celles à qui une hausse des tarifs de garderie implique des concessions supplémentaires au sein d’une réalité bien précaire. À ceux et celles qui opposeront à ce constat l’impossibilité des formations politiques alternatives de saisir le pouvoir, il m’apparait pertinent de répondre que le simple vote offre au parti un appui symbolique et financier, il permet aux idées de ce dernier de croitre, de combattre ce consensus idéologique. À ceux et celles qui s’opposeront à voter, j’espère simplement que vous prendrez soin de vous déplacer afin d’annuler votre vote; loin l’idée de cautionner ce système bidon
par cet exercice. Ce qui est sous-tendu ici est de montrer notre attachement envers l’esprit démocratique, que leur cirque électoral ne correspond en rien à la vision à laquelle nous adhérons. Le fait d’annuler notre vote représente une opposition au sens large, débordant de l’enjeu électoral. Ainsi, nous évitons de sombrer au sein de cette masse jugée désabusée et désintéressée de la sphère publique. Au contraire, par notre déplacement, nous montrons une forme d’attachement à quelque chose de bien supérieur. Il apparait au sein de certains milieux militants un consensus ou un malaise de débattre de la question électorale, donnant l’impression qu’être radical implique une manière précise d’agir. Outre cela, il semble manifeste qu’un changement drastique ne s’effectuera pas demain. Les questions qui se posent ici sont multiples : l’existence de ces formations politiques retarde-t-elle l’avènement d’un jour meilleur? Ne faut-il pas maximiser les fronts de lutte ? Dans une époque où le concept de démocratie est rattaché à celui de marketing, que des enjeux sociaux sont traités en l’espace d’une demi-journée au sein de cette frénésie médiatique, pouvons-nous escompter une meilleure visibilité à des idées trop souvent décriées utopistes ?
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ELECTIONS PROVINCIALES QUEBECOISES
Réflexions ambidextres
Gabriel Arruda
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algré les réminiscences intermittentes de la question constitutionnelle, les commentateurs politiques affirment que le débat politique québécois s’aligne désormais sur l’axe gauche-droite comme le prouve l’apparition du Réseau Liberté-Québec et de la CAQ. Cette nouvelle grille d’analyse permet de simplifier la diversité politique à un spectre bipolaire. Cependant, un des principaux problèmes de cet axe est l’absence de consensus sur la définition de ces extrêmes. En effet, selon certains, le débat gauche-droite oppose l’égalité à la liberté ou bien la société à l’individu. D’autres vont jusqu’à affirmer qu’il s’agit même d’un débat entre la générosité et l’efficacité. Cependant, aucune de ces définitions ne semble être en mesure d’englober l’ensemble des idées politiques qui parcourent cet axe. Ainsi, comment expliquer que des idéologies aussi contradictoires que le fascisme et le libertarisme soient toutes deux étiquetées «d’extrême droite»? Afin d’expliquer ce paradoxe, il faut accepter une définition radicale ( radical au sens étymologique du terme, c'est-à-dire à la racine.) de la gauche et de la droite. En effet, il faut se rappeler que cette notion est née à la fin du XVIIIe siècle en France et divisait à l’époque
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les partisans de la limitation du pouvoir royal (ou de son abolition) et les tenants de l’absolutisme. Par la suite, cet axe opposa les monarchistes aux républicains, puis ces deux derniers aux socialistes. Ainsi, le débat gauche-droite semble être un débat de société où la gauche et la droite sont essentiellement relatives. Devant ce constat, la gauche consis-
« Ainsi, le débat gauche-droite semble être un débat de société où la gauche et la droite sont essentiellement relatives » terait en des forces réformatrices et révolutionnaires, alors que de la droite rassemblerait les partisans du statu quo ainsi que les mouvances réactionnaires. Ce qui distingue véritablement les deux pôles serait donc la justification des projets politiques. Ceci explique que les socio-démocrates (de gauche) et les chrétiens-démocrates (de droite) peuvent être en faveur d’une même politique sociale, les uns en vertu de la générosité chrétienne, les autres à la lumière de la lutte des classes. Cependant, une telle définition ne vient pas répondre à l’interrogation soulevée précédemment: comment peut-on mettre le fascisme ( Par fascisme, j’entends les régimes
autoritaires ou totalitaires nationalistes militaristes et anticommunistes) et les disciples de Nozick au sein de la même catégorie politique ? Il faut comprendre que ces deux mouvements proposent des projets fondés sur des idées du passé. Du côté des fascistes, le côté réactionnaire est évident par la mythification du passé national et par leur rapport avec le genre féminin ( Pour plus d’informations sur ce sujet, «Women under Italian Fascism» d’Alexander de Grand dans The Historical Journal (Vol.19, No. 4), Décembre 1976, pp.947-968). Du côté des libertariens, ceuxci s’appuient sur les conceptions archaïques des libéraux classiques et refusent l’évolution qu’a connue le libéralisme au courant du XXe siècle. De plus, l’aspect réactionnaire des libertariens devient évident aux États-Unis avec leur obsession pour la Constitution américaine ou bien pour le retour à l’étalon or. Loin de mettre fin au débat concernant cet axe, cette définition relativiste ouvre la porte à de nombreux questionnements, allant de la position du nationalisme sur cet axe en passant par certaines conclusions qui semblent aux premiers abords contre-intuitives. Ainsi, dans certains pays d’Europe de l’Est, doit-on qualifier les forces libérales et réformatrices de «gauche» face aux anciennes élites socialistes qui seraient… de «droite»?
Le paradoxe de la structure politique
Charles-Olivier Péloquin
’absence totale de structure politique ne fonctionnerait probablement jamais. Mais, qui serait prêt à dire que la structure politique actuelle fonctionne ? Si c’est votre cas, vous me nommerez sans doute l'UPAC, l’Escouade Marteau, la Commission Charbonneau, l’arrestation d’Applebaum, Vaillancourt ou bien Marcotte etc. comme étant le remède contre la maladie qui ronge notre structure. C’est mignon. Bien qu’il existe une multitude de raisons de vouloir une structure politique, nous légitimons celle-ci en premier lieu puisque l’on considère qu’elle répond à un besoin de contrôler les vices propres à l’humain. L’individu isolé est souvent dépeint comme un être irrationnel, manipulable, malicieux, égoïste et capable des pires immoralités pour en arriver à son bien-être personnel. Il faut donc à l’individu une instance qui lui est au-dessus de ce dernier, qui sait distinguer le moral de l’immoral et qui a le pouvoir de sévir lorsque certains dérogent au contrat social. C’est pourquoi les villes, par exemple, ont toutes
besoin d’un maire qui saura empêcher les citoyen-ne-s d'arnaquer leurs prochains Les Gilles Vaillancourt de ce monde existent pour éviter que les citoyen-ne-s malhonnêtes construisent des condos où le zonage l’interdit. Ils existent pour assurer une distribution des contrats justes et équitables, qui éloignera les opportunistes avares voulant se remplir les poches. Les Richard Marcotte sont indispensables face aux cartels et aux soudoiements par intimidation. Après tout, cette élite est nécessaire pour pallier les individus normaux qui pour leur part seraient rapidement corrompus. La corruption est si alléchante que seuls l’État et ses disciples se disent assez vertueux pour y renoncer. Non ? Comme la nature humaine est égocentrique, nous, société, avons convenu qu’il est nécessaire d’avoir une structure politique. Toutefois, même à l’intérieur de celle-ci, les individus dotés de cette même nature égoïste, sont les plus enclins à vouloir occuper les postes clés. Ceux-ci leur permettant d’utiliser un levier politique fort pour arriver à leurs fins.
