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ORTHOPÉDIE DENTO FACIALE volume 23
1989
numéro 3 revue trimestrielle
Le préjugé
est une opinion sans jugement. VOLTAIRE
Éditorial
I
1 arrive que l'éditorialiste soit pris de court et qu'il se surprenne à évoquer avec une certaine émotion Le sous préfet aux champs d'Alphonse DAUDET. Qu'il vous en souvienne : alors qu'il était pressé de composer son discours, l'inspiration de ce brave sous-préfet n'arrivait pas à dépasser le fameux : « Messieurs et chers administrés »... Eh bien, ce ne sont ni les sources, ni les violettes, ni le gazouillis des oiseaux qui risqueront de tarir notre inspiration, mais plutôt la difficulté de choisir un sujet parmi tous ceux qui se présentent, et éventuellement de trouver la manière d'exprimer ce qu'il ne faudrait peut-être pas dire. Après cet assaut de simplicité, venons au fait et disons tout de go que nous aimerions, sous le sceau de la confidence, faire part de quelques réflexions inspirées par notre profession. Par bien des côtés, nous ne pouvons que lui rendre hommage. Elle travaille beaucoup, elle est sérieuse et efficace, elle est soucieuse de sa formation et de sa progression. Elle se réunit souvent, se dispute, publie abondamment. Il y a la queue aux tribunes des congrès, des séminaires et des cours. En deux mots, elle est bien vivante. Chacun a une technique à faire pâlir tous les autres, chaque technique a son pape, de préférence outre-atlantique, et lui seul détient d'ailleurs la vérité ainsi que l'art de se faire inviter pour la divulguer. Alors, si l'on n'a pas encore vu ce que l'on devait voir, on va le voir, et l'on ne verra plus ce qu'on ne devrait pas voir. Mais laissons la satire, c'est facile, et quittons ce récent passé en regardant poindre un certain oecuménisme, qui va bientôt et petit à petit nous accompagner dans nos congrès. C'est le signe d'une profession qui approche de sa maturité et qui, en plus, trouve dans son propre pays des valeurs sur lesquelles s'appuyer. Ceci ne peut que nous réjouir ! Nous la voyons même, cette profession, s'ouvrir depuis quelque temps aux disciplines médicales et former des équipes pluridisciplinaires pour le plus grand bien de ses patients. Bravo ! Et si vous voulez bien avancer vos montres et vous croire aux environs de 2050, vous êtes en droit de penser que nos descendants diront le plus grand bien de cet oecuménisme et de cette ouverture intelligente vers d'autres points de vue et d'autres approches, car cela aura contribué à la rapidité de la progression. Mais pour continuer de croire à l'admiration de nos petits enfants, il faudrait peut-être aussi chercher nos défauts et, pour le moins, nous corriger d'un travers qui confine actuellement à la manie. En effet, il paraît impossible d'entrer de nos jours à l'improviste dans une salle de congrès sans y être soumis au tir groupé de quelques projecteurs surchargés de tableaux, qu'il est impossible de lire, pour des raisons de temps ou de visibilité. Et ces tableaux sont ensuite imprimés en grand nombre. Notre revue peut d'ailleurs s'accuser elle-même de ce travers. Mais, comme le paysan qui geint toujours à propos du temps, nous ne sommes jamais contents. Nous reprochions naguère aux conférenciers de présenter des idées peu étayées et nous nous plaignons maintenant d'un trop-plein de preuves du sérieux des travaux qu'on nous expose ! Réfugions-nous derrière SOCRATE et son conseil : « Rien de trop ». Yves BARAT
Orthodontie de l'adulte : une interview du Docteur Birte MELSEN par le Docteur BURSTONE
Birte MELSEN, C. Y. BURSTONE
Traduit par Alain FONTENELLE
Le Docteur MELSEN est professeur et chef du département d'orthodontie, au Royal Dental Collège, à Aarhus au Danemark. Le Docteur BURSTONE est l'un des éditeurs du Journal of Clinical Orthodontics. Il est professeur et chef du département d'orthodontie à la School of Dental Medicine de l'Université du Connecticut, à Farmington.
Dr BURSTONE. Docteur MELSEN, nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette interview. Nous savons que vous avez beaucoup travaillé dans le domaine des traitements orthodontiques de l'adulte. Y a-t-il des problèmes particuliers à considérer lorsque l'on doit trai ter un adulte? Dr MELSEN. Oui. Les appareils que l'on peut utiliser pour traiter avec succès des enfants jeunes ne sont pas toujours utilisables pour traiter des adultes. Dr BURSTONE. Voulez-vous être plus précise et approfondir certains des problèmes rencontrés ? Dr MELSEN. Mon intérêt pour l'orthodontie de l'adulte est en réalité la conséquence de mon engagement dans un travail de recherche en biologie B. MELSEN —
osseuse. Il était intéressant de tenter d'utiliser les appareils orthodontiques pour produire des stimuli mécaniques et observer la réaction du tissu osseux chez le patient adulte. Il est clair que vous n'avez pas les mêmes possibilités thérapeutiques chez un individu jeune et chez un adulte, lequel ne présente plus de développement vertical alvéolaire. Le contrôle mécanique vertical est alors très important. Par ailleurs, il est nécessaire d'adapter le type et l'intensité des forces à la biologie de l'os adulte.
Dr BURSTONE. Peut-être pouvez-vous nous définir le mot adulte ». Dr MELSEN. Quand je parle d'adultes, je parle d' individus dont la croissance est terminée et j'y
Institut for Ortodonti, Royal Dental College Denmark, Vennelyst Boulevard, DK-8000, Aarhus C. Léon Mignotte, 91570, Bièvres.
A. FONTENELLE — 1, rue
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inclus les adultes les plus âgés avec des dentures en dégénérescence. Dr BURSTONE. Y a-t-il des considérations particulières qui s'appliquent aux adultes les plus âgés? Dr MELSEN. S'agissant des adultes les plus âgés, il
faut prendre en considération la perte d'os alvéolaire. En fonction de celle-ci, il est nécessaire d'abaisser l'intensité des forces utilisées et de contrôler le rapport force-moment pour certains mouvements dentaires puisque cette perte osseuse crée une situation mécanique différente. Dr BURSTONE. Comment préconisez-vous de changer l'
intensité des forces?
Dr MELSEN. Je pense que les orthodontistes utilisent des intensités qui sont probablement trop grandes par rapport à ce qui est réellement nécesssaire. Dr BURSTONE. Pour tous les types de cas ? Dr MELSEN. Oui. Chez les adultes, au moment du
début du traitement, le « pool » cellulaire disponible est inférieur à celui qui existe chez les individus jeunes. La force initialement appliquée doit donc être moins élevée. Par ailleurs, la quantité d'os qui doit être résorbée pour obtenir un mouvement dentaire donné est généralement moins grande chez l'adulte. Dr BURSTONE. Suggérez-vous de commencer le traitement avec des forces peu élevées et de continuer en augmentant la force appliquée ? Dr MELSEN. Oui. Mais il faut insister plus sur la distribution de la force par unité de surface (« stress distribution ») que sur la force appliquée sur chaque dent.
Dr BURSTONE. Y a-t-il une manière pratique d'estimer la force qui est nécessaire ? Dr MELSEN. S'agissant des patients adultes nous prenons toujours des radiographies rétro-alvéolaires de façon à estimer la position du centre de résistance pour chaque dent. Il se situe habituellement approximativement au tiers apical, ou à 264
40 %, de la distance séparant l'apex de la limite
osseuse. Dans les cas où il y a une perte osseuse importante, ce qui entraîne une modification de la position du centre de résistance, il faudra changer les rapports force-moment utilisés. Dr BURSTONE. Généralement, de combien réduisez-vous l'intensité de la force utilisée? Dr MELSEN. Pour les patients adultes les forces
utilisées représentent généralement la moitié de celles normalement recommandées pour les individus jeunes. Toutefois, les niveaux de force utilisés dépendent de ceux qui s'appliquent dans le sens vertical. Donc, la connaissance de la direction des forces appliquées permet de calculer leur intensité. Dr BURSTONE. Vous avez déjà dit que le rapport forcemoment utilisé pour traiter les adultes devait varier en fonction de la perte d'os alvéolaire. Voulez-vous développer cette idée ?
Dr MELSEN. Pour les individus jeunes vous pouvez déplacer les dents à travers l'os. Chez les individus plus âgés il est généralement souhaitable de déplacer les dents avec l'os qui les supporte. Dans certains cas, vous avez à déplacer les dents dans des directions où l'alvéole n'est pas développé et où il n' est pas en développement naturel. Il est donc nécessaire de déplacer les dents en utilisant le phénomène de résorption directe qui entraîne une apposition de compensation. Si ce type de déplacement est obtenu, les dents sont déplacées avec l'os, pour autant que les forces utilisées n'entraînent pas de hyalinisation. La hyalinisation intervient dès qu'une tension élevée est créée à l'intérieur du ligament parodontal, comme par exemple quand les dents sont déplacées en version sans contrôle, et ce même en utilisant des forces légères. Dans d'autres cas, si vous souhaitez déplacer les dents en direction du sinus vous devez là aussi déplacer les dents avec l'os qui les entoure. Cela exige d'obtenir dans le ligament une distribution des forces entraînant une résorption directe avec une apposition correspondante, de manière que l'os suive la dent. Dr BURSTONE. Ces considérations expliquent aussi pourquoi il est important de contrôler l'intensité de la force. Dr MELSEN.
Bien sûr.
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Figure 1 Dispositif invisible typique utilisé pour l'ingression de dents présentant un trouble parodontologique sérieux. Remarquer la gouttière servant d'ancrage.
Dr BURSTONE. Quelles sont les considérations particu lières à remplir pour réaliser des déplacements dentaires en gression chez les adultes ? Dr MELSEN. D'abord, il est nécessaire de changer le rapport force-moment, spécialement dans le cas des adultes plus âgés présentant une perte osseuse et une denture dégénérescente. Dans ces cas, il n'est pas possible d'accepter la possibilité de perte tissulaire iatrogénique. Il est nécessaire de prévoir des traitements avec les mouvements dentaires les plus directs, en prohibant toujours les mouvements d'aller et retour. Il n'est pas possible de commencer à verser les dents en prévoyant de faire ensuite un mouvement de racine pour les redresser. Il faut tenter d'atteindre les objectifs de traitement par la voie la plus directe avec un minimum de mouvement dentaire. Dr BURSTONE. De nombreuses situations cliniques exi gent des translations. Beaucoup d'adultes ayant subi une perte osseuse, diriez-vous que pour obtenir une gression il sera nécessaire d'utiliser, pour la même force, des moments plus grands que chez les jeunes ? Dr MELSEN. Il faut utiliser des forces moindres, mais aussi des moments plus grands par rapport à la force utilisée. Il est important d'avoir le maximum de contrôle sur le mouvement dentaire. Il ne faut pas déplacer les dents le long d'un fil avec des systèmes entraînant des frictions. Il faut utiliser des systèmes sans friction qui exigent un contrôle précis des rapports force-moment précédemment évoqués. Rev Orthop Dento Faciale 23: 263-275, 1989
Dr BURSTONE. Pourquoi pensez-vous que l'ingression est si importante dans le traitement des patients adultes ? Dr MELSEN. De nombreux patients adultes ont des problèmes qui sont liés à l'augmentation de la supraclusion. Cette augmentation est généralement la conséquence d'une égression, soit qu'il s' agisse d'une supraclusion non corrigée à l'adolescence, soit qu'il s'agisse d'une égression en rapport avec la progression d'une maladie parodontale, soit enfin qu'il s'agisse d'un changement de l' équilibre fonctionnel. Quand les dents migrent, elles ne le font généralement pas dans une direction purement sagittale ou horizontale. Il s'agit toujours d'une migration combinant égression et mouvement horizontal ou sagittal. Il en résulte une situation caractérisée par un accroissement qui intéresse à la fois les diastèmes, le surplomb et la supraclusion. Dans ces cas, si les dents antérieures ne peuvent être ingressées, il ne sera pas possible de fermer les diastèmes existants sans augmenter la dimension verticale avec une égression des segments postérieurs entraînant ainsi une rotation mandibulaire postérieure. Dr BURSTONE. Pourquoi ne vous semble-t-il pas souhai table, sur certains de ces patients adultes, d'égresser les dents postérieures en obtenant une rotation mandibulaire ? Dr MELSEN. Habituellement, les changements de la hauteur faciale conduisent à une situation instable. Ceci est parfaitement illustré par l'observation des cas chirurgicaux récidivants. Cela a été aussi montré expérimentalement. Des onlays ont 265
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a
b
Figure 2 Patient de 30 ans atteint dune parodontite juvÊnile. a: avant traitement. b: après traitement.
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été installés sur des molaires de singe (cela a été fait par SLAGSVOLD et plus récemment à l'Université de Michigan). Dans ces cas, la hauteur faciale tend à reprendre sa valeur initiale et les dents postérieures sont réingressées. De la même manière, si vous égressez des dents postérieures pour corriger la supraclusion d'un cas présentant un surplomb incisif et des diastèmes antérieurs, l'égression ne sera pas stable, et les diastèmes que vous avez corrigés récidiveront vraisemblablement. Dr BURSTONE. Vous arrive-t-il d'égresser des dents? Dr MELSEN. Il faut savoir choisir les situations où il est préférable d'égresser les secteurs postérieurs plutôt que d'ingresser les antérieurs. Il est très important de souligner la différence entre ces deux situations. Lorsqu'il y a une perte verticale d'os, il ne faut jamais essayer d'ingresser les dents, mais si vous avez une perte horizontale d'os cela devient possible, sous réserve d'avoir des conditions parodontales saines, sans poches pathologiques. Il est donc très important que le patient soit vu par un parodontiste avant et durant le traitement orthodontique. Dr BURSTONE. Quelles sont les conditions parodontales qu'il faut considérer ? Dr MELSEN. Le parodontiste doit s'assurer que la situation est saine avant que l'ingression ne soit commencée. Dans notre pratique, si la motivation et le curetage ne permettent pas d'abaisser le niveau des poches à trois ou quatre millimètres, nous décidons de réaliser une chirurgie parodontale à lambeaux pour permettre un curetage ouvert et une réduction des poches. Nous commençons l'ingression très rapidement après la chirurgie, dans certains cas après deux ou trois jours, et le patient est ensuite suivi de façon régulière par le parodontiste, toutes les six à huit semaines, pendant tout le traitement. Selon les cas, le parodontiste fait régulièrement un détartrage ou même un curetage pour supprimer l'épithélium qui favoriserait le développement des poches pendant le traitement. Dr BURSTONE. Si vous ne faites pas de curetage, est-il néanmoins possible d'obtenir un gain d'attache? Dr MELSEN. Je pense que vous pouvez obtenir un gain d'attache après la chirurgie et au tout début Rev Orthop Dento Faciale 23: 263-275, 1989
du traitement orthodontique. Mais c'est le curetage qui permettra d'obtenir ensuite l'accroissement de l'attache en direction coronaire. Dr BURSTONE. Il y a eu de nombreuses controverses au sujet du gain d'attache que permettrait d'obtenir l'ingression. Quel est, sur ce point, votre expérience clinique et le résultat de vos recherches ? Dr MELSEN. Mes premiers essais cliniques ont débuté il y a maintenant plus de dix ans. Nous avons trouvé qu'après l'ingression incisive nos patients présentaient des couronnes cliniques plus courtes. Dans ces cas, le parodontiste ne pouvait pas mettre de poche en évidence et notre première conclusion fut que ces patients présentaient probablement une « attache épithéliale longue ». A partir de ces constatations, nous avons engagé une étude sur des singes, en provoquant d'abord l'apparition de poches. Une chirurgie a été ensuite effectuée pour traiter ces poches, puis une ingression immédiatement entreprise. Au moment de la chirurgie, le niveau de l'attache a été marqué par une encoche sur les racines. A notre surprise, après trois mois d'ingression avec un suivi d'hygiène stricte, nous avons constaté que nous avions gagné de l'attache ; le gain était variable (de 0,5 à plus de 3 mm), mais constant. Dr BURSTONE. Comment avez-vous mécaniquement voqué l'ingression? Dr MELSEN. Nous avons essayé différents types d' appareils mais nous avons trouvé que si l'on veut réellement ingresser les dents, il est nécessaire d' utiliser des forces légères et continues. Si l'on utilise un système à fil continu, avec forcément une courte distance entre les brackets, le rapport charge-flexion est trop grand et, même avec les alliages super-élastiques, les forces ne sont pas assez légères. Dr BURSTONE. Les autres dents égresseront-elles ? Dr MELSEN. Absolument. Nous utilisons donc un arc de base qui permet de disposer d'une grande distance entre les brackets de manière à appliquer une force légère avec un rapport charge-flexion très bas. Grâce à cela, le réglage du dispositif n'est pas trop délicat. Une différence d'activation d'un millimètre en plus ou en moins n'a pas alors d'importance pratique. 267
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Dr BURSTONE. Pour les patients adultes présentant des troubles parodontaux, le choix du point d'application de la force est-il important? Dr MELSEN. Absolument : nous essayons d'ingresser les dents autant que possible par translation. C'est l'une des conclusions à laquelle nous avons abouti à la suite de nos expériences sur les ani maux. Dans les études faites précédemment par d' autres auteurs, l'ingression était obtenue avec une version. Dans ce cas, le ligament parodontal est comprimé, ce qui provoque de la résorption. Nous essayons donc de réaliser une véritable translation en direction apicale. Dr BURSTONE. Quand vous dites translation, vous enten dez déplacement le long du grand axe de la dent ? Dr MELSEN. Oui, le long du grand axe et de telle sorte que l'on provoque un étirement des fibres du ligament parodontal. Si les fibres sont étirées, on obtient le long des surfaces osseuses une mise en formation au lieu d'une résorption. Dans les expériences animales, nous avons alors observé un accroissement important de l'activité mitotique des cellules ostéogéniques. Dr BURSTONE. Comment faites-vous pour préserver l'an crage des dents postérieures quand vous réalisez l'ingression ? Dr MELSEN. Les forces verticales d'ingression sont très faibles : de l'ordre de 5 à 10 grammes par dent. Ainsi le problème vertical postérieur n'est pas critique car les forces occlusales peuvent toujours contrecarrer l'égression postérieure. Mais le moment provoqué par l'arc de base reste un réel problème. L'une des manières de contrôler ce moment est d'employer les forces occlusales. On peut utiliser soit des surélévations en composite, collées sur les surfaces occlusales, soit des gouttières postérieures ajustées pour donner un contact occlusal sur toutes les dents. Le patient pourra de lui-même détecter les surcontacts survenant dans la région prémolaire si le moment provoqué par l'arc de base est trop important. Ces surcontacts peuvent aussi être localisés au moyen de papier de couleur. Dr BURSTONE. Vous demandez donc aux patients, qu'ils portent ou qu'ils ne portent pas de gouttières, de vous préciser s'ils détectent des changements occlusaux? 268
Dr MELSEN. Oui, les patients peuvent nous signa-
ler ces contacts avant que nous ne puissions nousmême déceler la perte d'ancrage. Dr BURSTONE. Avez-vous des cas d'extractions parmis vos patients adultes ? Dr MELSEN. Oui. Mais, à nouveau il faut souligner les différences entre les traitements orthodontiques des individus jeunes et des patients les plus âgés. Pour ces derniers, les extractions sont sou vent imposées par l'état de la denture, que ce soit sous l'angle parodontal ou sous l'angle des destructions carieuses. Si l'on doit extraire, il faut choisir les dents qui présentent le plus mauvais pronostic. Dr BURSTONE. Comment contrôlez-vous l'ancrage dans les cas d'extractions ? Utilisez-vous beaucoup d'ancrages extra-oraux ? Dr MELSEN. Nous n'utilisons jamais d'ancrages extra-oraux. Les ancrages introduisent des perturbations d'une telle ampleur par rapport au système de forces que nous utilisons qu'ils sont inacceptables. Nous essayons de contrôler nos forces de façon très précise et si les forces utilisées sont de l'ordre de 10 à 30 grammes vous comprenez que les interactions dues à un ancrage extra-oral perturberont complètement le système de force. Par exemple, si la ligne d'action de la force délivrée par un ancrage extra-oral passe au-dessus du centre de résistance, vous obtiendrez une plus grande force d'ingression, alors que si cette ligne d' action vient à passer sous le centre de résistance, vous égresserez les incisives. Nous ne pensons pas pouvoir prendre ce risque. Dr BURSTONE. Si vous avez un cas pour lequel, il est nécessaire de préserver l'ancrage au maximum, com ment faites-vous ? Dr MELSEN. Nous utilisons un ancrage comportant le maximum de dents. De plus, le système de force est contrôlé le mieux possible pour donner une translation. La translation ne crée pas autant de prématurités que ne peut le faire un déplacement comportant des versions. Dr BURSTONE. Essayez-vous d'utiliser plus de « tip-back » sur les molaires ? Dento Faciale 23: 263-275, 1989est Dr MELSEN. Rev PasOrtho vraiment. Si cette méthode
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employée, cela revient à utiliser un moment important et donc à se retrouver avec un problème d' égression de la région prémolaire. Nous nous efforçons de garder un rapport force-moment compris entre 7 et 10, proche de celui provoquant une translation. Dr Bt RSTONE. Vous voulez donc vous assurer que, si un mouvement survient au niveau des dents postérieures, il ' agit uniquement d'une translation?
des attelles fabriquées par les laboratoires TP pour les cas de fractures et nous soudons les attaches orthodontiques directement sur ces appareils. Nous pouvons utiliser aussi de gros fils d'acier enrobés dans des gouttières. Les gouttières molaires droite et gauche sont alors solidarisées avec un double arc transpalatin. Ceci permet finalement de réaliser « une grosse dent postérieure » retenue par les forces d'occlusion. Dr BURSTONE. Vous pensez donc qu'il est très important que l'unité d'ancrage soit très rigide?
Dr MELSEN. Oui : si les dents postérieures d'ancrage doivent être déplacées, nous choisissons de le faire en translation. Nous utilisons habituellement des arcs transpalatins. Couramment, chez l' adulte, nous utilisons deux arcs transpalatins croisés et soudés à leur intersection. Nous réalisons ainsi une unité postérieure de grande taille et très rigide. Si le patient porte des prothèses fixées, elles sont incluses dans l'ancrage.
Dr BURSTONE. Vous ne réalisez donc, spécialement dans les cas d'ingression, aucun mouvement dent à dent dans le segment postérieur ?
D- BLItSTONE. Certains orthodontistes ont suggéré d'uti- des ancrages extra-oraux appliqués directement sur Incisives. Cela vous semble-t-il un moyen intéressant ( obtenir une ingression incisive?
Dr MELSEN. Si vous réalisez un changement d'occlusion en passant, par exemple, de la Classe II à la Classe I, vous risquez de perdre du contrôle vertical qui ne sera pas compensé par la croissance comme chez un enfant.
Dr MELSEN. Je ne pense pas ; parce que vous ne pourrez pas trouver de dispositifs extra-oraux développant des forces aussi peu élevées que celles dont nous avons montré le bien-fondé. DELLINGER a montré, il y a plusieurs années, qu'avec des forces élevées (à partir de 50 ou 100 grammes par dent) il n'est même plus possible d'ingresser les dents. Nous avons essayé d'utiliser des ancrages avec des « J-hooks » pour des patients plus jeunes, mais nous n'avons pas du tout apprécié ce que nous avons découvert ensuite sur les radiographies rétro-alvéolaires : il y avait des résorptions radiculaires plus prononcées que ce que nous voyons habituellement en utilisant des arcs de base. Dr BURSTONE. Pouvez-vous développer ce que vous peniez des unités d'ancrage postérieures? Dr MELSEN. Il y a différentes manières de réaliser ces ancrages. Si vous vous limitez à l'orthodontie conventionnelle vous êtes rapidement limités par la taille des brackets. Avec une rainure de .018", vous êtes en situation particulièrement mauvaise ; le plus gros fil que vous puissiez utiliser est un . 018" x .025". Une rainure de .022" nous met un peu en meilleure situation, mais cela n'est pas suffisant pour les patients adultes. Nous utilisons ReN Orthop Dento Faciale 23: 263-275, 1989
Dr MELSEN. C'est la seule manière de contrôler ce qui arrive à votre unité active.
