Mémoire de fin d'études 2019

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RONZE Clémence

Sous la direction de Maria Anita Palumbo Année 2018-2019 Mémoire de fin d'études - Master 2 Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Saint-Etienne

ENTRE APPROPRIATION, PROCESSUS DE TRANSFORMATION ET RÉHABILITATION : REGARD SUR L'HABITAT COLLECTIF EN FRANCE ET EN ROUMANIE



Remerciements

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Avant-Propos

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Introduction / Une comparaison impossible ?

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1. L'habitat en Roumanie : le cas généralisé des « blocs »

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1.1. Régime politique et politique urbaine : -----------------------------------entre totalitarisme et systématisation du territoire

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1.1.1. Contexte historico-politique : les régimes totalitaires de Gheorghiu-Dej et Ceausescu 1.1.2. Urbanisme et architecture : entre systématisation du territoire et influence soviétique 1.1.3. 1989 : quand la chute du régime modifie la structure économique et sociale des villes

1.2. État des lieux de l'habitat : les « blocs » aujourd'hui 1.2.1. Les blocs en chiffres : entre qualité de vie et problématiques structurelles 1.2.2. Médias, experts et habitants : des points de vue en conflit 1.3. Entretenir le parc de logements : le rôle des acteurs publics 1.3.1. La réhabilitation par l’État : une politique globale de surface 1.3.2. Bucarest et Iași : des réhabilitations à deux vitesses 1.4. Entretenir le parc de logements : le rôle des acteurs privés 1.4.1. Quand les habitants répondent à leurs propres besoins 1.4.2. Bucarest et Iași : entre initiatives personnelles et associatives 1.5. Conclusion

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2. L'habitat social français : la spécificité ------------des grands ensembles 33 2.1. Historique et mise en contexte : les grands ensembles 2.1.1. Le contexte économique français : besoins en logements

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et développement urbain 2.1.2. Les grands ensembles aujourd'hui : nouveaux usages et besoins de rénovation

2.2. Réhabiliter : répondre à des besoins techniques -----------------pour améliorer l'habitat

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2.2.1. La réhabilitation énergétique : une politique pour sauver les grands ensembles ? 2.2.2. Lacaton & Vassal et le quartier du Grand Parc à Bordeaux : quand la réflexion architecturale s'ajoute à la réhabilitation énergétique

2.3. Réhabilitation et développement urbain : des politiques-------------- urbaines pour redynamiser un quartier

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2.3.1. Réhabiliter et démolir : deux visions complémentaires 2.3.2. Rennes Maurepas : un projet urbain dans un quartier auparavant isolé 2.4. Le patrimoine architectural : quand la réhabilitation --------------fait face à la conservation

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2.4.1. Patrimoine et labellisations : entre obstacle et soutien 2.4.2. Firminy-Vert et l'unité d'habitation du Corbusier : un patrimoine à entretenir 2.5. Conclusion 45

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3. L'habitant, l'habitat et la ville : des critères ----pour des voies de réhabilitation 3.1. Réadapter l'habitat 3.1.1. La notion de chez-soi / « casă » et « acasă » 3.1.2. Espaces pragmatiques en Roumanie et rôle de l'architecte en France 3.1.3. Le rôle de l’État 3.2. Requalifier les espaces et le paysage urbain 3.2.1. Esthétique et protection du patrimoine 3.2.2. Cohérence urbaine et urbanité 3.3. Conclusion

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Conclusion

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Bibliographie

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Table des figures----------------------------------------------------------------...........----66 Annexes --------------------------------------------------------------------------------------69

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Remerciements Je remercierai tout d'abord Maria Anita Palumbo, professeure référente pour ce travail de mémoire, qui m'a suivie et conseillée tout au long de l'élaboration de ces recherches. Je tiens également à remercier Rachid Kaddour, pour ses connaissances apportées ponctuellement autour de mon sujet d'études et pour ses références pertinentes qui m'ont permis de mieux cerner certaines problématiques présentes dans mon travail. Par ailleurs, je remercie chaleureusement toutes les personnes m'ayant apportée leur aide et leur savoir et pris de leur temps pour me permettre de mener au mieux mes recherches : Monsieur Andrei Radu, architecte et professeur à la faculté d'architecture GM. Cantacuzino de Iasi qui, à travers ses cours sur la réhabilitation, m'a conduit à développer un regard critique sur cette thématique. Également, Mme Rodica Boazu, ingénieure et professeure, qui m'a éclairée sur la technique de construction en Roumanie et m'a permis de comprendre des processus qui m'étaient jusqu'alors inconnus. Enfin, je souhaite remercier mes amis architectes stéphanois ainsi que ma famille qui ont porté de l'intérêt pour ce mémoire et qui m'ont offert des avis divers et enrichissants. Merci à Claudia pour son aide ponctuelle pour la traduction, ainsi qu'à mes amis étudiants architectes de la Faculté de Iasi, Theodor, Ioana et Clarisa. Merci à mes amis Mihaela Hurduc, Mihaela Condac, Marzia Tiberti et Razvan Toma sans qui mon amour pour la Roumanie, son histoire et son architecture n'aurait jamais vu le jour.

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Avant-Propos La réhabilitation comme processus de projet, l'habitat comme sujet d'études. J'ai choisi d'apporter une réflexion sur ces deux thématiques pour lesquelles je porte un intérêt tout particulier, de par mon apprentissage en licence et mes approfondissements en master à l’École d'Architecture de Saint-Étienne et à la Faculté d'Architecture GM Cantacuzino de Iași, en Roumanie. J'ai souhaité apporter une vision parallèle, complémentaire, à un travail de recherche déjà réalisé en 2016 sur la question de l'héritage en architecture, avec pour sujet d'étude le patrimoine urbain de l'habitat collectif en Roumanie. A travers cette étude, j'ai pu aborder des thématiques qui m’interpellent particulièrement et qui sont pour moi essentielles dans la compréhension et l'accueil de l'architecture : l'habitat et l'héritage. L'habitat est pour moi la notion la plus centrale de l'architecture, puisqu'elle touche directement à l'individu, dans son intimité, dans ses mœurs, dans sa vie personnelle. On peut étudier le rapport à l'espace, leur hiérarchie au sein de la maison, de l'appartement, de l'habitat en général ; on peut aussi faire référence aux usages et à l'affect, qui s'imprègnent dans l'espace et créent un rapport personnel avec son habitant. L'héritage se réfère à l'Histoire et à la culture. Il me semble nécessaire de connaître le contexte de construction d'un édifice pour en comprendre son sens, ses choix de matériaux, ses usages, etc. Il me paraît aussi important de garder une trace de l'Histoire à travers l'architecture, car elle est intimement liée aux faits de société, à l'économie, à la politique d'un pays, d'une ville, d'un quartier, à une période donnée. En travaillant sur la situation roumaine, j'ai pu contextualiser l'habitat collectif au sein d'un régime politique totalitaire lourd d'Histoire et de blessures pour la population. Dans un cas comme celui-ci, le futur des édifices est remis en question, d'un point de vue architectural, mais aussi éthique et économique. Mon intérêt pour la Roumanie s'est dessiné très tôt puisque j'ai pu y voyager régulièrement depuis sept ans maintenant, pour ensuite y vivre et réaliser mon Master 1 dans la ville de Iași. Cette architecture d'habitat collectif m'a rapidement fascinée de par ses caractéristiques atypiques (que je détaillerai et illustrerai dans mon propos), mais j'ai rapidement compris que cette architecture était bien plus présente dans l'ensemble du monde que je ne pouvais le penser. Je me suis rapidement habituée, comme on s'habitue à tout, et ces paysages urbains m'ont alors paru familiers. J'ai fini par habiter dans l'un de ces immeubles, je les ai expérimenté et j'ai pu en découvrir les bons comme les mauvais côtés. C'est donc assez naturellement que je me suis questionnée sur les possibilités de réhabilitation de ces immeubles. Je me suis rapidement rendue compte qu'un seul point de vue n'était pas suffisant pour permettre une analyse élargie et riche sur un tel sujet. Cette architecture de l'habitat collectif roumain m'a donc rapidement conduit à reconnaître sa similitude avec nos grands ensembles français : des barres, du béton, une même époque, la ressemblance était criante. J'ai pensé qu'il serait judicieux de s'appuyer également sur une architecture qui m'est tout aussi familière afin d'apporter une double vision sur le sujet et de proposer des itinéraires de recherche parallèles. 5


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Figure 1. Bloc H-1 (1960's), Boulevard Nicolae Iorga, Podu Ros, Iasi, Roumanie

Figure 2. AllÊe Giacomo Puccini (1950's), Montreynaud, Saint-Étienne, France 8


Introduction / Une comparaison impossible ? Ovidiu, 31 ans, habite dans l'un de ces innombrables blocs du quartier de Podu Roș, dans la ville de Iași (Nord-Est de la Roumanie) avec sa femme, Ioana, 29 ans, et sa fille Ana, 8 ans. Ils vivent au sixième étage, dans un petit T3 de 50 m². Pour l'instant, leur logement leur convient parfaitement, ils sont proches du centre-ville, et ont assez d'espace pour vivre à trois. Ovidiu travaille pour une entreprise de location de voitures, plus au nord de la ville. Mais il n'a qu'une dizaine de minutes de trajet pour aller de son appartement à son travail, la ville étant adaptée à la circulation routière. Ce matin, Ovidiu est en congé. Il doit partir chez ses parents pour le weekend avec sa femme et sa fille, dans l'après-midi. Il en aura pour deux heures et demie de route jusqu'à Suceava. Il voulait en profiter pour se reposer un peu avant de prendre la voiture mais son voisin du cinquième étage, Ciprian, 67 ans, réalise des travaux depuis une semaine, et les ouvriers sont arrivés à 8 heures du matin pour faire tomber la cloison qui sépare la cuisine du séjour. L'isolation phonique n'est pas vraiment bonne dans cet immeuble. Ovidiu est d'ailleurs heureux de pouvoir s'échapper pour le week-end, car ses voisins du septième étage, Ioan et Alex, deux étudiants en colocation de la faculté d'informatique du campus Gheorghe Asachi ont prévu de fêter leur diplôme samedi soir. La petite Ana n'aurait pas pu fermer l’œil de la nuit, sa chambre étant juste en dessous du salon de Ioan et Alex. La vie dans l'immeuble était plus calme lorsque les parents d'Alex habitaient cet appartement, mais ils ont réussi à mettre assez d'argent de côté pour investir à quelques blocs de là, et ont laissé ce logement à leur fils. Puisqu'il ne peut donc pas se reposer ce matin, Ovidiu décide d'aller faire quelques courses au kiosque qui se trouve à quelques pas de son immeuble, sur la Strada Nicolina. On y trouve de tout, et c'est ouvert 24h/24. En descendant, il croise dans l'ascenseur Stefan et son frère jumeau Claudiu, les deux derniers d'une famille de cinq enfants. Ils vivent au troisième étage, dans un T3 eux aussi, mais à sept, c'est beaucoup plus difficile. Le salon a été transformé en chambre pour les deux plus grands, les trois autres enfants dormant dans la chambre du fond. Les parents ont la chambre restante, celle attenante à la cuisine. Au kiosque, Ovidiu croise sa voisine du premier étage, Mihaela, 83 ans (toujours accompagnée de son chien), trop vieille pour aller faire ses courses au supermarché de Palas Mall ou celui de Iulius Mall, centres commerciaux à une vingtaine de minutes à pieds. Après être passée au kiosque, elle aime s'asseoir sur les bancs de la petite cour de l'immeuble et regarder les enfants du quartier jouer sur l'aire de jeux. Le toboggan est brinquebalant et la balançoire cassée, mais la copropriété n'y fait rien. Les enfants trouvent cependant toujours des alternatives et s'imaginent gendarmes et voleurs entre les voitures garées sur le parking. A quelques 2000 kilomètres de là, Jeanine, 88 ans, vit dans un HLM dans le quartier de Montreynaud, à Saint-Étienne. Cela fait 46 ans qu'elle habite dans son T3 de 57 m². Elle y a emménagé avec son mari, Alphonse, aujourd'hui décédé, et ses deux fils alors âgés de 14 et 12 ans, en 1972. Elle aime beaucoup son quartier, surtout depuis que le centre commercial a vu le jour et offre un panel complet des magasins indispensables au quotidien des habitants. Épicerie, pharmacie, boulangerie, banque, poste, etc., tout est à proximité et évite à Jeanine de devoir faire de longs trajets en bus, elle qui n'a pas de voiture. Ce matin, elle a rendez-vous chez son coiffeur ; avant d'y aller, elle passe chez sa voisine, Fatou, pour lui donner le journal qu'elle a reçu le matin même. Elles partagent leur abonnement depuis plus de vingt ans, comme elles partagent leurs samedis après-midi, une semaine chez l'une, une semaine chez l'autre. Fatou, 72 ans, vit dans un petit T2 avec son mari. Ses trois enfants sont partis vivre à Lyon pour leur travail, et lui rendent 9


visite une fois par mois ; ils ne viennent que pour la journée car l'appartement de Fatou est trop petit pour les accueillir, avec leurs familles, pour une nuit. Après sa visite chez Fatou et son rendez-vous chez le coiffeur, Jeanine en profite pour passer à la pharmacie avant de retourner chez elle. Elle croise dans l'ascenseur Florian et Sacha, deux adolescents qui vivent respectivement au premier et au quatrième étage, et qui rentrent du collège pour le repas de midi. Elle ne les connaît pas très bien, mais elle les entend souvent chahuter dans les escaliers de l'immeuble, surtout pendant les vacances. Ces bâtiments sont leur terrain de jeux, bien que les plus anciens du HLM tentent souvent de les en dissuader, en vain. En fin d'après-midi, Jeanine ira au rendez-vous mensuel de la copropriété, dont elle a été secrétaire puis vice-présidente avant de laisser la place « aux plus jeunes », il y a déjà une quinzaine d'années. Elle reste pour autant très active dans la vie de l'association des habitants, et ne manque sous aucun prétexte la réunion accompagnée de petits gâteaux faits par les voisins et amis de l'immeuble. Au programme aujourd'hui : la réparation à venir de la porte d'accès aux caves et bien sûr, les derniers commérages de quartier. La réunion sera animée par Irene, 30 ans, mère célibataire d'un garçon de six ans, Tom ; ils vivent dans un T2 au 3ème étage depuis quatre ans déjà, et Irene a été élue présidente de l'association l'année passée. Elle aime elle aussi s'investir dans la vie de son immeuble, entre son emploi et son fils qui lui prennent tout deux beaucoup de temps. Ces quelques histoires de vie semblent similaires : mis à part le contexte géographique, ces récits se croisent et la vie de chacun pourrait convenir à l'un ou l'autre des cas. Les blocs roumains ou les HLM français accueillent des populations d'habitants ordinaires, leurs vies se ressemblent et s'entremêlent, peu importe leur âge ou leur situation familiale. Chacun a des difficultés et des mœurs qui leur sont propres, mais tous sont intégrés dans une dynamique culturelle et usuelle. Ainsi, la vie des habitants de ces immeubles se déroule généralement sous un schéma homologue (bien que chargé de petits détails spécifiques). Pourtant, nous allons rapidement voir que l'édifice en lui-même, ne joue pas le même rôle et ne se prépare pas tout à fait au même futur dans l'un ou l'autre des deux pays. Construits depuis déjà plus de quarante ans, ces immeubles demandent à être rénovés ou réhabilités. Leur état présent n'est déjà plus originel. En Roumanie, des modifications singulières et très fréquentes ponctuent les bâtis : additions de balcons, fermetures de loggias, menuiseries hétérogènes, les blocs ne sont plus aussi linéaires et identiques qu'ils l'étaient à leur construction. Dans le cas français également les édifices ont déjà changé : la rénovation urbaine a apporté de nouveaux esthétiques, notamment à travers la réhabilitation énergétique qui offre une nouvelle enveloppe à l'immeuble. Des actions personnelles marquent les édifices en Roumanie, et des actions plutôt étatiques se dévoilent sur les façades des grands ensembles français. Mais plus encore que l'aspect extérieur de l'architecture, le contexte économique, politique et social de la construction des grands ensembles français et des « blocs » (voir définitions ci-après) roumains a évolué, et l'habiter s'est modifié avec lui. L'interrogation qui va alors s'esquisser est la suivante : Comment l'habitat collectif et sa réhabilitation se manifestent-ils sous des formes plurielles et au travers de contextes urbains, culturels, politiques et économiques variés ? Pour tenter d'apporter une vision ouverte sur cette question, nous pourrons donc nous appuyer sur deux exemples à priori éloignés, tant spatialement que contextuellement. Ainsi nous présenterons tout d'abord le cas roumain, son contexte historico-politique, urbain, et social. Restreinte par un lourd passé socialiste (mais dirons-nous totalitaire), la population urbaine vit aujourd'hui pour la majorité dans des blocs et doit faire face à diverses problématiques : des espaces inadaptés aux usages, des édifices en mauvais état et des décisions politiques qui, bien 10