Et après tout, qui les empêche? L’ensemble des individus égoïstes pour lesquels la structure existe? Je ne pense pas. Non seulement personne ne les empêche, mais ils vont jusqu’à élire les pires d’entre eux pour les mettre au pouvoir puisque l’action individuelle de voter est, elle aussi, facile à corrompre. Qui d’entre vous n’a pas les valeurs assez malléables pour faire une croix dans un carré particulier en échange d’un service non négligeable? Quand le maire de Montréal Michael Applebaum se fait arrêter pour quatorze chefs d’accusation dont abus de confiance, n’a-ton pas la confirmation que le pouvoir attire ceux qui en sont avares ? La structure veut réguler les maux sociaux alors que la plus grosse gangrène vit à l’intérieur d’elle-même. Dans les faits, l’État sous les idéaux de supériorité morale et de neutralité n’est qu’un ensemble d’individus, tous aussi égoïstes les uns que les autres. Comme Dieu, la structure politique est comme toute construction humaine. Elle ne peut donc pas être porteuse de la vérité absolue.
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DROIT ET POLITIQUE
Entretien avec Nordin Lazreg
Deux de nos journalistes ont rencontré Nordin Lazreg, doctorant en science politique à l’Université de Montréal et membre du REAL (Réseau d’études sur l’Amérique latine). Résumé d'un entretien sur la primauté du droit.
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Propos recueillis par Anaïs Boidron et Alan Volant ’Amérique latine compte en son sein de
nombreuses démocraties plus ou moins jeunes. Certains principes démocratiques, tels que la primauté du droit, ne font pas encore figure de norme. Pourriez-vous nous faire une rapide récapitulation de leur processus de démocratisation?
Nordin Lazreg: La plupart des démocraties d’Amérique latine émergent au cours de la 3ème vague de démocratisation commençant au Portugal en 1974 (Samuel Huntington). Nous pourrions situer cette vague entre 1979, date à laquelle l’Équateur devient une démocratie, et les années 1990 avec la fin des guerres civiles en Amérique centrale (Nicaragua, Salvador et Guatemala entre 1990 et 1996). Le Chili et l’Uruguay avaient déjà connu quelques brèves années de démocratie supplantées par de longues périodes autoritaires. D’autres pays, comme le Salvador, n’ont en revanche connu que des successions de régimes militaires et autoritaires ; la démocratie y est une totale nouveauté. Trois États d’Amérique centrale et du sud étaient des démocraties stables bien avant 1979 : la Colombie, le Venezuela (1958 dans les deux cas) et le CostaRica (1949-1953). Mais même dans ces vieilles démocraties, l’arène politique a parfois été fermée aux acteurs de gauche. Le parti communiste, par exemple, était interdit au Costa Rica jusqu’en 1975. En Colombie, l’inclusion de la gauche dans la vie politique est récente et encore incomplète. Aujourd’hui, on peut dire que l’Amérique latine est une région globalement démocratique. Il y a des élections régulières, transparentes, compétitives. Il y a des alternances au pouvoir. Le virage à gauche dans des pays où celle-ci a longtemps été réprimée et marginalisée me semble révélateur des progrès accomplis. Ceci dit, si certains pays sont très démocratiques et stables (Chili, Uruguay), d’autres ne sont pas à l’abri de relents autoritaires. Les récents coups d’État au Honduras (2009) et au Paraguay (2012), et la violence politique encore présente dans certains pays (Guatemala, Colombie), nous montrent que les règles du jeu démocratiques ne sont pas toujours pleinement intériorisées par les acteurs politiques. Quelle définition donneriez-vous de la primauté du droit ? N.L : La primauté du droit serait la théorie selon laquelle personne ne peut se soustraire à la loi. Le droit protège d’une gouvernance arbitraire, de décisions arbitraires, il est supposé être égalitaire, applicable à tous. Affirmeriez-vous que la primauté du droit est, à ce jour, un principe appliqué en Amérique latine ?
N.L : Non, je ne dirais pas ça, loin de là. Cela dépend du pays et de son niveau de consolidation démocratique. Il y a deux extrêmes. D’un côté nous avons le Chili, l’Uruguay et le Costa-Rica qui sont trois démocraties stables et consolidées. Les problèmes rencontrés pourraient être similaires à ceux éprouvés au Canada, aux États-Unis ou en France. En revanche, la seconde extrémité regrouperait le Honduras, Paraguay, et Venezuela dans lesquels la consolidation démocratique est plus faible. Dans ces cas, les règles de droit s’appliquent peu ou de façon inégale, selon ce que l’on souhaite en faire. Est-ce que le principe de primauté du droit n’est pas qu’un paradigme utopique ? Même dans les démocraties les plus vieilles, des gens arrivent parfois à se soustraire au droit et cela reste légal, existe-t-il des ordonnances, des manières de le contourner ? N.L : Le droit est complexe, il y aura toujours des contradictions en son sein. Certes, il y a la règle, mais il y a également l’esprit, la pratique au quotidien. Le droit peut être instrumentalisé pour des intérêts particuliers qui peuvent être contraires à l’objectif démocratique. Dans le cas de l’Amérique latine, le droit peut être utilisé pour bloquer toute possibilité de procès pour les violations des droits de l’Homme commis durant les années sombres. Le droit est alors utilisé à mauvais escient. Récemment en Colombie, le procureur Alejandro Ordoñez, un catholique conservateur proche de l’ancien président de droite Alvaro Uribe, a décidé de destituer le maire de Bogota, qui lui est à gauche (ancien membre de la guérilla du M19, guérilla reconvertie en parti politique), bien que celui-ci ait été élu démocratiquement. Le maire avait fait passer la gestion des ordures du privé vers le public ce qui a entrainé des problèmes de gestion pendant quelques jours. Il a été destitué et condamné à 15 ans d’inéligibilité pour mauvaise gestion des affaires publiques et violation du principe constitutionnel de liberté d’entreprise et de libre concurrence. Un jugement a-t-il eu lieu, était-ce arbitraire ? N.L : C’est ce qui se dit même si la décision était apparemment légale. Il s’agit ici d’une décision administrative. Un appel a eu lieu, mais auprès de ce même procureur ! Ce dernier n’est évidemment pas revenu sur sa décision. Dans ce cas, la règle de droit est utilisée à l’encontre de la souveraineté populaire. Mise en perspective avec l’actuel processus de paix, la destitution du maire, qui n’est pas un évènement isolé, n’est pas un très bon signe. En effet, ce même procureur a déjà destitué 200 fonctionnaires, maires, élus locaux, souvent d’opposition. Le seul maire d’une grande agglomération qui n’a pas été destitué a une réputation de corruption
n’étant plus à faire. La droite ultra conservatrice fera tout pour empêcher l’inclusion des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) d’intégrer la vie politique nationale en parti légal. On s’aperçoit assez bien de l’instrumentalisation du droit dans cet exemple précis. Voulez-vous dire qu’ici on va plus loin que le simple fait de contourner l’esprit du droit, on l’instrumentalise pour aller à l’encontre de la démocratie… N.L : C’est effectivement ainsi que je vois les choses. Le litige territorial entre la Colombie et le Nicaragua en 2012 fait également figure d’exemple. La décision de la Cour internationale de Justice, même si elle cherche le compromis, est plutôt favorable au Nicaragua, qui gagne une large zone territoriale en mer. En réponse à cela, la Colombie s’est retirée du traité de Bogota (1948), qui reconnaissait la légitimité de la Cour internationale. En sortant du traité, le droit ne s’applique plus. C’est une façon de dire qu’ils ne reconnaissent plus la primauté du droit car elle va à l’encontre de leurs intérêts. Ne pourrions-nous pas dire que les gens « s’en foutent » de la primauté du droit ? « Du pain et des jeux » comme disait Marc-Aurèle. Que représentent les principes face à leurs fils qui se font descendre dans la rue ? C’est un luxe… N.L : Le contexte socio-économique, que ce soit la violence urbaine, ou les inégalités sociales, peut favoriser l’effondrement du principe de primauté du droit. À partir du moment où le gouvernement est peu efficace pour lutter contre l’insécurité ou les inégalités, les citoyens commencent parfois à regretter la période autoritaire qui pouvait apporter richesse et sécurité, malgré la répression politique et le manque de liberté. Lorsque le résultat est là, les citoyens sont parfois moins regardants sur la manière. Au Venezuela, les inégalités ont diminué, mais cela s’est fait parallèlement à un affaiblissement des institutions démocratiques et de l’État de droit. Je pense qu’en Amérique latine le droit ne s’applique pas à tout le monde. Or, la primauté du droit est valorisée par les citoyens si le droit est perçu comme s’appliquant à tous. On voit clairement qu’en Amérique latine, le droit ne s’applique pas à tout le monde de la même manière. Il est parfois considéré comme l’instrument des puissants, des riches, de l’élite, pour promouvoir leurs intérêts. Il faut aussi se demander qui a fait le droit et de quand celui-ci date pour mieux comprendre sa primauté. Par exemple, les règles de droit héritées des régimes autoritaires ne sont pas nécessairement perçues comme légitimes par une partie de la population.