Dr BURSTONE. Si, pour un patient donné, vous avez besoin de mouvements des dents postérieures, le ferezvous plus tard, comme une étape séparée de traitement ? Dr MELSEN. Dans la région postérieure de l'arcade, les patients les plus âgés ont surtout besoin de mouvements dentaires permettant de préparer des reconstructions ou de fermer des espaces laissés par des extractions anciennes. Cela ne signifie pas que l'on change l'occlusion, mais simplement que l'on déplace une ou deux dents séparément. Si vous voulez changer l'occlusion, je pense que vous tombez là dans le domaine de l'orthodontie combinée à la chirurgie orthognathique. Dr BURSTONE. De nombreux orthodontistes disent qu'il est plus difficile de traiter des patients adultes que des enfants. Cela vous semble-t-il vrai? Dr MELSEN. Oui et non. Il est certain que l'orthodontie adulte est plus exigeante. Souvent, en examinant le résultat d'un traitement chez des patients jeunes on est surpris que d'aussi beaux résultats aient été obtenus avec un système de forces aussi mauvais que celui qui a pu être employé. Avec les adultes, vous obtenez toujours 269
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le résultat prévisible. Si vous obtenez un mauvais résultat, c'est parce que votre système de forces était mauvais. Dr BURSTONE. Quels sont les problèmes que l'on peut rencontrer en traitant des patients adultes et qui n'existent pas chez des patients en croissance ? Dr MELSEN. Le niveau de force doit rester peu élevé. Le rapport moment-force doit être adapté au niveau d'os restant. Le contrôle vertical doit être constamment maintenu, ce qui est en rapport avec les problèmes d'ancrage déjà mentionnés. A part cela, les mouvements s'effectuent directement en fonction du stimulus mécanique appliqué. Dr BURSTONE. Pensez-vous qu'il soit possible de réaliser, sur des adultes, des mouvements dentaires majeurs ou pensez-vous qu'il faille accepter des limitations ou des compromis particuliers ? Dr MELSEN. Les adultes peuvent subir des traitements orthodontiques majeurs. Vous pouvez lire dans la littérature que les traitements orthodontiques des adultes doivent se limiter à de petits mouvements dentaires, mais cela n'est pas vrai. Nous avons obtenu des mouvements dentaires de 15 à 18 millimètres sans aucune perte d'os ni aucun dommage iatrogénique. Il est important de rappeler que pour l'adulte le mouvement dentaire ne doit pas être fait à travers l'os mais avec l'os. Le mouvement dentaire ne doit pas être réalisé par une bascule incontrôlée, entraînant des contraintes élevées, mais au contraire en utilisant des mouvements de translation. Les dents sont alors déplacées en utilisant le phénomène de résorption directe, permettant une apposition de compensation. Dr BURSTONE. Donc, pour les adultes, votre système de forces doit être réglé avec plus de précision. Dr MELSEN. Oui. Et si c'est le cas, le mouvement dentaire permettra même de reconstruire une zone alvéolaire précédemment perdue. Ainsi, dans de nombreux cas, si les molaires ont été extraites, nous déplaçons les secondes prémolaires distalement, ce qui signifie qu'en réalité nous reconstruisons l'os alvéolaire permettant de supporter la prémolaire dans l'ancien espace édenté. Le patient peut ensuite bénéficier d'une reconstruction prothétique fixée, au lieu d'une prothèse amovible. 270
Dr BURSTONE. Comment corrigeriez-vous une occlusion de Classe II chez un adulte ? Dr MELSEN. Nous analyserions le schéma squelettique du patient et si nous concluions qu'il n'est pas possible d'obtenir un résultat acceptable uniquement par remodelage dento-alvéolaire, nous prévoirions une étape chirurgicale. Par contre, si nous pensions pouvoir obtenir un profil acceptable en rétractant les incisives supérieures, nous ferions probablement un traitement avec extraction de deux prémolaires supérieures. Nous n'essaierions pas de corriger des rapports molaires de Classe II, sauf si un encombrement des dents inférieures imposait des extractions, et tout en prévoyant alors une fermeture des espaces résiduels par mésiogression des secteurs postérieurs. Ce type d'approche peut être utilisé pour un adulte jeune, mais nous ne nous engagerions certainement pas dans un traitement de ce genre chez un adulte plus âgé. Dr BURSTONE. Quand vous faites un plan de traitement pour un adulte, utilisez-vous des procédures particulières ? Les documents à réunir sont-ils différents ? Dr MELSEN. Certains documents sont les mêmes que pour les patients plus jeunes, mais vous devez avoir en plus un très bon ensemble de clichés rétro-alvéolaires ainsi qu'un bilan et un pronostic établis par un parodontiste. Vous devez surtout avoir une idée précise de la position mandibulaire que vous voulez obtenir. 30 % de nos cas présentent des troubles importants au niveau des articulations temporo-mandibulaires (A.T.M.), ce qui nécessite d'abord de fixer la position mandibulaire avant d'aller plus loin. Cela doit être réalisé en utilisant des gouttières, soit sous notre contrôle soit, dans certains cas, sous celui d'un occlusodontiste. Il est important que nous connaissions la position de référence à partir de laquelle on devra traiter notre patient. Cette position doit être établie avant de commencer quelque mouvement dentaire que ce soit. Si le patient présente une pathologie articulaire entraînant des douleurs il faut d'abord trouver la position permettant d'éliminer ces symptômes douloureux. Une fois cette position trouvée, nous faisons une marque profonde dans la gouttière, de telle sorte que le patient puisse lui même retrouver cette position, puis nous la scellons. Ces gouttières sont d'ordinaire très fines, au Rev Ortho Dento Faciale 23: 263-275, 1989
Orthodontie de l'adulte: une interview du docteur Birte MELSEN par le docteur BURSTONE
point de comporter des perforations occlusales. Chez les patients qui ne présentent aucun symptôme, s'il y a des dents manquantes ou en mauvais état, ces mêmes gouttières peuvent être utilisées comme ancrage orthodontique. Dr BURSTONE. Pour les patients qui ont des problèmes d'A.T.M. réalisez-vous vos gouttières sur articulateur? Dr MELSEN. Nous réalisons souvent ces gouttières sur articulateur. Mais, même après un ajustement précis sur articulateur, il reste des adaptations à faire en bouche. Dr BURSTONE. Où pensez-vous qu'il faille localiser l'intercuspidation maximale chez un patient adulte ? Estimez-vous que cette occlusion doive coïncider avec l'oc clusion de relation centrée ou acceptez-vous qu'elle soit définie par rapport à une position musculaire ? Dr MELSEN. Dès que l'on parle d'A.T.M., on rencontre toujours un problème de terminologie. Au Danemark, nous parlons de « position structurale ». Elle se définit comme la position ou le patient ne présente aucun symptôme, ou il y a harmonie entre la musculature, l'articulation et l' occlusion. C'est la position que nous essayons d' obtenir pour ces patients. Dr BURSTONE. Autrement dit, si le patient est dans une situation confortable avec la gouttière, c'est cette position que vous utiliserez? Dr MELSEN. Oui. C'est la raison pour laquelle nous employons des gouttières collées et très fines. En effet, les patients trouvent que les gouttières épaisses sont inconfortables. Dr BURSTONE. Si vous avez affaire à un patient qui ne présente aucun symptôme, la gouttière fait-elle néanmoins partie de votre unité d'ancrage dans certains cas? Dr MELSEN. La gouttière peut effectivement être utilisée comme une unité d'ancrage. En effet, lorsque vous déplacez des dents à l'arcade supérieure, vous pouvez être en présence d'une personne partiellement édentée, ce qui laisse des antagonistes en inocclusion. En ayant recours à une gouttière, toutes les dents utilisables pour chaque unité d'ancrage seront mises en occlusion. C'est l'un des intérêts de ces gouttières. Rev Orthop Demo Faciale 23: 263-275, 1989
Dr BURSTONE. Y-a-t-il des limites au traitement des adultes ? Dr MELSEN. Sous l'angle de la biologie des tissus, il n'y a pas de limite de distance au déplacement des dents. La limite pratique vient du nombre de dents qui seront utilisables comme ancrage et du système de force qui peut être employé. S'il ne reste que deux dents, vous pourrez les déplacer l'une vers l'autre, mais sûrement pas dans la même direction. Dr BURSTONE. Aux États-Unis, beaucoup d'orthodontistes sont intéressés par l'orthodontie esthétique. Cet aspect esthétique est-il important pour vous ? Dr MELSEN. Nos patients viennent en consultation parce qu'ils veulent conserver leurs dents et parce qu'ils veulent obtenir le meilleur résultat esthétique possible avec les dents existantes. Mais au cours du traitement, il arrive que certains de ces patients nous demandent pourquoi nous utilisons des appareils disgracieux plutôt que des appareils invisibles. Si vous voulez répondre à cette question, vous devez choisir de vous limiter à ce qui peut être fait soit en orthodontie linguale soit en arc continu vestibulaire avec des brackets plastiques ou céramiques. Dr BURSTONE. Pensez-vous que les objectifs de traitement et votre mécanique pour les obtenir soient les points les plus importants et que l'esthétique soit secondaire? Dr MELSEN. Le système de forces vient en premier. Mais il est effectivement possible de se demander ensuite si ce système de forces peut aussi être mis en oeuvre avec des appareils esthétiquement catis faisants. Dr BURSTONE. J'ai vu beaucoup de vos cas qui étaient très difficiles à traiter. En dehors de ces cas, y a-t-il de nombreux adultes qui viennent en consultation uniquement pour un motif esthétique ? Dr MELSEN. Nous ne recevons, personnellement que peu de cas de ce type. Ils sont en effet traités par mes confrères en pratique privée. Les cas les plus mutilés viennent à l'Ecole dentaire et nous sont adressés par le parodontiste.
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B. MELSEN , C.-Y. BURSTONE. Traduit par A. FONTENELLE
Dr BURSTONE. Avant de concevoir vos appareils, adaptezvous le système de forces à développer pour chaque patient ? Dr MELSEN. Oui, bien sûr. Le plan de traitement lui-même est une partie très importante du traitement total et il doit être accepté par le patient. Il doit y avoir plusieurs possibilités de traitement et le patient doit pouvoir choisir la possibilité qu'il ou qu'elle préfère. Le choix dépend aussi de l'importance du travail de reconstruction qui devra être fait en fin de traitement et de la manière dont la contention finale pourra être réalisée. Souvent, la contention devra être définitive. Cela étant défini, nous commençons à planifier les étapes de traitement en traçant les diagrammes de forces nécessaires pour obtenir les mouvements dentaires permettant d'atteindre les objectifs de traitement. Puis nous choisissons les meilleures mécaniques pour le patient à traiter.
l'e
Dr BURSTONE. Je suppose que vous faites vos plans de traitement non seulement pour atteindre vos objectifs mais aussi pour minimiser les effets secondaires au cours du traitement. Dr MELSEN. Pour les adultes, il faut chercher à minimiser les effets secondaires, ce qui est aussi le cas des sujets jeunes. Mais pour eux, les effets secondaires sont souvent compensés par la croissance, ce qui n'est pas le cas de l'adulte, pour qui il est nécessaire d'être plus attentif au cours du traitement. Par ailleurs, la réduction des effets secondaires a pour corollaire le raccourcissement de la durée du traitement. Nous avons finalement réduit nos durées de traitement chez les plus jeunes de nos patients à partir de l'expérience acquise en traitant des adultes. La plupart de nos traitements sont accomplis en douze à quinze mois.
Dr BURSTONE. Pour le patient adulte, comment réalisezvous la contention ?
Dr MELSEN. Si vous avez une perte d'os alvéolaire, même si le traitement permet d'atteindre une intercuspidation parfaite avec des bons rapports interincisifs, vous ne pouvez pas espérer l'obtention d'un résultat stable par lui-même. Vous devrez prévoir une contention permanente d'un type ou d'un autre, comme par exemple une solidarisation de canine à canine. Cela peut être fait par exemple au moyen d'un fil torsadé ou par l'un ou l'autre des types d'appareils collés disponibles. De plus, nous recommandons à nos patients d' utiliser ce que nous appelons un « pyjama dentaire » ; ce n'est rien d'autre qu'une gouttière bien équilibrée, qu'ils peuvent utiliser pour contrôler la position des dents. Ils n'ont pas forcément besoin de la porter chaque nuit, mais ils peuvent l'utiliser quand ils sont dans une situation de tension nerveuse. Nous souhaitons éviter ainsi les conséquences des parafonctions qui se déclenchent souvent la nuit. Habituellement les surcharges ne se produisent pas pendant le jour mais la nuit. Dr BURSTONE. Je sais que vous avez montré beaucoup d'intérêt pour les traitements précoces en utilisant des appareils fonctionnels et des ancrages extra-oraux. Quelles sont les situations qui, à vos yeux, doivent être prises en charge précocement ? Dr MELSEN. J'ai été l'élève de HARVOLD, qui est à l' origine de mon intérêt pour les appareils fonctionnels. Plus tard, alors que j'étais en visite à San Francisco, j'ai observé le traitement de cas de microsomie hémifaciale. Nous avons essayé d'appliquer les principes de HARVOLD au traitement de ces cas et nous avons eu quelques surprises. En effet, dans beaucoup de ces cas, si l'on commence suffisamment tôt, vers 3 ou 4 ans, il est possible d' éviter la chirurgie.
Dr BURSTONE. Est-il nécessaire d'accepter des compro mis dans certains cas d'adultes?
Dr BURSTONE. Est-ce que ces patients ont subi une intervention chirurgicale plus tard ?
Dr MELSEN. Très souvent. De nombreux objectifs de traitement sont en fait des objectifs de compromis. Nous ne disposons pas toujours de 28 dents en bon état et nous avons par ailleurs des schémas squelettiques que nous devons accepter tels quels si nous ne voulons pas nous engager dans des traitements chirurgicaux.
Dr MELSEN. Certains oui, mais d'autres ont pu l' éviter. Tout dépend de la mobilité du côté pathologique. Nous avons utilisé les mêmes principes dans les traitements des enfants atteints d'arthrite rhumatoïde au niveau de l'A.T.M. Dans ce type de cas, vous pouvez en réalité obtenir une apposition dans la région du condyle, non seulement au
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Rev Ortho Dento Faciale 23: 263-275, 1989
Orthodontie de l'adulte : une interview du docteur Birte MELSEN par le docteur BUPSTONE
niveau du condyle lui-même, mais aussi au niveau de la base crânienne. Dr BURSTONE. Il a été suggéré d'utiliser aussi des appareils fonctionnels avant la chirurgie pour des patients présentant des asymétries mandibulaires. Qu'en pensezvous ? Dr MELSEN. Ces appareils sont utilisés avant la chirurgie pour plusieurs raisons. D'abord pour éviter des asymétries secondaires au niveau du maxillaire pendant la période de croissance préchirurgicale. Ensuite aussi pour stimuler ou pour changer le schéma neuro-musculaire au cours de cette même période. Dr BURSTONE. Au Danemark, utilisez-vous de nombreux appareils fonctionnels pour le traitement des enfants en denture mixte ? Dr MELSEN. Nous avons commencé en utilisant beaucoup d'appareils fonctionnels puis, dans une seconde période, des ancrages extra-oraux. Actuellement, nous revenons de plus en plus aux appareils fonctionnels mais aussi à une combinaison de ceux-ci et d'ancrages extra-oraux. Dr BURSTONE. Quels avantages y a-t-il à utiliser des appareils fonctionnels plutôt que des ancrages extraoraux ? Dr MELSEN. Avec les ancrages, vous appliquez vos forces exclusivement au maxillaire alors que très peu de cas sont des promaxillies. Il y a beaucoup plus de rétromandibulies. Je pense que l'on obtient alors une face plus harmonieuse avec un appareil fonctionnel. Dr BURSTONE. Pensez-vous que vous puissiez changer la croissance mandibulaire avec un appareil fonctionnel? Dr MELSEN. Je pense que vous obtenez une modification temporaire avec une amélioration de l'occlusion. Plus tard, le schéma squelettique redeviendra probablement ce qu'il était. Dr BURSTONE. Ainsi vous n'êtes pas sûre que vous obtiendrez des changements squelettiques à long terme, mais simplement des changements qui vous aideront à corriger la malocclusion ? Dr MELSEN. Je suis pratiquement sûre que nous Rev Orthop Dento Faciale 23: 263-275, 1989
n'obtenons pas de changements squelettiques à long terme, mais que nous obtenons des changements à court terme, pour revenir ultérieurement au schéma squelettique original. Examinez un patient très jeune et présentant une occlusion inversée. Si vous ne le traitez pas pendant l'enfance, et si vous l'examinez ensuite à l'âge de 18 ans vous constaterez qu'il présente une hémimandibule plus longue que l'autre. Cela démontre qu'il est probablement possible d'obtenir des résultats à long terme dans le cas ou un appareil serait utilisé durant l'essentiel de la période de développement, ce qui n'est pas le cas d' un traitement orthodontique. Dr BURSTONE. Vous avez évoqué l'utilisation combinée d'un appareil fonctionnel et d'un ancrage extra-oral. Est-ce pour contrôler la dimension verticale ? Dr MELSEN. Oui. Nous utilisons un ancrage extraoral à traction haute avec des plaques faisant surélévation dans les secteurs latéraux. Nous avons été inspirés par le travail de TEUSCHER, et c'est dans cette direction que nous travaillons. Dr BURSTONE. Je sais que vous avez été associée de près au travail de BJØRK. Y a-t-il des conclusions nouvelles à tirer des travaux de recherche utilisant des implants et quelles sont les applications de ces travaux aux traitements orthodontiques ? Dr MELSEN. BJØRK est maintenant en retraite mais il a été la source d'inspiration de chacun d'entre nous. Ma première recherche histologique dans le domaine de la croissance et du développement a
été influencée par le professeur BJØRK. Actuellement, à Copenhague, nos collègues s'intéressent
plus spécialement aux effets de la posture de la tête et de la respiration. Ils continuent toutefois à travailler sur le matériel préparé avec les implants. Dr BURSTONE. Nous entendons beaucoup parler de prévision de croissance. Jusqu'à quel point sommes-nous capables actuellement de prévoir la croissance de nos patients ? Dr MELSEN. Je ne pense pas qu'il soit possible de prévoir la croissance. Je pense que l'on peut prévoir de façon assez précise pour un groupe de patients, mais pas pour un individu, alors que nous utilisons des moyennes. Ceci a d'ailleurs été clairement montré par BAUMRIND dans un article paru dans l'American Journal of Orthodontics en 1987. 273
B. MELSEN , C.-Y. BURSTONE. Traduit par A. FONTENELLE
Dr BURSTONE. Essayez-vous de réaliser une prévision de croissance pour vos patients ? Dr MELSEN. Nous sommes toujours pessimistes. Nous prévoyons la croissance la plus mauvaise possible et nous organisons nos plans de traitement en fonction de cette mauvaise croissance. De cette manière nous avons des surprises agréables quand le patient grandit mieux que ce que nous avions espéré. Dr BURSTONE. Les Américains sont très intéressés par le contenu des programmes orthodontiques européens. Vous avez visité de nombreuses écoles aux Etats-Unis. Pensez-vous que les programmes américains sont différents de ceux qui sont offerts dans votre faculté ? Dr MELSEN. Je pense que notre programme au Danemark, ainsi que les autres programmes de Scandinavie, sont très proches de ceux qui sont enseignés aux Etat-Unis. Dans d'autres parties de l' Europe, des programmes sont encore en cours de développement, et ce d'autant plus que, dans ces pays, la spécialité n'existe que depuis quelques années. Des étudiants d'autres pays du Marché commun peuvent maintenant s'inscrire pour suivre notre programme. Nous avons actuellement 12 étudiants, dont 6 en provenance de divers pays européens. Dr BURSTONE.
Combien de temps dure ce cycle d'ensei-
gnement ? Dr MELSEN. ter degree ».
Il dure trois ans et conduit à un « mas-
Dr BURSTONE. Y a-t-il d'autres différences avec les programmes américains ? Dr MELSEN. Chez nous vous n'obtenez pas votre certificat de spécialité tant que vous n'avez pas réussi un examen pratique qui ne peut être passé avant au moins deux ans après la fin de votre cours de spécialité. Vous devez y présenter un minimum de dix cas terminés. Dr BURSTONE. Voyez-vous, durant les quinze dernières années, des changements importants dans la manière dont les Européens traitent les cas orthodontiques ? Dr MELSEN. Oui. Alors que de nombreux cas ont été traités au moyen d'appareils amovibles, la plu274
part le sont maintenant avec des appareils fixes. Beaucoup de praticiens ont d'ailleurs pensé que ces appareils apporteraient la solution à tous les problèmes. La tendance est maintenant plus nuancée. La plupart des praticiens travaillent avec les deux types d'appareil. Les techniques de « fils droits » ont aussi été accueillies comme la solution à de nombreux problèmes, mais il y a maintenant un intérêt croissant pour les mécaniques plus sophistiquées. Les praticiens ne se satisfont plus seulement de voir les dents bouger mais ils veulent aussi prévoir où ils vont les déplacer. Dr BURSTONE. Aux États-Unis, certains pensent que les patients européens, et spécialement ceux de l'Europe du Nord, sont plus faciles à traiter que les nôtres car ils présenteraient moins de problèmes verticaux, plus de plans mandibulaires horizontaux et plus de croissance horizontale. Y a-t-il une part de vérité dans cette opinion ? Dr MELSEN. Il y a certainement beaucoup plus d' enfants brachycéphales en Italie et moins de longues faces. Par contre on y rencontre plus de malocclusions de Classe III. En Scandinavie, nous avons, à peu près le type de patients que vous avez aux Etats-Unis, avec d'assez nombreuses faces longues. Dr BURSTONE. Pensez-vous qu'il soit plus important aujourd'hui qu'hier d'avoir des rapports avec les autres spécialités dentaires ? Dr MELSEN. Je pense que ce qui se passe actuellement dans le domaine dentaire est une tendance semblable à celle qui a déjà été observée en médecine. Nous devons améliorer notre travail interdisciplinaire pour faire bénéficier le patient d'un meilleur service. Chaque domaine devient si spécialisé que personne ne peut, à lui seul, s'occuper de tous les problèmes du patient. En particulier les traitements orthodontiques de l'adulte ne peuvent être conduits sans entretenir des rapports précis avec les parodontistes, les occlusodontistes et les spécialistes de prothèse. Nos collègues font un travail important pour nous permettre d'aboutir au résultat et pour ensuite le maintenir. Dr BURSTONE. Vos recherches fondamentales vous aident-elles à comprendre la réponse de l'os adulte en orthodontie ? Dr MELSEN. Nous sommes impliqués, avec mon Rev Ortho Dento Faciale 23: 263-275, 1989
Orthodontie de l'adulte : une interview du docteur Birte MELSEN par le docteur BURSTONE
mari, spécialiste de la pathologie osseuse, dans un projet de recherche sur l'ostéoporose. Nous avons travaillé ensemble dans de nombreux domaines, y compris sur la réaction osseuse à différentes forces. Actuellement, nous sommes en train de réaliser une analyse concernant les forces appliquées à l'os, pour comprendre les réactions osseuses au stimuli mécaniques induits par les traitements orthodontiques, et le développement de l' ostéoporose.
Dr BURSTONE. Pourquoi les dents pourraient-elles ne pas bouger?
Dr BURSTONE. Dans le cas d'un patient présentant une ostéoporose, cela influence-t-il la manière de le traiter en orthodontie ?
Dr BURSTONE. Pensez-vous que dans les programmes actuels d'enseignement des étudiants en spécialité celui de la biologie osseuse doive être développé, et tout spécialement en ce qui concerne la croissance et la réponse de l'os adulte à l'orthodontie?
Dr MELSEN. S'il existe une réduction de volume osseux, il faudra commencer le traitement avec des forces très légères. Si le patient présente effectivement une ostéoporose, il faudra lui demander de se faire traiter pour cette pathologie. Nous devons savoir qu'il y a de plus en plus de patients adultes avec des maladies du métabolisme osseux, et ces patients doivent être traités sur un plan général. Il est intéressant de savoir que quelquefois nous pouvons même détecter ces maladies en observant une réaction anormale aux stimuli mécaniques appliqués sur les dents. Nous devons donc avoir aussi de bonnes relations interprofessionnelles avec les endocrinologistes. Dr BURSTONE. En tant qu'orthodontiste, y a-t-il des examens particuliers à demander? La radiographie estelle utile ou devons-nous faire effectuer des tests biologiques ? Dr MELSEN. Vous pouvez examiner les radiographies mais aussi analyser si le mouvement dentaire obtenu est en rapport avec le système de forces appliqué. Si vous constatez qu'une dent devient extrêmement mobile ou qu'une dent ne bouge pas du tout, cela est peut-être un signe de modification du turn-over osseux.
Dr MELSEN. Les patients qui suivent un traitement aux corticoïdes ont un « pool » cellulaire disponible réduit et leur os est recouvert d'une fine couche de tissu ostéoïde qui empêchera vraisemblablement la résorption osseuse de démarrer. Ils ont en quelque sorte des surfaces osseuses stériles et sans activité.
Dr MELSEN. Absolument, et cela s'applique aussi au traitement des enfants. Nous voyons des enfants régulièrement. Avec un minimum de formation médicale nous devrions être capables de détecter des maladies avant même que leurs symptômes ne soient décelables par les parents. Dr BURSTONE. Y a-t-il des raisons évidentes pour suggérer de prescrire du calcium supplémentaire chez les patients adultes ? Dr MELSEN. Je pense que cela doit être déterminé par l'endocrinologiste. D'autre part, le traitement à base d'oestrogènes des femmes en cours de ménopause a été un gros problème. Si nous traitons des patientes proches de l'âge de la ménopause et si elles suivent ces traitements hormonaux, nous devons savoir que leur turn-over osseux est augmenté ; cela peut accroître le risque de résorption radiculaire et favoriser les effets secondaires indésirables. Dr BURSTONE. Merci beaucoup, professeur MELSEN.
Traduit avec l'aimable autorisation du Docteur B. MELSEN, du Docteur C.J. BURSTONE et du Journal of Clinical Orthodontics, que nous remercions. (J. C. O. Interviews Docteur B. MELSEN. On Adult Orthodontics V22 n° 10: 630-641, 1988.)
Rev Orthop Dento Faciale 23: 263-275, 1989
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La reproductibilité de la posture naturelle de la tête et son implication dans l'organisation de l'architecture cranio-faciale
William BACON, Jean-Christophe TURLOT, Michèle BLAISE
RÉSUMÉ
W. BACON — Faculté de chirurgie dentaire, 1, place de l'Hôpital, 67000, Strasbourg. J.C. TURLOT — Université Louis Pasteur, Institut de Mathématiques, rue René Descartes, 67000, Strasbourg. M. BLAISE — 67600, Sélestat.
La reproductibilité de la posture naturelle de la tête a été testée chez 54 jeunes adultes des deux sexes. Quatre enregistrements consécutifs de la posture ont été réalisés à l'aide du dispositif de SHOWFETY modifié. L'orientation de la base antérieure du crâne par rapport à la verticale (SN/Ver), ainsi que les corrélations de SN/Ver avec certaines variables cranio-faciales ont été étudiées. Cette étude révèle une bonne reproductibilité de la posture naturelle de la tête avec une variabilité moyenne m = 1,45°. La valeur moyenne de SN/Ver était de 82,5° dans notre population. Ces résultats sont comparables aux observations d'autres auteurs. Les variations respectives par rapport à la verticale de SN et BaS ont été étudiées dans deux sous-groupes avec forte et faible angulation de la base du crâne. Dans le sous-groupe avec forte angulation de la base du crâne, SN/Ver était significativement plus faible que dans le sous-groupe avec angulation réduite de la base du crâne. Par contre, il n'y avait pas de différence significative dans les deux groupes pour l'orientation du segment BaS. Cette observation suggère que SN/Ver répond bien à un mécanisme spécifique d'adaptation biologique et n'est pas simplement la conséquence de fluctuations topographiques anarchiques de l'angle de la base du crâne. Posture et typologie cranio-faciale présentaient de fortes corrélations: une faible valeur de SN/Ver (posture en extension) était associée à une importante angulation de la base du crâne, une réduction des angles SNA et SNB, une importante divergence faciale. La posture de la tête est une variable qui est impliquée dans le schéma normal des corrélations cranio faciales.