que nécessaires, ne permettent pas de répondre pleinement aux besoins des habitants. Nous aborderons alors la notion de réhabilitation, à travers les actions publiques mais aussi privées de différents acteurs. En mettant en regard, par une approche similaire, deux cas différents, nous verrons que la définition de la réhabilitation porte une connotation culturelle inévitable, et peut donc se définir différemment ailleurs. A travers les grands ensembles français, exemple qui semblerait similaire à la situation des blocs de Roumanie par leur forme et leur contexte de construction, nous mettrons en confrontation deux histoires différentes, qui amènent donc à deux définitions distinctes de la notion de réhabilitation. Nous illustrerons alors ce propos par trois exemples choisis pour leur contexte de réalisation : la réhabilitation des immeubles du Grand Parc à Bordeaux par Lacaton & Vassal, le projet urbain de Rennes Maurepas et son mélange de constructions neuves, démolitions et réhabilitations, et enfin la situation patrimoniale de l'Unité d'Habitation de Le Corbusier à Firminy-Vert. Ces trois cas ont été intentionnellement choisis pour leur situation de contre-exemples des typologies de réhabilitations étudiées. Nous aurions pu nous pencher sur des cas architecturalement pauvres de réhabilitation, mais cette préférence s'est définie dans un souci d'apporter une vision plus enrichissante de ce que peut être la réhabilitation en France. Après avoir étudié ces deux cas, français et roumain, nous pourrons alors les mettre en regard et identifier leurs différences d'expériences. Nous verrons que l'habitant, par ses besoins et usages, peut finalement créer ou recréer un forme d'architecture justifiée et adaptée. Pourtant, le rôle de l’État et des experts dans cette dynamique est nécessaire et vient compléter, techniquement et financièrement, un travail jusqu'alors simplement intuitif et usuel. C'est donc dans une pluralité de formes, de contextes et d'implications des acteurs que la réhabilitation se traduit de diverses manières et n'a pas qu'un seul rôle à jouer face à l'habitat collectif. Mais avant de développer ces possibilités, prenons le temps de présenter deux notions essentielles à ce mémoire : le terme de « bloc » et la définition de la « réhabilitation ». Réhabiliter selon Le Larousse prend plusieurs significations, dont deux qui nous intéressent particulièrement : – reconnaître la valeur, l'utilité de quelqu'un, de quelque chose après une période d'oubli, de discrédit. – Restaurer et moderniser un quartier, un immeuble. Le « bloc »1, quant à lui, est une forme d'immeuble d'habitat collectif construit pendant les décennies de totalitarisme en Roumanie. Ce terme vient du roumain « bloc » ou « blocul » (le bloc) et tiendrait sa racine de l'allemand « block » ou « blockhaus » qui se définit par un grand immeuble à plusieurs étages. On comprend aisément la notion de « bloc » en français pour définir cette typologie architecturale, qui appelle à la massivité, à quelque chose de compact et imposant, au monolithe, etc. Le terme est alors passé dans le langage courant comme la dénomination de l'immeuble type de logements collectifs construit entre 1947 et 1989. Pour comprendre la spécificité de ces édifices, il faut donc revenir sur le contexte historique et économique de leur construction.

1 Le terme de « bloc » sera, tout au long de ce mémoire, utilisé dans sa définition ici expliquée, celle d'un immeuble de logements collectifs roumain. Si une autre définition du « bloc » venait à être utilisée, comme le « bloc soviétique » par exemple, elle sera précisée dans le texte.

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1. L'HABITAT EN ROUMANIE : LE CAS GÉNÉRALISÉ DES « BLOCS » 13


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1. L'habitat en Roumanie : le cas généralisé des « blocs » Pour commencer, nous expliquerons premièrement le contexte historique et politique dans lequel les blocs ont été construits en Roumanie, durant les régimes totalitaires. Quels ont été les choix stratégiques pour le développement de cette typologie architecturale ? Il est alors question de doctrine totalitaire et de développement urbain par la systématisation du territoire. Puis, nous verrons qu'aujourd'hui, les blocs ont changé et leur contexte social, urbain et politique aussi. De là se pose la question de l'entretien du bâti et de sa réhabilitation : quels acteurs jouent quel rôle et comment se définit le nouveau visage de cette architecture ? Nous étudierons des exemples de réhabilitations, plutôt techniques, réalisées par l’État, ainsi que des exemples de réhabilitations privées, que nous nommerons sous certains angles de vue réadaptation de l'habitat.

1.1. Régime politique et politique urbaine : entre totalitarisme et systématisation du territoire 1.1.1. Contexte historico-politique : les régimes totalitaires de Gheorghiu-Dej et Ceausescu2 A la fin de la Seconde Guerre Mondiale et à la victoire des Alliés en 1945, l'URSS prend possession de la majorité des États d'Europe de l'Est pour former le bloc soviétique. Le Royaume de Roumanie n'échappe pas à la règle, et en mars de la même année, les communistes prennent le pouvoir par un coup d'état. Jusqu'en 1947, les communistes s'installent petit à petit au sein du gouvernement, et le pays devient une monarchie communiste, jusqu'à l'abdication du roi Mihai Ier le 30 décembre 1947. C'est Gheorghe Gherghiu-Dej qui s'imposera alors petit à petit au pouvoir, tout d'abord en temps que secrétaire général du Parti Communiste Roumain (PCR) jusqu'à devenir officiellement Président du Conseil d'Etat de la République Populaire Roumaine en 1952. S'en suit une période de soviétisation toujours importante, dans la même dynamique que les années précédentes. Cela durera jusqu'en 1955, avec un régime investi (Kominform, Conseil d'aide économique mutuelle, Traité de Varsovie...). Mais suite à la crise titiste 3, la mort de Staline en 1953 et au vu de l'insurrection de Budapest en 1956, Gheorghiu Dej se questionne sur le futur de son régime et craint un effet papillon qui pourrait porter un vent révolutionnaire jusqu'en Roumanie. Il prend alors la décision de s'éloigner lentement de l'influence soviétique. En 195758, les conseillers et troupes soviétiques quittent le pays, et le démantèlement des Sovroms, entreprises roumano-soviétiques, marque, à l'aune des années 1960, un véritable tournant dans la politique nationaliste économique roumaine, détachée du pouvoir soviétique. Cette séparation – sans être tout à fait nette – s'affirme également en politique extérieure au début des années 1960. En 1965, à la mort de Gheorghiu Dej, c'est Nicolae Ceausescu qui va rapidement s'imposer au pouvoir pour débuter une seconde dictature dans la lignée de celle de son prédécesseur. Jusqu'en 1971, il continue à développer la politique d'indépendance du pays face au bloc soviétique en se positionnant de manière très claire dans les débats et querelles politiques. Ainsi, pendant qu'il refuse de prendre partie entre la Chine et l'URSS, il développe ses relations 2 DURANDIN Catherine, Histoire des Roumains, Quatrième Partie, pp 351-501. 3 La crise titiste (du nom du dirigeant communiste yougoslave Josip Broz, dit Tito) de 1948-1949 définie une révolution violente qui a mené à une rupture avec l'URSS de Staline en 1950.

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Figure 3. Nicoale Ceausescu devant la maquette du Bucarest « systématisé », 1974.

Figure 4. Les travaux de systématisation du territoire à Oradea, 1960's. 16


avec l'Allemagne de l'Ouest et la France, apporte son soutien à la Tchécoslovaquie et entretient ses relations à la fois avec la Palestine et Israël. Le peuple admire sa force de manœuvre et le soutient dans ses choix politiques. Pourtant, en 1971, le régime va prendre peu à peu une tournure différente alors que Ceausescu rentre d'un voyage en Chine où il a rencontré Mao. Il décide alors de radicaliser son propos et d'endurcir les lois. Il veut faire de la Roumanie un pays puissant, moderne et indépendant. La dictature devient totale, la censure et la surveillance sont partout. En Mars 1977, alors que l'un des plus violents séismes de l'histoire roumaine frappe la capitale (7,4 degrés sur l'échelle de Richter), Nicolae Ceausescu lance l'un des plus importants projets de construction jamais réalisé, le Palais du Peuple. Pour cela, il s’appuiera sur les dégâts causés par le séisme pour justifier la destruction de quartiers historiques de l'hyper-centre de Bucarest afin d'y implanter son rêve architectural (fig.3). Il se réfère également au principe de systématisation du territoire officiellement engagé depuis 1974 (voir ci-après). 1.1.2. Urbanisme et architecture : entre systématisation du territoire et influence soviétique Durant le régime de Gheorghiu-Dej, les constructions de logements collectifs ont commencé à fleurir principalement dans les grandes villes comme Bucarest, Timișoara, Iași, Brasov. En effet, au début des années 1960, l’État construit entre 40 000 et 60 000 logements par an, exclusivement en milieu urbain (fig.4). A la campagne, les constructions restent principalement des maisons individuelles réalisées par les particuliers. Mais le tournant architectural et urbain a véritablement été opéré pendant la deuxième moitié des années 1970 sous Ceausescu. C'est pourtant en 1971 que Nicolae Ceausescu parle pour la première fois de « systématisation du territoire ». Pour comprendre ce qu'est véritablement la systématisation, il faut se référer à la doctrine communiste de Friedrich Engels et Karl Marx et leur principe d'égalité entre ville et campagne4. Le terme de systématisation vient du mot « sistematizare » qui signifiait « aménagement ». L'idée est donc de densifier les tissus bâtis, en démolissant les anciens édifices, pour reconstruire des immeubles collectifs et modernes et restreindre les surfaces bâties au sol. En 1974, la loi n°58 de « systématisation du territoire et des communes urbaines et rurales » définit juridiquement cette politique urbaine5. Introduction à la loi nr. 58/1974 : « La systématisation du territoire du pays et des localités est basée sur la politique du Parti Communiste Roumain, qui contribue à la croissance continue du bien-être matériel et spirituel de tous les travailleurs et de l'organisation, sur une base scientifique, rationnelle et harmonieuse, du cadre dans lequel vivent et travaillent les citoyens de notre patrie. Le 10 ème congrès du Parti Communiste Roumain et la Conférence Nationale de 1972 ont défini les objectifs et directions principales de la systématisation du territoire et des localités, destinés à assurer une organisation harmonieuse du territoire national, de toutes les unités administratives territoriales, à contribuer à la répartition rationnelle et équilibrée des forces de production, en combinant de manière organique les critères d'efficience économique et sociale, à assurer l'organisation et l'aménagement planifié des villes et villages, en concordance avec la progression économique et sociale générale, la restriction du périmètre constructible des localités au strict minimum et à l'usage optimisé de leur territoire, la transformation de certaines localités rurales avec des perspectives de développement en centres économiques et sociaux à caractère urbain, relever toutes les activités économiques, sociales et culturelles des villages et rapprocher progressivement les conditions de vie des villages de celles des villes. » 4 Friedrich ENGELS et Karl MARX, Le Manifeste du Parti Communiste, Londres, 1848 5 Lege nr. 58 din 1 noiembrie 1974 (loi nr. 58 du 1er Novembre 1974), publiée dans « Buletinul oficial nr. 135 din 1 Noiembrie 1974 »

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Figure 5. Dégâts à Bucarest après le séisme du 4 mars 1977.

Figure 6. Plan de systématisation de Bucarest

Figure 7. Le développement des stations balnéaires par Cezar Lazarescu, Mamaia, 1961 18


A la suite de cette loi, la part de constructions de logements financés par l’État a explosé : en effet, d'après les données publiées dans l'Annuaire statistique de la République socialiste de Roumanie, alors que l’État finançait – en milieu urbain – seulement 24,7% des constructions entre 1951 et 1955, cette part augmente à 53,1% entre 1971 et 1975. Après la loi de 1974, on peut avancer que 97,9% des logements sont financés par l’État entre 1976 et 1980, soit presque la totalité6. Bien que la politique de systématisation ne règle pas clairement la crise du logement, en partie à cause d'une importante croissance démographique au début des années 1970, un autre problème émerge, celui de la qualité des logements neufs. En parallèle des constructions massives d'immeubles de logements collectifs, la Roumanie s'engage en 1981 dans le remboursement total de ses dettes avant 19907. Cette décision politique entraîne toutes sortes de restrictions imposées à la population, au niveau de leur consommation d'énergie, d'eau, d'aliments etc. Ainsi, les logements construits vont parfois (et surtout en campagne) manquer d'accès à l'eau courante, de moyens de chauffage ou d'installations sanitaires individuelles. Une autre problématique apparaît, moins sociale que patrimoniale et architecturale : en 1977, au lendemain du séisme (fig.5), Nicolae Ceausescu engage un chantier de grande ampleur : le centre civique et le palais du peuple à Bucarest8. Pour cela, il détruira des quartiers historiques du centre-ville de la capitale (fig.6), pour construire une allée magistrale bordée de nouveaux immeubles et menant au Palais du Peuple, le deuxième édifice le plus grand au monde. Sa construction ne sera pas terminée avant la mort de Ceausescu en 1989, mais elle aura plongé le pays dans une situation économique encore plus critique et les restrictions déjà imposées à la population depuis 1981 ne cesseront de croître pour répondre à la folie des grandeurs du dictateur. Parallèlement, d'un point de vue architectural et urbain, les villes et villages voient leur paysage se modifier considérablement : grands boulevards et grandes avenues, immeubles d'habitat collectif, édifices publics fleurissent de toute part. On retrouve les spécificités des régimes dictatoriaux dans l'architecture : le style soviétique est largement représenté à travers les « blocs » et les aménagements urbains, mais on peut aussi constater le retour du style néoclassique et du style traditionnel roumain, le Brancovenesc. Entre tradition et modernité, la volonté de promouvoir une unité et une culture nationale se mélange à celle de faire de ce pays la première puissance mondiale. C'est alors sans tenir compte de la qualité de vie de ses habitants que le gouvernement avance dans cette direction, afin d'asseoir son pouvoir et de tenter de prendre une place prédominante dans l'économie mondiale. Ainsi, les constructions sont entièrement gérées par l’État. On peut facilement nommer des architectes d’État, comme Cezar Lazarescu (fig.7), qui s'occupera principalement du développement des stations balnéaires sur la mer Noire9, ou Anca Petrescu (responsable de la construction de la Maison du Peuple), même si un grand nombre d'entre eux ne sont aujourd'hui que très peu connus. A été mis en place une sorte de catalogue national de plans standardisés et de typologies distinctes, repris dans chaque ville par les Instituts de Projet publics : le résultat a mené à des constructions rapides et des édifices presque clonés sur tout le territoire. 6

DIACONU Adriana, Des réponses hésitantes à la pénurie de logements des années 1950 dans « Construire contre l'État en République socialiste de Roumanie (1947-1989) » in Le Mouvement Social, vol. 245, no. 4, 2013, pp. 71-82. 7 DIACONU Adriana, Les pénuries des années 1980 dans « Construire contre l'État en République socialiste de Roumanie (1947-1989) » in Le Mouvement Social, vol. 245, no. 4, 2013, pp. 71-82. 8 Thèse détaillée sur le Centre Civique de Bucarest : RACOLTA Radu Petru, L'architecture totalitaire, une monographie du Centre Civique de Bucarest, Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 2010, 449 pages. 9 D'après la biographie de Cezar Lăzărescu rédigée par son épouse Ileana Lăzărescu, Vise in piatră, in memoria profesorului doctor arhitect Cezar Lăzărescu, Editions Capitel, 2003.