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DROIT ET POLITIQUE
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Un litige qui n'a pas lieu d'être?
Rédigé par des étudiants en droit à l'UdeM a primauté du droit, ou l’application des lois par les interprètes que forment la magistrature, engendre énormément de tension et de rivalités au sein de la classe politique, mais aussi à même la population dans son ensemble. Que l’on examine les incidents du Printemps érable, le contenu de la Charte de la laïcité ou les multiples recours juridiques intentés contre les déchets législatifs adoptés par le gouvernement Harper, on semble constamment confronté à une rhétorique opposant, d’une part, la prétendue volonté du peuple et, d’autre part, les interprétations judiciaires de l’élite juridique. Néanmoins, malgré l’apparence de conflit, il n’existe fondamentalement, en ce qui a trait à notre théorie légale et politique, aucune contradiction entre les concepts de «rule of law» et de «souveraineté populaire». Ainsi, dans ce court texte – sans ambitionner de traiter du sujet de façon exhaustive –, sera abordée la primauté du droit sous les angles (a) de la démocratie parlementaire, (b) de l’interprétation judiciaire, et (c) du constitutionalisme moderne. Quelques mots seront ajoutés sur les dangers d’une forme de gouvernement reposant sur le plébiscite, forme absolue de souveraineté populaire. Rule of law et parlementarisme La primauté du droit ou «rule of law» est le pilier central de tout système de justice et le principe au cœur de ce que nous appelons une société de droit. Ayant grandement évolué au travers de la rocambolesque histoire politique de l’Angleterre, la notion de « rule of law » se limite essentiellement à l’idée que personne ne peut se soustraire à la loi, que la loi s’applique également à tous les citoyens (ainsi qu’à l’État et ses dirigeants), que tout pouvoir public s’exerce avec absence d’arbitraire, en conformité avec la loi, et que la loi, en tant qu’autorité suprême, est la seule source de tout droit et de toute capacité. En d’autres mots, la stabilité de l’État, la cohésion sociale, la paix et l’ordre dépendent intrinsèquement de la primauté du droit et de son application rigoureuse par la branche judiciaire. Jusqu’à ce jour, la « rule of law » est la seule et ultime protection contre l’anarchie et le retour de l’Homme à «l’état de Nature». Nullement en contradiction avec les idées de démocratie et de souveraineté populaire, la règle de la primauté du droit coïncide au contraire avec leurs développements. En effet, responsables de l’avènement du parlementarisme, de la fin de l’absolutisme monarchique et de la participation collective du public au travail politique, la démocratie et la souveraineté populaire énoncent que la loi est l’autorité suprême en toute matière. En effet, la loi est issue du Parlement, et le Parlement est constitué de députés démocratiquement élus et choisis parmi l’ensemble de la population. Le fait, pour le juriste, d’appliquer la loi et de lui donner préséance, revient fondamentalement à respecter le peuple et les choix qu’il a
faits. N’ignorant pas les réalités que sont le cynisme populaire généralisé, les malices de la science du marketing politique, l’absence dans plusieurs pays (dont le nôtre!) de la représentation proportionnelle, et la partisanerie et le populisme politique, il n’en demeure pas moins que, dans notre système, la souveraineté, le pouvoir et la force demeurent dans les mains de l’électorat. Le contenu des lois, la composition du cabinet et les orientations du gouvernement sont fondamentalement attribuables… aux citoyens.
Rule of Law : Constitutionnalisme moderne Textes incontournables lorsqu’il s’agit de se questionner sur la primauté du droit et la place qu’elle occupe dans notre société, la Loi constitutionnelle de 1867 et la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 qui y est enchâssée demeurent ultimement, malgré leur immuabilité apparente, l’écho de la souveraineté du peuple. La Constitution et la Charte aux juges qu’un fil conducteur, certes solide, mais autour duquel les possibilités d’interprétation demeurent tout de même trop larges. On peut voir ces textes comme des axiomes autour desquels les juges sont appelés à jouer un rôle créateur du droit, amenant ainsi une désobéissance de la souveraineté . C’est ce que certains appellent «un gouvernement des juges».
Sous réserve des problèmes mentionnés antérieurement, la triste réalité est que si nous refusons d’effectuer notre part du «contrat social», si nous ne votons pas, ni nous ne nous intéressons pas au travail de nos représentants – de ces gens à qui nous avons souverainement alloué notre pouvoir collectif – nous continuerons alors, sans cesse, de mériter Or, cette façon de voir les textes qui balisent les des gouvernements et des parlementaires qui ne lois dans notre société n’est pas tout à fait exacte. rejoignent pas nos valeurs et nos idées. Il faut tout d’abord rappeler que la Constitution En attendant un miraculeux réveil populaire ou un fut, comme toute autre loi, issue d’un processus renversement du statu quo, les lois qui sortiront de législatif impliquant l’ensemble de la population nos parlements seront toujours présumées refléter canadienne – bien que cette affirmation puisse être la volonté du peuple, et cette volonté sera systémati- nuancée pour ce qui est du Québec en ce qui a trait quement réalisée par le renforcement du droit dans à l’ajout de la Charte en 1982. nos palais de justice.
Rule of Law : Application et Interprétation
Le libellé des articles de la Constitution, laissant place à des interprétations évolutives, était volontairement construit ainsi afin de permettre une pleine efficacité de ce texte crucial dans notre société. Les juges sont garants d’utiliser cette marge de manœuvre de façon à favoriser les objectifs de ce texte fondateur.
Les juges, lorsqu’ils rendent une décision, n’en font évidemment pas qu’à leur tête. Bien que la marge de manœuvre dont ils disposent puisse varier en fonction du texte de loi qu’ils doivent parfois interpréter avant d’appliquer, des règles existent pour encadrer leur pouvoir en matière d’interprétation. Ces règles Il est aussi important de rappeler que la Charte visent généralement à ce que soit respectée la souve- demeure un instrument essentiel de protection des raineté populaire s’exprimant dans ledit texte de loi. minorités, qui, sans elle, pourraient être étouffées par une souveraineté populaire absolue. Elle est en Entre autres, et principalement, le texte de loi – voté effet une assurance que l’expression de la volonté par le Parlement – garde toujours une importance générale respectera l’intérêt commun en n’altérant fondamentale, et le juge ne peut réellement y déro- pas – du moins dans des limites raisonnables – celui ger, à moins que cela ne l’amène à conclure à un des groupes en situation minoritaire. Elle protège résultat absurde. En outre, simultanément, le juge donc des prérogatives essentielles à l’essor d’une doit considérer, selon l’approche téléologique, l’in- démocratie soucieuse du bien-être de tous ses tention du législateur, c’est-à-dire, indirectement, citoyens. l’intention du peuple qui l’a élu. Ces trois points permettent de comprendre l’interEn droit public canadien, dont les sources pro- relation entre primauté du droit et souveraineté viennent de la common law – qui est de construc- populaire qui, lorsque nous portons un regard qui tion jurisprudentielle –, la volonté du peuple peut s’éloigne de la pure théorie, se complètent l’un et sembler négligée. Cependant, un précédent – peu l’autre plus qu’ils ne s’opposent. importe son ancienneté – peut être modifié par une loi du Parlement. De ce fait, malgré les sources de Il est clair que des problèmes font en sorte que notre common law, la législation est venue changer radi- système démocratique souffre d’un certain déficit ; calement ce qui a été construit, au fil du temps, par il serait difficile de le nier. Toutefois, souhaiter un les juges, au profit de ce qu’en a décidé le peuple par système où la souveraineté populaire serait absolue est idyllique, en plus de pouvoir être problématique l’intermédiaire du Parlement. quant au traitement des minorités. Une éventuelle amélioration de notre système démocratique, ainsi, Ces questions d’interprétation et d’application de la ne devrait pas négliger l’importance des balises qui loi sont toutefois différentes lorsqu’il est question de doivent nécessairement encadrer la souveraineté populaire. la Constitution. Cela fera l’objet du point suivant.