MOTS CLÉS
Rev Ortho Dento Faciale 23: 277-286, 1989
Posture de la tête — Céphalométrie — Corrélations. 277
W. BACON, J.-C. TURLOT, M. BLAISE
Les rapports entre la forme de la tête et la posture ont suscité un important intérêt en anthropologie, notamment dans le domaine de la phylogenèse. Une attention toute particulière a concerné l'évolution du massif facial chez l'homme, en association avec la posture érigée, l'augmentation du volume du cerveau, et l'angulation de la base du crâne. En orthodontie, des recherches plus fines ont porté sur les relations entre la verticale vraie et l'orientation cranio-faciale ainsi que sur les rapports entre l'architecture cranio-faciale et l'angulation cranio-cervicale dans la détermination de la posture. Il ressort de ces recherches que chez un sujet qui maintient sa tête en position ortho-crânienne il n'existe pas de plan facial naturel qui permette de reconstruire l' horizontale vraie avec une bonne fiabilité. Les plans de référence couramment utilisés en céphalométrie, comme SN ou le plan de Francfort, ne sont pas stables du point de vue cranio-vertical. Les variations posturales observées semblent notamment en rapport avec l'organisation cranio-faciale. Des corrélations cranio-verticales et craniocervicales ont été établies avec l'angulation de la base du crâne, les proportions verticales, le rétrognathisme facial et mandibulaire (BJORK 1, 1951; SoLow et TALLGREN 16'17, 1971, 1976 ; SoLow et al.19, 1984 ; TALLGREN et SOLOW 20, 1987 ; MARCOTTE 12, 1981 ; SHOWFETY et al. s, 1987). L'extension de la tête peut également être influencée par des contraintes fonctionnelles. Il semble, en particulier, que la préservation d'un espace pharyngien suffisant pour assurer une bonne ventilation soit un facteur capable d'influencer la posture du crâne sur la colonne (LINDER-ARONSON'0" 1979 a, b ; VIG et a1.2' , 1980 ; WENZEL et al.22, 23, 1983, 1985). La posture de la tête sur la colonne peut également varier selon les conditions de température extérieure (HUGGARE et RONNiNG 9,1986), le mode de respiration buccal ou nasal (ViG et a1.2', 1980), ou la perte de la vue ( FJELLVANG et SoLow6, 1986). La forme de la colonne vertébrale peut également présenter des corrélations avec l'extension de la tête (HELLSING et al. 8, 1987). Nous avons tenté de contribuer aux recherches dans ce domaine en testant sur un échantillon de jeunes adultes la reproductibilité de la posture naturelle de la tête. L' orientation de la base du crâne antérieure par rapport à la verticale (SN/Ver) et ses variations ont ensuite été étudiées. Nous avons enfin cherché à évaluer dans quelle mesure l'extension ou la flexion de la tête par rapport à la verticale vraie pouvait être en relation avec certaines variables de l'architecture cranio-faciale.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Matériel L'échantillon initial se composait de 65 étudiants adultes de la faculté de chirurgiedentaire de Strasbourg, de sexe masculin et féminin. Aucun des patients examinés ne présentait de déformation cranio-faciale grave ni de pathologie respiratoire. Méthode Enregistrement de la posture naturelle de la tête Nous avons utilisé le dispositif à niveau et à bulle d'air de SHOWFETY et al. '5(1983), auquel nous avons adjoint un rapporteur qui permettait ainsi d'enregistrer plusieurs fois la posture de la tête et de s'assurer de la reproductibilité de celle-ci (fig. 1). La procédure suivante a été appliquée pour chaque patient : le niveau est fixé sur l'arcade zygomatique droite du sujet à l'aide d'un ruban adhésif double-face. On demande au patient de faire quelques pas et de regarder droit devant lui. Le patient est debout, les épaules basses, les bras le long du corps et les pieds légèrement écartés. Le niveau est
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Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
La reproductibilité de la posture naturelle de la tête et son implication dans l'organisation de l'architecture cranio-faciale
alors mis à l'horizontale. On note la graduation du rapporteur correspondant à cette position, et le patient est prié de refaire quelques pas et de retrouver sa posture en regardant dans une autre direction. On remet le niveau à l'horizontale et la nouvelle graduation du rapporteur est notée. L'opération est reproduite quatre fois en l'espace de cinq minutes ; le niveau est ensuite mis sur la valeur de la position moyenne calculée. Céphalométrie Le sujet est placé dans le céphalostat et la tête est orientée de telle sorte que le niveau indique l'horizontale. On prend soin, au préalable, de fixer une chaînette métallique sur la cassette porte-film, qui indiquera la vraie verticale. C'est dans cette position que le cliché radiologique est effectué. Les conditions expérimentales lors de la réalisation des clichés radiologiques ont été les suivantes, pour tous les sujets : an d stc sio euc — rep am n l éd a= n i15c0 m m a n p lc ts e d — ia é n m d il1 = c m i4 f Les calques ont été tracés à deux reprises par deux opérateurs différents et comparées. Les tracés présentant des variations de plus de 1 mm ou 1° ont été exclus de l' échantillon. Les structures céphalométriques retenues dans l'étude sont représentées en figure 2. 54 étudiants (34 du sexe masculin et 20 du sexe féminin) constituaient le groupe final retenu. L'âge des sujets était compris entre 20 et 26 ans.
— —
,- o
Figure 1 Le niveau à bulle utilisé dans l'étude. Le dispositif est collé contre l'arcade zygomatique du patient. Le poids total du dispositif est de 10 grammes.
Figure 2 Représentation des structures céphalométriques retenues dans l'étude. Le plan palatin
l' épine nasale postérieure. Le plan d'occlusion passe par l'épine nasale antérieure et
passe par le milieu de l'intercuspidation des premières molaires et le milieu du recouvrement des canines; le plan mandibulaire passe par les points gonion et menton. Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
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W. BACON, J.-C. TURLOT, M. BLAISE
Analyse statistique
Dans un premier temps, nous avons testé la reproductibilité de la posture naturelle de la tête. La posture naturelle par rapport à l'horizontale a été mesurée à quatre reprises chez chaque patient. Si l'on appelle h i,1, h 0, ho, ho, q, ces quatre mesures sur le patient i, la variabilité de la mesure est donnée classiquement par : Si 2 =
E (hi,
J=l
• — hi) 2 pour l'individu i
ou par l'écart type estimé : Si = ,/ Sie
n la variabilité moyenne est alors estimée par : h = n E Si 1=1 Dans un deuxième temps, nous avons évalué SN/Ver et ses variations. L'angulation de la base du crâne étant plus ou moins importante d'un individu à l'autre, une partie des variations de SN/Ver peut être attribuée aux variations géométriques de BaSN (fig. 3). Pour déterminer l'influence de l'angulation de la base du crâne sur SN/Ver nous avons constitué deux sous-groupes. Le premier sous-groupe Gl était constitué de 25 % des individus avec les plus faibles angulations de BaSN. Le deuxième sous-groupe G2 était constitué de 25 % des individus avec les plus fortes angulations de BaSN. Nous avons comparé dans les deux groupes l'orientation des segments BaS et de SN par rapport à la verticale pour déterminer si ces variations se faisaient de manière particulière ou anarchique autour du point S. Enfin, dans un troisième temps, nous avons recherché les corrélations qui pouvaient être mises en évidence entre l'orientation de SN/Ver et d'autres variables cranio-faciales représentatives de la typologie. Les variables retenues dans l'étude sont présentées dans le tableau III.
3.54
N' 'N
N' _,'~
r
Interv.
2.5
mesures 2 1.5
Ba' Ba
Ba
0,5 0
Ver 0 Figure 3 Représentation schématique de différentes possibilités d'influence de l'ouverture de la base du crâne sur l'orientation de SN par rapport à la verticale. 280
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Nb d'individus T a b l e a u I Histogramme de la variabilité des mesures de la posture naturelle de la tête.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
10
La reproductibilité de la posture naturelle de la tête et son implication dans l'organisation de l'architecture cranio-faciale
RÉSULTATS
_
La variabilité moyenne de la reproductibilité de la posture naturelle de la tête est
h=1,45°±0,85.
L'histogramme de la variabilité est présenté dans le tableau I. L'angulation de SN par rapport à la verticale dans l'échantillon total est : SN/Ver = 82,5 ± 5,9. L'angulation par rapport à la verticale de SN et BaS dans les deux sous-groupes G1 et G2 est exposée dans le tableau II. Dans le groupe G2 où l'angulation de la base du crâne est la plus grande, SN est orienté davantage vers le haut et l'avant que dans le groupe G1, où l'angulation de la base du crâne est la plus faible. Cette différence est hautement significative. Par contre, il n'y a pas de différence significative dans les deux groupes pour l'orientation de BaS par rapport à la verticale. Le tableau III montre les corrélations entre SN/Ver et certaines variables craniofaciales. SN/Ver présente des corrélations significatives avec toutes les variables cranio-faciales étudiées sauf avec l'angle ANB. Ces corrélations sont positives avec SNA et SNB ; elles sont négatives avec les autres variables représentant l'angulation de la base du crâne et la divergence faciale. G 1 n=13
G2n=13
M ET
M ET
P
SN/Ver
85,8 3,7
77,7 6,5
0,001 HS
BaS/Ver
30,9 3,8
35,3 6,9
0,06 NS
Tableau II Moyennes et écarts types des variables SN/Ver et BaS/ Ver dans les groupes G et G2, avec faible et forte angulation de la base du crâne. La différence entre les deux groupes est hautement significative pour SN/Ver, mais ne l'est pas pour BaS/ Ver.
SN/Ver
BaSN SNA
1
1
-0,49
1
0,49
-0,48
0,44
-0,47
0,79
-0,22
0,09
0,12
-0,32
SN/Mand
-0,47
0,30
- 0,56
-0,51
0,20
SN/occl
-0,52
0,51
-0,52
-0,60
0,40
0,77
0,58
-0,45
-0,26
-0,01
0,39
BaSN
SNA
SNB
ANB
SNB ANB
SN/palat
-0,51 SN/Ver
1 1 1
SN/Mand
1
-0,24
1
SN/occl
SN/palat
Tableau III Matrice des corrélations entre les différentes variables de l'étude. Pour R <- 0,28 ou R> 0,28 la probabilité est p <0,05. Pour R <- 0,35 ou R> 0,35, la probabilité est p < 0,01.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
281
W. BACON, J.-C. TURLOT, M. BLAISE
DISCUSSION
Reproductibilité de la posture naturelle Cette étude a été réalisée à l'aide d'une méthode simple, non invasive, sans nécessiter de radiographies répétées des individus impliqués dans ce travail. Nos observations sont voisines de celles rapportées par d'autres auteurs (tableau IV) et confirment que la posture naturelle de la tête est une attitude fonctionnelle reproductible avec une bonne fiabilité, et qui répond à un mécanisme précis. La variabilité moyenne de la mémoire posturale pour notre expérimentation était h = 1, 45° ± 0,85. Nous observons que la distribution de la variabilité (S;) de la position naturelle de la tête par rapport à la verticale n'est pas symétrique par rapport à la moyenne. En effet, sous l'hypothèse de la normalité des mesures, S i2 suit approximativement un x2 à 3 degrés de liberté, et Si= VS i2 reste légèrement dissymétrique ; en particulier il est normal d'observer quelques valeurs fortes de S i. Chez trois individus cette valeur dépasse 3,5°. Angulation de la base antérieure du crâne par rapport à la verticale : SN/Ver La valeur moyenne de SN/Ver dans notre population est comparable aux résultats d'autres auteurs (tableau V). Il en est de même pour les écarts types qui sont relativement élevés (E.T. = 5,9 dans notre échantillon). Ces écarts types sont plus importants que ceux habituellement observés dans l'étude des variations intracrâniennes des angles de la base du crâne et reflètent une grande variabilité de l' orientation de SN par rapport à la verticale vraie. Nous avons cherché à déterminer si l' orientation vers le haut ou vers le bas de SN était associée à une ouverture ou à une fermeture symétrique de la base du crâne par rapport à la verticale. Dans ce but, deux sous-groupes ont été constitués : un sous-groupe G1 avec une faible angulation de la base du crâne a été comparé à un sous-groupe G2 avec une forte angulation de la base du crâne (tableau II). L'angulation du segment BaS par rapport à la verticale ne présentait pas de différence significative dans les deux groupes ; par contre, la différence de l'angulation du segment SN par rapport à la verticale était hautement significative (p<0,001). C'est dans le groupe G2 avec forte angulation de la base du crâne que SN/Ver était le plus faible. En d'autres termes, en référence à la posture naturelle, l'ouverture ou la fermeture de l'angle BaSN ne se fait pas de manière symétrique autour du point S. Lorsque l'angle BaSN est important ou réduit, c'est essentiellement SN/Ver qui varie alors que BaS/Ver reste plus stable. Les variations de SN/Ver ne sont donc pas seulement la conséquence de simples variations anarchiques de l'angulation de la base du crâne, mais reflètent bien une posture en extension ou en flexion de toute la base du crâne. Lorsque l'angle BaSN est grand, la posture est en extension ; lorsque l'angle BaSN est petit, la posture est en flexion. Corrélations de SN/Ver avec l'architecture cranio-faciale Afin de déterminer si SN/Ver était en rapport avec certaines particularités de l' architecture cranio-faciale, les corrélations entre SN/Ver et certaines variables craniofaciales ont été calculées (tableau III). Corrélations entre SN/Ver et l'angulation de la base du crâne BaSN Une forte corrélation associe l'angulation de la base du crâne et SN/Ver (p <0,01). Chez les sujets présentant une grande ouverture de la base du crâne, SN a tendance a être orienté en haut et en avant : la tête est en extension. Cette relation était déjà apparue lors de la comparaison de SN/Ver et BaS/Ver dans les sous-groupes G1 et G2, avec faible et forte angulation de l'angle BaSN. Ce résultat préliminaire concluait que SN/Ver reflétait un mécanisme particulier d'adaptation morphologique. La forte corrélation qui existe entre SN/Ver et BaSN est conforme à cette observation.
282
Rev Orthop Demo Faciale 23: 277-286,1989
La reproductibilité de la posture naturelle de la tête et son implication dans l'organisation de l'architecture cranio-faciale Reproducti de la Référence Position bilité Sexe de la tête pour la tête du corps position m n
BJERIN (1957) MOOREES & KEAN (1958) CARLSOO & LEIJON (1960) SOLOW & TALLGREN (1971) COOKE & WEI (1988) NOTRE ÉTUDE (1988)
MF MF F F MF
Assis Debout Assis Assis Assis
Miroir Miroir Miroir Miroir Aucune
35 35 66 61 17
1,62° 1,34° 2,05° 1,54° 4,6°
M M MF
Debout Debout Debout
Aucune Miroir Aucune
21 21 30
2,48° 1,43° 1,53°
MF
Debout
Aucune
54
1,45°
T a b l e a u
I V
Reproductibilité de la posture de la tête d'après différents auteurs.
r
Auteurs
N
Sexe
Age
Position
Réf.
BJERIN (1957) MOOREES et KEAN (1958) CARLSOO et LEIJON (1960) FROMM et LUNDBERG (1970) SOLOW et TALLGREN (1971) POSNICK (1978)* CALLAHAN (1982)* SHOWFETY et al. (1987) NOTRE ÉTUDE (1988)
35 » 61 » 9 11 30 30 120
M+F
22-36 18-20
78
F » M F M F M » M+F
21-26 21-26 22-30 » 7-12
Assis Debout Assis » Assis » Assis » Debout » Debout
Miroir » Miroir » Aucune » Aucune » Aucune Miroir Aucune
83,8 85,7 85,2 84,7 87 83,1 80,2 77,6 90,4 87,4 83,6
4,4 4,0 3,9 3,7 7,6 6,1 5,7 3,4 5,2 4,7 4,8
13
M
24-36
Debout
Aucune
82,0
3,7
43
F
15-46
Debout
Aucune
81,2
4,6
54
M+F
20-26
Debout
Aucune
82,5
5,9
20-29
Tableau s cité par SHOWFETY.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
SN/Ver.
E.T.
V
Valeurs de SN/Ver selon différents auteurs. 283
W. BACON, J.-C. TURLOT, M. BLAISE
—
Coréalto insentreSN/VereeltsangelsSNAeS tNB De fortes corrélations associent SN/Ver et les angles SNA et SNB (p <0,01). En d' autres termes, quand la posture est en extension, les angles SNA et SNB sont réduits, et inversement. Ce résultat confirme les observations de SoLow et TALLGREN"(1976). Les coefficients de corrélation voisins que nous avons relevés pour ces deux variables nous permettent de supposer que dans notre échantillon la coordination entre les deux mâchoires était relativement bonne.
—
CorrélationsentreSN/Veretledécalagesagitalévaluéselonla' ngleANB Aucune corrélation remarquable n'apparaît entre SN/Ver et l'angle ANB. Dans les conditions de notre expérimentation, il ne semble pas que la tête soit portée davantage en extension dans les tendances à la Classe II que dans les tendances à la Classe III, lorsque cette tendance est évaluée à l'aide de l'angle ANB. Il faut cependant garder à l'esprit que l'angle ANB n'est pas toujours bien adapté pour évaluer le décalage sagittal des mâchoires. D'autre part il convient d'observer que notre échantillon était relativement homogène au regard de l'angle ANB, égal ici à 2,4° ± 2. La faible dispersion des valeurs de ANB aura pu être un facteur capable de masquer des variations de la posture associées au décalage sagittal et décrites parBJ0Rx (1951), MARCOTTE 12 (1983), ainsi que SoLow et TALLGREN 17 (1976). L'étude des variations de la posture en fonction du décalage sagittal des mâchoires gagnerait d'autre part à être réalisée sur des groupes de même typologie.
—
Coréalto insentreSN/Verealtdv iergencefacaiel Chez un individu correctement équilibré, la divergence faciale exprime la typologie. Des corrélations hautement significatives sont apparues entre SN/Ver et les variables évaluant la divergence : la base du crâne est en extension par rapport à la verticale lorsque sont importantes les angulations de SN avec le plan palatin, le plan d' occlusion et le plan mandibulaire (p<0,01). Cette analyse des corrélations fait ressortir que SN/Ver est en rapport avec certaines particularités de l'architecture cranio-faciale. Une posture crânienne en extension avec une faible valeur de SN/Ver est associée à une réduction des angles SNA et SNB, à une importante divergence faciale, ainsi qu'à une augmentation de l' angulation de la base du crâne. Dans un édifice facial normalement équilibré, l'angle de divergence faciale SN/Mand est en forte corrélation négative avec SNA et SNB ( CASxo et SHERPHERD4, 1984). Dans notre échantillon, le même schéma normal de corrélations cranio-faciales était respecté (P < 0,01, tableau III), mais la posture était également impliquée dans l'équilibre facial global : la divergence faciale et les angles SNA et SNB étaient en forte corrélation positive avec SN/Ver et une corrélation négative existait également entre BaSN et SN/Ver. On peut ainsi conclure à une association entre posture et typologie : chez un individu hyperdivergent avec forte angulation de la base du crâne, la tête sera maintenue dans une posture en extension ; chez un individu hypodivergent, au contraire, la posture de la tête sera davantage en flexion. Ces différentes observations sont résumées dans les figures 4 et 5 qui représentent deux patients extrêmes, l'un avec une faible angulation cranio-verticale, l'autre avec une forte angulation cranio-verticale. Le schéma des corrélations y est parfaitement bien mis en évidence : dans le premier cas (fig. 4) la tête présente une posture en extension, avec un angle SN/Ver faible. Par rapport aux mesures moyennes de l'échantillon, ce sujet présente une base du crâne ouverte, des valeurs faibles pour SNA et SNB, une divergence faciale importante. Le deuxième sujet (fig. 5) présente une posture davantage en flexion, avec une forte angulation SN/verticale. Par rapport aux valeurs moyennes de l'échantillon, l'angulation de la base du crâne est plus fermée, les angles SNA et SNB sont importants, la divergence est faible.
284
Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
La reproductibilité de la posture naturelle de la tête et son implication dans l'organisation de l'architecture cranio-faciale
69•
SN/Ver.
BaSN SNA SNB SN/ Palat. / Occl. / Mand. F/ Mand.
Figure 4 Patient présentant une faible angulation SN/Verticale. La tête est en extension : l'angle de la base du crâne est augmenté, le prognathisme facial selon SNA et SNB est diminué, la typologie faciale est hyperdivergente.
N / Ver.
92'
BaSN SNA SNB SN / Palat. /Occl. / Mand F / Mand
129•
86,5'
83• 3. 8•
26,5' 21•
Figure 5 Patient présentant une forte angulation SN/Verticale. La tête est en flexion: l'angle de la base du crâne est diminué, le prognathisme facial selon SNA et SNB est augmenté, la divergence faciale est faible. Tous les angles de posture sont ici basculés en bas et en avant par rapport aux observations illustrées par la figure 4.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 277-286, 1989
verv
285
1
W. BACON, J.-C. TURLOT, M. BLAISE
CONCLUSION
La posture naturelle de la tête répond à un mécanisme fonctionnel précis et hautement reproductible. Les variations de la posture de la tête sont associées à certaines variations cohérentes de l'édifice cranio-facial: la posture de la tête est une variable qui est impliquée dans le schéma normal des corrélations entre les différentes composantes cranio-faciales et mérite d'être prise en considération dans toute analyse complète de l' édifice cranio-facial. Les auteurs remercient Mlle V. précieuse.
WACK
et M G.
LUDWIG
pour leur aide technique
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12
Rev Orthop Demo Faciale 23: 277-286, 1989
La dysi onction cranio-mandibulaire
Christiane BODIN José ABJEAN RÉSUMÉ La symptomatologie de la dysfonction cranio-mandibulaire (DCM) est décrite à travers une étude bibliographique complétée par les observations faites dans notre laboratoire de physiologie de l'occlusion. La DCM est caractérisée par la douleur, la sensibilité musculaire et/ou articulaire à la palpation, l'altération des mouvements mandibulaires et les bruits articulaires. La douleur et l'altération des mouvements mandibulaires sont les symptômes qui déterminent le plus souvent les patients à consulter. Les bruits articulaires, s'ils ne gênent pas la fonction et ne sont pas douloureux, n'alarment pas les patients. Les examens complémentaires sont indispensables dès lors que l'ensemble des symptômes ne permet pas de poser avec certitude le diagnostic de DCM.
MOTS CLÉS Dysfonction cranio-mandibulaire — Douleur — Altération des mouvements mandibulaires — Palpation — Bruits articulaires.
NOTE DES AUTEURS
J. ABJEAN — Laboratoire de physiologie de l'occlusion, C.S.T.D C.H.U.R., rue A. Le Faux, 29200, Brest.
Le disque articulaire Nous utilisons la terminologie anglo-saxonne parce qu'elle est plus précise. Un ménisque est une structure anatomique qui facilite les déplacements articulaires sans être déterminant dans les différents mouvements (exemple : l'articulation du genou). Par contre, le disque articulaire de l'ATM est actif au cours des déplacements. Il peut même fonctionner indépendamment du condyle et de l'éminence articulaire ( BELL, 1986). Le ménisque ne divise pas la cavité articulaire alors que le disque articulaire de l' ATM est encapsulé et sépare les compartiments articulaires. Les altérations d'un ménisque n'altèrent pas totalement la fonction articulaire alors qu'une ATM privée de son disque articulaire est sérieusement altérée dans sa stabilité en particulier lors des mouvements transversaux durant les cycles de la mastication. Le disque articulaire de l'ATM assure le contact étroit des structures articulaires quelles qu'en soient les conditions (BELL', 1986).
C. BODIN Le Britanny », avenue du Président Sadate, 2 9 0 0 0 , Quimper.
La lame rétrodiscale La lame rétro-discale est composée de trois parties. Le frein postérieur en constitue la partie inférieure (explication donnée en page 296).
Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
289
C. BODIN, J. ABJEAN
L'altération des capacités fonctionnelles de l'appareil manducateur regroupe l'ensemble des désordres musculaires et/ou articulaires accompagnés ou non parla douleur. Pour ABJEAN I (1975), GRENNE'6 (1969), RAMFJORD i° (1971), la douleur, la sensibilité à la palpation, la limitation ou l'altération des mouvements mandibulaires et les bruits articulaires sont les symptômes associés qui définissent une dysfonction craniomandibulaire. La dysfonction cranio-mandibulaire présente un caractère plurifactoriel avec une dépendance entre les différents facteurs : articulaires, musculaires, occlu saux, neuro-musculaires, algiques et psychiques. Elle peut être diagnostiquée dès l'enfance ou l'adolescence, comme le prouve l'étude des troubles fonctionnels chez l'enfant réalisée par NILNER et LASSING27 (1981) qui fait apparaître au moins un signe de DCM chez 36 % des enfants de 7 à 14 ans. Ce pourcentage atteint 41 % chez les enfants de 15 à 18 ans (NILNER 28, 1981). WIGDOROWICZ37 (1979) constate également des douleurs de la région articulaire et de la musculature à la palpation chez 26,6 % des enfants âgés de 10 à 15 ans (étude sur 2100 cas). DIBBETS 1° (1977) ainsi que FELD et CZARNECKA19 (1977),et NILNER28 (1981) obser
vent que les symptômes augmentent avec le développement de la denture. GRIFFITHS 18 (1983) ajoute que la répartition par sexe semble égale chez l'enfant. La différence entre les hommes et les femmes qui caracté risait la DCM de l'adulte est actuellement remise en cause, d'une part du fait de l'atténuation des diffé rences sociales et d'autre part parce que les hommes consultent actuellement plus souvent que dans les années passées (AGERBERG et HELKIMO3, 1987). Le tableau clinique est dominé par la douleur et la dysfonction musculo-articulaire, mais il ne faut pas ignorer l'existence de troubles associés qui se manifestent parfois à distance (JEANMONOD 20, 1973 ; TRAvELL36, 1983) : douleurs au niveau du cou, des épaules, du pharynx, des yeux, de la langue, anomalies de posture, signes auriculaires, modification de la sécrétion salivaire... La dysfonction débute souvent comme un désordre fonctionnel qui peut se poursuivre par des transformations organiques mettant en cause l'inté grité physique et par conséquent morale du patient. Le patient tolère souvent les différents symptômes jusqu'à l'apparition de la douleur, qui le détermine à consulter.
