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www.clubscientifique.1s.fr


ENDODONTIE

ProTaper® obturators : le Thermafil® revisité.

Mots clés : Obturation canalaire Gutta percha Thermafil

Keywords :

ProTaper® obturators : Thermafil® revisited.

Root canal obturation Gutta percha Thermafil

Pierre MACHTOU*, François BRONNEC** * PU-PH - Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris. ** Ancien Interne - Assistant Hospitalier Universitaire - Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris.

r é s u m é abstract

D

epuis sa commercialisation, le Thermafil® a fait l’objet de critiques, concernant pour l’essentiel son manque de contrôle du niveau de l’obturation. Pourtant, des modifications dans la mise en œuvre clinique de cette technique permettent d’en limiter les inconvénients et de la rendre davantage prédictible. Cette technique d’obturation canalaire permet en effet d’obtenir d’excellents résultats, notamment pour l’obturation des canaux longs et courbes, dans la limite de ses indications et dès lors qu’un protocole strict est suivi.

ince its first introduction in endodontics, Thermafil® obturation system has been criticized for its lack of reproducibility and its tendency for apical extrusion. Slight modifications of the conventional method of use are necessary to obtain more predictable results. Thermafil still remains one of the best techniques for a three dimensional obturation of complex root canal systems and is particularly appropriate for long and curved root canals, as long as the detailed protocol described in this article is followed.

S

soumis pour publication le 10/10/06 accepté pour publication le 17/01/07

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Rev Odont Stomat 2007;36:75-85


ENDODONTIE

lusieurs techniques et systèmes d’obturation canalaire sont actuellement disponibles. Il n’existe cependant pas de preuve démontrant la supériorité clinique d’une technique sur les autres, dans la mesure où le résultat du traitement endodontique, c’est-à-dire le pronostic, est influencé par de multiples variables (Chu et coll., 2005). La première approche codifiée du traitement endodontique est due à H. Schilder, qui à la fin des années 60 a intimement relié l’étape de mise en forme à celle de l’obturation (Schilder 1967). Pour la première fois, les techniques de mise en forme et d’obturation étaient conçues pour être complémentaires, les résultats de l’obturation dépendant du respect des critères de mise en forme canalaire. Bien que relativement récent, le Thermafil® est certainement le système d’obturation canalaire qui a fait l’objet du plus grand nombre d’évaluations depuis son apparition dans les années 1990. Pour preuve, une recherche bibliographique sur PubMed ne recense pas moins de 106 références bibliographiques sur le sujet. Cependant, il s’agit essentiellement d’études in vitro évaluant l’étanchéité apicale, et celles-ci présentent des résultats souvent contradictoires, liés à une hétérogénéité dans les protocoles de mise en œuvre. Ainsi, les résultats sont meilleurs (Gencoglu et coll., 2002), égaux (Bhambhani et coll., 1994) ou inférieurs (Kytridou et coll., 1999) en comparaison aux autres techniques d’obturation. De plus, la validité scientifique de ces tests in vitro est actuellement remise en question pour évaluer du comportement clinique des matériaux d’obturation (Pommel et coll., 2001 ; Karagenc et coll., 2006).

P

S

Dès son introduction, le système Thermafil® a fait l’objet de nombreuses critiques au niveau de sa mise en œuvre clinique : ■ Présence initiale d’un tuteur métallique, remplacé dans les versions actuelles par un tuteur en plastique, compliquant la préparation d’un logement de tenon et le retraitement (Zuolo et coll., 1994). ■ Présence intrinsèque d’un tuteur au sein de la masse de Gutta Percha, avec la possibilité de contact du tuteur avec les parois, voire avec les tissus desmodontaux au niveau du foramen (Rapisarda et coll., 1999). ■ Manque de contrôle apical du niveau de l’obturation (excédent de GuttaPercha, extrusion du tuteur) (Clinton et coll., 2001).

Since its introduction, Thermafil® system has been the subject of numerous criticisms for its clinical application : ■ Initial presence of a metal carrier, replaced in the current versions by a plastic carrier, complicating further post space preparation and endodontic retreatment (Zuolo et al., 1994). ■ Intrinsic presence of a carrier within the gutta percha mass, with the possibility of contact of the carrier to root canal walls even to periodontal tissues at the apical foramen (Rapisarda et al., 1999). ■ Lack of apical control during obturation (excess of gutta percha, extrusion of the carrier) (Clinton et al., 2001).

À ces critiques, on peut rajouter, d’un point de vue pratique, les inconvénients suivants : ■ Excédent de matériaux dans la cavité d’accès, compliquant l’obturation de canaux multiples au niveau des pluriradiculées.

From a practical point of view, the following disadvantages can be also added : ■ Excess of materials in the access cavity complicating the obturation of multiple canals in multirooted teeth.

everal root canal obturation techniques and systems are presently available. No evidence, however, has been demonstrated concerning the clinical superiority of one over the other techniques as far as the result of endodontic treatment or prognosis is influenced by several variables (Chu et al., 2005). At the end of the 60s, the first global approach of endodontic treatment has been systematized by H. Schilder who closely related root canal shaping to canal obturation (Schilder 1967). For the first time, root canal shaping and obturation techniques were considered to be complementary and the results of canal obturation depend on the respect of root canal shaping criteria. Although relatively recent, Thermafil® is certainly the canal obturation system which has been subject to the largest number of evaluations since its introduction in the 1990s. A bibliographical search on PubMed on the subject counts not less than 106 bibliographical references. However, most publications essentially concern in vitro studies evaluating the apical seal and the results are often contradictory related to the heterogeneousness of application protocols. The results have thus been reported to be better (Gencoglu et al., 2002), equivalent (Bhambhani et al., 1994) or inferior (Kytridou et al., 1999) in comparison to the other obturation techniques. Moreover, the scientific validity of these in vitro tests is at present questioned to evaluate clinical behaviors of canal obturation materials (Pommel et al., 2001; Karagenc et al., 2006).

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Difficulté d’accès et manque de visibilité dus à l’encombrement spatial du manche de l’obturateur, notamment dans les secteurs postérieurs et au niveau des dents à canaux multiples en rapport avec l’étroitesse de la chambre pulpaire.

Difficulty of access and lack of visibility due to the spatial obstruction of the obturator’s handles, notably in the posterior sectors and in teeth with multiple canals due to the narrowness of the pulp chamber.

Avantages

Advantages

En revanche, il existe avec le Thermafil® un aspect positif, qui a rarement été pris en compte dans les techniques d’obturation. Celui-ci concerne la masse globale de Gutta Percha par rapport au film de ciment (Jarrett et coll., 2004). En effet, le Thermafil est la seule technique où l’on est sûr d’avoir de la Gutta Percha thermoplastifiée au niveau apical de l’obturation (Gencoglu et coll., 2003), zone qui présente le plus d’irrégularités. Par ailleurs, c’est avec le Thermafil que l’épaisseur du film de ciment est la plus faible (Weis et coll., 2004), ce qui rend possible une pénétration de Gutta Percha et de ciment dans les canalicules dentinaires, lorsque la boue dentinaire a été éliminée (De Deus et coll., 2004).

On the other hand, Thermafil® presents a positive aspect which was rarely taken into account in obturation techniques concerning the global mass of gutta percha with regard to the sealer film thickness (Jarrett et al., 2004). Indeed, Thermafil is the only obturation technique certainly providing thermoplastisized gutta percha at the apical zone presenting the most irregularities (Gencoglu et al., 2003). The sealer film thickness when obturated with Thermafil is moreover the thinnest (Weis et al., 2004). A penetration of gutta percha and cement in dentinal tubules when dentin smear layer was eliminated is thus possible (De Deus et al., 2004).

Enfin, il s’agit bien d’une technique de gutta chaude respectant les principes de la condensation verticale, le tuteur agissant comme un fouloir qui déplace une vague unique et continue de Gutta Percha en direction apicale. La viscosité très inférieure de la Gutta Percha Thermafil® est un facteur favorisant son écoulement et son adaptation aux parois canalaires (Gencoglu et coll., 1993), sans nécessiter une force de condensation importante, ni générer de contrainte au niveau des parois radiculaires (Blum et coll., 1998).

Finally, it is indeed a warm gutta percha technique respecting the vertical compaction principles and the carrier, acting as a plugger, displaces a unique and continuous wave of gutta percha in an apical direction. The very low viscosity of Thermafil® gutta percha favors its flow and its adaptation to canal walls (Gencoglu et al., 1993) without requiring a high condensation force and no stress generation at the radicular walls (Blum et al., 1998).

Limites

Limitations

Contrairement à ce qui est fréquemment écrit, le Thermafil® n’est pas, à notre avis, une technique universelle : elle est inappropriée pour l’obturation des canaux présentant des butées ou des divisions canalaires, le canal mis en forme ne devant pas présenter d’obstacle à la mise en place de l’obturateur et à l’écoulement de la Gutta Percha. De plus c’est une technique qui n’a pas d’intérêt au niveau des monoradiculées, dont les canaux sont le plus souvent droits et larges.

To our opinion and contrary to a frequent report, Thermafil® is not a universal technique. It is inappropriate for obturation of ledged canals or canals presenting canal divisions. The shaped canal must not present any obstacle to the obturator placement and the flow of gutta percha. Furthermore this technique presents no interest in single rooted teeth with mostly straight and wide canals.

En revanche, c’est la technique de choix pour l’obturation des canaux longs, étroits et courbes que l’on retrouve au niveau des racines des molaires (Leung et coll., 1994).

On the other hand, it is the obturation technique of choice in long, narrow and curved canals found in the roots of molars (Leung et al., 1994).

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En outre, elle est sans aucun doute la technique la moins opérateur-dépendant pour obtenir des résultats reproductibles, dès lors qu’un protocole strict, tel que décrit dans cet article, est scrupuleusement suivi.

This technique is besides undoubtedly the least operator-dependent to obtain reproducible results providing that a strict protocol, such as described in this article, is scrupulously followed.

On peut aujourd’hui affirmer, sans risque d’erreur, que tous les problèmes rencontrés dans le passé avec le Thermafil® étaient directement liés au nonrespect des principes de mise en forme canalaire.

We can assert today, without risk of error, that all the problems encountered in the past with Thermafil® were directly related to the non respect of canal shaping principles.

Donc, comme pour les autres techniques d’obturation faisant appel à la thermoplastification de Gutta Percha, la mise en forme requise lors de la préparation canalaire doit répondre aux critères décrits par H. Schilder (1974) : ■ Respect de la trajectoire canalaire ■ Obtention d’une forme conique continue ■ Maintien de la position du foramen ■ Maintien de l’étroitesse du foramen

Like the other obturation techniques requiring the thermoplastification of gutta percha, the required canal shape following the canal preparation must therefore respond to the criteria described by H. Schilder (1974) : ■ Respect of the root canal path ■ Obtaining of a continuous tapered shape ■ Maintenance of the foramen position ■ Maintenance of the foramen as small as practical

La mise en forme obtenue lors de l’utilisation du système ProTaper® Universal (Dentsply Maillefer) permet d’atteindre ces objectifs mécaniques (Peters et coll., 2003). Des obturateurs spécifiques de la gamme Thermafil (ProTaper® Universal Obturators) ont été conçus pour correspondre parfaitement à la mise en forme obtenue avec les instruments de finition apicale (Fig. 1).

Canal shape obtained following a canal preparation with ProTaper® Universal system (Dentsply Maillefer) is reported to achieve these mechanical objectives (Peters et al., 2003). Specific Thermafil obturators (ProTaper® Universal Obturators) are designed to perfectly match the canal shape obtained with the instruments for apical finishing (Fig. 1).

Etapes cliniques

Clinical steps

Sélection de l’obturateur

Selection of the obturator

(Fig. 2 à 5)

(Fig. 2 to 5)

Le choix de l’obturateur est fait après essayage d’un tuteur dénudé de GuttaPercha (elle est facilement retirée à froid entre le pouce et l’index), et non basé sur l’utilisation des Verifiers®.

The obturator is selected after a trial of a carrier devoid of gutta percha which is easily removed in cold with fingers, between the thumb and the index. This selection is not based on the use of Verifiers®.

Le premier tuteur essayé sera celui, qui correspond au calibre de la dernière lime de finition apicale. Pour le choix définitif de l’obturateur, on recherchera le blocage du tuteur à 1 mm de la longueur de travail (établie avec un localisateur d’apex et contrôlée radiographiquement). Ceci afin de ménager de l’espace pour la Gutta Percha dans le tiers apical car l’obturateur joue le rôle d’un fouloir en fin d’insertion, déplaçant la gutta percha et générant la pression hydraulique nécessaire à l’obturation tridimensionnelle (Robinson et al. 2004).

The first tried carrier corresponds to the size of the last file used for apical finishing. The definitive selected obturator will correspond to the plastic carrier that binds 1 mm short of the working length (established with an apex locator and controlled radiodiagraphically) providing a space for gutta percha in the apical third. The obturator plays the role of a plugger displacing the gutta percha at the end of insertion and generating the hydraulic pressure necessary for the three-dimensional obturation (Robinson et al., 2004).

Cette longueur est matérialisée sur le tuteur avec un stop en silicone placé sur le point de référence

A rubber stopper is placed on the carrier to mark this length on the chosen coronal reference

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coronaire choisi. À l’instar de la radiographie classique « cônes en place », la prise d’une radiographie « tuteur en place » est conseillée si l’on veut réellement objectiver le positionnement correct du tuteur. Cette manière de faire évite tout risque de dépassement du tuteur lors de l’obturation.

point. As in the case of classic « cone fit » radiography, a « carrier fit » radiography is advised to verify the correct position of the carrier and to avoid any risk of carrier extrusion during obturation.

Préparation de l’obturateur

Preparation of the obturator

(Fig. 6 à 9)

Pendant le séchage du canal, l’obturateur sélectionné est immergé dans une solution d’hypochlorite de sodium pendant 2 minutes afin de le désinfecter. Une portion de Gutta Percha à l’extrémité apicale de l’obturateur est éliminée à l’aide d’un bistouri jusqu’à exposer l’extrémité du tuteur, ceci afin de limiter l’extrusion apicale de Gutta Percha (Cantatore et coll., 2005).

(Fig. 6 to 9)

During the canal drying, the selected obturator is immersed in a solution of sodium hypochlorite for 2 minutes for disinfection. In order to limit an apical extrusion of gutta percha, a portion of gutta percha at the apical extremity of the obturator is eliminated by a scalpel until the carrier extremity is exposed (Cantatore et al., 2005).

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De la même façon, en fonction de la longueur du canal, une portion variable de la Gutta Percha coronaire est retirée afin de limiter les excédents dans la cavité d’accès (Pertot et coll., 2004). Le stop en silicone est ajusté sur l’obturateur au niveau du point de référence de blocage du tuteur.

In the same way, according to the canal length, a variable portion of coronal gutta percha is removed from the obturator to limit any excess in the access cavity (Pertot et al., 2004). The rubber stopper is adjusted on the obturator at the reference point corresponding with the blockage of the carrier.

Chauffage de l’obturateur

Heating of the obturator

(Fig. 10 à 14)

L’obturateur est installé dans l’un des ascenseurs de la cuve ThermaPrep® et le programme correspondant au calibre de l’obturateur est sélectionné. Pendant la durée du cycle de chauffage, le ciment PCS® EWT de Kerr® est préparé sur une plaque de verre : il doit présenter une consistance légèrement moins visqueuse que pour une obturation en condensation verticale.

(Fig. 10 to 14)

The obturator is installed in one of the chambers of the ThermaPrep® oven and the program corresponding to the obturator size is selected. During the heating cycle duration, the PCS® EWT sealer (Kerr®) is prepared on a glass slab. The sealer consistency must be slightly less viscous than in case of obturation with the warm vertical compaction technique.

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L’enduction du canal est réalisée à l’aide d’une pointe de papier sur toute la longueur du canal. Afin d’obtenir le film de ciment le plus fin possible, une seconde pointe de papier est introduite dans le canal et balayée circonférentiellement pour éliminer tout excès de ciment.

Canal coating is performed with a paper point coated with sealer and on all over the canal length. To obtain the thinnest possible sealer film, a second paper point is introduced into the canal and swept circumferentially to eliminate any sealer excess.

Mise en place de l’obturateur (Fig. 15 à 20)

Placement of the obturator

L’obturateur est délicatement retiré de la cuve. À ce stade, il est recommandé de vérifier la plasticité de Gutta Percha recouvrant le tuteur avec la pulpe d’un doigt ganté. Celle-ci doit coller sur le gant. À l’aide d’une pince hémostatique fine, on saisit l’obturateur au niveau du point de référence matérialisé par le stop en silicone et on sectionne le manche de ce dernier.

The obturator is delicately removed from the oven. At this stage, it is recommended to verify the plasticity of gutta percha covering the carrier with the pulp of a gloved finger. The gutta percha must stick on the glove. The obturator is grasped with a fine haemostatic forcep at the reference point level. The coronal part of the obturator above, including the handle, is then sectionned.

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(Fig. 15 to 20)


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L’utilisation d’une pince hémostatique permet un bon dégagement du champ visuel et de la zone de travail, tout en offrant une précision et un contrôle inégalé lors de l’insertion de l’obturateur dans le canal, ainsi qu’une butée fiable lorsque la longueur de travail est atteinte. L’obturateur est inséré sans précipitation, dans un mouvement continu (en 5 secondes) jusqu’au point de référence, puis maintenu en place pendant dix secondes supplémentaires, pour pallier la contraction de refroidissement. Une insertion trop rapide aboutit fréquemment à une sur-obturation, alors qu’une insertion trop lente expose à une risque de sous-obturation (Levitan et coll., 2003).

The use of a haemostatic forcep allows a good vision of the operative field while offering precision and unequalled control during the obturator insertion in the canal, as well as a reliable stop when the working length is reached.The obturator is inserted without precipitation in a continuous movement (within 5 seconds) until reaching the reference point, then maintained in place for additional ten seconds to compensate for the cooling contraction. A too fast insertion ends frequently in an overfilling, while a too slow insertion presents a risk of underfilling (Levitan et al. 2003).