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EXPAT
Chaque mois, Le Polémique vous présente un article à saveur politique d'un-e étudiant-e du département en échange dans une université étrangère. Cette édition-ci, deux étudiantes se dirigent vers des destinations atypiques: l'Afrique du Sud et la République Tchèque!
Laura Marec
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e suis arrivée à Stellenbosch, en Afrique du Sud il y a maintenant 5 semaines. Je n’avais que quelques maigres connaissances sur l’histoire du pays, ses réalités sociales, économiques et politiques. Après ces 5 semaines, mes connaissances concernant l’Afrique du Sud se sont élargies, mais il me reste encore beaucoup de chemin à faire avant de saisir la complexité de ce pays. De ce fait, je ne compte pas ici faire un bilan, mais plutôt faire part de certaines impressions qui sont les miennes depuis mon arrivée. Stellenbosch est une petite ville étudiante située à environ une heure de la ville de Cape Town, au milieu des vignobles qui entourent la région du Cap. La province du Western Cape est la plus riche d’Afrique du Sud et Stellenbosch est l’une des villes les plus riches de la province. Stellenbosch est loin de l’image que l’on peut se faire de l’Afrique. Image d’ailleurs peu réalistes quand on prend en compte la diversité qui existe sur ce continent tant au niveau culturel que politique et économique. En se promenant dans les rues, on ne peut manquer de remarquer les traces laissées par la domination européenne dans la région du Cap. L’architecture a un style très européen, au point que l’on peut avoir du mal à réaliser que l’on se trouve réellement en Afrique du Sud. D’autres traces de l’histoire sud-africaine sont également visibles, celles laissées par l’apartheid. L’université fut, jusqu’à la fin de l’apartheid en 1991, une université exclusivement réservée aux blancs. Depuis, bien que l’université soit ouverte à tous, la population de la ville et celle de l’université ne sont toujours pas représentatives de la population de l’Afrique du Sud. Lors de mon arrivée, j’ai d’abord pensé que Stellenbosch, ne représentait pas vraiment l’Afrique du Sud. Je suis revenue sur cette première impression. Stellenbosch est bien une réalité locale: c’est une bulle dorée dans laquelle vit une minorité privilégiée de l’Afrique du Sud. Cette petite ville étudiante ne représente certes pas en totalité l’Afrique du Sud, mais elle en montre une de ses facettes. Le Township que l’on peut apercevoir depuis notre salle de classe nous rappelle qu’il existe une autre réalité en dehors de cette sphère privilégiée dans laquelle nous vivons et que cette autre réalité ne se situe qu’à quelques kilomètres. Ces deux sphères sont en contact. En effet, des habitants des townships viennent travailler à Stellenbosch durant la journée. Certains étudiants ayant une bourse pour étudier à l’Université de Stellenbosch sont également originaires de ce township.
Afrique du Sud
Il me paraît difficile d’étendre mes impressions basées sur mon expérience à Stellenbosch, ou même à Cape Town, au reste de l’Afrique du Sud au vu de la diversité du pays. Cependant, certaines réalités semblent pouvoir s’appliquer à l’ensemble du pays, mais à différentes échelles. L’Afrique du Sud est le pays qui souffre du plus haut taux d’inégalité entre riches et pauvres au sein de la population. Un fait qui est difficile à mettre en perspective tant que l’on n’a pas pu en faire l’expérience. Pourtant ces inégalités se ressentent sans même avoir fait un pas sur le sol Sud Africain. Durant le vol on peut apercevoir d’immenses villas avant de survoler, un instant plus tard et quelques secondes avant l’atterrissage, un township d’une taille imposante. Les inégalités sont frappantes et choquent quand on arrive en Afrique du Sud, que ce soit à Johannesburg, Cape town ou encore dans de plus petites villes telles que Stellenbosch. Il me semble que la pauvreté et les inégalités qui sont encore le quotidien d’une partie de la population, sont le terreau des problématiques actuelles de l’Afrique du Sud. L’insécurité est réelle, certes, mais elle n’est pas aussi forte qu’elle peut être décrite ou imaginée en Occident, du moins en ce qui concerne la région de Stellenbosch et du Cap. La plupart des crimes commis sont des crimes opportunistes liés aux inégalités de richesse ou à la pauvreté, depuis mon arrivée j’ai déjà entendu plusieurs récits d’étudiants internationaux c’étant fait voler leurs téléphones ou sacs à main. Cela explique les protections importantes, qui consistent souvent en de très hauts portails et des barbelés autour des maisons ou des résidences universitaires, celles-ci m’ont vraiment surprise lors de mon arrivée. Je ne pense pas me tromper en disant que l’un des plus gros défis, voire le plus gros défi, que l’Afrique du Sud doit affronter pour les prochaines années concerne l’éducation. Le système éducatif sudafricain fonctionne sur deux, voire trois niveaux. Il y a les écoles privées hors de prix que seule une élite peut se permettre de payer avec, comme on peut s’en douter, un bon système d’éducation. Les anciennes écoles publiques « blanches » sous l’apartheid possèdent encore également un bon niveau d’éducation. Bien que les lois de l’apartheid aient été abolies, ces écoles ne restent encore accessibles qu’à une minorité privilégiée grâce à certaines formes de tri à l’entrée qui peuvent se traduire par l’usage de l’Afrikaner comme langue d’enseignement, des frais de scolarité plus ou
moins élevés ou encore des listes d’attente de plusieurs années pour pouvoir inscrire ces enfants dans une bonne école. Enfin, le reste des écoles publiques est vu comme donnant accès à un niveau d’éducation médiocre, dû principalement au manque de moyens auxquels ont accès ces écoles. À la fin de leur cégep, les étudiants des écoles publiques doivent passer un test qui leur permet d’avoir accès à l’université. Or, les étudiants des écoles privées n’ont pas à passer ce test. Très peu d’étudiants provenant des écoles publiques défavorisées réussissent ce test. Seulement 10 % des jeunes sud-africains accèdent à l’université et ce pour plusieurs raisons. Certains ne réussissent pas le test leur donnant accès à l’université. D’autres n’ont tout simplement pas les moyens financiers nécessaires. Quelques étudiants provenant des classes défavorisées obtiennent des bourses, mais cela ne représente qu’une très faible partie des étudiants, la majorité provenant de la classe aisée ou de la classe moyenne. Le taux de chômage en Afrique du Sud est de 28 % et n’est évidemment pas le même selon le niveau d’études. Force est de constater que les plus touchés sont les étudiants issus de la population noire. La classe la moins aisée est celle qui contient la majorité de la population. Leurs salaires sont bas quand ils ont un travail, cette classe étant la plus touchée par le chômage. De plus, la mobilité sociale est très faible. Ils sont en quelque sorte enfermés dans un cercle vicieux dont il leur est très difficile de sortir.
Malgré les difficultés auquel doit faire face le pays, il est difficile de ne pas s’attacher à l’Afrique du Sud. C’est un pays fascinant et complexe par la richesse de sa culture, de son patrimoine, le poids de son passé qui est toujours visible et tangible, et la difficulté des enjeux auquel le pays doit faire face. Des traces de l’apartheid sont, certes, encore présentes dans la société sud-africaine, mais on se rend compte que la population cherche à aller de l’avant pour laisser derrière elle cette partie de l’histoire du pays. L’omniprésence de Nelson Mandela et du symbole qu’il représente renforce cette impression. On ne peut manquer de remarquer l’attachement et l’amour que porte le peuple sud-africain à son héros national, qui est perçus par beaucoup comme le père du pays.