1 — LA DOULEUR
La douleur est toujours anormale, elle n'est jamais bonne » LERICHE (MAZARS23, 1988). C'est le symptôme le plus important pour le patient, non par sa fréquence ou sa gravité, mais pour la gêne qu'il provoque et pour laquelle il consulte le plus fréquemment (BELLE, 1983). C'est aussi le symptôme à travers lequel le patient juge des résultats du traitement (BELLE, 1983). Le caractère de la douleur faciale due à une DCM est varié. La plupart du temps, elle est sourde, lancinante, continue, avec des périodes de rémission. Elle provoque des réponses émotionnelles disproportion nées par rapport à sa réelle signification (BELL 7, 1986). Les muscles et les articulations possèdent une sensibilité propre, répondant à une stimulation spécifique, fournissant une réponse reproductible proportionnelle à l'intensité de la stimulation et évaluable. C'est la sensibilité profonde, par opposition à la sensibilité cutanée. Par contre, la douleur n'est pas une véritable sensibilité, car elle n'est pas reproductible, n'apparaît pas forcément pour une même stimulation, n'est pas proportionnelle à l'intensité de celle-ci et n'est pas mesurable. 290
La nociception dont la finalité est la sauvegarde de l'intégrité physique met en place des réflexes de protec tion qui comportent dans leurs manifestations extrêmes un phénomène subjectif : la douleur. La nociception joue un rôle dans l'élaboration des émotions et dans l'organisation des phénomènes de régulation hormonale (MAZARS23, 1988). La douleur tient un rôle d'alarme, mais elle devient importune dès qu'elle a cessé de jouer son rôle et se prolonge sans aucun avantage. Une douleur qui dure et devient chronique perd sa fonction de signal d'alerte. Elle accompagne généralement la maladie, même si elle n'apparaît pas toujours dès le début. Toutefois, elle ne saurait à elle seule fonder un diagnostic. Elle est un élément qui doit être évalué dans le contexte des autres. C'est un symptôme important pour surveiller l'évolu tion de la maladie. Il pourrait donc apparaître précieux de s'abstenir de la supprimer ou de la diminuer... mais il faut dépasser l'évaluation clinique et refuser de prolonger la douleur sous prétexte qu' elle contribue à son contrôle. Les examens complémentaires doivent être utilisés pour évaluer les anomalies et permettre d'en discerner l'évolution. La douleur est aussi messagère Rev Orthop Demo Faciale 23: 289-299, 1989
La dysfonction cranio-mandibulaire
d'une inquiétude difficile à maîtriser qui déclenche des perturbations dans la chimie du cerveau. Mais il est impossible de mesurer directement l'intensité de la douleur, et rien ne permet d'affirmer qu'une personne anxieuse souffre plus qu'une autre. Elle extériorise davantage sa souffrance, la décrit avec plus d' éloquence et contrôle moins son agitation. Le MPQ ( Montreal Pain Questionnary) (MELZACK25, 1974) et le MMPI (Minnesota Multiphasic Personality Inventory) proposent des questionnaires d'évaluation d'intensité de la douleur et de la personnalité... Mais le problème de la sincérité de la douleur reste aussi insoluble que celui de sa mesure (MAZARS23, 1988).
50 % des patients souffrent de bruits articulaires ou de mal de tête, 40 % évoquent des douleurs de la face ou des mâchoires, tandis que le bruxisme atteint 36 % des patients interrogés. Mais 25 % de ces patients estiment que la douleur de la face ou des mâchoires ainsi que le mal de tête sont les symptômes les plus gênants, contre seulement 10 % pour les bruits articulaires. Qtielles que soient les études réalisées à Umea, à Goteborg comme à Brest dans le laboratoire de physiologie de l'occlusion (ABJEAN), les résultats sont comparables : les bruits articulaires sont mieux supportés que les autres symptômes.
1- 2 - Topographie des douleurs dans la dysfonction cranio-mandibulaire. La topographie de la douleur est rarement limitée. La plupart des patients se plaignent de douleurs situées dans la région de l'oreille : plus de la moitié des sujets interrogés en ce qui concerne l'enquête d'AGERBERG et HELKIMO 3 (1987) (tableau II).
1-1 - La place de la douleur dans la dysfonction cranio-mandibulaire Le département de physiologie d'UMEA a répertorié les symptômes de DCM les plus souvent cités ( AGERBERG et HELKIMO3 : étude sur 436 patients, 1987) (tableau I).
Symptômes les plus gênants : 1 - douleur de la face et des mâchoires ................................................................................................. 2 - mal de tête ............................................................................................................................................. 3 - douleurs à l'ouverture et à la mastication ....................................................................................... 4 - claquements et autres bruits articulaires.......................................................................................... 5 - difficultés d'ouverture ou de préhension d'un bol alimentaire volumineux ..........................
Total % 26 25 10 9 7
Deuxièmes symptômes les plus gênants :
1 - mal de tête ............................................................................................................................................. 2 - sensation de fatigue dans les mâchoires ......................................................................................... 3 - mouvements mandibulaires douloureux.......................................................................................... 4 - difficultés à l'ouverture ou à la préhension d'un bol alimentaire volumineux........................ 5 - difficultés à la mastication .................................................................................................................
22 20 12 11 9
Tableau I Enquête d'AGERBERG et HELK/M03, UMEA, 1987.
Total %
1 - dans ou à proximité de l'oreille.......................... 2 - au niveau de la joue ............................................. 3 - au niveau de la tempe ......................................... 4 - au niveau du front ............................................... 5 - au sommet de la tête ........................................... 6 - au niveau du cou ou des épaules ...................... 7 - au niveau du pharynx .......................................... 8 - au niveau des yeux ............................................... 9 - au niveau des dents et des gencives.................. 10 - au niveau de la langue........................................ * P indique le degré de signification entre les hommes et les femmes.
Rev Orthop Demo Faciale 23: 289-299, 1989
59 39 40 21 16 32 14 19 28 6
Hommes
49 35 28 14 5 21 9 12 24 5
Femmes
63 40 44 23 21 36 16 21 30 7
P
* ** *
Tableau II Enquête AGERBERG et HELKIM03, UMEA, 1987.
291
C. BODIN, J. ABJEAN
Quand elle est observée isolément au niveau de l' ATM, la douleur fait penser à une lésion organique dans laquelle l'inflammation de la capsule rend la zone sus-articulaire extrêmement sensible au toucher ; mais les malades évoquent le plus souvent des douleurs diffuses qui sont presque toujours unilatérales. Dès 1956, SCHWARTZ3S affirme que la douleur musculaire est liée aux spasmes musculaires. L'irradiation douloureuse peut se faire dans les régions temporale, mandibulaire, occipitale, cervicale, dans le cou, l'épaule et le bras ou au niveau du vertex, mais elle peut aussi se manifester dans la langue et/ou le pharynx. En 1955, SCHWARTZ74 signale que les douleurs profondes peuvent s'étendre et être ressenties dans d' autres aires que celles qui sont initialement excitées. Pour expliquer les manifestations douloureuses dans des territoires dispersés, TRAVELL 36 (1983) et BONICA9 (1959) signalent la présence des zones limitées et hypersensibles au sein des muscles spasmés et, à distance, la présence de zones référées où se manifestent la douleur, la sensibilité et parfois la dysfonction. De nombreux auteurs (BELL 5 , 1971 - ROZENCwEIG32, 1974) ont tenté de déterminer une correspondance topographique entre l'aire douloureuse clinique et l'origine musculaire de la douleur (tableau III).
La douleur articulaire est plus stable, caractérisée par une apparition insidieuse et des variations légères. Elle est persistante et résiste à la thérapeutique (BELLE, 1983). 1- 4 - Le mode d'apparition de la douleur dans la dysfonction cranio-mandibulaire Le mode d'apparition de la douleur est varié. Elle survient brutalement après un bâillement, une séance de soins dentaires, mais elle est le plus souvent progressive et insidieuse, dans certains cas après la mise en place de restaurations dentaires (ABJEAN 2, 1975). Elle peut régresser pendant quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois : les périodes de rémission sont de plus en plus brèves, jusqu'au jour où elle s'installe en permanence. 1- 5 - Effets généraux de la douleur La douleur atteint souvent le psychisme des patients. Ils ont recours aux analgésiques ou aux sédatifs pour la soulager. L'enquête d'AGERBERG et HELKIMI3 laisse apparaître que plus d'un tiers des individus sont pénalisés dans leur vie privée, leur travail et leur sommeil (tableau IV). 10 % d'entre eux cessent d'ailleurs périodiquement leur activité professionnelle. Une même étude réalisée en Finlande donne 18,3 % d'arrêts de travail pour des patients se plaignant de mal de tête ou de douleurs au niveau du cou, contre 1,7 % d'arrêts de travail pour des sujets ne souffrant pas de dysfonction cranio-mandibulaire (ALANEN et KIRVESKARI4, 1983).
1- 3 - Le caractère de la douleur dans la dysfonction cranio-mandibulaire Le premier jugement qui doit être porté sur un symptôme douloureux concernant l'appareil masticateur est d'en dissocier l'origine musculaire de l'origine articulaire (ABJEAN, 19742, 19751). La douleur s'efface rarement spontanément. BeauLa douleur musculaire est plus labile, caractérisée coup d'études ont mis l'accent sur l'interaction des par une apparition soudaine des intensités variables et dysfonctions dans l'altération de l'état général. A des effets récurrents. Habituellement elle répond bien à contrario, il est aussi probable que les traitements la thérapeutique, à moins qu'elle ne soit d'origine généraux d'autres sites articulaires ou musculaires inflammatoire (BELLE,Correspondances 1983). topographiques entre l'aire douloureuse clinique et l'origine musculaire 1- douleur sus-orbitaires............................................ 2- douleurs temporales ............................................. 3- fatigue dans les joues ............................................ 4- douleurs pré-auriculaires........................................ 5- douleurs auriculaires............................................. 6- douleurs post-auriculaires...................................... 7- douleurs dans la région des molaires supérieures ....... 8- douleurs dans la région de l'angle de la mandibule ..... 9- douleurs latérales, le long du cou ............................ 10- douleurs antérieures, le long du cou......................... 11- douleurs du palais ................................................
— muscle frontal — temporal antérieur — masséter superficiel — masséter profond — ptérygoïdien externe — temporal postérieur / sterno-cléïdo-mastoïdien — masséter superficiel / tendon du temporal — ptérygoïdien interne — ventre postérieur du digastrique — sus-hyoïdiens / muscles du pharynx — tensor-veli-palatini
T a b l e a u
I I I
Topographie de la douleur selon RozENcwE1c31(1974). 292
Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
1
La dysfonction cranio-mandibulaire
Total % 1 - quitte le travail occasionnellement
à cause des symptômes..................................
2 - atteinte du sommeil ................................... 3 - atteinte de la vie privée ............................... 4 - entrave au travail....................................... 5 - doit utiliser des analgésiques ou des sédatifs... 6 - autres effets ..............................................
Hommes
Femmes
11
11
10
34 37 35 39 30
30 30 34 25 20
36 39 36 44 38
P
**
Tableau IV Enquête d'AGERBERG et HELKIMO3, 1987.
recuisent l'intensité de la douleur et des autres symptômes des dysfonctions cranio-mandibulaires. Beaucoup de patients sont polysymptomatiques, ce qui impose une attitude thérapeutique multiprofes-
sionnelle pour qu'ils puissent bénéficier des ments physiothérapiques (RocABADO et al. 31, 1983) et de la collaboration de psychothérapeutes (AGERBERG et HELKIMO3, 1987).
2 — LA SENSIBILITÉ A LA PALPATION MUSCULAIRE ET/OU ARTICULAIRE La palpation musculaire et articulaire est un élément de diagnostic clinique des dysfonctions craniomandibulaires. Elle est complétée par des examens électromyographique et électrognathographique. Elle permet de localiser les muscles contractés (FRIEDMAN 13, 1982). Le site et le degré de dysfonction sont définis par le niveau de sensibilité provoqué par l'examen, qui dissocie ainsi les facteurs musculaires des facteurs articulaires. 2 -1 - Le site et l'accessibilité du muscle déterminent deux types de palpation
— D'une part, une palpation de surface qui est employée lorsque le muscle est soutenu par l'os et lorsqu'il est accessible superficiellement (par exemple les temporaux). Elle consiste à déplacer le ou les doigts en utilisant la mobilité des tissus sous-cutanés pour glisser sur la peau. Le mouvement permet de déceler des différences de tension (TRAVELL36, 1983). — D'autre part, une palpation pincée, « en tenaille », est utilisée lorsque le muscle est accessible par ses deux faces. Le faisceau peut donc être tenu entre les doigts (par exemple le sterno-cléïdo-mastoïdien). Cette méthode permet de situer les fibres contractées en faisant rouler le faisceau musculaire (TRAVELL 36,1983). Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
2 - 2 - Méthode de palpation
La palpation tant musculaire qu'articulaire s'exécute de manière bilatérale pour en tirer une valeur comparative. Elle est toujours exécutée selon le même protocole:
— le praticien se tient face au patient ; — la palpation des muscles de la partie supérieure de l' appareil manducateur est suivie de la palpation des sites postérieures et enfin des secteurs inférieurs : • temporaux antérieurs, moyens et postérieurs ; • sous-occipitaux ; • trapèzes; • sterno-cléïdo-mastoïdiens ; • prérygoïdiens internes ; • digastriques postérieurs et antérieurs ; • masséters superficiels et profonds ; — la palpation de l'articulation temporo-mandibulaire fait suite à l'exploration externe des muscles ; — la palpation intra-orale termine cet examen : • ptérygoïdiens externes ; • attaches coronoldiennes du tendon du temporal ; • palpation complémentaire des masséters et pté-
293
C. BODIN, J. ABJEAN
rygoïdiens internes (JOHSTONE21, 1980; MONGINI24, 1984 ; TRAVELL36, 1983 ; BELL7, 1986). Les sites de douleurs cranio-mandibulaires peuvent être localisés avec précision par les descriptions subjectives des patients. La palpation manuelle s'effectue sur les sites accessibles présentant une gêne : articulation temporo-mandibulaire, temporal, sousoccipitaux, trapèze, sterno-cléïdo-mastoïdien, masséter, digastrique (BELLE, 1983 ; BELL7, 1986). C' est la meilleure méthode pour provoquer ou stimuler une sensibilité musculaire tant que les structures restent accessibles. Selon TRAVELL36 (1983) la pression des sites douloureux (Trigger zones) déclenche un réflexe brutal que le patient exprime par un saut ou par un cri (Jump-sign). L'articulation elle-même est directement accessible à la palpation au niveau du versant externe du condyle. La meilleure façon de l'examiner est d'exercer une pression digitale sur le pôle latéral condylien lors des mouvements d'ouverture, de propulsion et des mouvements de latéralité. Mais il faut distinguer l' arthralgie de la myalgie émanant du masséter profond qui recouvre la partie antérieure de la capsule articulaire. Cet examen donne une information sur les mouvements articulaires et les interférences discales (cf. note des auteurs) (BELL', 1986). La pression du doigt dans la partie antérieure du conduit auditif externe provoque ou accentue la douleur rétrodiscale, mais il faut également différencier la gêne d'origine auriculaire de la douleur émanant de l' articulation proprement dite (BELL7, 1986). Les muscles en condition normale ne présentent pas de territoire sensible. Les contractures ou les élongations sont susceptibles de les faire apparaître. Chaque muscle a un schéma spécifique douloureux qui
peut être directement activé par une pression aiguë, une fatigue, un trauma direct. Mais des altérations viscérales, des arthrites articulaires, des stress émotionnels sont susceptibles de les activer indirectement, de même qu'une dysfonction qui peut se situer à distance. On note ainsi des sensibilités, des dysesthésies, des troubles vaso-moteurs (pâleur, hyperthermie) dans les zones référées (TRAVELL36, 1983). 2 -3 - Les douleurs référées
Les douleurs référées apparaissent le plus souvent avec un temps de latence après la réaction immédiate au site de palpation. Ainsi, une douleur du vertex peut être causée par la stimulation du chef sternal du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien ; le trapèze et les chefs sternal et claviculaire du sterno-cléïdo-mastoïdien induisent une douleur référée au niveau postérieur du cou. Un mal de tête localisé au niveau temporal peut résulter de l'excitation du trapèze, du chef sternal du sternocléïdo-mastoïdien ou des muscles temporaux, par contre un mal de tête situé frontalement peut être provoqué par l'irritation des deux chefs du sternocléïdo-mastoïdien, des muscles frontaux ou du muscle zygomatique majeur... TRAVELL et SIMONs 36 (1983) décrivent ainsi toutes les aires de douleur faciale référées et leurs zones d'induction. Le caractère aigu ou latent d'une zone douloureuse peut faire varier la réponse à la palpation, que ce soit sur le site lui-même ou sur l'aire de référence. De même l'habileté de l'examinateur et le comportement du patient peuvent en modifier l'interprétation. Cela confirme la nécessité des examens complémentaires pour poser le diagnostic de dysfonction cranio-mandibulaire.
3 — L'ALTÉRATION DES MOUVEMENTS MANDIBULAIRES
La limitation et l'altération des trajets mandibulaires sont principalement liées à la contracture musculaire qui auto-entretient la douleur. La douleur augmente la tension musculaire (réflexe de protection) et peut causer des désordres fonctionnels puis dégénératifs au niveau des articulations. La difficulté d'ouverture ou de préhension du bol alimentaire, la fatigue généralement localisée dans la région maxillaire, la gêne à la mastication sont les symptômes qui conduisent le plus fréquemment les patients à consulter (GELB 14, 1983). Les tracés électrognathographiques (BODIN et ABJEAN 8, 1989) mettent en évidence les altérations 294
d'amplitude et les déviations des trajets mandibulaires. Les différents mouvements sont comparés pour poser un diagnostic qui est confronté aux résultats de l'examen clinique, de la palpation, des enregistrements électromyographiques et des images radiographiques ou scannographiques. L'étude des différents mouvements mandibulaires doit être complétée par l'observation des cycles masticateurs qui permet de juger des capacités fonctionnelles du patient. L'enveloppe fonctionnelle est parfois unilatérale et explique les douleurs et les sensations de fatigue et de gêne dont se plaint le patient. Souvent, il est inconscient de son type de mastication (sauf dans Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
La dysfonction cranio-mandibulaire
les cas d'édentation unilatérale) et l'examen électrognathographique lui révèle une habitude qu'il corrigera plus volontiers. Lorsque la douleur devient chronique ou lorsque la réduction de l'amplitude d'ouverture est inférieure à 25 mm, le patient présente souvent des signes d'inquiétude et de lassitude. L'anxiété, et très souvent la cancérophobie sous-jacente, sont des paramètres qu'il faut savoir évaluer pour mener le
traitement : la personnalité du praticien, les résultats des examens complémentaires et en particulier la lecture des tracés électrognathographiques permettent de rassurer le patient dans la plupart des cas. Dans cer tains cas, nous faisons appel à un psychiatre comportementaliste qui effectue une consultation spécialisée et mène les séances de relaxation.
4 — LES BRUITS ARTICULAIRES Ce sont les craquements, les claquements et les crépitations qui surviennent au niveau des ATM durant les mouvements mandibulaires. Souvent, ils ne sont pas perçus par le patient mais par son entourage, qui le détermine à consulter. Ils sont rarement douloureux mais présentent un caractère gênant. AGERBERG et HELKIMO3 (1987) ne comptent qu'un dixième des patients gênés par leurs bruits articulaires. Dans notre laboratoire de physiologie de l'occlusion, nous constatons également que les craquements ou claquements articulaires n'alarment pas le patient s'ils ne sont pas associés à la douleur chronique et à la limitation fonctionnelle. 4 -1 - Le caractère des bruits articulaires Les bruits articulaires ne présentent pas un caractère stéréotypé. Ils sont intermittents ou permanents. Le patient les décrit comme une sensation de papier froissé ou de sable intra-articulaire qui est difficilement perçue par l'examinateur. La crépitation nécessite souvent l'utilisation du stéthoscope, mais cet examen présente des difficultés d'interprétation dues aux interférences liées au déplacement de la peau lors des mouvements articulaires. Le craquement et le claquement sont en général audibles et parfois accompagnés d'un mouvement articulaire saccadé apparent au niveau de la face externe de l'articulation. De nombreux auteurs insistent sur le fait que les bruits articulaires ne sont pas symptomatiques d'une DCM s'ils ne sont pas associés à d'autres signes fondamentaux (RUGx et SOLBERG33, 1979 - MORAWA et al.26, 1986). La palpation externe et intra-auriculaire (FINDLAY et KILPATRICK 12, 1960), l'auscultation au sthétoscope, doivent compléter l'examen clinique et l'interrogatoire qui met parfois en évidence des bruits ou des laxités au niveau d'autres articulations. Les tracés électrognathographiques permettent de situer le désordre articulaire sur les différents trajets mandibulaires (BoDIN et ABJEAN8, 1989). Les bruits légers ne provoquent pas toujours de déviation des trajets mandibulaires, l'exaRev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
minateur associe, dans ce cas-là, la palpation à l'examen électrognathographique. 4 - 2 - L'origine des bruits articulaires On peut distinguer deux types d'altérations articulaires : d'une part les altérations fonctionnelles qui font suite à une instabilité occlusale ou à un bruxisme (ABJEAN 1, 1975 ; TRAVELL36, 1983), d'autre part les lésions structurelles, qui en découlent ou trouvent une étiologie génétique ou traumatique (BELL', 1986). La relation entre craquements et malocclusion est fréquente : l'interférence occlusale non travaillante est souvent responsable d'un claquement qu'il est aisé de mettre en évidence lors du mouvement de diduction avec contacts dentaires. La douleur et les altérations des mouvements mandibulaires précèdent presque toujours l'apparition des signes articulaires lorsqu'il s'agit de désordres créés par une mastication unilatérale, un bruxisme, ou une posture (téléphone, som meil). Les altérations structurelles déterminent des désordres qui ont un caractère répétitif. Les claquements sont l'objet de nombreuses hypothèses. Pour certains auteurs, ils sont liés à la présence du disque articulaire* et l'ablation du disque* les fait disparaître. Cependant, MARTIN" (1974) cite DAUTREY, qui après avoir pratiqué plus de cent ablations assure que cette intervention, non physiologique, ne l'a jamais pleinement satisfait. BELL' (1986) affirme que le disque est indispensable à la fonction articulaire puisqu'il joue un rôle actif entre les surfaces condylienne et temporale. Sa partie supérieure permet le mouvement de translation tandis que sa partie inférieure permet la rotation. Si les bruits résultent d'anomalies de rapport entre les surfaces articulaires, on doit par conséquent considérer tous les éléments de l'articulation comme susceptibles d'être à l'origine de désordres fonctionnels. * cf. note des auteurs (p. 289) 295
C. BODIN, J. ABJEAN
Le versant postérieur de l'éminence temporale qui s'articule avec le complexe disque-condyle*. Le disque, qui est maintenu sur la tête condylienne, en arrière par la lame rétrodiscale* qui limite et contrôle le mouvement antérieur, induit par la contraction du muscle ptérygoïdien latéral, et sur ses pôles latéraux par les ligaments latéraux interne et externe qui maintiennent son déplacement dans un plan sagittal. Enfin, le liquide synovial joue un rôle de nutrition et de lubrification. Pour BELL 7(1986), la forme de la cavité temporale, et en particulier l'inclinaison de l'éminence antérieure, est responsable des hypermobilités : une forte pente est un facteur favorisant la dislocation spontanée antérieure du complexe disque-condyle et parfois le blocage à l'ouverture extrême. Une élongation du ligament latéral externe, associée à un amincissement de la partie postérieure du disque provoque un déplacement interne du disque sur le condyle (BELL7, 1986); il en résulte un craquement situé au même niveau sur les trajets effectués en ouverture et en propulsion. Une altération de la partie supérieure du disque provoque un dysfonctionnement lors des mouvements de translation. Par contre une abrasion de sa partie inférieure entrave la rotation. La lame rétrodiscale, composée d'une partie supérieure élastique, subit une élongation lors du déplacement antérieur du disque sur le condyle pendant le mouvement de translation et assure son maintien sur le condyle lors du trajet de retour. Sa partie inférieure ne possède pas de fibres élastiques et joue un rôle de frein pour limiter le mouvement antérieur. Ainsi, une altération de la partie inférieure de la lame associée à une abrasion postérieure du disque peut provoquer une dislocation antérieure du disque par rapport à la tête condylienne ; un craquement articulaire apparaît lorsque le disque se replace sur le condyle, dès le départ de l'ouverture. A contrario, une abrasion antérieure du disque crée une dislocation postérieure. La compression des éléments vasculaires et nerveux situés au niveau du corps de la lame rétrodiscale est douloureuse. En dehors de la mastication, les symptômes sont discrets ; par contre lors de la mastication, une sensation de rétention et un claquement audible se produisent à la fin de la fermeture. Ces signes sont évités en ouvrant et en fermant délicatement la bouche. Beaucoup de patients le font d'ailleurs spontanément car ils identifient souvent le déplacement discal avant que les signes n'apparaissent (BELL7, 1986). * cf. note des auteurs (p. 289)
296
Le chef supérieur du muscle ptérygoïdien latéral pré-
sente une insertion sur le disque et une insertion sur le condyle : son intervention est réduite pendant les mouvements d'ouverture (TRAVELL36, 1983). Il s'agit essentiellement comme antagoniste de la partie supérieure élastique de la lame rétrodiscale : leurs actions s'équilibrent pour placer le disque sur la tête condylienne ; leur incoordination peut donc être responsable de craquements en fin de cycle de mastication homolatérale. Le ptérygoïdien latéral est aussi composé d'un chef inférieur : l'incoordination d'action entre les deux chefs inférieur et supérieur provoque un déplacement non simultané du disque et du condyle qui entrave l'harmonie des mouvements mandibulaires. Comme dans toutes les articulations, les mouvements des surfaces osseuses sont rendus possibles par la présence du liquide synovial. Au niveau de l'ATM, il existe en fait deux cavités articulaires et les cellules synoviales sont concentrées dans les portions antérieures et postérieures des espaces articulaires supérieur et inférieur. Le liquide synovial a des caractéristiques proches de celles du sang et de la mucine (acide hyaluronique) et peut subir une altération de ses constantes biologiques : diminution du pH et augmentation de l'acidité, augmentation de la pression CO' et diminution de la pression partielle en 02 , augmentation de la portion aqueuse qui a pour effet de diminuer la viscosité du liquide, augmentation en protéine, en fibrine, diminution en glucose... (GRIFFIN et HARRIS 17, 1973). Outre les variations biologiques, la cavité articulaire peut subir des variations de pression. La pression intra-articulaire passive est le reflet de l' action musculaire : à une pression inter-articulaire minimale correspond une activité musculaire minimale. Elle peut augmenter sous l'effet des contractions des muscles élévateurs et des tensions émotionnelles, particulièrement lors du bruxisme ou en cas d'édentation unilatérale. L'interférence discale due à cette augmentation de pression se produit de façon soudaine et variable. Elle est à mettre en parallèle avec l' apparition et la disparition des tensions émotionnelles (BELL7, 1986). YAVELOW et ARNOLD38 (1971) pensent que les claquements peuvent également être causés par des mouvements du liquide synovial à l'intérieur des cavités articulaires. L'asynchronisme du jeu musculaire change les voies habituellement suivies par le liquide lors des mouvements articulaires. Ces auteurs évoquent aussi l'existence d'un « vide » intra-articulaire qui peut provoquer un claquement de la même manière que la traction sur une phalange. Les anomalies articulaires peuvent être causées par des altérations structurelles. Si les parties temporale et Rev Orthop Demo Faciale 23: 289-299, 1989
La dysfonction cranio-mandibulaire
condylienne ont la même origine embryonnaire, elles ne subissent pas la même différenciation. On peut ainsi trouver une petite fosse temporale associée à une tête condylienne volumineuse. Les anomalies de croissance, de remodelage, les dysharmonies occlusales chroniques, les traumatismes ou les immobilisations
articulaires controlatérales créent des modifications anatomiques des structures osseuses incompatibles avec le bon fonctionnement articulaire. L' altération des mouvements mandibulaires, associée ou non à des craquements articulaires, présente un caractère répétitif et incontrôlable par le patient.
5 – LES TROUBLES DE LA POSTURE Tonus, posture et motricité sont étroitement liés à l' activité contractile (Douro ", 1988). En effet, les réflexes toniques cervicaux n'agissent pas seulement sur les muscles du tronc et des membres mais aussi sur la posture mandibulaire et sur les globes oculaires. La tête et le cou se positionnent au mieux pour amener le visage et le regard dans la posture la plus normale. L'ampleur de la rotation du corps tout entier semble être régie par le regard et la distance qu'il peut appréhender. Quelle que soit la fonction, la peau du cou, de la face et du crâne doit être libre en permanence sur les plans sous-jacents (DoLro", 1988). Pour évaluer la posture, le patient est invité à se
déchausser : l'harmonie de la marche, la hauteur des épaules, du bassin, la position des membres supérieurs, de la mandibule par rapport à l'axe du corps, l'inclinaison de la tête sur le cou sont soigneusement notées. Dans un deuxième temps, le patient ferme les yeux pour que le praticien puisse observer l'équilibre postural ainsi que le balancement du corps. Des cicatrices rétractiles peuvent entraver la position de la tête, en l'inclinant du côté homolatéral. Le raccourcissement d'un membre inférieur, une scoliose, une polyarthrite, peuvent imposer une posture asymétrique avec retentissement cervico-facial. Une atteinte de l'oreille interne peut induire une perte d'équilibre.
6 – CONCLUSION
Les symptômes de dysfonction cranio-mandibulaire (DCM) ne sont pas spécifiques s'ils sont considérés séparément (MoRAwA26, 1986). Ils peuvent avoir une étiologie différente. GIBILiseo 15 (1983) cite l'hypermobilité mandibulaire comme un symptôme du syndrome d'EHLERS-DANLOS où elle est associée à l'hyperlaxité de la peau et à une fragilité cutanée. Il note aussi que l'innervation du muscle tenseur tympanique et du ptérygoïdien médian sont identiques et que l'examen ORL fait partie des éléments qui conduisent à l'établissement du diagnostic étiologique. Les douleurs cervicales antérieures accompagnées de troubles de la déglutition peuvent être associées à des douleurs référées du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien mais aussi à une étiologie oesophagienne : une fibroscopie, un examen ORL orientent le diagnostic. Enfin il ne faut pas sous-estimer les étiologies qui sont communes aux autres articulations. Les plus importantes sont la polyarthrite, les maladies du tissu conjonctif, les maladies dégénératives des articulations, les rhumatismes non articulaires, les syndromes rhumatismaux associés aux maladies infectieuses, les Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
désordres d'origine neurologique, les anomalies biochimiques ou endocrines. Les ostéomes ou ostéochondromes sont rarement localisés au niveau des ATM, mais on doit se souvenir que les tumeurs peuvent être localisées dans le naso-pharynx ou dans l'oreille et donner des signes similaires à la DCM. La dysfonction musculaire peut être prolongée et augmentée par le comportement du patient. Le stress augmente la tension musculaire et favorise l' apparition des contractures et de la douleur (GELS 14, 1983). Selon TRAVELL 36 (1983), les patients souffrant de DCM répondent aux inductions expérimentales de stress par une augmentation de l' activité électromyographique des masséters et des muscles frontaux ainsi que des muscles gastriques, une augmentation de la conduction peaucière, et une augmentation du rythme cardiaque. La vigilance s'impose donc à tous les stades de l' interrogatoire : antécédents médicaux, thérapeutiques, familiaux, mode d'apparition des signes, ainsi qu'à l'examen clinique, dentaire, buccal, facial et régional (PALCHICK29, 1983). Les examens complémen297
C. BODIN, J. ABJEAN
taires sont indispensables dès lors que l'ensemble des symptômes ne permet pas de poser avec certitude le diagnostic de DCM. L'inquiétude du patient qui ne trouve pas de solution à sa souffrance et à son inconfort grandit avec les échecs thérapeutiques : il est d'autant plus difficile à convaincre de se soumettre aux consultations et examens spécialisées. La chronicité des signes et en particulier la douleur est péniblement supportée. L'enquête d'AGERBERG et
HELKIMO 3
(1987) nous permet de constater que 40% des sujets atteints de DCM jugent leur état modéré, mais un tiers des patients s'estiment sévèrement atteints, ce qui conduit la moitié des individus à souhaiter un traitement aussi rapidement que possible. Un patient sur douze le demande immédiatement. Il ne faut donc pas négliger de traiter le problème de la douleur : en la diminuant. Les antalgiques et les antiinflammatoires favorisent l'accès aux thérapeutiques occlusales et physiques.
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J. : Pitfalls of muscle palpation in TMJ diagnosis. J Prosthet Dent 48 : 331, 1982. 14 GELB, H.: Present-day concepts in diagnosis and treatment of craniomandibular disorders. NY Dent J 51: 266-271, 1983. 15 GIBILISCO, J.A. : Management of temporomandibular joint disorders associated with systemic disease. Dent Clin North Am 27 : 457-478, 1983. 16 GREENE, C.S., LERMAN, M.D. : The TMJ pain dysfunction syndrom. JAm Dent Assoc 79 : 1168, 1969. 17 GRIFFIN, C.J., HARRIS, R. : Innervation of the temporomandibular joint. Aust Dent J 20 : 78, 1973. 18 GRIFFITHS, R.: Repot of the president's conference on the examination, diagnosis and managment of temporomandibular disorders. JAm Dent Assoc 106 : 75-77, 1983. 19 GROSFELD, O., CZARNECKA, B.: Musculo-articular disorders of the stomatognatic system in school children examined according to clinical criteria. J Oral Rehabil 4 : 192-200, 1977. 20 JEANMONOD, A. : La contribution de la restauration prothétique à la prophylaxie et au traitement du syndrome algo-dysfonctionnel temporo-mandibulaire. Thèse Doct. Sci. Odontol., Paris-VII, 1973. 21 JOHNSTONE, D.R., TEMPLETON, M. : The feasibility of palpating the lateral pterygoid muscle. J Prothet Dent 4 : 318-323, 1980. 22 MARTIN, G.: La tomographie sélective dans le diagnostic du syndrome algo-dysfonctionnel de l'articulation temporo-mandibulaire, Thèse Doct. Sci. Odontol., Nancy, 1974. 23 — MAZARS, G.: L'homme sans douleurs. CalmannLévy éd., Paris, 1988. 24 — MONGINI, F.: The stomatognathic system (pp. 149175). Quintessence ed., Chicago, Berlin, London, 1984. 25 — MELZACK, R., DENNIS, S. : Neurophysiological founFRIEDMAN, M.H., WEISBERG,
Rev Orthop Dento Faciale 23: 289-299, 1989
L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire.
Christiane BODIN José ABJEAN
RÉSUMÉ L'électrognathographie mesure de façon précise, dans les trois plans de l'espace, l'amplitude des mouvements mandibulaires extrêmes et des mouvements d'analyse avec contacts dentaires. Elle met en évidence les déviations et/ou altérations des trajets mandibulaires. Elle permet également de situer les craquements articulaires sur les tracés. La comparaison des amplitudes et des directions des différents tracés électrognathographiques contribue à l'établissement du diagnostic de la dysfonction craniomandibulaire. Enfin, l'électrognathographie permet de contrôler les résultats des traitements de la dysfonction alors que l'examen de la douleur, de la sensibilité à la palpation musculaire et/ou articulaire ainsi que des bruits articulaires font place à l'interprétation personnelle.
MOTS CLÉS Électrognathographie — Mouvements mandibulaires — Dysfonction cranio-mandibulaire.
J. ABJEAN — Laboratoire de physiologie de l'occlusion, C.S.T.D C.H.U.R., rue A. Le Faux, 29200, Brest. C. BODIN « Le Britanny », avenue du Président Sadate, 29000,
L'étude des mouvements mandibulaires et condyliens a été entreprise par de nombreux auteurs, parmi lesquels nous citerons ABJEAN et KORBENDAU3 (1971), AHLGREN4 (1966), GUICHET 10 (1969), LEWIN et al. 1416 (1974, 1976, 1978), Mac COLLUM18 (1955), MAN20 (1967), POSSELT22 (1966), VAN RENSBURG29 (1982).
Quimper.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
En 1985, LEWIN'7 conçoit et réalise
en collaboration avec SIEMENS A.G. un appareil d'enregistrement des déplacements du point interincisif mandibulaire au cours de la fonction : l'électrognathographe ou « sirognathographe ». Nous utilisons ce type de matériel comme moyen diagnostique des dysfonctions cranio-mandibulaires, ainsi que comme moyen de contrôle de nos traitements. 301
C. BODIN, J. ABJEAN
1 — MATÉRIEL ET MÉTHODE
Figure 1 L'aimant est situé sur les incisives inférieures dans le plan sagittal médian.
Figure 2 L'aimant et les supports horizontaux de l' attelage crânien doivent être parallèles et alignés sur la ligne bipupillaire du patient.
L'appareil comporte une partie intrabuccale sous la forme d'un aimant permanent de faible encombrement (5 x 6 x 9 mm) qui n'entrave pas les mouvements mandibulaires. L'aimant permanent, convenablement orienté à l'aide de ses deux pôles colorés distinctement en bleu et rouge est généralement collé sur la face vestibulaire des incisives mandibulaires, dans le plan sagittal médian (fig. 1). Parfois, en présence de malpositions, de mobilités dentaires ou de recouvrement incisif important, il est situé sur la gencive, toujours dans le plan sagittal médian. Son grand axe est maintenu parallèle aux supports horizontaux de l'attelage pour éviter l'enregistrement de déviations parasites.
La console électrique à laquelle est relié l'attelage crânien traite les signaux électromagnétiques créés par le déplacement de l'aimant. Ils y sont convertis en signaux électriques de telle sorte qu' amplitude et tension électrique varient de façon linéaire dans les limites du champ magnétique donné par le constructeur : un mouvement de 1 cm produit une tension de 1 Volt. L'opérateur sélectionne l'échelle (X1, X2, X5) et le plan d'enregistrement sur la console électrique (fig. 4). Les mouvements d'ouverture et de fermeture sont enregistrés dans le plan frontal et sagittal, les mouvements de latéralité dans le plan frontal, les mouvements de propulsion dans le plan horizontal et les cycles masticateurs dans les plans frontal et sagittal. La mise à zéro » détermine la position de départ de l'aimant ; le patient est alors L'attelage crânien compose la partie extra-orale. Il porte huit récepteurs électromagnétiques distribués symétriquement sur deux antennes latérales, fixées à la tête par des sangles occipitale et pariétale. Les supports horizontaux latéraux de l'attelage (plan sagittal) sont orientés parallèlement au sol. Le support horizontal supérieur (plan frontal) est aligné sur la ligne bipupillaire du patient. Les antennes sont réglées horizontalement de sorte qu'elles soient ,~ S~i~ équidistantes de l'aimant permanent. a La branche horizontale inférieure, _. support des antennes (plan frontal), est réglée verticalement à l'aide d'une tige amovible : elle situe ainsi l'aimant à l' intérieur de l'espace délimité par les champs magnétiques. Par souci d'exactitude, un contrôle de mesure des amplitudes est effectué pour vérifier l' analogie des valeurs graphiques et cliniques. Les échelles gravées sur les supports verticaux et horizontaux de l' Figure 4 attelage crânien permettent de noter L'opérateur sélectionne les plans et les les réglages et donc de comparer les échelles d'enregistrements graphiques. enregistrements (fig. 2 et 3). --------------
Figure 3 Vue de profil: les supports horizontaux sont orientés parallèlement au sol.
302
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire
D'une part, avec les tracés des mouvements mandibulaires d'analyse : diductions centrifuges (fig. 6) et propulsion (fig. 7) exécutées à partir de la position intercuspidienne en mainte nant les contacts dentaires. D' autre part, avec les tracés des mouvements extrêmes : ouverture maximale suivie de la fermeture, diductions et propulsion ,sans contacts dentaires. Ces mouvements extrêmes sont exécutés à partir de la position clinique de repos jusqu'aux limites des possibilités musculaires et articulaires. Par commodité, les mouvements mandibulaires sont enregistrés dans l' ordre établi sur la fiche clinique du service d'occlusodontie et du laboratoire de physiologie de l'occlusion du centre de soins et de traitements dentaires de Brest (ABJEAN, LE GALL) (fig. 8). Ainsi sont étudiés successivement : — les tracés d'ouverture et de fermeture ; — les tracés des diductions centrifuges, avec et sans contacts dentaires ; — les tracés des propulsions, avec et sans contacts dentaires.
en position d'intercuspidation maximale (P.I.M.). Pour l'enregistrement des cycles masticateurs, le patient mastique une barre de chewing-gum pendant un temps déterminé. Le volume et la consistance du chewing-gum sont quasi constants et permettent des enregistrements comparables.
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Figure 5 Enr egistre me nt d'une ou v e r t u r e d e 37mm présentant une déviation droite de 4mm.
La table traçante, reliée à la console, est pourvue d'un stylet encreur qui transcrit graphiquement les amplitudes des mouvements mandibulaires. Ces enregistrements sont vus de la position du patient et sont donc lus directe ment : une déviation clinique droite s' inscrit à droite du point de départ du tracé (fig. 5). Les mouvements mandibulaires peuvent être classés d'après la direction principale du déplacement du point interincisif médian. ABJEAN et DEPAGNE 2 (1974) distinguent ainsi d'une part les mouvements fondamentaux, et d'autre part les mouvements limites ou extrêmes. Les enregistrements électrognathographiques répondent à cette distinction.
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Figure 7
Le mouvement de latéralité centrifuge.
Le mouvement de propulsion.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313. 1989
Figure 8 Fiche clinique du Laboratoire de physiologie de l'occlusion. CHR Brest (ABJEAN, LE GALL).
303
C. BODIN, J. ABJEAN
2 — RÉSULTATS 2 -1 - Ouverture. Fermeture Les tracés enregistrés dans le plan frontal YZ permettent d'observer de nombreux types d'ouverture et d' établir une relation avec la fonction ou la dysfonction musculaire et/ou articulaire. 2 - 1 - 2 - L'ouverture normale Elle est égale ou supérieure à 40 mm (POSSELT 23 , 1971 — KROGH-POULSEN 12• 13, 1966, 1968 — CLARK7, 1987).
— soit des masséters profonds ou superficiels ; — soit une association de plusieurs muscles élévateurs. Exceptionnellement, la limitation de l' ouverture est due à un blocage symétrique des deux articulations par luxation simultanée ou blocage des deux disques articulaires* ou altération structurelle. Elle peut aussi résulter d'une association des dysfonctions musculaire et articulaire (fig. 10).
2 - 1 - 4 - L'ouverture limitée et déviée L'amplitude est inférieure à 40 mm. Le tracé est dévié. La déviation peut être causée : — soit par la contracture des mus2 - 1 - 3 - L'ouverture limitée des élévateurs : masséter, temporal du côté de la déviation ; rectiligne soit, plus rarement, par le ptéryElle est inférieure à 40 mm. Elle — goïdien latéral ou médian du côté signe une contracture symétrique des opposé à la déviation, en association muscles élévateurs : avec une contracture des muscles élé— soit des temporaux antérieurs, ou vateurs ou un blocage de l'ATM du moyens, ou postérieurs ; côté dévié (fig. 11). Rectiligne, elle s'inscrit dans le plan sagittal médian, avec de part et d'autre un degré de tolérance de 2 mm (fig. 9).
* cf. note des auteurs (p. 289)
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Figure 9 Ouverture normale de 40 mm, sans déviation.
304
Figure 10 Ouverture limitée à 25 mm, due à une contracture symétrique des masséters superficiels.
Figure 11 Ouverture limitée et déviée à gauche par la contracture du masséter gauche.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire
2 - 1- 5 - L'ouverture non limitée, déviée L'amplitude est égale ou supérieure à 40 mm. Le tracé n'est plus rectiligne et quitte le plan sagittal médian. La déviation est provoquée essentiellement par la contracture du ptérygoïdien externe du côté opposé parfois accompagnée d'un craquement articulaire (fig. 12). L'ouverture est parfois très supérieure à la normale. Elle peut atteindre 60 à 70 mm. Il existe une pause avant la pleine ouverture et une déviation finale souvent accompagnée de bruits articulaires et de gêne. Pour BELL5 (1983), une forte pente de l'éminence articulaire prédispose à l' hypermobilité, qui à son tour favorise la dislocation antérieure spontanée du complexe disque-condyle. 2 -1- 6 - L'ouverture d'abord déviée, superposée ensuite à la ligne médiane
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Figure 12 Ouverture non limitée mais déviée à gauche par la contracture du ptérygoïdien latéral droit, accompagnée d'un craquement articulaire.
Le ressaut signe une interférence du disque* articulaire. Il est fonction de la localisation de l'altération du disque, de l'élongation du tissu rétrodiscal*, de l'intégrité des ligaments latéraux et de la coordination des chefs du ptérygoï-
dien latéral (BELL6 1986). Lorsque la luxation discale se réduit, le tracé d' ouverture se replace dans le plan sagittal médian (fig. 13). Les recherches arthrographiques de TOUER (1974) citées par BELL6 (1986) montrent que l'élongation du ligament latéral externe, associée à l'abrasion postérieure du disque, sont probablement responsables des craquements à l' ouverture, plutôt que le condyle luimême : l'interférence articulaire est alors le résultat d'une obstruction mécanique du disque due à son déplacement latéral. HELLSING et HOLMLUND11 (1985), après de nombreuses études sur cadavres, concluent que l'hypothèse habituelle du blocage du condyle en arrière du disque articulaire qui se déplace en avant est très improbable. Ils considèrent même que de légers déplacements antérieurs du disque sur le condyle sont physiologiques. Pour BELL6 (1986), lorsque le claquement à l'ouverture est situé du côté fonctionnel lors de la mastication et qu'il est contrôlable par le patient en déplaçant latéralement la mandibule, il est associé à un déplacement fonctionnel du disque. 2 -1- 7 - La fermeture déviée
Le tracé d'ouverture est normal. La déviation se produit sur le trajet de fermeture. Elle peut être provoquée par la contraction prédominante d'un ou plusieurs muscles élévateurs situés du côté incriminé (temporal antérieur, médian, postérieur, masséter profond et superficiel) mais surtout par la contracture du ptérygoïdien médian ou un retard de repositionnement du complexe disque-condyle du côté opposé (fig. 14). 2 -1- 8 - La déviation « réciproque»
Pour BELL6 (1986), un claquement articulaire réciproque se produit au Figure 13 Ouverture déviée à gauche par une dislocation du disque articulaire gauche.
Figure 14 Déviation gauche à la fermeture, provoquée par la contracture du ptérygoïdien médian droit.
Rev Orthop Dento Faciale 2 3 : 301-313, 1989
* cf. note des auteurs (p. 289)
305
C. BODIN, J. ABJEAN
même niveau à l'ouverture et à la fermeture. Il se situe du côté opposé à la fonction lors de la mastication et est accompagné d'une déviation incontrôlable par le patient : il est synonyme d' une incompatibilité structurelle articulaire (fig. 15).
plomb, essentiellement au niveau des dents cuspidées ; — soit par des gênes fonctionnelles : interférences occlusales, mobilités dentaires (fig. 17) ; — soit par des altérations articulaires structurelles qui limitent le déplacement du disque et du condyle.
2 - 2 - 3 - Diductions centrifuges déviées Des interférences occlusales travailLes tracés électrognathographiques lantes ou non travaillantes sont resde diductions également étudiés dans ponsables des déviations (fig. 18). La le plan frontal YZ sont : déviation peut aussi, mais rarement, — d'une part, les tracés des r,.'uve- être causée par une dysfonction discale ments mandibulaires d'analyse ou qui crée un obstacle sur le trajet de diductions centrifuges. Ils sont exécu- latéralité. L'étude comparative des tés avec contacts dentaires, à partir de tracés de latéralité avec et sans contacts la position d'intercuspidation dentaires permet d'établir un maximale (P.I.M.); diagnostic différentiel. — d'autre part, les tracés des mouvements mandibulaires extrêmes en latéralité. Ils sont exécutés sans Y x ~ii contacts dentaires. Le point de départ ( point de référence) est la P.I.M., suivie d'un désengrènement qui permet à la mandibule de réaliser un mouvement extrême.
2- 2 - Diductions
Figure 15 Déviation réciproque: la déviation du trajet d'ouverture et de fermeture se font au même niveau.
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Figure 16a Tracé de « fonction groupe ».
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Figure 16 b Tracé de «fonction canine ».
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2 - 2 -1 - Diductions centrifuges normales Elles sont conditionnées par le guidage dentaire antéro-latéral. L'amplitude des tracés est fonction du recouvrement et du surplomb (fig. 6) : — les fonctions latérales de groupe donnent des tracés de diduction plats, caractéristiques des reliefs cuspidiens abrasés et des béances (fig. 16 a) ; — dans les cas de fonction canine, les trajets présentent une pente plus marquée (fig. 16 b). Les trajets, qu'ils soient plats ou accentués, sont harmonieux. 2 - 2 - 2 - Diductions centrifuges limitées L'amplitude des mouvements est limitée : -- soit par le relief cuspidien : fort recouvrement latéral, et faible sur
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Figure 17 Tracé de diduction centrifuge gauche limitée par une mobilité dentaire. Le tracé de diduction droite est normale.
Figure 18 Tracés de diductions centrifuges altérées à droite et surtout à gauche par des interférences molaires non travaillantes. Rev Orthop Demo Faciale 23: 30/-313, 1989
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L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire
Figure 19 Tracés harmonieux de mouvements de diductions extrêmes d'amplitudes normales.
Figure 20 Mouvement perturbé et limité à gauche, provoqué par une contracture du temporal postérieur gauche.
2 - 2 - 4 - Diductions extrêmes, limite l'amplitude du mouvement ou normales par une dysfonction articulaire ; élongation du ligament latéral Les capacités fonctionnelles du pa- • externe et obstruction du disque au tient déterminent l'amplitude des tracours du trajet. jets de diductions sans contacts denincompatibilité structurelle des taires. L'amplitude, égale ou supérieure • à 7 mm (KROGH-PouLSEN'2,'3 1966, surfaces articulaires qui limite la laté1968 — CLARK7), ainsi que l'aspect ralité ainsi que les autres mouvements harmonieux des tracés caractérisent la mandibulaires ; normalité. Les diductions extrêmes, • élongation de la lame rétrodiscale sans contacts dentaires, mettent donc associée à la contraction du chef supéen évidence une bonne ou une mau- rieur du ptérygoïdien externe qui dévaise fonction musculaire et/ou articu- place le disque en avant et provoque sa luxation en début de mouvement et laire (fig. 19). limite ainsi le trajet du condyle ; 2 - 2 - 5 - Diductions extrêmes — du côté du mouvement : limitées et/ou déviées • La contracture du ptérygoïdien latéral, une douleur due à la compresL'aspect perturbé et limité des tracés sion du corps de la lame rétrodiscale ( est à mettre en relation avec une dysdislocation postérieure du disque artifonction située : culaire) des anomalies structurelles peuvent limiter le mouvement du — du côté opposé au mouvement : • elle est causée par une contracture condyle en arrière ; d'où l'importance du temporal moyen ou postérieur de la palpation des sites musculaires et articulaires concernés. (fig. 20) ou du masséter profond qui
3 — PROPULSIONS
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Les tracés électrognathographiques de propulsion sont étudiés dans les plans horizontal XY et sagittal 7X. Ils comprennent : — d'une part, les tracés des mouvements mandibulaires d'analyse. Ils sont exécutés avec contacts dentaires, à par tir de la P.I.M. jusqu'au bout à bout incisif ; — d'autre part, les tracés des mouvements mandibulaires extrêmes en propulsion. Ils sont exécutés sans contacts dentaires. Le point de départ ( point de référence) est la P.I.M., suivie d'un désengrènement qui permet à la
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
mandibule de réaliser le mouvement extrême. 3 -1 - Propulsion avec contacts, normale L'amplitude du mouvement est conditionnée par le guide incisif, déterminé par le surplomb et le recouvrement (fig. 7). Dans le plan horizontal, les tracés normaux sont rectilignes et situés sur la ligne sagittale médiane (fig. 21). Dans le plan sagittal, l'amplitude des tracés varie avec le recouvrement. 307
C. BODIN, J. ABJEAN
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L'harmonie des trajets est aussi déter— du côté opposé à la déviation, par minée par le relief et l'inclinaison des une contracture du ptérygoïdien laté faces palatines des incisives supérieures ral ou médian. qui guident la propulsion (fig. 22 a et Pour établir un diagnostic, il est 22 b). nécessaire d'effectuer la propulsion ex trême sans contacts dentaires (fig. 24) . 3 - 2 - Propulsion avec contacts, limitée 3 - 4 - Propulsion extrême, norLes tracés sont limités et parfois nuls male dans les cas de faible surplomb et de fort recouvrement : ils signent une Les capacités fonctionnelles muscupente incisive marquée (fig. 23 a et laires et articulaires du patient déter23 b). minent l'amplitude du trajet de propulsion sans contacts dentaires. L'amplitude normale est égale ou supérieure à 7 mm (KROGH-POULSEN 13, 1968 3 - 3 - Propulsion avec contacts —CLARK',1987). Rectiligne, elle s' déviée inscrit dans le plan sagittal médian ( Elle est causée par des interférences fig. 21). occlusales travaillantes ou non travailL'association d'une propulsion avec lantes : contacts, déviée, et d'une propulsion — du côté de la déviation, elle est extrême non déviée signe la présence parfois provoquée par une dysfonction d'interférences occlusales (fig. 25). articulaire : • altération structurelle unilatérale des surfaces (à associer avec les limita tions des autres mouvements mandi~*~.m.~._L._ _ - ,• __~ bulaires), obstacle discal dû à l'élongation des fibres du ligament latéral externe, dislocation antérieure du disque; • ou une dysfonction musculaire : temporal postérieur, ou moyen, qui retient le condyle. -.
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Figure 22 a Dans le plan sagittal médian, le tracé du mouvement de propulsion ainsi que des cycles masticateurs signe un recouvrement et un surplomb incisifs importants.
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Figure 22 b Ce tracé de propulsion présente un minimum de relief il est associé à une béance incisive.
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Figure 24 Propulsions, avec et sans contacts, déviées à gauche par un blocage articulaire gauche. Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire
opposé à la déviation soit : le ptérygoïdien latéral, ou le masséter superficiel Elle signe une contraction muscu- ou encore le ptérygoïdien médian ; laire des rétracteurs temporaux postérieurs et moyens, ou des masséters pro — les muscles rétracteurs, du côté de la fonds (fig. 26). Elle peut aussi signifier déviation : soit les temporaux postéune dysfonction articulaire symétrique. rieur et moyen, ou le masséter proL'examen des mouvements latéraux fond, ou encore le digastrique posextrêmes permet d'éliminer cette éven- térieur. tualité. Des dysfonctions articulaires identiques à celles que nous avons citées Propulsion extrême, déviée lors de la propulsion avec contacts, déviée, entraînent aussi une altération Deux groupes de muscles peuvent des trajets de propulsion sans contacts être responsables de la déviation : dentaires (fig. 27). — les muscles propulseurs, du côté 3 - 5 - Propulsion extrême, limitée
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Figure 27
Figure 26 Propulsion extrême limitée due à une contracture des temporaux postérieurs et moyens droit et gauche.
Propulsion extrême déviée à gauche par une contracture du temporal postérieur homolatéral.
4 — DISCUSSION
Les dysfonctions de l'appareil manducateur sont habituellement décrites en quatre signes cardinaux (AB.IEAN', 1975): — la douleur : elle siège le plus fréquemment dans la région de l'articulation temporo-mandibulaire, les régions temporales ou massétérines. Elle se traduit par une sensibilité accompagnée d'une gêne articulaire ou d'une fatigue musculaire. Parfois, la douleur peut être située à distance (TRAVELL2S, 1983) ;
leurs sites de douleurs référées (TRAVELL28, 1983) ;
— les bruits articulaires au cours des déplacements condyliens ; — la limitation ou l'altération des mouvements mandibulaires. D'autres symptômes généraux peuvent s'associer à ces quatre signes fondamentaux: GOODFRIEND9 (1933) cite HARRIS, THONNER, et WRIGHT, qui signalent des signes auriculaires en rapport avec des malocclusions. SARNAT27 (1967) note des modifications de — la sensibilité à la palpation : elle la sécrétion salivaire, PERRY22 (1967) met en évidence les « trigger points » et rappelle que les muscles de la langue
Rev Orthop Demo Faciale 23: 301-313, 1989
309
C. BODIN, J. ABJEAN
participent aux fonctions du système manducateur et peuvent être le siège de spasmes et de douleurs. TRAVELL28 (1983) y ajoute des signes secondaires au niveau des zones de référence : hyperalgies ou hyperesthésie cutanées, des modifications proprioceptives, des manifestations pilo -motrices, parfois même des incoordinations motrices. L'efficacité des traitements effectués sur les sujets atteints de dysfonction cranio-mandibulaire se mesure avec la réduction ou la disparition des signes observés. RUGH et SOLBERG26 (1979) constatent que le degré de douleur décrit par les patients n'a que peu de proportion avec l'étendue effective des tissus lésés. RAMFJORD et Asi25 (1971) mentionnent que près de 5 % des patients souffrant de dysfonction de l' articulation temporo-mandibulaire ont besoin d'une évaluation psychique. La lassitude, la fatigue et l'état de stress ne permettent donc pas une appréciation objective des douleurs évoquées. La sensibilité à la palpation dépend de l'habileté du praticien ainsi que de l'état de contracture du muscle incriminé à un instant donné. Les sites
de palpation sont eux-mêmes discutés selon les auteurs : le ptérygoïdien médian est impalpable pour RABISCHONG 24 (1987), mais discernable pour TRAVELL28 (1983). Les bruits articulaires sont d'intensité variable : discrets, ils ne sont perçus que par le patient ou au stéthoscope (MARTIN 19, 1974). Constants ou intermittents, ils sont sujets à interprétation par le praticien. Enfin de nombreux auteurs (RAMFJORD et ASH25, 1971 - RUGH et SOLBERG26, 1979) constatent que les bruits articulaires ne sont pas symptomatiques d'une dysfonction articulaire s'ils ne sont pas associés à d'autres signes cliniques. Les mouvements mandibulaires sont appréciés par la mesure de leur amplitude et de leur déviation. L'électrognathographie trouve donc une place de choix comme moyen d'évaluation clinique des dysfonctions de l'appareil manducateur. Les enregistrements successifs permettent de déterminer l' évolution cinétique des mouvements et de contrôler l'efficacité des traitements.
5 — INTÉRÊT DE L'ÉLECTROGNATHOGRAPHIE COMME MOYEN DIAGNOSTIQUE ET CONTRÔLE THÉRAPEUTIQUE
5 -1 - L'électrognathographie est ques permet de mettre en évidence les un moyen d'investigation des mouve- perturbations cinématiques dans les ments mandibulaires qui contribue à l' trois plans, frontal, horizontal et sagit-
établissement du diagnostic étiologique : musculaire et/ou articulaire. La palpation complète l'examen en situant les territoires sensibles. Enfin, la scannographie confirme la présence de lésions osseuses structurelles. Mais la douleur se manifeste parfois à distance des muscles incriminés (douleur référée), et le diagnostic est alors plus difficile à poser. La comparaison des amplitudes et des directions des différents tracés électrognathographi 310
tal, et d'orienter le diagnostic. Ainsi, M. G... vient consulter pour une douleur qu'il situe dans la région pré-auriculaire. Il présente une ouverture limitée à 37 mm, déviée à droite de 7 mm (fig. 28 a). Une contracture des élévateurs droits ou un blocage de l'A. T.M. du même côté peuvent être incriminés. Le tracé de propulsion sans contacts dentaires est d'amplitude normale (8 mm) mais dévié à gauche de 2 mm (fig. 28 b). Les condyles se Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
L'électrognathographie. Intérêts diagnostique et thérapeutique dans la dysfonction cranio-mandibulaire
déplacent normalement. Il n'existe donc pas de contracture des temporaux postérieurs ni de blocage de l'A.T.M. qui limiteraient le mouvement. Le patient présente en fait une contracture du masséter superficiel droit qui explique la déviation à droite lors de l'ouverture et le léger décalage à gauche lors de la propulsion. La palpation du muscle présente une sensibilité qui confirme le diagnostic.
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Figure 29 a
Figure 28 a Lae déviation droite à l'ouverture...
L'ouverture limitée à 35mm est déviée de 4 mm à droite par une contracture du temporal antérieur homolatéral...
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Mme H... se plaint d'une douleur dans la région temporale antérieure droite. Le tracé d'ouverture est limité à 38 mm et dévié de 4 mm à droite (fig. 29 a). L'examen de la propulsion avec contacts dentaires met en évidence une déviation droite de 4 mm, tandis que la propulsion sans contacts est rectiligne, sauf dans son trajet immédiat correspondant à la phase de désocclusion (fig. 29 b). La déviation en propulsion avec contacts dentaires est due à des obstacles occlusaux qui interfèrent sur le mouvement d' incision et qui expliquent la douleur au niveau du temporal antérieur droit. Par contre, les muscles responsables de l'ouverture sont peu concernés. La contracture du temporal antérieur droit explique aussi la déviation du même côté en début d'ouverture. La palpation des muscles confirme une sensibilité significative au niveau du muscle incriminé. L'intérêt diagnostique de l'électrognathographie est également évident en présence de craquements articulaires. Les tracés permettent de situer avec précision le niveau de l' interférence du complexe disquecondyle (fig. 30).
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Figure 28 b t une déviation gauche lors de
propulsion sans contacts sont provoquées par une contracture du ++.sséter superficiel droit... Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
Figure 29 b ... provoquée par des contacts dentaires qui interfèrent sur le mouvement d'incision.
Figure 30 Le tracé électrognathographique situe avec précision le craquement articulaire.
311
1 C. BODIN, J. ABJEAN
Figure 31 a La déviation et la limitation d'ouverture...
5 - 2 - L'électrognathographie permet de contrôler les résultats des traite ments de la dysfonction, alors que la douleur, la sensibilité à la palpation ainsi que les bruits articulaires font place à l'interprétation personnelle. M. K... vient consulter pour des douleurs situées dans la région articulaire droite, accompagnées d'une limitation de l'ouverture à 24 mm, déviée à droite de 5 mm (fig. 31 a). La palpation met en évidence une contracture du masséter profond droit secondaire à un bruxisme en rétrusion du côté droit. Le port nocturne d'une gouttière d ' ABJEAN (ESVAN8, 1988) fait disparaître la douleur et améliore la cinématique mandibulaire de façon significative (fig. 31 b). M. C... présente des tracés protrusifs
irréguliers et déviés à gauche (fig. 32 a). Le ptérygoïdien latéral droit et le masséter profond gauche sont impliqués dans un bruxisme antéro-latéral gau che. Le port d'une gouttière occlusale d 'ABJEAN complétée par un ajustement occlusal a réduit le bruxisme et son effet sur l'activité musculaire (fig. 32 b). La douleur est soumise à des variations d'intensité émotionnelle. Sa disparition seule ne peut être significative d'une réussite thérapeutique. Le signe le plus objectif d'un succès est l'amélio ration des mouvements mandibulaires : l'électrognathographie permet de l' évaluer de même qu'elle contribue à rassurer le patient qui découvre la signification des doléances qui l'ont amené à consulter.
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Figure 31 b ... sont réduites par le port de la gouttière.
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Figure 32 a Les trajets de propulsion...
Figure 32 b ... sont améliorés par le port de la gouttière, complété par un ajustement occlusal.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 301-313, 1989
Récidive orthodontique et dérive centripète
Julien PHILIPPE
RÉSUMÉ La récidive à court terme s'explique le plus souvent par l'absence de maîtrise des facteurs physiologiques qui conditionnent la réussite du traitement orthodontique. Mais la forme des arcades change toute la vie: leur taille diminue et des malpositions incisives apparaissent. On assiste à une « dérive centripète » de la denture. L'auteur la suppose en rapport avec les modifications de la statique céphalique et l'évolution des muscles de la face. Faut-il prévoir une contention à vie ou recommencer périodiquement le traitement orthodontique?
MOTS CLÉS Contention — Dérive centripète — Récidive — Sénescence.
J. PHILIPPE 44, rue Jean Goujon, 75008 Paris. Rev Orthop Demo Faciale 23: 317-328, 1989
D'après Léonard de Vinci
317
J. PHILIPPE
Si l'on excepte les malocclusions très spécifiques, comme l'articulé inversé, la tendance à la récidive semble être la règle » écrivent BOURGOIN et ses collaborateurs' en 1985. Peu de temps auparavant l'université du Washington avait publié une étude portant sur des cas hors de contention depuis 10 ans : 70 % d'entre eux présentaient une récidive. La fréquence de la récidive soulève un problème d'éthique : ne faut-il pas informer les patients avant le traitement que le résultat n'en sera que passager? Pourtant les causes de la récidive sont, semble-t-il, connues, et en tous cas décrites. Ne peut-on l'empêcher? Et après la contention la denture reste-t-elle stable ? Evolue-t-elle ? Et dans quel sens ?
1 — LES CAUSES DE LA RÉCIDIVE A COURT TERME
Les causes classiquement évoquées sont au nombre de quatre. 1-1 - La poursuite d'une croissance squelettique défavorable Deux situations se rencontrent. 1-1-1 - La croissance du sujet est normale (aux variations individuelles près), mais le praticien connaissant mal ce phénomène est surpris par certaines de ses conséquences.
Les
surprises aciale de croissance
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Rappelons que : — la croissance de la mandibule continue plus longtemps que celle du maxillaire. Cela est favorable dans les cas de Classe II et défavorable dans les cas de Classe III. Si l'on a terminé le traitement d'une malocclusion de Classe III chez un garçon de 13 ans en obtenant péniblement des rapports de Classe I, il ne faut pas crier à la récidive lorsqu'il a 18 ans. La relation de Classe III qu'il présente alors, est le fait d'une croissance normale et prévisible. Il aurait fallu terminer le traitement en occlusion « une sur une » c'est-à-dire, en légère Classe II. — au cours de la période terminale de la croissance mandibulaire (après 15 ans pour les garçons) la croissance de la branche verticale est deux fois plus forte que celle de la branche horizontale (auparavant les augmentations de longueur étaient à peu près égales). Cette ultime « rotation antérieure » n'aide évidemment pas au maintien d'une correction de la supraclusion (SAVARA et TRACY 18, 1967, SCHUDY20, 1974, BISHARA2, 1984). — le nez s'allonge pendant fort longtemps et sa pointe s'abaisse toute la vie (BEHRENTSI, 1985). Cette évolution n'est pas favorable au profil des sujets présentant une rétro-mandibulie et une diminution de hauteur de l'étage inférieur. Ces effets de la croissance faciale sont habituels et donc prévisibles. Les ignorer peut conduire à de mauvais résultats qui sont, peut-être à tort, attribués à une récidive. 1-1- 2 - La croissance est anormale (en biologie, on considère habituellement comme anormal ce qui s'écarte de la moyenne de plus de deux écarts types. Le « normal » comprend donc 95 % d'une population).
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Récidive orthodontique et dérive centripète
anomalies Les de la croissance
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L'anomalie de croissance peut s'exprimer dans le sens vertical, dans le sens antéro-postérieur ou dans le sens transversal. Lorsque ces anomalies de croissance apparaissent avant le traitement, elles entrent sous la rubrique « pathogénie », pendant le traitement, elles sont classées comme échec » et après le traitement, comme « récidive ». Aucun procédé de contention ne permet de s'opposer à une soi-disant « récidive » due à une croissance défavorable. 1- 2 - Un équilibre musculaire non adapté Il est bien connu que si une malocclusion résulte d'un équilibre musculaire particulier et si cet équilibre persiste après que le traitement a donné aux arcades une forme ou une position qui ne correspond pas à cet équilibre, une récidive se produira. Heureusement, il arrive que le traitement ne déplace les dents que le long de la ligne d'équilibre (le « couloir dentaire » de CHATEAU), ou que le comportement oral change du fait du traitement orthodontique, ou du fait de la maturation concomittante d'une fonction orale. L'orthodontiste pense exorciser cette cause de récidive en expliquant comment il faut déglutir et en donnant l'adresse d'un orthophoniste. En fait, il semble que l'importance des activités intermittentes comme la parole, la mastication et la déglutition soit surestimée (HARRADINE et KIRCHEN9) et que, par contre, soit sous-estimée celle de « ce combiné volume-forme-posture de la langue... qui est bien le véritable élément morphogénétique des procès alvéolaires, joint et opposé à l'action centripète des lèvres et des joues » (CHATEAU 12). Il ne s'agit donc pas tant de faire une «rééducation» au sens où on
l'entend habituellement que de modifier des dispositions anatomiques défavorables (amygdales, cornets, langue), ou des situations pathologiques ( asthme, rhinites), ou encore la statique orale et céphalique qui est liée à la ventilation et surtout aux états psycho-affectifs du nourrisson (alimentation, auto-érotismes, vie relationnelle, etc.). Aucun procédé mécanique de contention ne permet de s'opposer durablement à une récidive due à un équilibre musculaire défavorable. 1- 3 - Le déséquilibre occlusal L'engrènement cuspidien constitue un système de contention naturelle, efficace dès que les arcades entrent en occlusion, et d'autant plus efficace que l'engrènement est plus profond (fig. 1). Si l'occlusion est imparfaite (contacts non simultanés, relation cuspidefosse imprécise) mais si chaque versant cuspidien reste bien en face de son antagoniste, les conséquences seront limitées : les dents qui n'entrent pas en contact occlusal seront simplement privées de ce facteur naturel de stabilisation, mais l'occlusion pourra s'équilibrer spontanément si le système de contention laisse un peu de liberté aux dents.
Figure 1 L'effet contentif de l'intercuspidie est d'autant plus marqué que la forme des couronnes permet un engrènement plus profond. Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328, 1989
Si les défauts d'occlusion sont plus marqués et si les prématurités incitent la mandibule à trouver une position de convenance excentrée, chaque dent recevra de son antagoniste lors de l'occlusion une force dirigée anormalement, qui peut induire un déplacement intempestif et créer une nouvelle malocclusion. Les positions de convenance asymétriques sont les plus novices. Ces pressions occlusales parasites peuvent se conjuguer avec des pres319
J. PHILIPPE
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crochets
Figure 2 D'après RAMFJORD et ASH— Les cuspides mandibulaires se logent entre les crêtes marginales des dents maxillaires avec un contact mésial et un contact distal.
sions internes à l'arcade, dues, par exemple, à l'évolution de la troisième molaire (THEUVENY21). Les dispositifs de contention ne peuvent suppléer un résultat insuffisant du point de vue occlusal. Par contre ils peuvent contribuer à altérer une bonne occlusion : — soit en empêchant une dent de prendre la place exacte où la mène l' intercuspidation pour parvenir à l'engrènement le plus profond ; — soit en s'opposant à l'occlusion centrée. On sait que les cuspides des prémolaires inférieures et la cuspide mésiale de la molaire inférieure doivent entrer en contact avec les deux crêtes marginales antagonistes des dents maxillaires pour être en quelque sorte « calées » entre elles (fig. 2). Si au maxillaire le fil métallique d'un crochet cavalier ou d'un bandeau vestibulaire passe dans l'embrasure entre les crêtes marginales (fig. 3 et 4), le contact occlusal bi-podique devient impossible. La mandibule ne trouve plus d'intercuspidation stable et erre à la recherche d'une position de convenance dépourvue d'interférence métallique.
Figure 3
Figures 4 a et b
Les fils passés « en cavalier » empêchent la cuspide antagoniste de trouver le double contact qui la maintient. Ils ne peuvent convenir qu' avec une intercuspidie anormale.
Un type de plaque de contention qui ne gêne pas l'occlusion
1- 4 - La tension des fibres desmodontales La tension des fibres supra-alvéolaires étirées par le déplacement des dents est le facteur de récidive le plus fréquent. Cette tension ligamentaire présente trois caractéristiques : — elle joue aussitôt que le dispositif actif est retiré (dans les deux heures, disait REITAN) ; — elle serait un peu atténuée par une hyper-correction suivie d'un retour à la correction ; — son action est durable (environ un an disent la plupart des auteurs) mais cesse avec la réorganisation des tissus. C'est la seule cause de récidive à laquelle nous puissions nous opposer avec succès: — Par la fibrotomie. Celle-ci diminue la fréquence de la récidive de près d'un tiers (EDwARDS8, 1988). La fibrotomie est surtout efficace après la correction des rotations. Son intérêt est plus marqué à moyen terme (4 à 6 ans) qu'à long terme (12 à 14 ans après la fin du traitement), et au 320
Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328, 1989
Récidive orthodontique et dérive centripète
La ~~ntention
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maxillaire qu'à la mandibule (EDwARDs8). Malheureusement les fibrotomies ne sont que difficilement acceptées par les patients. — Par la pose d'un appareil de contention. Pour empêcher complètement une récidive la contention doit être : — immédiate, c'est-à-dire que l'appareil doit être placé dans la séance même ou le système actif est déposé ; si la confection de l'appareil implique un travail de laboratoire, l'empreinte doit être prise quelques jours avant la dépose du système actif ; — opposée à la récidive. Sur ce point, rien n'a changé depuis ANGLE, qui disait que la contention est souvent pensée « avec légèreté ». Nos contemporains ne peuvent plus déterminer les objectifs du traitement sans mille mesures gérées par un ordinateur, mais emploient le même système de contention pour tous les cas, sans analyse préalable du sens dans lequel les dents auront tendance à se déplacer ! Les ligaments desmodontaux tendus par le déplacement des dents exercent sur elles des forces en retour. Ou bien l'appareil maintient une dent déplacée en prenant appui sur un groupe de dents estimées stables, ou bien il solidarise des dents soumises à des forces ligamentaires de sens opposé et d'intensité égale, de sorte que les forces récidivantes s'annulent. Ainsi, si les incisives ont été reculées et les molaires avancées, tout système passif qui solidarise ces deux groupes de dents sera efficace. Mais si toutes les dents d' une arcade ont été reculées, un système de contention limité à cette arcade ne maintiendra pas son recul. Les dents avanceront de nouveau, et l'appareil avec. Après application, durant le traitement, d'élastiques de Classe II ou de Classe III, chaque arcade dans son ensemble est soumise à des forces qui tendent à la déplacer en sens contraire de son antagoniste. Il est alors logique de s'appuyer sur une arcade pour maintenir l'autre et réciproquement. Il faut donc, dans ces cas, utiliser des systèmes bi-maxillaires de contention tels que le « tooth-positioner », l'activateur, les plaques unimaxillaires reliées par des élastiques de Classe II ou de Classe III, les élastiques accrochés à une arcade et tendus sur l'autre", etc. Ces systèmes bi-maxillaires ne sont pas assez employés. Mais la récidive est souvent atténuée dans les cas de Classe II par l'effet heureux de la croissance tardive à la mandibule. En revanche, cette croissance tardive est défavorable aux cas de Classe III, c'est-à-dire que son effet s'ajoute à celui de la récidive ligamentaire. C'est pourquoi les malocclusions de Classe III sont considérées comme plus récidivantes que celles de Classe II.
2 — LA RÉCIDIVE A LONG TERME
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Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328,1989
2 -1 - Les cas traités (revue de littérature) — En 1981, LITTLE et RIEDEL (université du Washington) publient une étude portant sur 65 cas excellement traités en Edgewise classique avec quatre extractions III exclues13). Tous les un documents sont réunis : 10 avant traitement, traitement, après contention, et(Classe 10 ans après contention. traitement % des cas présentaient encombrement incisif. ansAvant après la fin après de la 70 contention 321
J. PHILIPPE
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Commentaire
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70 % des cas présentent un encombrement incisif (mais pas toujours les mêmes), 30 % des cas ont gardé un bon alignement. Aucune caractéristique telle que la classe d'ANGLE, la durée de la contention, l'âge et le sexe, aucune variable mesurable telle que l'importance de l'encombrement, le recouvrement, le surplomb, la largeur ou la longueur d'arcade initiale, le maintien ou non de la distance intercanine, ne différencie les cas récidivant des autres et ne peut donc fournir une explication ou un pronostic pour d'autres traitements. — En 1988, la même équipe a retrouvé 31 cas (toujours excellement traités et avec quatre extractions), 20 ans après la fin de la contention14, trois cas (10 %) présentent un alignement acceptable (ils étaient 30 % dans ce cas dans le groupe « 10 ans après »). Parmi les trente et un, dix présentent un encombrement sévère. Dans la conclusion (où perce un légitime désappointement), LITTLE et RIEDEL préconisent la contention à vie, tout en reconnaissant que les effets d'une telle durée sur les tissus n'ont jamais été étudiés. — En 1989, les mêmes auteurs15 examinent, 10 ans après la fin de la contention, des cas qui présentaient des diastèmes interincisifs à la mandibule et qui avaient été traités sans extractions : — 16 cas (53 %) ont toujours un alignement satisfaisant ; — 10 cas (33 %) montrent un encombrement incisif modéré ; — 4 cas (13 %) souffrent d'un encombrement sévère. LITrLE et RIEDEL notent que la largeur intercanine a continué à diminuer après la fin de la contention mais que le degré de constriction de l'arcade ne peut être prédit. Ils signalent que, pour les quelques cas hors de contention depuis 20 ans qu'ils ont trouvés, le phénomène de constriction des arcades semble se poursuivre mais à un rythme plus faible. Ce qui nous paraît remarquable, c'est que dans aucun cas ne se soit produit une réouverture des diastèmes. Nous ne sommes plus en présence d'une récidive, mais d'un autre phénomène : une dérive centripète du système dentaire. Et l'on peut supposer que le même phénomène a touché les autres échantillons traités avec extractions. — En 1983, SINCLAIR et LITTLEt9 ont comparé l'évolution d'un groupe de sujets traités (extractions, Edgewise, bons résultats.) durant la période après contention » à celle d'un groupe de sujets non traités. La durée de la période d'observation (12 ans et 7 mois pour le groupe après contention » et 7 ans pour celui « non traités ») n'étant pas la même, les modifications ont été calculées par année. La diminution de longueur d'arcade par an est la même pour les deux groupes. La diminution de la distance intercanine par an est trois fois plus marquée pour le groupe traité. Les malpositions incisives sont deux fois plus marquées dans le groupe traité. La largeur intermolaire est stable chez les non traités et diminue chez les traités, pendant le traitement et après la contention. Certaines comparaisons défavorables aux cas traités peuvent s'expliquer par le fait que ceux-ci ont été suivis jusqu'à 30 ans (âge moyen), alors que la période d'observation des non traités s'arrêtait en moyenne à 20 ans et qu'on peut imaginer la période comprise entre 20 et 30 ans comme favorable aux récidives (?). Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328, 1989
Récidive orthodontique et dérive centripète
Ces comparaisons permettent d'affirmer que le traitement avec extractions, exécuté conformément aux règles classiques de l'Edgewise, n'apporte aucune garantie de stabilité ni même aucune atténuation du processus de dérive centripète. Il nous est arrivé d'hésiter longtemps, dans certains cas, entre un traitement sans extractions que nous jugions plus esthétique et espérions plus bref, et un traitement avec extractions que nous imaginions plus stable. Ce débat intérieur n'a plus de raison d'être. Faire des extractions n' augmente en rien la stabilité du résultat tant que le traitement sans extractions respecte l'équilibre musculaire initial, puisque la denture reflétait évidemment cet équilibre chez les sujets non traités dans l'échantillon de SINCLAIR et LITTLE.