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Figure 8. 1989, la rĂŠvolution roumaine Ă Bucarest

Figure 9. Magasins de fortune, Targu Cucu, Iasi

Figure 10. Magasins de fortune, Strada Nicolina, Iasi 20


1.1.3. 1989 : quand la chute du régime modifie la structure économique et sociale des villes Le 16 décembre 1989, à la suite de l'expulsion d'un pasteur protestant hongrois, László Tőkés, une manifestation contre le gouvernement et contre le régime communiste en place s'organise à Timișoara. Malgré une réaction violente de la Securitate pour tenter de calmer les foules, les manifestations continuent et s'intensifient les jours suivants ; le peuple se soulève d'abord à Iași, Cluj-Napoca, Bucarest, puis le mouvement gagne le pays entier. Le compte à rebours a commencé pour Nicolae Ceausescu et sa femme, qui sentent que le peuple les pointe du doigt (fig.8). Dans un climat d'ouverture au sein du bloc soviétique avec la chute du Mur de Berlin, la chute du Rideau de Fer et les régimes communistes polonais, bulgares, hongrois, etc. qui s'effondrent, c'est le 25 décembre que le chef de l’État et sa femme sont arrêtés et exécutés après un procès des plus rapide. A la suite de la révolution, c'est Ion Iliescu qui prendra le pouvoir en Roumanie, à la tête du FSN, Front de Salut National et parti parent du PSD, Parti Social Démocrate, de centre gauche. Certains parlent d'un coup d’État organisé 10, d'autres d'un simple soulèvement de la population. Ion Iliescu restera président jusqu'en 1996 (puis de 2000 à 2004). Au cours de la décennie 1990, le pays se relève lentement après quarante ans de dictature communiste. La population est appauvrie et le nouveau régime en place décrié. Dans une recherche de libéralisme modéré, l’État permet à la Roumanie de rentrer petit à petit dans l'économie de marché mondiale tout en essayant de conserver un certain protectionnisme. D'un point de vue urbain et architectural, la chute du régime communiste provoque des modifications dans le paysage ; de nombreuses échoppes de fortune fleurissent le long des rues (fig.9 et 10), sur les trottoirs et entre les immeubles. C'est un signe notoire, après la chute des régimes politiques totalitaires, que l'on retrouve dans les autres pays du bloc soviétique comme l'Allemagne ou la Pologne11. Un autre changement notable va considérablement modifier le futur des villes et de son architecture. Entre 1990 et 1993, le gouvernement post-communiste lance une privatisation de masse des logements. « Le parc du logement appartenant à l’État a été vendu aux locataires-occupants à un prix très intéressant, sur des critères liés à l’ancienneté, la structure, la catégorie et la taille du logement. Un versement initial de 10% était exigé, combiné à un prêt souple offert par l’État pour couvrir le reste. Le prêt était garanti par une hypothèque sur le logement. Par la suite, l’inflation élevée au milieu des années 1990 a rapidement érodé le coût initial des remboursements de prêts, en avantageant de nouveau les acheteurs. D’autre part, ils ont pu bénéficier d’une exonération de taxe immobilière pendant une période de 10 ans. »12 Aujourd'hui, près de 98% de la population roumaine est propriétaire. Ainsi, dans les immeubles collectifs se mettent en place des systèmes de copropriété de manière à gérer les espaces communs et les alentours des blocs.

1.2. État des lieux de l'habitat : les « blocs » aujourd'hui 1.2.1. Les blocs en chiffres : entre qualité de vie et problématiques structurelles

10 LOUPAN Victor, La Révolution n'a pas eu lieu : histoire d'un coup d'État, Paris, Éditions Robert Laffont, 1990, 224 pages. 11 STANISZKIS Magdalena, « Varsovie : le chaos urbain, signe de la transition » dans Architectures au-delà du mur : Berlin-Varsovie-Moscou 1989-2009, Paris, Éditions Picard, 2009, pp. 130-131. 12 FIRAN Carmen, Chapitre I : évolution de la situation du logement en Roumanie in Le logement social en Roumanie, 2006, publié sur https://berthoalain.com/2007/05/29/le-logement-social-en-roumanie/

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Figure 11. Bloc Lizeanu, Bucarest, 1960's

Fig. 12. Lujerului, District 6, Bucarest, 1970's

Figure 13. Carte ALERT, recensant les immeubles à risque sismique de Bucarest 22


Les blocs aujourd'hui sont présents à la fois dans le paysage urbain, dans le paysage rural aussi, de manière plus ponctuelle, mais également dans la culture roumaine. Ils font partie intégrante du quotidien de la population ; qu'elle y vive ou non, elle les parcourt tous les jours. Revenons tout d'abord sur une analyse objective de ces blocs, en proposant un état des lieux de ces bâtis et de leur intégration dans la ville. A la suite de 1989 et de la privatisation des logements, 98% de la population est propriétaire comme nous l'avons précisé précédemment. Dans ce contexte-là, on peut également notifier que les immeubles collectifs représentent 71,5% de l'habitat urbain13. Le reste des logements sont soit des maisons bourgeoises du XVIIIème siècle, soit des maisons de fortune construites par les habitants avec des matériaux de récupération comme la tôle, la brique, ou parfois des parpaings. On peut aussi préciser qu'environ 40% de la population roumaine vit en appartement, villes et campagnes comprises 14. Cela représente presque la moitié de la population, et les appartements en question sont principalement dans les blocs construits pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Ces chiffres permettent donc de poser le contexte de l'habitat urbain en Roumanie de manière factuelle. Mais d'autres informations entrent alors en compte, concernant plutôt le social et la qualité de vie des habitants. La Roumanie peine à se reconstruire après quarante ans de dictature communiste accompagnée d'une industrialisation éclair et d'une restriction globale sur les biens de consommation et divers services et accès essentiels (eau, chauffage, sanitaires...). Vingt-cinq ans après la chute du régime, encore 20% de la population est privée d'un logement décent selon Eurostat15. A cela s'ajoute un pourcentage de 60% de la population qui serait menacée de pauvreté, et enfin un surpeuplement des logements qui touche 50% de la population16. Toutes ces données s'accumulent mais se répondent aussi. Même si la population a pu bénéficier, dans les années 1990, de la privatisation des logements pour des prix de rachat accessibles, seulement aujourd'hui, ces habitants n'ont pas assez de revenu pour acheter de nouveaux logements, plus adaptés, lorsque la famille s'agrandit ou pour réaliser de véritables travaux d'amélioration des logements et des immeubles. Une seconde problématique entre en jeu dans la qualité de construction et dans la résistance au temps pour ces blocs : la question sismique. En effet, la Roumanie se trouve à la jonction de plusieurs micro-plaques tectoniques, et le massif de Vrancea, au nord de Bucarest, est l'épicentre de nombreux séismes. Ainsi, à la suite du séisme de 1977, les dégâts matériels ont été importants, principalement dans les villes et surtout à Bucarest, car les immeubles construits entre 1947 et 1977 n'étaient pas aux normes antisismiques. Ce n'est qu'après cet épisode critique que les nouvelles constructions et leur structure ont été repensées et adaptées aux normes. Mais une grande partie des immeubles reste donc très fragile et le risque d'effondrement existe. A Bucarest sont recensés tous les immeubles classés à risque sismique (fig.13). On en compte plus de 2700, dont près de 1600 classés en urgence et 720 classés en risque type 117. Cette répertorisation n'est effective qu'à Bucarest, pourtant, d'autres villes de la région Est de la Roumanie (Iași, Galați, Brașov...) sont également régulièrement concernées par ces séismes et sont donc sujettes à des risques importants d'effondrement des blocs.

13 Statistique à prendre avec recul car datant de 2006, d'après FIRAN Carmen, Chapitre I : évolution de la situation du logement en Roumanie in Le logement social en Roumanie, 2006. 14 Voir Annexe 1 : Répartition de la population par type de logements, 2016. 15 Voir Annexe 2 : Privation grave de logement, 2015 et 2016. 16 Voir Annexe 3 : Taux de surpeuplement, 2016. 17 D'après le projet ALERT, plate-forme en ligne de collectes d'informations auprès des citoyens et volontaires concernant les bâtiments à risque sismique à Bucarest : http://seismic-alert.ro/

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1.2.2. Médias, experts et habitants : des points de vue en conflit L'image que donne à voir ces blocs est reçu différemment selon les personnes ou groupes sociaux. Cela peut nous questionner sur le rôle de chacun des acteurs ou spectateurs, et sur le futur de ces bâtis. La question de la démolition ou de la réhabilitation se dessine, avec en fond peut-être une idée de conservation sous un angle mémorial. Nous avons ainsi trois points de vus différents qui méritent d'être mis en confrontation, et qui le sont réellement au sein de la société : l'opinion publique (politiques et médias), celui des experts (architectes, ingénieurs, historiens, sociologues, géographes...) et celui des habitants (usagers quotidiens). Tout d'abord, nous pouvons affirmer que l'opinion publique n'est pas spécialement favorable à ces typologies architecturales. L'avis de la majorité des gens sera plutôt négatif vis-àvis des ces blocs : tout d'abord associés à l'ancien régime communiste. Ils sont décriés par les médias et les politiques et présentés comme des modèles d'une époque à oublier. Dans un contexte post-dictatorial, la démolition se présente comme une solution plausible afin d'effacer symboliquement les mauvais souvenirs liés à cette époque : d'après Vincent Veschambre, « Lorsqu'ils s'apparentent à des révolutions, les changements de régime politique sont propices à des actes de démolition symboliques, […] il s'agit d'opérer un tri des héritages, tri qui repose sur la conviction, largement répandue, que les formes urbaines […] constituent un levier majeur dans la construction identitaire et mémorielle. »18 En parallèle, l'esthétique architecturale de ces bâtiments, très froids et sans grand soin quant à la « beauté » de l'édifice, ne donne pas envie à la population de les protéger ou de les restaurer pour leur permettre de survivre aux dégradations du temps. Cette question s'inscrit alors dans une problématique plus large, celle de la culture, qui donne de l'importance aux édifices de prestige plutôt qu'à l'architecture du quotidien. Nous pouvons donc à partir de là nous questionner sur l'avis des experts, architectes, urbanistes, historiens concernant ces immeubles. Une majorité, prônant l'importance d'un héritage architectural et historique, se positionne en tant que protecteurs de cette architecture du XX ème siècle, bien que nombre de ses caractéristiques soient décriées. On assiste à l'émergence de divers collectifs roumains qui proposent des actions de réhabilitation ou de conservation et répertorisation de ces édifices. Entre ces divers avis concernant les blocs et les possibilités multiples relatifs à leur avenir, les principaux concernés ont un point de vue bien différent : en effet, les habitants de ces immeubles portent un regard tout autre sur leur habitat. Pour eux, ces bâtiments ne sont rien d'autre que leur lieu de vie. Mais cela signifie beaucoup de choses. Les habitants, pour la plupart propriétaires depuis la privatisation, déjà là pendant la dictature, et pour les plus anciens même depuis la construction des blocs, se sont appropriés les lieux et ont créé un rapport affectif avec ceux-ci19. La question de savoir si ces immeubles sont à conserver ou à démolir se pose donc différemment pour eux : s'ils avaient la possibilité de vivre dans de meilleures conditions dans des logements neufs et à prix abordables, ils n'hésiteraient pas à déménager, seulement, leur pouvoir d'achat ne leur permet pas. Ils cherchent alors plutôt à améliorer leur logement sans prendre en compte la notion d'héritage architectural d'un patrimoine spécifique.

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VESCHAMBRE Vincent dans Démolition : effacement des traces, expropriation et déni de mémoire, Destructions, démolitions et violences à caractère symbolique, in Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, pp. 107-108. 19 « Éthique de la conservation monumentale » : III. Piété, L'attachement affectif, pp. 60-61 dans Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l'aune de l'éthique (GERMANN Georg et SCHNELL Dieter)

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1.3. Entretenir le parc de logements : le rôle des acteurs publics 1.3.1. La réhabilitation par l’État : une politique globale de surface Dans ce contexte où la quasi-totalité de la population est propriétaire de son logement se pose les problématiques de l'entretien, de la rénovation ou réhabilitation des édifices. Mais le problème principal réside dans l'aspect technique des constructions : les réhabilitations énergétique et structurelle deviennent parfois inévitables. La déperdition énergétique est conséquente pour un grand nombre d'immeubles construits au XXème siècle, et le risque sismique, important autour de la région de Vrancea et principalement à Bucarest, amènent à renforcer les structures de tous les édifices construits avant 1977. L’État roumain, à travers le Ministère du Développement Régional et de l'Administration Publique, a donc enclenché en parallèle un « programme de réhabilitation thermique des blocs de logements »20 et un « programme d'intervention de première urgence sur les constructions vulnérables et qui présentent un risque de danger public »21. La réhabilitation thermique consiste à réaliser un travail sur l'enveloppe du bâti, par des techniques d'isolations adaptées, sur le système de chauffage et sur le système de distribution de d'eau chaude. Peuvent s'ajouter, après expertise technique, des réparations sur les façades ou les balcons, les canaux de ventilation, les branchements du bloc au système central de production d'énergie thermique, etc. Ces réhabilitations ont pour objectif premier d'améliorer les conditions de vie par un confort thermique des logements, mais également de réduire la consommation énergétique et donc les coûts de consommation des ménages. La question environnementale est évidemment impliquée, en cherchant à réduire la pollution générée par la production, le transport et la consommation d'énergie. On remarque également dans le programme publié par le ministère que la réhabilitation se doit de « préserver la valeur de l'intégration architecturale, environnementale et chromatique dans le milieu urbain ». Pour réaliser ces réhabilitations, le budget est divisé entre la copropriété et l’État : 20% partagés entre tous les propriétaires, 50% supporté par l’État par le biais du Ministère du Développement Régional et de l'Administration Publique, et 30% revient au budget local. Ces réhabilitations se mettent en place depuis 2009 dans tout le pays. Pour l'année 2018, le Conseil Général de la Municipalité de Bucarest annonce un budget de 186 901 100 lei, soit environ 40 126 000 € pour la réhabilitation thermique de 132 blocs de logements dans les secteurs 3, 4 et 6 de la ville22. Concernant la réhabilitation structurelle, le but premier est de consolider les édifices et de les mettre aux normes antisismiques en vigueur. Le plus gros du travail se trouve à Bucarest, où l'on trouve, comme dit précédemment, près de 1600 immeubles classés en urgence et donc en risque public en cas d'effondrement. La réhabilitation consiste donc à consolider les structures pour faire face à ce type de risque, en qualité de résistance et stabilité de l'ouvrage. Il s'agira parfois de démolir une partie de l'édifice, à ajouter un élément structurel supplémentaire ou à consolider le terrain et les fondations. Ce programme d'intervention a été mis en place en 2004, mais prend une importance plus spécifique depuis ces dernières années seulement. En effet, en 20 « Programul de reabilitare termica a blocurilor de locuinte », 2009, mis à jour le 15 janvier 2018, consulté sur http://www.mdrap.ro/programul-national-privind-cresterea-performantei-energetice-la-blocurile-de-locuinte 21 « Programul de interventii in prima urgenta la constructii vulnerabile si care prezinta pericol public », mis à jour le 4 mars2013, consulté sur http://www.mdrap.ro/constructii/siguranta-post-seism-a-cladirilor/programe-deprevenire-a-riscului-seismic/interventii-prima-urgenta 22 « Peste 130 de blocuri din sectoarele 3, 4 si 6 urmeaza sa fie reabilitate », Digi24 [en ligne], mai 2018, consulté en décembre 2018.

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2012, le budget alloué par l’État pour ce programme était d'environ 2,8 millions d'euros. En 2016, il était déjà passé à 5 millions d'euros pour un projet incluant 80 édifices, dont 47 bénéficiant en premier lieu d'un diagnostic et de l'élaboration d'un document technico-économique, afin de pouvoir exécuter les travaux de consolidation les années suivantes. En 2018, la municipalité a souhaité pousser ces réhabilitations, dans un souci urgent de sécurisation des constructions et de la ville en général face aux risques sismiques. C'est alors un budget de 10 millions d'euros qui est cette fois alloué à

Figure 14. Quartier Alexandru Cel Bun, Iasi

Figure 15. Réhabilitation colorée sur le boulevard Titulescu

Figure 16. Réhabilitation en trois temps, Boulevard Ion Mihalache din Capitala, Bucarest 26


ce programme pour la réhabilitation de 53 édifices (dont 24 en diagnostic)23. 1.3.2. Bucarest et Iași : des réhabilitations à deux vitesses Les exemples de réhabilitation thermique et structurelle sont nombreux, dans la capitale roumaine comme dans les autres grandes villes du pays. On peut prendre en exemple certains immeubles du quartier Alexandru Cel Bun à Iași (fig.14), qui a été l'un des quartiers prioritaires dans la prise en charge par l’État de la réhabilitation, principalement thermique. Dans les cas de réhabilitation structurelle, les édifices choisis bénéficient en même temps du programme de réhabilitation thermique, ce qui permet des économies de travaux. Ainsi, les modifications réalisées peuvent parfois différer selon l'état des blocs, de leur structure, isolation, enveloppe, etc. Toutefois, les étapes sont majoritairement toujours similaires. On peut ainsi distinguer facilement un bloc réhabilité par sa toiture ; en général, les toitures terrasses sont remplacées par des toitures à quatre pans, plus efficaces d'un point de vue thermique et d'imperméabilité, surtout dans un pays où la neige est abondante en hiver. Dans les rares cas où la toiture terrasse est préservée, ce sera plutôt par une isolation inversée que la question thermique sera gérée 24. Pour accompagner cela, les murs sont également isolés par l'extérieur, et les menuiseries existantes le plus souvent en bois sont remplacées par des menuiseries plus performantes, ayant un coefficient de transfert thermique faible et des dispositifs d'aération et de protection solaire. On peut aussi apprécier les nouveaux systèmes de chauffage et de ventilation, contrôlables et ayant un rendement plus élevé, qui permettent une réduction conséquente de la consommation énergétique annuelle des habitants25. Ces travaux apportent certes une meilleure qualité de vie, en terme d'isolation, de confort thermique et même phonique, pourtant, ils présenteraient des problèmes autres, qualitatifs mais aussi esthétiques. En effet, par souci d'économie ou de rapidité, le matériau isolant le plus utilisé dans ces réhabilitations reste le polystyrène, utilisé en panneau isolant extérieur. Pourtant, on remarque, déjà après quelques années, que le matériau a souvent tendance à se dégrader et on imagine la nécessité de réhabiliter à nouveau dans quelques années 26. Une problématique esthétique et plus urbaine émerge également : on peut voir en effet dans les rues de Bucarest , Timisoara ou encore Iasi, des immeubles réhabilités arborant des couleurs diverses et variées : du jaune au bleu en passant par le vert ou le rouge, les propositions chromatiques sont vastes et l'unité urbaine en pâtit (fig.15 et 16). Cependant, bien que les choix architecturaux, techniques, esthétiques des acteurs de la réhabilitation publique soient parfois à contester, nous pouvons également nous questionner sur le rôle et les conséquences des rénovations pouvant être réalisées par les habitants eux-mêmes.

23 « PMB : 10 milioane de euro alocate in bugetul pe 2018 pentru reabilitarea si consolidarea cladirilor cu risc seismic », Economica.net [en ligne], mars 2018, consulté en décembre 2018. 24 VAGNER Iulian-Ioan, 5.3 Etapizarea procesului de reabilitare. Principii si solutii de reabilitare aplicate imobilelor de locuit colective din panouri mari, in Corelarea intre reabilitarea structurala, functionala si estetica asupra cladirilor, rezumatul tezei de doctorat, Iasi, 2015, pp. 38 25 D'après la brochure « Reabilitarea termica a blocurilor de locuinte » du MDRAP, pp. 14, consulté en janvier 2019, disponible en ligne : http://mdrap.ro/userfiles/brosura_reabilitare_termica.pdf 26 D'après COZMEI Victor et IVANOV Catiusa, « Reabilitarea termica in Bucuresti. Cati bani a consumat acest program si ce probleme tehnice au aparut » (Réhabilitation thermique à Bucarest. Combien d'argent a consommé ce programme et quels problèmes techniques sont apparus), Hotnews.ro, avril 2013, disponible en ligne : https://www.hotnews.ro/stiri-administratie_locala-14708168-fotogalerie-reabilitarea-termica-bucuresti-cati-baniconsumat-acest-program-probleme-tehnice-aparut.htm

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Figure 17. Appropriations par les habitants : Bloc à Pantelimon, Bucarest, 1970's.

Figure 18. Balcon extérieur, boulevard de Figure 19. Intérieur d'un logement, boulevard l'indépendance, Iasi (1983) de l'indépendance, Iasi (1983)

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1.4. Entretenir le parc de logements : le rôle des acteurs privés 1.4.1. Quand les habitants répondent à leurs propres besoins Cependant, bien que ces programmes de réhabilitation soient mis en place par l’État et permettent, petit à petit, de consolider et d'améliorer les immeubles construits au XX ème siècle, ils ne sont pas suffisants pour gérer rapidement l'ensemble du parc de logements des villes. Dans ce contexte-là, les propriétaires (ou très rarement les copropriétés) agissent eux-même pour rénover leurs logements ou même réaliser des travaux d'agrandissements, de modifications, etc. On peut donc remarquer une hétérogénéité conséquente sur des édifices qui semblaient autrefois reproduits à la chaîne et sans recherche de spécificités. Cette forme de réhabilitation informelle se retrouve sur les façades, mais des modifications invisibles depuis l'extérieur sont également réalisées, notamment en isolation intérieure, ou, afin d'agrandir les pièces ou au contraire d'en créer de nouvelles. Toutes ces interventions, plus ou moins ponctuelles dénotent d'une problématique d'usage de cet habitat. Les logements sont inadaptés au quotidien des habitants aujourd'hui. Les habitudes de vie ont changé, et les logements sont souvent trop petits. Les balcons se transforment en loggias par besoin d'espace de rangement ou même de vie, et les séjours sont parfois transformés en chambre, ne laissant plus que la cuisine comme seul espace commun. On dénote également un surpeuplement important des logements. En effet, en 2016, ce taux était de 48% en Roumanie, pour 8% en France 27. Les familles étant propriétaires mais n'ayant pas les moyens d'acheter de nouveaux logements plus grands, plusieurs générations restent parfois dans le même appartement. En campagne ou en périphérie des villes, il est parfois plus simple pour les familles de construire des dépendances sur les terrains familiaux mais la situation des villes et des blocs ne permet pas une telle flexibilité. L'adaptation des logements doit se faire entre leurs murs. En parallèle de ces réhabilitations ponctuelles et informelles et des travaux réalisés par l'Etat, des collectifs et organismes s'occupent de ces problématiques de réhabilitation ou même de reconstruction. Mais la majorité de ces organismes s'occupent principalement de l'habitat très précaire, majoritairement en campagne, dans les villages. L'ONG internationale Habitat for Humanity propose des projets de construction ou reconstruction de maisons dans des situations d'urgence. Le collectif MKBT : Make Better, se concentre plutôt sur des problématiques plus larges et plus urbaines, notamment la régénération urbaine. Ils proposent leurs services auprès des autorités publiques locales notamment. Mais les blocs de l'époque communiste ne sont pas véritablement intégrés dans des projets de réhabilitation ou de restructuration. Seulement quelques structures décident de se pencher sur ces problématiques là. Ainsi, le collectif Designers Thinkers Makers par exemple propose divers programmes ainsi que des workshops en collaboration avec la faculté d'architecture de Bucarest et ses étudiants.

27 Voir Annexe 3 : Taux de surpeuplement, 2016

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Figure 20. Workshop Bloc.Unblock : rĂŠnovation des espaces communs d'un bloc, Bucarest, 2018

Figure 21. Ibidem

Figure 22. Ibidem 30


1.4.2. Bucarest et Iași : entre initiatives personnelles et associatives On peut facilement illustrer les réalisations faites par les habitants, car la majorité des blocs en portent les traces. A travers l'exemple des trois blocs du Boulevard de l'Indépendance à Iasi, construits en 1983 et comptant près de 420 logements, on comprend aisément les différentes rénovations ou modifications apportées par les habitants de manière autonome. Balcons transformés en loggias, menuiseries changées de manière hétérogènes selon les appartements, garde-corps transformés : toutes ces modifications spontanées interfèrent dans l'homogénéité des façades et de l'urbain plus largement. Pourtant, dans un contexte où la production de masse a créé des boulevards, des rues et des allées presque clonées, cette hétérogénéité globalisée offre une souplesse esthétique dans le dessin des blocs. A l'intérieur des logements également, on peut remarquer toutes sortes de travaux, facilités par la structure très efficace des immeubles qui permet une certaine flexibilité des pièces bien que la difficulté première reste celle du manque de place criant dans ces logements. C'est un fait qui n'a jusqu'à aujourd'hui pas encore été résolu, ni par les habitants ni par l’État et ses programmes de réhabilitation. Le workshop Bloc.Unblock (fig. 20, 21 et 22), organisé depuis deux ans à Bucarest par Designers Thinkers Makers, propose des solutions de rénovation des cages d'escaliers et espaces communs pour un bloc de la ville ainsi qu'un guide pratique destiné aux copropriétés et à leurs membres pour aider au bon fonctionnement des syndicats d'immeubles. Ces travaux ne sont pas à proprement parler des réhabilitations mais plutôt des aménagements intérieurs, qui permettent aux habitants de se sentir plus investis et surtout de profiter d'un cadre de vie plus agréable au quotidien. Cependant, ces ouvrages ne sont que très ponctuels car cette problématique n'est soulevée que depuis quelques années et les copropriétés ne se sont jamais réellement investies dans des projets de ce type. C'est pourquoi ce type d'associations tente de sensibiliser les habitants et les représentants des copropriétés à l'importance d'une action commune, afin d'entretenir ou même de sauvegarder les blocs et la qualité de vie des usagers.

1.5. Conclusion L'habitat collectif roumain de la deuxième moitié du XXème siècle s'inscrit dans un contexte historique totalitaire, qui lui a valu des techniques constructives et une typologie spécifiques. Aujourd'hui, ces immeubles ont vécu et deviennent fragiles pour la plupart, insalubres pour un grand nombre. Ils nécessitent une réhabilitation lourde, thermiquement et structurellement, qui est prise en charge et organisée par l’État depuis quelques années, mais les logements mériteraient aussi une réhabilitation plus architecturale des espaces. Ce sont alors les habitants propriétaires qui se chargent de ce pan de la réhabilitation, en faisant évoluer au fil du temps leur appartement. On remarque une richesse architecturale et esthétique qui découle de ces travaux auto-entrepris et qui se répètent sur tous les blocs, dans toutes les villes. Les espaces communs sont, quant à eux, laissés à l'abandon ; les copropriétés ne les gèrent pas et seules quelques associations tentent ponctuellement de les rénover, sans grand impact général. Après avoir présenté le contexte urbain et architectural roumain et expliqué le fonctionnement des actions de réhabilitations qui peuvent exister en Roumanie, nous pouvons revenir en France pour comprendre comment une typologie similaire aux blocs, les grands ensembles, peut fonctionner d'une autre manière, tant d'un point de vue architectural que législatif.

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2. L'HABITAT SOCIAL FRANÇAIS : LA SPÉCIFICITÉ DES GRANDS ENSEMBLES 33


Figure 23. Quartier de La Métare, Saint-Etienne, en construction (1971-1973)

Figure 24. Nanterre, démolition du bidonville des Pâquerettes et construction de la cité des Canibouts, 1959-1961 34


2. L'habitat social français : la spécificité des grands ensembles Dans le cas français, le terme de grands ensembles est utilisé pour définir cette typologie d'habitat collectif construit dans la deuxième moitié du XX ème siècle, en parallèle de la construction des blocs en Roumanie. Il faudra donc dans cette deuxième partie expliquer le contexte historique et politique de la mise en place des grands ensembles, afin de comprendre leur état actuel et leurs besoins. Nous verrons alors que l’État joue un rôle tout autre dans la rénovation et réhabilitation des grands ensembles, contrairement aux blocs roumains. Par trois exemples, nous identifierons des directions de réhabilitation différentes : la rénovation énergétique, le renouvellement urbain, et la conservation du patrimoine. Les projets choisis incluent toutefois des qualités architecturales qui ne se retrouvent pas forcément toujours dans les projets de réhabilitation qui s'effectuent dans ces trois situations spécifiques.

2.1. Historique et mise en contexte : les grands ensembles 2.1.1. Le contexte économique français : besoins en logements et développement urbain C'est à partir des années 1950 que les grands ensembles fleurissent dans toute la France, et majoritairement dans les grandes et moyennes villes, en périphérie des centre-villes. Dans le contexte économique des Trente Glorieuses, le besoin de logements se fait important, pour accueillir la main d’œuvre dans les villes. Les grands ensembles se construisent alors rapidement. Dans « Grand Ensemble », on entend à la fois « une forme (tours et barres), une taille (plus de 500 logements), un mode de financement (aidé par l’État) et la globalité de la conception (conduisant à la rationalisation, la répétitivité et à l'inclusion réglementaire d'équipements) » selon Hervé Vieillard-Baron28. Les grands ensembles sont construits dans un système de production de masse, souvent industrialisée, utilisant les procédés de préfabrication en béton. Les plans des immeubles sont donc généralement similaires, au vu des méthodes de construction et également de la nécessité de construire rapidement. Les grands ensembles étaient, à l'époque de leur construction, reçus comme des habitats nouveaux et modernes, destinés aux classes moyennes, et censés apporter un confort de vie supérieur aux logements jusqu'alors construits. Pourtant, il en a rapidement été autrement. L'éloignement des centre-villes et l'architecture plutôt frontale ont rapidement fait passer ces ensembles au second plan, au profit du nouveau système pavillonnaire, qui permettait alors aux familles d'avoir plus d'indépendance et d'intimité et de jouir d'un environnement plus malléable. Ainsi, les grands ensembles se voient décriés par l'ensemble de la population, et des problématiques apparaissent, plus ou moins fortes selon les villes : une mixité sociale faible qui tend parfois à une ghettoïsation, des habitants en difficultés financières et sociales, une forte précarité.

28 VIEILLARD-BARON Hervé, Sur l'origine des grands ensembles dans Le monde des grands ensembles, sous la direction d'Annie Fourcaut et Frédéric Dufaux, Editions Créaphis, 2004, pp. 45-46.

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Figure 25. ZUP de Montreynaud, Saint-Etienne, avant 2011

Figure 26: DĂŠmolition de la tour Plein Ciel, Montreynaud, Saint-Etienne, 2011 36


2.1.2. Les grands ensembles aujourd'hui : nouveaux usages et besoins de rénovation Majoritairement gérés par des bailleurs sociaux publics ou privés, les immeubles de grands ensembles bénéficient d'un suivi relativement régulier, contrairement au cas roumain, où la privatisation a aggravé l'état des immeubles, rendant la gestion des espaces communs et des logements en eux-même difficiles. Ainsi, aujourd'hui, alors qu'un nombre important d'immeubles de grands ensembles se sont détériorés au fil des années, le futur de ces constructions pose question. A la fin du XXème siècle, les démolitions semblent être la solution principale à la problématique des grands ensembles et aux projets de rénovation urbaine. On peut tout de même noter un nombre important de réhabilitation, et dès le début des années 2000, la rénovation urbaine s'organise, au travers de l'ANRU, Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine. En effet, un premier Programme National pour la Rénovation Urbaine, PNRU, ou ANRU 1, voit le jour en 2003 pour s'étendre jusqu'en 2014. En 2014, et avec une prévision jusqu'à 2024, l'ANRU 2, ou Nouveau Programme National pour la Rénovation Urbaine (NPNRU) est mis en place, dans la continuité de l'ANRU 1 mais avec des outils quelque peu différents et des objectifs précisés. Dans ce contexte, on peut définir des typologies de réhabilitations différentes. Bien évidemment, la réhabilitation énergétique est au cœur des projets de rénovation, dans un objectif environnemental premier. Mais la régénération urbaine, le renouvellement de l'image d'une ville ou d'un quartier, reste également un outil politique pour redonner du dynamisme à certaines localités qui peuvent parfois souffrir de décroissance. Enfin, la question patrimoniale est un troisième point clef de la réhabilitation. La reconnaissance d'un héritage architectural, dans le contexte des grands ensembles, n'est pas toujours évident, mais certaines constructions manifestes bénéficient d'une attention particulière, et peuvent faire l'objet de réhabilitation tout en conservant une qualité architecturale propre.

2.2. Réhabiliter : répondre à des besoins techniques pour améliorer l'habitat 2.2.1. La réhabilitation énergétique : une politique pour sauver les grands ensembles ? La question environnementale a commencé à véritablement émerger à la suite du premier choc pétrolier de 1974. En France est créé l'Agence pour les Économies d’Énergie, afin de mettre en place des moyens de réduire le besoin de pétrole. L'industrie, les transports mais également la construction et l'habitat sont compris dans ce processus d'action. Ainsi, les questions d'isolation par exemple, ou encore de consommation énergétique sont prépondérantes dans les programmes de rénovation énergétique. En effet, d'après l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) le secteur du bâtiment représente 24% des émissions de gaz à effet de serre et 44% de la consommation finale d'énergie29. Mais au-delà de la question écologique et des objectifs de réduire les consommations énergétiques, les problématiques sociales et économiques font également partie des plans d'investissement pour les logements. Lutter contre la précarité afin de réduire les charges énergétiques des ménages et développer la filière de rénovation énergétique afin de relancer l'emploi complètent ce système organisationnel. 29 D'après l'ADEME, expertise sur le Plan de rénovation énergétique de l'habitat, 2018, consultable en ligne : https://www.ademe.fr/expertises/batiment/elements-contexte/politiques-vigueur/plan-renovation-energetiquelhabitat-preh

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Figure 27. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal - Avant /Après

Figure 28. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal - Coupe perspective

Figure 29. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal – Axonométrie, étage courant 38


Ainsi, en 2013 est lancé le Plan de Rénovation Énergétique de l'Habitat (PREH). Il prévoit une rénovation massive, à la fois de logements privés et de logements sociaux : jusqu'en 2016, l'objectif fixé est de 90 000 logements sociaux réhabilités. En 2017, les objectifs augmentent pour passer à 120 000, puis 150 000 logements sociaux rénovés 30. Aujourd'hui, en France, environ 110 000 logements HLM sont rénovés par an. Toiture, système de chauffage, menuiseries, isolation intérieure ou extérieure - ou encore installations sanitaires, certains HLM et plus largement certains grands ensembles ont bénéficié de ces réhabilitations. Pourtant, d'un point de vue architectural, l'organisation générale des immeubles n'est généralement pas modifiée. Les réhabilitations restent purement techniques et économiques, mais les plans des logements ne changent pas, bien qu'ils soient parfois inadaptés aux usages d'aujourd'hui, comme c'est le cas pour les blocs en Roumanie. Les similitudes entre le contexte du parc de logement communiste en Roumanie et celui des grands ensembles en France sont finalement importantes. Il semble maintenant pertinent de s’intéresser à certaines réhabilitations qui sortent de l’ordinaire et qui, tout en réalisant les rénovations énergétiques, en profitent également pour repenser l'architecture et les espaces intérieurs des immeubles et logements. 2.2.2. Lacaton & Vassal et le quartier du Grand Parc à Bordeaux 31 : quand la réflexion architecturale s'ajoute à la réhabilitation énergétique Un cas tout à fait exemplaire que l'on peut utiliser pour représenter ce type de réhabilitation serait ainsi la transformation des 530 logements des blocs G, H et I du quartier du Grand Parc à Bordeaux (fig. 27, 28 et 29), par les architectes Lacaton & Vassal associés à Frédéric Druot et Christophe Hutin32. Construit au début des années 1960, la Cité du Grand Parc comptait 4000 logements. En 2011, alors qu'une partie des immeubles est vouée à la démolition, Aquitanis, l'office public de l'habitat de Bordeaux Métropole lance finalement un concours pour la régénération des blocs G, H, et I de cet ensemble. C'est alors le projet des architectes parisiens qui sera retenu. Le chantier débute en site occupé, ce qui ne facilite pas son déroulement. Sophie Poirier, écrivain, publiera en 2016 Le temps du Chantier33, recueil de témoignages des habitants ayant vécu le chantier et la transformation de leur habitat. La même année, le projet est livré. Le choix de transformer et non de démolir est en premier lieu économique. En effet, pour ce projet, le coût final des travaux par logement est de 50 000 euros tandis qu'il aurait été d'environ 150 000 euros pour une démolition et reconstruction34. Toutefois, ce choix économique permet à un patrimoine ordinaire de rester pratiqué et d'offrir à ses habitants un cadre de vie plus agréable et plus durable. Le projet consiste donc en une importante extension de surfaces, par l'ajout de jardins d'hivers et de balcons en façades. La surface totale existante étant de 38 400 m², on en ajoute près de 30 000 pour arriver à une nouvelle surface totale de 68 000 m². Ces nouveaux espaces semiextérieurs permettent à la fois d'agrandir les espaces, de bénéficier d'un confort de lumière, mais aussi de profiter d'une meilleure isolation thermique. Les espaces intérieurs ont parfois été redéfinis, en proposant une diversité plus importante de types : on passe ainsi de logements en T2 et T3 seulement à des types allant du T2 au T6. Les salles de bains ont également été réaménagées et on peut apprécier la revalorisation des jardins en pieds d'immeubles et la 30 Le Plan de Rénovation énergétique de l'habitat (PREH), mis à jour en août 2018, consulté sur https://www.ademe.fr/expertises/batiment/elements-contexte/politiques-vigueur/plan-renovation-energetiquelhabitat-preh 31 Voir le projet du Grand Parc sur http://www.lacatonvassal.com/ 32 Voir Annexe 4 33 POIRIER Sophie, Le temps du chantier, 2016, Éditions Le Festin 34 L'Architecture d'Aujourd'hui n°424, "Anne Lacaton : Nous cherchons toujours à dilater l'espace", Emmanuelle BORNE, France, 2018, pp. 46-51

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Figure 30. Le quartier du Mistral à Grenoble, après la démolition de la barre Anatole-France, remplacée par un espace public, et de l’espace Vaucanson, remplacés par des petits ensembles

Figure 31. Perspective du projet urbain de la Duchère, Lyon 40


reconfiguration des circulations verticales et halls d'entrée. Aucun travaux lourds n'ont été réalisés sur la structure des immeubles, ce qui a permis de concentrer le budget sur une vraie qualité de requalification des espaces et des extensions. Dans ce projet on peut donc bien remarquer le travail simultané entre le besoin d'amélioration technique du bâti, qui soutient une démarche de rénovation énergétique, et le travail d'architecte concernant la réalité des espaces et le confort d'usage et de vie nouvellement proposé aux habitants.

2.3. Réhabilitation et développement urbain : des politiques urbaines pour redynamiser un quartier 2.3.1. Réhabiliter et démolir : deux visions complémentaires La réhabilitation peut également s'inscrire dans une échelle plus large, celle de la ville. En effet, elle est bien souvent convoquée dans le cadre de projets de régénération urbaine. Aujourd'hui, à travers l'ANRU, la rénovation urbaine est orchestrée autour de dynamiques multiples qui se complètent. La question du logement et plus largement des grands ensembles n'est en effet pas le point central du projet urbain, mais plutôt un axe de travail au même titre que les autres. On l'additionne alors à la problématique des transports, du commerce et de l'activité économique, de l'accès aux services, du paysage. Dans un contexte où le patrimoine architectural est essentiellement celui du XXème siècle, la question du déjà-là et de son futur se pose donc encore une fois : réhabiliter, démolir, reconstruire ? Nous pouvons constater que dans l'ensemble des projets de renouvellement urbain, ces trois possibilités se complètent. Dans un souci d'économie et de conscience patrimoniale, on choisit parfois la réhabilitation. Mais la démolition reste toutefois présente. Dans ces cas-là, on démolit dans un souci de salubrité ou de proposition neuve pour attirer un public spécifique, en proposant du logement neuf sous différentes formes : logements sociaux, accession à la propriété... Dans de tels cas bien plus larges qu'une simple réhabilitation ponctuelle d'un bâti, la réorganisation globale du quartier va permettre une souplesse dans les choix opérés, pour garder ou non les immeubles. Politiquement, il est également plus facile de faire accepter des démolitions (si les habitants sont attachés à leurs immeubles) ou au contraire des réhabilitations (s'ils pensent justement que ces immeubles devraient disparaître pour quelque chose de « mieux ») dans un contexte de projet urbain à l'échelle de la ville. Ce sont des projets onéreux et longs à réaliser mais, le but étant d'améliorer sur le long terme la vie des habitants et usagers, ces derniers sont plus ouverts au changement dans un souci de cohésion générale qui leur est expliquée et qui semble être correcte. Ces projets de renouvellement urbain, portés par l'ANRU et organisés de manière relativement semblable, tout en respectant les spécificités de chaque lieu se retrouvent sur l'ensemble du territoire. On peut ainsi parler du quartier du Mistral (fig.30) à Grenoble , de Montreynaud à Saint-Étienne, ou encore du quartier de la Duchère (fig.31) à Lyon pour la région35 Rhône-Alpes, qui regroupe près de 10% des quartiers concernés par le PNRU, Programme National pour la Rénovation Urbaine et par le NPNRU (Nouveau PNRU). Les régions Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côtes-d'Azur font également partie des régions les plus concernées, après l'Île-de-France qui rassemble 30% des quartiers inclus dans ces programmes36.

35 Les régions cités ci-après correspondent au découpage régional avant 2015. 36 Les chiffres clés de l'ANRU et le détail des programmes de renouvellement urbain sont disponibles sur https://www.anru.fr/fre/Programmes

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Figure 32. Villejean et Maurepas en chiffres, ANRU, 2012

Figure 33. Programme de bureaux et commerces, Méioza

Figure 35. Programme de logements et commerces, Senséa

Figure 34: Réaménagement du axes principaux, croquis

Figure 36. Projet de la station de métro Gayeulles 42


2.3.2. Rennes Maurepas : un projet urbain dans un quartier auparavant isolé A Rennes, l'ANRU pilote depuis plusieurs années déjà des projets de rénovation urbaine, notamment dans les quartiers de Villejean et de Maurepas. C'est sur le cas de Maurepas 37 que nous allons nous pencher. Construit entre 1956 et 1964, ce quartier, au nord de la ville de Rennes, a vu le jour dans le contexte des Trente Glorieuses : un grand ensemble de plus, afin de loger au plus vite la main d’œuvre grandissante venue travailler dans le secteur de l'automobile pour la plupart. Ce sont 2000 logements neufs qui voient le jour. Pour faire vivre ces nouveaux quartiers, des centres commerciaux sont également construits, l'un au sud, dans le quartier du Gros Chêne, le second au nord, aux Gayeulles. Ces deux pôles sont séparés par une large et longue avenue, l'avenue de Rochester. Mais comme pour un grand nombre de grands ensembles, la mixité sociale disparaît peu à peu, la pauvreté et le chômage augmentent, et l'insécurité grandit et fait fuir la population au début des années 2000. En 2014, un grand projet urbain porté par l'ANRU voit le jour, avec pour objectif d'être terminé en 202038. Ainsi, dans ce projet, plusieurs pôles sont définis afin de se compléter et de suggérer un propos cohérent pour un ensemble urbain déterminé, le quartier de Maurepas - Les Gayeulles. La ligne directrice de ce projet est la mise en place de la nouvelle ligne de métro qui reliera le quartier au centre-ville de Rennes. Autour de cette ligne gravitera un pôle multi-transport (parcrelais, vélos, gare-bus...) qui permettra donc une meilleure connexion entre ce quartier périphérique et l'hyper-centre rennais (fig.36). Ce projet prévoit également une réorganisation des espaces publics et des voies de communication, en proposant de nouvelles places publiques, ainsi qu'une restructuration manifeste de l'avenue Rochester (fig.34), avenue coupant auparavant le quartier en deux « sous-quartiers » bien distincts. Enfin, l'accent est mis en parallèle sur les activités économiques, commerciales, les services ainsi que le logement. Des pôles commerciaux, bureaux, équipements culturels et de quartier, services et pôles de santé sont construits ou mis en avant afin d'insuffler un nouveau dynamisme par l'intégration de l'activité tertiaire dans le quartier. Pour ce qui est des logements, le projet urbain prévoit une importante part de constructions neuves, en logement collectif, intermédiaire ou individuel, mais également d'importantes réhabilitations. On compte ainsi 1294 logements neufs construits pour 136 démolitions et un total de 1748 réhabilitations. Ces réhabilitations, réalisées par Archipel Habitat et Espacil Habitat, seront réalisées entre 2019 et 2030 et prévoient une réhabilitation énergétique ainsi qu'une restructuration des logements, permettant de passer d'un panel de T2, T3, T4 à un panel allant du T1 au T6 (figure 32).

2.4. Le patrimoine architectural : quand la réhabilitation fait face à la conservation 2.4.1. Patrimoine et labellisations : entre obstacle et soutien La notion de patrimoine en architecture a commencé à émerger en France au lendemain de la révolution de 1789. Bien que l'on parlait déjà auparavant de « monuments anciens » dans un souci de protection, notamment quelques années avant la Révolution, la véritable notion de patrimoine architectural se développe quelques années après39. En 1794 est mis en place 37 Rennes Maurepas Les Gayeulles, « une histoire... » [en ligne], article à consulter sur http://gayeulles.rennesmaurepas.fr/une-histoire-0 38 Rennes Maurepas Les Gayeulles, « un nouveau visage en 2020 » [en ligne], article à consulter sur http://gayeulles.rennes-maurepas.fr/un-nouveau-visage-en-2020 39 LE HÉGARAT Thibault, « Un historique de la notion de patrimoine », 2015, disponible en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01232019

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l'inventaire des biens du clergé et de la noblesse, en prenant en compte à la fois le bâtiment, monument ou maison particulière, mais également les œuvres qu'il contient. Mais la véritable première protection patrimoniale en France date de 1840, avec la première liste des monuments historiques dressée par la commission supérieure des monuments historiques, créée en 1837. Dans cette liste ne sont cependant répertoriés que des édifices religieux (églises, cathédrales, abbatiales, abbayes...), des châteaux, parfois quelques hôtels particuliers ou infrastructures publiques ou de pouvoir (hôtel de ville, porte de ville, aqueducs...). Le travail de répertorisation se développe rapidement et s’investit de l'autorité de l’État. Entre 1840 et 1849, la liste passe de 934 à 3000 édifices40. Toutefois, la patrimonialisation s'intensifie au cours du XXème siècle, avec une succession de lois (1913, 1930, 1943), jusqu'à la Convention de Grenade de 1985, qui vise à « renforcer et promouvoir les politiques de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine architectural en Europe »41. Ainsi, les édifices architecturaux français bénéficient de nombreuses protections ou labellisations : Patrimoine de l'UNESCO, Monument Historique, Architecture Remarquable, ou encore Patrimoine XXème. Ces désignations permettent d'obtenir des aides pour la rénovation des bâtiments, ou encore un budget capable d'offrir des possibilités touristiques et culturelles autour dudit édifice, et donc un soutien important à l'économie des villes, parfois même des régions. On peut facilement illustrer ce cas par l'exemple du Mont-Saint Michel, ou encore du Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives, du Fort l’Écluse dans le pays de Gex, du Château de Bouthéon, etc. La liste pourrait être longue, mais l'on remarque que la majorité des édifices classés ou protégés sont antérieurs aux constructions du XXème siècle. Le label Patrimoine du XXème siècle, créé en 1999 par le ministère de la Culture, permet aujourd'hui de mettre en valeur certains édifices dont la qualité architecturale était jusqu'alors peu ou pas considérée. Pourtant, ce label n'offre pas une reconnaissance à toutes les typologie, et les grands ensembles font plutôt partie des laissés pour compte, sauf dans le cas où l'architecte est connu et reconnu 42 : c'est le cas de l'unité d'habitation de Firminy-Vert ainsi que de son ensemble urbain, que nous aborderons ci-après. Pour le reste, l'absence d'intérêt de la part de la population impacte considérablement les choix opérés pour classer des édifices : les grands ensembles n'attirent plus, et leur banalité architecturale semble les définir avant leur contexte historique de construction. De plus, et c'est peut-être là la cause de cette absence de reconnaissance patrimoniale, la base Mérimée, base de données sur le patrimoine français (disponible sur le site web du Ministère de la Culture), n'inclue pas le terme de « grand ensemble » dans sa classification jusque dans la décennie 2010, mais seulement celui de « cité », qui serait plutôt adapté aux cités de logements de la fin du XIXème siècle43.

40 CHOAY Françoise, L'allégorie du Patrimoine, Paris, Éditions Seuil, 1992 (271 pages), pp. 109 41 D'après le résumé de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, traité n°121, Grenade, 1985, disponible en ligne sur https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/121 42 « On s'est appliqué dès lors à dresser une liste (1963) qui finalement s'attachait aux seules œuvres des architectes vedettes [...] » HAMON Françoise dans « Grands ensembles, demande de patrimonialisation et base Mérimée », Histoire urbaine, vol. 20, no. 3, 2007, pp. 128 43 HAMON Françoise, « Grands ensembles, demande de patrimonialisation et base Mérimée », Histoire urbaine, vol. 20, no. 3, 2007, pp. 126

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2.4.2. Firminy-Vert et l'unité d'habitation du Corbusier : un patrimoine à entretenir Mais qu'en est-il des réhabilitations dans un contexte patrimonial ? La situation peut s'illustrer par le cas de l'unité d'habitation de Le Corbusier, à Firminy-Vert 44. Ensemble urbain construit à la fin des années 1950, Firminy-Vert est le fruit d'une politique urbaine menée par le maire de l'époque, Eugène Claudius-Petit, dans un souci de loger la population croissante qui arrive en ville pour travailler dans l'industrie sidérurgique et métallurgique. C'est alors dans une deuxième phase d'aménagement que l'unité d'habitation de Le Corbusier va voir le jour. Les travaux débutent en janvier 1965. C'est André Wogenscky qui finira le chantier, pour une livraison en 1967. La spécificité de l'architecture de Le Corbusier (fig.40), forme d'habitat en rupture avec les constructions traditionnelles45, permet à la fois à l'Unité d'Habitation d'être reconnue comme patrimoine, mais également au site Le Corbusier dans son ensemble, comprenant le stade, le théâtre de verdure, la maison de la culture et l'église, et enfin au quartier de Firminy-Vert. Celui-ci reçoit le label Patrimoine du XXème siècle. L'unité d'habitation seule est inscrite aux Monuments Historiques en 1993 (pour les façades, toiture et école maternelle), puis en 2010 (pour le hall d'entrée ainsi que l'appartement témoin) 46, tandis que le site Le Corbusier devient Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 2016. Ces classements et labellisations sont aujourd'hui un atout majeur pour l'attractivité culturelle et économique de la ville de Firminy : les habitants de Firminy-Vert n'auraient jamais pensé que leur quartier puisse attirer des touristes du monde entier. La municipalité, mais aussi Saint-Étienne Métropole misent sur les propositions culturelles et touristiques sur le site Le Corbusier pour faire parler de l'agglomération et apporter une activité économique stable et régulière. Pourtant, même si les visiteurs se pressent à Firminy-Vert, le taux de vacance des immeubles de logements reste important. Les constructions sont aujourd'hui relativement inadaptées aux usages et ont des difficultés à tenir face au temps. La dernière réhabilitation de cet ensemble urbain date de 1985, avant le classement au Patrimoine du XX ème siècle. Certaines modifications ont déjà été apportées à cette occasion, notamment en terme d'accessibilité ou d'isolation. La question de savoir ce qui fait patrimoine ou non se pose alors, mais la problématique du devenir de ces immeubles et du quartier dans lequel ils s'intègrent reste présente et urgente à résoudre. Le classement de Firminy-Vert demande effectivement une vigilance considérable en terme de réhabilitation ou de rénovation : cela requiert de répondre à des lois et des normes qui peuvent ralentir, voire bloquer complètement les travaux si le budget alloué n'est pas suffisant pour réhabiliter dans des conditions qui respectent l'édifice d'origine.

2.5. Conclusion Les grands ensembles français ont fleuri dans la deuxième moitié du XX ème siècle en périphérie des villes, dans un contexte où l'urgence de logements a motivé les constructions. La rapidité de construction et les matériaux parfois peu qualitatifs utilisés ont aujourd'hui raison des 44 Pour un propos plus détaillé, se référer à VESCHAMBRE Vincent, « Firminy-Vert et le "site Le Corbusier". Vers une esthétisation du grand ensemble ? » In: Cahiers de la Méditerranée, n°60, 1, 2000. Paysages urbains (XVIeXXe siècles). Tome II [Actes du colloque de Grasse, décembre 1998] pp. 133-156 45 Pour approfondir la question de l'habitat corbuséen : Jacques SBRIGLIO, Le Corbusier : l'Unité d'habitation de Marseille et les autres Unités d'habitation à Rezé-les-Nantes, Berlin, Briey en Forêt et Firminy, Bâle, 2004, Editions Birkhäuser, 250 pages. 46 D'après la Base Mérimée, consultable en ligne : http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr? ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PA00125742

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Figure 37. Firminy-Vert, 1960's

Figure 38. Firminy-Vert, vue d'ensemble

Figure 39. UnitĂŠ d'habitation, Firminy-Vert, Le Corbusier, 1965

Figure 40. Croquis de principe de l'UnitĂŠ d'habitation, Le Corbusier 46


édifices et, comme dans le cas roumain, les grands ensembles ont besoin d'être réhabilités. Cependant, le contexte législatif est différent puisque les habitants ne sont pas propriétaires ; ils ont donc moins de pouvoir sur leurs logements, et l'architecture s'en ressent. Le contexte urbain est également singulier puisque les quartiers de grands ensembles entrent aujourd'hui dans des programmes de rénovation urbaine afin d'apporter un renouveau dynamique à la vie au sein des quartiers. Enfin, la question patrimoniale se pose aussi dans ces situations, avec de nouveaux labels et de nouveaux classements de certains ensembles, qui questionnent sur les choix de réhabilitation apportés ou à apporter afin de conserver l'origine des bâtis tout en leur permettant une évolution durable.

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2. L'HABITANT, L'HABITAT ET LA VILLE : DES CRITÈRES POUR DES VOIES DE RÉHABILITATION 49


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3. L'habitant, l'habitat et la ville : des critères pour des voies de réhabilitation Après avoir défini les spécificités de construction et de réhabilitation de ces deux typologies d'habitat, le bloc et le grand ensemble, nous pouvons alors les mettre en balance et pointer leurs divergences et points communs. Bien sûr, il n'est pas question de proposer une comparaison symétrique de chaque situation, mais plutôt de faire ressortir les rouages de chacun des cas pour pouvoir les comprendre et les mettre en relation. Nous verrons donc dans cette dernière partie que la réhabilitation s'insère finalement en premier lieu dans la notion même d'habiter et les manières d'habiter des individus, mais également dans un contexte urbain, historique et social très fort.

3.1. Réadapter l'habitat 3.1.1. La notion de chez-soi / « casă » et « acasă » « Casă » et « acasă » : en roumain, ces deux mots signifient respectivement « maison » et « chez-soi ». Deux termes très proches, qui nous prouvent la finesse de ce qui les définit séparément. Casă, la maison, illustre dans notre cas la notion de l'habitat : c'est le lieu, l'espace défini de l'environnement dans lequel l'individu vit. Ce terme vient directement du latin, « casa » qui signifie également maison. En français, on distingue également deux mots : la maison et le chez-soi. « Chez » venant également du latin casa (maison), suivi d'un pronom (soi, toi, moi...), il relie directement l'individu au lieu47. Le chez-soi inclue donc le lieu, l'habitat, l'espace de vie, mais pas seulement ; il requiert aussi une dimension identitaire, mémorielle et affective. Pour définir alors un chez-soi, l'individu va s'approprier le lieu. On peut en effet parler de chez-soi pour son logement, mais également à différentes échelles. Le chez-soi peut être l'habitat, la rue, la ville, etc. Il peut également être un objet, une atmosphère, une odeur ou des personnes48. Selon Heidegger, l'habiter est une expression de l'être 49. L'idée d'appropriation fait alors écho à cette phrase, puisqu'en s'appropriant un espace, on le rend nôtre, il reflète les caractéristiques de l'individu qui se l'attribue. Dans le cas d'un logement, l'appropriation peut donc se faire de différentes manières : par les usages de l'espace, par l'usure du temps. L'habitat, s'il est vécu sur une période plus ou moins longue, va s'imprégner de souvenirs et de moments de vie qui seront une part importante du sentiment de chez-soi. Il se rapporte alors à l'affect, aux souvenirs, aux émotions. L'apport culturel peut également être inclus dans le « chez-soi ». Selon les pays, selon les communautés, le chez-soi se définit différemment, car l'habitat même peut être singulièrement différent. On peut illustrer ceci par de nombreux exemples : la yourte mongole, le chalet savoyard, la maison en bauge béninoise ou encore la case kanak, toutes les typologies de 47 D'après la séance de présentation du Séminaire Inter-Laboratoires d'Anthropologies Aix-Marseille (SILAAM) : De l'habitat à la pratique : habiter ? du 3 Novembre 2017. 48 « Pour être « chez soi », il faut donc être dans « ses meubles », dans « ses objets » (un livre, une photo, un tableau, etc.), qui renseignent sur la vie de l’habitant et qui permettent de savoir qui l’on est : ils sont la continuité temporelle de l’identité » : Nadège LEROUX dans « Qu'est-ce qu'habiter ? Les enjeux de l'habiter pour la réinsertion », VST - Vie sociale et traitements, vol. 97, no. 1, 2008, pp. 19. 49 HEIDEGGER Martin, « Bâtir, Habiter, Penser » (1951) dans Essais et conférences, première édition en 1958, Éditions Gallimard, 349 pages

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Figure 41. Façade d'un bloc de logements, Iasi, 2018

Figure 42. Panneau d'information pour la rĂŠhabilitation de logements, Saint-Nazaire, 2017 52


logements peuvent devenir un chez-soi pour les uns mais bien plus difficilement pour les autres. Toutefois, l'appropriation individuelle, personnelle du lieu prime sur la forme architecturale en elle-même puisqu'un chez-soi peut se définir n'importe où, tant qu'il y a appropriation. De même, dans le cas des immeubles d'habitat collectif, les modifications apportées aux logements par les habitants font également partie du processus d'appropriation. Que ce soit à travers le mobilier, la décoration ou des travaux de rénovation, les habitants s'investissent financièrement et investissent de leur temps dans leur logement. Ils agissent pour rendre leur habitat plus personnel et plus adapté à leurs usages. Ainsi, en France comme en Roumanie, et même ailleurs, le chez-soi se développe inéluctablement par l'action de l'habitant. 3.1.2. Espaces pragmatiques en Roumanie et rôle de l'architecte en France Pourtant, l'architecture en elle-même, les espaces, les formes, les matériaux ne sont pas modifiés de la même manière dans les blocs et dans les grands ensembles. La législation est en effet différente : entre les propriétaires roumains et les bailleurs sociaux français, le rôle des acteurs qui gravitent autour de la réhabilitation de ces édifices diffère. En Roumanie, c'est l'habitant qui joue un rôle prépondérant dans la modification des espaces. Comme nous l'avons vu précédemment, il a la possibilité de réadapter son espace de vie en fonction de ses usages, de ses envies, de ses besoins. Il crée des espaces plus ou moins pragmatiques : la pertinence des améliorations apportées au logement permet de faire évoluer l'architecture. L'individu se base sur ses habitudes de vie pour proposer et mettre en place des adaptations concrètes. Pour gagner en espace de rangement, on ferme les loggias. Pour se protéger de la chaleur ou du froid, on change les menuiseries. Pour répondre à la problématique de surpeuplement des logements, on transforme le séjour en chambre, et la buanderie en petite salle de bain supplémentaire. Pourtant la forme architecturale du bloc, avec sa structure généralement formée de poteaux et poutres bétons, et sa longueur qui lui donne l'allure d'une barre, immobile dans le paysage, va rentrer en compte dans la redéfinition des espaces intérieurs. Ce déjà-là contraint la liberté que peuvent avoir les habitants dans la pluralité et les combinaisons de transformations réalisables ou non pour leur logement. Ainsi, on peut énoncer le fait que les réadaptations des habitants dans leur propre logement sont nécessairement cadrées par la forme originelle du bâti. La situation architecturale des blocs est singulière, et donc ses réadaptations le sont aussi. Dans le cas français des grands ensembles, on ne remarque pas de semblables modifications sur les logements, leurs façades, leurs fenêtres, etc. Pourtant la notion de chez-soi et l'adaptation d'un espace à ses usages devrait, comme nous l'avons dit précédemment, être universelle et se manifester en tout lieu. Pourtant, les grands ensembles restent, pour la majorité, tous originels dans leur forme, intérieure comme extérieure. On peut en réalité expliquer ceci par la différence de propriétaires : en effet, en Roumanie, avec plus de 97% d'habitants propriétaires et le basculement engendré par la privatisation des logements, les modifications peuvent être individualisées. Or, en France, les bailleurs sociaux et l’État sont majoritairement propriétaires des immeubles de grands ensembles. Cette situation ne laisse que très peu de libertés aux habitants pour transformer leurs logements. Le chez-soi peut toutefois exister, à travers les objets personnels, les souvenirs, les usages. Mais l'appartement, en temps que lieu, ne va pas évoluer au fil du temps et être modifié par ses habitants. Toutefois, dans les projets de réhabilitation des grands ensembles, le rôle de l'architecte est plus présent qu'en Roumanie. L'exemple du Grand Parc de Bordeaux et du projet de Lacaton & Vassal présenté précédemment nous montre le poids de l'architecte dans une transformation quasi-complète du bâti. L'approche de Lacaton & Vassal se heurte aux usages et habitudes de vie des locataires et le planning de chantier doit prendre en 53


compte ce facteur, dans la mise en place d'une réhabilitation en site occupé. C'est alors une autre manière d'appréhender le chez-soi que de laisser l'avis des experts modifier l'organisation spatiale du lieu de vie. Dans le documentaire HLM : Habitations Légèrement Modifiées de Guillaume Meigneux, on peut voir comment les habitants vivent ces changements et comment l'architecte cherche à apporter des solutions pragmatiques à la réhabilitation en terme d'usages et d'habitudes de vie. 3.1.3. Le rôle de l’État On peut ainsi prendre pour modèle des projets exemplaires de réhabilitation architecturale, pourtant, la majorité des réhabilitations de grands ensembles ne s'attarde pas à travailler sur les espaces intérieurs et les besoins des habitants. Il n'est souvent question que de travaux plus techniques, notamment avec la rénovation énergétique de l'habitat, qui vise simplement à mieux isoler et proposer des solutions de chauffage, de consommation d'énergie plus adaptées économiquement et écologiquement à notre utilisation contemporaine. La situation est la même en Roumanie, avec les programmes de réhabilitation énergétique et structurelle des blocs de logements. Cependant, la problématique supplémentaire du cas roumain reste dans la qualité des travaux réalisés, qui sont parfois peu durables et qui demandent à être repensés pour permettre une véritable réhabilitation efficace des bâtis. Ces deux cas, mis en place par l’État, sont toutefois reçus et même organisés différemment d'un pays à l'autre. En Roumanie, ces programmes de réhabilitation répondent à des besoins urgents de rénovation des bâtiments, face à la qualité thermique et énergétique des constructions de l'époque soviétique et également face au risque fréquent de séismes dans la région qui menacent la population. Ce sont des travaux de grande ampleur et qui devront se répéter sur l'ensemble des blocs : cela représente un coût colossal qui ne peut pas être pris en charge par les propriétaires et copropriétés. La population roumaine n'a pas les moyens, et l'aide financière apportée par l’État, à hauteur de 80% du budget requis, est plus qu'essentielle dans ces réhabilitations. Seule l'architecture, dans sa définition spatiale, n'est pas représentée dans ces investissements, les habitants sont donc seuls décideurs dans la réadaptation de leur logement. Dans le cas français, bien que l'architecture soit également peu travaillée par l’État et les propositions de projets de réhabilitation, la qualité de rénovation urbaine apporte un véritable atout pour les quartiers de grands ensembles. Les projets urbains, soutenus par l'ANRU, sont réfléchis et développés dans une logique globale et apportent une véritable qualité de vie pour des quartiers jusqu'alors enclavés. La réhabilitation est incluse dans une dynamique à la fois économique et sociale et le fait de l'additionner à des projets commerciaux, urbains, et paysagers donne un élan nouveau et affirmé à l'ensemble du quartier visé par le programme de rénovation urbaine. Dans cet investissement de l’État, en Roumanie comme en France, on peut toutefois noter l'importance de l'amélioration de la qualité de vie des réhabilitations réalisées, d'un point de vue certes purement technique mais qui permet aux habitants de vivre dans des logements moins énergivores et plus adaptés aux besoins (thermiques, énergétiques) de ses usagers.

3.2. Requalifier les espaces et le paysage urbain 3.2.1. Esthétique et protection du patrimoine Bien que la réhabilitation ou la forme architecturale du bloc ou des grands ensembles se réfèrent en premier lieu au bâti en lui-même, il est toutefois important de porter un regard plus 54


vaste sur ces typologies d'habitat, à des échelles plus larges : celle de la rue, du quartier, de la ville. L'appropriation des blocs par les roumains apporte, comme nous l'avons déjà dit, une hétérogénéité esthétique dans le paysage urbain. Les ajouts réalisés sur les immeubles créent des diversités et des sous-paysages qui ponctuent l'aspect extérieur des bâtis pour casser la linéarité brutale de la forme originelle. A l'inverse, en France, les grands ensembles, moins modulés par les habitants, permettent de garder une certaine logique et cohérence esthétique. On assiste à une hiérarchisation plus marquée des formes architecturales et des espaces. Le logement reste à l'intérieur de l'enveloppe, qui ne laisse entrevoir que très peu de l'organisation des espaces et des choix des habitants. A l'inverse en Roumanie, les modifications peuvent parfois « sortir » de l'enveloppe, comme des extensions, et peuvent donner des indices au passant qui, depuis la rue, s'attardera sur les façades des blocs. L'une ou l'autre de ces situations peuvent cependant être défendues et servir une vision intrinsèque à chaque culture et chaque pays. Une homogénéité ou une hétérogénéité esthétique ne se justifie que par son contexte et son ancrage historique et social, il est donc également important de prendre en compte les facteurs qui gravitent autour de l'édifice. Ainsi, on peut s'interroger sur le rapport au patrimoine et aux formes de protections que l'on peut trouver dans chaque ville et sur chaque territoire plus largement. En France comme en Roumanie, de nombreuses lois (parfois nationales, parfois européennes) conditionnent constamment les choix architecturaux, les réhabilitations, les constructions nouvelles et les travaux de rénovation urbaine. Chaque intervention se voit toujours contrôlée et souvent limitée dans des zones de protection des monuments historiques, comme les sites patrimoniaux remarquables en France50. Le cas des grands ensembles est toutefois moins contraignant, car souvent en périphérie des villes, ils sont bien moins touchés par la problématique patrimoniale que les centre-villes, dans lesquels on trouve grand nombre de monuments historiques, qui nécessitent des prises de décisions spécifiques quant à leur environnement et des autorisations spéciales quant aux constructions neuves ou réhabilitations. En Roumanie, la situation est encore différente puisque les blocs se trouvent autant en centre-ville qu'en périphérie. De plus, la question patrimoniale est présente différemment : pays très religieux, la Roumanie comptait en 2008 près de 16 000 édifices religieux, seulement orthodoxes. On peut y ajouter quelques lieux de cultes catholiques, juifs ou musulmans. Pour exemple, on recensait 71 églises dans la ville de Iasi en 2015, dont près de la moitié sont classées au patrimoine historique 51. On peut donc facilement croiser une quinzaine d'églises simplement dans l'hyper-centre, les autres étant éparpillées dans l'ensemble de la ville, y compris dans les quartiers périphériques. Le rapport aux zones de protection des monuments historiques est donc plus souple, et les autorisations de construire ou réhabiliter, moins strictes qu'en France. 3.2.2. Cohérence urbaine et urbanité Pour ajouter des éléments d'analyse à la question de l'environnement de ces immeubles, blocs ou grands ensembles, on peut noter que les activités et organisations spatiales dans l'un ou l'autre des cas sont différentes. On fait alors appel au terme d'urbanité : d'après Jacques Levy, l'urbanité procède du « couplage de la densité et de la diversité des objets de société dans l'espace »52. Il s'agirait donc de concentrer en un endroit les espaces fonctionnels qui résultent de faits et besoins sociaux. Dans ces espaces fonctionnels, on peut retrouver l'habitat, le commerce, 50 Nommés ainsi depuis 2016, ils ont remplacé les ZPPAUP, AVAP et secteurs sauvegardés. 51 D'après Mehdi CHEBANA, « A Iasi, l'autre capitale de la Roumanie » dans Le Courrier des Balkans, 2015, consultable en ligne : https://www.courrierdesbalkans.fr/blog-o-ia%C8%99i-l-autre-capitale-de-la-roumanie 52 Jacques LEVY et Michel LUSSAULT, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Editions Belin, Paris, 2003, réédition 2013, 1128 pages.

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Figure 43. Appropriation, dynamique urbaine - Boulevard de l'indĂŠpendance, Iasi, 2018

Figure 44. CitĂŠ des 4000, La Courneuve, 2018 56


la production, les loisirs, les voies de communications53. On s'accorde donc sur le fait que l'habitat n'est pas l'essentiel de l'urbanité, mais que les espaces publics sont finalement majoritaires dans sa production. Il s'agit donc d'une mixité fonctionnelle, à laquelle doit s'ajouter une mixité sociale54, qui inclurait la présence de toutes les strates de la société au sein du quartier, de la ville. Dans le cas roumain et le cas français, on peut nuancer cette notion, et s'interroger sur le rôle de la réhabilitation dans la construction de cette urbanité. Dans le cas des blocs en Roumanie, on peut trouver une forme d'urbanité qui s'explique par l'historique communiste de la construction urbaine : les choix architecturaux, urbains et économiques de l'époque de Gheorghiu-Dej et Ceausescu ont pu apporter une structure urbaine plutôt complète, aussi bien en centre-ville que dans les quartiers périphériques : on remarque que les habitants n'ont pas nécessairement besoin de sortir de leur quartier pour subvenir à leurs besoins. De nombreux commerces en tout genre ponctuent les rez-de-chaussées des blocs ; des services comme les dentistes, médecins, kinésithérapeutes, etc. s'installent également dans les immeubles. Les grands boulevards permettent de desservir les quartiers, et les voies de circulations sont hiérarchisées, entre boulevards, rues et allées. Les plans d'urbanismes s'attardaient à offrir des espaces de promenade le long des rues, bordées de bancs et d'espaces végétalisés, ainsi que des aires de jeux pour les enfants en cœur d’îlots, entre les blocs. Enfin, les quartiers périphériques étaient construits en bordure des quartiers industriels pour que la main d’œuvre soit logée près du lieu de travail. La situation économique et les formes de productions ont évolué aujourd'hui, mais on peut toutefois parler de mixité fonctionnelle : habitat, commerce, loisirs et voies de communications. En France, la situation est différente : les grands ensembles n'ont historiquement pas vraiment été construits dans un souci d'urbanité similaire. Les quartiers sont généralement plutôt enclavés, loin des centres et des fonctions commerciales et de services. Les voies de circulation sont plutôt fonctionnelles, il est pourtant parfois difficile de reconnaître l'aisance d'accès à ces quartiers, en voiture ou avec les transports en commun. On remarque toutefois que l'investissement des habitants dans la vie de leur quartier peut parfois être plus importante qu'en Roumanie ; on trouve des associations de quartiers, espaces jeunesse, centres de loisirs de quartiers, clubs de sports, etc., qui offrent une dynamique sociale plus importante. Pourtant, dans ces deux cas, la mixité sociale est difficile à atteindre. La réponse est naturellement économique, car les loyers et investissements demandés dans l'une ou l'autre des typologies d'habitat font référence à une strate de la société spécifique. Cette notion est cependant à nuancer en fonction des villes, de la richesse, et même des quartiers. Pour le cas roumain, on ne trouvera pas forcément la même population dans les blocs en centre-ville qu'en périphérie. Dans ces contextes qui s'étendent en dehors de la simple vision sur l'habitat collectif, la réhabilitation et ses manifestations diverses s'expliquent : les projets urbains et projets de rénovation urbaine très forts au sein des grands ensembles français, qui s'attaquent à une échelle bien plus globale que le simple bâti cherchent à répondre aux besoins d'urbanité de ces quartiers plutôt enclavés. A l'inverse, les blocs roumains, déjà intégrés dans une dynamique plus large dès leur construction, ne requièrent pas forcément de recherche poussée pour résoudre des problèmes urbains criants.

3.3. Conclusion L'habitat fait nécessairement référence à l'habitant. Il existe une relation d'usage et une 53 D'après le glossaire de Géoconfluences et la définition d'Urbanité, 2017, consultable en ligne : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/urbanite 54 Ibidem

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inscription des mœurs dans l'espace qui définissent la qualité de ces espaces mêmes. Ainsi, l'habitant agit sur son habitat tandis que l'habitat conditionne l'habitant. Dans cette situation, la notion de chez-soi que nous avons détaillée désigne cet espace qui est produit par la forme et par les usages de l'individu qui l'habite. Dans ce contexte-là, la question de la réhabilitation s'impose dans une dynamique architecturale qui demande à être intimement reliée à l'intime et à la spécificité de chacun. En Roumanie comme en France, on aborde donc cette question différemment puisque le cadre législatif est déjà différent. La deuxième notion qui s'inscrit dans cette situation est celle de l'urbanité, et nous voyons que les blocs et les grands ensembles ne font pas face à la même urbanité non plus. De là, la réhabilitation qui leur correspond est nécessairement différente aussi. Le contexte urbain et l'habitant sont donc les deux facteurs qui vont jouer sur l'évolution de ces édifices.

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Conclusion Nous avons pu voir, à travers cette mise en regard de deux situations architecturalement similaires mais pourtant géographiquement différentes, que l'architecture se définit au travers de différents facteurs. Pour revenir sur les cas étudiés, nous pouvons dès lors identifier des spécificités propres à l'une ou l'autre des situations. La Roumanie, dans son contexte historique très marqué par une politique totalitaire qui a assis son pouvoir pendant une quarantaine d'années et laissé des traces profondes et encore présentes trente ans après la chute du régime, connaît une typologie architecturale de l'habitat collectif qu'on appelle les « blocs ». Ils sont aujourd'hui toujours très présents dans le paysage urbain, parfois même rural, mais ils ont subi les dégradations du temps et on peut se questionner sur leur devenir. Depuis une dizaine d'année, on parle de réhabilitation et l’État a mis en place des programmes de réhabilitation thermique et structurelle. Toutefois, des modifications visibles (esthétiques ou spatiales) ont été réalisées dès la privatisation des logements à la chute de Ceausescu. On assiste à des évolutions constantes, régulières mais hétérogènes de l'architecture de ces immeubles. Toutefois, l'organisation globale, entre rôle de l’État, rôle des copropriétés et choix des propriétaires, n'est pas simple à mettre en place et la durabilité des travaux effectués n'est pas systématique. Dans le cas de la France, le contexte historique a également défini une typologie d'habitat collectif spécifique : le grand ensemble, né des besoins croissants de logement pour une main d’œuvre importante, s'est inscrit dans le paysage des villes françaises, mais sous une autre forme que celle des blocs roumains. C'est en périphérie, dans des quartiers construits à la hâte mais toutefois riches d'une organisation spatiale réfléchie que les grands ensembles se sont édifiés. Comme leur homologue roumain, les grands ensembles vieillissent et deviennent obsolètes en terme d'usage et de mœurs de leurs habitants. La réhabilitation entre alors en jeu, mais le rôle de l’État comme des habitants est ici différent : on assiste à une organisation à résonance plus large, d'un point de vue urbain notamment. On peut aussi remarquer le rôle plus conséquent des architectes dans ces réhabilitations, bien que le travail réalisé sur les espaces intérieurs et les besoin de requalification des logements soient encore très peu réfléchis. Les habitants, quant à eux, n'ont pas de rôle à jouer puisqu'ils ne sont pas propriétaires de leurs logements. Ils sont donc plus passifs face à leur habitat, et cherchent toutefois à l'investir et à créer un rapport intime avec lui. Il importe donc à travers ces deux situations de définir les principes et capacités de réhabilitation dont disposent ces typologies d'habitat. La réponse est complète : à la fois sociale et culturelle, politique et historique, économique et urbaine. On peut s'appuyer majoritairement sur le contexte historique de construction de ces immeubles pour comprendre leur évolution et leurs enjeux contemporains. Les blocs et les grands ensembles, comme nous l'avons dit précédemment, sont nés dans un système urbain, politique et social spécifique de la deuxième moitié du XX ème siècle et bénéficient aujourd'hui d'un contexte qui a bien changé. Les habitants ont réadapté leurs logements et ont transformé leur habitat en chez-soi. En parallèle, les États jouent un rôle prépondérant dans la réhabilitation de ces édifices, mais différemment : on assiste à un besoin d'urbanité urgent en France, et à une urgence thermique et structurelle en Roumanie. On peut effectivement accepter que ces immeubles soient esthétiquement similaires, pourtant leurs processus de réhabilitation sont bien différents et leurs issues le seront peut-être également. Nous n'avons aujourd'hui pas le recul nécessaire pour répondre à cette question, mais le contexte culturel et socio-économique de la France et de la Roumanie sont bien éloignés et il semblerait 61


qu'ils le restent encore longtemps, bien que la mondialisation n'ai de cesse de resserrer les liens entre les pays, qui plus est au sein même de l'Union Européenne. Nous pouvons alors dire que les formes d'habiter sont bien plurielles, et se définissent selon leur contexte géographique et culturel. Toutefois, on reconnaît que, selon les besoins, les techniques constructives, les usages de l'habiter, les typologies d'habitat se retrouvent fréquemment. Les barres d'immeubles collectifs, en France, en Roumanie ou encore en Russie, en Allemagne, au Mexique, ou au Vietnam découlent nécessairement d'un besoin, à une période donnée, de développement économique pour chaque pays. On s'accorde alors à dire que les spécificités des édifices ne sont pas qu'architecturales mais bien urbaines, sociales, économiques, politiques. Et de concevoir la même chose quant à leur réhabilitation, qui se développe de plus en plus et qui semble nécessaire à l'évolution des villes. Pourrions-nous cependant faire le choix plus direct de la démolition ? C'est le cas parfois en France, ou en Russie, où l'on préfère démolir pour construire en neuf, mais certains États n'ont pas les moyens et leur seule solution reste la réhabilitation ; cette solution permet toutefois de protéger un patrimoine ordinaire qui n'a a priori pas de grande valeur quant à ses qualités architecturales aux yeux de la population. Pourrions-nous alors imaginer renverser les situations, et proposer des processus de réhabilitation différents ? Pourrions-nous imaginer une réhabilitation « à la française » sur les blocs roumains, ou alors une réadaptation par les habitants dans les grands ensembles ? Il serait peut-être trop ambitieux de proposer par principe de mettre en place des processus finalement exclus de leur contexte global. Existerait-il une manière plus noble, plus juste, de proposer une réhabilitation d'habitat ? Nous pouvons affirmer que la majorité des réhabilitations réalisées dans le monde entier fonctionnent plutôt comme les réadaptations roumaines, car l'autoconstruction est majoritaire face à la construction organisée par les experts et les pouvoirs publics. Nous savons cependant qu'elles ne sont pas viables à 100%, mais serait-il possible d'utiliser leurs forces pour réfléchir à des solutions durables de réhabilitation ? On pourrait imaginer proposer la réhabilitation d'un bloc, en Roumanie, basée sur les travaux pragmatiques déjà réalisés par les habitants, et toutefois soutenus techniquement et financièrement par l’État, en tentant de combler certaines lacunes urbaines dues, encore une fois, au contexte historique qui, nous le rappelons, reste le noyau central de la question de l'habitat collectif.

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Bibliographie BÉRARD Ewa et JAQUAND Corinne, Architectures au-delà du mur : Berlin-Varsovie-Moscou 1989-2009, Paris, Éditions Picard, 2009, 279 pages BOUCHAIN Patrick, Construire ensemble le grand ensemble : habiter autrement, Paris, Éditions Acte Sud, 2010, 72 pages CHEMETOV Paul, Le monde des grands ensembles, Éditions Creaphis, 2004, 268 pages CHOAY Françoise, L'allégorie du patrimoine, Éditions Seuil, 1992, 270 pages CHOAY Françoise, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Éditions Seuil, 2009, 214pages DURANDIN Catherine, Histoire des Roumains, Paris, Éditions Fayard, 1995, 573 pages DURANDIN Catherine et PETRE Zoé, La Roumanie post 1989, Paris, Éditions L'Harmattan, 2008, 218 pages GERMANN Georg et SCHNELL Dieter, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l'aune de l'éthique, Gollion (Suisse), Éditions Infolio, 2014, 145 pages GRAS Pierre, KADDOUR Rachid, PAYEN Catherine, HLM & patrimoine : l'héritage de l'habitat social dans la Loire, Lyon, Éditions Lieux dits, 2008, 141 pages IONESCU Grigore, Istoria arhitecturii in România, de la sfirsitul veacului al XVI-lea pina la inceptul celui de al cincilea deceniu al veacului al XX-lea, Bucarest, Editura Academiei Republicii Sociliste România, 1965, 539 pages LEFEBVRE Henri, La production de l'espace, Editions Economica, 1974, 485 pages LEGER Jean-Michel, Usage, Paris, Éditions de la Villette, 2012, 79 pages LEVY Jacques et LUSSAULT Michel, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Éditions Belin, Paris, 2003, réédition 2013, 1128 pages LOUPAN Victor, La Révolution n'a pas eu lieu : histoire d'un coup d’État, Paris, Éditions Robert Laffont, 1990, 224 pages MOLEY Christian, (Ré)concilier architecture et réhabilitation de l'habitat, Paris, Éditions du Moniteur, 2017, 288 pages PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel, YOUNES Chris, Habiter, le propre de l'humain: villes, territoires et philosophie, Éditions Découverte, 2007, 388 pages RAGOT Gilles, Le Corbusier à Firminy-Vert : manifeste pour un urbanisme moderne, Paris, Éditions du Patrimoine, 2011, 350 pages SALIGNON Bernard, Qu'est-ce qu'habiter ? Éditions de la Villette, 2010, 143 pages VESCHAMBRE Vincent, Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presse universitaire de Rennes, 2008, 315 pages ZAHARIADE Ana Maria, Arhitectura in proiectul comunist : Romania 1944-1989, Bucarest, 2011, 144 pages

Travaux de recherche FIRAN Carmen, « Le logement social en Roumanie », mémoire de master en sciences sociales, sous la direction de Alain Bertho, Paris, Université de Paris 8, 2007 RACOLTA Radu Petru, « L'architecture totalitaire, une monographie du Centre Civique de Bucarest », thèse de doctorat en aménagement, territoires et patrimoines, sous la direction de Michel Depeyre et Anne Coste, Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 2010, 449 pages VAGNER Iulian Ioan, « Corelarea intre reabilitarea structurala, functionala si estetica asupra cladirilor », thèse de doctorat en construction, sous la direction de Mihai Budescu, Iasi, Facultatea de Constructii si Instalatii din Universitatea tehnica Gheorghe Asachi, 2015 63


Articles AGERPRES, « PMB : 10 milioane de euro alocate in bugetul pe 2018 pentru reabilitarea si consolidarea cladirilor cu risc seismic » dans Economica.net, 2018, disponible en ligne : http://www.economica.net/pmb-10-milioane-de-euro-alocate-in-bugetul-pe-2018-pentrureabilitarea-si-consolidarea-cladirilor-cu-risc-seismic_150777.html (consulté en janvier 2019) ANONYME, « Peste 130 de blocuri din sectoarele 3, 4 si 6 urmeaza sa fie reabilitate » dans Digi24, 2018, disponible en ligne : https://www.digi24.ro/stiri/actualitate/social/primaria-capitaleivrea-sa-reabiliteze-peste-130-de-blocuri-din-sectoarele-3-4-si-6-930031 (consulté en janvier 2019) ANDRIEUX Jean-Yves et SEITZ Frédéric, « Architecture et politique en France, 1945-1995 », dans Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 1995, pages 14-15, disponible en ligne : http://journals.openedition.org/ccrh/2689 (consulté en septembre 2018) CHEBANA Mehdi, « A Iasi, l'autre capitale de la Roumanie » dans Le Courrier des Balkans, 2015, disponible en ligne : https://www.courrierdesbalkans.fr/blog-o-ia%C8%99i-l-autrecapitale-de-la-roumanie DIACONU Adriana, « Construire contre l'État en République socialiste de Roumanie (19471989) » dans Le Mouvement Social, vol. 245, no. 4, 2013, pp. 71-82 FEZI Bogdan Andrei, « De la systématisation de Bucarest à la destruction des villages roumains » dans In Situ. Revue des patrimoines, 2013, n°21 GRIDAN Irina, « La Roumanie de Gheorghiu-Dej, satellite récalcitrant de l'URSS » dans Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, 2014, n°39, pages 147-154 GUILLOT Julien, « Quelle protection pour le patrimoine architectural ? Quelques éléments juridiques et historiques » dans Les carnets de l'Inventaire, 2015, consultable en ligne : https://inventaire-rra.hypotheses.org/3344 HAMON Françoise, « Grands ensembles, demande de patrimonialisation et base Mérimée » dans Histoire Urbaine, 2007, n°20, pages 123-132 HIDALGO Bernardo Robles, PETKOVA Natalia, PETKOVA Paula, « A Storey's Tale at Petrzalka », Espagne, consultable en ligne : http://www.robleshidalgo.com/photo/index.php?/bocetos/a-storeys-tale-at-petrzalka-/ IVANOV Catiusa, COZMEI Victor, « Reabilitarea termica in Bucuresti. Cati bani a consumat acest program si ce probleme tehnice au aparut » dans HotNews.ro, 2013, disponible en ligne : https://www.hotnews.ro/stiri-administratie_locala-14708168-fotogalerie-reabilitarea-termicabucuresti-cati-bani-consumat-acest-program-probleme-tehnice-aparut.htm (consulté en déc 2018) LE HEGARAT Thibault, « Un historique de la notion de patrimoine », 2015, 12 pages, disponible en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01232019/document LEROUX Nadège, « Qu'est-ce qu'habiter » dans Vie sociale et traitements, 2008, n°97, pages 14-25 MOUCHARD Laure, « De l'habitat à la pratique : habiter ? Présentation », Séminaire Inter-Laboratoires d’Anthropologie Aix-Marseille, 2017, consultable en ligne : https://silaam.hypotheses.org/227 PAPAGEORGIADIS Ilias, « Blocurile vechi construite in anii comunismului : elemente pozitive si negative ale optiunilor principale rezidentiale ale tarii » dans HotNews.ro, 2011, disponible en ligne : https://economie.hotnews.ro/stiri-imobiliar-8500376-blocurile-vechi-construite-aniicomunismului-elemente-pozitive-negative-ale-optiunilor-principale-rezidentiale-ale-tarii.htm (consulté en décembre 2018) STANISZKIS Magdalena, « Varsovie : le chaos urbain, signe de la transition » dans Architectures au-delà du mur : Berlin-Varsovie-Moscou 1989-2009, Paris, Éditions Picard, 2009, pp. 130-131 VAN DER GRAAF Peter, « The lost Emotion : feeling at home in sociology », RC21 Conference, Sao Paulo (Brésil), 2009, 29 pages VASSART Sabine, « Habiter » dans Pensée Plurielle, 2006, n°12, pages 9-19 64


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Textes de lois ASSEMBLEE NATIONALE, « Lege nr. 58 din 1 noiembrie 1974 », publié dans Buletinul oficial nr. 135, Bucarest, 1974 CONSEIL DE L'EUROPE, « Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe », STE 121 3.X.1985, Grenade, 1985 MDRAP, « Programul de reabilitare termica a blocurilor de locuinte », 2009, disponible en ligne : http://www.mdrap.ro/programul-national-privind-cresterea-performantei-energetice-la-blocurilede-locuinte MDRAP, « Programul de interventii in prima urgenta la constructii vulnerabile si care prezinta pericol public », disponible en ligne : http://www.mdrap.ro/constructii/siguranta-post-seism-acladirilor/programe-de-prevenire-a-riscului-seismic/interventii-prima-urgenta

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Filmographie MEIGNEUX Guillaume, HLM Habitations Légèrement Modifiées = Slightely modified housing, France, Cellulo Prod et Interland films, 2013, 76 min 65


Table des figures Figure 1. Bloc H-1 (1960's), Boulevard Nicolae Iorga, Podu Ros, Iasi, Roumanie. BACU, 2015, disponible en ligne : https://www.facebook.com/pg/SocModernism/photos/? tab=album&album_id=492070870935659 Figure 2. Allée Giacomo Puccini (1950's), Montreynaud, Saint-Étienne, France. Mémoir2cité, 2018 disponible en ligne : https://www.flickr.com/photos/memoire2cite/43301148051/in/photostream/ Figure 3. Nicoale Ceausescu devant la maquette du Bucarest « systématisé », 1974. Dans « 2.000.000 de FAMILII de români, DISTRUSE de decizia lui Ceaușescu. IZGONIȚI din propriile case. Mișcarea care i-a GRĂBIT SFÂRȘITUL », EVZ.ro, 2017, disponible en ligne : https://evz.ro/in-urma-cu-43-de-ani-era-adoptata-legea-sistematizarii-ceausescu.html Figure 4. Les travaux de systématisation du territoire à Oradea, 1960's. Dans « Sistematizarea Oradiei intre 1960-1989 », 2014, disponible en ligne : www.oradeainimagini.ro/din-trecut/sistematizarea-oradiei-intre-1960-1989/#/ Figure 5. Dégâts à Bucarest après le séisme du 4 mars 1977. Agerpres, dans « 41 ani de la cel mai mare cutremur din România. 35.000 de locuinţe, distruse în 56 de secunde », Stirileprotv.ro, 2018, disponible en ligne : https://stirileprotv.ro/stiri/actualitate/41-ani-de-cel-mai-mare-cutremur-din-romania-35-000-delocuinte-distruse-in-56-de-secunde.html Figure 6. Plan de systématisation de Bucarest Ibidem Figure 7. Le développement des stations balnéaires par Cezar Lazarescu, Mamaia, 1961 Dans « Scurta privire a supra premiilor uniunii arhitectilor (1957-1988) », Arhitectura 1906, disponible en ligne : http://arhitectura-1906.ro/2016/12/scurta-privire-asupra-premiilor-uniuniiarhitectilor-1957-1988/ Figure 8. 1989, la révolution roumaine à Bucarest Creative Commons/ Denoel Paris, dans « To Romania the 1989 revolution came last », European Bank for Reconstruction and Development, disponible en ligne : https://www.ebrd.com/news/2014/to-romania-the-1989-revolution-came-last.html Figure 9. Magasins de fortune, Targu Cucu, Iasi Street view, Google Maps, 2018 Figure 10. Magasins de fortune, Strada Nicolina, Iasi Ibidem Figure 11. Bloc Lizeanu, Bucarest, 1960's BACU, 2015, disponible en ligne : https://www.facebook.com/pg/SocModernism/photos/? tab=album&album_id=492070870935659 Figure 12. Lujerului, District 6, Bucarest, 1970's Ibidem Figure 13. Carte ALERT, recensant les immeubles à risque sismique de Bucarest Make It Better, disponible en ligne : http://seismic-alert.ro/ Figure 14. Quartier Alexandru Cel Bun, Iasi Google Earth Figure 15. Réhabilitation colorée sur le boulevard Titulescu Hotnews, dans « Reabilitarea termica in Bucurest. Cati bani a consumat acest program si ce probleme tehnice au aparut », Hotnews.ro, 2013, disponible en ligne : https://www.hotnews.ro/stiri-administratie_locala-14708168-fotogalerie-reabilitarea-termicabucuresti-cati-bani-consumat-acest-program-probleme-tehnice-aparut.htm

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Figure 16. Réhabilitation en trois temps, Boulevard Ion Mihalache din Capitala, Bucarest Ibidem Figure 17. Appropriations par les habitants : Bloc à Pantelimon, Bucarest, 1970's. BACU, 2015, disponible en ligne : https://www.facebook.com/pg/SocModernism/photos/? tab=album&album_id=492070870935659 Figure 18. Balcon extérieur, boulevard de l'indépendance, Iasi (1983) Crédits personnels, 2018 Figure 19. Intérieur d'un logement, boulevard de l'indépendance, Iasi (1983) Ibidem Figure 20. Workshop Bloc.Unblock : rénovation des espaces communs d'un bloc, Bucarest, 2018 Designers Thinkers Makers, 2018, disponible en ligne : https://www.facebook.com/pg/designersthinkersmakers/photos/?ref=page_internal Figure 21. Ibidem Figure 22. Ibidem Figure 23. Quartier de La Métare, Saint-Etienne, en construction (1971-1973) Mémoir2cité, 2018 disponible en ligne : https://www.flickr.com/photos/memoire2cite/27691010137/in/photostream/ Figure 24. Nanterre, démolition du bidonville des Pâquerettes et construction de la cité des Canibouts, 1959-1961 H. Guérard / Adoma, dans « Trente Glorieuses », Musée de l'Histoire de l'immigration, disponible en ligne : http://www.histoire-immigration.fr/reperes/lieux-de-vie/trente-glorieuses Figure 25. ZUP de Montreynaud, Saint-Etienne, avant 2011 Disponible en ligne : https://sourireaumonde.files.wordpress.com/2011/08/montreynaud.jpg Figure 26. Démolition de la tour Plein Ciel, Montreynaud, Saint-Etienne, 2011 Capture d'écran vidéo, EPURES, 2011, disponible sur en ligne : https://www.youtube.com/watch? v=21wkwQuC9Aw Figure 27. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal - Avant /Après Philippe Ruault, disponible en ligne : https://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=80 Figure 28. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal - Coupe perspective Lacaton & Vassal / Druot / Hutin, 2015, disponible en ligne : https://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=80 Figure 29. Projet du Grand Parc, Bordeaux, Lacaton & Vassal – Axonométrie, étage courant Ibidem Figure 30. Le quartier du Mistral à Grenoble, après la démolition de la barre Anatole-France, remplacée par un espace public, et de l’espace Vaucanson, remplacés par des petits ensembles Aktis, dans « le quartier du Mistral trouve un second souffle », Le Moniteur, 2018, disponible en ligne : https://www.lemoniteur.fr/article/le-quartier-mistral-trouve-un-second-souffle.1996829 Figure 31. Perspective du projet urbain de la Duchère, Lyon Asylum, dans « Le projet Lyon La Duchère », Grand Projet de Ville Lyon La Duchère, 2017, disponible en ligne : http://www.gpvlyonduchere.org/projet/gpv-accueil-projet/ Figure 32. Villejean et Maurepas en chiffres, ANRU, 2012 ANRU, dans Carnet de visite QUAP Rennes Quartiers Villejean et Maurepas, 2012, page 6. Figure 33. Programme de bureaux et commerces, Méioza Epiceum et Ville de Rennes, Panneaux de projet, disponible en ligne : http://gayeulles.rennesmaurepas.fr/sites/default/files/pages/press/panneaux_projet_maurepas_les_gayeulles.pdf Figure 34. Réaménagement des axes principaux, croquis Epiceum et Ville de Rennes, Plaquette, disponible en ligne : http://gayeulles.rennesmaurepas.fr/sites/default/files/pages/press/plaquette_projet_maurepas_les_gayeulles.pdf Figure 35. Programme de logements et commerces, Senséa 67


Epiceum et Ville de Rennes, Panneaux de projet, disponible en ligne : http://gayeulles.rennesmaurepas.fr/sites/default/files/pages/press/panneaux_projet_maurepas_les_gayeulles.pdf Figure 36. Projet de la station de métro Gayeulles Disponible en ligne : http://gayeulles.rennes-maurepas.fr/un-nouveau-visage-en-2020/metro-etpole-dechanges Figure 37. Firminy-Vert, 1960's Fondation Le Corbusier, disponible en ligne : https://sitelecorbusier.com/le-corbusierfirminy/quartier-de-firminy-vert/ Figure 38. Firminy-Vert, vue d'ensemble Ibidem Figure 39. Unité d'habitation, Firminy-Vert, Le Corbusier, 1965 Fondation, Le Corbusier, disponible en ligne : https://sitelecorbusier.com/parcours-devisite/lunite-dhabitation/ Figure 40. Croquis de principe de l'Unité d'habitation, Le Corbusier Figure 41. Façade d'un bloc de logements, Iasi, 2018 Crédits personnels, 2018 Figure 42. Panneau d'information pour la réhabilitation de logements, Saint-Nazaire, 2017 Silène, disponible en ligne : https://www.silene-habitat.com/plaisance.htm? ob=projet&act=viewProjet&proj_id=32&mode=nature Figure 43. Appropriation, dynamique urbaine - Boulevard de l'indépendance, Iasi, 2018 Crédits personnels, 2018 Figure 44. Cité des 4000, La Courneuve, 2018 Cami Sheena, 2018

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Annexes Annexe 1

Annexe 2

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Annexe 3

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L’habitat collectif de la deuxième moitié du XXème siècle est devenu aujourd’hui un sujet central dans le domaine de l’architecture. Comment l’aborder ? Comment l’inclure dans des dynamiques urbaines durables ? Comment le préserver ? On remarque en France un intérêt particulier grandissant pour sa réhabilitation, dans le cadre de projets de renouvellement urbain ou de rénovation énergétique. C’est à travers une mise en regard de la situation française et d’une situation typo-morphologique similaire, mais contextuellement différente, que nous pouvons comprendre les choix et prises de positions dans les processus de réhabilitation de l’habitat collectif. Nous proposons donc d’étudier en parallèle le cas du grand ensemble français et de celui du bloc roumain, deux typologies architecturales a priori homologues. A travers ces deux cas, nous verrons que les valeurs historique, sociale et urbaine vont esquisser des usages et réhabilitations bien différentes mais toutefois ancrées dans une logique contextuelle. Habitat collectif // Réhabilitation // Appropriation // France // Roumanie The collective housing built during the second half of the 20th century is nowadays a central topic in the field of architecture. Which approach should we have ? How should we include it in some sustainable urban dynamics ? How to protect it ? In France, we can notice a special interest growing for its rehabilitation, within urban renewal and energy renovation projects. It is through a comparison between the french situation and a typomorphological situation which is similar, but contextually different, that we can understand the choices and position statements in the process of rehabilitation of the collective housing. Therefore, we propose to study the case of the french « grands ensembles » and the one of the romanian « bloc », two architectural typologies which seem to be counterpart. Through both cases, we will see that historical, social and urban values will sketch out different manners and rehabilitations but nevertheless rooted in a contextual logic. Collective housing // Rehabilitation // Appropriation // France // Romania Locuințele colective din a doua jumătate a secolului al XX-lea a devenit astăzi un subiect central în domeniul arhitecturii. Cum trebuie abordata aceasta problema? Cum să o includem în dinamismul urbane durabile? Cum să o prezervam ? Există în Franța un interes din ce in ce mai intens pentru reabilitarii cladirilor, in cadrul proiectelor de modernizare urbană sau de renovare energetică. Este o comparație între situația franceză și o situație tipo-morfologică similară, dar contextual diferită, că putem înțelege alegerea și orinetarea în procesul de reabilitare a locuințelor colective. Prin urmare, propunem de a studia în paralel modelul al « grands ensembles » francez și cel al « blocului » românesc, două tipologii arhitecturale a priori echivalente. Prin intermediul celor două cazuri, vom vedea că valorile istorice, sociale și urbane vor schița utilizări și reabilitări foarte diferite, dar în acelasi timp sa fie înrădăcinate într-o logică contextuală. Locuința

colectivă

//

Reabilitare

//

Însușire

//

Franța

//

România


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