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Volume 32 - Numéro 4
EXPAT
Un échange étudiant pour du changement dans ta routine ! Catherine Joubert
I
l y a un an je partais sans rien ni personne dans un endroit que je connaissais plus ou moins. Aucun plan en tête sauf celui d’aller étudier à l’étranger, dans mon cas à Prague en République tchèque. Partir sans aucun repère peut faire peur, mais procure ce sentiment de liberté tant désiré lorsque la routine et l’habitude de la vie montréalaise prennent le dessus. Je comptais les jours avant de partir, ne tenant plus en place à cause de cette envie d’aventures, et ce petit stress en moi qui me disait de foncer vers l’inconnu. Le moment de partir et de laisser les choses derrière moi le temps de quelques mois était bien là.
étaient aussi étudiantes en échange, elles m’ont du globe, partageaient des « pivo » (bière en accueuillie à bras ouvert. Avec tout cela mis en tchèque) avec moi et enrichissaient mon quoplace, de nouvelles aventures m’attendaient. tidien. Voilà que je me suis retrouvée avec une vie parallèle à celle que j’avais à Montréal. Pour Praha (en Tchèque) est magnifique dès les pre- ainsi dire un chapitre éphémère que j'aurai vécu miers abords. Elle est l’une des seules villes à seulement avec ces gens et à ce moment dans ne pas avoir été détruite lors de la Deuxième cette ville. Nous le savions tous et ainsi nous tenGuerre mondiale, pour l’humble et bonne rai- tions de vivre pleinement jour après jour. Cerson qu’Adolf Hitler voulait faire de la ville en- tains sont restés plus longtemps, d’autres sont tière un musée sur lui-même ; ainsi, pas une retournés à Prague tandis que quelques-uns ont seule balle ne toucha Prague. Du coup, on ob- continué leurs vies comme avant notre arrivée. serve une architecture très majestueuse et fort Cela semble un voyage à long terme, eh bien bien entretenue : le Théâtre National est facile- oui, c’est un peu ça. On rencontre des gens ment reconnaissable grâce à son toit en or, et le d’un peu partout dans le monde, on découchâteau au-dessus de la colline qui surplombe vre de nouveaux lieux, on voyage ici et là la vieille ville, sans compter les luxueux aparte- et on s’immerge dans une nouvelle culture. ments qui sauraient aussi vous époustoufler. L’entrée de mon appartement, par exemple, était Le fait de rester dans ce pays pour quelque temps est vraiment le point qui distingue le et le fait d’habiter quelque part. Je me « Chacune des personnes à qui voyage suis considérée alors comme étant un hybride vous parlerez d’un échange étudi- entre une touriste et une citoyenne de Prague.
À mon arrivée à Prague, il fallait que je fasse comme tous ces voyageurs et que j’aille à mon auberge. J’y suis restée quelque temps pendant que je trouvais mes repères ; un appartement, le campus de l’école et surtout, des amis. Il va sans dire que n’importe qui ant vous dira de simplement choivoyageant seul dans une autre ville tente de sir une destination, et de foncer » découvrir le plus d’endroits et de gens possible pour agrémenter les moments du séjour. Je ne faisais pas exception à ces choses, mais ornée d’immenses portes en bois pouvant faire par contre ce serait pour l’instant de quelques passer les chevaux et les calèches. Fait cocasse mois que je mettrais en place ce style de vie. : un très grand nombre de bâtiments n’ont pas d’ascenseur vu leur ancienneté ; c’était donc une Trouvez un appartement et rencontrer des partie de plaisir que de toujours monter et degens : telles étaient mes premières missions. scendre les marches, et ce surtout lorsque vous M’immerger dans cette ville de façon plus ou montez votre épicerie au 4e étage, par exemple ! moins permanente était le but. Je me suis al- J’ai rencontré plein de nouvelles personnes, ors trouvé un appartement où j’ai fais con- la plupart étant comme moi en échange. Des naissance de mes flatmates. Comme celles-ci gens de partout en Europe et des quatre coins
Vue du pont Charles, Prague.
Chacune des personnes à qui vous parlerez d’un échange étudiant vous dira de simplement choisir une destination, et de foncer. Les grands voyageurs aussi penserons que c’est une bonne idée d’aller s’évader le temps d’un an, ou d’un semestre. Ce qui est certain, c’est que vous reviendrez fort probablement transformés et que vous voudrez assurément y retourner.
CRÉDIT: CATHERINE JOUBERT
Avril 2014 12
Volume 32 - Numéro 4
POLEMIQUE DU MOIS Deux journalistes, deux points de vues, un sujet. Faites entrer la polémique.Ce mois-ci:
pour ou contre la politique environnementale du Parti Québécois?
CONTRE: Quelle politique environnementale?
Hadrien Chenier-Desmarais
L
es débuts du gouvernement péquiste élu en 2012 pouvaient laisser croire que l’environnement serait une priorité de ce gouvernement. En effet, avec le décret forçant la fermeture de Gentilly-2 et les annonces pour l’électrification des transports en commun au Québec le Parti Québécois semblait être sur la bonne voie pour faire en sorte que le Québec devienne un chef de file dans le domaine de la lutte aux changements climatiques. Cependant, ce même gouvernement a depuis annoncé vouloir faire en sorte que le Québec acquière l’indépendance énergétique. Cette mesure semble de premier abord être dans le même ordre d’idées que les mesures citées plus haut, mais la réalité est contraire. Depuis l’annonce de ce désir d’indépendance énergétique, le gouvernement du Parti Québec a promis d’investir 115 millions de dollars pour amorcer la phase d’exploration pour connaitre le potentiel pétrolifère de l’île d’Anticosti. Il est important de mentionner que cette aide fait en sorte que le gouvernement du Québec se retrouve à être le parti qui prend le plus de risques parce qu’il est celui qui y investit le plus d’argent.
Bien que le PQ reste contre l’exploitation du gaz de schiste, l’aide que le PQ vient d’accorder à l’exploitation pétrolifère sur l’île d’Anticosti porte un coup dur à cette image de parti prêt à défendre l’environnement. Le pétrole et son exploitation restent, ne l’oublions pas, une des principales sources de pollution de l’air.
« le Parti Québécois vient, encore, de montrer qu’il n’avait pas le courage de ses promesses » Cependant, l’aide à l’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti n’est pas la seule mesure qui fait que le Parti Québécois n’est pas le défenseur de l’environnement qu’il aurait pu devenir. En effet, Nicolas Marceau, ministre des Finances et de l’Économie, annonce, sur son site internet de député, que le PQ compte relancer l’industrie de l’exploitation forestière sans faire aucune annonce pour mettre en place des mesures qui forceraient les entreprises forestières à être plus responsables face aux dégâts environnementaux que leur industrie cause. Cependant, rien
La coupe à blanc : pratique très répandue chez les compagnies forestières québécoises.
dans la loi encadrant l’exploitation forestière au Québec ne prévoit de mesures qui feraient en sorte que les entreprises exploitant cette ressource aient une quelconque obligation de replanter les arbres qu’ils ont coupés, excepté pour les entreprises qui ne respecteraient pas la loi. De plus, l’annonce sur le site du député et ministre Nicolas Marceau ne prévoit aucun changement de ce type à la loi. Les forêts étant ce que nous appelons communément les poumons de la terre, si le gouvernement du Parti Québécois était vraiment soucieux de s’attaquer au difficile problème des changements climatiques, il n’hésiterait pas à rendre la restauration des sites exploités par l’industrie obligatoire. Par conséquent, malgré les débuts prometteurs en politique environnementale de la part du Parti Québécois en 2012, les mesures mises en place et les annonces qui ont été faites concernant certains secteurs font en sorte que se poser la question «mais où est la politique environnementale du Parti Québécois?» est tout à fait justifié. En fait, le Parti Québécois vient, encore, de montrer qu’il n’avait pas le courage de ses promesses.
IMAGE TIRÉE DU FILM L'ERREUR BORÉALE, DE RICHARD DESJARDINS ET ROBERT MONDERIE
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Volume 32 - Numéro 4
POLEMIQUE DU MOIS Deux journalistes, deux points de vues, un sujet. Faites entrer la polémique.Ce mois-ci:
pour ou contre la politique environnementale du Parti Québécois?