Commentaire
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2 - 2 - Les sujets non traités (revue de littérature) et SLAGSVOLD" ont étudié 50 enfants de 10 à 12 ans avec une bonne occlusion, qu'ils ont réexaminés lorsqu'ils avaient entre 24 et 26 ans. Dix enfants présentaient des diastèmes mais à l'âge adulte seulement deux d'entre eux en ont gardé : le groupe « bon alignement » passe de 32 à 26 sujets, et le groupe «encombrement incisif» de 8 à 22 (!). L'angle interincisif augmente de 4,5° entre 11 et 25 ans. Aucune conclusion ne peut être tirée sur le rôle des dents de sagesse. Chez ces sujets non traités, il ne peut s'agir de récidive, mais seulement de dérive centripète. BISHARA et ses collaborateurs3 ont suivi 32 sujets normaux depuis la date d'éruption des secondes molaires (13,3 ans) jusqu'à 26 ans. Le périmètre des arcades, de première molaire à première molaire, a diminué de 5 mm chez les garçons. L'importance de la diminution n'est corrélée à aucun des divers paramètres mesurés (hauteur faciale, surplomb, recouvrement, orientation incisive, dimension des arcades, diamètre mésio-distal des dents, courbe de SPEE). BISHARA a noté que la longueur d'arcade a diminué dans le secteur incisif et dans le secteur prémolaire, ce qui semble impliquer des chevauchements incisifs, mais aussi une abrasion des points de contact dans les zones latérales. HOPKIN et MURPHY10 ont recherché les anciens vainqueurs du « sourire de l'année ». Ceux-ci avaient été élus dans le cadre d'une très large compétition lorsqu'ils avaient 13 ans et 7 mois en moyenne, compte tenu du parfait alignement de leur denture. Sur les 16 anciens vainqueurs retrouvés (à 22 ans et 8 mois en moyenne), huit (la moitié) présentaient un encombrement incisif. Les dents de sagesse avaient été extraites à quatre d'entre eux et laissées aux quatre autres. Rappelons que dans son étude sur la fibrotomie, EDWARDS8 était plus satisfait des résultats après un recul de 4 à 6 ans qu'après 12 à 14 ans, car de nouvelles malpositions étaient apparues, du fait « de dents qui ne retournent pas à leur position initiale, mais se placent en malposition d'une façon entièrement différente ». Et EDWARDS demandait : « peut-on alors parler de récidive ? » HUMERFELT
2 - 3 - Les causes de la « récidive à long terme » ou « dérive centripète » Toutes les études citées montrent qu'au cours de l'adolescence et de l'âge adulte, le périmètre des arcades diminue et que l'encombrement incisif augmente, en particulier à l'arcade mandibulaire. Cette évolution se proRev Orthop Demo Faciale 23: 317-328,1989
323
J. PHILIPPE
duit aussi bien chez les sujets traités que non traités mais peut-être d'une façon plus marquée chez ceux à qui on a extrait des dents. Ces études ne font que préciser et analyser un phénomène connu depuis fort longtemps. De multiples facteurs ont été évoqués pour expliquer l' évolution centripète du système dentaire. 2 - 3 -1 - Les causes classiques les principales thèses classiques : — c'est une caractéristique normale de l'espèce humaine (BERGER, DEWEL); — c'est l'effet des forces physiologiques, par exemple la dérive mésiale ( HORowIrz, HIXON); — c'est la répercussion de l'éruption de la troisième molaire (LUNDSBISHARA3 rappelle
Pourquoi
TROM, RICHARDSON, VEGO) ;
— la cause réside dans une disproportion entre les diamètres mésiodistaux et linguo-vestibulaires des incisives inférieures (PECK et PECK) ; — l'explication est donnée par les modifications de la hauteur et de la profondeur faciale (LEIGHTON) ; — le redressement des incisives, lié à la croissance de la mandibule ( BJØRK) et à la rotation de croissance mandibulaire, (PERERA) provoque les malpositions incisives. Aucune de ces hypothèses ne paraît entièrement satisfaisante. Nombre d'entre elles, ainsi que bien d'autres, ont d'ailleurs été testées dans les travaux cités. Si plusieurs auteurs américains font allusion à l'équilibre musculaire, ce facteur n'est jamais pris en compte dans leurs travaux, sans doute parce que trop difficile à quantifier. 2 - 3 - 2 - L'équilibre musculaire On sait, et depuis fort longtemps*, que la forme des arcades reflète l' équilibre des masses musculaires qui les enveloppent d'une façon active. L' hypothèse qui paraît la plus simple pour expliquer la « dérive centripète » de la denture est celle d'une modification de cet équilibre, modification continue, ralentie, mais non interrompue par la sénescence. L'équilibre des pressions que les muscles faciaux font subir aux dents doit être pensé en fonction du temps. A un instant donné, les pressions reçues sont le plus souvent en complet déséquilibre. Elles passent d'un sens à l'autre selon la phase de la fonction en cours d'exécution. Les dents, ou plus exactement l'os alvéolaire qui les porte, résiste parfaitement à ces pressions fluctuantes, désordonnées, opposées et de courte durée. A l'échelle du mois ou de l'année, il faut concevoir une sorte d'équilibre moyen, correspondant à la somme des pressions reçues dans un sens ou dans l'autre, compte tenu de leur durée et de leur intensité. Comme chacun sait, c'est cet équilibre moyen qui modèle les arcades. L'os alvéolaire ne résiste pas à cet équilibre mais s'y adapte.
* En 1873, Tomes écrivait dans la revue Dental Cosmos : ■ Deux forces très puissantes travaillent constamment pour amener les dents à leur place. A l'extérieur, la musculature des lèvres et des joues exerce sans cesse sa pression, et à l' intérieur, la langue fait de même et avec une égale continuité”.
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1 Récidive orthodontique et dérive centripète
Des pressionsfluctuante
2 - 3 - 3 - L'évolution de l'équilibre musculaire Au cours des décennies, cet équilibre moyen évolue, parce que certains comportements oraux se modifient avec l'âge, parce que la statique n'est plus la même, parce que la position et le volume des tissus changent. Citons quelques modifications comportementales ou tissulaires qui pourraient expliquer, au moins en partie, une évolution centripète de l' équilibre musculaire : — A la fin de l'adolescence la bouche prend son dessin définitif. Ce qu' il y a de mou, de tendre, de puéril dans la forme et la consistance des lèvres du jeune disparaît pour laisser place à des lèvres plus fines, plus fermes, plus toniques. Il est vraisemblable que la pression sur la denture s'accroît lors de cette maturation. — Au cours de la vie, les masses labiales descendent. La lèvre supérieure s'allonge, aidée par la chute lente et continue de la pointe du nez (BEHRENTS') (fig. 5). Les incisives inférieures deviennent de plus en plus visibles (comparez, à la télévision, les jeunes bouches et les vieilles). La pression des lèvres s'exerce donc à un niveau différent à mesure que l'âge avance. — La langue présente en son centre une masse graisseuse d'un volume non négligeable (CARPENTIER et PAJONI5). Elle apparaît, dans sa masse, infiltrée d'éléments graisseux et comme « persillée » (PAJONI). Une diminu tion de cette masse graisseuse à l'âge adulte, analogue à celle qui touche la boule de BICHAT entraînerait une réduction du volume lingual. — La langue est soutenue par la sangle mylo-hyoïdienne ; celle-ci est affectée par la ptose de la région sus-hyoïdienne qui commence vers la quarantaine et peut entraîner un recul de la position habituelle de la langue. — Éléments accessoires de soutien de la masse linguale, les glandes sous-maxillaires présentent une diminution de leur volume et de leur activité au cours de la sénescence (DEVILLE de PERRIERE et AVANCIABIA6). 61175
Superposition (homme - âges: 36 et 77)
Nez courbes, de beauLte fotngtoi.ns Oref les pendantes, moussues; Le vis(age) pafCy, mort et destai.ns Menton froncé, Lèvres peaussues
a
Superposition (homme - âges: 25 et 59)
b
Figures 5 a, b et c a et b:d'après B6HR6NTS' c
: d'après F. V/LLON
'peaussues: réduttes à fa peau
i
Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328,1989
325
J. PHILIPPE
Un parodonte
a
b Figures 6a et b
Vestibulo-version soudaine de la 11 chez un homme de 51 ans.
326
2 - 3 - 4 - Un fait contradictoire Une constatation clinique semble aller à l'encontre du phénomène de dérive centripète que nous venons de décrire et que nous tentons d'expliquer. C'est la vestibulo-version rapide, et souvent spectaculaire, des incisives, le plus souvent maxillaires, qu'on observe fréquemment chez des sujets touchés par la maladie parodontale (fig. 6). L'explication classique du phénomène repose sur la pulsion linguale qui serait présente depuis l'enfance, mais à laquelle l'os alvéolaire aurait résisté » jusqu'à ce que son affaiblissement par la maladie parodontale permette aux incisives de verser vestibulairement (MARK et CORN, 198916). Récemment DERSOT et GIOVANoLLI7 ont repris la thèse classique et ont ajouté une autre hypothèse : la version mésiale des dents postérieures exercerait une pression sur les dents antérieures, ainsi « les incisives maxillaires tendent à se vestibuler en éventail en perdant leurs contacts proximaux ». Ces hypothèses ne nous semblent pas entièrement satisfaisantes. Selon qu'il y a, ou qu'il n'y a pas, de pulsion linguale ou de déglutition primaire, les incisives sont plus ou moins avancées, mais de toute façon elles sont placées en fonction de l'équilibre musculaire du sujet. Affaibli ou intact, l'os alvéolaire ne « résiste » jamais à une pression musculaire de longue durée et les dents sont en équilibre quel que soit l'état du « mur osseux ». Les dents ne peuvent se déplacer que s'il survient un changement dans le jeu musculaire. Quant à la force exercée par des versions mésiales, on peut en imaginer sa transmission aux incisives tant qu'elles restent en contact, mais on ne le peut plus dès que des diastèmes apparaissent et que les incisives s'écartent « en éventail ». Quel est donc le changement comportemental qui peut survenir pour expliquer que des incisives s'avancent au moment précis ou leur parodonte s'affaiblit ? On sait que la perte osseuse est généralement précédée d'une période d' inflammation de la gencive. Cette inflammation n'est pas très douloureuse, mais elle est terriblement agaçante, et la pointe de la langue vient continuellement explorer et presser cette zone inhabituellement gonflée, irritée et irritante. Ce faisant, elle pousse aussi les incisives supérieures. En outre, la congestion desmodontale provoque une légère égression de la dent concernée (ou des dents concernées). C'est au tour des dents antagonistes d'exercer une pression qui soulage momentanément le patient de ce qui est devenu un prurit. Il est plus facile pour les incisives inférieures de pousser les supérieures vestibulairement que lingualement : il suffit de serrer les dents pour que les plans inclinés fassent leur effet, mais, en fait, le patient joue avec cette dent, et avoue souvent qu'il l'a poussée lui-même en avant. L'action combinée de la langue et de l'occlusion peut déplacer si bien la ou les malheureuses incisives qu'un troisième larron peut s'en emparer : la lèvre inférieure, qui passera sous les incisives supérieures. C'est pourquoi la correction de ces versions incisives nous semble devoir passer par les étapes suivantes : 1 - traitement de l'inflammation parodontale ; 2 - meulage des dents déplacées jusqu'à une légère sous-occlusion ; 3 - remise en place (très rapide) ; 4 - contention et maintenance parodontale. Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328,1989
Récidive orthodontique et dérive centripète
3 — CONCLUSIONS
!N
Quel esP°tr?
Figure 7 Une arcade résiste à la force de la pesanteur par l'appui de chaque pierre sur sa voisine. Rev Orthop Dento Faciale 23: 317-328, 1989
La récidive à court terme s'explique le plus souvent par l'absence d' une pleine maîtrise des facteurs biologiques naturels, physiologiques en particulier, dont le traitement orthodontique doit tenir compte. Nous ne savons ni commander la croissance ni même la prévoir exactement. Nous espérons innocemment que l'équilibre musculaire changera selon nos désirs et s'adaptera à nos plans de traitement. Le maquis touffu des causes des troubles articulaires ne nous indique pas clairement de ligne de conduite. De la tension des fibres supra-gingivales nous ignorons l'essentiel : l'intensité et la durée. La récidive n'est qu'un échec retardé. Il n'y a pas de récidive-fatalité ou de récidive-indiscipline du patient. Il y a que l'orthodontie est un art trop difficile, trop complexe, trop humain (doublement humain) pour ne pas connaître des échecs. On peut espérer qu'ils seront moins fréquents quand les facteurs biologiques dont dépend le traitement seront mieux connus, et quand les orthodontistes s'intéresseront plus à connaître la physiologie et la psychologie qu'à mesurer des éléments du squelette. Mais après le traitement la vie continue. L'idée, si répandue parmi les patients, que maturité est synonyme de stabilité des structures est complètement erronée. Les évolutions tissulaires et morphologiques qui étaient qualifiées de phénomènes de croissance et de maturation se poursuivent sans discontinuité en passant sous le couvert du vocable « sénescence ». Au cours de la vie, la forme des arcades ne cesse de changer, lentement et sans doute de plus en plus lentement, avec d'accidentelles accélérations ( perte de dents, maladie parodontale). Cette évolution se révèle le plus souvent par l'usure des faces proximales, la diminution de la longueur d' arcade, et l'augmentation de l'encombrement incisif, surtout à la mandibule. Peut-on la ralentir? Peut-être lorsqu'on connaîtra assez bien les causes de la maturation et du vieillissement des tissus pour pouvoir en modifier le cours. Des manoeuvres locales, tels les meulages proximaux préconisés dès 1973 par PECK et PECK devraient permettre à la dérive centripète de s'effectuer sans que des malpositions apparaissent, à condition que la largeur des dents soit sans cesse adaptée à la place disponible. Il faudrait alors répéter les meulages au fur et à mesure que la dimension de l'arcade se réduit. Mais on imagine aisément que des meulages excessifs faciliteraient le mouvement de dérive centripète en détruisant l'appui mutuel que se prêtent les dents disposées en arc de voûte pour résister à la pression centripète (fig. 7). C'est peut-être en poursuivant ce raisonnement sur la nocivité d'une réduction anticipée du matériel dentaire qu'on pourrait expliquer le rôle néfaste que semblent jouer les extractions du point de vue de la stabilité des dimensions de l'arcade. Faut-il systématiser le procédé le plus sûr, mais le moins naturel : la contention à vie? Faut-il s'engager dans la voie du traitement orthodontique périodiquement renouvelé ? Ou faut-il se résigner à voir la nature rendre normal ce que nous appelons anomalie ?
327
Prévision de la taille mésio-distale des canines et prémolaires incluses d'après l'orthopantomographie
Sylvie VINEE
Jean LAVERGNE Rémy MATHIS
Philippe VINEE
RÉSUMÉ En orthopédie dento faciale, de nombreuses radiographies sont utilisées lors de l' établissement du diagnostic et en particulier l'orthopantomographie. Le but de ce travail est de montrer que la dimension mésio-distale des dents incluses peut être prévue grâce à ce type de radiographie. Dans la première partie de cette étude, nous avons déterminé pour chaque dent le pourcentage moyen de distorsion observé lors de la prise de l'orthopantomogramme. Dans la seconde partie, nous avons utilisé les résultats obtenus pour prédire la dimension mésio-distale des canines et prémolaires encore incluses, en utilisant le coefficient de distorsion qui offre la meilleure précision pour une telle prévision. MOTS CLÉS Prévision de la taille des dents incluses — Orthopantomogramme — Statistiques.
INTRODUCTION S. VINEE — Rue de la Gare, 67770
Sessenheim
J. LAVERGNE — La rue de Haguenau, 67300
Schiltigheim . R. MATHIS 2, boulevard
Sélestat .
Thiers, 67600
Ph. VINEE — Laboratoire de Biomécanique, CHRU Hautepierre, 67091 Strasbourg .
En orthopédie dento-faciale, le praticien a recours à diverses radiographies intra-orales et extra-orales pour établir le diagnostic mais également pour évaluer la croissance cranio-faciale et apprécier les modifications thérapeutiques. Parmi ces radiographies, l'orthopantomogramme est le premier cliché effectué. En effet, cette radiographie permet de diagnostiquer les agénésies, les dents surnuméraires, éventuellement les kystes ou d'autres manifestations pathologiques. Elle donne également de précieux renseignements sur la position et la taille des dents encore incluses. A partir de cette étude, nous tenterons de voir dans quelle mesure la taille des dents incluses peut être évaluée grâce à l'orthopantomogramme. La première partie de ce travail a pour objet de quantifier pour chaque dent l' amplitude de la distorsion apparaissant sur l'image radiographique (VINEE6, 1987).
Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989,
329
S. VINEE, J. LAVERGNE, R. MATHIS, P. VINEE
Ceci sera fait par le biais de la détermination d'un facteur correctif, propre à chaque dent, qui, appliqué à la distance lue sur l'orthopantomogramme donnera la dimension réelle de cette dent. Dans la deuxième partie de cette étude, ce coefficient moyen de distorsion sera utilisé pour prédire la dimension mésio-distale d'une dent encore incluse.
PREMIÈRE PARTIE
Détermination du coefficient de distorsion et du pourcentage de distorsion de l'orthopantomogramme
La quantification de cette distorsion passe par le calcul d'un facteur de correction appelé coefficient de distorsion, que l'on peut également exprimer en pourcentage de distorsion. — Le coefficient de distorsion de l'orthopantomogramme, par rapport au moulage, s'obtient en effectuant le rapport entre la dimension mésio-distale d'une dent, lue sur l'orthopantomogramme, et la dimension mésio-distale de cette même dent, lue sur un moulage. Si le coefficient de distorsion est supérieur à un, on parle d'un coefficient d'agrandissement de l'orthopantomogramme par rapport au moulage ; s'il est inférieur à un, on parle d'un coefficient réducteur de l'orthopantomogramme par rapport au moulage. Le coefficient moyen de distorsion, pour une dent donnée, est calculé en faisant la moyenne arithmétique des coefficients obtenus pour cette même dent. — Le pourcentage moyen de distorsion de l'orthopantomogramme, par rapport au moulage, est plus expressif que le coefficient de distorsion. Ce pourcentage de distorsion, obtenu en retranchant un au coefficient de distorsion et en multipliant par cent, peut être positif (on parlera d'agrandissement de l'orthopantomogramme par rapport au moulage) ou négatif (on parlera de réduction de l'orthopantomogramme par rapport au moulage). Matériel L'échantillon se compose de 49 enfants de race blanche, âgés de 9 à 12 ans, parmi lesquels on compte 25 filles et 24 garçons. Aucune sélection n'a été pratiquée : la randomisation et l'égale répartition des tiers facteurs peuvent être considérées comme acquises ; c'est-à-dire que les différents morphotypes sont représentés de façon aléatoire et que leur répartition numérique n'influence pas significativement les résultats. Pour la réalisation des orthopantomogrammes, un appareil SIEMENS du type ORTHOCEPH 3 est utilisé en respectant scrupuleusement les indications du constructeur. Les moulages, obtenus à partir d'une empreinte au Zelgan, sont réalisés le même jour que l'orthopantomogramme et coulés en plâtre extra-dur. Ces moulages sont le support sur lequel les mesures sont effectuées. 330
Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989
Prévision de la taille mésio-distale des canines et prémolaires incluses d'après l'orthopantomographie
Le matériel de mesure se compose d'un pied à coulisse de précision (1/10e de mm) et d'une tablette de digitalisation SUMMAGRAPHIC Corporation MM960, reliée à un ordinateur APRICOTFi. Cette tablette permet l'enregistrement direct sur l' ordinateur de la longueur d'un segment de droite par simple pointage de ses extrémités à l'aide d'un stylet. Méthode Sur les moulages en plâtre, le diamètre mésio-distal des dents est mesuré grâce au pied à coulisse. Dans certains cas, ces mesures sont difficilement réalisables ( espaces interdentaires peu nets) et peuvent être à l'origine d'une certaine fraction de la variance observée. Les distances mesurées sur l'orthopantomogramme sont directement enregistrées à l'aide de la tablette de digitalisation en pointant le stylet sur la radiographie. Toutes les mesures enregistrées sont reproduites sur un support en papier. Une double détermination, couplée à des tests statistiques en séries appariées, valide la reproductibilité des techniques de mesure tant sur les moulages que sur les orthopantomogrammes. Résultats Les mesures effectuées suivant le protocole expérimental ont permis d'obtenir les tableaux I et II. DIMENSION MOYENNE DE LA DENT EN DIXIÈMES DE MM
ÉCART TYPE
11 12 13 14 15 16
89,83 68,56 77,52 70,88 67,79 105,93
6,49 7,47 4,07 4,01 4,11 6,07
11 12 13 14 15 16
95,46 76,10 94,55 96,18 95,33 145,11
19,46 10,49 9,22 14,73 12,67 12,19
21 22 23 24 25 26
90,19 70,42 76,87 70,26 68,52 104,35
6,70 4,77 3,86 2,98 4,48 7,69
21 22 23 24 25 26
100,57 80,60 96,55 101,65 100,48 146,60
18,20 10,18 10,95 12,95 13,26 16,96
31 32
57,72 62,54 68,86 71,89 71,10 109,02
4,52 3,82 4,26 4,66 3,05 6,43
31 32 33 34 35 36
60,11 67,77 79,47 89,43 95,89 157,42
8,95 9,75 10,10 8,08 8,71 11,67
DENT
3 ?4 35 16 41
24 43
44 45 46
57,83 62,13 68,40 71,50 71,17 108,58
4,49 3,97 4,22 3,77 3,58 5,82
DENT
41 42 43 44
45 46
DIMENSION MOYENNE DE LA DENT EN DIXIÈMES DE MM
58,63 66,85 76,13 86,28 93,75 150,56
ÉCART TYPE
8,40 8,66 8,83 8,42 10,44 14,97
Tableau I
Tableau II
Dimensions moyennes des dents mesurées sur les moulages
Dimensions moyennes des dents mesurées sur l'orthopantomogramme
(en dixièmes de millimètre).
(en dixièmes de millimètre).
Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989,
331
S. VINEE, J. LAVERGNE, R. MATHIS, P. VINEE
Le coefficient moyen de distorsion et le pourcentage moyen de distorsion caractérisant une dent sont obtenus en faisant respectivement la moyenne arithmétique de tous les coefficients de distorsion et de tous les pourcentages de distorsion. Ils sont présentés par le tableau III. Ce dernier tableau met les caractéristiques suivantes en évidence : les pourcentages de distorsion observés pour les dents du maxillaire sont supérieurs aux pourcentages correspondant à la mandibule, à une exception près, la première molaire. les pourcentages de distorsion les plus importants se situent au maxillaire pour les secondes prémolaires (41,85 % pour la 15 et 45,48 % pour la 25) et à la mandibule pour les premières molaires (44,74 % pour la 36 et 39,49 % pour la 46).
DENT
11 12 13 14 15 16
POURCENTAGE MOYEN DE DISTORSION P 5,46 % 12,69 % 21,55 % 35,71 % 41,85 % 36,89 %
COEFFICIENT MOYEN DE DISTORSION K 1,05 1,13 1,21 1,36 1,42 1,37
ÉCART TYPE DE LA DISTRIBUTION DE P 15,94 15,65 13 16,55 14,79 11,29
MA
11
5,46
21 12
21 22 23 24 25 26
11,57 % 17,49 % 21,12 % 45,14 % 45,48 % 41,30 %
1,11 1,17 1,21 1,45 1,45 1,41
19,69 16,00 12,74 15,23 15,23 10,27
24
31 32 33 34 35 36
3,23 % 8,70 % 16,30 % 25,99 % 35,89 % 44,74 %
1,03 1,09 1,16 1,26 1,36 1,45
18,09 17,30 15,31 13,53 14,09 11,24
41
41 42 43 44 45
1,98 % 7,25 % 13,89 % 21,12% 31,39 %
1,02 1,07 1,14 1,21 1,31
15,10 15,56 12,34 11,67 14,38
46
39,49 %
1,39
10,43
15
31 32 33
35 36 46
226,99
36,89
0,79 241,43
130,99 41,30
3,23
1,86 108,00
334,99 1,98
8,70
0,35 230,04
306,02 7,25
16,30
0,42 247,56
241,50 13,89
25,99
0,69 157,42
168,09 21,12
35,89
45
2,27 294,43
45,14
44
0,08 358,95
282,45
41,85
43 34
178,33
45,47
42
0,96 264,39
21,12 35,71
1,58 140,83
208,44 31,19
44,74
a
1,55
250,52
21,55
26
s
397,35
16,00
25 16
B
260,04
12,69
23 14
SA
11,57
22 13
MB
0,99 217,20
129,30 39,49
2,25 111,25
Tableau III
Tableau IV
Pourcentage moyen de distorsion et coefficient moyen de distorsion
Comparaison des pourcentages moyens de distorsion: côté droit par rapport au côté gauche.
observés sur l'orthopantomogramme.
Pourcentage moyen de distorsion 332
Edimensions
mesurées _
sur les radiographies
dimensions mesurées sur les moulages
nombre de mesures effectuées
m A et m B : pourcentages moyens de distorsion s3; et s B : variances estimées s : écart réduit si s , 1,96, la différence entre les pourcentages moyens de distorsion est significative. Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989
Prévision de la taille mésio-distale des canines et prémolaires incluses d'après l'orthopantomographie 50
50
#
40 -
40
#
30 -
30 #
20 -
20 #
10
10 -
4'
#
14
13
12
II
21
22
23
24
25
26
46
45
Figure 1
44
43
42
41
31
32
33
34
35
Figure 2
Représentation graphique des pourcentages d'agrandissement pour le maxillaire: — en abscisse: position des dents sur le maxillaire
—
— en ordonnée: pourcentage moyen de distorsion.
—
Représentation graphique des pourcentages d'agrandissement pour la mandibule: en abscisse: position des dents sur la mandibule en ordonnée: pourcentage moyen de distorsion.
Ces résultats sont en accord avec les études publiées par MLYNARSKA-ZDUNIAK et en 1978, et REJEBIAN3 en 1979. Les représentations graphiques des pourcentages de distorsion sont illustrés par les figures 1 et 2 respectivement pour le maxillaire et la mandibule. Ces pourcentages moyens de distorsion sont tous positifs ; toutes les dents maxillaires et mandibulaires sont agrandies.
HOFFMANN2
Les résultats des calculs statistiques (tableau IV) montrent une différence significative (p <0,05) entre les pourcentages moyens de distorsion des premières prémolaires maxillaires droites et gauches ainsi qu'entre les premières molaires inférieures droites et gauches (ScHwARTZ4, 1984). Nous avons voulu vérifier aussi s'il existe une liaison statistique entre pourcentages de distorsion et position des dents sur les mâchoires (SoKAL et ROHLF5, 1969). Le calcul du coefficient r de BRAVAIS-PEARSON (FISCHER et YATES 1, 1984) a permis de conclure qu'il existe une corrélation significative (p <0,01) entre la position de la dent sur l'arcade et son pourcentage de distorsion. Rev Orthop Demo Faciale 23: 329-336, /989,
333
36
S. VINEE, J. LAVERGNE, R. MATHIS, P. VINEE
DEUXIÈME PARTIE
Utilisation des coefficients moyens de distorsion pour l'évaluation de la dimension réelle d'une dent incluse d' après l'orthopantomogramme
Il était important de savoir si ces coefficients moyens de distorsion obtenus dans la première partie du travail pouvaient être utilisés avec un certain degré de précision par l'orthodontiste, pour prévoir le diamètre mésio-distal des dents incluses. Cette estimation ne concerne que les canines, les premières et secondes prémolaires situées dans le plan de coupe de la tomographie (pour les dents incluses situées en position ectopique, d'autres techniques radiologiques devront être utilisées).
Matériel L'échantillon comprend 22 enfants de race blanche (10 filles et 12 garçons) n' appartenant pas au groupe retenu pour la première étude. Les orthopantomogrammes et les moulages ont été réalisés dans les mêmes conditions que précédemment. Le matériel de mesure est celui utilisé dans la première partie du travail. Méthode Nous voulons comparer, pour une dent donnée, la dimension mésio-distale prévisionnelle (obtenue en divisant la distance lue sur l'orthopantomogramme par le coefficient d'agrandissement moyen de cette dent) au diamètre mésio-distal réel mesuré lorsque cette dent est sur l'arcade. Pour chaque patient, nous disposons d'un orthopantomogramme avec les canines et les prémolaires incluses ainsi qu'un moulage avec ces mêmes dents en occlusion.' Pdiir chaque canine et prémolaire, nous enregistrons la dimension mésiodistale (lue après traitement informatique), prélevée sur l'orthopantomogramme, et nous appliquons le coefficient moyen de distorsion pour obtenir la dimension mésio-distale théorique. Nous avons également, pour chaque dent, calculé la dimension mésio-distale théorique en appliquant, à la dimension brute donnée par la radiographie, le coefficient moyen de distorsion de la dent distale (coefficient « DIS ») et le coefficient moyen de distorsion de la dent mésiale (coefficient « MES »). Résultats Le tableau V consigne, pour chaque dent, la moyenne et l'écart type des différences observées entre le diamètre mésio-distal réel et le diamètre mésio-distal théorique. Ces résultats révèlent que dans tous les cas, sauf pour les secondes 334
Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989
Prévision de la taille mésio-distale des canines et prémolaires incluses d'après l'orthopantomographie «
Dent
ERREUR MES
Moyenne
13 - 11,72 14 - 9,80 15 - 3,85 23 - 7,43 24 - 12,89 25 - 1,59 33 2,04 34 0,11 35 - 1,93 43 1,39 44 - 0,35 45
- 4,39
»
«
Écart type 11,66 9,19 9,46 11,22 7,54 7,48 11,80 8,59 8,17 13,71 7,56 10,77
ERREUR K
Moyenne -
»
Écart type
«
ERREUR DIS
Moyenne
Écart type
5,11 1,07 0,71 4,86 1,35 - 1,43 6,50 5,76 3,75 5,38 4,57
10,84 8,23 *9,09 10,88 6,55 *7,47 11,26 8,05 7,82 13,17 7,27
3,64 2,13 - 3,27 8,90 1,51 - 3,53 11,40 10,71 8,18 9,22 9,34
*9,74 *7,90 9,39 *9,09 *6,54 7,62 *10,66 *7,59 *7,55 *12,66 *6,72
1,76
10,08
5,97
*9,62
T a b l e a u
»
V
Moyennes et écarts types des erreurs pour les coefficients de distorsion «Mes», «K» et «Dis». Les valeurs de l'erreur sont exprimées en dixièmes de millimètre. Erreur Mes», représente la différence observée entre le diamètre mésio-distal réel et le diamètre mésio-distal théorique calculé avec le coefficient de distorsion de la dent en position mésiale par rapport à la dent étudiée. Il en est de même pour « l'erreur K et « l'erreur Dis ». * Écart type le plus faible pour chaque dent.
DISCUSSION
prémolaires supérieures droites et gauches, la précision la meilleure est obtenue en appliquant à la dent incluse, dont on veut évaluer le diamètre mésio-distal, non pas son propre coefficient moyen de distorsion mais le coefficient moyen de distorsion de la dent voisine distale. Les tableaux I et II montrent qu'il existe, pour chaque dent, une différence entre le diamètre mésio-distal réel de la dent et celui qui est mesuré sur l' orthopantomogramme. Le tableau III fait apparaître un pourcentage moyen de distorsion positif pour toutes les dents, avec un maximum d'agrandissement au niveau des secondes prémolaires maxillaires et des premières molaires mandibulaires (respectivement 41,85 % pour la 15, 45,48 % pour la 25, 44,74 % pour la 36 et 39,49 % pour la 46) . Le coefficient moyen de distorsion est plus important pour les dents des secteurs postérieurs que pour celles de la région antérieure. Une différence significative est apparue entre les premières prémolaires maxillaires droites et gauches ainsi qu'entre les premières molaires inférieures droites et gauches. Le tableau V montre qu'un coefficient moyen de distorsion pour l'évaluation de la dimension réelle d'une dent peut être utilisé, mais qu'une plus grande précision est obtenue en prenant le coefficient moyen de distorsion de la dent distale (sauf pour les secondes prémolaires supérieures).
Rev Orrhop Dento Faciale 23: 329-336, 1989,
335
S. VINEE, J. LAVERGNE, R. MATHIS, P. VINEE
CONCLUSION
L'orthopantomogramme peut être utilisé par le praticien comme aide clinique pour le diagnostic de manque de place en denture mixte, dans la mesure où ce dernier connaît l'amplitude de la distorsion existant pour son matériel. Il serait souhaitable que chaque orthopantomographe soit accompagné d'une courbe d'étalonnage précisant l'amplitude des distorsions pour les différents secteurs buccaux.
BIBLIOGRAPHIE
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Sciences, Paris, 1984. 5 — SOKAL, R., ROHLF, J.:
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Rev Orthop Dento Faciale 23: 329-336, 1989
RUBRIQUE CLINIQUE
Un train peut en cacher un autre
cfrank POURRAT
RÉSUMÉ La présence de kystes dentigères oblige parfois à extraire certaines dents rhizalysées. Cette nécessité thérapeutique implique une mésialisation des dents postérieures aux dents extraites, ce qui ne va pas toujours sans présenter quelques inconvénients...
MOTS CLÉS Kyste — Egression — Contention.
* N.D.L.R. - Nous précisons à l'intention des lecteurs étrangers que le titre reprend avec humour le texte invitant à la prudence lors de la traversée des passages à niveau en France.
Dans la terminologie actuelle, les termes péricoronaire et folliculaire sont employés comme synonymes. Cependant, on peut les distinguer par la situation du kyste sur la dent : — un kyste folliculaire désigne un kyste englobant un germe dont les racines ne sont pas encore formées ou sont à peine ébauchées ; — un kyste péricoronaire désigne un kyste où la couronne de la dent est plus ou moins intrakystique et dont les racines sont extrakystiques. F. POURRAT — 7, rue Saint-Romain, 33390 Blaye.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 337-341, 1989
Ces deux types de kystes sont regroupés sous la dénomination de kystes dentigères2. Les kystes dentigères ne représentent qu'un faible pourcentage des tumeurs : — pour GRAIG5, 17,1 % des tumeurs sont des kystes ; — CHOMETTE et AuRIOL2 déterminent 49 kystes dentigères sur 270 kystes, soit environ 18 %. Leur fréquence est double à la mandibule (65 % pour EBY3 et 64,1 % pour SHEAR6). D'après PRESTING, cité par GEROLIMON4, les prémolaires inférieures sont concernées dans 23,9 % des cas. 337
F. POURRAT
Le diagnostic radiologique est essentiel dans ces cas car la symptomatologie clinique est souvent muette. L'examen du cliché panoramique doit être fait avec minutie et attention. A la suite d'un transfert, Frédéric F., âgé de 14 ans et 3 mois, vient consulter en septembre 1985 afin de poursuivre le traitement orthodontique entrepris au préalable.
L'examen clinique (fig. 1) ne révèle rien de particulier ; seule la seconde prémolaire attire notre attention : son éruption tardive et une mobilité importante nous amènent à prescrire un bilan radiologique. L'examen du cliché panoramique (fig. 2 a et b) révèle la présence d'une volumineuse image ovalaire uniloculaire allant de la face distale de la première prémolaire inférieure gauche à la face mésiale de la deuxième molaire et s' étendant jusqu'au bord basilaire. La racine de la deuxième prémolaire plonge dans la lésion et les racines de la première molaire sont rhizalysées. Cet aspect évoque un kyste radiculaire mais l'examen de la radiographie prise en 1982 (fig. 3 a et b) suggère qu'il s'agit plutôt de la suite du développement du kyste dentigère, image radioculaire uniloculaire développée au niveau de la seconde prémolaire inférieure gauche. Une marsupialisation est pratiquée afin d'obtenir la consolidation de la deuxième prémolaire. Dans un second temps, le curetage du kyste est réalisé en même temps que l'extraction de la wçrnière molaire inférieure gauche dont la conservat o 'était plus possible en raison de l'importance de la rhizalyse de ses racines (fig. 4 a et b).
Figure 1 Vue intrabuccale en septembre 1985. Noter la malposition de la seconde prémolaire inférieure gauche.
a
a
`t I
/t . ~
b
Figures 2 a et b Radiographie panoramique en septembre 1985. Elle révèle la présence d'un volumineux kyste situé à l'aplomb de 35 et 36.
338
.
}
I .
l
./i
~ , i'i
b
Figures 3 a et b Radiographie panoramique au début du traitement orthodontique (1982).
Figures 4 a et b Le curetage du kyste et l'extraction de 36 - été réalisés. Rev Orthop Dento Faciale 23: 337-341, 1989
Un train peut en cacher un autre
Les objectifs thérapeutiques seront : — d'obtenir la disparition du kyste ; — de positionner la seconde prémolaire sur l' arcade ; — de placer la seconde molaire dans le site de la première.
Figure 5 Vue intrabuccale de la mésialisation de la seconde prémolaire inférieure gauche.
Afin d'éviter la trop grande mobilité de la seconde prémolaire lors de l'intervention et de risquer sa perte, le traitement orthodontique a consisté à mésialer cette dent au plus vite et à la stabiliser dans cette position au moyen d'un arc passif de section importante (fig. 5). Six semaines après le curetage et l'extraction, la face vestibulaire de la seconde prémolaire est dénudée de façon importante. Il est décidé de dépulper cette dent. En raison de l'abondance du saignement, le traitement radiculaire est effectué en deux temps. Il est à noter, comme le décrit BoITIER', une dysmorphie radiculaire au niveau de la prémolaire. L'analyse histologique confirme le diagnostic de kyste avec remaniement inflammatoire sans spécificité, sans signe de malignité sur les zones prélevées. L'analyse du cliché panoramique réalisé en mars 1986 (fig. 6 a et b) montre une régénération osseuse déjà bien avancée qui tend à combler la cavité. En août 1986 (fig. 7 a et b), un nouveau cliché met en évidence un état osseux satisfaisant et les progrès du déplacement de la seconde molaire. En février 1987, à la fin du traitement orthodontique (fig. 8 a et b), la cavité a
a
b
Figure 8 Vues intrabuccales en occlusion: Figures 6a et b
Figures 7 a et b
Le premier traitement radiculaire de 35 a été réalisé. La mésialisation de 37 est engagée.
Le deuxième traitement radiculaire de 35 effectué, la mésialisation de 37 est presque achevée.
Rev Orthop Demo Faciale 23: 337-341, 1989
a: Côté droit. b: Côté gauche, la deuxième molaire supérieure est en cours d'évolution. 339
F. POURRAT
complètement disparu et la deuxième molaire est parfaitement positionnée (fig. 9 a, b et c). Certes, aucune récidive kystique n'est visible un an après le traitement (fig. 10 a et b), mais cette thérapeutique de mésialisation nous a conduit à assurer un suivi régulier de ce patient (fig. 11 a, b et c). Effectivement, le fait que la troisième molaire n'était pas évoluée au moment de la fin du traitement orthodontique a permis l'égression intempestive de la deuxième molaire supérieure gauche, et ce malgré la mise en place d'une gouttière de libération. Son port plus qu'irrégulier s'est traduit par l'égression de la molaire supérieure. Afin de
b
pallier ce manque de collaboration, nous avons mis en place un substitut pour éviter la poursuite de l' égression. Un composite a été placé sur la face occlusale de la deuxième molaire supérieure (fig. 12). Il vient effleurer la zone d'éruption de la troisième molaire inférieure gauche (fig. 13). Des meulages réguliers permettent de maintenir un espace suffisant et d'assurer ainsi l'évolution progressive de la dent mandibulaire (fig. 14 a et b). Le traitement de ce cas montre comment la résolution d'un problème peut en amener un autre. Un traitement ne peut être considéré comme terminé que lorsque tous les problèmes sont résolus.
a
c Figures 11 a, b et c
c Figure 9
a: La mésialisation de 37 est achevée. b et c: En fin de traitement, l'image kystique a totalement disparu.
340
Vues intrabuccales un an après le traitement:
b Figures 10 a et b
Un an après le traitement orthodontique, aucune récidive kystique n'est visible.
a: Côté droit. b: Côté gauche, on peut noter la présence du composite occlusal qui vient effleurer la zone d' évolution de la 38.
Rev Orthop Dento Faciale 23: 337-341, 1989
Un train peut en cacher un autre
Figure 13
Figure 12
Début de l'évolution de 38 en novembre 1988.
Vue localisée du collage effectué sur la face occlusale de 27.
a Figure 14
a : Les meulages successifs du composite occlusal de 27 ont permis une mise en occlusion progressive de 38. b: L'évolution de 38 s'est faite dans de bonnes conditions.
BIBLIOGRAPHIE
1 — BOITIER, A.E. :
Les kystes germinatifs: problèmes diagnostiques et thérapeutiques. Thèse Chir. Dent. Univ.
Bordeaux-II, 1983. 2 — CHOMETTE, G., AURIOL, M. : Histopathologie et cervico-faciale. Masson éd., Paris, 1986. 3 — EBY, F.:
buccale
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Rev
341
RUBRIQUE INFORMATIQUE
Céphalométrie assistée par ordinateur : un logiciel aux performances inédites
Joseph SIMEONS
Parallèlement au développement de la microinformatique, différents systèmes d'analyse céphalométrique ont été mis au point. Grâce à l'intégration de modèles mathématiques qui résolvent certains pro-
blèmes de reconnaissance de formes, SOFORAN se distingue des autres logiciels à même vocation par un niveau d'automatisation encore inégalé, tout en préservant la liberté thérapeutique du praticien.
DÉVELOPPEMENTS CONNUS ET PROBLÉMATIQUES EN LA MATIÈRE
L'analyse céphalométrique est devenue ces dernières années un instrument incontestablement nécessaire à l'établissement d'un diagnostic et d'un plan de traitement orthodontique fiables. Malheureusement, cette analyse n'est le plus souvent pratiquée que de manière superficielle. Et c'est bien compréhensible, dans la mesure où la réalisation de dessins, qui visualisent les effets conjugués de la croissance et de l'un ou l'autre traitement orthodontique sur l'esthétique du patient, impose au praticien un travail à la fois long et fastidieux, sans compter le temps consacré à l'interprétation clinique rigoureuse des mesures céphalométriques. J. SIMEONS — 3, rempart de la Vierge, 5000 Namur (Belgique). Rev Orthop Dento Faciale 23: 343-348, 1989
Avec l'avènement de la micro-informatique et son accessibilité à un public de plus en plus large, l'idée d' une céphalométrie assistée par ordinateur a progressivement fait son chemin. C'est ainsi que divers logiciels d'analyse céphalométrique ont été développés et commercialisés. Leur principe de base est le suivant : les données anatomiques figurant sur le tracé d'une radiographie sont introduites au moyen d'une table à digitaliser dans la mémoire de l'ordinateur, lequel imprime ensuite les différentes mesures. Les meilleurs de ces systèmes proposent également des simulations de traitement avec croissance à court terme. Cependant, il s'avère à l'usage que ces dispositifs n' automatisent que très partiellement les différentes 343
J. SIMEONS
phases de l'analyse céphalométrique. En effet, dans tous les cas, le praticien doit préalablement repérer et construire sur son tracé les points anatomiques nécessaires à l'étude, ce qui requiert de sa part de nombreuses interventions en cours de digitalisation. De plus, les dessins produits pour visualiser les effets des traitements sont incomplets ou malformés et n'approchent que médiocrement la qualité que l'on obtiendrait manuellement pour ces mêmes simulations. Ces dispositifs sont en somme des outils qui effectuent simple-
ment des calculs trigonométriques élémentaires sur les positions de points prédéterminées par l'utilisateur. Il faut cependant reconnaître que la réalisation d'un logiciel qui trouve par lui-même tous les points anatomiques à partir des différents organes digitalisés et qui, de surcroît, est capable de déformer anatomiquement ces structures pour simuler leur croissance avec ou sans traitement, constitue déjà un sérieux problème d'intelligence artificielle, et plus particulièrement du domaine de la reconnaissance des formes.
SOFORAN: UNE VÉRITABLE INNOVATION Après plus de trois années de recherche en collaboration avec Eddie VAN HASSEL,
mathématicien (FNDP Namur), nous pouvons enfin proposer une solution inédite et complète à la plupart de ces questions. Présenté pour la première fois en novembre 1987 à Paris, puis en mai 1988 à Montpellier au 61e Congrès Européen de la Société Française d'Orthopédie DentoFaciale, le logiciel baptisé SOFORAN n'a pas manqué de susciter un vif intérêt auprès des visiteurs. Il ne s' agissait d'ailleurs pas là de nos premiers déplacements en France : nous nous étions précédemment rendus à deux reprises à Clermont-Ferrand pour soumettre nos travaux à la critique des Dr M. LANGLADE et M. PICAUD, deux disciples de RICKETTS universellement reconnus pour leur compétence en la matière. Ce fut une critique par ailleurs très fructueuse, puisqu'ils nous font aujourd'hui le grand honneur d'utiliser SOFORAN. Comme on l'aura deviné, SOFORAN est un logiciel d'aide au diagnostic et au traitement orthodontique basé sur la méthode de RICKETTS d' analyse du profil, méthode généralement considérée comme étant la plus fiable car reposant sur l'étude statistique d'un nombre impressionnant de cas. Elle présente également l'avantage de déboucher sur des prévisions de croissance, même à long terme, avec ou sans traitement. Par sa conception qui fait appel à des modèles mathématiques extrêmement poussés, SOFORAN automatise entièrement les phases les plus fastidieuses de l'analyse céphalométrique, tout en préservant la liberté thérapeutique du praticien. Dès lors, ce dernier peut se consacrer exclusivement au raisonnement clinique qui amènera le choix du traitement le plus approprié en fonction de ses propres critères. La phase initiale du programme est apparemment des plus classiques : après avoir introduit quelques 344
données relatives à l'identité du patient, le praticien passe le stylet marqueur d'une table à digitaliser le long des différentes structures d'un tracé radiographique, en suivant un schéma prédéfini. La suite constitue cependant une réelle innovation : seulement six points anatomiques spécifiques (fig. 1) doivent être pointés à l'aide du crayon sensible, les positions de tous les autres, soit environ 75, ainsi que plus de 60 mesures céphalométriques, étant calculées en quelques secondes, et avec une précision remarquable, à partir des contours digitalisés. Tubercule mésial de la 6
Collet de l' incisive
Gonion antérieur Point d'occlusion postérieur Point d'occlusion antérieur Figure 1 Profil anatomique obtenu par traceur graphique après digitalisation. Les flèches indiquent les seuls points anatomiques qui doivent être explicitement rentrés par l'opérateur. Rev Orthop Dento Faciale 23: 343-348, 1989
Céphalométrie assistée par ordinateur: un logiciel aux performances inédites
mes les déviations relatives avec leurs interprétations cliniques. Ces dernières sont imprimées après confrontation de mesures interactives, offrant ainsi un diagnostic complet et précis dans une vision globale des différentes structures faciales (tableau I).
Dès cet instant, le praticien dispose de trois formes possibles de résultats : - Un « listing » qui reprend les valeurs des différentes mesures, en visualisant au moyen d'histogram MAXILLAIRE
•I HYPERCONUEXITÉ
CONVEXITÉ HYPOCOHOEXITE
+1,7 +/-
90.0°
PROFONDEUR MAXILLAIRE RÉTROMRXILLIE
3,0°
+6,1
89.5°
+2.2
-.2
PROMAXILLIE
••
ANGLE IHTERPRLRTIN
+/-
2,0
0° +/-3.0°
+9.2° +3.1
DOS
ORS
+1.7°
ANGLE PALATIN 085
DBS
OBS
DOS
DIVERGENCE DES BASES
27,0°
+/-3.0°
+1.2°
+/-4.0°
26.8'
+/-
89.5°
-.2
- 0 .0
C L A S S E PROFONDEUR MAXILLAIRE
90.0°
S Q U E L E T T I Q U E RETROMAXILLIE ANGLE FACIAL
87.3°
H A R M O N I E
3.0°
82.7°
-1.6
+2.7°
I r~;
+1.9
+/-3.0°
+6.9°
54,3° +/-3.0°
58.8°
+1,5
17,0° +/-1.0°
45.2°
-.5
CLASSE III II
F A C I A L E
V E R T I C A L E
HAUTEUR FACIALE SUPÉRIEURE FERMETURE
OUVERTURE
FERMETURE
OUVERTURE
HAUTEUR FACIALE INFÉRIEURE
T Y P E
+/-
PROMANDIBULIE
RETROMANOIBULIE
CLASSE
-.2
PROIIAILLIE 1, y ,
CLASSE SQUELETTIQUE
3.0°
F A C I A L
ONGLE
F-F
NI
(CORR. ) OOLiCHO
ANGLE FACIAL
ANGLE MANDIBULAIRE
ANGLE CONIQUE
UECTEUR ORAL
RRC MANDIBULAIRE
T Y P E
Ki
(COU.) OOLICHU
MESO
BRRCHY
DOLICHU
MESO
BRRCHY
DOLICHO
MÉSO
DOLICHO
MÉSO
DOLICHO
MÉSO
BRRCNY
DOLICNO
NI MESO
ARACHY
(CORR. )
(CORR. )
iè
F A C I A L
59.9° -1.2
87.3°
+/-3.0°
90.6°
25.7°
+/-4.0°
22.7°
-.7
68.0°
+/-3.5°
66.6°
-.1
97.0°
+/-4.0°
41,5° -1.4
27.5°
+/-4.0°
39.6° +3.0
+/- 1.0
+1.2
+1.1
BRACHY •■
(CORR. )
+/-3.0°
BRRCHY
•1
(CORR. )
63.0° BRRCNY
MESO
0
+1,2
Tableau I Quelques éléments du listing des résultats. Les histogrammes indiquent pour chaque mesure céphalométrique le nombre de déviations standards ainsi que l'interprétation clinique correspondante. Rev Orthop Dento Faciale 23: 343-348, 1989
345
J. SIMEONS
—
Un dessin obtenu par traceur graphique qui simule la position « normale » des différents organes en respectant le type facial calculé (fig. 2).
—
Un dessin du tracé radiographique avec les principales mesures inscrites en vert ou en rouge selon que la valeur associée est située à l'intérieur ou à l'extérieur de la fourchette d'admissibilité (fig. 3). Une autre nouveauté est la prévision de croissance à long terme qui repose sur la théorie de la croissance mandibulaire archiale de RicKET-rS. L'ordinateur propose à l'écran des modules de croissance, calculés en
fonction de l'âge du patient, de son sexe, des moyennes connues, et de l'état de développement actuel de l'organe considéré. Le praticien reste libre de changer ces valeurs au gré de son intuition, compte tenu d'antécédents héréditaires par exemple. En moins de dix secondes, le système recalcule la nouvelle forme des différentes structures. Celles-ci sont alors dessinées en couleur par le traceur graphique, avec un « rendu anatomique remarquable (fig. 4). Le module pour la simulation des effets à court terme d'un traitement n'est pas moins intéressant. Après avoir introduit quelques données relatives au
TYPE Odon
TYPE
A g e b i o l o : 10ans Ornais
Odon
Age civil: Sans Omois
Age biolo: 10ans Ornais Age civil: Sans Ornais 6
Échelle: 51/45 Échelle: 51/45
36.2
1 SIMULATION DE NORMALITE EN FONCTION DE LA BASE DU CRANE
Figure 2 En trait épais le profil simulé. En trait fin le profil actuel.
346
MESURES
F i g u r e
3
Principales mesures céphalométriques.
Rev Orthop Demo Faciale 23: 343-348, /989
Céphalométrie assistée par ordinateur : un logiciel aux performances inédites
traitement envisagé (durée, croissance mandibulaire annuelle, mouvement du point A, par exemple), le praticien dispose à l'écran d'un tableau qui simule la position et le mouvement des dents par rapport aux nouvelles structures. Il peut choisir entre différents modes d'annulation de la DDM : automatique ou pas, en fixant d'abord l'incisive inférieure ou la molaire supérieure, avec ou sans dissymétrie. Les valeurs corrélées à un mouvement dentaire sont automatiquement mises à jour. Un « menu » permet ensuite de commander au traceur graphique le dessin du profil prévisionnel (fig. 5) ou celui des différentes aires de superposition (VTO, fig. 6).
Les données de chaque patient sont automatiquement archivées sur des disquettes. La bibliothèque ainsi créée permet de différer des étapes d'une analyse en cours ou de refaire d' anciennes études, sans devoir repasser par une digitalisation. Facile d'utilisation et remarquablement bien documenté, SOFORAN est à la portée de n'importe quel praticien : il nécessite seulement un ordinateur personnel compatible IBM, une tablette de digitalisation ainsi qu'une imprimante et un traceur graphiques. D'autres projets de développement sont actuellement à l'étude comme l'analyse faciale et basale, TYPE que l'analyse d'arcade déjà en voie d' ainsi achèvement. Odon
TYPE Odon Age Age
biolo: 10ans Omois civil: Sans Omois
Age biolo: 10ans Omois A g e c i v i l : ens Omois
6I6
g
6+6 6 6
6 6 Echeile: 51/45
Échelle: 51/45
PREVISION DE 08.0 ANS SANS TRAITEMENT. LEE-WAY
VTO
DE
3.0
4 I 4 ANS ODM INITIALE -03.0F-03.0 EXTRACTIONS
I+
02102
Figure 5 En trait épais le profil prévisionnel de la VTO.
Figure 4 En trait épais la prévision à long terme du profil.
347 Rev Orthop Dento Faciale 23: 343-348, 1989
J. SIMEONS
TYPE Odon Age biolo: 10ans
Omis Age civil: 9ans Omois 6 6 6I6
Échelle: 51/45
-3.0
f4. 1 1..g
-5.3 43.g
Gauche
Droite
4 VTO DE 3.0 ANS DOM INITIALE -03.01-03.0 EXTRACTIONS
4
Figure 6
Les aires de superposition de la VTO.
CONCLUSIONS Parce qu'il cumule automatisation des procédures les plus rébarbatives de l'analyse céphalométrique, vitesse d'exécution des simulations, et préservation de la liberté thérapeutique du praticien, SOFORAN s'avère être un véritable outil d'optimisation du diagnostic orthodontique. Il permet ainsi d'éditer rapidement des dessins qui visualisent clairement et corn348
plètement les effets prévisionnels de traitements différents, et donc de constituer pour chaque patient un dossier argumenté et, par conséquent, convainquant. Nul doute que l'orthodontiste qui aura « goûté » à l' utilisation de ce système ne pourra plus s'en passer, autant pour la qualité qu'il apporte au diagnostic que pour le temps qu'il fait gagner. Rev Orthop Dento Faciale 23: 343-348,1989