La Gutta Percha est compactée latéralement au tuteur avec un fouloir de condensation verticale au niveau des orifices des canaux larges, ou de section ovale.

Gutta percha is compacted laterally to the carrier with a vertical plugger at the orifices of large or oval-cross sectioned canals.

Section du tuteur (Fig. 21)

Cutting off the carrier

La section du tuteur est réalisée avec une fraise Thermacut® montée sur turbine sans spray. Elle peut intervenir après obturation des autres canaux si une vérification radiographique de l’obturation est souhaitée, ou avant d’obturer les autres canaux, si l’on en a protégé les entrées des débris avec une boulette de coton.

The cutting of the carrier is performed with a Thermacut® bur mounted on a high speed handpiece without water spray. It can be done after filling of the other canals if a radiographic check of the obturation is desired, or before filling the other canals if the entrances are protected with a cotton pellet from debris.

Finition (Fig. 22)

Finishing

La Gutta Percha en excès dans la chambre pulpaire est éliminée à l’aide d’un excavateur endodontique, avant de compacter la Gutta Percha au niveau des orifices et du plancher. Les parois de la cavité d’accès peuvent être nettoyées avec une boulette de coton trempée dans de l’alcool éthylique, pour éliminer les résidus de ciment.

An excess of gutta percha in the pulp chamber is eliminated with an endodontic excavator before compacting gutta percha at the orifices level. The walls of the access cavity can be cleaned with a cotton pellet dipped with ethyic alcohol to eliminate the sealer remnants.

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(Fig. 21)

(Fig. 22)


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Préparation d’un logement de tenon

Post space preparation

Même s'il n'existe pas de preuve scientifique disponible (Rybicki et Zillich, 1994), il est préférable de différer la préparation du logement de tenon au rendezvous suivant afin de permettre la prise effective du ciment. Les forets de Gates, Largo ou Peeso étant inefficaces pour la désobturation en vue de la réalisation du logement de tenon (voire néfastes car il y a risque de mobilisation ou de dépose du tuteur), il est recommandé d’utiliser la fraise PostSpace® Bur, spécialement conçue pour cette tache. Une condensation de l’obturation résiduelle avec un fouloir de condensation verticale est nécessaire après la désobturation partielle du canal.

To allow an effective sealer setting, it is preferable to postpone post space preparation until the next appointment, even if no scientific evidence is available in this issue (Rybicki and Zillich, 1994). Gates-Glidden, Largo or Peeso drills are ineffective for the obturation removal with the aim to perform post space preparation and even disastrous because there is a risk of mobilization or removal of the carrier. It is recommended to use a PostSpace® Bur, specially designed for this task. A compaction of the remaining canal filling with a vertical plugger is necessary after the partial removal of the canal obturation.

Retraitement d’une obturation au Thermafil

Retreatment of Thermafil fillings

La meilleure option est l’utilisation d’un insert ultrasonore d’endodontie (type ProUltra®) sans spray, ou d’un insert de System B® (température 200°C) pour plastifier la Gutta Percha latéralement au tuteur, suivie de l’utilisation d’une lime H pour lever le tuteur, ou d’une pince de Stieglitz si l’espace est suffisant pour assurer une préhension efficace. L’élimination de la Gutta Percha résiduelle est ensuite réalisée selon la technique Crown-Down avec les limes rotatives ProTaper® de retraitement par exemple. L’utilisation d’un solvant organique (Eucalyptol, Endosolv® E), selon la technique de buvard, permet enfin d’éliminer les résidus de matériaux d’obturation présents dans les irrégularités du système canalaire.

The best option is to use an endodontic ultrasonic tip (ProUltra® type) without spray or a System B® tip (the temperature at 200°C) to plasticize gutta percha laterally to the carrier. Then the carrier is removed by the use of H file or Stieglitz forcep if the space is sufficient to assure an effective grasping. Residual gutta percha is then eliminated according to the Crown-Down technique with ProTaper® rotary files for retreatment for example. The use of an organic solvent (Eucalyptol, Endosolv® E), according to the wicking technique, finally allows an elimination of residual filling materials in the canal system irregularities.

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Conclusion Bien utilisé, après une mise en forme adéquate du réseau canalaire, le Thermafil® est une technique d’obturation tri-dimensionnelle rapide, reproductible, non-opérateur dépendant et idéalement indiquée pour l’obturation des canaux longs et courbes ou à double courbure (Fig. 23 et 24). When used appropriately following an adequate shaping of the root canal system, Thermafil® is a fast, reproducible three-dimensional technique of obturation, non-operator dependent and ideally indicated for filling of long and curved or S-shaped canals (Fig. 23 and 24). Traduction : Ngampis SIX

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PARODONTIE

Evolution des concepts en parodontologie. 1ère partie : Evolution du concept étiopathogénique.

Mots clés : Maladie parodontale Etiologie Pathogénie Diagnostic Traitement

Keywords :

Evolution of concepts in periodontology. Part 1 : Evolution of etiopathogenic concepts.

Periodontal disease Etiology Pathogenesis Diagnostis Treatment

L. ABDALLAOUI*, A. BOUZIANE**, O.K. ENNIBI***

r é s u m é

a parodontologie est une discipline médicale qui s’est beaucoup développée durant ces dernières décennies. Elle a été marquée par l’apparition de nouveaux concepts concernant l’étiopathogénie des maladies parodontales, leurs moyens de diagnostic et de traitement, notamment : ■ la compréhension de l’étiologie et des mécanismes de développement des maladies parodontales ; ■ le développement de la notion de risque parodontal et de prédisposition aux maladies parodontales ; ■ l’apparition du concept de médecine parodontale et des répercussions systémiques des maladies parodontales ; ■ le développement de nouveaux moyens de diagnostic microbiologiques, immunologiques et génétiques ; ■ le développement du concept du traitement non chirurgical en tant que traitement en soi et son orientation vers les traitements médicamenteux adjuvants ; ■ l’émergence de nouvelles thérapeutiques de modulation de la réponse de l’hôte ; ■ la mise au point de protocoles chirurgicaux, les lambeaux, la chirurgie mucogingivale, puis la rationalisation de la chirurgie plastique parodontale ; ■ et l’évolution des connaissances sur les processus de cicatrisation des tissus parodontaux et le développement des techniques régénératrices. Cet article tente de décrire l’évolution de ces concepts et de faire le point sur les dernières acquisitions des recherches en parodontologie, en montrant dans quelle mesure elles modifient notre exercice quotidien au niveau de la prévention, du diagnostic et de la thérapeutique.

abstract

* Professeur-Assistante en Parodontologie. ** Spécialiste en Parodontologie. *** Professeur en Parodontologie, Chef de Service de Parodontologie, Faculté de Médecine Dentaire de Rabat, Maroc.

eriodontology is a medical discipline which has been largely developed during the last decades. It has been marked by the appearance of new concepts concerning etiopathogenesis, diagnostic means and treatment of periodontal diseases notably : ■ the understanding of etiologies and mechanisms of periodontal disease development ; ■ the development of the notion of periodontal risk and predisposition to periodontal diseases ; ■ an emergence of the concept of periodontal medicine and systemic repercussions of periodontal diseases ; ■ the development of new microbiological, diagnostic, immunological and genetic means ; ■ the development of a concept of non-surgical treatment as a treatment in itself and its orientation towards adjunctive medicinal treatments ; ■ the emergence of new treatments by host response modulation ; ■ the establishment of surgical protocols, flaps, mucogingival surgery, then the rationalization of periodontal plastic surgery ; ■ and the evolution of the knowledge on healing processes of periodontal tissues and the development of regenerative techniques. This article attempts to describe the evolution of these concepts and to review the recent acquisitions of researches in periodontology, by demonstrating how they modify our daily practice in prevention, diagnosis and treatment.

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soumis pour publication le 14/09/06 accepté pour publication le 17/01/07

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Rev Odont Stomat 2007;36:87-99


PARODONTIE

es dernières décennies nous ont amené des progrès sans précédent dans la compréhension des maladies parodontales grâce aux avancées de la recherche sur l’épidémiologie, l’étiologie bactérienne spécifique et les médiateurs immuno-inflammatoires de la destruction des tissus parodontaux. Ces nouvelles données ont grandement influencé nos moyens de diagnostic et de traitement des maladies parodontales. La première partie de cet article décrit l’évolution de nos connaissances sur l’étiopathogénie des maladies parodontales et fait le point sur les dernières acquisitions des recherches dans ce domaine.

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Evolution du concept infectieux

Evolution of the infectious concept

Au début du siècle, considéré comme l’âge d’or de la microbiologie en médecine, certaines bactéries dont les spirochètes, les fusiformes et les streptocoques ont été identifiées comme les principaux facteurs étiologiques des maladies parodontales. Une des limites de ces premières découvertes reposait essentiellement sur la faiblesse des moyens microbiologiques dont disposaient les chercheurs. Les thérapeutiques associées à ces recherches n’étant pas par conséquent complètement efficaces, les pensées continuèrent à évoluer (Socransky et Haffajee, 1994).

At the beginning of the century, considered as the golden age of microbiology in medicine, certain bacteria among which spirochetes, fusiforms (spindle-shaped) and streptococci were identified as the principle etiological factors of periodontal diseases. These first discoveries presented a limitation essentially on the weakness of available microbiological means. Treatment associated to these researches not being consequently completely effective, the thoughts continued to evolve (Socransky and Haffajee, 1994).

Au cours des années 1930, les scientifiques ont suggéré que la maladie parodontale était plutôt liée à des défauts constitutionnels chez l’individu. Gottlieb, en 1946, a soutenu que certaines formes de destruction parodontale étaient dues à des modifications dégénératives. Il évoquait un défaut de la surface cémentaire entraînant un détachement des fibres conjonctives et une résorption osseuse. C’est ainsi que toutes les classifications établies de 1920 à 1970 comprenaient une forme « dystrophique », « atrophique » ou « dégénérative ». De même, les irritants locaux mécaniques comme le tartre et les obturations débordantes, ou encore le trauma occlusal étaient considérés comme des facteurs jouant un rôle majeur dans la pathogénie des maladies parodontales (Armitage 2002).

During 1930s, scientists suggested that periodontal disease was rather related to constitutional defects of an individual. Gottlieb (1946) supported that certain forms of periodontal destruction were due to degenerative modifications. He evoked a defect on cementum surface entailing a detachment of connective tissue fibers and bone resorption. All the classifications established from 1920 till 1970 thus included "dystrophic", "atrophic" or "degenerative" forms. Also, mechanical irritants such as calculus and overhanging restorations, or even occlusal trauma were considered as factors playing a major role in the pathogenesis of periodontal diseases (Armitage 2002).

Il a fallu attendre les années 1960 pour que l’hypothèse bactérienne dans l’étiologie des maladies parodontales réapparaisse. De nombreux travaux allaient dans ce sens, les plus connus étant ceux de « la gingivite expérimentale » de Loe et Theilade (1965) qui ont

Until 1960s, the bacterial hypothesis in the etiology of periodontal diseases reappears supported by numerous works. The most well-known study was "experimental gingivitis" conducted by Loe and Theilade (1965) who showed that plaque accumula-

uring the last decades an unprecedented progress has provided us with more understanding of periodontal diseases thanks to the research advance on epidemiology, specific bacteria etiology and immuno-inflammatory mediators of periodontal tissue destruction. These new data have an immense influence on our means of diagnosis and treatment of periodontal diseases. The first part of this article describes the evolution of knowledge on the etiopathogenesis of periodontal diseases and reviews the results of recent researches in this field.

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montré que l’accumulation de plaque entraîne l’apparition de gingivites. C’est ainsi que l’étiologie infectieuse des maladies parodontales a été démontrée pour la première fois chez l’homme. Ces travaux ont été par ailleurs à l’origine de la théorie de la plaque non spécifique. Dans cette théorie, les maladies parodontales sont dues à une augmentation globale du nombre de bactéries. La totalité de la flore microbienne de la plaque est considérée comme pathogène sans distinction ni discrimination interne.

tion leads to an appearance of gingivitis. The infectious etiology of periodontal diseases was thus demonstrated for the first time in human. Moreover, these works were the origin of the non-specific plaque theory. In this theory, periodontal diseases are caused by a global increase of bacteria number. The totality of plaque microbial flora is considered pathogenic without distinction or internal discrimination.

Ce n’est qu’au milieu des années 1970 que les premières découvertes d’Actinobacillus actinomycetemcomitans (Aa) dans la plaque sous-gingivale des patients atteints de parodontite juvénile localisée (Newman et Socransky, 1976-1977) ont relancé le débat et ont abouti à la théorie de la plaque spécifique. Cette théorie suggère que des espèces bactériennes spécifiques sont à l’origine des maladies parodontales (Loesche 1976). Les recherches sur les pathogènes parodontaux se sont poursuivies et ont été à l’origine de nombreuses publications. Néanmoins, malgré une identification toujours plus précise des bactéries présentes, aucune bactérie n’a été retrouvée à des concentrations supérieures à 3 % dans les gingivites et les parodontites (Moore et Moore, 1994). Ainsi, la notion d’infections polymicrobiennes et d’associations bactériennes a commencé à prendre toute son ampleur.

It is only in the middle of 1970s when the first discoveries of Actinobacillus actinomycetemcomitans (Aa) in the sub-gingival plaque of the patients affected by localized juvenile periodontitis (Newman and Socransky, 1976-1977) had re-launched the debate and have ended with the specific plaque theory. This theory suggests that specific bacteria species are the cause of periodontal diseases (Loesche 1976). Researches on periodontal pathogenesis continued and were the subject of numerous publications. Nevertheless, in spite of an increasingly precise identification of the present bacteria, no bacterium was found in a concentration superior to 3 % in the plaque of the patients affected with gingivitis or periodontitis (Moore and Moore, 1994). So, the notion of polymicrobial infections and bacterial associations began to appear.

En 1998, Socransky et coll. ont démontré, à partir de l’analyse de la plaque sous-gingivale de patients atteints de parodontite chronique, que certaines espèces bactériennes se présentent en association sous forme de complexes bactériens, qu’ils ont encodé par différentes couleurs. Le complexe rouge (Porphyromonas gingivalis, Bacteroides forsythus et Treponema denticola) semble être fortement associé aux signes cliniques des parodontites. Le complexe orange (incluant Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum, Peptostreptococcus micros et Campylobacter rectus) est modérément associé aux parodontites. La plaque des patients présentant une parodontite tend à contenir une proportion élevée des espèces appartenant au complexe rouge et orange, comparé à la plaque des patients au parodonte sain. Chez les patients atteints, il se produit également une diminution de la proportion des espèces Actinomyces, qui sont retrouvés en grand nombre en cas de santé parodontale.

In 1998, Socransky et al. have demonstrated, from an analysis of sub-gingival plaque in patients affected with chronic periodontitis, that certain bacterial species present in association in bacteria complexes encoded by different colors. The red complex (Porphyromonas gingivalis, Bacteroides forsythus and Treponema denticola) seems to be strongly associated to the clinical signs of periodontitis. The orange complex (including Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum, Peptostreptococcus micros and Campylobacter rectus) is moderately associated to periodontitis. The plaque of periodontitis affected patients tends to contain a high proportion of the species belonging to the red and orange complexes, compared with the plaque of healthy periodontium patients. In affected patients, there is also a decrease of the proportion of Actinomyces species, which are found in great number in case of periodontal health.

Dans le même esprit, à côté de cette notion d’organisation qualitative des bactéries, est apparue une notion d’organisation spatiale. En effet, le développement des techniques microscopiques et moléculaires

In parallel to this notion of qualitative organization of bacteria, a notion of spatial organization has appeared. Indeed, along with the development of microscopic and molecular techniques, it has been

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PARODONTIE

ont montré que la plaque dentaire possède des propriétés comparables à celles présentées par les communautés microbiennes organisées en milieux acqueux ou biofilms. Ainsi, les études de microbiologie parodontale ont été dominées au cours de ces dernières années par le concept d’organisation de la plaque dentaire en biofilm. Un biofilm, tel qu’il a été défini par Costerton et coll 1994, est « une association de bactéries (d’une même espèce ou de plusieurs espèces) adhérant à une surface, au sein d’une matrice d’exopolymères sécrétée par les bactéries elles-mêmes, parcourue par des canaux aqueux ouverts contenant différents nutriments ». Ainsi, les micro-organismes au sein du biofilm se comportent différemment que dans un milieu de culture. Ils ne sont pas distribués au hasard mais plutôt groupés en micro-colonies entourées d’une matrice d’exopolymères. La matrice est traversée par des canaux aqueux vecteurs de nutriments, enzymes, métabolites et d’oxygène. Ces micro-colonies sont pourvues de micro-environnements qui différent dans leur pH et leurs concentrations en O2. Les bactéries au sein du biofilm communiquent les unes avec les autres grâce à des signaux chimiques et possèdent entre elles une véritable coopération métabolique. Enfin, la présence d’une matrice d’exopolymères est une caractéristique des biofilms et constitue une barrière difficile à pénétrer pour les cellules de défense de l’hôte et les antimicrobiens, ce qui procure aux bactéries des biofilms une protection supplémentaire (Barbieri 2003).

demonstrated that dental plaque possesses properties comparable to those presented by the microbial communities organized in aqueous environment or in biofilms. The studies in periodontal microbiology have been therefore dominated during these last years by the concept of dental plaque organization in biofilm. A biofilm, as defined by Costerton et al. (1994), is "an association of bacteria (of the same or several species) adhering to a surface, within a matrix of exopolymers secreted by bacteria, crossed by aqueous opened canals containing various nutrients". Thus, micro-organisms within the biofilm behave differently than in a culture environment. They are not distributed at random but grouped in micro-colonies surrounded with a matrix of exopolymers. The matrix is crossed by aqueous channel vectors of nutrients, enzymes, metabolites and oxygen. These micro-colonies are provided with micro-environments which differ in pH and O2 concentrations. Bacteria within a biofilm communicate with each other through chemical signals and demonstrate a real metabolic cooperation. Finally, the presence of exopolymer matrix is a characteristic of biofilms and establishes a barrier difficult to penetrate for host defense cells and antibiotics, thus providing bacteria with a supplementary protection (Barbieri 2003).

Avec l’émergence de ce nouveau concept, il n’était plus possible de considérer les bactéries comme des éléments isolés (dites planctoniques) d’où la théorie de la plaque écologique qui a pris toute son importance au milieu des années 1990 et selon laquelle chaque maladie parodontale serait associée à un type d’écologie bactérienne bien particulier et que l’ensemble de l’environnement microbien sous-gingival est déterminant dans le rôle que jouent les bactéries dans le développement de la maladie (Haffajee et coll, 1991) (Fig. 1).

With an emergence of this new concept as the ecological plaque theory which dominates in the middle of 1990s, it was not any more possible to consider bacteria as isolated elements (called planktonic). According to this theory, all periodontal diseases would be associated to a very particular type of bacterial ecology and the whole sub-gingival microbial environment presents a determining role which bacteria plays in the disease development (Haffajee et al., 1991) (Fig. 1).

En effet, les interactions bactériennes au sein du biofilm peuvent être de type synergique et nuisibles au parodonte dans la mesure où elles créent des conditions favorables au développement de bactéries parodontopathogènes. D’autres interactions bactériennes peuvent, en revanche, être bénéfiques pour l’organisme, elles permettent de comprendre l’hypothèse sur le rôle de bactéries bénéfiques voire protectrices, comme Actinomyces sp, Capnocytophaga ochracea, Streptococcus mitis, Streptococcus sanguis, Veillonella parvula, suggérée par Dzink en 1988. En effet, les bactéries bénéfiques, en occupant une niche écologique, peuvent

Indeed, bacterial interactions within the biofilm can be of synergic type and harmful to the periodontium as far as they create conditions favorable to the development of periopathogenic bacteria. Some bacterial interactions can, on the other hand, be beneficial for the body, and allow us to understand the hypothesis on the role of beneficial or even protective bacteria, such as Actinomyces sp, Capnocytophaga ochracea, Streptococcus mitis, Streptococcus sanguis, Veillonella parvula, as suggested by Dzink (1988). Beneficial bacteria, by occupying an ecological niche, can indeed hinder the

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Figure 1 - Evolution du concept de la plaque bactérienne depuis 1960 Evolution of bacterial plaque concept since 1960.

Concept de biofilm Biofilm concept

1960

1970

1980

1990

Théorie de la plaque non spécifique

Théorie de la plaque spécifique

Non specific plaque hypothesis

Specific plaque hypothesis

2000

Théorie de la plaque écologique Ecological plaque hypothesis

entraver la colonisation de cette même niche par une bactérie pathogène en occupant passivement le site, soit en utilisant de façon plus élective des facteurs de croissance également nécessaires aux pathogènes, soit enfin, en empêchant les facteurs de virulence synthétisés d’être délétères pour le parodonte (Socransky et Haffajee 1992).

colonization of the same niche by pathogenic bacteria by occupying passively the site, either by using selectively growth factors also necessary for pathogenic bacteria or eventually by preventing a synthesis of virulence factors which are noxious to the periodontium (Socransky and Haffajee, 1992).

Dans la même dynamique de la recherche en microbiologie parodontale, le rôle des virus dans l’étiopathogénie des maladies parodontales a été également avancé au cours de ces dernières années. Les études réalisées se sont surtout intéressées à certains virus herpétiques : Herpes simplex type 1 (HSV), Epstein-Barr virus type 1 et 2 (EBV-1, EBV-2), Human cytomegalovirus (HCMV) et Human herpes virus type 7 (HHV7). Elles ont montré une association significative entre ces derniers et les maladies parodontales. De même, plusieurs mécanismes pathogéniques ont été proposés : les virus peuvent exercer un potentiel pathogène directement sur le parodonte en agissant sur la pathogénicité bactérienne ou en altérant les mécanismes de réponse de l’hôte à l’agression bactérienne (pour revue voir Slots 2005). Cependant, des questions subsistent et des études cliniques et virologiques contrôlées sont nécessaires pour évaluer l’importance clinique réelle de la présence virale dans le parodonte et son environnement.

With the same dynamics as in periodontal microbiology research, the role of viruses in the etiopathogenesis of periodontal diseases was also developed during these last years. Attention has been especially paid to the studies of certain herpetic viruses, namely Herpes simplex type 1 (HSV), Epstein-Barr virus type 1 and 2 (EBV-1, EBV-2), Human cytomegalovirus (HCMV) and Human herpes virus type 7 (HHV7). A significant association between these viruses and periodontal diseases has been shown. Also, several pathogenic mechanisms have been proposed: the viruses can directly exercise a pathogenic potential on the periodontium by acting on bacterial pathogenicity or by altering the host response mechanisms to bacterial aggression (for review see Slots 2005). However, questions remain and controlled clinical virological studies are necessary to evaluate the real clinical significance of the viral presence in the periodontium and its environment.

En définitive, on peut dire en l’état actuel des connaissances que les infections parodontales sont des infections polymicrobiennes se présentant sous une

From this current knowledge it can be concluded that periodontal infections are polymicrobial infections organized in a form much more complex

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PARODONTIE

forme beaucoup plus complexe que la plupart des maladies infectieuses, qui sont le plus souvent des monoinfections. La complexité de l’étiologie des maladies parodontales est devenue aujourd’hui d’autant plus évidente que l’on sait grâce aux progrès des techniques d’identification microbiologique, qu’au sein d’une même espèce bactérienne, il peut exister de nombreuses souches, sérotypes ou génotypes qui différent par leur pouvoir pathogène et par leur capacité à produire certains facteurs de virulence. Cette multiplicité des types clonaux explique que certains individus colonisés avec les mêmes espèces de bactéries peuvent ou non manifester des signes de la maladie et que certains sites soient en activité et à risque de perte d’attache et d’autres inactifs c’est à dire au repos (Socransky et Haffajee, 1992).

than other infectious diseases which are mostly monoinfections. The complexity of the etiology of periodontal diseases has become at present even more evident following the progress in microbiologic identification techniques. Within the same bacteria specie, there is an existence of numerous strains, serotypes or genotypes which are different by their pathogenic power and by their capacity to produce certain virulence factors. These multiple clonal types explain that certain individuals colonized by the same bacteria species can demonstrate or not signs of the disease and that certain sites are in activity and at risk of attachment loss while the others inactive or at rest (Socransky and Haffajee, 1992).

Le concept infection/ réponse de l’hôte

The infection/host response concept

Parallèlement au développement des connaissances en microbiologie parodontale, l’importance de la réponse de l’hôte dans la pathogénie des maladies parodontales a commencé à apparaître au milieu des années 1970. La mise en évidence de défauts de chimiotactisme et d’activité phagocytaire des polynucléaires neutrophiles issus de patients atteints de parodontites juvéniles (appelées aujourd’hui parodontites agressives) a marqué le début de la domination du concept infection/réponse de l’hôte (Lavine et coll., 1979). Selon ce concept, la pathogénie de la maladie parodontale peut être expliquée d’une part par l’action directe des micro-organismes sur les tissus parodontaux et d’autre part par une réponse anormalement exagérée ou diminuée du système immunitaire. En effet, quand l’équilibre hôte-bactéries est rompu, deux grands mécanismes peuvent être à l’origine des destructions des tissus parodontaux : une destruction tissulaire provoquée directement par des bactéries dotées d’un pouvoir invasif, ou synthétisant des substances à action lytique sur les tissus, et une destruction parodontale induite par les réactions inflammatoires et immunitaires en réponse à l’agression bactérienne.

In parallel to the progress of knowledge in periodontal microbiology, the significance of host response in periodontal disease pathogenesis began to appear in the middle of 1970s. The demonstration of defects in chemotaxis and phagocytic activity of polynuclear neutrophils of the patients affected with juvenile periodontitis (presently called aggressive periodontitis) has marked the beginning of the infection/host response concept (Lavine et al., 1979). According to this concept, the pathogenesis of periodontal disease can be explained on one hand by the direct action of micro-organisms on periodontal tissues and on the other hand by the abnormally exaggerated or decreased response of the immune system. Indeed, when the host-bacteria balance is broken, two big mechanisms can lead to periodontal tissue destructions : a tissue destruction directly provoked by bacteria with an invasive power and synthesizing substances with lytic action on tissues, and a periodontal destruction led by inflammatory and immune reactions in response to bacterial aggression.

Ainsi, selon le modèle le plus récent d’étiopathogénie des maladies parodontales, 4 conditions doivent être réunies en même temps pour développer une maladie parodontale (Socransky et Haffajee, 1992 ) : ■ présence de bactéries pathogènes anaérobies Gramen nombre suffisant pour dépasser le seuil de tolérance de l’organisme ;

Therefore, according to the most recent etiopathogenesis model of periodontal diseases, 4 conditions must be simultaneously reunited in order that a periodontal disease can develop (Socransky and Haffajee, 1992) : ■ a presence of pathogenic Gram- anaerobic bacteria in sufficient number exceeding the body tolerance threshold ;

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absence de bactéries protectrices aérobies Gram+ antagonistes des précédentes ; ■ présence d’un environnement dento-gingival favorable au développement et l’expression des facteurs de virulence des bactéries ; ■ et une réponse inadéquate innée et / ou acquise du système de défense local et /ou systémique.

Chacune de ces conditions est nécessaire mais non suffisante à elle seule pour provoquer une infection parodontale avec destruction des tissus superficiels et profonds. Cependant, la fréquence et l’intensité avec lesquelles chacune de ces quatre conditions requises s’expriment vont déterminer l’évolution et la sévérité de la maladie (Page et Schroeder, 1997).

Each of these conditions is necessary but not sufficient when alone to provoke a periodontal infection with destruction of superficial and deep tissues. However, the frequency and the intensity of each condition will determine the disease evolution and severity (Page and Schroeder, 1997).

Par ailleurs, les voies moléculaires impliquées dans la pathogénie des maladies parodontales ont suscité l’intérêt des chercheurs depuis des décennies. A partir des années 1980, une intense recherche s’est développée autour des médiateurs de la réponse inflammatoire parodontale en présence de plaque en particulier les prostanoïdes et les cytokines. Les métalloprotéases matricielles, une importante famille d’enzymes a été aussi identifiée comme jouant un rôle clé dans les destructions tissulaires parodontales (Bales–Kogan et Amar, 2004 ; Reynolds et Meikle, 1997).

Besides, the molecular pathways involved in the pathogenesis of periodontal diseases have aroused the researchers’ interest for decades. From 1980s, an intense research has been conducted on periodontal inflammatory response mediators, in particular prostanoids and cytokines, in the presence of plaque. An important family of enzymes, matrix metalloproteinases, was also identified as playing a key role in periodontal tissue destructions (Bales-Kogan and Amar, 2004 ; Reynolds and Meikle, 1997).

Evolution du concept de progression des maladies parodontales

Evolution of the periodontal disease progression concept

Jusqu’au milieu des années 1970, il était largement admis que la maladie parodontale est un processus de destruction lent et continu et que sa progression est constante et linéaire (Loe et coll., 1978). Se basant sur cette idée, certains auteurs ont affirmé que la gingivite et la parodontite représentaient la même maladie, mais observée à des stades d’évolution différents. Autrement dit, toutes les gingivites devaient se transformer impérativement en parodontites destructrices avec, perte de la totalité des dents, en absence de traitement (Waerhaug 1966). Cette conception amenait certains auteurs à établir des taux de progression. Ils étaient calculés en faisant la moyenne des différences de profondeur de sondage à deux moments différents de toutes les dents (Waerhaug 1977). Il en résultait des taux de progression extrêmement faibles qui ne permettaient pas d’expliquer comment certaines dents pou-

Until the middle of the 1970s, it was widely admitted that periodontal disease is a slow and continuous process of destruction and that its progression is constant and linear (Loe et al., 1978). Based on this idea, certain authors asserted that gingivitis and periodontitis represented the same disease, but observed at different stages of evolution. In other words, all gingivitis had to be necessarily transformed into destructive periodontitis with total loss of teeth if left without treatment (Waerhaug 1966). This concept brought certain authors to establish rates of progression calculated by making the average of the differences of probing depth at the two different moments of all the teeth (Waerhaug 1977). The result showed extremely weak rates of progression and did not allow any explanation on how certain teeth could be lost following to a terminal bone lysis. Then the

an absence of protective Gram + aerobic bacteria, antagonists of the precedents ; ■ a presence of a tooth-gingiva environment favorable to the development and the expression of bacterial virulence factors and ; ■ an inadequate innate and/or acquired response by local and/or systemic defense system.

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PARODONTIE

vaient être perdues suite à une lyse osseuse terminale. C’est ainsi qu’est apparue la notion selon laquelle la maladie parodontale est plutôt une maladie à site. Selon cette notion, chez un même individu, des stades et des schémas de progression différents peuvent exister simultanément au niveau de différents sites.

notion that periodontal disease is rather a site-specific appeared. According to this notion, for the same individual, different progression stages and schemes can simultaneously exist at different sites.

Fort de ces constatations, Goodson et coll. (1982) ont procédé au sondage mensuel de toutes les dents de 22 personnes pendant un an et ont trouvé que 82.2 % des sites n’avaient pas eu de changement significatif, 5.7 % s’étaient approfondis et 11.5% avaient diminué de profondeur. S’appuyant sur cette étude et d’autres études longitudinales, Socransky et coll. (1984) proposent une théorie selon laquelle la progression de la maladie se fait par des cycles d’activité alternant avec des périodes de repos plus ou moins longues sur des sites spécifiques.

Following to this observation, Goodson et al. (1982) conducted a monthly probing of all teeth in 22 individuals during one year and found that 82.2 % of the sites had no significant change, 5.7 % deepened and 11.5 % decreased in depth. Based on this study and other longitudinal studies, Socransky et al. (1984) have proposed a theory that the disease progresses by activity cycles alternating with rather long resting period on specific sites.

Récemment, Gilthorpe et coll. (2003) ont confirmé la nature cyclique de la progression des maladies parodontales et suggèrent que les théories « cyclique » et « continue » de la progression des maladies parodontales représentent la manifestation d’un même phénomène c’est à dire, une détérioration alternée par une cicatrisation survenant au niveau de sites individuels à travers le temps.

Recently, Gilthorpe et al. (2003) confirmed the cyclic nature of the progression of periodontal diseases and suggested that the "cyclic" and "continuous" theories of periodontal diseases progression represent the same phenomenon, that is a deterioration alternated by a healing arising at individual sites through time.

Apparition de la notion de risque parodontal

Appearance of the periodontal risk notion

Les cliniciens se sont rendus compte à travers le temps que des patients ayant des dépôts de plaque similaires en quantité et en composition présentaient des manifestations cliniques très différentes. Certains patients ont peu de plaque et des destructions sévères alors que d’autres présentent des dépôts importants et peu de destructions. De plus, le même type de traitement réalisé par le même praticien sur des lésions parodontales similaires peut aboutir à des résultats très différents qui ne peuvent pas s’expliquer uniquement par des différences techniques ou anatomiques.

Clinicians have realized through the time that patients having similar plaque deposition in quantity and in composition presented very different clinical manifestations. Certain patients have little plaque and severe destructions while the others present significant deposition and less destruction. Furthermore, the same type of treatment performed by the same practitioner on similar periodontal lesions can lead to very different results which cannot be explained only by technical or anatomical differences.

Les résultats des études épidémiologiques réalisées au cours des années 1980, avec des outils statistiques puissants et des protocoles différents de ceux des années 1960, sont venus appuyer ces observations et montrer que le risque de déclencher une parodontite ou celui de présenter une parodontite agressive n’était

The results of epidemiological studies performed during 1980s, with powerful statistical tools and protocols different from those performed in1960s, support these observations and show that the risk of provoking a periodontitis or having an aggressive periodontitis was not equal from one to another subject.

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pas égal d’un sujet à l’autre. La célèbre étude de Loe et coll. (1986) a été une des premières à montrer que toutes les gingivites ne se transforment pas nécessairement en parodontites sévères pouvant mettre l’ensemble de la denture en danger. En effet, une minorité de sujets (11 %) peuvent être affectés d’inflammation gingivale sans montrer aucune progression de la maladie parodontale. A côté de ce groupe de sujets résistants, une très grande majorité, 81 %, des gingivites se transforment en parodontites à évolution relativement lente et modérée. Enfin, 8 % des sujets atteints de gingivites développeront une parodontite agressive. C’est ainsi qu’est apparue la notion de facteur de risque parodontal et de susceptibilité à la maladie parodontale. Beck, en 1994, définit un facteur de risque comme le maillon d’une chaîne causale associée à une maladie spécifique ou une caractéristique individuelle, capable d’exposer le patient à cette maladie. En d’autres termes, la présence d’un facteur de risque augmente la probabilité de survenue de la maladie.

The famous study of Loe et al. (1986) was one of the first to demonstrate that all gingivitis are not inevitably transformed into severe periodontitis which can put the whole dentition in danger. Indeed, a minority of subjects (11 %) can be affected by gingival inflammation without showing any periodontal disease progression. Next to this group of resistant subjects, a high proportion (81 %) of gingivitis are transformed into periodontitis with relatively slow and moderate evolution. Finally, 8 % of the subjects affected by gingivitis will develop an aggressive periodontitis. Therefore the notion of periodontal risk factor and susceptibility to periodontal disease has been proposed. Beck (1994) defines a risk factor as the link of a causal chain associated to a specific disease or an individual characteristic, capable of exposing the patient to the disease. In other words, the presence of a risk factor increases the probability of disease occurrence.

Ainsi, il paraît évident, selon le modèle pathogénique actuel, que les bactéries sont essentielles pour initier la réponse inflammatoire du patient mais, comme pour la plupart des maladies chroniques courantes, il existe des facteurs de risque qui ne causent pas directement la maladie mais initient, modulent ou amplifient la réponse inflammatoire de l’hôte pour modifier l’expression clinique de la maladie. Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés : des facteurs génétiques ainsi que des facteurs acquis liés à une pathologie systémique, ou liés au comportement et à l’environnement (Page et Kornmann, 1997) (Fig. 2). En effet, plusieurs faits indiquent que la prédisposition génétique est un facteur important déterminant des maladies parodontales : des études sur la famille, des études génétiques formelles sur différentes formes de parodontites agressives, l’association avec certaines maladies génétiques, des études sur les jumeaux et les résultats de l’association de certains polymorphismes génétiques avec une réponse anormale de l’hôte (Hart et Kornmann,1997).

It thus seems evident, according to the current pathogenic model, that bacteria are essential to initiate the patient inflammatory response but, like most common chronic diseases, there are risk factors which do not directly cause the disease but initiate, modulate or amplify the host inflammatory response modifying clinical expression of the disease. Several risk factors have been identified: genetic factors as well as acquired factors related to a systemic pathology or to the behavior and the environment (Page and Kornmann, 1997) (Fig. 2). Indeed, several facts indicate that genetic predisposition is an important factor determining periodontal diseases: studies on the family, formal genetic studies on various forms of aggressive periodontitis, the association with certain genetic diseases, studies on twins and the results of the association of certain genetic polymorphisms with host abnormal response (Hart and Kornmann, 1997).

De même, le diabète, le tabagisme sont reconnus aujourd’hui comme d’importants facteurs de risque vis à vis des parodontopathies. Des conditions systémiques associées à une réduction du nombre et de la fonction des polynucléaires sont également considérées comme des facteurs de risque importants, notamment dans les formes atteignant les enfants.

Also, diabetes and smoking are now recognized as important risk factors vis à vis periodontopathogenesis. Systemic conditions associated to a reduction in number and in function of polynuclear nutrophils are also considered as important risk factors, notably in the forms affecting the children.

D’autres facteurs sont pressentis mais leur association avec les maladies parodontales n’a pas été validée par des études longitudinales (Borrell et Papapanou, 2005).

Other factors are anticipated but their association with periodontal diseases has not been validated by longitudinal studies (Borrell and Papapanou, 2005).

95 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


PARODONTIE

Figure 2 - Schéma étiopathogénique des maladies parodontales (Page et Kornman, 1997) Etiopathogenic scheme of periodontal diseases (Page and Kornman, 1997).

Facteurs de risques génétiques Genetic risk factors

Ac

CK

PNN Agression bactéries Bacterial aggression

Ag

Réponse de l’hôte Host response

PG

Tissu conjonctif et métabolisme osseux

Expression clinique de la maladie

MPM

Connective tissue and bone metabolism

Clinical expression of disease

LPS

Facteurs de risques environnementaux et acquis Environmental and acquired risk factors

Ac : anticorps / antibodies PNN : polynucléaires neutrophiles / polynuclear neutrophiles Ag : antigènes / antigens LPS : lipopolysaccharides / lipopolysaccharides CK : cytokines / cytokines PG : prostaglandines / prostaglandins MPM : métalloprotéases matricielles / matrix metalloproteinases

Emergence du concept de médecine parodontale

Emergence of periodontal medicine concept

Au cours des 10 dernières années, des études sont venues supporter l’idée que les pathogènes parodontaux, leurs produits ou la réponse inflammatoire qu’ils provoquent sont à l’origine d’une charge chronique pathogénique et inflammatoire à un niveau systémique et que les maladies parodontales pouvaient ainsi être impliquées dans un certain nombre de maladies systémiques.

During the last ten years, recent studies have supported the idea that periodontal pathogenesis, their products or provoked inflammatory response are the origin of a chronic, pathogenic and inflammatory afflication at a systemic level and that periodontal diseases could thus be involved in a certain number of systemic diseases.

Cette notion selon laquelle les infections orales ou parodontales peuvent influencer l’état général n’est pourtant pas nouvelle en dentisterie. En effet, la possibilité qu’une infection localisée, ou focale, telle que la maladie parodontale, ait des répercussions systémiques

This notion, that oral or periodontal infections can have a systemic influence, is not nevertheless new in dentistry. Indeed, the possibility that a localized or focal infection, such as periodontal disease, has systemic repercussions was a fashionable idea at

96 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


était une idée en vogue à la fin du 20° siècle (Miller 1891). Du fait de cette théorie, de nombreux médecins de cette époque ont recommandé l’extraction de toutes les dents chez les sujets suspectés d’avoir une infection focale. Avec le temps, divers arguments ont été développés contre la théorie originale de l’infection focale. Chez de nombreux patients, l’extraction des dents n’a pas influencé favorablement l’évolution de la maladie systémique (Cecil et Angevine, 1938). La plupart de ces idées étaient basées sur des cas anecdotiques et non sur des preuves obtenues à partir d’études épidémiologiques soigneusement conçues et contrôlées. Ainsi, depuis les années 1950, l’hypothèse de l’infection focale a été relativement oubliée.

the end of the 20th century (Miller 1891). Because of this theory, numerous medicines at the time recommended an extraction of all teeth in the subjects suspected to have a focal infection. With time, different arguments were developed against the original focal infection theory. In many patients, an extraction of teeth did not favorably influence the systemic disease evolution (Cecil and Angevine, 1938). Most of these ideas were based on anecdotal cases and not on proofs obtained from carefully conceived and controlled epidemiological studies. So, since the 1950s, the focal infection hypothesis was relatively forgotten.

Par contre, les études épidémiologiques qui ont réintroduit l’association entre parodontites et maladies générales, au cours de ces dix dernières années, ont utilisé des méthodes scientifiques avec des études épidémiologiques bien menées. Ces études ont prouvé que la parodontite pouvait présenter des risques dans : les maladies cardiovasculaires (Beck et coll 1996), le diabète sucré (Grossi et Genco, 1998), les naissances prématurées de bébés de petits poids (Offenbacher et coll., 1996), les infections pulmonaires (Hayes et coll., 1998 ; Scannapieco 1999) et des infections dans d’autres parties du corps (Herrera et coll., 2000, Van Winkelhoff et Slots, 1999).

On the other hand, the epidemiological studies during these last ten years, which reintroduced the association between periodontitis and systemic diseases, employed scientific and well-led methodologies. These studies have proven that periodontitis could present a risk for cardiovascular diseases (Beck et al., 1996), sweet diabetes (Enlarged et al., 1998), premature birth of small weight babies (Offenbacher et al., 1996), lung infections (Hayes et al., 1998; Scannapieco 1999) and infections in other parts of the body (Herrera et al., 2000, Van Winkelhoff and Slots, 1999).

Au cours du Workshop mondial de Parodontologie de 1996 (a), Offenbacher introduisit le terme de « médecine parodontale » comme une discipline s’intéressant à ces relations pathologiques et à leur fondement biologique sur des populations humaines et sur le modèle animal. A côté des associations rapportées dans les différentes études épidémiologiques publiées au cours des 10 dernières années, plusieurs mécanismes ont été proposés pour justifier les relations entre le parodonte et l’état général. Actuellement, ces données doivent être considérées comme préliminaires. Des études épidémiologiques longitudinales à grande échelle supplémentaires et interventionnelles sont nécessaires pour valider ces associations et déterminer si ce sont des liens de cause à effet (Scannapieco 2003).

During the world Periodontology Workshop in 1996 (a), Offenbacher introduced the term « periodontal medicine » as a discipline involving these pathological relations and their biologic foundation on human populations and on animal model. Along with the associations reported in various epidemiological studies published during the last ten years, several mechanisms were proposed to justify the relationship between the periodontium and the general status. At present, these data must be considered as preliminary. Supplementary large-scale longitudinal and interventional epidemiological studies are necessary to validate these associations and to determine if causative links exist (Scannapieco 2003).

97 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


PARODONTIE

Conclusion Les maladies parodontales sont des maladies multifactorielles très complexes où interviennent différents acteurs : des associations bactériennes complexes organisées en biofilm, un environnement sous-gingival défavorable et une réponse de l’hôte destructrice qui interagit avec notre génome et l’environnement pour déterminer l’expression clinique de la maladie. L’étiopathogénie des maladies parodontales est donc loin d’être parfaitement élucidée. Les recherches dans ce domaine se multiplient et font ressurgir de nouvelles interrogations. Par ailleurs, on semble penser aujourd’hui que les maladies parodontales affectent non seulement la santé buccale mais peuvent mettre en danger la santé en général. Ainsi, il n’est jamais devenu aussi apparent dans l’histoire de notre profession, de reconnaître l’importance de diagnostiquer et de traiter les maladies parodontales.

Periodontal diseases are very complex and multifactorial with an intervention of various factors : bacteria complex associations organized in biofilm, unfavorable sub-gingival environment and destructive host response which interacts with our genome and the environment to determine the clinical expression of the disease. The etiopathogenesis of periodontal diseases is thus far from being perfectly elucidated. Researches in this domain multiply and new questions continue to appear. Besides, we seem to think today that periodontal diseases affect not only the oral health but can put in danger the general health. So, it has never become so apparent in the history of our profession, like at present, that the significance to diagnose and to treat periodontal diseases is recognized. Traduction : Ngampis SIX

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99 Revue d’Odonto-Stomatologie/février 2007


PATHOLOGIE

Ethmoïdite aiguë extériorisée d’origine dentaire : à propos d’un cas.

Acute ethmoidal sinusitis with orbital complications of dental origin : a case report.

Mots clés : Ethmoïde Sinusite Complications Foyer infectieux Thérapeutique

Keywords : Ethmodal bone Sinusitis Complications Infectious source Therapeutic

Rémi CURIEN*, Pierre MOURET**, Hervé MOIZAN***, Eric GERARD****

abstract

r é s u m é

* Interne en Odontologie - CHR de Metz-Thionville. ** Médecin ORL - Praticien Hospitalier - CHR de Metz-Thionville. *** Odontologiste - Praticien Hospitalier - CHR de Metz-Thionville. **** Odontologiste - Praticien Hospitalier - Chef du Département d’Odontologie, CHR de Metz-Thionville.

L

’ethmoïdite aiguë est habituellement une affection du petit enfant faisant suite à une rhino-pharyngite et pouvant donner lieu à des complications orbitaires. Une patiente de 13 ans est hospitalisée pour une tuméfaction orbitaire droite accompagnée d’une odontalgie ipsi-latérale. Les examens mettent en évidence une ethmoïdite aiguë extériorisée présentant une étiologie infectieuse dentaire (dent 16). L’évolution est favorable après traitement antibiotique et avulsion de la dent causale. Ce cas est atypique par son origine dentaire et par son âge tardif de survenue. Il objective la communication des cavités de la face à la faveur d’un processus infectieux. Les complications orbitaires et neurologiques doivent être redoutées.

cute ethmoidal sinusitis is an affection usually occur in small children following a rhinopharyngitis and spread to orbital complications. A 13-year-old patient is admitted for a right orbital tumefaction associated with an ipsilateral odontalgia. Investigations reveal an acute ethmoidal sinusitis of dental origin from the tooth number 16. One week later, the evolution is favorable following antibiotic treatment and removal of the concerned tooth. This case is atypical due to its dental origin and its late age of occurrence. The communication of facial cavities due to the infectious process is developed. Orbital and neurological complications can be alarming.

A

soumis pour publication le 04/09/06 accepté pour publication le 17/01/07

101 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007

Rev Odont Stomat 2007;36:101-108


PATHOLOGIE

a forme d’ethmoïdite classiquement décrite est l’ethmoïdite aiguë du petit enfant. Par ordre de gravité, on distingue l’ethmoïdite aiguë nonextériorisée qui doit être suspectée devant une rhinopharyngite évoluant défavorablement depuis plus de 10 jours et l’ethmoïdite extériorisée, avec complications orbitaires pouvant mettre en jeu le pronostic vital et oculaire (Garabédian et coll., 2006). Nous rapportons ici un cas se démarquant des descriptions classiques par son âge de survenue et surtout par son étiologie dentaire. Les formes atypiques, remettant en exergue l’importance des relations entre cavité buccale et sinus, montrent l’intérêt d’une recherche de foyer infectieux bucco-dentaire.

L

T

Observation

Observation

Une patiente âgée de 13 ans se présente au service des urgences avec un oedème orbitaire droit apparu depuis 2 jours (Fig. 1). Elle se plaint également de douleurs dentaires dans le secteur maxillaire droit ayant précédé de peu la tuméfaction orbitaire. Cette douleur avait conduit la veille, lors d’une première consultation aux urgences, à une prescription de nalbuphine, d’un antiseptique oculaire et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien sans couverture antibiotique.

A 13-year-old patient arrived at the emergency service with a right orbital oedema appeared since 2 days (Fig. 1). A tooth pain on the right maxillary sector was complained as having slightly preceding the orbital tumefaction. This pain has led to a prescription of nalbuphine, an eye antiseptic and a nonsteroid anti-inflammatory drug without an antibiotic coverage during the first consultation in the emergency service the day before.

L’examen retrouve une douleur péri-orbitaire droite, une hyperthermie à 39,7°C et des frissons. L’examen ophtalmologique montre une exophtalmie et un ptosis de l’œil droit sans atteinte de la motricité oculaire, ni de l’acuité visuelle. L’examen ORL met en évidence une rhinite oedèmateuse droite avec rhinorrhée antérieure et jetage postérieur muco-purulent homolatéraux. L’examen endobuccal objective l’origine probable du processus infectieux : la dent 16, à l’état radiculaire et douloureuse à la pression (Fig. 2). Enfin, le bilan biologique révèle une C-reactive protein à 148,6, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (90 %) et une baisse des lymphocytes (7 %). L’hémoculture se révèle négative.

The examination found a right peri-orbital pain, a hyperthermia at 39.7°C and shivers. An ophtalmological examination showed an exophtalmia and a ptosis of the right eye without affecting ocular motricity or visual acuteness. The ORL examination showed a right oedematous rhinitis with anterior rhinorrhea and homolateral posterior mucopurulent discharge. An intraoral examination demonstrated a probable infectious origin from the tooth number 16 of non-restorable condition which was painful to pressure (Fig. 2). Finally, a biological test revealed a C-reactive protein at the level of 148.6, a hyperleucocytosis of polynuclear neutrophils (90 %) and a reduced number of lymphocytes (7 %). Blood culture gave a negative result.

Devant le tableau clinique, l’enfant est hospitalisée d’urgence et un traitement est immédiatement mis en route par voie intraveineuse. L’antibiothérapie probabiliste fait appel à la fosfomycine, à une céphalosporine de troisième génération (céfotaxime) et à un nitro-imidazolé (métronidazole). Un vasoconstricteur nasal est associé, ainsi qu’une héparine de bas poids moléculaire (prévention de la thrombophlébite du sinus caverneux) et une corticothérapie par voie générale après 2 jours

Under this clinical manifestation, the child was urgently hospitalized and an intravenous treatment was started immediately. The probabilistic antibiotherapy was required by an administration of fosfomycin, 3rd generation cephalosporin (cefotaxim) and nitroimidazole (metronidazole). After two days of apyrexia, an association of nasal vasoconstrictor as well as low molecular weight heparin as a prevention of a thrombophlebitis of the cavernous sinus and a systemic cor-

he classically described ethmoidal sinusitis is an acute form in small children. In order of severity, a distinction can be made between acute ethmoidal sinusitis without orbital complications which must be suspected in presence of a rhinopharyngitis unfavorably evolving for more than 10 days and ethmoidal sinusitis with orbital complications critically involving vital and ocular prognosis (Garabédian et al., 2006). The case reported in this article is differentially recognized from classic descriptions by its age of occurrence and especially by its dental etiology. This atypical form, emphasizing the significance of the relationship between oral cavity and sinuses, demonstrates an importance of a search for an oro-dental source of infection.

102 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


1

2

Fig. 1 : Oedème palpébral et ptosis de l’œil droit. Palpebral oedema and ptosis of the right eye.

3

Fig. 2 : Racine de 16. Root of the tooth number 16.

Fig. 3 : Coupe tomodensitomètrique coronale. Coronal tomodensitometric section.

d’apyrexie. Une tomodensitométrie du massif facial injectée en double fenêtre et un orthopantomogramme sont réalisés dans le même temps. Le scanner fait apparaître une opacité complète du sinus maxillaire droit et des cellules ethmoïdales homolatérales, avec prise de contraste intense au niveau de ces dernières qui objective l’inflammation en cours (Fig. 3). Il confirme l’exophtalmie axiale et l’intégrité de la graisse orbitaire, mais montre un décollement sous-périosté supérieur à 2mm de la paroi orbitaire refoulant le muscle droit médial. Cette image évoque un abcès orbitaire souspériosté (Fig. 4). L’orthopantomogramme confirme le fort délabrement de la dent 16 à l’origine du processus infectieux avec exposition pulpaire, atteinte de furcation et lésion apicale juxta-sinusienne (Fig. 5).

ticotherapy were administered. A double-injection tomodensitometry of the facial mass and an orthopantomogram were simultaneously performed. The results showed a complete opacity of the right maxillary sinus and an intense contrast of the homolateral ethmoidal cells demonstrating the current inflammation (Fig. 3). The axial exophtalmia and the integrity of orbital fat were confirmed, but a subperiosteal detachment from the orbital wall superior to 2 mm. repressing the right medial muscle was shown. This image evoked a subperiosteal orbital abscess (Fig. 4). The orthopantomogram confirmed the irreparable status of the tooth number 16 as an infectious origin with pulpal exposure involving the furcation and the apical lesion situated adjacent to the sinus (Fig. 5).

103 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


PATHOLOGIE

4

Fig. 4 : Coupe tomodensitomètrique axiale passant par les orbites. Axial tomodensitometric section passing through the orbits.

Après une semaine, l’évolution est favorable sous traitement médical et avulsion de la dent causale, avec régression de la symptomatologie clinique et diminution du syndrome inflammatoire biologique. La patiente regagne son domicile en bon état général avec un relais per os par Cefpodoxime (8 mg/kg/j) pendant 2 semaines.

After one week following medical treatment and removal of the causal tooth, the evolution is favorable with a regression of clinical symptomatology and a decrease of biological inflammatory syndrome. The patient has returned home in a good general condition with a series of per os treatment with Cefpodoxime (8 mg/kg/d) during 2 weeks.

Discussion

Discussion

Ce cas se révèle atypique sur 2 points. D’une part, la patiente est âgée de 13 ans, alors que l’ethmoïdite aiguë est une pathologie décrite avec un pic de fréquence chez l’enfant de 2 à 3 ans (Garabédian et coll., 2006). D’autre part, l’étiologie est ici dentaire alors qu’elle est classiquement naso- pharyngée.

This case is considered to be atypical based on two aspects. On one hand, the patient is 13 years old, while acute ethmoidal sinusitis is a pathology generally described with a frequency peak in children aged 2 to 3 years old (Garabédian et al., 2006). On the other hand, the etiology is dental while the classic form is naso-pharyngeal.

La propagation d’une infection d’une dent à l’orbite peut emprunter différentes voies (Jordana et coll., 2004) : la fosse ptérygo-maxillaire puis la fissure orbitaire inférieure (localisations postérieures), les plans cellulo-musculaires sous-cutanés ou les veines faciales dépourvues de valves (sites incisivo-canins) et le sinus maxillaire (infections des prémolaires et molaires antrales). D’après les renseignements recueillis par l’examen clinique, l’anamnèse et le bilan radiographique, il sem-

An propagation of infection from a tooth to the orbit can occur through various pathways (Jordana et al., 2004) : the pterygomaxillary fossa then the inferior ortibal fissure (posterior localizations), the subcutaneous cellulo-muscular planes or the facial veins devoid of valves (inciso-canine sites) and the maxillary sinus (infections of premolar and molar antrals). According to the information from clinical examination, anamnesis and radiographic examination, the last

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5

Fig. 5 : Orthopantomogramme objectivant le délabrement et l’atteinte apicale de la dent 16. Orthopantomogram demonstrating an impairment with apical involvement of the tooth number 16.

ble que ce soit ce dernier mécanisme qui puisse être mis en cause dans le cas présent, mais de façon particulière puisqu’empruntant le sinus maxillaire puis les cellules ethmoïdales. Les apex dentaires et le sinus maxillaire ne sont séparés que par une fine lame d’os spongieux percée de nombreux pertuis livrant passage à des ramifications vasculo-nerveuses (Jordana et coll., 2004). Ainsi, une infection initiale localisée au parodonte et à la pulpe d’une dent nécrosée peut se propager au sinus maxillaire et provoquer une sinusite.

pathway seems to be the cause in this case, but in a particular way, that the infection spread through the maxillary sinus then affecting ethmoidal cells. The tooth apexes and the maxillary sinus are separated only by a thin sheet of spongy bone penetrated with numerous small holes delivering passage to vasculonervous ramifications (Jordana et al., 2004). Therefore, an initial infection localized in the periodontium and in the pulp of a necrosed tooth can spread into the maxillary sinus and provoke a sinusitis.

Dans un second temps, la dissémination de l’infection du sinus maxillaire aux cellules ethmoïdales peut s’expliquer par un double mécanisme étiopathogénique (Garabédian et coll., 2006) : ■ les anomalies de l’activité mucociliaire, retrouvées au cours d’une infection, perturbent le drainage des sinus. ■ l’inflammation de la muqueuse naso-sinusienne avec constitution d’un œdème est responsable d’une obstruction méatale moyenne.

Later, an infection dissemination from the maxillary sinus to ethmoidal cells can be explained by a double etiopathogenic mechanism (Garabédian et al., 2006) : ■ The anomalies of mucocilial activity during an infection perturb the sinus drainage. ■ The inflammation of naso-sinus mucous membrane with an oedema formation is responsible for a middle meatal obstruction.

Or, le méat moyen constitue l’unité de drainage du sinus maxillaire, du sinus frontal et des cellules ethmoïdales antérieures. Lorsqu’une infection sinusienne (d’étiologie le plus souvent dentaire) gagne le méat moyen, elle bloque cette voie de drainage et peut s’étendre aux cellules ethmoïdales antérieures (Bonfils et coll., 1998). L’extension de l’infection à l’orbite s’ex-

The middle meatus establishes a drainage unit for maxillary and frontal sinuses and anterior ethmoidal cells. When a sinus infection (of mostly dental origin) involves the middle meatus, this drainage pathway is obstructed and the infection can spread into the anterior ethmoidal cells (Bonfils et al., 1998). The infection spread to the orbit is explained by the thinness of the late-

105 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


PATHOLOGIE

plique par la finesse de la paroi latérale des sinus ethmoïdaux ou lame orbitaire encore appelée « lame papyracée », parfois déhiscente (Givner 2002). Les déhiscences et les zones de sutures entre les différents constituants de la paroi interne de l’orbite, les points de pénétration des vaisseaux ethmoïdaux forment de véritables points de faiblesse lors des infections sinusiennes (diffusion par contiguïté anatomique). Il existe de plus une connexion veineuse dépourvue de valve entre les deux cavités (Chandler et coll., 1970) ; cependant la propagation des infections sinusiennes ethmoïdales à l’œil par thrombophlébite rétrograde ou emboles septiques (diffusion par continuité du drainage veineux) est plus rare (Goodwin 1985). Il faut également citer l’extension par voie lymphatique (Froehlich 2000).

ral wall of the ethmoidal sinuses or the orbital wall called «lamina papyracea», sometimes with dehiscence (Givner 2002). Dehiscences and suture zones of various components of the orbital internal wall and the penetration areas of ethmoidal vessels form veritable weak points during sinus infections (infection spread through anatomical proximity). Although there is a venous connection devoid of valve between both cavities (Chandler et al., 1970), the propagation of ethmoidal sinus infections to the eye by a retrograde thrombophlebitis or septic emboli (infection spread though a continuity of venous drainage) however is rarer (Goodwin 1985). It is also necessary to note the infection spread though lymphatic pathways (Froehlich 2000).

L’évolution du processus infectieux a sans doute été favorisée par l’absence de traitement antibiotique initial et la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens sur une période de 24 heures.

An absence, within the first 24 hours, of initial antibiotic treatment and non-steroid anti-inflammatory drug prescription has doubtlessly favored the evolution of infectious process.

Le degré de gravité est conditionné par la présence ou l’absence d’une extension rétro-septale du processus infectieux. Le septum (Fig. 6) est l’extension fibreuse du périoste orbitaire s’insérant sur le tarse, séparant l’orbite en deux compartiments : la région préseptale (paupière) dont l’atteinte est de bon pronostic sous traitement médical, et la région rétroseptale, de plus mauvais pronostic fonctionnel et vital (Givner 2002).

The degree of severity is conditioned by a presence or an absence of a retroseptal spread of the infection. The septum (Fig. 6) is a fibrous extension of the orbital periostium inserting on the tarsus, separating the orbit into two compartments : the preseptal region (eyelid) where the affection is of good prognosis under medical treatment, and the retroseptal region with worse functional and vital prognosis if affected (Givner 2002).

La gravité du pronostic réside dans le risque d’atteinte du nerf optique (risque de cécité), de l’apex orbitaire, du sinus caverneux et des structures cérébroméningées (thrombophlébite du sinus caverneux). La surveillance ophtalmologique est donc prioritaire. Le contrôle de l’infection doit être entrepris parallèlement du fait du risque de complications encéphaliques.

The prognosis severity lies on the risk of involvement of the optical nerve (risk of blindness), the orbital apex, the cavernous sinus and the cerebromeningeal structures (thrombophlebitis of the cavernous sinus). An ophtalmological surveillance is thus in priority. An infection control must be started in parallel considering the risk of encephalic complications.

Quatre signes ont un intérêt majeur pour le diagnostic d’une atteinte rétro-septale (Fauchier et coll., 1998-1999) : un âge supérieur à 6 ans, l’évolutivité de l’œdème palpébral avec un œil occlus spontanément, l’exophtalmie et les troubles de la motricité extrinsèque de l’œil (l’atteinte de la motricité intrinsèque et de l’acuité visuelle étant des signes de gravité trop tardifs). Dès qu’existe un syndrome rétroseptal, un scanner facial avec injection est indiqué en urgence (Froehlich 2000 ; Fauchier et coll., 1999). La classification de Chandler (Givner 1970) décrit 5 stades par ordre de gravité croissante : ■ Groupe I ou cellulite préseptale. ■ Groupe II ou cellulite rétroseptale, ou cellulite orbitaire séreuse diffuse. ■ Groupe III ou abcès sous-périosté. ■ Groupe IV ou abcès intraorbitaire.

Four signs are accounted for the diagnosis of a retroseptal involvement (Fauchier et al., 1998, 1999) : age superior to 6 years old, evolution capacities of the palpebral oedema with an eye spontaneously occluded, exophtalmia and disorders of extrinsic ocular motricity (the affection of intrinsic motricity and the visual acuteness being advanced signs of severity). As soon as a retroseptal syndrome appears, a facial scanner with injection is indicated with urgency (Froehlich 2000 ; Fauchier et al., 1999). The Chandler’s classification (Givner 1970) has described five stages with increasing severity : ■ Group I : preseptal cellulitis. ■ Group II : retroseptal cellulitis, or diffuse serous orbital cellulitis. ■ Group III : subperiosteal abscess. ■ Group IV : intraorbital abscess.

106 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


6

Fig. 6 : Schéma de la portion antérieure de l’orbite, matérialisant le septum orbitaire. Schema of the anterior part of the orbit showing the orbital septum.

Groupe V : thrombose du sinus caverneux et atteinte du système nerveux central.

Group V : thrombosis of the cavernous sinus and involvement of the central nervous system.

Néanmoins, cette classification ne reflète pas toujours la physiopathologie car un abcès sous-périosté peut d’emblée compliquer une ethmoïdite aiguë si la diffusion de l’infection par contiguïté anatomique est prépondérante. Les informations réunies dans le cas présent orientent vers un tableau clinique d’abcès orbitaire sous-périosté. On observe un refoulement du muscle droit médial mais l’exophtalmie est plutôt axiale que non axiale et l’oculomotricité n’est pas atteinte, ce qui est en faveur d’un abcès sous-périosté débutant.

Nevertheless, this classification does not always reflect the physiopathology because a subperiosteal abscess can suddenly complicate an acute ethmoidal sinusitis if the infection spread through anatomical proximity is dominating. The information gathered in the present case is oriented toward a clinical scene of subperiosteal orbital abscess. A repression of the right medial muscle is observed but the exophtalmia is rather axial than nonaxial and the oculomotricity is not affected. This finding is thus in favor for an initial subperiosteal abscess.

La majorité des bactéries retrouvées dans les sinusites aiguës de l’enfant sont représentées par Streptoccocus pneumoniae (25 à 30 %), Haemophilus influenzae (15 à 20 %), Moraxella catarrhalis (15 à 20 %) (Brook 2002). Moins fréquemment, on retrouve des Streptococcus pyogenes, des Staphylococcus aureus et des anaérobies. Ces derniers sont d’autant plus à incriminer que l’origine est dentaire. L’antibiothérapie devra être dans un premier temps probabiliste puis éventuellement adaptée aux résultats de la bactériologie. Ces considérations justifient l’association antibiotique utilisée en première intention dans le cas présent, par ailleurs conforme aux données de la littérature (François 2000). L’absence de prélèvements bactériologiques (méat moyen) peut paraître regrettable en sachant toutefois que le prélèvement bactérien de référence validé est la ponction intra sinusienne maxillaire directe. En outre, la prescription d’un relais per os par amoxicilline-acide clavulanique se serait révélée plus adaptée que le cefpodoxime.

The majority of bacteria found in the acute sinusitis of children are represented by Streptoccocus pneumoniae (25 to 30 %), Haemophilus influenzae (15 to20 %) and Moraxella catarrhalis (15 to 20 %) (Brook 2002). Less frequently, Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus and anaerobic bacteria can be detected. The presence of the latter is even to confirm that the infection origin is dental. The antibiotherapy must be at first probabilistic then eventually adapted to the bacteriological results. These considerations justify the antibiotic association used as a first intention in this case and moreover corresponding to the data from the literature (François 2000). An absence of bacteriological sample from the middle meatus may seem regrettable by realizing however that the validated bacterial sample of reference can be done from a direct intra maxillary sinus drainage. Besides, a prescription of a series of per os by amoxicilline-clavulanic acid association would be more adapted than cefpodoxime.

107 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


PATHOLOGIE

Dans le cas présent, le traitement médical associé à l’acte odontologique chirurgical ont suffi et l’indication de drainage n’a pas été posée en l’absence d’une altération de l’oculomotricité et en raison de la présence d’un abcès sous-périosté débutant, peu compressif. L’utilisation des anticoagulants peut paraître excessive et donc discutable en l’absence de menace de thrombophlébite du sinus caverneux.

In the present case, medical treatment associated to dental surgery by tooth removal was enough and the indication of drainage was not applied in absence of oculomotricity change and in presence of an initial thus less compressive subperiosteal abscess. The use of anticoagulants can be excessive and thus debatable in absence of thrombophlebitis threat to the canervous sinus.

Conclusion Ce cas illustre la communication des différentes cavités du massif facial entre elles, de façon physiologique ou à la faveur d’un processus inflammatoire troublant le drainage normal. En particulier, il montre que l’orbite entretient des rapports anatomique et/ou pathologique avec elles et peut donc être touchée par un processus à point de départ dentaire. Le rappel n’est pas inutile étant donné la zone à risque que constitue l’orbite d’un point de vue fonctionnel et vital. Tout patient présentant une infection orbitaire rétro-septale doit être hospitalisé et le suivi ophtalmologique, primordial, doit être quotidien. La prise en charge résulte d’un consensus pluridisciplinaire bien organisé. Enfin, les complications potentielles d’une infection d’origine dentaire ne doivent pas être sous-estimées. C’est pourquoi devant toute ethmoïdite aiguë extériorisée atypique sans origine naso-pharyngée apparente, la recherche d’une étiologie dentaire est indispensable. This case physiologically illustrates the communication among various cavities of the facial mass favoring an inflammatory process disturbing a normal drainage. In particular, the orbit maintains anatomical and/or pathological connections with these cavities and can thus be affected by a process originating from a dental cause. From a functional and vital point of view, the overall review is not useless providing that the orbit constitutes the zone at risk. Any patient presenting a retroseptal orbital infection must be hospitalized and essential ophtalmological follow-up must be on a daily basis. Patient care will result from a well organized multidisciplinary consensus. Finally, potential complications from an infection of dental origin must not be underestimated. Therefore, in facing any atypical acute ethmoidal sinusitis with orbital complications not resulting from nasopharyngeal origin, a search for a cause of dental origin is indispensable.

Traduction : Ngampis SIX

bibliographie

Demande de tirés-à-part : Docteur Rémi CURIEN - 15, rue Notre Dame des neiges - 57700 Neufchef. BONFILS P., CHEVALLIER J.M. Anatomie. 3 : ORL. Ed: Flammarion médecine-science Paris, 1998.

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108 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


ENDODONTIE

Mots clés :

Origine des fractures et de l’usure des limes Ni-Ti en endodontie.

A.M.F, Nitinol Préparation canalaire Transformation martensitique Protaper Profile

Keywords :

Origin of fractures and wear of Ni-Ti endodontic files.

S.M.A. Nitinol Canal preparation Martensitic transformation Protaper Profile

Michel OIKNINE*, Jacques BENIZRI** * Odontologiste - Ancien Assistant de la Faculté de Chirurgie Dentaire de Lyon Attaché service de Dentisterie Conservatrice-endododontie ** Odontologiste - Laboratoire biomatériaux, Faculté de Dijon

r é s u m é abstract

L

’endodontie concerne la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies de la pulpe et des complications péri radiculaires associées. Les principes et les modalités de la préparation et de l’obturation canalaire sont aujourd’hui clairement codifiés et admis par un grand nombre de praticiens. L’apport des alliages à mémoire de forme (AMF) et plus particulièrement le Nitinol, ouvrent de nouvelles perspectives. Les instruments en Nickel titane sont devenus un complément indispensable à l’instrumentation traditionnelle dans les étapes de nettoyage et de mise en forme du système canalaire. Ils permettent le respect de l’anatomie canalaire, une remontée des débris dentinaires et pulpaires vers l’accès coronaire, une préparation régulière et un meilleur ajustage du maître cône. Cependant ces innovations technologiques ne doivent pas éclipser certains inconvénients majeurs et leurs conséquences telles que la difficulté d’usinage et une facilité à la fracture des AMF.

ndodontics concerns prevention, diagnosis and treatment of pulp diseases and associated periradicular complications. The principles and the modalities of canal preparation and obturation are presently clearly systematized and accepted by a large number of practitians. Shape Memory Alloys (SMA) and in particular Nitinol, open new perspectives. Nikel-titanium instruments have become an indispensable complement to traditional instrumentation in cleaning and shaping steps of canal system. They allow a respect of canal anatomy, dentin and pulp debris removal toward coronal access, regular preparation and better adaptation of the main cone. However, these innovative technologies must not overshadow certain major disadvantages and their consequences such as difficulty in fabrication and ease of breakage of SMA.

E

soumis pour publication le 06/12/04 accepté pour publication le 13/12/06

109 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007

Rev Odont Stomat 2007;36:109-123


ENDODONTIE

ujourd’hui, l’endodontie utilise les propriétés d’un nouvel alliage lors de la mise en forme canalaire. Cet alliage appelé Nitinol appartient à la famille des A.M.F (alliage à mémoire de forme). Ces matériaux aux étonnantes propriétés ont été découverts en 1938, il s’agissait d’Or-Cadmium. Ce n’est qu’en 1962 qu’on a commencé réellement l’étude de ces alliages avec la découverte du Nickel-Titane. Les premières applications ont vu le jour en 1969 pour l’aéronautique sur les raccords de tuyauteries hydrauliques des avions F-14.

A

M

L’emploi d’une instrumentation mécanisée en NickelTitane a largement simplifié et accéléré la mise en forme canalaire, leur efficacité nous permet d’obtenir aisément une préparation de conicité homogène, homothétique et reproductible (Machtou 1993). Malheureusement leurs qualités aujourd’hui reconnues ont contribué à éclipser certains inconvénients, dont la facilité à la fracture entre des mains inexpérimentées, ce qui compromet le pronostic de nos traitements endodotiques ( Hani Ounsi 2004).

Use of Nickel-titanium mechanical instrumentation has greatly simplified and accelerated the root canal shaping. Their efficacy allows us to easily obtain a preparation of homogeneous, homothetic and reproducible conicity (Machtou 1993). Unfortunately, their recognized qualities have contributed to overshadow some disadvantages such as ease of fracture by inexperienced hands compromising endodontic treatment prognosis (Ounsi 2004).

Le Nitinol est un alliage à base de 55 % de Nickel (Ni) et de 45 % de Titane (Ti) en poids, ce qui entraîne un rapport atomique 1:1 et l'alliage est dit équiatomique. Comme tous les alliages, le Nitinol peut sous certaines conditions modifier le type de ses liaisons inter atomiques et donc exister sous des formes cristallographiques différentes possédant chacune des propriétés mécaniques spécifiques.

Nitinol is an alloy based on 55 % of nickel (Ni) and 45 % of titanium (Ti) by weight and with a 1:1 atomic ratio, thus called an equiatomic alloy. Like all alloys, Nitinol can, under certain conditions by a modification of its inter-atomic bond type, exist under different crystallographic forms. Each form possesses specific mechanical properties.

L’utilisation quotidienne des instruments NiTi nécessite une bonne connaissance de leur comportement en fatigue. En effet, une utilisation répétée entraîne une évolution de l’état microstructural du matériau et par conséquent une modification des propriétés thermomécanique de celui-ci.

Daily use of NiTi instruments requires a good knowledge of their fatigue behavior. Indeed, a repeated use can lead to a change of microstructural state of the material and consequently a modification of its thermomechanical properties.

La fatigue des éléments à mémoire de forme peut se produire de différente façon. Elle est influencée par plusieurs paramètres. Cependant elle trouve toujours son origine dans une modification irréversible de la microstructure du matériau. On distingue deux types de fatigue : une fatigue mécanique et une fatigue de mémoire de forme. Dans le premier cas les propriétés mécaniques sont affectées, dans le deuxième cas ce sont les caractéristiques de l’effet mémoire qui évoluent (Maillard et coll., 2005).

The fatigue of SMA can occur in various ways and is influenced by several parameters. However the origin is always due to an irreversible microstructural modification of the material.

Cette étude aborde ces deux aspects du Nickel-titane en endodontie. Cette approche fondamentale de l’alliage nous permet une meilleure utilisation clinique des instruments mécanisés.

This study addresses these two aspects of NiTi in endodontics. This fundamental approach to understand the alloy will allow us to improve a clinical performance when using these mechanical instruments.

odern endodontics employs a new alloy with appropriate properties for root canal shaping. This alloy, called Nitinol, belongs to the SMA family (Shape Memory Alloys) with surprising properties discovered in 1938. Although most alloys in the family are gold-cadmium but it is only in 1962 with the discovery of nickel-titanium when the studies of these alloys were intensively conducted. The first industrial SMA applications were introduced in 1969 in aeronautics as hydraulic pipe connectors for F-14 aircrafts.

Two types of fatigue can be distinguished, mechanical and shape memory fatigue. While mechanical properties are affected in the prior, the characteristics of the memory effect evolve in the latter. (Maillard et al., 2005).

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Les propriétés thermomécaniques des alliages à mémoire de forme (Patoor et Berveiller, 1990)

Thermomechanical properties of shape memory alloys

La transformation martensitique

Martensitic transformation

Les propriétés singulières des A.M.F reposent sur l’existence d’une transformation de phase réversible entre un état structural haute température appelé austénite et un état structural basse température appelé martensite. Cette transformation peut être lié à la température mais aussi à une contrainte.

Uncommon properties of SMA are based on an existence of a reversible phase transformation between two structural states at high temperature called austenite and a structural state at low temperature called martensite. This transformation can be related to temperature but also to stress.

Guenin (1986) en donne une définition : c’est une transformation structurale displacive du premier ordre présentant une déformation du réseau cristallographique homogène, principalement constituée par un cisaillement.

Guenin (1986) gives a definition of this reversible transformation as a displacive structural transformation of the first order presenting a deformation mainly constituted by shearing of the homogeneous cristallographic network.

La transformation martensitique est le produit d’un changement de phase à l’état solide. Comme pour les changements de phases entre phase vapeur-phase liquide ou phase liquide-phase solide, elle s’accompagne d’une modification des propriétés des matériaux. Pour les A.M.F il s’agit de la transformation d’austénite qui est la phase mère en martensite, cette conversion de forme se produit sous l’effet d’une contrainte ou d’un abaissement de température.

Martensitic transformation is a product of a phase change in the solid state. Similarly to phase changes between vapor-liquid or liquid-solid phases, solid-solid transformations are also accompanied with a modification of materials’ properties. For SMA, it concerns austenitic transformation to martensite occurring under the influence of a stress or a lowering of temperature.

(Patoor and Berveiller, 1990)

Comportement des AMF

Behaviour of SMA

On peut distinguer des classes de comportements distincts correspondant à 4 mécanismes différents faisant toujours intervenir la transformation martensitique :

Four different mechanisms leading to corresponding different behaviors can be distinguished and are always related to martensitic transformation.

1/ Formation de martensite orientée par des contraintes (internes ou appliquées) et retour à l'état austénitique. 2/ Formation de martensite non orientée (groupe de variantes auto-accomodantes) par un refroidissement sans contrainte et retour à l'état austénitique. 3/ Réorientation irréversible des variantes par application d'une contrainte externe. 4/ Réorientation partielle et réversible des variantes par application de contraintes externes.

1/ Directed martensite formation by internal or applied stress and return to the austenitic state. 2/ Non-directed martensite formation (group of auto accommodating variants) by a cooling without stress and return to the austenitic state. 3/ Irreversible reorientation of variants by an external stress application. 4/ Partial and reversible reorientation of variants by an external stress application.

Ces différents mécanismes nous conduisent à cinq classes de comportement :

These different mechanisms lead to five classes of behavior :

111 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


ENDODONTIE

1 2

Fig. 1 : M1- Lime Profile neuve (x5) - Coupe transversale Attaque A - Etat cristallographique.

Fig. 2 : M7- Lime Profile utilisé 7 fois (x5) - Coupe longitudinale - Attaque A - Etat cristallographique.

M1- New Profile file (x5) - Transversal section - Attack A Crystallographic state.

M7- Profile file already used 7 times (x5) - Longitudinal section Attack A - Crystallographic state.

La superthermoélasticité L'alliage est capable de se déformer sous l'effet d'une contrainte. Ce comportement porte le nom de super élasticité ou pseudo élasticité. Les alliages à mémoire de forme possédant cette caractéristique peuvent subir une déformation beaucoup plus importante qu'un alliage conventionnel tel que l'acier. Il est de 10 % pour les monocristaux de Cu-Zn-Al, et de 8 % pour des polycristaux de NiTi. C'est certainement l’une des propriétés intéressantes en endodontie, elle a permit l’augmentation des conicités de nos limes tout en gardant leurs flexibilités.

Superthermoelasticity The alloy is capable of deforming under stress. This behavior is called super-elasticity or pseudo-elasticity. SMA possessing this characteristic can undergo a deformation much more significant than a conventional alloy such as steel. The deformation value is 10 % for monocrystals of Cu-Zn-Al, and 8 % for polycristals of NiTi. It is certainly one of the interesting properties in endodontics allowing an increase of endodontic files conicity while respecting canal anatomies.

La mémoire de forme a. L'effet mémoire simple sens L'alliage est capable de trouver sa forme initiale après avoir subi une déformation mécanique. b. L'effet mémoire double sens L'alliage est capable après éducation (conditionnement) d'occuper deux positions stables : l'une audessus d'une température critique, l'autre en dessous. Cette propriété est recherchée en orthodontie.

Shape memory a. One-way memory effect The alloy is capable of returning to its initial shape after having undergone a mechanical deformation. a. Two-way memory effect The alloy is capable after conditioning to have two stable shapes, one above and the other below a critical temperature. This shape memory property is desirable in orthodontics.

L'effet caoutchoutique Ce comportement est lié à l'état martensitique, son mécanisme repose principalement sur le caractère partiellement réversible du mouvement des interfaces des variantes de martensite. Ici la température ne joue qu'un rôle secondaire puisqu'il n'y a pas changement de phase, la déformation est obtenue par application des contraintes à l'état de martensite. En endodontie nous exploitons aussi cette propriété des A.M.F.

Rubber-like effect This behavior is related to the martensitic state and its mechanism bases mainly on the partially reversible character of martensite interfaces movement. The temperature plays only a secondary role to this behavior since there is no phase change and the deformation is obtained by stress application to the martensite state. This property of SMA is always exploited in endodontics.

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3

DIAGRAMME D’ETAT Contrainte - Température

Fin ish (MS F) ng e" Ma Ma rte rte nsi nsi te S te + tar Au s té (MS nit ) e

Contrainte (σ) (N/mm2)

Fig. 3 : Diagramme d’état pour la transformation Austénite --> Martensite. State diagram of transformation from austenite to martensite.

éla

AUSTENITE

"M

Ma rte nsi te

MARTENSITE

Température (T) (°C)

(Les alliages à mémoire de forme, Etienne Patoor et Marcel Berveiller, Paris Hermes cop 1990).

L'effet amortissant Cet effet encore appelé frottement interne. Il résulte d'une transformation irréversible d'énergie mécanique en énergie thermique dissipée. Pour les alliages à mémoire de forme (AMF), selon l'état du matériau et la déformation, nous avons trois domaines où le frottement intérieur prend des valeurs différentes : ■ dans l'état austénitique, le frottement intérieur est faible : ceci est dû aux mouvements réversibles des dislocations et des défauts ponctuels, ■ dans l'état de martensitique, le frottement intérieur est associé aux mouvements réversibles des interfaces entre variantes de martensite, ■ durant la transformation de phase (celle qui nous concerne), le frottement est le plus important : ceci est du aux mouvements des interfaces entre austénite et martensite.

Damping effect This effect, also called internal friction, results from an irreversible transformation of mechanical energy into dissipated thermal energy. For SMA, depending on material state and deformation, internal friction can have different values in three situations : ■ in the austenitic state, internal friction is weak due to the reversible movements of dislocations and punctual defects, ■ in the martensitic state, internal friction is associated to reversible movements of the interfaces between martensite variants, ■ during phase transformation, the friction is the most significant due to the movements between austenite and martensite interfaces. This situation concerns directly to usage in endodontics.

Five characteristics of martensitic transformation.

Les cinq caractéristiques de la transformation martensitique 1/ Changement de phase à l'état solide du à une déformation inélastique du réseau cristallin. Cette déformation n'est pas due à un mouvement individuel des atomes sur des grandes distances, mais à un déplacement collectif et coopératif des atomes sur des distances relativement faibles par rapport aux paramètres des mailles cristallines.

1/ Phase change in the solid state due to an inelastic deformation of the crystal lattice. This deformation is not due to an individual movement of atoms in a large distance, but to a collective and cooperative displacement of atoms on a relatively weak distance with regard to the crystal lattice parameters.

113 Revue d’Odonto-Stomatologie/mai 2007


ENDODONTIE 4

Fig. 4 : Micrographie et représentation schématique d’une transformation polyvariante avec M1, M2, M3, trois variantes de martensité et l’austénite résiduelle. Micrography and schematic representation of a polyvariant transformation among three martensite variants (M1, M2 and M3) and residual austenite.

(Les alliages à mémoire de forme, Etienne Patoor et Marcel Berveiller, Paris Hermes cop 1990)

2/ L'absence de la diffusion (sans déplacement des atomes) rend la transformation martensitique quasiment instantanée : la création de martensite se fait à des vitesses comparables à la vitesse du son dans un solide (quelque 103m/s). Pour un état d'avancement de la transformation donnée, il y a coexistence des deux phases.

2/ An absence of diffusion (without displacement of atoms) makes the martensitic transformation almost immediate: the speed of martensite creation is comparable to the speed of the sound in a solid (approximately 103m/s). For an advanced state of a given transformation, there is a coexistence of both phases.

3/ Par rapport à sa forme antérieure, un élément de volume de matière subit, lors de sa transformation de phase, une déformation caractérisée par : - une faible variation de volume (pour les AMF), - un cisaillement important et une direction bien définies. Cette déformation est le résultat d'une transformation du réseau cristallin (déformation de Bain) et d'une transformation à réseau invariant. Glissement ou « maclage », ces mécanismes créent une microstructure à l'intérieur de la martensite (macle, dislocation, fautes d'empilement).

3/ With regard to its previous shape, the whole volume of a material undergoes, during its phase transformation, a deformation characterized by : - a weak variation in volume (for SMA) - a significant shearing and a well-defined direction. This deformation is a result of crystalline network transformation (Bain’s deformation) and a transformation of invariant network. Gliding or “twinning”, these mechanisms create a microstructure inside the martensite (twin, dislocation, lack of piling up).

4/ Afin de minimiser l'énergie d'interaction entre la martensite formée et l'austénite encore présente, les domaines constitués de martensite ont généralement la forme de plaquettes aplaties dont le plan principal est appelé plan d'habitat ou plan d'accolement. Ce plan est généralement bien défini pour une classe d'alliage et possède des indices cristallographiques souvent complexes. Ce plan est le plan de cisaillement de la martensite. Pour les AMF la direction de cisaillement est pratiquement contenue dans ces plans (variation de volume est négligeable). Du fait de la symétrie cristalline de la phase mère (austénite), de multiples plans d'habitat peuvent coexister dans un monocristal d'austénite en cours de transformation. L'ensemble des plaquettes ayant même plan d'habitat et même direction de cisaillement est appelé variante de martensite.

3/ In order to minimize the energy of interaction between formed martensite and existing austenite, the domains constituted by martensite have generally a flat shape whose principle plane is called habit plane. This plane, generally well-defined for an alloy and possessing an often complex crystallographic index, is the shearing plane of martensite. For SMA, the shearing direction is practically within these planes (volume variation is insignificant). Due to a crystalline symmetry of the mother phase (austenite), multiple habit planes can coexist in a monocrystal of austenite in the course of transformation. All the flat blocks having the same habit plane and the same shearing direction is called martensite variant.

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5

σ

Comportement élastique de l'austénite

Transformation martensitique

Comportement élastique de la martensite

Fig. 5 : Schéma du comportement d’un AMF en traction à température constante.

σ Mf σ Ms σ As σ Af

Shema of a SMA behavior in tension at a constant temperature.

εM 10 %

ε

5/ Les variables thermodynamiques extérieures qui ont une action sur la transformation martensitique sont, comme pour tous les changements d'état, la température et la contrainte. Dans les AMF, la transformation martensitique s'effectuant quasiment à volume constant, l'effet de la pression hydrostatique de l'état de contrainte est négligeable. C'est principalement le déviateur des contraintes qui possède une action sur l'avancement de la transformation.

5/ Variable external thermodynamics having an action on martensitic transformation are, like in all state changes, temperature and stress. In SMA, martensitic transformation occurring in a constant volume, the effect of hydrostatic pressure of a state under stress is insignificant. It is mainly the stress deviator that possesses an action on the transformation development.

Les alliages à mémoire de forme, la déformation associée à la transformation martensitique permet en jouant sur la contrainte et la température, de conférer une forme haute et basse température à un matériau, et de le déformer de plusieurs pour-cent (5 à 10 %).

In SMA, the deformation associated to martensitic transformation, by playing on the stress and temperature, will give a shape at high and low temperature to a material, with a deformation of several percentages (5 to10 %).

Etude expérimentale

Experimental study

(Oiknine 2003)

(Oiknine 2003)

Caractérisation métallographique

Metallographic characterization

Il s'agit d'analyses effectuées sous microscope métallographique inversé ZEISS Axiovert 100. Les échantillons sont enrobés dans de la résine époxy, polis suivant une gamme spécifique jusqu'à la superfinition à la silice colloïde puis attaqués chimiquement avec les réactifs suivants : ■ type A : acide fluorhydrique (1part), ■ type A : acide acétique (5part), ■ type A : acide nitrique (5part).

Analyses are performed under inverted metallographic microscope ZEISS Axiovert 100. The samples are embedded in epoxy resin, polished according to a specific range until the superfinish with a colloid silica then chemically attacked with following reagents : ■ type A : fluorhydric acid (1 part) ■ type A : acetic acid (5 parts) ■ type A : nitric acid (5 parts)

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ENDODONTIE

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7

Fig. 6 : Lime Profile neuve (x5) - Microscope ZEISS - Axivert 100 - Coupe longitudinale.

Fig. 7 : M17- Lime Protaper neuf (x20) - Coupe longitudinale Attaque A.

New Profile file (x5) – ZEISS microscope - Axivert 100 Longitudinal section.

M17- New Protaper file (x20) - Longitudinal section - Attack A.

Il est fortement probable que l'attaque chimique de type A révèle les plans martensitiques reliés cristallographiquement avec la structure austénitique.

It is strongly likely that type A chemical attack reveals martensitic planes cristallographically related to austenitic structure.

Une analyse DSC (Analyse calorimétrique différentiel ou Différentielle Scanning calorimetry) complémentaire a été effectuée pour vérifier les points de transformation de l'alliage en fonction de la température.

An additional DSC analysis (Differential Scanning calorimetry or Differential calorimetric analyse) was performed to verify the transformation points of the alloy depending on the temperature.

La plupart des phénomènes physiques ou chimiques qui peuvent survenir dans un matériau (changement d’état ou simplement de structure cristalline, déformation, dégradation, réaction avec le milieu environnant….) s’accompagnant d’une absorption de chaleur (le phénomène est endothermique) ou d’un dégagement de chaleur (le phénomène est exothermique).

Most of physical or chemical phenomena can occur in a material such as change of state, crystalline structure, deformation, degradation or reaction with the surrounding environment accompanying with heat absorption (endothermic phenomenon) or heat release (exothermic phenomenon).

La microcalorimétrie est la méthode employée lorsqu’on souhaite une mesure fine et sensible de ces échanges de chaleur (Maillard et coll., XXXX). C’est un moyen direct d’observer la tenue en température d’un matériau et d’étudier les transformation, réversibles ou non, dont il est le siège.

Microcalorimetry is used to measure these fine and sensitive heat exchanges (Maillard et al., XXXX). It is a direct means to observe a behavior of a material in a temperature change and to study its internal transformation whether reversible or not.

Il apparaît que la transformation martensite – austénite (pic endothermique) a lieu vers 27°C (point Af), le point As se situant vers 0°C. Etant donné l'hystérèse de cette transformation structurale (typiquement de 20°C) lors du refroidissement, la transformation austénite-martensite doit opérer vers les 10°C.

It seems that martensite-austenite transformation (endothermic peak) takes place towards 27°C (Af point) while the point As is situated towards 0°C. Given the hysteresis of this structural transformation (typically from 20°C) during cooling, the austenitemartensite transformation must occur towards 10°C.

H=hystérésis est du à la présence d’une énergie irréversible, elle correspond à une dissipation d’énergie

Hysteresis (H) is due to a presence of an irreversible energy and corresponds to a dissipation of

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Fig. 8 : Lime Profile utilisé 7 fois (x10) Coupe longitudinale. Profile file already used 7 times (x10) Longitudinal section.

mécanique transformée en chaleur. En clinique ceci se traduit par une fatigue de l’instrument, ces milliers de cycle que subit l’alliage auténite-martensite et inversement entraînent obligatoirement une dégradation des propriétés des A.M.F.

mechanical energy transformed into heat. In clinical situation, this is translated into a fatigue of instrument, these thousand cycles which austenite-martensite alloy undergoes and conversely necessarily lead to a degradation of SMA properties.

Nous devons limiter le nombre d’utilisation et tenir compte des contraintes que la lime peut subir lors d’un traitement canalaire.

During a canal treatment, the number of use has to be limited and the stress which an endodontic file has to undergo must be taken into account.

L'analyse du Protaper montre une structure légèrement différente de celle des limes Profile (à confirmer sur plusieurs échantillons). En effet on observe un grand nombre de « rosaces » ou grains équiaxes au sein des plaquettes martensitiques. Il est possible qu'une recristallisation partielle ait eu lieu.

The analysis of Protaper file shows a structure slightly different from that of Profile files (to be confirmed on several samples). Indeed we observe a large number of "rosettes" or equiaxe grains within martensitic flat blocks. It is possible that a partial recrystallization took place.

9a

9b

σ

As

Martensite

Q

Af

Austenite

Af

As

Cycle thermique

Mf Ms

Mf

Ms

Cycle thermique T

T

(ENSAM, Metz) Fig. 9 : Détermination des températures des AMF (DSC). (a) Domaines de stabilité de l’austénite et de la martensite. (b) Courbe d’analyse calorimétrique différentielle. Temperature determination of SMA (DSC). (a) Stability domains of austenite and martensite. (b) Differential calorimetric analysis curve.

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ENDODONTIE

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Contrainte (σ) (N/mm2) Température (T) > Martensite Start (Ms)

σMf

tion ma m) r o f e (ε u Dé q ti nsi rte a M

σAs

Fig. 10 : Les températures de transformation martensique.

σMs

Martensitic transformation temperatures.

σAf Déformation (ε) (mm) I

II

III

(Les alliages à mémoire de forme, Etienne Patoor et Marcel Berveiller, Paris Hermes cop 1990)

Etude en microscopie électronique à balayage

Scanning electron microscopic study

Après avoir survolé quelques points fondamentaux des propriétés du Nitinol, une étude en microscopie électronique à balayage (MEB) JEOL 6400F couplé à une sonde µsonde EDX à été conduite pour déterminer les états de surface, l'usure puis les fractures des instruments rotatifs après une utilisation clinique selon un protocole préconisé par le fabricant. Dans le cadre de cette investigation, nous avons examiné des instruments neufs, des instruments utilisés sept fois puis des instruments fracturés lors d'une mise en forme canalaire. Tous les instruments neufs sont fournis par la firme Densplay Maillefer (Profil et Protaper).

Following having glanced through some fundamental points of Nitinol properties, a study by scanning electromicroscopy (SEM, JEOL 6400F coupled with an EDX microprobe) has been conducted to evaluate surface status, wear then fractures of rotary instruments after a clinical use according to manufacturers’ recommendations. Within the framework of this investigation, new instruments, instruments used seven times then instruments broken during a canal shaping have been examined. All the new instruments tested (Profile and Protaper) are supplied by Dentsply Maillefer.

Etat de surface

Surface status

Instruments neufs

New instruments

Les états de surface sont marqués par les stries d'usinage, nous voyons aussi une irrégularité dans la profondeur des stries. Elles sont liées à la qualité des lames de coupes des robots d’usinage. Ces défauts de surfaces peuvent engendrer des amorces de fractures. Elles sont toujours à l’origine d’une rupture. On peut aussi rencontrer des défauts plus important sous forme de micro cracks, qui expliqueraient une fracture soudai-

The surface status is marked by scratches from machining with an irregularity in the depth of scratches related to the quality of cutting blades of manufacturing robots. Fractures initiation and instrument breakage are always originated from these defects. More significant defects as microcracks can also be observed and would be explained for a sudden fracture of a new instrument during its first usage.

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Fig. 11 : Protaper neuf SX (100 µm).

Fig. 12 : Protaper neuf SX (80 µm).

New Protaper SX (100 μm).

New Protaper SX (80 μm).

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Fig. 13 : Micro crack avec accumulation de smear layer.

Fig. 14 : Adhésion de la smear layer.

Microcracks with smear layer accumulation.

Adhesion of smear layer.

ne d’un instrument lors de sa première utilisation. L'usage répété ou incontrôlé de ses instruments peut accentuer ces imperfections et aboutir à la rupture.

Repeated or uncontrolled usage of these instruments can emphasize these imperfections and lead to their breakage.

Usure

Wear

Après usage, on constate que les irrégularités de surface entraîne une adhésion importante de la smear layer, ce qui diminue l'efficacité de coupe. Cette smear layer s'accumule aussi dans les micro-cracks, les maintient ouverts et les accentuent sous l’effet des contraintes. Cette accumulation de smear layer dans les micro cracks rend difficile voir impossible la stérilisation complète de l'instrument, elle entraîne un risque élevé de contamination croisée. Il est donc impératif après chaque passage dans le canal de nettoyer notre instrument dans une compresse imbibée d'hypochlorite de sodium à 5%.

After usage, surface irregularities leading to a significant smear layer adhesion are observed. The cutting efficiency is thus reduced. Microcracks are also accumulated, maintained open by smear layer and become accentuated under the influence of stress. This accumulation of smear layer in micro cracks renders a complete instrument sterilization difficult even impossible resulting in a high risk of crossed contamination. It is thus imperative after each passage in a canal to clean the instrument with a gauze soaked with 5 % sodium hypochlorite solution.

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ENDODONTIE

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Fig. 15 : Fracture à partir d’une strie d’usinage.

Fig. 16 : Plage qui amorce la fracture.

Fracture from a maching scratch.

Zone initiating the fracture.

Fracture après usage

Fracture after usage

Sur un instrument fracturé, on observe que toutes les fractures obtenues ont comme origine une strie d'usinage ou un micro crack dans lequel la dentine s'est accumulé maintenant le micro crack ouvert.

On a broken instrument, all fractures are observed to have an origin from machining scratches or microcracks left open by dentin debris accumulation.

Conséquences cliniques

Clinical consequences

Le point fondamental induit par l’étude cristallographique des NiTi en endodontie est le contrôle des contraintes subit par l’instrument lors de son utilisation. a - contraintes pariétales, b - contraintes engendrées par l’opérateur, c - contrôle de la transformation martensitique.

A fundamental aspect concluded from the crystallographic study of NiTi in endodontics is the control of following stress undergone by the instrument during its usage. a - parietal stress, b - stress engendered by the operator, c - martensitic transformation control.

Nous devons éviter des forces trop importantes qui amènent à la rupture. Elles doivent être suffisantes pour créer la transformation martensitique. Elles doivent ensuite se stabiliser pour maintenir cette phase martensitique. La variation incessante de ces contraintes entraînent l’accumulation des variantes de martensite avec pour conséquence une rupture. La plupart des ruptures sont le fait de l’opérateur et secondairement de la qualité de l’usinage de ces instruments.

Exaggerated force leading to an instrument breakage must be avoided. The force, however, must be sufficient to create martensitic transformation and can be stabilized to maintain the martensite phase. Unceasingly variation of these stresses leads to an accumulation of martensite variants and a consequent breakage. Most breakages are related to the operator and secondarily to the quality of instruments manufacturing.

Lors de la mise en forme et du nettoyage canalaire, les limes rotatives subissent deux types de forces : 1 - des forces horizontales dues aux contraintes pariétales du canal et donc liées à l’anatomie canalaire, 2 - des forces verticales dues à l’opérateur.

During canal shaping and cleaning, rotary files undergo two types of forces : 1 -horizontal forces due to the parietal stress of the canal and thus related to the canal anatomy, 2 -vertical forces due to the operator.

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Fig. 17 : Conclusion : stries d’usinage, micro crack, fracture. Conclusion : machining scratches, microcrack, fracture.

Les premières sont gérées par une bonne lecture de la radiographie préopératoire et une excellente connaissance de l’anatomie canalaire, ( radiographie lime en place, longueur, lumière, rayon de courbure canalaire ….) selon la difficulté rencontrée une stratégie opératoire est mise en place, que l’on adapte, si nécessaire, au cours de la préparation : ■ Choix de la séquence instrumentale (ajouter des orifices shapers à une séquence protaper, ou compléter par des GT files…etc) ■ Choix d’une séquence instrumentale neuve ou déjà utilisée. Deux nouvelles notions lors de la mise en forme canalaire : A - Préparation d’une cavité d’accès qui répond aux impératifs de la préparation mécanisée : la cavité d’accès ne doit plus s’arrêter à la préparation coronaire mais inclure la préparation des entrées canalaires avant tout sondage du système canalaire. B - Mise en sécurité du canal : il s’agit de mettre en forme le canal manuellement à sa longueur de travail et au diamètre apical d’une lime K 015 ou 020.

The priors can be managed by a good interpretation of the preoperative radiography and an excellent knowledge of the root canal anatomy (radiography with file in place, length, light, radiance of canal curvature, etc.) and depending on encountered difficulties, an operative strategy is then established and adapted during canal preparation as following examples : ■ Choice of the instrumental sequence (adding orifice shapers to the protaper sequence, or completing by GT files, etc.) ■ Choice of a sequence of new or already used instrument. Two new concepts during canal preparation : A - Preparation of an access cavity corresponding to the imperatives of mechanized preparation : the access cavity must not be limited only to the coronal preparation but included to the preparation of canal entrance prior to probing of the canal system. B - Establishment of security to the canal: it concerns a manual canal shaping to its working length with the apical diameter of a K file no. 015 or 020.

Cette approche du clinicien a pour objectif d’anticiper une situation de rupture ainsi qu’une fatigue prématurée de l’instrumentation mécanisée.

This clinical approach has for objective to anticipate a breakage situation as well as a premature fatigue of the mechanized instrumentation.

Les deuxièmes forces sont gérées par l’expérience de l’opérateur et par une meilleure connaissance des possibilités qu’offre cette nouvelle instrumentation.

The second forces are managed by the operator experience and by a better knowledge of the advantages offered by this new instrumentation.

Passer par une période d’apprentissage sur dents sèches (on peut développer un sens tactile en rotation mécanisée) : choix des forces exercées, de la vitesse de rotation, du couple utile.

A period of training on dry teeth (we can develop a tactile sense in mechanized rotation) is needed in order to understand applied forces, rotation speed and useful torque.

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ENDODONTIE

Conclusion Aux grossissements du microscope métallographique, il y a peu de différences entre une lime neuve et une lime ayant servie (pour notre étude sept fois). On constate peu de modifications au niveau des angles d'attaques des lames de coupes. On observe peu d'usure. Par contre, au niveau de l'ultra structure (microscopie électronique), l'usage répété de ces instruments entraîne une accumulation des variantes martensite-austénite qui sont à l'origine des dislocations entraînant l'usure, la fatigue et la fracture de l'instrument. Il est certain que le mode d'utilisation et le nombre d'utilisation/stérilisation interviennent dans les modifications internes et sont à l'origine de certaines ruptures. Le Nitinol est parfaitement adapté à la pratique de l'endodontie moderne, il est indéniable que les limes rotatives font partie de notre arsenal thérapeutique. Toutefois, les états de surface doivent être améliorés, des travaux sur l'électrodéposition sont actuellement en cours et apporteront certainement de nouvelles perspectives. Les états de surface actuels sont un facteur de rupture. Selon le principe de précaution, ces instruments dans leur état actuel d’usinage, et pour des problèmes liés à leur stérilisation, seront préconisés pour l’usage unique. Cette pratique est instaurée aujourd’hui par de nombreux endodontistes et certains pays comme l’Angleterre. Une étude très poussée sur la qualité de nos stérilisations est indispensable, et sur le devenir de la smear layer bloquée dans les micros crac. Toutes ces questions méritent des réponses claires. L’usage unique pour les cas complexes est souhaitable.

At a higher magnification under metallographic microscope, slight differences between new and used-7-times files can be observed. Few modifications at the cutting angles of blades and few wear are noticed. On the other hand, at an ultrastructure level under an electromicroscope, a repeated usage of these instruments can lead to an accumulation of martensite-austenite variants originating dislocations and leading to wear, fatigue and fracture of the instrument. It is certain that mode of usage and number of usage/sterilization participate in internal modifications and are the origin of certain breakage. Nitinol is perfectly suitable to modern endodontics practice. It is undeniable that rotary files are a part of our therapeutic arsenal. Surface irregularities of these instruments are considered to be a factor of breakage and must be improved. Works on electrodeposition are at present in progress and will bring certainly new perspectives. According to the principle of precaution with their current state of manufacturing and problems related to their sterilization, these instruments will be recommended for unique usage. This practice is adopted presently by numerous endodontists and in certain country such as England. A study on the quality of sterilizations and on the smear layer accumulated in microcracks is indispensable. All these questions deserve precise answers. The unique usage for complex cases is desirable.

Traduction : Ngampis SIX Demande de tirés-à-part : Docteur Michel OIKNINE - 2, rue de la Tuilerie - 71210 Montchauvin.

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DROIT ET SANTÉ

Information et consentement éclairé du patient en chirurgie buccale : comment limiter l’ingérence du juridique dans la relation praticien - patient ?

Mots clés : Information Consentement Chirurgie buccale Droit Ethique

Cet article ne concernant que le Droit Français, le Comité de Rédaction a pris la décision, avec l’accord des auteurs, de ne pas le traduire.

H. MOIZAN*, P. JAMMET**, P. GOUDOT***

r é s u m é

* Odontologiste des Hôpitaux, Praticien hospitalier, PhD, Département d’Odontologie CHR Metz-Thionville. ** Praticien Hospitalier, Service de Chirurgie Maxillo-Faciale et Stomatologie, CHU Lapeyronie - Montpellier. *** Professeur d’Université, Praticien Hospitalier, Chef de Service Chirurgie Maxillo-Faciale et Stomatologie, CHU Lapeyronie - Montpellier.

L’

information du patient fait partie intégrante de la relation médecin-malade. Nous aborderons ici tout d’abord les spécificités de cette rencontre praticien-patient dissymétrique par excellence et le contexte dans lequel elle se déroule aujourd’hui. La délicate mission d’information qui incombe au praticien sera explorée tant sur le plan des normes que de la pratique clinique. Pour finir, nous exposerons la problématique du consentement au soin, en exposant les limites de cette notion notamment chez les patients vulnérables.

soumis pour publication le 02/10/06 accepté pour publication le 13/12/06

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Rev Odont Stomat 2007;36:125-130


DROIT ET SANTÉ

l’exception de quelques affaires célèbres (Hélie 1829, Mercier 1936,…) jusqu'à la moitié du XX ème siècle, les sciences médicales avaient peu à faire avec le droit et la justice. Depuis quelques décennies, la situation s’est bel et bien dégradée comme en témoigne la consultation des recueils juridiques. Cette judiciarisation galopante, à laquelle n’échappe pas la discipline odonto-stomatologique, traduit une modification des rapports entre les professionnels de santé, le corps social et les professionnels du droit. Depuis quelques années, la profession médicale et les pouvoirs publics ont développé un arsenal déontologique et juridique afin de fixer un certain nombre de limites et de règles. La situation conflictuelle entre le praticien et la justice sera abordée au travers de la problématique de l’information et du consentement du patient en chirurgie buccale en tentant d’apporter des éléments de réponse pour faire diminuer cette sinistralité.

expérience nous montre quotidiennement que la consultation tient souvent de la confession. L’attention et l’intérêt que le professionnel porte à son malade a un effet réel dans la réaction du malade. Le développement actuel des médecines parallèles traduit la déception des patients après une consultation initiale qu’ils jugent expédiée en raison d’un investissement réduit dans l’écoute de leurs doléances.

A

L’information au malade : de la norme à la pratique C’est au praticien que revient la délicate mission d’informer son patient. Informer, signifie « mettre au courant, faire savoir». Le terme se spécialise au XVIème siècle étonnamment dans le domaine judiciaire au sens de faire une instruction en matière criminelle. L’information, au sens courant, recouvre à la fois un contenu et une forme, ainsi que le fait de transmettre et de communiquer (Cornu 1997). Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, informer son patient est devenu une obligation (JO n°54 du 5 mars 2002). Epreuve périlleuse dans le contexte actuel de crise de la communication, un défaut d’information constitue une faute professionnelle susceptible d’être sanctionnée.

Praticien-patient (P-p) : une relation artificielle ? La relation Praticien-patient, rencontre dissymétrique par excellence que nous symboliserons P-p, c’est toute l’histoire de la médecine depuis Hippocrate à nos jours tant les rapports du praticien avec le patient ont évolué avec les progrès de la science et l’évolution des consciences. Au cours de ce colloque singulier, actuellement parasité par l’hyperspécialisation de la médecine, le développement technique, le manque de disponibilité, le consumérisme médical, et l’ère de la cybermédecine, se joue et se déjoue la maladie. Ce face à face P-p, de durée variable avec cette tendance nette à la diminution du temps moyen par consultation (15 minutes en France), étape pourtant capitale et garante d’une certaine qualité de la médecine, est souvent source d’une grande déception de la part des malades. Le patient inquiet, isolé, attend souvent de cette rencontre une prise en charge autre, prenant en compte sa personnalité, son affect, sa douleur et sa dimension sociale.

Certes, un cadre légal existait avant, mais il reflétait principalement les devoirs professionnels formulés aussi bien par les codes de déontologie que par la jurisprudence. Le code de déontologie médicale (CDM) rappelle au travers de son article 35 que « l’information apportée doit être loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de sa maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension » (CDM 1996). Le respect des droits des personnes ne doit pas faire oublier que la relation de soins est avant tout une relation humaine.

Des deux protagonistes : l’un en position semi allongée, bouche ouverte, parfois ébloui par le scialytique, qui se plaint, et l’autre qui sait et sait faire, doit naître un pacte de soins, basé sur la confiance engageant l’un à l’égard de l’autre. De cette rencontre initiale (interrogatoire) complétée d’examens para cliniques naît le diagnostic, démarche heuristique par excellence, impliquant de la part du professionnel son savoir. La pratique médicale est la science de l’homme global, savoir écouter puis interroger est primordial. Notre

L’information du patient fait partie intégrante de la relation P-p (Moutel 2003). Pourtant combien de patients sont renvoyés avec une ordonnance vite rédigée, d’autres adressés à des spécialistes pour explorations complémentaires sans explications, ce qui majore leur angoisse et discrédite la pratique. Ces constats doivent amener à reconsidérer les modalités de l’ information lors d’une consultation. Des textes définissent les contours de cette information, transformant ainsi pour

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le praticien une formalité toute naturelle, spontanée en une obligation réelle à l’égard du patient (Abadie et coll., 2004). D’ailleurs, la façon dont les patients décrivent leurs antécédents médicaux traduit le décalage immense entre la représentation de leur maladie et l’approche scientifique du professionnel. Pour autant, le savoir médical est-il communicable et comment ?

gile, anxieux, a besoin d’explications adaptées à ce qu’il peut recevoir. Notre activité hospitalière nous confronte quotidiennement à des patients dont l’aptitude à intégrer l’information est altérée (âge avancé, déficience intellectuelle, démence, confusion,…) et la question du degré de perception de celle-ci se pose alors avec une très grande acuité.

A qui cette formation est-elle délivrée ?

CONTENU DE L’INFORMATION • • • • • •

Il n’ y a aucune ambiguïté, elle est logiquement destinée au patient puisque sa finalité est le consentement. Quelle est alors la place de l’entourage du patient ? Lorsque le patient est mineur, sous tutelle ou « majeur protégé », la logique première voudrait que l’on s’adresse aux représentants légaux. Une ambiguïté apparaît ici car les tuteurs et curateurs sont mandatés pour la protection des biens et non de la personne. Certains refusent alors à entrer dans l’histoire médicale du sujet. Cette situation est régulièrement rencontrée chez des patients institutionnalisés, lourdement handicapés, pour lesquels une prise en charge sous anesthésie générale est indiquée en raison d’une absence de coopération à l’état vigile et de la multiplicité des actes odontologiques à réaliser. La loi prévoit alors la réunion du conseil de famille, dont la composition n’est pas clairement précisée. Le praticien se trouve alors dépourvu lorsqu’il n’y a pas de famille. Cette situation est fréquemment rencontrée dans les unités gériatriques, les professionnels s’appuyant alors sur l’entourage affectif proche du patient sans que celui-ci ait un lien juridique direct.

Nature de la pathologie Type de traitement envisagé Evolution de l’affection en l’absence de traitement Risque thérapeutique Pronostic Solutions en cas d’échec

Qui donne cette formation ? Le praticien qui suit le patient et prescrit les actes. L’arrêt du 14 octobre 1997 rappelle que ce devoir d’information pèse aussi bien sur le praticien prescripteur que sur celui qui réalise l’acte (intervention d’un tiers pour réalisation d’un geste technique). L’article 64 du CDM (1996) résume la doctrine jurisprudentielle en énonçant que « lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un patient, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du malade ».

Comment est-elle transmise ?

Le contenu

Essentiellement orale jusqu’à une époque très récente, la nécessité imposée aux professionnels de fournir la preuve de la nature et de la qualité de cette information a provoqué un changement d’attitude chez nombre d’entre eux. La peur du procès, le sentiment d’une perte de confiance ont favorisé l’éclosion de documents dédiés à l’information, signés par le patient, en particulier avant toute intervention à risque. S’agitil alors de protéger le praticien ou d’associer le malade à l’acte thérapeutique ? Le danger immédiatement perçu est de remplacer le dialogue par la simple signature d’un document, crainte exprimée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins. De même les magistrats ont estimé qu’un document stéréotypé, standardisé, même signé du patient, n’apportait aucune garantie quant à la nature et à la qualité de l’information réelle.

Elle doit comporter des renseignements sur l’état de santé du patient, le diagnostic de la pathologie, la nature, l’utilité et l’urgence éventuelle des thérapeutiques ; les conséquences, effets secondaires et risques qu’elles peuvent comporter ; les alternatives possibles et enfin les conséquences d’un refus de soins. En 2000, l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en santé (ANAES) a diffusé des recommandations sur le caractère obligatoire de cette « information » en insistant sur le fait que celle-ci ne peut se faire en l’absence de toute réflexion éthique (Anaes 2000). La loi du 4 mars 2002 est venue rappeler cette obligation et la préciser (JO n°54 du 5 mars 2002). Ainsi l’évaluation de l’aptitude du patient à recevoir cette information brute est laissée à la conscience du praticien. Un patient fra-

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DROIT ET SANTÉ

L’arrêt du 14 octobre 1997 a tranché la question de façon nette en décidant que la preuve peut être faite par tous les moyens. L’écrit reste la forme la plus sûre de la preuve pour le praticien, et les fiches d’informations réalisées par les sociétés savantes constituent un point de départ. Dans notre spécialité il n’existe pas encore à notre connaissance de tels documents pour des interventions classiques de chirurgie buccale (avulsions dents de sagesse…). Des réserves existent aujourd’hui sur de telles pratiques de distribution de documents, aussi parfaitement élaborés soient-ils. Néanmoins la traçabilité de cette information nous semble indispensable pour deux raisons. La première est liée au fait que cette information est directement bénéfique au patient car elle permet une prise en charge avec le même niveau et contenu d’information, ce qui va faciliter la continuité et la qualité des soins. La seconde s’inscrit dans un contexte médico-légal et ouvre la possibilité au patient de mener une action en justice si son droit à l’information n’est pas respecté.

lors de la consultation odonto-stomatologique entre le praticien et le patient implique un certain nombre de précautions pour que cet examen ne soit pas considéré comme une agression physique et psychique. L’ information doit être externalisée (communication confraternelle) vers nos correspondants de façon épistolaire plutôt que téléphonique afin de conserver des traces matérielles dans les dossiers médicaux. Nos confrères doivent être impérativement informés des conclusions des examens cliniques et para cliniques. Cette communication implique également pour le praticien le respect du secret médical protégeant ainsi les intérêts du patient. Pour autant, toutes les modalités de l’information ne sont pas réglées : ■

La cour de cassation par l’arrêt Hédreul du 25 février 1997, a opéré un renversement de la jurisprudence en imposant au médecin la charge de la preuve, quant à la nature et aux modalités de l’information dispensée (Sargos 1997 ; Laurier 2005 ; AP HP 1999). La charge de la preuve incombe de ce fait au praticien et la traçabilité constitue cette preuve. L’écrit constitue le moyen de tracer cette information et le législateur préfère, à la signature d’un formulaire, le faisceau d’indices qui sera constitué de données inscrites dans le dossier médical (dates de consultation, écrits sur bénéfices / risques, lettre au correspondant…). La notion de temps est capitale dans la manière de donner cette information : temps de l’entretien individuel, temps de réflexion accordé au patient, temps de réitération si nécessaire. L’information est un processus continu, interactif, adapté à l’état du malade et répété si cela est nécessaire à sa compréhension. Le langage utilisé à destination du malade doit être simple et adapté à la compréhension de l’initié. Le discours approprié doit aboutir à l’explication du phénomène pathologique et à la manière dont il est prévu de le prendre en charge sur le plan thérapeutique (Méningaud 2003). L’attitude du praticien doit être irréprochable tant verbalement que physiquement. La communication n’est pas exclusivement orale mais aussi corporelle par la statique (mimiques, postures, vêtements,…) dynamique (gestes, distances interpersonnelles, déplacements) et neurophysiologiques (timbre de voix, agitation, tics, réactions vasomotrices, gêne ou inconfort). ■

La communication non verbale peut compléter, nuancer ou contredire une communication verbale. Une distance de relation intime, inférieure à 1,5 m classique

La question des risques graves et exceptionnels est délicate. La jurisprudence ne dispense pas de signaler au patient des risques qui surviennent exceptionnellement. La loi du 4 mars 2002 maintient cette position en en atténuant un peu la portée, précisant que seuls les risques graves normalement prévisibles doivent être portés à la connaissance du patient. A ce titre la chirurgie d’extraction de 4 dents de sagesse dans le cadre d’un traitement d’orthopédie dento-faciale nous contraint à informer le patient non seulement du risque de récidive de la dysharmonie dento-faciale, mais aussi de risque de lésion du nerf lingual, difficilement prévisible. Le risque exceptionnel quant à lui ne dispense pas d’une obligation d’information par le seul fait du caractère exceptionnel hormis la situation d’urgence ou d’impossibilité du patient a être informé. Ainsi, en matière d’actes odonto-stomatologiques sous anesthésie générale, devons-nous informer le patient des risques exceptionnels, à l’exemple d’une situation vécue personnellement lors d’une intubation difficile ayant imposé la réalisation d’une trachéotomie d’urgence suite à une désaturation de l’hémoglobine en oxygène sévère et imprévue chez un patient handicapé ? En pratique quotidienne, il est bien évident que raisonnablement, nous ne noyons pas le patient sous une multitudes d’informations car nous pensons que trop d’information tue l’information ou pire encore, en laissant croire au patient que ne pas se faire opérer comporte moins de risques que se faire opérer. Les limites de cette information sont maintenues dans des circonstances exceptionnelles où il est question de bon sens et d’éthique personnelle. Un dogmatisme irréaliste, imposant une information brute, serait néfaste, voire même irrecevable pour le malade, même si l’intervention comporte un risque élevé. le défaut d’information engage la responsabilité civile du praticien (Rougé-Maillard et Penneau, 1999). Le praticien aura le devoir de réparer (ou son assu-

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Le consentement au soin : finalité exclusive de l’information ?

reur) le préjudice subi par le patient du défaut d’information. Ce préjudice est spécifique en ce sens qu’il ne peut être assimilé à l’intégralité des dommages subis par le patient du fait du risque qui s’est réalisé. Il s’agit d’un préjudice distinct des atteintes corporelles qu’il est convenu d’appeler une perte de chance. Les juges du fond (tribunaux et cours d’appel) apprécient souverainement, c'est-à-dire sans contrôle de la Cour de Cassation, le quantum de la perte de chance. Ce dernier sera élevé s’il s’agit d’un patient jeune dont le pronostic vital n’était pas en jeu, ou limité voire réduit à rien si les soins étaient indispensables et qu’en leur absence le malade serait décédé ou atteint de séquelles encore plus graves.

confiances et non d’une confiance à une conscience. Consentir, c’est s’en remettre à une décision volontaire, argumentée, conseillée, adoptée en toute conscience à la suite d’un temps de délibération (Hirsh 2005). Tout acte médical doit être pratiqué avec le consentement du patient (Biclet 1995). Ce consentement fait suite à l’information sur la nature de l’affection, les modalités de traitement et les risques. Ce droit a récemment été précisé par deux décisions du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation et repris dans la loi du 4 mars 2002.

Finalité de l’information ?

Le principe du consentement, central en éthique médicale, inscrit dans le Code de Nuremberg sur la recherche biomédicale, est réaffirmé dans la loi du 4 mars 2002 y compris dans les démarches de soin de manière à associer les patients aux décisions les concernant. Si le patient refuse les soins proposés, le praticien doit tout mettre en œuvre pour convaincre son patient, mais il n’est pas tenu d’y réussir. Le consentement est donc sous-tendu par la qualité de l’information à laquelle tout professionnel de santé est tenu. Cette notion de consentement éclairé est difficile à appliquer. Quelle est ainsi la valeur du consentement chez un malade présentant un trouble psychique ? L’acte de consentir suppose une double compétence : celle de pouvoir comprendre (clarté de l’entendement ou intellect) et celle de pouvoir se déterminer librement. Les incapables ont un représentant légal qui va consentir pour eux. Des personnes capables peuvent provisoirement être incompétentes et sans représentant légal à un moment où des décisions importantes pour leur santé et leur vie risquent d’être prises. Le Comité Consultatif National en Ethique (CCNE avis n°70, 2001) suggère une forme de consentement assisté ou d’aide au consentement pour les personnes en perte d’autonomie (ex. maladie d’Alzheimer), ou pour tout autre personne dite vulnérable dont l’aptitude au consentement est précaire.

Se pose enfin la question de la finalité de l’information. En pratique médicale, se présente souvent un choix à faire entre différentes possibilités thérapeutiques. Très fréquemment en chirurgie buccale, une seule orientation thérapeutique est envisageable, car reconnue et validée scientifiquement. Dans ce cas l’information n’a pas pour but de faire un choix car celui-ci est unique, mais a pour objet l’explication du « pourquoi » et du « comment » de la proposition thérapeutique. Le patient doit comprendre les raisons et les finalités du traitement, participer activement à sa prise en charge et organiser sa vie en conséquence. L’information est d’ordre médicosocial, améliorant ainsi la compliance du sujet. Dans d’autres cas, comme en réhabilitation prothétique, l’information s’inscrit dans un contexte d’options thérapeutiques multiples. Les diverses solutions thérapeutiques sont exposées au patient et celui-ci opte pour l’une ou l’autre. A-t-il la capacité de son choix ? Il faut reconnaître que très souvent la complexité des données fait qu’il s’en remet au professionnel en s’exprimant ainsi « c’est vous qui savez, Docteur… ». C’est davantage une relation de confiance qui s’installe qu’une relation de connaissance, une délégation étant accordée au praticien par le malade doué de raison et d’autonomie, capable d’agir mais privé du savoir médical.

CONSENTEMENT

La finalité de l’information est quasiment réductible au consentement alors qu’elle devrait laisser la possibilité au patient d’exprimer ses besoins. C’est pourquoi le recours à des procédures stéréotypées produites par les sociétés scientifiques qui ne permettent pas de répondre aux situations spécifiques et aux questions individuelles n’ont pas leur place. En somme, la relation P-p doit s’inscrire dans une rencontre de deux consciences à deux

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Libre Eclairé Révocable à tout moment par le patient Sous tendu par une information de qualité (claire, compréhensible, et pédagogique)

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DROIT ET SANTÉ

Conclusion L’exercice de la médecine implique impérativement la communication et les relations humaines. En pratique médicale, plus qu’ailleurs, communiquer c’est bien comprendre son interlocuteur, être compris de lui, créer un climat de confiance, orienter la discussion et analyser la situation à tout moment. La relecture du serment d’Hippocrate, l’essentiel du message et sa forme même, d’une grande modernité, nous montre à quel point les textes anciens sont importants aujourd’hui en replaçant le praticien face à son patient lors de l’information médicale et du consentement dans une véritable éthique de l’acte médical qui relève d’une tradition plus que bimillénaire. Ce devoir d’information est au cœur de l’éthique de tout praticien (Mothe et Fabry, 2005 ; Fagot-Largot 1991 ; Hervé et Wolf, 1998). Ce devoir est d’autant plus fort que la pratique médicale peut porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui. Une éthique trans-professionnelle, inter-science (médecine, droit,…) est une valeur à privilégier. Le contexte sociétal fait que nous avons tous à acquérir ce supplément d’âme et d’humanité quel que soit notre champ disciplinaire, susceptible de donner un sens à nos actions respectives. Il est difficile de croire qu’il puisse y avoir un différend profond entre deux corporations (médicale et professionnels du droit) amenées à entretenir une étroite et constante collaboration.

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