POUR: Le gouvernement le plus vert de l’histoire du Québec Guillaume Rousseau
D
epuis le début de la présente campagne électorale, nous entendons dans les médias diverses attaques visant le gouvernement sortant du Parti Québécois. L’une des critiques les plus virulentes envers le parti souverainiste provient de Québec Solidaire qui attaque le bilan environnemental de son administration. Les solidaires dénoncent ce bilan en l’associant à celui d’un parti qui voudrait transformer le Québec en état pétrolier, mais est-ce bien le cas ? L’épreuve des faits nous montre plutôt que le Parti Québécois a formé le gouvernement le plus soucieux de la protection de l’environnement depuis des décennies ! Pauline Marois et son administration ont commencé leur mandat en force en fermant la centrale nucléaire Gentilly-2 et en mettant fin à l’exploitation de l’amiante. Ces deux décisions mettaient fin à deux marchés particulièrement pour l’environnement au Québec. Par la suite, le Parti Québécois a mis fin au programme des mini-centrales hydroélectriques qui nuisaient non seulement à nos petites rivières, mais produisaient aussi des surplus d’électricités inutiles dans le contexte actuel. S’ajoutent à cela un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes, le renforcement des amendes pour ceux qui enfreindraient la loi sur la qualité de l’environnement, l’accélération du processus de création de la loi pour la protection des milieux humides et l’injection de plus de deux milliards de dollars des fonds publics dans le développement des énergies renouvelables. Le Bureau d’Audience Publique en Environnement (BAPE) ayant retrouvé son indépendance suite à la nomination par Daniel Breton de Pierre Baril et LouisGilles Francoeur à sa tête, le gouvernement Marois a aussi commandé plusieurs études du BAPE notamment sur les hydrocarbures et leurs impacts sur les îlesde-la-Madeleine et sur la filière uranifère
au Québec. De plus, une étude du BAPE est maintenant obligatoire pour tous les projets miniers de plus de 2000 tonnes, grâce aux modifications apportées à la loi sur les mines qu’a fait adopter la ministre des ressources naturelles Martine Ouellet. Il est à noter l’incohérence des députés de Québec Solidaire, Françoise David et Amir Khadir, qui se sont opposés aux modifications à la loi sur les mines malgré toutes les mesures de protection de l’environnement que celles-ci contenaient. Toutes ses avancées ne sont que la pointe de l’iceberg de ce que le gouvernement sortant a fait pour protéger l’environnement, mais la plus importante d’entreelles est sans nul doute la politique d’électrification des transports. Cette politique, la plus ambitieuse du genre en Amérique du Nord, prévoit l’injection de 516,1 millions de dollars afin d’électrifier nos modes de transport investis notamment dans l’installation de 5000 bornes de recharges pour les véhicules électriques partout sur le territoire et de 1000 bornes supplémentaires près des édifices gouvernementaux. Elle prévoit aussi l’introduction de 12 500 véhicules électriques sur nos routes d’ici 5 ans, et la valorisation de nos transports électriques afin qu’un maximum de Québécois soient portés à les utiliser. Afin de nous positionner comme un des meneurs mondial dans ce domaine, il va sans dire que des fonds sont prévus pour créer une industrie du transport électrique au Québec. Cette politique ambitieuse, mais réaliste, créera des emplois à la grandeur du Québec, tout en diminuant notre dépendance au pétrole.
Cette politique reçoit 5 fois plus de fonds que ce qui a été annoncé par le gouvernement du Québec pour reprendre possession des droits d’exploration sur le pétrole d’Anticosti, ce qui démontre que l’administration Marois n’a pas comme objectif de transformer le Québec en État pétrolier, car si nous sommes réalistes, nous voyons qu’il prendra un certain temps avant de sortir le Québec du pétrole et que d’ici-là, il vaudra mieux produire notre propre pétrole plutôt que de continuer à l’importer d’ailleurs, ce qui est moins dangereux et nocif pour l’environnement, car il y aura une étude du BAPE de lancée avant qu’une seule goûte de pétrole ne soit exploité. Somme toute, le Parti Québécois a mené le gouvernement le plus vert des dernières décennies, tout en demeurant réaliste et cohérent envers ses objectifs, comme nous le démontre l’ensemble des mesures en matière environnementale qui ont été mises en place sous sa gouverne.
14 Avril 2014
Volume 32 - Numéro 4
CHRONIQUES
Je tu moi moi ,toi, nous, les autres : Miriam Sbih
C
petit périple exotique en moi pour te voir toi
omment définir ou écrire le soi ? Peu importe dans quel domaine d’études vous vous trouvez, voici une interrogation centrale qui ne peut que ressurgir incessamment, lorsqu’il est question de former une identité ou bien de la déterminer. Que le Je que l’on tente de définir consiste en un individu seulement ou bien en une collectivité, décider d’un moi implique nécessairement de franchir non seulement les frontières de la langue qui nous est propre, mais aussi celles de la culture et des époques, ce qui mène à des dialogues et donc à des échanges entre les hommes, dialogues qui se veulent harmonieux et qui visent une nature plus universelle. Ainsi, nous pouvons comprendre que pour définir et écrire le soi, l’Autre constitue un fondement essentiel, non pas uniquement parce que son existence et sa présence sont incontestables, mais également parce qu’on ne peut pas se raconter et se construire individuellement, en faisant fi de notre rapport au passé, à l’histoire, concepts qui sont systématiquement universels. Pour qui définir le moi, au juste ? Les rapports entre le Je et l’Autre à travers la question identitaire étant aussi complexes et sempiternels que captivants, j’ai décidé de m’aventurer à tenter de les comprendre à travers la notion d’orientalisme, thèse concrètesurtout connue en cette époque contemporaine grâce à la contribution de l’intellectuel Edward. W. Saïd, que j’utiliserai abondamment- qui selon moi représente parfaitement la construction et conscience identitaire du Je, à travers l’autre. Qu’est-ce que l’orientalisme ? Si je me contentais de tracer grossièrement les grandes lignes de l’orientalisme, de dire qu’il s’agit de la conscience identitaire de l’Occident, à travers l’idée de sa supériorité sur l’Orient suffirait. Effectivement, celuici traite de la relation entre l’Occident et l’Orient, à travers laquelle nous pouvons observer, du côté des Européens, une représentation de l’Autre silencieuse qui ne permet non pas de saisir cet Autre justement, mais bien de construire sa propre identité, identité essentiellement caractérisée par une conception supérieure du moi, par comparaison. Il est important de saisir que l’orientalisme est un mode de discours employé non seulement pour traiter du monde oriental et le comprendre à travers notre monde, mais en majeure partie il sert –que ce soit implicitement ou pas- à raffermir l’identité européenne puisque ce qui est ultimement recherché n’est pas une vérité sur l’Autre, mais bien sa repré-
sentation par l’Occident et pour l’Occident. Ainsi, il y a définition et portrait de l’Autre dans un but presque unique de définir le soi et d' en raffermir le pouvoir. L’orientalisme : gâteau à trois étages Ce qui est caractéristique de l’orientalisme en tant que domaine d’analyse pour Saïd, c’est la séparation soulignée entre l’Orient et l’Occident, séparation que le critique considère créer de toutes pièces, dans le besoin de l’Autre ; « (…) la ligne tracée pour délimiter l’Occident de l’Orient, une ligne moins proche, selon moi, d’un fait naturel que d’une construction humaine, que j’ai désignée comme la géographie imaginaire. » Pour bien saisir l'orientalisme, il faut obligatoirement poser comme son principe, cette géographie imaginaire qui est commune aux trois principales définitions données à ce discours. La première définition précise que l’orientalisme repose sur la relation historique et culturelle entre l’Europe occidentale et l’Orient. La signification du discours orientaliste ne se comprend qu’en portant une extrême attention au contexte et à l’histoire. J’entends par là que les cadres politiques et culturels ne peuvent être négligés. Ainsi, pour saisir la relation entre l'Europe et l'Orient, il ne faut guère oublier leurs rapports respectifs, soit l’Europe en tant que pouvoir impérialiste et l’Orient en tant que colonie de cet empire, ce qui en fait une « ( …) relation de pouvoir et de domination. » Par la suite, Saïd établit une définition universitaire de l’orientalisme, c’est-à-dire qu’il le place comme mode de discours académique et domaine d’études extrêmement présents parmi les institutions. Effectivement, « est un orientaliste toute personne qui enseigne, écrit ou fait des recherches sur l’Orient en général ou dans tel domaine particulier. » Ainsi, l’orientalisme est l’étude académique, principalement au niveau universitaire, de cultures et de traditions orientales, par les Occidentaux. Les Français et les Anglais furent les principaux sujets européens attachés à cette notion, et ce, du début du dix-neuvième siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, l’Amérique rentre en ligne de compte et entretient elle aussi maintenant une relation de domination sur l’Orient. En somme, toujours en gardant à l’esprit ce concept de géographie imaginaire et donc d’une séparation intrinsèque existant entre le monde occidental et oriental, une grande tradition intellectuelle s’est développée et instaurée dans les institutions universitaires et les études qu’elles entreprennent. Finalement, la troisième sorte
d’orientalisme que Saïd définit est celle qui tient de l’imaginaire. Effectivement, il s’agit d’observer que l’Orient est l’Autre par excellence pour l’Occident non pas seulement comme sa colonie et son opposé, mais également par son côté mythique et fantastique. L’Orient a suscité et continue de susciter chez l’Européen des fantaisies et des images, en d’autres mots, il le fait rêver. Saïd fait donc mention d’un très large corpus de textes dans lesquels cette idée par l’Occidental de l’essence orientale est générée et ressassée entre les écrits, qu’ils soient philosophiques, poétiques, politiques, romanciers, etc. À travers ce que l’Européen croit savoir et voudrait savoir de l’Orient, il crée. En somme, lorsque l’on traite de l’orientalisme, non seulement ne faut-il jamais oublier qu’il s’agit d’un discours pour raffermir l’identité européenne- le moi à travers l’Autre-, mais également que la tradition du discours orientaliste ne peut pas être dénuée de contexte. En tant qu’humaniste, Saïd semble mettre un point d’honneur sur le fait que l’on ne peut dissocier le sujet de son œuvre. Je veux exprimer par cela que même en écrivant sur l’autre, le poète ou le romancier ne peut pas se dissocier de ses conditions personnelles et ainsi, la pensée qu’il existe une ligne nette qui sépare les deux mondes ainsi que la relation de pouvoir qu’entretient l’Europe envers l’Orient ne peuvent être mises de côté lorsque l’on analyse la notion d’orientalisme dans son ensemble. En faisant parler l’Orient à travers ses voix, l’Europe renforce sa conscience identitaire à travers la représentation de l’autre. Afin de bien comprendre cette facette de l’orientalisme, il faudra tenter de comprendre ce rapport indéniable entre la représentation européenne de l’Orient et les relations de pouvoirs qui se jouent entre les deux « endroits ». Avons-nous réellement besoin d’un autre concret afin de construire le soi ? Nous construisons-nous totalement et entièrement par nous-mêmes ? Je cesse mon questionnement mi-philosophique, mi-inutile, et vous conseille plus que fortement, si cette « saucette » dans la thèse de l’orientalisme vous a plu, la lecture de L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident ainsi que Réflexions sur l’exil et autres essais, ouvrages excellents et éclairants sur la question, écrits par nul autre qu’Edward W. Saïd !
15 Avril 2014
Volume 32 - Numéro 4
CHRONIQUES
Les industries culturelles, entre uniformité et diversité Sihem Attalah
L
’ ère actuelle de la mondialisation, son accélération sans précédent et l’intensification spectaculaire des flux mondiaux, encouragent vivement l’homogénéisation des différentes cultures locales, ce qui suscite des contestations passionnées au sein des différentes nations. Les caractéristiques culturelles que s’approprient les individus ne sont pas statiques, mais dynamiques. Elles relèvent de mouvements constants entre les sociétés qui s’influencent réciproquement, mais sur le long terme, ce phénomène peut conduire à un sentiment de perte de repère, d’exclusion, voire même de conflit. Face à la globalisation, beaucoup craignent de voir l’uniformité l’emporter sur la diversité. Cette peur est d’autant plus renforcée aujourd’hui par les innombrables opportunités qu’offre la révolution numérique, mais également par les nouveaux phénomènes d’industrialisation et de marchandisation de la culture. Internet, la télévision, le cinéma, la photo ou les réseaux télématiques sont les nouveaux outils d’une communication et d’une information à l’échelle planétaire, qui se développe depuis les années 1950. Elle facilite la diffusion mondiale de productions culturelles, ainsi qu’une conver-
Guillaume Freire
L
gence de leur contenu sur plusieurs plateformes numériques, grâce à laquelle se développe un vaste secteur de divertissement. La mondialisation des industries culturelles n’est pas un phénomène nouveau : certaines sont très anciennes, et avaient des vocations universelles dès leur commencement. C’est le cas de Kodak notamment, qui dès 1890 ouvraient des filiales dans plusieurs pays, ou encore de Gaumont pour l’industrie cinématographique. Aujourd’hui ces industries font preuve d’une résistance nationale presque aussi vive que celles des autres secteurs économiques. Si l’avènement du numérique semble offrir un contenu culturel plus vaste, il n’est pas forcément plus varié. L’offre ayant fortement augmenté, les consommateurs se retrouvent devant un éventail de choix beaucoup trop grand. Cette abondance renforce le rôle des industries culturelles qui viennent influencer nos choix. Des individus et des institutions utilisent les identités culturelles pour en tirer des bénéfices. La particularité du numérique est qu’il constitue l’émergence de nouveaux prescripteurs comme les moteurs de recherches, les communautés virtuelles ou les sites web, qui font vivement concurrence aux anciens, et modifient le système culturel qui
entoure chaque individu. Ces changements industriels et médiatiques ont également des conséquences sur les filières culturelles nationales. Plusieurs d’entres elles, qui auparavant fonctionnaient de manière autonome se sont rapprochés, comme le monde de l’audiovisuel, de l’information et des télécommunications par exemple. Ils développent de nouvelles stratégies de diffusion qui suivent une logique de multisupports. Lorsque les industries viennent de différents pays, ces affiliations constituent un problème national majeur, dans la mesure où il est difficile de règlementer la production. La question de la compétition entre ces différentes entreprises culturelles mérite aussi d’être soulevée. Il est difficile de savoir si elles préservent réellement la différence ou au contraire alimentent l’homogénéité. Il semblerait que les exigences de rentabilité des entreprises limiteraient la prise de risques créatifs. Ainsi, la puissance des industries culturelles, et en particulier du numérique, fait qu’aujourd’hui, les opportunités des consommateurs sont infiniment plus diversifiées qu’elles ne l’étaient auparavant, mais paradoxalement, les choix culturels n’en sont pas plus variées.
L'ALENA: l'accord régional incomplet
orsque nous analysons les politiques gouvernementales au Québec, on oublie souvent d’y inclure le cadre politique et juridique de l’ALENA. Pourtant, cet accord influence bien évidemment le développement économique et la marge de manœuvre du Québec. En fait, nous n’avons qu’à penser à la poursuite à laquelle Ottawa fait face à cause du moratoire sur les gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent pour se rendre compte qu’il y a une limite à la décision de nos élu(e)s. Lors du colloque des 20 ans de l’ALENA , les intervenants ont émis un constat quasi univoque : l’ALENA a profité aux États membres. L’accord régional permet la collaboration des élites, mais on sent que le partage équitable entre les nations ne s’est pas produit. Au niveau économique, culturel et social, il y eut peu de gagnants et beaucoup de perdants. Sur ce point, les panélistes de la conférence « L’impact de l’ALENA sur l’économie québécoise : quel bilan ?» avaient des visions différentes. Pour la CSN, l’ALENA fut la cause des réformes contre les travailleurs au Canada et de la délocalisation des entreprises, notamment. Il est toutefois très difficile de conclure à la causalité plu-
tôt que de la corrélation du facteur ALENA sur les changements socio-économiques des pays membres. François Vaillancourt, du CIRANO, affirme que l’augmentation des exportations du Québec entre 1971 et 2011 serait expliquée de 20 à 40% par l’ALENA, ce qui aurait stimulé l’emploi. Stéphane Paquin, de l’ÉNAP, a mis en lumière que le Québec est étroitement lié aux exportations : nous produisons deux fois plus que ce dont nous avons besoin à l’interne. Le Québec aurait ainsi grandement profité de l’exportation dans les premières années de l’ALENA. Par la suite, le seul secteur en hausse d’exportation fut l’énergie (la production de pétrole de l’Alberta augmenta grandement à ce moment). Malgré tout, depuis 1993, le chômage au Québec n’a jamais dépassé 10%, avec un taux d’emploi autour de 60%. Malgré les changements de politiques, le Québec a augmenté ses programmes sociaux de près de 10 milliards $ (1990-2000). L’inégalité (testé avec le coefficient de Gini) aurait augmenté durant ces années, mais elle serait plutôt due aux baisses d’impôts au fédéral, selon M. Paquin. Ce qui est plus intéressant à étudier est l’histoire moins connue de l’ALENA : la tentative d’y ins-
taurer des clauses sociales. Par contre, le Canada et le Mexique auraient refusé de les inclure dans le texte de l’ALENA, selon Sylvain Zini. Mon interprétation, pour le Canada, est que le caractère fédératif du pays aurait engendré le refus des provinces de ratifier ce document dans l’intégralité, dû à une atteinte à leurs champs de compétences. C’est ainsi que l’ANACT (Accord Nord-Américain de Coopération dans le Domaine du Travail) prit la défense des droits sociaux dans les trois pays, en parallèle à l’ALENA. Par contre, lorsque le politique délaisse un pan d’une politique, on ne peut s’attendre à ce qu’il se supporte seul : en date de la conférence, il n’y avait plus personne sur le Conseil d’administration de cette agence. Cet accord a permis d’harmoniser les législations déjà en vigueur entre les États membres, mais n’a aucunement permis de créer un marché commun des travailleurs . Sur cette brève mise en contexte, je vous lance une question : le problème réside-t-il dans l’ALENA, ou plutôt dans le manque de leadership politique dans l’amélioration des normes de travail et sociales en Amérique du Nord?
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Volume 32 - Numéro 4
ART & CULTURE
Addiction d'un autre genre Anaïs Boisdron
R
écemment une vidéo a fait le tour de la toile. Mon colocataire a littéralement déboulé dans ma chambre pour s’enquérir de mon avis tellement la chose était sujette à réflexion. Le genre de phénomène auquel vous ne pouvez réchapper, comme les vidéoclips Happy, ou Blurred Line de cet été. Je les appelle les vidéos infectieuses : une fois qu’une personne les a vues, elle contamine tout son cercle d’amis. Il est difficile de comprendre cet engouement généralisé et soudain pour une chose. Estce que c’est par souci de mode, ou parce que l’objet mérite réellement toute cette attention ? Cette capacité de nos jours que nous avons à transformer en un clin d’œil ce qui n’était qu’une vulgaire chenille en un Lepidoptera est déconcertante et fascinante à la fois. Les outils de communications, notamment visuels, sont tels que n’importe quoi peut faire le « buzz » plus rapidement que l’on ne dit « ouf ». Désormais, il est impossible de rater quoi que ce soit; ce qui est destiné à devenir incroyable le sera tout de suite ou ne le sera jamais. N’en
Q
Gaëlle Mazé
serions-nous pas venus à banaliser le chef d’œuvre ? Y a-t-il encore une possibilité de créer le chef-d’œuvre finalement ? Toute la symbolique mystique semble disparaitre. On vit dans l’instant et dans la sensation, on est drogué à ce qui choque, ce qui procure instantanément une réaction bonne ou mauvaise, intense ou subtile. Dans ce projet vidéo, 20 couples d’inconnus s’embrassaient. On pouvait assister à leurs réactions précédant le baiser et après celui-ci. Était-ce intéressant ? Est-ce que ça avait besoin de l’être ? Non. Tout résidait dans l’esthétique. La sexualité est fascinante, magnétique. Elle est intime et interdite ce qui fait d’elle l’œuvre d’art la plus parfaite, on peut tous la saisir dans son entièreté sans jamais pouvoir comprendre ce qu’elle représente pour les autres. C’est justement le tabou et l’esthétisme que réussit à capturer le cinéaste suédois Lars Von Tiers dans son dernier long métrage Nymphomaniac. Les dernières années ont été particulièrement prolifiques en matière
de sexe pour l’industrie du cinéma. Après la perversion compulsive (Shame, A dangerous method), la prostitution (Jeune et Jolie, Sleeping Beauty), la pornographie (Lovelace), c’est la dépendance au sexe qui fait, ici, figure de plat de résistance. Le pari est incroyable, mais l’exercice est à la hauteur du réalisateur. C’est une symphonie visuelle, on ne s’attend jamais à la prochaine note, entre poésie et passages crus, le dosage est bon et cela nous ravit. Nymphomaniac est le point final, apporté par le réalisateur, de la fantastique trilogie sur la dépression. Faisant suite à Antichrist et Melancholia, cette saga sera composée de deux parties ce qui le rend d’autant plus désirable, et pas moins bon. Nous sommes tenus en haleine par l’histoire trépidante que compte Charlotte Gainsbourg à Stellan Skarsgard, celle d’une petite fille ordinaire qui, en grandissant, laisse place à une femme qui se bat contre l’amour avec le sexe. En salle au Québec le 21 mars 2014.
Un musée à la dent longue!
ui n’a jamais eu peur du dentiste? L’occasion de s’immuniser contre cette angoisse se présente au public depuis le 26 février. En effet, le Musée Eudore-Dubeau, entièrement consacré à la Dentisterie d’hier à aujourd’hui, rouvre ses portes après des années de fermeture. Tous les mercredi et jeudi de 10h à 18h, les Montréalais pourront découvrir ou redécouvrir, pour les anciens, un musée insolite et unique à Montréal. Le musée se veut être un endroit où l’image de « la salle de torture » du dentiste s’efface pour laisser place à la magnificence de l’histoire. Le Musée Dentaire héberge en effet un impressionnant échantillonnage d’artefacts issus de l’histoire de la Médecine dentaire et de l’histoire de son enseignement au Québec. Installée au sein de la plus grande faculté francophone de Médecine Dentaire en Amérique du Nord, la collection dentaire de l’Université de Montréal a été fondée entre 1976 et 1978, par la volonté des professeurs de recueillir l’histoire passée. Le Musée porte le nom du premier doyen de la faculté, personnage fascinant, peu connu du public, mais qui
a pourtant laissé une marque indélébile dans l’histoire de la médecine dentaire du Canada. N'ayons pas peur des mots, c’est l’un des seuls musées de la spécialité au Canada. Il est en effet assez rare de trouver une collection riche et abondante en gros matériel de clinique et de petite instrumentation de chirurgie. Les collections sont aménagées dans de grandes vitrines au milieu de reconstitutions de cabinets dentaires de 1850 à 1950. Des spécialités et techniques plus ou moins récentes y sont représentées permettant au visiteur d’évoluer dans un monde chargé de mémoire, entre des instruments anciens et des photographies qui remontent le cours du temps jusqu'aux débuts de la dentisterie. Denys Ruel, directeur du Musée, décrit cet endroit comme « la mémoire de l’Université » et souhaite que la population de Montréal ne reste pas orpheline de son histoire. Voilà une belle occasion de découvrir un volet peu connu de notre patrimoine. Le Musée sera ouvert pendant toute la période scolaire universitaire et lors de certains évènements qui seront annoncés sur le prochain site internet du Musée.
Venez nombreux aux 24h de la Science, où des activités seront proposés le 9 et 10 mai 2014, de 10h à 18h. Le Musée peut aussi être ouvert sur Rendez-vous pour des visites de groupe ou des réceptions, hors des heures habituelles, en écrivant à l’adresse suivante : musee@medent. umontreal.ca Adresse : Université de Montréal. Pavillon Roger Gaudry, entrée B-1.
Modèle Anatomique.
CRÉDIT: MUSÉE DENTAIRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL