Revue d'orthopédie dento-faciale Volume 23 n°04 (1989)

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www.clubscientifique.1s.fr

ORTHOPÉDIE DENTO FACIALE GROUPEMENT EUROPÉEN DES REVUES D'ORTHODONTIE

GRUPO EUROPEO

DE REVISTAS DE ORTODONCIA

volume 23 1989 numéro 4 revue Mrimestrieile


REVUE D"

ORTHOPÉDIE DENTO FACIALE Publication officielle de l'Association de la Revue d'Orthopédie Dento-Faciale PARUTION TRIMESTRIELLE - ISSN 0337-9736

Directeur de la Publication : C.J. BOLENDER. Télécopie 87 95 33 98 Rédacteur en Chef: Y. BARAT. Télécopie (16) (1) 42 56 05 90 Rédacteurs adjoints: A. BÉRY - G.M. BOUNOURE - G. CABÉ - B. FAURE - F. FLAGEUL - R. GARCIA - J. KOLF -E. LEJOYEUX -J.TALMANT-T.THEUVENY Comité de Rédaction: A. BENAUWT - P. CANAL - A.F. CHATEAU - L. CHAVAND - C. DUCHATEAUX - J. GANDET - P. GUGNY - C. HUREZ - A. IMBERT - J. KOLF - F. OLLIER - D. PAJONI - G. PERRIER D'ARC - J. PHILIPPE - F. THEUVENY. Comité Scientifique : R. BERG, Homburg, Allemagne Fédérale - J.G. DALE, Toronto, Canada - R.M. FRANK, Strasbourg - C. KENESI, Créteil - J.G. KORITKE, Strasbourg - M. LAUDE, Amiens - B. MELSEN, Aarhus, Danemark - L.L. MERRIFIELD, Ponca City, U.S. - E. MOLLER, Copenhagen, Danemark - D. PANSUESCLANGON, Lyon - B. SOLOW, Copenhagen, Danemark - R. VANARSDALL, Philadelphie, U.S. Secrétariat de Rédaction: 166, bd Haussmann, 75008 Paris. Tél. (16) (1) 45 62 46 00 Publicités et abonnements: Revue d'O.D.F., B.P. 447-08, 75366 Paris Cedex 08. Tél. ( 16) (1) 46 45 53 11 - (16) (1) 45624600. Éditeur: S.I.D. - 49, bd du Lycée, 92170 Vanves.

Association de la Revue

d'Orthopédie Dento-Faciale Siège social: 1, rue De Grasse, 29200 BREST

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Président:C. DUCHATEAUX J. Vice-Président:PHILIPPE Secrétaire :F. THEUVENY Trésorier:J. GANDET Membres:Y. BARAT, A. BENAUWT, C. BOLENDER, G.M. BOUNOURE, L. CHAVAND, J. KOLF, E. LEJOYEUX, Y. TUAL-PIERRE'

Varia

VOLUME 23 NUMÉRO 4

TABLE DES MATIÈRES Éditorial, A. BÉRY .................................................................... L'éducation » des fils à mémoire de forme : mode d'emploi (ire p a r t i e ) , J.-P. L O R E I L L E , F. F L A G E U L ....................................... Modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire au cours des traitements de Classe III par régulateur de fonction, W.J.S. K E R R , F.M.W. Lo. Traduit par J.-P. M A S S O L ............. Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse craniofaciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance, R.-G. G U D I N , B. G O D A R D ............. Recherche trou occipital désespérément », D. P A J O N I , E. L E J O Y E U X ............................................................ Conduite à tenir après les tractions postéro-antérieures sur masque orthopédique de DELAIRE dans les traitements des Classes III, J.-M. S A L A G N A C .................................................. Le traitement orthodontique chez l'adulte, H. NODIOT ................... Les indices de malocclusion. État des connaissances,

391 393 399

407 427 433 441

M. OLIVIER, J.-M. BRODEUR, C. BERNARD,

A. F O U R N I E R , H. N A C C A C H E ...................................................... 457 L'adolescence est-elle le meilleur moment pour entreprendre un traitement d'orthodontie? Le point de vue du psychiatre, J. V E L I N ................................ 471 Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels, G. C A T H E L I N E A U , J . - F . M I C H E L ............................ 477 Rubrique clinique : Le propulseur amovible thermoformé 493 à bielles de H E R B S T , M. A M O R I C .......................................... Note technique : Fabrication de ressorts composites 503 de B U R S T O N E sans soudage, C . D E L A C H A P E L L E ............. Rubrique informatique : Une expérience informatique 505 avec le PCW d'Amstrad, B. LE ROMAIN, C. DEMANGE Sociétés et congrès ............................................................... 511 Vient de paraître ................................................................... 517 519 Table alphabétique des auteurs des articles parus en 1989.. 519 Table alphabétique des articles publiés en 1989 .................. 520 Changements d'adresse.......................................................... 520 Répertoire des annonceurs.................................................... Les articles parus n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Si maigre tout le soin apporté a la fabrication de cet ouvrage vous constatiez une malfaçon, nous vous demandons de bien vouloir retourner l'exemplaire défectueux à: IMPRIMERIE RÉGIONALE 74, rue de Quimperlé 29380 BANNALEC - FRANCE qui procédera à rechange.

385


« L'éducation » des fils à mémoire de forme : mode d'emploi ( i partie) re

Jean-Paul LOREILLE Françoise FLAGEUL

RÉSUMÉ

Le résumé paraîtra dans la deuxième partie. MOTS CLÉS

Nickel-Titane — Mémoire de forme — Traitements thermo-mécaniques.

1 — AVERTISSEMENT

Abusés par des publicités mensongères et un jargon pseudo-scientifique, beaucoup d'orthodontistes croient utiliser depuis plusieurs années des fils et des arcs métalliques à mémoire de forme (A.M.F.) alors qu'ils n'emploient en fait que des alliages de nickel-titane ayant, pour certains, la propriété de super-élasticité. Ceux-ci ne sont pas sans intérêt, car ils peuvent subir des déformations réversibles de grande amplitude tout en n'exerçant sur les unités dentaires déplacées par leur action que des forces légères. Ces fils peuvent être substitués aux fils torsadés ou tressés qui, bien que conçus pour délivrer des forces faibles, ont quelques inconvénients : J.P. LOREILLE 8, rue Pierre Brossolette, 91370 Verrières-le-Buisson. F. FLAGEUL 48 bis, avenue du Général de Gaulle, 94300 Vincennes.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 393-397, 1989

— la rétention bactérienne dans leur structure non compacte; — leur mauvais glissement dans les attaches et sous les ligatures; — leur fâcheuse tendance à se désunir à leurs extrémités, entraînant pour certains la formation d'une touffe de fils unitaires acérés qui ulcèrent douloureusement la joue. Les alliages qui présentent réellement l'effet mémoire de forme ont une propriété très particulière dont ils tirent leur nom : un tel alliage peut subir une déformation apparemment plastique et retrouver intégralement sa forme initiale par simple réchauffage. Ces alliages possèdent de plus deux propriétés annexes distinctes : la super-élasticité et l'effet caoutchoutique, qui s'expriment en fonction du type de l'alliage et des traitements thermomécaniques appliqués au cours de sa fabrication. 393


J.P. LOREILLE, F. FLAGEUL

2 — APPLICATIONS ORTHODONTIQUES

L'utilisation de la propriété de mémoire de forme en pratique orthodontique repose fondamentalement sur le changement de structure cristalline, appelé transformation » : à l'état solide, certains alliages comme le nickel-titane peuvent passer d'un état de solution stable à haute température nommé état austénitique à un autre état stable à basse température nommé état martensitique. Au refroidissement, la transformation martensitique débute à une température Ms (Martensite start). Elle se termine à une température Mf (Martensite finish). Inversement, au chauffage, la transformation austénitique a lieu entre les températures As (Austénite start) et Af (Austénite finish). Si ces températures de transition sont proches des températures tolérables en bouche (de quelques degrés en dessous de zéro pour la glace qui sort du congélateur à 60° environ pour un potage ou un café brûlant), un fil orthodontique de ce type peut passer de l'un à

l'autre état cristallin en manifestant des propriétés élastiques très différentes. Les arcs à mémoire de forme actuellement disponibles sur le marché (SENTALLOY ou NEO-SENTALLOY, SENTINOL), simplement trempés dans un verre d'eau froide ou dans la bouche d'un patient qui vient de se rincer, sont aussi déformables qu'un fil de laiton. Le seul fait de fermer la bouche, qui va alors se réchauffer à une température proche de 37°, redonne au fil l'élasticité habituelle d'un tel arc orthodontique. Le retour à une rigidité normale se fait progressivement, alors que plongé dans l'eau chaude, le changement est brutal. Ainsi, au cas où la section du fil serait inadéquate ou l'activation trop forte, il suffirait au patient de faire circuler dans sa bouche un peu d'eau froide pour désactiver l'arc ou le ressort délivrant une force excessive. * SENTALLOY ou NEO-SENTALLOY, SENTINOL, commercialisés par GAC INTERNATIONNAL Inc - COMMACK-NY. et par TOMY Inc - TOKYO

3 — «ÉDUCATION» DES FILS EN A.M.F. Les fils de nickel-titane étant difficiles à façonner à la pince, les fabricants les livrent sous forme d'arcs préformés (blanks). Avec un peu d'expérience il est possible de les

modeler à la pince. Mais il est plus intéressant de les « éduquer » par un procédé thermomécanique qui consiste à former le fil tout en le chauffant jusqu'à la température de transformation austénitique. La déformation est alors enregistrée d'une façon définitive.

4 — L'ARCHMATE* 4 -1 - Description et mode d'emploi

L'appareil ressemble à une soudeuse (fig. 1 a). Il comporte deux types de dispositifs permettant : — l'un, de provoquer des déformations par pliage du fil (boucles, arcs de base) ; * L'a ARCHMATE commercialisé par GAC et TOMY, éduque le SENTALLOY et le NEO-SENTALLOY.

394

l'autre, de traiter un arc continu. Le chauffage du fil se fait par passage d'un courant électrique commandé par une pédale et objectivé par un signal sonore. Sur la façade de l'appareil : — à gauche, un commutateur se règle en fonction des cotes de la section du fil (ex.:.018", .017" x .025") (fig. 1 b) ; Rev Orthop Dento Faciale 23: 393-397, 1989


L'éducation e> des fils à mémoire de forme : mode d'emploi (11e partie).

Figure 1 a

Figure 1 b

L'ARCHMATE: machine à éduquer les fils à mémoire de forme. ( TOMY fabricant pour GAC). Observer les deux pinces reliées à la machine par des câbles électriques souples. Une pédale permet de déclencher le courant, dont le passage est objectivé par un signal sonore. A la partie supérieure, deux bornes permettent de connecter les deux extrémités d'un arc continu.

Le réglage du chauffage du fil s'effectue au moyen d'un contacteur, à gauche, où l'on programme les cotes de la section du fil ( 017" x .025", .020" X .020" etc.) et d'un potentiomètre, à droite, où l'on affiche la longueur du segment de fil comprise entre les deux pinces conductrices.

— au centre, un potentiomètre affiche la longueur du segment de fil compris entre les deux pinces. Celles-ci sont reliées à la machine par un câble électrique souple et servent à plier le fil. Pour le traitement d'un arc continu, deux bornes sont placées à la partie supérieure de l'appareil (fig. 1 a).

largeur désirée (fig. 2 a). Après passage du courant, on

4 - 2 - « Éducation d'un arc continu » Il est possible de modifier la forme d'un arc standard. Les extrémités de l'arc sont introduites puis serrées entre les deux plaquettes de chaque borne, à la

Figure 2 a Modification de forme ou incorporation d' une forte courbe de SPEE à un arc continu. Chaque extrémité de l'arc est serrée dans l' une des bornes de l'appareil. Rev Orthop Dento Faciale 23: 393-397, 1989

obtient ainsi un arc plus large ou plus étroit que le modèle. On peut également lui incorporer une forte courbe de SPEE. La partie médiane de l'arc est soulevée à l'aide d'une baguette de verre, non conductrice (fig. 2 b). Pour que la mise en mémoire de forme choisie soit effective, il convient d'observer le changement de couleur du métal qui doit devenir brun doré (fig. 2 c). Le passage du courant pendant près de 5 secondes élève la température à environ 500°. Il doit être interrompu avant que le fil ne bleuisse, toute surchauffe altérant les propriétés élastiques du métal.

Figure 2 b La partie médiane est soulevée à l'aide d' une baguette de verre (non conductrice).

Figure 2 c Après passage du courant qui a chauffé le fil, celui-ci conserve sa déformation : il a été éduqué. 395


J.P. LOREILLE, F. FLAGEUL

4 - 3 - Confection d'un arc de base (fig. 3) Le fil est saisi entre les deux pinces. Elles ne doivent pas entrer en contact et sont séparées d'environ 4 mm ( fig. 3 a). La première courbure s'effectue pendant que le passage du courant, commandé par la pédale, échauffe le fil. Le courant est interrompu dès que le métal a atteint la couleur idéale (fig. 3 b). Les courbures suivantes sont incorporées de la même façon (fig. 3 c).

Préalablement, le fil et les mors des pinces ont été nettoyés avec un solvant, par exemple du chloroforme, pour assurer un contact électrique franc. 4 - 4 - Résultat L'arc de base ainsi traité est refroidi dans un bol d' eau glacée. Il devient alors très déformable (fig. 4 a). Il peut donc être ligaturé à fond dans les attaches sans difficulté ni douleur. A température buccale il reprendra la forme dans laquelle il a été éduqué (fig. 4 b).

Confection et traitement d'un arc de base

Figure 3 a Le fil est saisi entre les deux pinces; un segment de fil d'environ 4 mm les sépare.

Figure 3 b La première courbure s'effectue pendant le passage du courant, commandé par la pédale. Le fil prend en 4 à 5 secondes une couleur brun doré.

Figure 4 a Refroidi (eau fraîche), il devient très facilement deformable. Cette désactivation le rend incapable de délivrer la moindre force. Le processus est réversible. Le réchauffement lui redonnera sa forme initiale.

396

Figure 3 c Les courbures suivantes sont incorporées de la même façon. Noter que le fil (Néo-Sentalloy) n'accepte pas d'angles vifs.

Figure 4 b L'arc de base est terminé. A la température ambiante et à la température buccale proche de 37°, il conserve sa forme et les préactivations incorporées.

Rev Orthop Dento Faciale

23: 393-397, 1989


« L'éducation » des fils à mémoire de forme : mode d'emploi (11e partie).

5 — CONCLUSION

Ce procédé de traitement représente un premier pas vers la maîtrise des alliages à mémoire de forme. Cependant, notre propre expérience nous a montré que l'étalonnage de la machine n'est pas suffisamment précis. L'affichage des paramètres réels (cotes de la section du fil, longueur du segment compris entre les pinces, durée de passage du courant) ne correspond

l'effet de chauffage désiré. De nombreux essais s'avèrent nécessaires. Une machine idéale devrait offrir une plus grande variété de réglages et permettre l'éducation de fils en A.M.F. de différentes marques. Ces premiers essais paraissent toutefois positifs, car ils ouvrent la voie à une technologie d'avant-garde.

OUVRAGES A CONSULTER

ANDREASEN, G.F., HILLEMAN, T.B.: An evaluation of

55 cobalt substituted nitinol wire for use in orthodontics. J Am Dent Assoc 82 : 1373-1375, 1971. BURSTONE, C.J.: Variable modulus orthodontics. Am J Orthod 80: 1-16, 1981. FLAGEUL, F.: L'utilisation orthodontique des alliages dits à mémoire de forme ». Rev Orthop Dento Faciale 22 :

Rev Orthop Dento Faciale 23: 393-397, 1989

31-38,1988. GUÉNIN, G.: Effet mémoire de forme et phénomènes associés. Rev Orthop Dento Faciale 22 : 17-28, 1988. MIURA, F., MOGI, M., OHURA, Y., HAMANAKA, H.: The

superelastic property of the japanese Niti alloy wire for use in orthodontics. Am J Orthod Dentofac Orthop 90: 1-10, 1986.

397


Modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire au cours des traitements de Classe III par régulateur de fonction

W.J.S. KERR, F.M.W. Lo Traduit par J.P. MASSOL

RÉSUMÉ

Les moulages dentaires de dix-huit cas de malocclusion de Classe III, traités par le régulateur de fonction de type III (FR III), sont mesurés et comparés avec ceux d'un groupe témoin traité par appareils amovibles maxillaires et dispositifs Edgewise pour les mêmes malocclusions. Les modifications moyennes enregistrées pendant le traitement sont cliniquement peu importantes dans les deux groupes et sont caractérisées par une expansion de l'arcade maxillaire et une contraction de l'arcade mandibulaire. Le groupe FR III montre une augmentation significativement plus importante de l'expansion au niveau de la largeur intermolaire et une augmentation significativement moins importante de la flèche d'arcade maxillaire (P <0,05), par comparaison au groupe témoin. Le manque de coopération et les différences de conception des écrans vestibulaires semblent expliquer que l'on obtienne moins d' expansion avec le FR III comparé avec les études précédentes portant sur le FR IL MOTS CLÉS

Régulateur de fonction de Classe III — Malocclusion de Classe III — Dimension d' arcade dentaire.

INTRODUCTION

W.J.S. KERR, F.M.W. LO — Department of Orthodontics, Glascow Dental Hospital and School, 378 Sauchiehall Street, Glascow, G2 3JZ, Scotland, United Kingdom. J.P. MASSOL 2, avenue Gambetta, 81000 Albi.

Le principe fondamental qui justifie le recours au régulateur de fonction dans le traitement des malocclusions avec dysmorphose squelettique antéro-postérieure est d'éliminer tous les facteurs qui peuvent freiner la croissance de l'arcade dentaire insuffisamment développée, ainsi que celle de sa base osseuse,

R e v O r t h o p D e n t o Faciale 23: 3 9 9 - 4 0 5 , 1 9 8 9

pendant que simultanément on réduit l' hyper-développement de l'autre arcade dentaire et de sa base osseuse. Ceci est obtenu au moyen d'écrans, de « pelotes » et de bandeaux vestibulaires. Dans les cas de malocclusions de Classe II, l'objectif est de freiner la croissance sagittale du maxillaire, tout en stimulant la crois399


W.J.S. KERR, F.M.W. LO. Traduit par J.P. MASSOL

lance de la mandibule, et vice versa dans les malocclusions de Classe III'. L'importance des effets squelettiques et dentaires, démontrés à l'aide de clichés céphalométriques dans ces deux groupes de malocclusion, a été décrite par de nombreux auteurs', 5. En plus de la correction de la dysmorphose antéropostérieure et de la modification fonctionnelle des tissus mous, FRANKEL2 pense que les écrans vestibulaires peuvent jouer un rôle dans la diminution de l'encombrement en facilitant l' expansion des arcades dentaires. Il attire également l'attention sur le fait que puisque les plus grandes modifications du complexe alvéolodentaire surviennent pendant l'éruption des dents permanentes, le milieu et la fin de la période de denture mixte est l' époque où les plus grands effets sur la croissance peuvent être obtenus par le régulateur de fonction. Mc DOUGALL et al.5 confirment l'aspect routinier de l' expansion latérale des arcades dentaires chez les sujets de Classe II traités avec le régulateur de fonction et qui portent leur appareil 18 à 20 heures par jour, pendant toute la durée du traitement. Mc WADE et al.7,

en accord avec ces résultats, montrent que l'expansion la plus importante est enregistrée dans la région molaire, aux deux arcades, et que l'importance de l' expansion diminue à mesure que l'on s' approche de la région canine. Dans chacune de ces deux études, des sujets non traités sont utilisés comme témoins : dans la première, un échantillon de sujets normaux, et dans la dernière, un échantillon de cas de Classe II. Il n'a donc pas été établi que les régulateurs de fonction sont significativement meilleurs pour l'obtention d'une expansion que d' autres types d'appareils utilisés habituellement dans le traitement de ces malocclusions. Ce sujet n'a pas non plus été étudié dans les malocclusions de Classe III traitées par le régulateur de fonction. Les objectifs de la présente étude sont donc de rechercher quelles sont les modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire produites par le régulateur de fonction de Classe III (FR III) dans le traitement des malocclusions de Classe III et de comparer ces modifications avec celles produites par d'autres appareils.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Le matériel est constitué par des moulages d'étude de sujets traités pour malocclusion de Classe III, à l'Hôpital et l'École Dentaire de GLASGOW. Pour les besoins de l'étude, les maloclusions de Classe III sont définies comme étant responsables de la linguocclusion des incisives centrales maxillaires, ceci pour s'assurer que seuls les cas les plus extrêmes de cette malocclusion sont retenus, ce qui élimine donc toute surprise désagréable quant à la classification occlusale. Le groupe expérimental de sujets traités avec le FR III de FRANKEL comporte des moulages d'étude pris immédiatement avant le traitement (Stade I) et à la fin du traitement actif (Stade II). Un 400

groupe témoin de sujets de Classe III, traités par appareil amovible maxillaire ou appareil fixe multibague haut et bas de type Edgewise, a été constitué pour les besoins de la comparaison. Aucun des sujets n'a nécessité une expansion active des secteurs postérieurs pour le traitement d'une occlusion croisée postérieure. De plus, un certain nombre de sujets dans chaque groupe a disposé d'un troisième jeu de moulages d'étude ( Stade III), pris au moins six mois après la fin de la période de contention. Les détails sont consignés dans le tableau I. Neuf points (fig. 1) sont marqués sur chaque moulage d'étude supérieur et inférieur avec la pointe fine d'un marqueur, comme cela a été décrit par Rev Orthop Dento Faciale 23: 399-405. 1989


Modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire au cours des traitements de Classe III par régulateur de fonction

Ho et KERR3. Les points sont définis comme suit : — 1 et 9 : point de contact distal sur la crête marginale des premières molaires permanentes droite et gauche ; — 2 et 8 : pointe de la cuspide distopalatine des premières molaires permanentes droite et gauche. — 3 et 7 : pointe de la cuspide palatine des deuxièmes prémolaires droite et gauche. — 4 et 6: pointe de la cuspide des canines permanentes droite et gauche. — 5 : point interincisif situé au contact des bords incisifs de chaque incisive centrale. Un certain nombre de conventions sont établies pour tenir compte, sur les moulages d'étude en denture mixte,

d'une anomalie de morphologie dentaire et de la présence ou de la perte prématurée de dents temporaires. Lorsque deux cuspides linguales sont présentes sur la seconde prémolaire mandibulaire, le point médian le plus lingual entre les deux cuspides est retenu. Quand la seconde molaire temporaire est présente, la cuspide mésio-linguale ou mésio-palatine de cette dent est substituée aux points 3 ou 7. Quand les canines temporaires sont présentes, leur cuspide est substituée aux points 4 ou 6. Lors de la perte prématurée d'une dent temporaire, l'estimation de la position du point de repère se fait sur la muqueuse, selon l'opinion la plus objective possible de l'opérateur. Stade I

M

F

Total

FR. III

7

11

18

Témoin

8

10

18

Age 10.4 10.7

Stade II

Écart type 2.0 2.4

Age

Écart type

12.9

2.7

12.5

3.0

Stade III FR. III

4

6

10

Témoin

2

6

8

15.2 13.6

2.0 2.9

Tableau I Sexe, nombre et âge (années) sur des sujets par groupe et stade.

A R C A D E SUPÉRIEURE

1 1111

4 11 4

eb

14111111111111k0fl

ARCADE

10

Figure Rev Orthop Dento Faciale 23: 399-405, 1989

INFÉRIEURE 1

• •g 40 ilust . s

401


1

W.J.S. KERR, F.M.W. LO. Traduit par J.P. MASSOL

A partir de ces points, les paramètres suivants sont mesurés à l'aide d'un compas précis au dixième de millimètre : — la distance intermolaire (DIM) entre les points 2 et 8 ; — la distance interprémolaire (DIP) entre les points 3 et 7 ; — la distance intercanine (DIC) entre les points 4 et 6 ; — la flèche d'arcade (FA) entre les points 5 et 10 ; le point 10 est situé au milieu de la droite joignant les points 1 et 9 ; — le périmètre d'arcade (PA) entre les points 1, 4, 5, 6 et 9. Les paramètres sont mesurés à deux dates différentes par le même opérateur et l'erreur de méthode est calculée pour

chaque paramètre selon la formule de DAHLBERG (tableau II). Celle-ci est jugée acceptable, bien que légèrement inférieure à celles de Ho et KERR'. En conséquence, les résultats sont calculés sur la base de la moyenne de ces deux mesures distinctes dans le temps.

Les résultats sont présentés séparément pour l'arcade maxillaire et l'arcade mandibulaire, avec comparaison des valeurs moyennes pour chaque groupe au stade I et des modifications secondaires entre les stades I et II, et entre les stades II et III. Les modifications survenues entre les stades II et III ne relèvent que des sujets ayant eu trois moulages d' étude.

cette discrète expansion se maintient après le traitement. La flèche d'arcade (FA) augmente significativement plus (P < 0,05) dans le groupe témoin comparé au groupe FR III pendant le traitement. Après le traitement, cette augmentation est similaire dans les deux groupes. Le périmètre d'arcade (PA) diminue faiblement dans les deux groupes pendant le traitement et augmente légèrement après la contention.

Variable

Si

DIM DIP

0.27

DIC

0.19

FA

0.56

0.29

PA

0.59

Tableau II Erreur de méthode Si =

E d2 en

millimètres (n = 180).

2n

RÉSULTATS

Maxillaire (tableau III) Les résultats indiquent que la distance intermolaire (DIM) augmente pendant le traitement chez le groupe FR III et que cette expansion se maintient après l' interruption du traitement. Cette augmentation est significativement plus importante que le groupe témoin (P < 0,05). La distance interprémolaire (DIP) augmente dans des proportions identiques dans les deux groupes et cette augmentation se maintient après l'interruption du traitement dans le groupe FR III. La distance intercanine (DIC) augmente de façon comparable dans les deux groupes pendant le traitement et 402

Mandibule (tableau IV) A l'arcade mandibulaire, la distance intermolaire ne se modifie que légèrement dans les deux groupes et à chaque stade. La distance interprémolaire est encore plus stable que la distance intermolaire dans les deux groupes. La distance intercanine diminue globalement. La flèche d'arcade ainsi que le périmètre d'arcade diminuent globalement, sans différence significative entre les groupes. Rev Orthop Dento Faciale 23: 399-405, 1989


Modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire au cours des traitements de Classe III par régulateur de fonction

MAXILLAIRE

Stade I n

t

n

x

Écart type

t

n

x

Écart type

t

FR.III 18 Témoin 18

41.5 40.2

3.9 3.5

1.05

18 18

1.3 0.3

1.3 1.4

2.22*

10 8

0.3 0.1

0.8 1.4

0.38

DIP

FR.III

18

35.0

2.13*

1.0 1.0

1.8 2.4

10 8

0.7 - 0.4

1.3 2.2

1.59

32.8

18 18

0.00

Témoin 18

3.0 3.2

FRIII

0.82

18 18

0.8 0.6

2.4 2.3

0.25

10 8

1.1 0.9

2.9 2.0

0.16

1.22

18

1.9

2.44*

10

1.56

8

0.6 2.8

2.7

18

0.6 2.5

18 18

1.3 3.8

3.5 6.6

10 8

2.1 3.9

7.3 6.2

FA PA

i

Écart type

Stade III-II

DIM

DIC

1

x

Stade II-I

18

32.6

1.7

Témoin 18

31.9

3.2

FRIII

18

34.5

1.7

Témoin 18

33.7

2.2

FR.III 18 Témoin 18

91.2 88.5

3.8 5.7

1.67

2.7 1.41

3.3 0.55

* P < 0.05

Tableau III Comparaison des moyennes des dimensions relevées au maxillaire (mm) au stade I et des moyennes des augmentations (mm) entre les stades pour le FR. III et les groupes témoins.

MANDIBULE Stade I n

x

Écart type

Stade II-I t

n

x

Écart type

Stade III-II t

n

x

Écart type

t

DIM

FR.III 18 Témoin 18

37.9 36.0

2.7 3.1

1.96

18 18

0.9 - 0.4

2.5 1.8

1.79

10 8

0.2 0.6

2.5 1.5

0.39

DIP

FR.III 18 Témoin 18

32.6

2.7

1.19

18

0.7

1.7

1.82

10

-0.5

2.0

0.36

31.4

3.3

18

-0.6

2.5

8

-0.2

1.4

FR.III 18 Témoin 18

26.2

1.5

18

0.1

1.5

10

-0.3

1.3

27.0

2.8

18

-0.4

2.1

8

-0.3

0.9

FRIII 18 Témoin 18

34.0

3.2

18

-1.9

1.5

10

-1.3

2.0

33.3

2.6

18

-1.2

3.1

8

-0.5

2.7

FR.III 18 Témoin 18

88.9 86.7

5.4 5.5

18 18

- 3.2 -0.8

3.2 6.1

10 8

- 2.6 - 1.3

5.3 5.3

DIC FA PA

1.07 0.72 1.21

0.45 0.74 1.47

0.00 0.72 0.51

Tableau IV Comparaison des moyennes des dimensions relevées à la mandibule (mm) au stade I et des moyennes des augmentations (mm) entre les stades pour le FR. III et les groupes témoins.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 399-405,1989

403


W.J.S. KERR, F.M.W. LO. Traduit par J.P. MASSOL

DISCUSSION Les modifications d'arcade enregistrées à la fois dans le groupe FR III et le groupe témoin sont discrètes et, généralement, les déviations standards sont importantes, ce qui traduit une grande variabilité dans les réponses individuelles. L'expansion transversale des arcades dentaires est considérablement moins importante que celle décrite par les utilisateurs du FR II, mais comparable à celle décrite communément avec d' autres appareils (Ho et KERR3). Il est vraisemblable que l'absence relative d'expansion au maxillaire relevée dans cette étude avec le FR III, soit en relation avec la coopération des patients. Alors que chez tous les patients FR III dans cette étude, le temps de port de l'appareil était au minimum de douze heures par jour, et dans certains cas, de presque vingt-quatre heures, l' évaluation objective de la coopération est difficile et la moyenne peut avoir été inférieure aux dix-huit à vingt heures rapportées par Mc DOUGALL et al.5. Néanmoins, le matériel montre le même schéma d'expansion que dans les études sur le FR II, avec l'expansion la plus importante enregistrée dans la région molaire et la plus discrète dans la région canine. Notre étude met également en évidence une expansion de l'arcade maxillaire associée à un certain degré de contraction de l'arcade mandibulaire avec le FR III, alors que les études en

FR II montrent une expar' ion des deux arcades. Les écrans vestibulaires sont essentiellement responsables de ces phénomènes. Il est donc important de se souvenir que, au contraire du FR II où les écrans vestibulaires sont à distance des arcades maxillaires et mandibulaires, dans le FR III les écrans vestibulaires sont au contact de l'arcade mandibulaire et à distance de l'arcade maxillaire, ce qui explique les différents effets sur chaque arcade.

1. Les augmentations de largeur d' arcade pendant le traitement avec le FR III sont cliniquement non significatives de la suppression de l'encombrement et un peu plus significatives en ce

qui concerne la largeur intermolaire si l' on compare au groupe témoin.

Les modifications de la flèche d'arcade sont en relation directe avec l'inclinaison des incisives. Comme l'ont montré précédemment KERR et TENHAVE4, les appareils amovibles au maxillaire entraînent presque deux fois plus de vestibulo-version des incisives supérieures pendant le traitement que le FR III, et légèrement moins de linguo-version incisive inférieure. Les dispositifs Edgewise entraînent des modifications de l' inclinaison des incisives supérieures comparables à celles du FR III, mais légèrement plus importantes pour les incisives inférieures. Ainsi, la flèche d' arcade au maxillaire augmente moins avec le FR III, par comparaison avec le groupe témoin, et n'est pratiquement pas modifiée à la mandibule. L'extraction de dents dans un but thérapeutique n'a qu'une influence modérée sur la flèche d'arcade et le périmètre d'arcade.

CONCLUSIONS

404

2. Les deux groupes montrent une augmentation de flèche d'arcade maxilRev Orthop Dento Faciale 23: 399-405, 1989


Modifications dimensionnelles de l'arcade dentaire au cours des traitements de Classe III par régulateur de fonction

laire et de périmètre d'arcade pendant le traitement, et une diminution des dimensions correspondantes à la mandibule, liées directement à la modification de l'inclinaison incisive produite par les appareils. 3. Les modifications discrètes produites dans chaque groupe appareillé sont relativement stables après contention. 4. Bien que le FR III ne paraisse pas offrir d'avantages supplémentaires par rapport aux appareils amovibles au

maxillaire, et aux appareils d'Edgewise en ce qui concerne les modifications de dimension d'arcade, les tendances enregistrées ici vont dans le même sens que les objectifs généraux du traitement des malocclusions de Classe III, c'est-à-dire expansion maxillaire et contraction mandibulaire. 5. D'autres études plus poussées avec le FR III, incluant seulement les sujets dont la coopération est correcte sont nécessaires pour établir si des modifications plus importantes de dimension d'arcade peuvent être obtenues.

BIBLIOGRAPHIE

1 2 3 4 5 6 7

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Trans Eur Orthod Soc. 1971. FRANKEL, R. : Decrowding during eruption under the influence of vestibular shields. Am J Orthod 65 : 372-406, 1974. Ho, K.K., KERR, W.J.S.: Arch dimensional changes during and following fixed appliance therapy. Br J Orthod 14 : 293-297, 1987. KERR, W.J.S., TENHAVE, T.R.: A comparison of three appliance systems in the treatment of Class III malocclusion. Eur J Orthod 10 : 269-280, 1988. Mc DOUGALL, P.D., Mc NAMARA, J.A., Jnr., DIERKES, J.M. : Arch width development in Class II patients treated with the FRANKEL appliance. Am J Orthod 82 : 10-22, 1982. Mc NAMARA, J.A. Jnr., BOOKSTEIN, F.L., SHAUGHNESSY, T.G.: Skeletal and dental changes following functional regulator therapy on Class II patients. Am J Orthod 88 : 91110, 1985. Mc WADE, R.A., MAMANDRAS, A.H., HUNTER, W.S.: The effects of FRANKEL II treatment on arch width and arch perimeter. Am J Orthod Dentofac Orthop 92 : 313-320, 1987.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 399-405, 1989

405


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance Nous n'acquérons guère de connaissances nouvelles que pour nous désabuser de quelque illusion agréable. Jean-Jacques ROUSSEAU

Robert-G. GUDIN Bernadette GODARD

RÉSUMÉ

La recherche des mécanismes lésionnels permet de mettre en évidence l'importance des troubles de compression de la sphère oro-faciale dans les états dyspnéiques liés à la gêne fonctionnelle naso-pharyngée qui les caractérise. Le trouble pneumatique atteint en dominance au cours de la morphogenèse , de la naissance à l'adolescence, le squelette ethmoïdal, très malléable, et ses sinus cranio-faciaux. L'influence de la dyspnée, gêne fonctionnelle provoquée par les infections oto-rhinolaryngologiques si fréquentes dans la première enfance, s'ajoute aux troubles posturaux mandibulo-linguo-hyoïdiens intervenant dans les « mimiques de sécurisation » et en particulier à ceux qui sont sous la dépendance du deuxième temps de la tétée, la déglutition et la mise en jeu des mécanismes oro-pharyngés. Dans l'organisation progressive du massif facial, la tétée ne se réduit pas à un geste mécanique nécessaire, pas plus qu'à des stimulations sensorielles élémentaires. Cet acte complexe engage le fonctionnement de toute la zone oro-digestive etfaconne le visage et l'expression future de l'adulte. L'introduction du doigt (contre laquelle s'insurge souvent la famille: « il suce son pouce ») n' est nullement nécessaire ; tout plaisir ou toute contrainte peuvent être dl' origine de cette activité émotive prolongée, qui s'accompagne d'un certain « rituel » tel que la caresse d'une jupette, d'un « nounours », ou d'autres « inducteurs », quelquefois les plus extraordinaires (annexe I). R.-G. GUDIN — 28, rue Casteja, 33000 Bordeaux

MOTS CLÉS

B. GODARD — 11 bis, allées de Chartres, 33000 Bordeaux.

Croissance — Posture mandibulaire — Cavités pneumatiques — Dyspnée — Architectonique cranio-faciale et cervicale — Tétée de sécurisation — Déglutition.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989

407


R.-G.

GUDIN,

B.

GODARD

PATHOGÉNIE ET MÉCANISMES LÉSIONNELS DANS LES TROUBLES DYSPNÉIQUES

— —

Si notre spécialité veut devenir une discipline à part entière, elle doit prendre en considération les mécanismes lésionnels et la pathogénie des anomalies concernant les sphères cranio-faciale et cervicale. Ce n' est qu'à cette seule condition que nos objectifs thérapeutiques seront le complément heureux de l'orthopédie générale (fig. 1). « L'orthopédie générale et l'orthopédie maxillofaciale oeuvrent vers des buts communs : esthétique : en essayant de donner une morphologie normale ; fonctionnel : en luttant pour obtenir des fonctions statiques et dynamiques correctes ;

— prophylactique, car les troubles orthopédiques du rachis conduisent à l'âge adulte à des complications arthrosiques, algiques, respiratoires et parfois neurologiques. » (B. LAVIGNOLLE) (type syndrome de CosTEN, névralgie cervicale, etc.). En effet, posture érigée et statique vertébro-crânienne dominent l'architectonique cranio-faciale et vont se relier à la pathogénie de ces régions (fig. 10). L'architectonique cranio-faciale va notamment nous permettre de mieux saisir la réalité des mécanismes qui président à la maturation des sphères concernées. L'importance des facteurs mécaniques musculaires et squelettiques n'est pas négligeable dans les mouvements effectués au cours des mimiques, qu'elles soient liées à la sécurisation de l'enfant ou qu'elles soient en rapport avec la gêne respiratoire qu'il manifeste par la dyspnée. Ceci nous conduit à mieux appréhender les troubles du comportement neuro-musculaire en orthopédie maxillo-faciale et les anomalies de croissance qu'ils déterminent.

Figure 2 Figure 1 Croissance après réadaptation fonctionnelle (observation du DrB. LAVIGNOII F.). Polydysmorphique, impotente respiratoire naso-thoracique, dyspnéique, déformations favorisées par la laxité constitutionnelle. La fillette, en dehors de son « syndrome de rétrognathie fonctionnelle » (Sémiologie Classe II), présente une cyphose dorsale avec hyperlordose et genu valgum. 408

Foetus de 5 mois. Sphère orale et pharyngée: structures fonctionnelles communes. Organisation architecturale progressive de la mandibule avec la musculature et les organes voisins. Le cartilage de MECKEI, qui a servi de soutien à cette ébauche membraneuse, est en voie de disparition, le condyle étant constitué. Remarquer l'ossification membraneuse de la voûte du crâne et les trois noyaux d'ossification de la base en plein tissu cartilagineux ( R. G. GUDIN, documents tirés au logetron par les services du Pr LACHAPEIIF, Fondation BERGONIE). Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989

J


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

LE TROUBLE PNEUMATIQUE ET LA GENE RESPIRATOIRE Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée vont mettre en évidence les corrélations qui existent entre l'état de gêne respiratoire et l'action musculaire, matrice fonctionnelle d'environnement qui détermine le vide pneumatique des cavités aériennes voisines (fig. 6 et 7). Nous appuyant sur l'anatomo-physiologie et la biomécanique de ces sphères, nous devons rappeler que la croissance de ces régions se trouve sous l'influence déterminante des fonctions du carrefour rhinopharyngé et de l'équilibre cranio facial en voie d'organisation (fig. 2). Il faut rappeler, par ailleurs, que le massif pharyngo-lingual, du fait de ses connexions fibromusculaires, est solidaire de deux plates-formes d'appui : la mandibule et l'os hyoïde (fig. 9 et 23). Étant solidaire de l'os hyoïde, la langue accompagne la mandibule dans tous ses déplacements en mobilisant la plate-forme hyoïdienne : le massif pharyngo-lingual anime ainsi la mandibule et l'os hyoïde dans toutes leurs activités (annexe V). Intervenant dans cet équilibre, il contribue au modelage et à l' induction de croissance de l'ensemble facio-cervical ( fig. 8 et 9). Toute perturbation dans ces activités cinétiques peut entraîner une gêne fonctionnelle respiratoire par l' obstruction ainsi que la diminution du calibre phary ngé, et être cause de dyspnée (fig. 22 et 24).

Frontal

Plenum ou Jugum sphénoïdale basi-sphénoïde

basi-post sphénoïde cartilage sphéno-occipital basi-occipital / Septum nasi cartilagineux

0

Foramen

Figure 3 bis

magnum

La flexion cranio-faciale. Coupe sagittale de la base du crâne d'un nouveau-né (en grisé: les portions cartilagineuses). - E: sommet de l'angle de flexion avec son a tuberculum sellae » ( Ephippium des anthropologistes). - N: nasion, suture naso-frontale sur la ligne médiane. - S: selle turcique ou fosse pituitaire. Représente pour les orthodontistes le milieu de cette fosse. Point de référence imparfait, ne peut être utilisé pour des études sur la morphogenèse. En effet, les variations du profil facial et son angulation doivent exprimer correctement le mouvement de bascule de la face sous le crâne cérébral en étudiant ses variations de flexion par rapport au plan foraminien B.O., que commande la statique de l'individu ( équilibre faciocranio-cervical). - B: basion : portion inférieure du clivus de l'entonnoir de l'occipital. - O : opisthion: rebord postérieur du trou occipital. On constate sur cette coupe la malléabilité médiane de cette formation enchondrale et osseuse. De vastes cellules aérifères rempliront chez l'enfant et l'adulte l'intérieur de cet os conjoint qui est le corps du sphénoïde.

.-1

p. crista— Frontal

4

Lame cribl. Cornet sup.

Cell. Ohm.fr.

Masse talcrale

Cell. Ohm Cornet moy. Larne peril.

Figure 3

Ccli. etLm.-

Max,ll. sap.

max.

Piliers haversiens osseux faciaux, architecture de l'orbite. 1 et 2: Pilier postérieur de la face, ptérygo-sphéno-frontal. 3: Pilier externe. 4: Pilier antérieur. (d'après G. COULY, in E.M. C. Stomatologie). Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989

Figure 4 Les cavités aériennes cranio-faciales. Coupe vertico-transversale de l' ethmoïde (schématique) (In: Anatomie, ROUVIERE, Masson éd.).

409


R.-G. GUDIN, B. GODARD

EP GZ

PZ CB M

B

Figure 5 bis

Figure 5 Les éléments de la « matrice fonctionnelle » A la musculature orale externe, animée par les masticateurs, s' ajoutent les muscles peauciers, muscles des mimiques de DUCHENNE DE BotILOGNE. Masque tragique de l'écorché: (photographie collect. Antony Muséum d'Histoire Naturelle). (in F.M. C. 9/1972 - GUDIN et BELAIR. Troubles caractériels et comportement neuro-musculaire au cours de la croissance.)

A.

- transv. du nez;

M.

- modiolus (carrefour étoilé juxta-commissural); buccinateur (s'étend d'une mâchoire à l'autre et contribue ainsi à former la paroi latérale de la cavité buccale); -carrédumenton; O. - orbiculaire des lèvres; -h ton; P.F . -- triangulaire; peaucier du cou; - ouppedumengrand T.

B. CM. H.

GZ. PZ. E. EP.

zygomatique; petit zygomatique releveur superficiel; releveur -

C. MY.

- frontal; - canin; - myrtiforme.

Figure 6 profond;

410

Observ. DEC... 11 ans. Trouble de compression transversale de la face et des mâchoires à caractère « pneumatique ». Tomographie passant par l'apophyse pyramidale du malaire, coupe perpendiculaire au plan de Francfort. L'obstruction nasale, ici primitive, est déterminée par la déformation de la cloison nasale et l'hypertrophie compensatrice du cornet inférieur. La dyspnée et la gêne fonctionnelle qui en résulte s'ajoutent au trouble de croissance du cadre osseux nasal et détermine une déformation de la sphère maxillo-faciale sous l'action déséquilibrée de l' environnement musculaire oral (« matrice fonctionnelle ») intervenant sur les nombreuses « cavités ethmoïdales » du massif sphénoethmoïdal. Il y a compression transversale, musculaire, avec diminution de la pression intrabuccale en rapport avec la dyspnée et le temps de déglutition. L'endo-alvéolie et la rétention canine paraissent secondaires au sous-développement nasal (hypotrophie maxillaire). Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

Figure 7 Les matrices fonctionnelles oro-labiales et oro-pharyngées (GuDIN). Au cours de la morphogenèse, les zones d'activité orale antérieure et postérieure doivent s'équilibrer dans toutes les fonctions et parafonctions: Zone oro-labiale; ZO Zone oro pharyngée; P MM* - Les modioli: carrefours étoilés juxta-commissuraux; 1 B CL

2

Orbiculaire des lèvres; Buccinateur; - Constricteur supérieur du pharynx et carrefour pharyngé; Massif pharyngo-lingual dans la portion buccale; Les muscles des mimiques intriqués à la musculature jugale par l'intermédiaire des modioli.

Figure 8

Figure 9

Dynamique de l'environnement musculaire oro-labial au cours de la tétée.

L'architectonique cranio-faciale. Le massif pharyngo-lingual, relié à la mandibule et à l'os hyoïde, intervient corrélativement avec la statique cervicale sur l'orientation des travées du massif cranio facial. La langue trouve ainsi deux plates-formes d'appui dans ses fonctions : la mandibule et l'os hyoïde.

Action pneumatique intra-buccale déterminée par la succion au niveau du sphincter oro-labial ZO. Ici, le premier temps de la déglutition caractérise une mise en tension de la zone orale antérieure (cf. fig. 19 et 20). La charpente alvéolo-malaire se déforme. A la dépression orale antérieure fera suite le «vide pharyngé» au cours de la déglutition proprement dite. A signaler sur ce calque téléradiographique, la schématisation de « l'angle sphéno-malaire » BNPy associé à « l'angle du prognathisme alvéolaire » qui le complète. Cet ensemble osseux malléable, laxe dans ses « articulations suturales », reste sous l' influence déséquilibrée du comportement labio-lingual (cf. fig. 20) et des actions compressives jugales antéropostérieures. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989

Le plan de référence préconisé pour étudier les variations angulaires sagittales des diverses travées de l'architecture cranio-faciale antérieure est le plan sphéno-occipital de la base du crâne (B.N.). Il est relié à la statique générale par le plan foraminien; son orientation contribue avec d'autres facteurs, notamment la croissance, à la biomécanique de la tête et à son équilibre. L'angle NBO varie avec la statique et influence le crâne facial « crâne viscéral », relié aux fonctions (GuDIN).

411


R.-G.

GUDIN, B. GODARD

— Représentation schématique des facteurs réciproques d'équilibre musculaire de la tête et du tronc : les haubans de sustentation. (X.-J. DUBECQ • et R. G U D I N ) . HAUBANS POSTÉRIEURS: tronçon occipito-vertébral, tronçon inter-vertébral, tronçon iléo-vertébral solidaire du groupe iléo-crural, HAUBANS ANTÉRIEURS: groupe prévertébral, groupe cervico-costo-sternal (SCALèNES ET STERNO-CLEIDO-MASTOIDIEN). groupe cranio -mandibulaire (élévateurs), groupe mandibulo

I

hyol sternal (abais-

seurs),

Figure 10 Équilibre musculaire de la tête et du tronc. L' échafaudage cranio-facio-vertébral, charpente de soutien de la tête et du cou, subit au cours de la croissance une série de remaniements en rapport avec sa statique. Tout comme les corps vertébraux, la tête est soumise aux lois de la pesanteur et au jeu des muscles : elle assure son équilibre par le haubanage musculo-ligamentaire de la tête et du tronc (annexe IV). Au milieu de cet assemblage, la mandibule, seul élément mobile de la face, prend une position conditionnée en partie par la morphologie de voisinage et en partie par la statique cervicale (cf fig. 9). Lorsque la lordose cervicale existe, elle modifie défavorablement la lumière du pharynx.

Constrict. sups

ligt ptérygo mar. Buccinateur

Zone du Modiolus Orbiculaire

1~

vr

Figure 12 Schématiques.

w

Le sphincter labio-buccinato-pharyngé (inspiré d'ACKERMAN: Mécanisme des mâchoires, Masson éd.). C ' e s t u n e s a n g l e c o n t i n u e f o r m é e e n a v a n t p a r l ' o r b i c u l a i r e d e s Figure 11 lèvres, les modioli, carrefours étoilés juxta-commissuraux où conver- gent les différents peauciers des joues. Il se continue en arrière par le Le sphincter labio-buccinato pharyngé, matrice fonctionnelle orale constricteur du pharynx» (FERRE, thèse médecine, BORDEAUX, (Dissection de F. BELTRAMI). 1962). •~;-,

412

Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

LES CAVITÉS AÉRIENNES ETHMOIDALES — L'IMPORTANCE DES TROUBLES PNEUMATIQUES DANS LA MORPHOGENÈSE

La topographie de ces régions démontre que toutes les cavités annexes du nez, aux structures minces et malléables, sont des cavités ethmoïdales, cavités frontales et maxillaires comprises (fig. 4 et 6). L'ethmoïde, situé en avant du sphénoïde, est enclavé dans l'échancrure ethmoïdale du frontal. Les cellules ethmoïdales ou sinus sont creusées en totalité dans les masses latérales de l'ethmoïde et dans les os qui s'articulent avec elles. Comme le rappelle RouvIÈRE 5, on peut distinguer des cellules ethmoïdofrontales, ethmoïdo-sphénoïdales, ethmoïdo-maxillaires, même unguéales. Leurs parois inférieures sont en rapport avec la voûte des fosses nasales et du pharynx . On voit ainsi l'importance de cette action constrictive au niveau des carrefours rhino- et oro-pharyngés, entraînée par la gêne respiratoire. Vers la fin de la première année, les cellules ethmoïdo-frontales présentent un toit osseux transver

sal partiellement cartilagineux en rapport avec les lames criblées et la crista-galli. Complétant cet ensemble, l'échafaudage frontoethmoïdal sert d'étai antérieur à la formation crânienne, les pyramides malaires ou zygomatiques arcboutant les parties latérales de la face qui se construit ( fig. 3). Cet ensemble squelettique s'infléchit vers l'avant et vers le bas pour constituer le massif facial supérieur ( fig. 9). A l'opposé de cette bascule antérieure, la synchondrose sphéno-occipitale permet la bascule vers l'arrière et accentue par cette flexion la fermeture de l'angle sphénoïdal de WELCKER (E) dans un équilibre craniocervical en interférence avec la statique mandibulaire et hyoïdienne qui s'organise (fig. 9). Ces mécanismes mettent en évidence les relations d'équilibre entre l'appui cervical et l'équilibre hyolingual conditionnant la perméabilité pharyngée.

C

Figure 14

Figure 13 Faciès de l'adénoidien aux narines pincées. Aspect dyspnéique de l'infecté nasal. Respiration buccale de suppléance. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989

Mécanisme de la croissance au niveau des sutures interincisive (1) et incisivo-canine (2) a - pont fermé; b - pont ouvert (sans rattrapage des sutures); c - les sutures après croissance (d'après J. DELAIRE).

413


R.-G. GUDIN, B. GODARD

fosses nasales

+ actions Hugo-

commissurales

—► t+

++ t langue

Figure 17 L'activation de croissance transversale +++ dans le retard de développement de l'étage moyen de la face.

Figure 15 Structures osseuses dans l'atteinte dyspnéique (Fillette de 11 ans morte de tuberculose). La dystrophie faciale est marquée par le « trouble pneumatique » qui détermine la compression transversale de la face. Action pneumatique visible sur le massif ethmoïdo-maxillaire avec voûte palatine déformée en endognathie (cf. fig. 16).

++ l e t o n u s d u m as s i f l i n g u al res t e i n s u ffi s an t d u fai t de sa malposition. T - talonnette d'interposition molaire pour faire basculer la mandibule et la langue dans le sens sagittal, - Egression des 6 fixant la position mandibulaire, l' infragnathie molaire se réduit progressivement.

Zones d'activités commissurales = modiolus reliant le sphincter buccal aux peauciers de la face Trouble pneumatiqu e à neutraliser = la tension du massif lingual ne suffit pas

Contraintes jugales appuyant l'action ' du buccinateur

Figure 18

Figure 16 Coupe montrant la pneumatisation du massif cranio-facial (obs. de la fig. 15). - La pneumatisation des cellules ethmoïdales et de leurs

annexes cranio-faciales est une des causes prédisposantes des déformations squelettiques de ces sphères au cours de la morphogenèse. - Tomographie : coupe antérieure passant au niveau des canines supérieures.

- Les déformations transversales constatées sur ces tomographies montrent l'influence dominante de la matrice musculoaponévrotique (matrice fonctionnelle) déterminée par l'état dyspnéique de la fillette tuberculeuse, infectée nasale. 4 14

Mécanismes lésionnels à neutraliser pour favoriser la croissance du massif incisivo-nasal — coin individualisé entre les deux maxillaires supérieurs. Les contraintes musculaires antérieures aggravent et favorisent le sousdéveloppement (hypogénésie) de ce massif; le trouble se complique fréquemment d'un diastème par persistance du frein labial. L'activateur intervient en neutralisant l'influence dominante des zones juxtacommissurales (zone des modioli). - Le bourgeon peut se développer, libéré des contraintes musculaires transversales et sous-nasales. - Le frein de la lèvre, cordon ombilical de la région incisive, devenu sans utilité nutritionnelle, disparaît. - La région incisive débarrassée de l'action déséquilibrée de la pointe de la langue et de l'action pneumatique transversale rattrape sa croissance: les dents évoluent, se rapprochent et ferment naturellement le diastème. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

LA DÉFORMATION DES SPHÈRES FACIALE ET ORO-PHARYNGÉE — LE VIDE BUCCAL ET PHARYNGÉ

Au cours de la gêne nasale et des habitudes orales, ce sont ces cavités pneumatiques ou sinus qui vont se déformer sous l'effet des pressions et contraintes des sangles musculo-aponévrotiques, matrices fonctionnelles d'environnement (fig. 7 et 12 - annexe IV), tenant compte à la fois de l'équilibre de la tête sur sa hampe vertébrale (fig. 9) et des sollicitations d'équilibre du massif mandibulo-lingual au cours de la déglutition (fig. 20). Cette action pneumatique détermine la compression transversale et antéro-postérieure des structures sousjacentes parla mise en jeu de la sangle labio-buccinatopharyngée et du sphincter buccal en relation avec la musculature jugale (fig. 7 - 8 - 11 et 13). Ce phénomène compressif déformant est favorisé au niveau de la sphère ethmoïdale par la flexion latérale imprimée par ces sangles musculo-aponévrotiques aux sutures

cranio-faciales, cranio-palatines et en particulier aux sutures maxillo-palatines reliées aux ptérygoïdes en cours de croissance jusqu'à l'adolescence (fig. 12). Ces sutures vont servir de joints adaptatifs ( LEBOURG, SEYDEL et DELAIRE) pendant que se poursuit la morphogenèse (fig. 14). Dans ces états de gêne, un vide buccal au niveau palatin et oro-pharyngé se constitue, accentué par la difficulté à respirer. Les contraintes musculaires antérieures aggravent et favorisent le sous-développement ( hypogénésie) du massif incisivo-nasal (fig. 20). Cet os complexe intermaxillaire pris en tenaille entre les post-maxillaires garde toutefois une certaine indépendance dans son évolution. La pointe de la langue au cours de cette succion — déglutition dyspnéique — va s'allonger alors que le • sphincter labial va glisser en pression vers la portion nasale du vestibule, conditionnant l'endognathie avec vestibulo-version du groupe incisif (fig. 17 et 18).

Figure 19 Observation d'un enfant de 5 ans 1/2. Activité orale au cours de la

tétée infantile caractérisant le trouble de déglutition. Posture de la tête suivant le plan de Francfort. - Le « trouble pneumatique » se constitue par la fermeture des barrières d'asphyxie pendant la « déglutition » ; l'occlusion nasale au niveau du voile du palais et la bascule de l'épiglotte protègent les voies aériennes supérieures et les voies respiratoires laryngo-trachéales. - L'occlusion des fosses nasales est déterminée parla contraction des piliers postérieurs du voile dont l'extrémité vient s'appliquer contre la paroi postérieure du pharynx. - Au bas du pharynx, une deuxième occlusion s'effectue rapidement ; elle est due à la culbute de l'épiglotte qui ferme et verrouille le larynx ; l' oesophage s'ouvre. - Dans cette observation, le vide buccal au cours du deuxième temps de cette déglutition accentue les pressions oro-pharyngées mais reste sub-normale. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989

Figure 20 La tétée de sécurisation dans l'immaturation (calque téléradiographique: posture de la tête suivant le plan de Francfort). Au cours des « mimiques de refuge., la « déglutition infantile » est alors précédée de la « succion explorative ZO « suivant divers types de tétée (ici sans induction digitale). La dépression buccale et pharyngée accompagne dans cette observation, l'état dyspnéique de l'impotent nasal. Elle détermine le « trouble pneumatique » accentué au cours du deuxième temps de la tétée qui débute la déglutition. Dans ce mouvement la langue bascule vers le bas du pharynx, fermant les voies trachéales; l'oesophage s'ouvre .

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R.-G.

GUDIN, B. GODARD

LA LUMIÈRE PHARYNGÉE — SON RÔLE DANS LES TROUBLES PNEUMATIQUES Le pharynx, conduit musculo-membraneux, met en communication la cavité buccale avec l'oesophage et d'autre part les fosses nasales avec le larynx. Il livre passage à l'air de la respiration, se contracte et s'élève au cours de la déglutition, fermant les voies aériennes par bascule de l'épiglotte (fig. 19 et 20). Le pharynx est situé en avant, accolé aux muscles prévertébraux et à la colonne cervicale dont il subit l' influence posturale. Nous devons avoir en mémoire que la cavité pharyngée se divise en trois portions : le rhino-pharynx ou cavum, l'oro-pharynx buccal et le pharynx laryngé, chacune de ces cavités étant animée par ses fonctions respectives (fig. 21 et 21 bis). Les pathologies de la dynamique faciale entraînent fréquemment des insuffisances respiratoires hautes chroniques reliées au déséquilibre linguo-mandibulohyoïdien (GUDIN, BOUSSENS). La « glossoptose », qui accompagne généralement ce trouble, et ses conséquences générales ont été décrites cliniquement en 1923 par Pierre ROBIN (annexe II). L'un de nous, en 1954, et son élève J. BOUSSENS ( dans sa thèse inaugurale de médecine) confirmaient par la téléradiographie ces vues originales, alors très contestées. La manoeuvre de dégagement du rhino-pharynx et du carrefour buccal par la projection du massif mandibulo-lingual vers l'avant met en évidence l'aménagement respiratoire (fig. 22 et 24). Pour apprécier l'importance de ces troubles, l'examen direct du rhino-pharynx et des rapports d'occlusion ne suffit plus. Une thérapeutique dégageant la lumière du pharynx, en dehors de l'aménagement fonctionnel qui en résulte, rééquilibre le massif facial rétrognathe et va permettre de mener à bien une thérapeutique orthopédique s'étendant à la sphère faciale et cervicale, favorisant ainsi la préparation du temps orthodontique.

Les structures radiologiques permettent d'explorer du cavum au bas-pharynx. La lumière pharyngée normale se manifeste radiologiquement sous l'aspect d' une hyperclarté longitudinale ; elle se projette de la base du crâne à la sixième cervicale (fig. 21, 21 bis et 22). En arrière des choanes, au- dessus du voile du palais, se profile le cavum. Son bord postérieur, lors416

qu'aucune intervention chirurgicale n'a été pratiquée, se présente sous la forme d'un dôme légèrement déformé par la saillie que fait l'amygdale pharyngée (fig. 21 et 21 bis). L'orifice tubaire est alors très visible. Bien souvent, on aperçoit la queue des cornets inférieurs et moyens et l'espace de cheminement aérien naso-pharyngé. Plus bas, à l'étage oral, l'axe du conduit pharyngé normal est relativement rectiligne. Son bord postérieur est net : en avant, se présente la partie dorsale de la langue et le voile prolongé par la luette. Entre le voile et la langue existe un espace plus ou moins important. Se profilant sur le bas de la luette et la débordant, l' image de l'amygdale palatine se trouve légèrement en arrière de la langue. En apnée, l'épiglotte fait normalement saillie au milieu de la lumière pharyngée ; le repli glossoépiglottique sépare la base de la langue de l'épiglotte. L'amygdale linguale est visible, plus ou moins bourgeonnante, sur la partie inférieure du repli ; dans le voisinage, se distinguent très facilement le larynx et la bouche pharyngienne (fig. 21 et 21 bis).

Figure 21 Observation de l'enfant FONT. (2 ans 1/2). Impotent respiratoire adéndidien. Musculature immobilisée et interprétée suivant la technique posturale habituelle. Examen en apnée. Respiration buccale de suppléance. Action pneumatique constrictive au niveau des divers sinus ethmo do faciaux. Cette déformation en cours d'organisation caractérise l'enfant dyspnéïque qui se sécurise.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

LA DYSFONCTION PAR BASCULE MANDIBULO-LINGUALE – LA BOITERIE MANDIBULAIRE – LA DYSPNÉE SECONDAIRE AU TROUBLE POSTURAL En effet, avec ces déformations constrictives à caractère pneumatique de l'infecté nasal, vient souvent interférer un trouble de l'équilibre musculaire, comportement mettant en jeu le haubanage mandibulaire et hyoïdien (annexe IV). Ce déséquilibre est provoqué par une tétée atypique suivant l'état caractériel de l'enfant chez qui domine la succion ou la déglutition. Ces deux temps d'un acte réflexe sont mal équilibrés et désordonnés. Un chemin de fermeture anormal va s'établir, provoquant une posture mandibulaire elle-même anormale. La rétrognathie inférieure avec ramus court (fig. 22, 23 et 27) en est la conséquence la plus habituelle. D'autre part, la posture mandibulaire constitue un facteur mécanique non négligeable en modifiant la lumière pharyngée (fig. 27).

- Lame criblée de l'ethmoïde; Cavité hypophysaire; - Tubercule pituitaire; - Os hyoïde semi-cartilagineux; - Suture sphéno-occipitale;

a.p B

- Amygdale palatine; - Basion;

a - b - Z O - Sangle matricielle orale antérieure; Ep Epiglotte.

Figure 21 bis Observation de l'enfant FONT. (2 ans 1/2), (calque de la téléradiographie précédente). La confusion des activités orales fait se superposer au cours de l' immaturation affective les activités des divers muscles des régions orobuccinato-labiales et oro-pharyngées. Dans cette observation, le déséquilibre linguo-mandibulo-hyoïdien, associé aux habitudes fonctionnelles nasales, se manifeste sur la croissance mandibulaire et son orientation basculée. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989

Pour nous résumer, l'équilibre linguo-mandibulohyoïdien dépend d'un système régional vertébrocranio-facial et de l'équilibre de l'ensemble du rachis, (GuDIN, LAVIGNOLLE et FERRÉ) (fig. 10). Ceci explique les troubles à caractère fonctionnel d' attitude mandibulaire associés à une lordose cervicale avec profil pharyngé anormal (fig. 26), et si l'on examine l'ensemble du rachis, on constate fréquemment une attitude d'hyperlordose lombaire avec cyphose dorsale. La dyspnée est de règle : la déformation faciale et cervicale reliée à la déformation thoracique signe cette gêne dans le comportement respiratoire (fig. 30 bis). Les modifications pathologiques du pharynx mettent ainsi en évidence la relation qui existe entre le profil facial et le profil pharyngé antérieur; la dimension verticale du bas du visage est facile à interpréter (fig. 12).

Figure 22 Observation de l'enfant A UG. (12 ans), (calque téléradiographique de la fig. 22 bis). Au cours de la même séance d'examen on constate: a - la bascule mandibulo-linguale avec rétrognathie inférieure à caractère fonctionnel ; b - que l'attitude mandibulaire est corrigée par la « bascule extemporanée inverse » de la mâchoire inférieure projetée vers Pavant. Cette nouvelle position mandibulo-linguale basculée libère le pharynx, montrant les corrélations qui existent entre le profil facial et le profil pharyngé antérieur. - Le profil facial devient harmonieux par l'augmentation de la dimension verticale naso-mentonnière.

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R.-G. GUDIN, B. GODARD

L'EXAMEN DU

PHARYNX : technique posturale GUDIN-BOUSSENS

Cet examen, si riche de possibilités, se heurte à quelques difficultés qu'il est pourtant aisé d'aplanir si l' analyse téléradiographique est faite suivant certaines règles anthropométriques et cliniques : statique habituelle de l'enfant, horizontalité de la tête suivant le plan de Francfort, apnée sans déglutir. lie règle

En dehors de l'appui-tête, toute contrainte est supprimée. L'enfant regarde seulement l'horizon ; le plan sagittal médian est parallèle au film. Le céphalostat est

supprimé pour éviter de fixer impérativement la statique cervicale en suspendant l'enfant aux embouts auriculaires de guidage (fig. 22 bis, 26 et 27). La colonne cervicale ainsi que la statique mandibulaire et hyo-linguale dominent la morphologie de la lumière pharyngée. Une lordose cervicale pathologique ou provoquée par l'examen incurve la partie postérieure du pharynx, qui vient bomber au niveau du massif lingual et diminuer anormalement l'espace pharyngé (fig. 26).

A l'opposé, une hampe cervicale étirée par le céphalostat se traduit par un pharynx plus rectiligne. 2e règle

Les clichés respectent une deuxième constante : ils sont pris en apnée quand le patient ne déglutit pas, pour éviter la motilité du pharynx pendant l'examen.

Figure 22 bis Trouble de déglutition dans un syndrome de ROBIN. Objectivation de la bascule mandibulo-lingualé vers le paso pharynx. Observation de l'enfant A UG. (12 ans) (Téléradiographies faites dans la même séance - immobilisation: technique posturale habituelle). Faisant suite à la succion, la déglutition a vidé les cavités oropharyngées, en même temps que bascule le massif pharyngolingual dans la direction du cavum. La dyspnée et le trouble

pneumatique sont la conséquence de ce « trouble de déglutition » A l'examen radiologique pratiqué en apnée, musculature immobilisée, selon les constantes que nous avons préconisées (E.M.C. Stom. 1965) on constate: a - sur le 1" cliché: l'obstruction du cavum par la langue; b - sur le 2 e cliché, pris 1/4 d'heure après, avec les mêmes constantes d'examen : que l'arbre pharyngé est dégagé, que la « dimension verticale » nasion-gnathion, dans cette nouvelle posture mandibulo-linguale, se normalise. L'augmentation des espaces articulaires temporo-mandibulaires est objectivée par le « déboîtement » du condyle mandibulaire dans la cavité glénoïde. L'insuffisance de la branche montante, ramus court, ainsi que l' hypocondylie, vont diriger nos actions d'orthopédie maxillofaciocervicale pour rattraper le rythme de croissance et dégager l' arbre pharyngé. 418

Figure 23 Observation d'un enfant de 7 ans (calque d'une téléradiographie orientée suivant le plan de Francfort).

« Troubles pneumatiques » à dominance antéropostérieure au cours de la « déglutition infantile » caractérisant la « mimique de sécurisation» (sans induction manuelle). Sur l'image radiologique, on constate que la fin du 2 e temps de la déglutition augmente le vide buccal. Le déséquilibre de ces activités neuro-musculaires orales détermine une bascule mandibulo-hyo-linguale avec déformation et brisure du corps mandibulaire sous l'influence «balançante anormale et complémentaire du couple musculo-ligamentaire abaisseur-

élévateur. A noter que la contraction des sangles périfaciales supérieures et antérieures intervient également transversalement au cours du trouble sur les zones ethmoïdales. Le bas du visage reste hypotrophié, sous-développé et gêné dans sa croissance. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

La lumière se modifie dans l'attitude mandibulaire de repos ou suivant la position que prend la mandibule au cours des multiples activités dévolues au carrefour aéro-digestif. Il faut donc tenir compte des relations fonctionnelles de cet important carrefour et des praxies qui l' animent, telles les praxies de phonation et de nutrition, auxquelles s'ajoutent la respiration et le tonus musculaire des sangles voisines au cours des diverses mimiques. La perméabilité varie également avec la motilit/é des parois pharyngées et, en particulier, avec la position du massif lingual.

il est facile d'analyser les radiographies complémentaires qui vont permettre d'interpréter la lésion que l'on veut caractériser. Par exemple, pour faire ressortir la ptose linguale et les possibilités d'aménagement de la lumière pharyngée, en prenant la deuxième radiographie, il suffit de dégager le pharynx et de projeter la mandibule de telle manière qu'on redonne au profil un aspect plus normal (fig. 22 et 22 bis). En effet, les variations pathologiques de l'échafaudage facial montrent l'interférence qui existe entre le profil pharyngé antérieur et le profil inférieur du visage, et il faut les mettre en évidence (fig. 22).

3‘' règle L'attitude mandibulaire fixée par la radiographie est l'attitude habituelle en occlusion centrée (fig. 22 bis, 26 et 27). A partir de ces constantes de base : — horizontalité du plan de Francfort, — apnée sans déglutir, — attitude mandibulaire habituelle en occlusion centrée,

Figure 24 La rotation basculée mandibulo-linguale (analyse posturale). a Rétrognathie fonctionnelle avec bascule du massif pharyngolingual orienté vers l'oro-pharynx, discordance maxillomandibulaire avec béance d'interposition labiale, Ramus court insuffisamment développé. b - Dégagement du pharynx par propulsion basculée de la mandibule qui entraîne le massif pharyngo-lingual, dégagement de la glène articulaire temporo-mandibulaire mettant en évidence la descente du condyle et l'insuffisance de développement du ramus par défaut de stimulation condylienne. c - «L'appareil d'activation », appareil d'interposition avec nettes inter-molaires, fait basculer par rotation l' ensemble mandibulo-lingual et met en évidence l'hypotrophie du ramus. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407- 425, 1989

Figure 25 Syndrome de rétrognathie fonctionnelle. Observation de Mle G.A. à 8 ans 1/2 et 11 ans (photographies avant et après traitement, musculature immobilisée au repos, technique posturale). Mimique « séquelle de tétée. chez une fillette affective, sensible et émotive; les habitudes avaient déterminé un trouble pneumatique antéro-postérieur par déglutition anormale, langue basculée vers le haut pharynx. La maturation psychique et la rééducation des habitudes de comportement musculaire avec l'appui de l'appareil, « activateur de bascule » ont supprimé la mimique et positionné la mandibule qui a retrouvé son rythme de croissance. La hauteur naso-mentonnière (dimension verticale du bas de visage) et le profil facial deviennent harmonieux.

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i


R.-G. GUDIN, B. GODARD

Constatations cliniques et interprétation Au cours d'examens radiologiques chez des enfants dyspnéiques présentant une rétrognathie inférieure à caractère fonctionnel (fig. 27), on peut constater : — une obstruction haute naso-pharyngée, avec augmentation fréquente du volume des cornets et hypertrophie adénoïdienne ; l'espace choanal est diminué et l'orifice tubaire masqué (fig. 27 et 29) ;

projette la mandibule en avant de sa position habituelle (fig. 28 et 28 bis) ; On met également en évidence dans le trouble de déglutition, par cette attitude mandibulaire de correction, le retard de développement du ramus (hypotrophie de cette portion de la mandibule qui s'est déplacée vers l'arrière et a basculé) ; l'angle mandibulaire s'est fermé progressivement au lieu de s'ouvrir pendant la croissance (fig. 22 et 23).

— une obstruction de l'oro-pharynx provoquée par la base de la langue basculée en arrière (fig. 27 et 28) ; — une obstruction du bas-pharynx : lorsque la langue est dirigée vers le bas, il y a ptose linguale avec compression de l'épiglotte ; le repli glosso-épiglottique est effacé, la masse épiglottique se confond avec la base de la langue qui s'appuie dessus, la lumière pharyngée est réduite à un isthme étroit, quelquefois filiforme ( fig. 29 c) ; — une réduction totale de la lumière pharyngée peut se rencontrer également. Elle est plus exceptionnelle ; la lumière pharyngée, dans son ensemble, est alors rétrécie ; elle s'aménage d'une manière suffisante si l'on

Figure 27 Syndrome de ROBIN déterminé par la ptose linguale, ici pseudosyndrome de Rix). Observation à 8 ans et à 12 ans. Examens téléradiographiques avant et après traitement, tête orientée suivant le plan de Francfort. Enfant en apnée, musculature immobilisée (technique posturale habituelle).

Figure 26 Observation de l'enfant MA. à 8 ans 1/2 et 13 ans, avant et après traitement. Les examens sont faits en apnée suivant les constantes habituelles (technique posturale). a - La dystrophie faciale au départ du traitement d'orthopédie est celle de l'adéndidien qui accompagne son trouble d'impotence fonctionnelle nasale d'un « trouble de déglutition. (2' temps de la tétée). On constate également une lordose cervicale importante qui aggrave la gêne respiratoire par le rétrécissement pharyngé. b - Après guérison, la lordose cervicale est corrigée, les voies aériennes sont libérées, les' troubles fonctionnels dyspnéiques supprimés. 420

a - Le trouble de déglutition accompagne la gêne fonctionnelle respiratoire de l'infecté nasal adénoidien. Il y a déséquilibre entre la sphère orale externe ZO et la sphère d'activité oro-pharyngée PO (fig. 7) d'où rétrognathiefonctionnelle: la bascule linguale domine l'équilibre facial. Au cours de la « déglutition » le vide buccal est créé par la bascule de la langue vers le bas pharynx. Le massif pharyngo-lingual joue en quelque sorte le rôle d'une « pompe aspirante » : trouble pneumatique accentué par la sangle labio-buccinato-pharyngée (fig. 23). La lordose cervicale aggrave le déficit pharyngé (rétrécissement du bas pharynx). b - En fin de traitement, l'image radiologique montre que la mandibule, projetée et basculée vers l'avant, a entraîné le massif lingual qui a basculé à son tour. Cette importante masse musculaire (la langue buccale et pharyngée) en dégageant les voies aériennes, a orienté et favorisé progressivement le développement de la mâchoire inférieure et de ce fait stimulé la croissance du massif ethmoïdo-nasal. Pour répondre correctement aux sollicitations de ces différentes fonctions, la tonicité musculo-aponévrotique, équilibrée entre cet organe hyolingual et les sangles orales externes, reste indispensable pour faire intervenir l'action mandibulaire: ce sera le rôle du « verrou incisif» par son engrènement intermédiaire (le marteau et l'enclume); la béance intermaxillaire ayant été supprimée, le groupe incisif inférieur entraîne le massif incisivo-nasal. Rev Orthop Dento Faciale 23: 407-425, 1989


Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

Figure 28 bis

Figure 28 Obs. Melle Pra... Valérie 3 ans 1/2 Syndrome de ROBIN. Trouble d'attitude mandibulaire s'ajoutant à l'atteinte dyspnéique transversale (voûte ogivale, arcades en endognathie). Obstruction pharyngée complète liée à la mimique séquelle de tétée. Il y a déséquilibre linguo-mandibulo-hyoïdien : les sangles sont orientées en haut et en arrière dans la direction du cavum.

Obs. Melle Pra... Valérie Trouble d'attitude mandibulaire, réduction extemporanée. La correction d'attitude mandibulaire avec projection de la mandibule en avant libère le cavum de son obstruction, et l'enfant de son asphyxie.

Figure 29 LC

a

b

Les diverses bascules du massif mandibulolingual. Leur répercussion sur la lumière du pharynx ( technique posturale). Variations pharyngées et modifications du profil facial en fonction du déséquilibre linguomandibulo-hyoïdien. a - Obstruction d'une portion du cavum. b - Obstruction du pharynx buccal (oropharynx). c - Obstruction du laryngo-pharynx par ptose linguale.

C

L ~

c

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d

d - Réduction totale de la lumière pharyngée par déplacement en masse de la musculature linguale et du haubanage linguo-mandibulohyo dien.

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CONCLUSION

Comme nous pouvons le constater à l'examen clinique, les troubles dyspnéiques chez l'infecté nasal permanent s'associent aux troubles de déglutition : ils déterminent le vide des cavités aériennes. Une action pneumatique compressive transversale et antérieure s' organise progressivement au niveau des sphères faciale et naso-pharyngée (fig. 15 et 16). Cette action constrictive participe aux déformations pneumatiques du squelette sous-jacent et conditionne le retard de développement des structures de voisinage. L'hypotrophie de ces régions est manifeste, leur croissance est ralentie. La morphogenèse et les activités de croissance sont ainsi gravement perturbées. En mettant en évidence les mécanismes lésionnels, une thérapeutique plus orientée vers l'étiologie doit

découler, dans notre spécialité, de ces observations. Ainsi, la rééducation respiratoire, le redressement de la tête sur sa hampe cervicale, les modifications obtenues du tonus des haubans du cou, rééquilibrés, redonneront sa perméabilité au pharynx. Ceci doit être mené conjointement, sous forme de kinésithérapie par le spécialiste d'ODF avec l'acte d'orthopédie maxillo-faciale. Ces manoeuvres faciliteront le temps orthodontique et le consolideront. Aménagement naso-thoracique, statique craniocervicale restent les éléments majeurs d'une orthopédie spécialisée, axée, nous semble-t-il, vers une meilleure approche de nos objectifs et orientée non seulement vers l'esthétique maxillo-faciale mais plus encore vers la santé de l'enfant qui nous est confié (fig. 26).

Figures 30 et 30 bis Syndrôme de ROBIN interférant avec l'atteinte ostéolymphatique de l'impotent fonctionnel respiratoire thoracique, dyspnéique chronique. Chez cet enfant, le trouble pneumatique a déformé le squelette en cours de croissance. L'action pneumatique est à dominance antéropostérieure déterminée par la sangle labio-

buccinatrice inférieure. Cette sangle reste en relation avec la musculature jugale par l'intermédiaire des modioli; musculature qui accentue les pressions sur les structures faciales malléables du fait du rachitisme de l'enfant. Le professeur AUBRY,, dans une observation clinique analogue, observe que les principales lésions déterminées par l'insuffisance nasale

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sont la surdité, qui résulte de l'obstruction de la

trompe d'Eustache, la rétraction du thorax, et signale que les troubles de développement du squelette ne sont pas exceptionnels.

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Les troubles dyspnéiques des sphères oro-faciale et pharyngée. Leur influence sur la morphogenèse cranio-faciale et leur rapport avec la posture mandibulaire en période de croissance

ANNEXES

I — MIMIQUE DE SÉCURISATION On connaît chez l'enfant le rôle important joué par les réactions émotionnelles conditionnées ou acquises au cours des diverses disciplines sphinctériennes tout au long de la maturation affective (notions que nous avons mis en évidence dans la thèse de notre élève FERRÉ en 1968). Le comportement de l'enfant au stade oral est dominé par la tétée, action alimentaire primordiale de survie qu'il associe à l'idée de protection maternelle. L'introduction de la main ou du doigt chez le nouveauné est habituelle ; objets d'investissement ou de sécurisation secondaire, ils mettent en éveil les récepteurs proprioceptifs périphériques des zones oro-labiales. Ce geste annonce la succion préalable aux mouvements linguaux d'aspiration nécessaires à la tétée. La langue joue un rôle de piston ; le vide buccal détermine par le jeu du sphincter labio-buccinatopharyngé et de la musculature des joues une action pneumatique plus ou moins bien réalisée. Ultérieurement, divers éléments de transfert remplaceront le mamelon maternel ou le doigt. Ils varieront au fur et à mesure que l'enfant grandira. La succion, premier temps de l'acte nutritionnel de la tétée, véritable prise de conscience du besoin oral, peut être volontaire, mais s'exécute généralement d'une manière réflexe sous l'influence des impressions sensibles, tactiles, gustatives linguale et buccale. C'est une phase de prédéglutition qui, dans son comportement atypique, peut parfaitement convenir au «phénomène de tétée décrit par Rix et BALLARD et l'école de CAUHÉPÉ-FIEUX. Pour notre part, nous préférons le terme de « succion atypique » car il met en cause d'autres mécanismes sensoriels comme nous le voyons en étudiant les parafonctions, notamment la « tétée de refuge », « tétée de sécurisation », qui accompagne la déglutition dans son temps pharyngé. II — SYNDROME DE ROBIN OU GLOSSOPTOSE Pour Pierre ROBIN il s'agit d'une « rétrognathie fonctionnelle » avec encombrement du pharynx par la langue. Le trouble de déglutition s'accompagne, du fait de la ptose linguale, d'une gêne respiratoire, syndrome que l'on trouve généralement associé à l'ostéolymphatisme de l'adénoïdien. Nous avons adopté cette conception nosologique. — Syndrome de ROBIN du nouveau-né, malformation embryopathique. Actuellement, pour les pédiatres, la mauvaise interprétation de la dystrophie précédente décrite par P. ROBIN, l'a fait confondre avec cette malformation du nouveau-né ; anomalie congénitale caractérisée par la division du palais et du voile, accompagnée d'une bascule de la langue, avec obstruction du pharynx, et de fentes de la lèvre supérieure.

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III — MATRICE FONCTIONNELLE La matrice fonctionnelle constitue en fait le moule initial, modelant, musculo-aponévrotique, marquant de son empreinte les structures osseuses en cours de formation. « Forme spécialisée de tissu conjonctif distribué entre les organes mous et la musculature, le tissu osseux se moule sur eux durant son développement et subit leur variation de forme ». « La forme générale d'un os est liée à l'orientation de la région dont il est le soutien. Ses structures sont subordonnées à des conditions topographiques et de mécanique musculaire, un simple accident ou bien l'expérimentation fait varier les manifestations morphologiques » AUGIER. La loi de WoLFprécise que les os ont une forme essentiellement fonctionnelle ; ils répondent aux doubles exigences de la génétique et de la mécanique fonctionnelle. Nous comprenons mieux ainsi que l'agencement harmonieux de la

charpente faciale est en partie conditionnée par la tonicité équilibrée des sangles oro-jugales, masses musculaires opposées au massif pharyngo-lingual. IV — HAUBANAGE Terme de marine : les haubans soutiennent et équilibrent le mât du navire. En clinique, la colonne vertébrale est normalement érigée et étayée par le haubanage musculoligamentaire qui la maintient en équilibre. Se dit pour l'équilibre de la tête sur sa hampe cervicale : la tête est maintenue par ses haubans du cou et du tronc. V — PLATE-FORME MANDIBULAIRE ET PLATE-FORME HYOÏDIENNE Il n'est guère possible de séparer le mécanisme pharyngo-lingual du mécanisme mandibulaire. Du comportement lingual et de l'équilibre du massif pharyngolingual dépendra l'équilibre de la mandibule et de l'os hyoïde. Cet équilibre se manifeste par une position de bascule de la mâchoire inférieure avec modification d' inclinaison des régions incisives. Ceci est propre à chaque sujet suivant les activités de la langue. Tout mouvement mandibulaire relié à la plate-forme hyoïdienne est le résultat de l'action coordonnée de l' ensemble des muscles masticateurs et des ligaments de soutien. Il existe dans les conditions normales une coordination neuromusculaire mandibulo-motrice et mandibulo-statique, tributaires du tonus propre de ces muscles en relation avec le système vertébro-crânien (cf. fig. 10). VI — TROUBLES POSTURAUX MAND IBUL O-HYO-LINGUAUX La mandibule, massif pharyngo-lingual relayé par la plate-forme hyoïdienne, représente l'étage facial inférieur étayé par la colonne cervicale. Cet ensemble, normalement équilibré et haubanné, peut subir un trouble postural, une flexion par bascule de l'ensemble vers l'arrière, latéralement ou, dans des conditions plus exceptionnelles, vers l'avant, cons tituant de ce fait un prognathis me mandibula ir e à dominance fonctionnelle.

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« Recherche trou occipital désespérément »

Danielle PAJONI, Edith LEJOYEUX

RÉSUMÉ Le repérage du trou occipital sur une téléradiographie de profil donne lieu à de très nombreuses erreurs en raison des difficultés de lecture de cette zone. Plusieurs structures se superposent au niveau du foramen créant parfois des images atypiques. Les limites (basion et opisthion) sont cependant utiles à déterminer pour certaines analyses céphalométriques. Différents repères anatomiques sont proposés pour raisonner la détermination de ces points.

MOTS CLÉS Anatomie radiologique — Trou occipital — Rachis cervical — Céphalométrie.

D. PAJONI 48 bis, avenue du Général de Gaulle, 94300 Vincennes. E . L E J O Y E U X — 85, rue La Boétie, 75008 Paris.

Rev Orthop Demo Faciale 23: 427-432, 1989

Une téléradiographie de profil est une source inestimable d'informations pour qui possède la clé de sa lecture : une bonne connaissance de l' anatomie radiologique. L'observation attentive d'un cliché peut amener l'orthodontiste à dépister des anomalies structurelles ou positionnelles au niveau du crâne comme de la face, dépassant souvent le cadre du traitement orthodontique pour lequel il a été prescrit. D'autre part, le repérage exact des différents éléments osseux évite des erreurs grossières au niveau du tracé et bien évidemment des analyses céphalométriques qui en découlent. Il nous a paru intéressant de revoir une région quelque peu oubliée ou mal interprétée sur les clichés : la charnière cranio-occipitale, constituée par l'occipital au niveau du crâne et par les deux premières vertèbres du rachis cervical. 427


D. PAJONI, E. LEJOYEUX

L'OCCIPITAL

L'occipital est centré par le foramen magnum qui fait communiquer la cavité crânienne et le canal rachidien. Le foramen livre passage : au bulbe, aux deux artères vertébrales et au nerf spinal droit et gauche. La frontière entre le bulbe et la moelle épinière correspond au bord supérieur de l'arc postérieur de l'atlas (fig. 1). Le trou occipital est difficile à localiser sur la vue de profil car il se projette au même niveau que les condyles occipitaux et l'écaille (fig. 2). Comme la direction du rayon principal est perpendiculaire au grand axe du foramen, toutes les structures latérales se superposent et interdisent de déceler l' espace correspondant à ce « vide » (fig. 3). Pour interpréter correctement l'image de cette zone, il est nécessaire d'intégrer différents éléments permettant de la raisonner : 1 — Le diamètre antéro-postérieur opisthionbasion est toujours d'environ 35 mm (fig. 3). Rappelons que le basion (Ba) est le point le plus

antérieur de l'image du trou occipital, correspondant à la base du basi-occipital, et que l'opisthion (Op) est le point le plus postérieur de cette même image. 2 — La moitié antérieure du foramen est occupée latéralement par les condyles occipitaux (fig. 4). Il est donc possible de commencer par localiser la partie postérieure des condyles. On reporte ensuite vers l'arrière la longueur condylienne. La somme de ces deux distances doit totaliser à peu près 35 mm (fig. 5).

Figure 2 Coupe sagittale d'un crâne sec. Projection de l'écaille et du condyle occipital au niveau du foramen.

Figure 1 Coupe sagittale de la charnière (Document I.R.M.): 1 - arc antérieur de l'atlas; 2 - arc postérieur de l'atlas; 3 amygdale cerebelleuse; 4 - quatrième ventricule; 5 - bord antérieur du foramen; 6 - bord postérieur (en noir, la corticale, en blanc, l'os spongieux) ; 7.- le bulbe.

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Figure 3 Diamètre sagittal du foramen d'un enfant de cinq ans.

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« Recherche trou occipital désespérément »

3 — La partie antérieure du foramen est située très légèrement en arrière de l'extrémité antérieure du condyle occipital. Cette situation donne l'image très typique d'un petit triangle plus radio-opaque à la partie inférieure du basi-occipital, qui représente la face antérieure du condyle occipital (fig. 6 et 7).

4 — Si les corticales interne et externe sont nettement visibles au niveau de la protubérance occipitale, il n'en est pas de même au niveau de l' opisthion en raison des superpositions latérales évoquées précédemment. Il sera donc nécessaire de rechercher cette limite en tenant compte de la largeur du canal rachidien et du passage du bulbe dans la cavité crânienne.

Figure 4

Figure 6

Occipital, vue inférieure exocrânienne. Les bords latéraux de la moitié antérieure du foramen sont occupés par les condyles occipitaux.

Coupe sagittale du foramen magnum : 1 - canal condylien antérieur; 2 - face antérieure du condyle occipital; 3 - apophyse styloïde.

Figure 5 Section sagittale du trou occipital sur crâne sec. 1 - corticale externe de la partie postérieure du foramen magnum ( Op) ; 2 - corticale externe de la partie antérieure du foramen magnum (Ba) ; 3 - face postérieure du condyle occipital; 4 - canal condylien antérieur (orifice de passage du XII); 5 - gouttière du sinus pétreux inférieur. Rev Orthop Dento Faciale 23: 427-432, 1989

Figure 7 Vue sagittale du foramen magnum (Xérographie): 1 - bord antérieur du condyle; 2 - apophyse mastoïde; 3 - bord postérieur de l'oreille.

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D.

PAJONI, E. LEJOYEUX

LE RACHIS CERVICAL

Le rachis cervical présente une lordose physiologique qui peut être réduite par la position inconfortable du patient dans le céphalostat (fig. 8). Il se compose de sept vertèbres. Les deux premières, C 1 et C 2, sont atypiques, mais les cinq suivantes ont des caractères communs à toutes les vertèbres aussi bien dorsales que lombaires. C'est sur la téléradiographie de profil que l'on observe le mieux les vertèbres cervicales supérieures. Sur le cliché de face, C 1 et C 2 sont masquées par la partie inférieure du massif facial. En revanche, à partir de C 3, elles sont bien visibles. Schéma d'une vertèbre type (fig. 9) Le corps vertébral est la partie la plus massive de la vertèbre. De profil, il a une forme quadrangulaire moins haute que large. L'arc postérieur en forme de fer à cheval où viennent se fixer de part et d'autre les massifs des processus articulaires, est divisé lui-même en deux segments. En avant des massifs articulaires se situent les pédicules et en arrière les lames. Sur la ligne médiane de cet arc postérieur se fixe le processus épineux.

Les apophyses transverses se soudent à l'arc postérieur à peu près à la hauteur des massifs articulaires. La particularité des vertèbres cervicales est la présence au sein de l'apophyse transverse d'un orifice, le trou transversaire, lieu de passage de l'artère vertébrale et de la veine. Il est important de constater que ces différentes parties constitutives s'alignent dans le sens vertical ( fig. 10). L'atlas est une vertèbre atypique : elle n'a ni corps ni épineuse. Elle est composée de deux arcs et de deux masses latérales (fig. 11). L'axis présente une apophyse : l'odontoïde, destinée à s'articuler avec la face postérieure de l'arc antérieur de l'atlas. Cette apophyse a une forme cylindro-conique avec une base assez large fixée au corps de l'axis et une partie étranglée, le col. Cette vertèbre présente aussi la particularité de posséder une énorme épineuse (fig. 12). C 3, C 4 et C 5 sont des vertèbres cervicales types et C 6, C 7 sont quelque peu différentes. Toutes les cervicales sont articulées les unes sur les autres et séparées par les disques intervertébraux.

Figure 9 Schéma d'une vertèbre type:

Figure 8 Étirement de la colonne cervicale dû au positionnement de la tête du patient dans le céphalostat.

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1 - corps vertébral; 2 - arc postérieur;

5 - lame;

3 - processus articulaire;

7 - apophyse transverse;

4 - pédicule;

8 - trou vertébral.

6 - épineuse;

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Recherche trou occipital désespérément

Il est important de savoir que : — les bords antérieurs des corps vertébraux, — leurs bords postérieurs, — les bords antérieurs des articulaires, — leurs bords postérieurs, — les jonctions spino-laminaires, sont alignés sur des lignes courbes (fig. 13).

La prolongation de la ligne spino-laminaire vers l' arrière conduit à l'opisthion. C'est le repère le plus sûr pour trouver le bord postérieur du trou occipital. Le canal rachidien cervical est compris entre le bord postérieur du corps vertébral et la jonction spinolaminaire. Chez l'enfant, il est proportionnellement plus grand que chez l'adulte.

ap. transverse trou transversaire corps trou vertébral

épineuse

pédicule

lame

ap. articulaire

l

I

I 3

Figure 12 4

Vue de profil de l'axis.

Figure 10 Vue axiale d'une vertèbre et projection sagittale de ces différents composants: 1 - jonction lame-épineuse (ligne spino-laminaire); 2 - bord postérieur des massifs articulaires; 3 - bord antérieur des massifs articulaires et bord postérieur du corps vertébral; 4 - bord antérieur du corps vertébral.

, 1

2 3 Figure 13

Schéma de l'empilement sagittal des vertèbres cervicales: 1 - ligne spino-laminaire;

Figure 11 Vue supérieure de l'atlas: I - arc antérieur;

4 - apophyses transverses;

2 - arc postérieur; 3 - cavités glénoïdes;

5 - passage de l'artère vertébrale.

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2 - bords postérieurs des massifs articulaires; 3 - bords antérieurs des massifs articulaires et bords postérieurs des corps vertébraux; 4 - bords antérieurs des corps vertébraux. La distance comprise entre les lignes 1 et 3 représente la largeur du canal rachidien.

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D. PAJONI, E. LEJOYEUX

Variantes Assez fréquemment, il existe au-dessus des lames de C 1 une petite image ronde, radio-sombre, complète ou incomplète, correspondant au canal de l'artère vertébrale. C'est le « foramen arcuale » formé par la calcification des ligaments obliques occipito-atloïdiens ( fig. 14). L'observation de la charnière permet de déceler certaines pathologies, telle l'absence d'arc postérieur au niveau de l'atlas et un canal rachidien étroit chez une enfant de 12 ans atteinte d'achondroplasie (fig. 15). Il faut noter que dans certains cas, le lobe de l' oreille peut être très dense et donner une image suspecte au niveau de l'arc antérieur de l'atlas (fig. 16). Figure 15 Achondroplasie chez une fillette de 12 ans: 1 - arc antérieur de l'atlas; 2 - canal rachidien étroit; 3 - absence d'arc postérieur de C 1.

Figure 14 Calcification incomplète du conduit de l'artère vertébrale: 1 - bord postérieur du foramen magnum; 2 - canal de l'artère vertébrale (arcuate foramen) formé par la calcification des ligaments occipito-atloldiens; 3 - ligne spino-laminaire; CR - canal rachidien.

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F i g u r e

1 6

Projection du lobe de l'oreille au niveau de la charnière.

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Conduite à tenir après les tractions postéro-antérieures sur masque orthopédique de DELAIRE dans les traitements des Classes III

Jean-Michel SALAGNAC

RÉSUMÉ Il est nécessaire de faire suivre les tractions postéro-antérieures sur masque facial d'une thérapeutique fonctionnelle. Nous proposons l'ascenseur lingual, qui change la situation et la dynamique linguales. La langue occupe une situation plus haute et plus antérieure. Cette nouvelle situation entraîne des modifications bio-mécaniques. Ces changements dans le comportement des complexes labio-lingual et linguopharyngé induisent secondairement des modifications structurales.

MOTS CLÉS Ascenseur lingual — Modifications structurales — Classe III.

L'étude du retentissement sur l'ensemble du massif facial des tractions postéro-antérieures lourdes dans les traitements des Classes III, met en évidence deux types de modifications, observables par l'étude comparative des clichés de profil avant et après traitement Y.

1 — MODIFICATIONS IMMÉDIATES CARACTÉRISÉES 1-1 - Au niveau du maxillaire :

— —

parunchangemend to'rientationdumaxilaireparapporàtlabase du crâne ; paruneaugmenato itndeo lngueurdealzoneav léoalriesupéreiure.

J.M. SALAGNAC 4, rue Bertrand Geslin, 44000 Nantes.

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1- 2 - Au niveau de la mandibule :

— par un recul et un abaissement de la mandibule. 433


J.-M. SALAGNAC

1- 3 - Au niveau occlusal : parunemodifcationdesrapportsdentairesed teol'rientationduplan d'occlusion. l - 4 - Au niveau du profil : par une amélioration des rapports interlabiaux. Ces modifications immédiates retentissent sur les fonctions labiales, linguales, masticatrices, occlusales, etc. qui a leur tour vont modifier, progressivement et favorablement, le squelette facial.

2 — MODIFICATIONS SECONDAIRES ESTHÉTIQUES ET STRUCTURALES

2 -1 - Esthétiques : avecnoatmmenutncombelmenptrogresd fiescreuxnaso-géneinset des régions malaires sous-orbitaires. 2 - 2 - Structurales :

— — — — —

— —

— —

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2 - 2 -1 - Au niveau du maxillaire : unemodifcationdeal'spectradiologiquedupilerantérieurquiapparaît plus dense et plus complet ( apparition de la racine antérieure incisive, du pilier canin) ; unemod cfiaoitndecourbureo d cfi'erp lforirme; unemodficato indecourburedealzoneav léoalrieantéreiure(zonedu point A) ; un m eo c o e d a io fn rd ta i'n d tlev ie s c;e is maisaussi,quelquefois,unepertepartieledelabasculeantérieuremaxillaire obtenue par les tractions et une dégradation des rapports incisifs. 2 - 2 - 2 - Au niveau de la mandibule : unemodifcationdelaconcavitédelafaceantérieuredelasym-physe qui se modèle sous l'action de la lèvre inférieure. Certains praticiens ont pu constater et regretter des dégradations de résultats quelques mois après l'arrêt des tractions, alors que le résultat semblait satisfaisant. Cela tient souvent à deux causes principales : unarêp trématurédestractionsavand ta'voirobtenuunenormali-sation des équilibres cranio-maxillaire et maxillo-mandibulaire ; lapersistanceaumomentdeal'rêtdestractionsdu'ndéséquilbreentre la nouvelle situation du maxillaire et de la mandibule et l'ensemble des différentes fonctions oro-faciales. C'est pourquoi il est très souvent nécessaire de faire suivre ces tractions d'une thérapeutique fonctionnelle qui a pour objectifs : ; unetbo tatlusér el rinetnm iaed de'ntraînerunvéritablechangemend tecomportemend tesdifé-

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Conduite à tenir après les tractions postéro-antérieures sur masque orthopédique de DELAIRE dans les traitements des Classes III

rentes fonctions et notamment celle de la langue, dont l'action doit être dirigée vers le maxillaire (N.B.: c'est également à ce stade qu'il convient de s'assurer d'une bonne fonction respiratoire et d'un contact bi-labial normal). Pour être efficace, cette thérapeutique fonctionnelle doit être permanente. Or, la plupart des appareils fonctionnels sont très encombrants, perturbant l'élocution et la déglutition, ce qui entraîne un handicap scolaire et rend, de plus, la mastication presque impossible. Tous ces inconvénients conduisent au mieux à un port nocturne de l'appareil. Nous avons essayé de concevoir un appareil qui supprime ces inconvénients et qui permette un port continu de celui-ci, notre but étant de réaliser une réorientation de la dynamique linguale, c'est-à-dire, de diriger en permanence l'action de la langue vers la partie antérieure du maxillaire. Il est capital que cette déviation de l'activité linguale se réalise sans diminution de l'amplitude des mouvements linguaux.

Cette déviation de la dynamique linguale peut-être réalisée à partir d'un élévateur lingual fonctionnel, qui reprend l'idée de la rampe à langue décrite par le Dr VERDON, dans le traitement des séquelles des fentes labiomaxillaires6. Malheureusement, avec cet appareil, la langue était souvent rejetée en arrière, avec sa pointe dirigée vers le milieu du palais, quelquefois même, elle s'insinuait sous les bourrelets latéraux, ce qui était tout à fait opposé au but recherché. De plus, la stabilité était parfois insuffisante. Tous ces facteurs entraînaient des difficultés dans le port régulier de la rampe : son efficacité était donc très réduite.

3 — LA RÉALISATION DE « L'ÉLÉVATEUR LINGUAL FONCTIONNEL »

— —

— —

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3 -1 - Technique Elle nécessite une double empreinte. Unepremièreempreinteàal'lginatedeal'rcadeinférieureestréali-sée avec un porte-empreinte le mieux adapté possible, de telle sorte qu'il ne « déprime pas le plancher buccal » ni le frein. L'idéal est de réaliser un porte-empreinte individuel, comme en prothèse totale. Lesdébordementsda'lginatesonstuppriméssurlepourtourexterne et interne du porte-empreinte. Leporte-empren iteestrén iséréenbouche.Ondemandeao lrsàl'enfant de mettre la pointe de sa langue en haut et en arrière, tandis que l'on garni l'extrados du porte-empreinte d' alginate, en regard de la région sous linguale. Il est alors demandé à l'enfant : da'vancersalanguecontrelafacepalatinedesincisives(onvoitalors l'alginate fuser dans le vestibule supérieur) ; dejoindreseslèvresetdeprononcerdefaçoncontinueleson« ME » grave, imitant le bruit du bourdon de l' enfant chahuteur en classe. Cela a pour but d'obtenir l'empreinte de la partie antérieure du palais et des dents supérieures (au moins de 14 à 24). Ainsi, l' empreinte est réalisée en

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J.-M. SALAGNAC

Figure 1 La double empreinte (vue postérieure).

respectant un espace libre de repos, ce qui est très important pour la tolérance de l'appareil. Remarque : Chez de jeunes enfants, on peut obtenir un résultat satisfaisant en leur demandant de mettre la pointe de leur langue entre les lèvres. L'empreinte étant retirée avec précaution, on vérifie particulièrement sa qualité au niveau de (fig. 1): — l'arcade inférieure ; la partie antérieure de la voûte palatine ; — la face palatine des incisives, canines et prémolaires supérieures ; — la face inférieure de la langue. L'espace compris entre l'empreinte de la partie antérieure de la voûte palatine et l'extrados du porte-empreinte inférieur, correspond au volume et à la place exacte de la langue, en position haute. 3 - 2 - Réalisation au laboratoire (fig. 2, 3 et 4)

Figure 2 Moulages des arcades (a et c) et de la langue (b).

— • • • •

3 - 2 -1 - La coulée de l'empreinte Couler en plâtre dur l'empreinte de l'arcade inférieure : faire un socle ; laisser dépasser le socle en arrière d'environ 1,5 cm ; faire une encoche dans le socle ; vernir le plâtre.

— • • •

Couler l'empreinte de la langue : laisser dépasser le plâtre en arrière (comme pour l'arcade inférieure) ; faire une encoche dans le plâtre ; vernir le plâtre (la partie supérieure de la langue si nécessaire).

— Couler l'empreinte de l'arcade supérieure : • laisser dépasser le plâtre en arrière (comme pour les deux premières étapes) ; • retourner l'empreinte pour obtenir un socle.

2

C Figure 3 Ensemble des moulages: I - moulage de l'arcade inférieure; 2 - moulage de la langue; 3 - moulage de l'arcade supérieure.

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Figure 4 Moulages (vue antérieure). Rev Orthop Dento Faciale 23: 433-439, 1989


Conduite à tenir après les tractions postéro-antérieures sur masque orthopédique de DELAIRE dans les traitements des Classes III

— —

. s ega l uom s e l

3 - 2 - 2 - Démoulage et taille aprèspriseduplâtred,émouellerstroispartiesdel'mpreinte; a te lia rlpare itposé tre iuredestroisélémentsencommençanp tarl'arcade inférieure ; r ini f

4 — CONSTRUCTION DE « L'ÉLÉVATEUR LINGUAL FONCTIONNEL » (fig. 5) —

Lesélémentsderétentionsontconstiuéspardeuxouquatrecrochets d'ADAMS (sur 36-46 ou 36-46,34-44, 74-84) ou mieux, des crochets de DUNN (fig. 6). Larésineremplittoutel'spacesous-lingualdessinéparlalangue.Cependant, la résine ne doit pas dépasser la face occlusale des prémolaires et molaires inférieures (ce qui empêcherait la langue de s'avancer suffisamment). Ilestpossibleda'jouterunbandeauvestibulairesile'xistedesdiastèmes interincisifs que l'on désire fermer. e.iem poltaientfpareteunistesaquepL la

— — —

5 — ADAPTATION EN BOUCHE (fig. 7)

Après avoir assuré la stabilité par adaptation des crochets, on vérifie que l'amplitude des mouvements linguaux est respectée. L'enfant doit pouvoir exécuter avec une amplitude maximale tous les mouvements linguaux sans que la stabilité de la plaque diminue.

Figure 5 Moulage avec ascenseur lingual en place (vue ! atérale). Rev Orthop Dento Faciale 23: 433-439, 1989

Figure 6 Crochets de DUNN (diamètre du fil: 0,5 mm).

Figure 7 L'ascenseur lingual en place (vue occlusale).

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J.-M. SALAGNAC

Figure 8 Position de la langue avec l'ascenseur lingual ( vue latérale).

Seule l'orientation des mouvements linguaux est différente. Ainsi réalisée, la plaque ne déprime pas le plancher buccal, sa stabilité est bonne, son adaptation facile, puisque son volume a été dessiné par la langue « elle-même ». Au bout de quelques jours, l'enfant peut et doit manger avec son appareil et le porter 24 heures sur 24. En position de repos, la langue est dirigée vers la face palatine des incisives supérieures ; lors de la déglutition et de la mastication, la langue appuie fortement contre les incisives supérieures et la partie antérieure du palais (fig. 8).

6 — INDICATION Cet ascenseur lingual trouve son indication après tous les traitements de Classe III par masque orthopédique. Il est surtout indiqué : danselsformesavecgrosro tubelsfoncoitnneslaudépa,rtyantentraîné des adaptations dentaires (vestibulo-version incisive supérieure et inférieure, avec diastèmes interincisifs par exemple) ; . se i l l i xamyhca rb se l snad

— —

7 — CONCLUSION La mise en place de « l'élévateur lingual », modifie la situation et la dynamique linguales. La langue se trouve dans une situation plus haute et plus antérieure. Cette nouvelle situation entraîne des changements biomécaniques des complexes labio-labial et linguo-pharyngé qui se traduisent par des changements de pression et de tension, responsables des modifications structurales secondaires.

BIBLIOGRAPHIE

1 — DELAIRE, J., VERDON, P., LUMINEAU, J.-P., GHERGA-NEGREA, A., TALMANT, J., BOISSON, M.: Quelques résultats des tractions extra-orales à

appui mentonnier dans le traitement des malformations maxillo-mandibulaires de Classe III et des séquelles osseuses des fentes labio-maxillaires. Rev Stomatol Chir Maxillofac 73 : 633-642, 1972. 438

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Le traitement orthodontique chez l'adulte

Henri NODIOT

RÉSUMÉ Le but de cet article est de montrer à l'aide de cas cliniques (32) ce que les traitements orthodontiques peuvent apporter aux patients adultes. Les cas, choisis pour la variété qu'ils offrent, avec leur incidence esthétique, prothétique, parodontique, chirurgicale, sont présentés pour sensibiliser les praticiens aux possibilités qui existent et aux résultats qu'on peut obtenir en traitant des adultes.

MOTS CLÉS Orthodontie adulte — Esthétique et orthodontie — Prothèse et orthodontie — Parodontose et orthodontie — Chirurgie et orthodontie — Appareils orthodontiques pour adultes.

1— I NTRODUCTION

H. NODIOT 4, avenue Hoche, 75008 Paris.

De nombreux patients viennent en consultation orthodontique avec certaines idées préconçues. Ils pensent par exemple qu'après 12 ans un traitement n'est plus faisable. Ou bien qu'à leur âge il n'est sans doute plus possible d'obtenir un résultat et que de toute façon ça ne tiendrait pas si on faisait quelque chose. S'il est exact qu'avant 12 ans (âge administratif de la Sécurité Sociale) certaines corrections soient accomplies plus facilement et qu'à l'âge adulte on ne puisse pas tout traiter, on peut néanmoins, dans de nombreux cas, restaurer des occlusions de façon durable. Le but de cet article est de montrer à l'aide d'une trentaine de cas cliniques ce qu'on peut espérer accomplir. Ces cas, choisis pour la variété qu'ils offrent, sont présentés pour convaincre les praticiens des possibilités qui existent et de la qualité des résultats qu'on peut obtenir en traitant des adultes. Les détails techniques d'analyse, de plan de traitement et de manipulation des appareils représentent un autre aspect de ce sujet et ne seront pas abordés ici.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 441-456, 1989

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H. NODIOT

2— LES RAISONS

D'UN TRAITEMENT

ORTHODONTIQUE

On peut distinguer quatre raisons essentielles qui motivent un patient adulte pour entreprendre un traitement orthodontique. Elles sont d'ordre esthétique, prothétique, parodontique et chirurgical.

2 -1 - Raisons esthétiques

C'est dans ce groupe qu'on trouve la plus grande partie des adultes qui entreprennent un traitement. La majorité est représentée par des femmes. D'une façon générale, l'amélioration qui est obtenue s'observe surtout au niveau des dents. Pour qu'une amélioration touche le visage, profil ou face, il faut qu'il y ait une réduction importante de la proalvéolie existante et un recentrage marqué en cas de déviation latérale. Trois cas cliniques illustrent ce point.

Les figures 1 a, 1 b, 1 cet 1 d illustrent le cas d'une patiente de 21 ans qui présentait une dysharmonie esthétique assez marquée, concernant le profil et les dents. Un traitement orthodontique fut entrepris avec appareil fixe complet aux deux arcades et des extractions. La denture de cette patiente est visible sur les figures 1 a et 1 b, après les extractions. Les figures 1 c et 1 d montrent le résultat. La réduction de la proalvéolie supérieure, très marquée au départ, a permis dans ce cas d'améliorer considérablement le profil de cette patiente.

Les figures 2 a et 2 b présentent le cas d'une patiente de 27 ans, avant traitement aux deux arcades avec extractions et appareil fixe. Les figures 2 c et 2 d montrent l'amélioration au niveau des dents et la réduction de la biproalvéolie, qui a permis un « dégonflement » du profil labial.

Les figures 3 a, 3 b, 3 c et 3 d illustrent le troisième cas ; il s'agit d' une patiente de 34 ans. On peut noter sur le profil une tendance prognathe et de face un décentrage mandibulaire vers la droite de la patiente. Les résultats (fig. 3 c et 3 d : appareil fixe aux deux arcades et extractions) montrent l'amélioration dentaire ainsi que celle du profil et un bon recentrage de face.

Ainsi que nous l'avons exprimé précédemment, ces cas ne représentent pas la majorité. Généralement, les améliorations sont limitées à l' alignement des dents et ne touchent que peu le visage bouche fermée. 442

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a

b

Figure 1

d

a

b Figure 2

a

b Figure 3

d


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2 - 2 - Raisons prothétiques

Dans ce groupe, on trouve des patients pour lesquels un problème de prothèse fixe ou amovible se pose. Les éléments de support, que représentent les dents, doivent être déplacés pour permettre la réalisation des prothèses dans de bonnes conditions mécaniques et esthétiques. Nous présentons quelques cas de ce groupe.

Dans le premier cas (fig. 4 a, 4 b et 4 c), il s'agit d'une patiente qui a cassé son incisive supérieure. La pose d'une coiffe sur cette dent est difficile sinon impossible. Un traitement orthodontique est entrepris avec l'extraction d'une incisive inférieure (fig. 4 b). Le résultat (fig. 4 c), permet d'apprécier les conditions dans lesquelles la restauration peut maintenant être envisagée.

Le second cas (fig. 5 a et 5 b) montre la denture d'une patiente avec béance et perte de l'incisive centrale supérieure droite. La figure. 5 b permet de voir la réduction de la béance et la mise en place de l'incisive latérale supérieure droite dans le but de placer une coiffe en céramique semblable à l'incisive centrale gauche.

Les figures 6 a, 6 b, 6 c, 6 d, 6 e et 6 f illustrent le cas d'une patiente de 17 ans présentant une dysharmonie dento-maxillaire à l'opposé de ce qu'on rencontre généralement. Dans ce cas, il y a davantage de « matériau » osseux disponible que de matériau » dentaire. Le problème esthétique est difficile à traiter uniquement avec des bridges ou des coiffes isolées. Un traitement orthodontique aux deux arcades, sans extractions, a permis d'améliorer l'occlusion et d'éviter, au moins à l'arcade supérieure, des restaurations prothétiques (fig. 6 d, 6 e et 6 f).

La patiente dont les dents sont photographiées sur les figures 7 a et 7 b, âgée de 23 ans, présentait essentiellement des malpositions individuelles des dents antérieures à l'arcade supérieure. Plusieurs de ces dents étaient abimées au point de nécessiter des coiffes en céramique qu'il était difficile de faire dans ces conditions de chevauchement (fig. 7 a). Un traitement orthodontique à l'arcade supérieure a permis, avec l'extraction de deux prémolaires, de remettre les dents dans une position à partir de laquelle des coiffes peuvent être envisagées dans les meilleures conditions (fig. 7 b). 444

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Le traitement orthodontique chez l'adulte

Figure 4

Figure 5

b

Figure 6

d

Figure 7

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H. NODIOT

Le cas d'un homme de 41 ans est illustré par les figures 8 a, 8 b et 8 c. Un diastème situé entre les deux incisives centrales supérieures avait été comblé avec de la résine et le résultat esthétique ne satisfaisait pas ce patient (fig. 8 a). Après le retrait de la résine (fig. 8 b) un traitement orthodontique avec appareil fixe à l'arcade supérieure a permis le résultat que montre la figure 8 c.

Sur les figures 9 a, 9 b, 9 c, 9 d et 9 e, on peut observer le cas d'une patiente de 42 ans. La résine avait ici aussi permis de réduire un diastème important entre les incisives centrales supérieures (fig. 9 a), survenu du fait de l'agénésie des latérales. La figure 9 b montre les dents après le retrait des coiffes en résine et la pose de coiffes temporaires d'un volume normal. Nous voyons sur la figure 9 c, après traitement, la remise en place des incisives centrales, prêtes à servir de supports de bridge. Les figures 9 d et 9 e montrent le résultat radiographique du déplacement.

Les figures 10 a, l0 b, 10 c, 10 d, 10 e et 10 f exposent le cas d'un patient dans la trentaine, présentant une supraclusion importante associée à l'agénésie de prémolaires et à la persistance de molaires temporaires ankylosées. En orthodontie, une dent ankylosée est réellement inamovible et ces dents peuvent compliquer considérablement les déplacements. Un traitement avec appareil fixe aux deux arcades fut entrepris pour permettre le résultat observable sur les figures 10 d, 10 e et 10 f.

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Le traitement orthodontique chez l'adulte

Figure 8

c

b

c

Figure 9

b

c

Figure 10

d

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H. NODIOT

Dans cette catégorie, se rangent des cas qui combinent souvent des problèmes esthétiques et prothétiques, mais qui ont ceci de particulier que le tissu osseux de soutien est réduit et déficient. Des dents qui étaient bien rangées commencent à se déplacer à mesure que l'os n'est plus à même de soutenir et maintenir les dents sous les forces que les muscles masticateurs, essentiellement, leur transmettent. Une malocclusion n'est pas responsable d'une parodontose, ou très secondairement si elle complique les conditions d'hygiène et d'entretien. Par contre, la parodontose, en diminuant la capacité de soutien de l' os alvéolaire, favorise un déplacement des dents et crée des malocclusions. Le traitement orthodontique d'un patient présentant une parodontose avec déplacement des dents, permettra de récupérer un alignement esthétiquement satisfaisant pour le patient, de prévoir des attelles ou des bridges de consolidation dans de bonnes conditions et de permettre aux dents de fonctionner selon un angle moins agressif et de moindre surcharge pour l'os de soutien. Mais il ne traitera pas la parodontose. Si rien n'était fait après une remise en place des dents, le support osseux restant le même ou continuant de se détériorer, les dents repartiraient progressivement vers leur position de départ et au-delà.

Les figures 11 a, 11 b, 11 c et 11 d se rapportent à une patiente de 38 ans présentant un enfoncement vertical progressif de l'occlusion et un déplacement évolutif de ses incisives. Un appareil à l'arcade supérieure a permis de remettre les dents en place (fig. 11 c et 11 d).

Les dents observables sur les figures 12 a, 12 b, 12 c et 12 d appartiennent à une patiente de 41 ans présentant un encombrement léger au niveau de ses incisives supérieures, qui aurait été acceptable si cette patiente n'avait constaté une détérioration progressive de l'alignement. L' os alvéolaire n'étant plus à même de faire son travail et de maintenir l' ensemble, les effets de la parodontose ont accentué progressivement cet encombrement (fig. 12 a et 12 b). Un traitement orthodontique a permis la remise en place de ces dents (fig. 12 c et 12 d) et une attelle linguale a été prévue pour consolider et maintenir ces dents.

Un cas plus complexe est présenté par les figures 13 a, 13 b, 13 c, 13 d, 13 e et 13 f. C'est celui d'une patiente de 54 ans. Un traitement orthodontique fut entrepris avec un appareil fixe aux deux arcades. Le résultat obtenu montre une bonne remise en place (fig. 13 d, 13 e et 13 f). Mais ici aussi la parodontose doit être traitée et les dents doivent être stabilisées et maintenues dans les meilleures conditions, sous peine de récidive. Rev Orthop Demo Faciale 23: 441-456, 1989


a

Figure 11

a Figure 12

I d

a

d

Figure 13

f


H. NODIOT

Un dernier cas de parodontose associée à une grosse malocclusion est présenté par les figures 14 a, 14 b, 14 c, 14 d, 14 e et 14 f. Le traitement a nécessité l'extraction de quatre prémolaires et un appareil fixe aux deux arcades. La malocclusion est très importante et pourrait laisser penser qu'il y a peut-être quand même une relation entre malocclusion et parodontose. En fait, des cas aussi sévères peuvent être observés sur d' autres patients qui ne présentent aucun signe de parodontose. Les figures 14 d, 14 e et 14 f montrent le résultat qu'il faudra, bien sûr, consolider et accompagner d'un suivi parodontique.

2 - 4 - Raisons chirurgicales

Cette dernière catégorie est celle des patients qui ont recours à un traitement chirurgical pour améliorer une disgrâce importante au niveau des mâchoires et pour restaurer une fonction masticatrice réduite ou difficile. Chez les adultes, les traitements orthodontiques permettent d'agir sur les dents et les procès alvéolaires mais n'ont que peu ou pas d'effet sur les mâchoires. Par contre, la chirurgie peut agir sur les bases maxillaires au-delà des procès alvéolaires. Les bases maxillaires étant en gros ce qui reste chez un édenté complet une fois que les dents et les procès alvéolaires ont disparu. Le réalignement des dents peut intervenir avant la chirurgie pour, lors d'une intervention, obtenir un meilleur blocage des mâchoires en utilisant les dentures comme clé de blocage. La position finale des mâchoires dépendra donc de la position des dents. Parfois il peut n'intervenir qu'après la chirurgie lorsqu'un prétraitement orthodontique n'apporte rien au chirurgien.

Le cas représenté sur les figures 15 a, 15 b, 15 c, 15 d, 15 e et 15 f est celui d'une patiente de 19 ans qui présentait une prognathie avec deux canines supérieures incluses (fig. 15 a et 15 b).- Un traitement orthodontique préchirurgical fut fait pour que, au cours de l'intervention chirurgicale, les mâchoires puissent être ajustées à l'aide des dents, dans une position prédéterminée et avec les meilleures conditions de blocage ( fig. 15 d et 15 e). Le résultat après chirurgie est exposé sur les figures 15 c et 15 f (chirurgie : C. Biou).

Les figures 16 a, 16 b, 16 c, 16 d, 16 e et 16 f illustrent un autre cas de chirurgie et d'orthodontie, qui est celui d'un patient de 44 ans (fig. 16 a). Pour ce cas, la chirurgie a été faite dans un premier temps (fig. 16 b, 16 c et 16 d). Ensuite, un traitement orthodontique a été entrepris pour restaurer l'occlusion et permettre de faire un bridge pour remplacer la prémolaire supérieure gauche (fig. 16 e et 16 f) (chirurgie : J. F. TULASNE). 450

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c

Figure 14

e

Figure 15

e

b

e

Figure 16


H.

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3— JUSQU'A QUEL AGE PEUT-ON TRAITER ?

Cette question est un peu le pendant de celle qui se pose pour les jeunes patients : à quel âge doit-on commencer un traitement orthodontique? En ce qui concerne les adultes, ce n'est pas tant l'âge qui importe que la qualité de l'os de soutien. Si l'os est bon, on peut déplacer les dents dans de bonnes conditions. S'il ne l'est pas, il est préférable de ne pas entreprendre de traitement. Une série de traitements avec les âges correspondants est présentée dans les figures suivantes. Il est à noter que plus ils avancent en âge, moins les patients sont motivés par l'aspect esthétique et beaucoup plus par les problèmes fonctionnels ou prothétiques que leur denture peut présenter.

Figure 17 22 ans

a

b

c

Figure 18 26 ans

a

b

c

Figure 19 22 ans

b

Figure 20 29 ans

a

452

b

c

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Figure 21 31 ans

b

a

Figure 22 32 ans

c

Figure 23 36 ans

c

b

Figure 24 40 ans

a

Figure 25 42 ans

c

Figure 26 43 ans

c


i

Figure 27 44 ans

b

a

Figure 28 45 ans

Figure 29 48 ans

b

a

c

Figure 30 56 ans

b

Figure 31 57 ans BRIDGEWORK J. CIEPIELEWSKI c

b

Figure 32 67 ans

a


Le traitement orthodontique chez l'adulte

4 — TYPES D'APPAREILS UTILISÉS

Figure 33

Figure 34

Figure 35

Figure 36 Rev Orthop Dento Faciale 23: 441-456, 1989

On peut classer les appareils en deux groupes selon qu'ils sont amovibles ou fixés sur les dents et inamovibles pour le patient. Si la plupart sont portés à l'intérieur de la bouche, certains sont portés à l'extérieur, comme les forces extra-orales. Ces appareils sont utilisés indépendamment ou en combinaison. Il faut retenir que toutes les combinaisons sont envisageables lors d'un traitement. Les appareils amovibles sont utilisés pour des cas simples et pour assurer la contention après un traitement. C'est généralement l'appareil auquel les patients pensent en premier en ajoutant « qu'on ne porte que la nuit » (fig. 33). Les autres appareils sont des appareils fixes. Ceux-ci peuvent être constitués seulement de deux bagues ou bien représenter un ensemble complet supporté par chacune des dents supérieures et inférieures. Pratiquement, toutes les possibilités intermédiaires existent. La figure 34 montre un ensemble de bagues qui n'est pratiquement plus utilisé, à cause de l'aspect inesthétique et non à cause des possibilités techniques de l'appareil. Les bagues ont été progressivement remplacées par des attaches en métal (fig. 35), qui sont collées et qui offrent les mêmes possibilités techniques que les bagues mais réduisent considérablement l'aspect disgracieux de l'appareil. En même temps, sont apparues sur le marché des attaches en plastique. Beaucoup plus esthétiques, elles présentent l'inconvénient de jaunir en bouche et d'être relativement fragiles (fig. 36). Il y a quelques années, se sont développés aux États-Unis des systèmes d' attaches métalliques à coller sur la face linguale des dents (fig. 37). Tous les grands fabricants ont alors pensé qu'on avait enfin trouvé le moyen de rendre acceptable à tous les adultes les traitements orthodontiques, puisqu'on ne voyait plus d'appareils. Des sommes considérables furent investies dans la fabrication, la publicité, le conditionnement des futurs patients et le lancement de ces nouveaux produits. En fait, si logiquement le système devait marcher, pratiquement il s'est soldé par de nombreux déboires cliniques. La supraclusion, entre autres, qu'on rencontre souvent dans les malocclusions adultes, s' accommodait mal des attaches collées sur la surface linguale des incisives supérieures. La technique, même dans les meilleures conditions, est très difficile, oblige à doubler le temps de traitement et atteint rarement la qualité de résultat des techniques vestibulaires. On pourrait faire une comparaison avec une intervention à coeur ouvert faite par voie dorsale plutôt que ventrale. Les fournisseurs de matériel orthodontique se sont alors lancés dans la fabrication des attaches en céramique à coller sur la face vestibulaire des dents (fig. 38).

Figure 37

Figure 38 455


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Ces attaches, d'un bel aspect, vieillissent très bien en bouche sans modifications de texture ou de teinte, au contraire des attaches en plastique. Si elles sont dures, elles n'en demeurent pas moins fragiles. Leur emploi est limité généralement aux incisives et canines supérieures. On hésite à les utiliser sur les dents antérieures de l' arcade inférieure. On les évite sur les dents postérieures, sur lesquelles on revient au bon vieux métal, attaches ou bagues qui sont à même de résister aux tonnes de pression masticatrice reçues pendant tout le cours d'un traitement.

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COPICLUSIONS

Les traitements orthodontiques complets chez les adultes sont généralement très difficiles. A chaque cas doit correspondre une étude particulièrement détaillée. Il est nécessaire que le patient adulte qui envisage un traitement orthodontique sache d' abord si le traitement est possible ou pas, ou quelles en sont les limites. Il faut qu'il soit averti de tout le déroulement du traitement, de sa durée, du résultat auquel on peut parvenir et de l'aspect de l'appareil. Il faut enfin qu'il réalise que l'important est davantage le résultat obtenu qui durera, que le désagrément temporaire de l'appareil, les contraintes qui y sont liées et l'aspect esthétique, aujourd'hui très amélioré. Il est préférable qu'un patient renonce à un traitement avant de l'avoir commencé plutôt que de l'interrompre en cours, ceci plus particulièrement si des extractions de dents ont été faites. Sans une bonne coopération on ne peut arriver à un bon résultat. Pour terminer, on peut dire que si on ne peut pas tout traiter chez les adultes, on peut faire beaucoup, en regrettant souvent que certains de ces patients n'aient pu être soignés quand ils étaient jeunes, dans des conditions qui auraient été tellement plus faciles.

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Les indices de malocclusion État des connaissances

Marie OLIVIER Jean-Marc BRODEUR, Christian BERNARD André FOURNIER, Herminé NACCACHE

RÉSUMÉ Les malocclusions constituent un sujet de recherche très.vaste et fort complexe ; de nombreux travaux ont été consacrés à leurs différents aspects et l'un d'entre eux, les indices de malocclusion, fait l'objet de la présente étude. Cette synthèse démontre la nécessité de faire appel à ces indices dans le domaine général de la santé publique et, particulièrement, pour l'ensemble des études épidémiologiques entreprises. Les limites d'un indice en fonction de l'usage pour lequel il a été conçu sont d'abord exposées. Puis, après un court rappel historique et une brève description des indices les plus couramment utilisés, leur validité et leur fiabilité sont envisagées en fonction de tests statistiques adaptés et adéquats. Enfin, un aperçu des résultats de quelques études de prévalence des malocclusions et des besoins en traitements orthodontiques est donné, à partir de l'utilisation de certains de ces indices, dans différentes populations.

MOTS CLÉS Orthodontie — Malocclusion — Indices.

1 — INTRODUCTION

M. OLIVIER — D.M.D., M.Sc. J.M. BRODEUR — D.D.S., M.Sc., Ph. D. C. BERNARD — D.D.S., M.Sc. Orthodontie A. FOURNIER — D.M.D., Certificat Orthodontie H. NACCACHE, M.Sc. Université Laval, Québec.

Bien que la littérature concernant les indices de malocclusion soit relativement abondante, il semble qu'il n'existe actuellement aucune méthode universellement admise pour évaluer l'incidence et la sévérité des anomalies dento-faciales42. L'absence d'un consensus peut être, en grande partie, attribuée aux variations des terminologies et aux méthodologies utilisées par les différents chercheurs' ainsi qu'à la difficulté d'établir les limites de la normalité". Les malocclusions et dysmorphoses dento-faciales handicapantes incluent toutes les situations qui constituent un risque pour la santé buccale et interfèrent avec le bien-être de l'individu en affectant défavorablement l'esthétique dentofaciale, la fonction masticatrice ou le langage47.

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Certains auteurs préfèrent le terme « désordre occlusal » car, contrairement au terme « malocclusion », il fait référence à une notion de variabilité plutôt qu'à un état invariable41'51. Les désordres occlusaux représentent toutes les variations inacceptables de l'occlusion, esthétiquement ou fonctionnellement, pour le sujet ou pour l'examinateur57. Cette anomalie, quel que soit le nom qu'elle reçoit, n'est pas une entité simple mais correspond plutôt à un ensemble de situations, dont chacune constitue en soi un problème, souvent compliqué par une multitude de causes60. Elle est donc une variable composée des discordances existant entre les différentes parties des mâchoires 21.41 plutôt que l'effet des variations de chacune de ces parties par rapport à une norme idéale 21. Ainsi, le terme « malocclusion » fait référence à des situations intermédiaires entre le handicap et la bonne santé41. La question à se poser lors de l' évaluation des malocclusions est donc : quelle situation dévie de la norme acceptée à tel point qu'elle constitue un handicap 16? En 1926, SiMoN52 disait : « En orthodontie, la normalité est un concept fictif, utile et nécessaire » ; mais, puisque les limites de la normalité sont diffuses, les limites de la déviation ne peuvent être définies. Cependant, une limite peut être fixée au-delà de laquelle il y a déviation mais en deçà de laquelle il n'y a pas nécessairement normalité 28 : il est certes plus facile d'évaluer des variations extrêmes que des variations modérées51

2 — USAGE DES INDICES DE MALOCCLUSION

* N.D.L.R.: au Canada.

Du point de vue épidémiologique, les indices de malocclusion sont utiles pour comparer la prévalence du problème dans différentes populations et pour estimer les besoins en traitements dans ces populations 18.32. Dans le domaine de la santé publique, et notamment avec la progression de tiers payants*, il devient indispensable d'utiliser ces indices pour évaluer la sévérité des malocclusions et la nécessité d'un traitement chez les individus soumis au dépistage '8, 32, 49. Les informations fournies par le recueil des indices permettent de mieux planifier les structures nécessaires pour dispenser les soins '8, 32 et de mieux évaluer les résultats de traitements ou de procédures préventives et interceptives 41'44.

3 — QUALITÉS REQUISES DES INDICES DE MALOCCLUSION

Les qualités requises pour un indice de malocclusion sont dépendantes de l' utilisation pour laquelle il a été conçu 12. Quelques chercheurs ont réussi à mettre au point des indices ayant à la fois une utilité principale et une application au service d'objectifs secondaires ; toutefois, comme les qualités requises diffèrent selon l'usage prévu, il semble que la validité des résultats puisse être compromise pour l' étude d'objectifs secondaires49. Aussi, considère-t-on qu'une des qualités d'un indice est sa capacité à se prêter à certaines modifications afin de permettre son utilisation pour différents objectifs 16. Deux qualités sont absolument indispensables à tout indice de malocclusion : la validité et la fiabilité 6.12.56 458

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Les indices de malocclusion.

3 -1 - Validité

3 - 2 - Fiabilité

État des connaissances

La validité de l'indice représente son aptitude à mesurer, avec précision et sans biais, ce pourquoi il a été conçu ; ainsi, si l'indice a pour but d'identifier les sujets présentant une malocclusion handicapante, sa validité pourra être déterminée par l' évaluation de sa sensibilité et de sa spécificité, comme pour tout test de dépistage 12. Quelle que soit l'utilisation prévue pour un indice, celui-ci doit démontrer une validité dans le temps 21, 23,56,57 ; pour répondre à ce critère, l'indice doit être sensible au défaut orthodontique de base qui est à l'origine de la malocclusion, plutôt qu'au symptôme qui ne reflète qu'une adaptation du développement de l'occlusion en présence du défaut. Lorsque cette condition est remplie, les résultats de la mesure qu'il fait du degré de malocclusion chez un individu restent stables ou empirent avec le temps 4'.56, 57. En effet, une amélioration de la malocclusion avec le temps n'est pas une caractéristique d'un trouble primitif d'ordre orthodontique mais peut être observée au niveau du symptôme 56 ; ainsi, lorsque la distinction est faite entre les étapes de la croissance et le développement des malocclusion, bien peu de cas d' auto-correction sont observés 5'. La normalité acceptée pour certains paramètres peut varier considérablement avec l'âge et il faut donc utiliser des normes et interprétations différentes pour des âges différents2'. La validité d'un indice de malocclusion doit être aussi déterminée en fonction de paramètres esthétiques et psychosociaux 12, 14, 19, 25, 33, 34, 35, 39, 46, 53, 55, 58 En effet, une situation occlusale particulière peut constituer un handicap, non seulement physique, mais également psychosocial 14. Idéalement, l'indice devrait permettre d'identifier les individus dont l'état occlusal risque de porter atteinte à leur bien-être psychosocial. Quelques indices de malocclusion ont tenté d'inclure des considérations d'ordre esthétique mais celles-ci ont tendance à être confondues avec l'aspect fonctionnel des malocclusions58 ; de plus, bien que les paramètres psychologiques prennent une importance croissante dans l'évaluation de la sévérité de la malocclusion et des besoins en traitements", aucun des indices existants n'est capable de mesurer réellement le degré du handicap psychosocial créé par la malocclusion 20, 55 La recherche d'une méthode objective permettant de mesurer les effets de la malocclusion sur l'état psychologique et social de l'individu fait cependant l'objet d'investigations récentes 15, 19, 33, 34, 53, 58

La fiabilité de l'indice représente sa capacité à produire les mêmes résultats lorsqu'un individu est examiné plus d'une fois, par le même examinateur (reproductibilité intra-examinateur) ou par des examinateurs différents (reproductibilité interexaminateurs). Cette qualité, aussi importante que la validité, forme avec elle le critère de base de la construction d'un indice 16.23,41 La fiabilité sera d'autant plus grande que l'indice fera appel à des techniques statistiques mieux standardisées'. Elle dépend aussi de l'âge dentaire puisque les évaluations les plus fiables sont celles réalisées en denture permanente alors que les changements associés à la croissance sont à peu près terminés23.

3 - 3 - Objectivité Quelques auteurs mentionnent l'objectivité de l'évaluation comme l'une des qualités requises pour un indice de malocclusion '6, '8, 28, 5'. Cependant, plusieurs d' entre eux reconnaissent qu'il y a inévitablement une certaine part de subjectivité dans l'évaluation faite par celui-ci 8, 18, 28, 32. En effet, étant donné que la définition de Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470, 1989

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la malocclusion inclut des éléments objectifs (clinicien) et subjectifs (individu), il ne paraît guère possible de créer un indice totalement objectif32 ; aussi, l'indice ne peut être plus objectif que l'évaluation clinique sur laquelle sa conception est basée28. Certains critiquent même la pondération de paramètres spécifiques, dans le calcul du score attribué à un individu par un indice, prétextant qu'il est subjectif de considérer que certains types de déviations méritent plus d'attention que d'autres B. Plus la part d'objectivité sera grande, plus l'indice sera fiable ; et, généralement, la part d'objectivité diminue lorsqu'il s'agit d'établir la priorité de traitement 51.

3 - 4 - Autres qualités

L'indice doit être simple et utiliser des critères clairement définis. Il doit procurer des données quantitatives analysables par les méthodes statistiques usuelles ; il doit être capable de distinguer les malocclusions handicapantes des autres et de mesurer le degré de ce handicap, mais doit éviter de classifier les malocclusions. Il ne doit pas requérir d'entraînement rigoureux ou d'expérience professionnelle de la part des examinateurs et il est souhaitable de pouvoir l'utiliser aussi bien sur moulages d'étude que directement en bouche '6,51.

4 — HISTORIQUE ET DESCRIPTION DES INDICES DE MALOCCLUSION

En 1899, ANGLE3 élabore la première méthode de classification des malocclusions ; il s'agit d'une évaluation qualitative basée sur la relation antéro-postérieure des mâchoires. En 1919, DEWEY-ANDERSON modifie la classification d'ANGLE afin de mieux décrire l'état qualitatif de l'occlusion23. Cette nouvelle version, appelée la classification d'ANGLE-DEWEY-ANDERSON demeure, même aujourd'hui, très populaire et très utilisée 35 En 1926, SIMON" établit la relation entre les arcades dentaires et les plans orbital, sagittal et de Francfort. Cette approche biométrique, ainsi que celle de HELLMAN en 1927, permettent de situer l'occlusion dans le complexe facial'. HOFRATH, en 1931, et BROADBENT, en 1937, introduisent la radiographie céphalométrique et élargissent cette technique de diagnostic pour inclure l'évaluation des changements dans la relation dento-maxillo-faciale pendant la croissance et le développement'. En 1942, ANDRESEN et HAUPL effectuent une approche plus dynamique du diagnostic et du traitement des dysgnathies par la thérapie myofonctionnelle ; cette approche est complétée par THOMPSON, en 1946, et POSSELT, en 1952, qui confirment la relation occluso-articulaire6. En 1948, MOORE classifie les malocclusions en termes de temps requis pour le traitement Par ses travaux d'observation sur le développement des dentures primaire, mixte et permanente, BAUME, en 1950, permet une meilleure compréhension du rôle que joue la migration physiologique des dents dans le développement de l'occlu sion6. En 1951, ELASSER développe un instrument capable de classifier quantitativement la morphologie dento-faciale et MASSLER et FRANKEL introduisent un moyen quantitatif d'évaluer la position des dents. En 1958, POPOVICH et GRAINGER élaborent une classification des malocclusions pouvant être utilisée sans instru ments spéciaux ; cette classification inclut des facteurs tels la relation antéro45

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Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470,1989


Les indices de malocclusion. État des connaissances

postérieure des mâchoires, les malpositions dentaires, les anomalies, certains facteurs généraux et habitudes45. Les développements survenus pendant les années 50, apportent un caractère plus dynamique à l'évaluation des malocclusions et permettent la création d'indices de malocclusion dans les années 60. C'est en 1959 que le premier indice de malocclusion est créé ; il s'agit du « Malalignment Index » (MIV) de VANKIRK et PENNELL60. L'indice est fondé sur l' étude du mauvais alignement des dents : chaque dent reçoit une note de 0 à 2 selon son degré de rotation et de déplacement par rapport à l'alignement idéal sur l' arcade. Selon les auteurs, l'élaboration du MIV est fondée sur le fait que le mauvais alignement des dents est un signe fréquemment associé aux situations communes de malocclusion ; l'indice peut être utilisé à des fins épidémiologiques mais n'est pas suffisamment sensible pour déterminer les besoins en traitements. Le deuxième indice de malocclusion à voir le jour est celui de DRAKER, le Handicapping Labiolingual Deviation Index » (HLD), en 1960 16 . Cet indice a comme objectif d'identifier les sujets présentant des anomalies handicapantes. L' évaluation inclut la mesure de 7 paramètres (Tableau I) se limitant exclusivement au secteur antérieur et l'examen peut se faire aussi bien sur moulages d'étude que directement en bouche. Le principe de base sur lequel repose le HLD est le degré de déformation labio-linguale. Lorsque la somme des notes attribuées à chaque paraCaractéristiques ou paramètres

INTRA-ARCADE Rotations Déplacements Encombrements Diastèmes INTER-ARCADES Surplomb Relation molaire Supraclusion incisive Infraclusion incisive Occlusion croisée latérale Occlusion croisée antérieure AUTRES CARACTÉRISTIQUES OU PARAMÈTRES Éruptions ectopiques Dents surnuméraires Hypodontie Traumatisme gingival TRAITEMENTS Syndromes cliniques Evaluation du handicap Besoins en traitement Priorité de traitement

HLD

TPI

DRAKER

GRAINGER

X X

X X

HMAR SALZMANN

X X X

X X X X

01 SUMMERS

X X

X X X X X X

X X X X X X

X X X X X X

X

X

X

X

X

X

X X X T a b l e a u

X X

X X

I

Paramètres et caractéristiques des indices de malocclusion les plus utilisés'''.

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1 M. OLIVIER, J.-M. BRODEUR, C. BERNARD, A. FOURNIER, H. NACCACHE

mètre égale ou excède 13, le sujet est identifié comme présentant un handicap physique. Il est classé dans la catégorie à traiter. Selon KATZ35, le HLD est le premier indice orthodontique répondant aux besoins des planificateurs de programmes de santé publique. En 1961, POULTON et AARONSON développent le « Occlusion Feature Index » ( OFI) basé sur l'encombrement du secteur antéro-inférieur, l'interdigitation cuspidienne, le surplomb et la supraclusion incisive45. La littérature sur cet indice reste peu développée si bien qu'il demeure peu utilisé. Cependant, KATZ35 affirme que l' indice de DRAKER et celui de POULTON et AARONSON représentent un nouveau pas dans le concept de l'unité de l'occlusion parce qu'ils incluent aussi bien des considérations concernant l'arcade dentaire dans sa totalité que les dents dans leur individualité. En 1964, BJORK, KREBS et SoLow7 utilisent une méthode d'enregistrement systématique, de symptômes bien définis, en guise d'indices de malocclusion. L' enregistrement inclut également une indication pour les besoins en traitements ; cependant, cette évaluation est individuelle et subjective. Le but de cette méthode est principalement de décrire la fréquence des malocclusions pour des fins épidémiologiques. En 1967, GRAINGER21 élabore le « Treatment Priority Index » (TPI) à partir du Malocclusion Severity Estimate » qu'il avait conçu deux ans auparavant. Ce nouvel indice s'appuie sur la mesure de 11 paramètres (Tableau I) dont 10 primaires, organisés en 7 syndromes, tandis que le 11e est utilisé seulement pour les cas particuliers où le traitement est prioritaire (ex.: fissures palatines, dysmorphoses traumatiques graves). Lorsque l'évaluation, obtenue à partir des mesures des 10 paramètres primaires, excède 4.5, il y a handicap et le sujet est classé selon le syndrome déterminé en fonction des paramètres mesurés. GRAINGER21 souligne l' importance d'un recours aux normes et aux interprétations différentes pour chaque tranche d'âge et note la tendance du TPI à sous-estimer la malocclusion en bas âge. Le but du TPI est la détermination du handicap, du besoin et de la priorité de traitements par l'échelle de sévérité des malocclusions. Pour KATZ35, le TPI introduit un nouveau degré de sophistication dans l'évaluation des malocclusions en éliminant la nature arbitraire des indices précédents. Depuis sa création le TPI est très utilisé pour les besoins des administrateurs canadiens, en santé publique, et à des fins épidémiologiques. L'année 1967 voit aussi apparaître le premier indice tentant de mesurer les facteurs esthétiques ; il s'agit du « Eastman Esthetic Index » tEEI> conçu par HowiTT, STRICKER et HENDERSON31. Le but de cet indice est de mesurer de façon objective le handicap esthétique associé à la malocclusion. Parmi les paramètres examinés par cette méthode, mentionnons le surplomb et la supra ou infraclusion incisive, l' encombrement, les troubles labio-linguaux, les rotations, l'alignement et les diastèmes ; au total, 11 mesures sont prises, en bouche ou sur moulages d'étude, et pondérées selon leur importance du point de vue esthétique. Les recherches sont très fructueuses en 1967 puisqu'un autre indice, lui aussi très employé, voit le jour ; il s'agit du « Handicapping Malocclusion Assessment Record» (HMAR) de SALZMANN47-50. Cet indice, fondé sur des critères objectifs ne nécessitant pas de mesures millimétriques, sert à évaluer la sévérité des malocclusions handicapantes. Les déviations intra- et inter-arcades (Tableau I) sont enregistrées et un système de pondération attribue une note de 2 points aux troubles touchant les incisives supérieures et de 1 point seulement pour les autres dents. Le HMAR permet de déterminer le rang occupé par chaque sujet examiné selon la sévérité de la malocclusion et selon la priorité au traitement. Cet aspect devient particulièrement utile en santé publique lorsque les fonds ou les ressources disponibles aux traitements sont limités. 462

Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470, 1989


Les indices de malocclusion.

État des connaissances

En 1968, FREER et ADKINS 2° utilisent l'analyse analogique, en tant que méthode de regroupement d'individus semblables, à partir de 40 variables descriptives 45. En 1972, FREER 2° explore davantage cette méthode, qu'il nomme « matched-pair similarity technic », avec pour objectif l'évaluation de la situation occlusale. Pour développer un indice d'occlusion qui soit accepté universellement, SuMMERS57 met au point le « Occlusal Index » (ors en 1971. Cet indice s'apparente au TPI de GRAINGER parce qu'il utilise 9 paramètres (Tableau I) à partir desquels sont construits 7 syndromes ; cependant, il se distingue de celui-ci par l'inclusion de l'âge dentaire dans son évaluation. Parce qu'il utilise l'âge dentaire pour classifier l'occlusion et qu'il prévoit une pondération différente pour chacun des 7 groupes d'âge, le cm permet de corriger les différences selon l'âge chronologique, le sexe et la séquence d'éruption ; aussi le or peut-il être utilisé valablement pendant la période de denture mixte. Avec le HL D de DRAKER, le TPI de GRAINGER et le HMAR de SALZMANN, le OI complète le groupe des indices de malocclusion les plus utilisés et sur l'évaluation desquels, comme nous le verrons ci-après, plusieurs chercheurs se sont penchés ; il était utile, pour ces raisons, de faire un tableau comparatif de leurs différences caractéristiques (Tableau I). En 1973, la Fédération Dentaire Internationale (FDI) publie le COCSTOC-MOT*. Il s'agit d'une méthode objective permettant de mesurer certaines caractéristiques occlusales selon 3 catégories : 1) dentaire, 2) intra-arcade et 3) inter-arcade. Cette méthode permet de comparer des populations aux caractéristiques de prévalence distinctes mais ne donne aucune information sur la combinaison des caractères responsables de la malocclusion. De plus, bien que l'évaluation puisse se faire en bouche ou sur moulages d'étude, elle ne peut s'appliquer qu'en denture permanente. Bien que GRAY et DEMIRJIAN23 considèrent que les indices HLD, TPI, HMAR et OI sont des méthodes prometteuses pour l'évaluation des malocclusions, certains chercheurs 14,35,53,55 critiquent ces indices, pourtant couramment utilisés, en raison de leur incapacité à.mesurer de façon adéquate les composantes esthétique et psychosociale des malocclusions. STRICKER et al.55 sont d'avis que pour créer un indice capable de prédire le degré du handicap psychosocial, il faut définir les handicaps sociaux et psychologiques existants et potentiels, selon le double point de vue du public et du clinicien. La fin des années 70 voit donc plusieurs chercheurs s'intéresser davantage à cet aspect des malocclusions. Entre 1979 et aujourd'hui, quelques études sont réalisées dans le but de développer une mesure valable et fiable, qui permette d'évaluer de façon objective les composantes esthétique et psychosociale des malocclusions, et qui reste indépendante de tout l'aspect fonctionnel 33,34,46, 58 Dans ce sens, il convient de remarquer les travaux conduits par PROSHEK et al.46 et par JENNY et al. 33,34 Dans un premier temps, le groupe de PROSHEK utilise les 54 mesures du COCSTOC-MOT pour établir 18 groupes de paramètres occlusaux avec 5 caractéristiques séparées. Puis JENNY et al. 33 développent un instrument, le « Social Acceptability Scale of Occlusal Conditions » (SASOC), qui classe, de façon indépendante, un ensemble de caractéristiques occlusales en fonction de l'apparence esthétique des dents. Enfin, ceux-ci 34 tentent de développer une équation de régression permettant de relier les mesures du COCSTOC-MOT, organisées en groupes de paramètres occlusaux et notées selon le SASOC. Le but ultime de ces travaux est de développer une échelle qui permette d'estimer les besoins en traitements, tels que définis par les normes publiques * COCSTOC-MOT : Commission on Classification and Statistics of oral Conditions - Measures of Occlusal Traits.

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463


M. OLIVIER, J.-M. BRODEUR, C. BERNARD, A. FOURNIER, H. NACCACHE

d'acceptabilité, à partir d'un nombre limité de mesures physiques objectives. Il semble que l'équation permettant d'unir la mesure des paramètres de l'occlusion à la mesure de l'aspect esthétique ait été établie puisque tout récemment le « Dental Aesthetic Index » (DAI) a été créé '5.

5 — ÉVALUATION DES INDICES DE MALOCCLUSION

Les deux qualités indispensables à tout indice de malocclusion étant la validité et la fiabilité ou reproductibilité, celles-ci forment ensemble le principal intérêt des études d'évaluation disponibles dans la littérature. CARLOS 12 souligne l'importance du respect de l'utilisation pour laquelle un indice a été conçu avant de procéder à l'évaluation de sa performance. Il propose certaines méthodes et tests statistiques à employer afin d'évaluer la validité et la fiabilité des indices en fonction de leur usage spécifique : 1 - si l'indice a été conçu dans le but d'identifier les individus présentant une malocclusion handicapante, c'est-à-dire comme test de dépistage, sa validité sera déterminée par sa sensibilité et sa spécificité. Cela implique que les résultats du test de dépistage (indice) soient confrontés à la réalité établie par un test diagnostic validé ; or, comme il n'existe pas vraiment de test diagnostic validé en orthodontie, plusieurs chercheurs font appel au jugement subjectif de l'orthodontiste pour remplir cette fonction. 2 - Si l'indice doit servir pour des enquêtes épidémiologiques, le résultat est exprimé sous forme de scores bruts et une importance particulière doit être donnée à son élaboration. La reproductibilité intra-examinateur peut être évaluée à l'aide de la corrélation de PEARSON (r) ou par un test-t sur la différence de moyennes alors que la reproductibilité inter-examinateurs peut se mesurer par l'analyse de variance ( ANOVA). Selon GREWE et HAGAN25, l'analyse de variance devrait toujours être utilisée correctement avec le coefficient de corrélation pour évaluer correctement la reproductibilité intra- et inter-examinateurs puisqu'une corrélation parfaite peut être obtenue lorsque, par exemple, un examinateur a tendance à attribuer des scores toujours plus élevés qu'un autre. 3 - Si l'indice est utilisé pour classer les individus sur une échelle de priorité de traitements ou de sévérité des malocclusions, le résultat est exprimé sous la forme d' un classement. Sa validité peut être évaluée en le comparant à celui déterminé par le jugement subjectif de l'orthodontiste dans un diagramme de dispersion en calculant le coefficient de corrélation de PEARSON (r). La reproductibilité intraexaminateur peut être mesurée par le « rank correlation » r, de SPEARMAN ou T de KENDALL et la reproductibilité inter-examinateurs par celui du W de KENDALL.

5 -1 - HLD de DRAKER

DRAKER'6 évalue le HLD, dont il est l'auteur, en examinant 272 sujets. Il observe un

pourcentage de concordance inter-examinateurs (reproductibilité) de plus de 75 % dans 80 % des cas et un pourcentage de concordance entre les résultats obtenus par le HLD et ceux de l'examen clinique subjectif (validité) de 80%. Ces résultats semblent prometteurs mais d'autres études, réalisées afin d'évaluer la performance du HLD, permettent de douter de la validité de l'indice' 1.23.56. 464

Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470, 1989


Les indices de malocclusion.

État des connaissances

Sur un échantillon de 1413 moulages d'étude de sujets âgés de 15 à 18 ans, et AsT" observent que le HLD est erroné dans 20 % des cas et qu'il présente une faible validité. SUMMERS 56 étudie la validité du HLD dans le temps auprès de 35 sujets et conclut que celui-ci est influencé par les modifications de croissance mais qu'il peut, sans être considéré comme un indice de malocclusion, servir à identifier les cas très sévères.

CARLOS

5 - 2 - TPI de GRAINGER

GRAINGER 21, lors de la création de l'indice, étudie sa validité auprès de 95 sujets ; trouve une corrélation r de 0,795 entre les scores du TPI et le jugement

il clinique subjectif. Depuis, plusieurs groupes de chercheurs s'intéressent à la performance du TPI et il semble à propos de regrouper leurs nombreux résultats, sous forme comparative, dans le tableau II. Certaines différences s'observent entre les résultats obtenus dans ces études mais elles peuvent être en partie attribuées à des variations dans les méthodes et les types d'analyse utilisés. Il ressort toutefois que le TPI, exprimé sous forme de scores bruts ou de classements, possède une haute reproductibilité intra- et inter-examinateur ; sa validité est relativement bonne, plus particulièrement lorsque les scores bruts sont confrontés au jugement clinique subjectif. Cependant, l'utilisation du TPI sous cette forme nécessite que l'examinateur ait certaines connaissances en sciences dentaires et soit bien entraîné 12, 23.

5-3 - HMAR de SALZMANN

5-4 - OI de SUMMERS

Le HMAR a été analysé par différents chercheurs. Sa principale qualité reste sa haute reproductibilité intra-examinateur, que l'on attribue principalement au fait que cet indice ne nécessite aucune mesure millimétrique ou angulaire 2, 13,23. En effet, lors de son évaluation, GRAY et DEMIRJIAN23 obtiennent un coefficient de corrélation r=0,92 alors que GREWE et HAGAN25 le situent entre 0,82 et 0,88. La validité du HMAR, telle que mesurée par sa corrélation avec le jugement clinique subjectif, semble bonne. GRAY et DEMIRJIAN23 trouvent un coefficient de corrélation r = 0,72 sur les scores bruts et, GREWE et HAGAN 25 trouvent un coefficient r = 0,53 lors de l'évaluation du classement des sujets sur une échelle de priorité de traitements.

Sur un échantillon de 60 sujets âgés de 5 à 14 ans, SUMMERS57 utilise le coefficient de corrélation de SPEARMAN, afin d'évaluer sa validité et sa reproductibilité intra-examinateur ; il obtient des coefficients de corrélation r s = 0,92 et 0,96 respectivement pour ces deux paramètres. Afin de déterminer si le 01 est valide dans le temps, il examine 47 sujets, âgés de 9 à 16 ans, et observe que les scores moyens de l' indice augmentent avec l'âge ce qui indiquerait qu'il reste valable malgré les changements dus à la croissance. La validité du ot apparaît bonne sur les scores bruts avec un coefficient de corrélation r = 0,80 23, et sur le classement r 5 = 0,7425.

Rev Orthop Demo Faciale 23: 457-470, 1989

465


M. OLIVIER, J.-M. BRODEUR, C. BERNARD, A. FOURNIER, H. NACCACHE

5 - 5 - Comparaison des indices HLD, TPI, HMAR et OI

et HAGAN25 évaluent les indices HMAR, TPI et oI sur un échantillon de 130 sujets âgés de 11 à 15 ans. Ils observent que les 3 indices ont une bonne reproductibilité inter-examinateurs quand seul le coefficient de corrélation est utilisé (r varie entre 0,76 et 0,86), mais que la variabilité devient significative lorsque l' analyse de variance est appliquée aux scores bruts. Les résultats de leur étude ne permettent pas de mettre en évidence la supériorité d'un indice par rapport aux autres, quant à sa fiabilité et sa validité. GRAY et DEMIRJIAN23, dans leur étude réalisée sur un échantillon de 82 sujets âgés de 12 ans, concluent que les indices HLD, TPI, HMAR et o[ présentent tous un très haut niveau de reproductibilité intra-examinateur. Par contre, les indices TPI, OI et HMAR démontrent une meilleure validité que le HLD lorsqu'ils sont corrélés avec le jugement clinique subjectif. Les auteurs présentent également une analyse de la corrélation des indices entre eux et l'on observe que celle-ci est importante entre le TPI et le oi (r = 0,88) ce qui semble logique puisqu'ils dérivent du même concept. Le TPI a cependant l'avantage d'être de manipulation plus facile que le oI. Selon ALBINO et al.', le TPI démontre une meilleure reproductibilité interexaminateurs que le HMAR. Enfin, les études de STRICKER et al. 55 et de KATZ 35 démontrent que les indices HLD, TPI et HMAR permettent d'individualiser les malocclusions sévères mais que les scores intermédiaires demeurent difficiles à interpréter, en termes de détermination du potentiel handicap, du point de vue de la santé publique. GREWE

6 — PREVALENCE DES MALOCCLUSIONS ET

BESOINS

EN

TRAITEMENTS

ORTHODONTIQUES

Les résultats des études de prévalence des malocclusions, réalisées un peu partout dans le monde, sont très variés et difficilement comparables. En effet, en examinant les résultats de plus de 40 études réalisées entre 1888 et 1971 afin de déterminer la prévalence des malocclusions dans différentes populations, JAGO32 ne peut que constater que ceux-ci varient de 1 % à plus de 90 %. Il explique ces variations extrêmes, d'abord et principalement, par l'utilisation de méthodologies différentes et, à un moindre degré, par les différences dans la distribution de certaines variables telles l'ethnie, l'âge, le sexe, la localisation géographique, la situation socio-économique, l'alimentation, les conditions fonctionnelles et le type de croissance, associées aux multiples schémas occlusaux observés dans une population. Parce qu'une plus grande part de subjectivité intervient dans l'évaluation des besoins en traitements orthodontiques, il semble que celle-ci présente de plus grandes difficultés que l'étude de la prévalence des malocclusions 17 ; aussi, les études réalisées afin d'évaluer les besoins en traitements en Europe de l'Ouest et aux EtatsUnis, démontrent-elles des résultats variant entre 15 % et 70 % dans ces différentes populations 27. Cependant, depuis les quinze dernières années, et à la suite de la création des indices de malocclusion, les études épidémiologiques réalisées dans le but de déterminer la prévalence des malocclusions et les besoins en traitements semblent donner des résultats plus constants. 466

Rev Orthop Demo Faciale 23: 457-470, 1989


Les indices de malocclusion. État des connaissances SOURCE ET RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE

CARLOS 12 —

1970

VALIDITÉ (par rapport au jugement clinique)

FIABILITÉ (reproductibilité intraet inter-examinateurs)

Bonne

Reprod. intra- sur scores bruts : r = 0,83 à 0,91 (dentiste) r = 0,78 (non dentiste) reprod. intra- et inter- par catégorie très forte

HERMANSON et GREWE 29 — 1970 n = 14 (14 ans)

Meilleure validité sur scores bruts que sur classements catégoriels

Reprod. inter- sur scores bruts et par catégorie : bonne

POPOVICH

La validité pourrait être améliorée s'il tenait compte de l'âge dentaire

Reprod. inter- et intra- sur scores : bonnes

rs = 0,55 sur classements catégoriels

Reprod. intra- par catégorie : r = 0,71 à 0,91

Sur scores bruts : r = 0,65 à 0,71

Reprod. intra- par catégorie (n = 35): r s = 0,89 à 0,93

Sur scores bruts : r = 0,78

Reprod. intra- par catégorie : rs = 0,91

n = 100

et

THOMPSON 45 —

1971

GREWE

et HAGAN 25 — 1972 n = 130 (11 à 15 ans) ScIVIER, MENEZES

et PARKER 51 — 1974 n = 235 (11-12 ans) GRAY

et DEMIRJIAN 23 — 1977 n = 82 (12 ans) ALBINO, LEwIS et SLAKTER 1 —

Reprod. inter- par corrélation intra-classe : 0,60 à 0,82

1978

n, = 10 nz = 10 SLAKTER

et al. 53 — 1980 n = 154 (13-14 ans)

Validité d'élaboration par rapport à diverses mesures sociales et psychologiques r = 0,21 à 0,54

LEwIS, ALBINO

Corrélation entre TPI et 6 critères subjectifs : r = 0,55 à 0,70

Reprod. inter- sur scores bruts r = 0,72 à 0,88

Sur scores bruts : r = 0,58 à 0,68

Reprod. intra- sur scores : r = 0,83, par catégorie : pas de différence entre le l er et le 2 e examen selon le test de WILCOxON

et al. 38 — 1982

n = 56 TURNER 59

— 1983 n = 362 (10 ans)

et al. 9 — 1987 n = 62 (13 ans) BROWN

Reprod. intra- sur scores bruts r = 0,94 Tableau

II

Évaluation de la validité et de la fiabilité du TPI de GRAINGER.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470, 1989

467


M. OLIVIER, J.-M. BRODEUR, C. BERNARD, A. FOURNIER, H. NACCACHE

En Amérique du Nord, les chercheurs tendent à préférer l'utilisation du TPI de tout autre indice. Au Canada, où des données sont disponibles pour l' ensemble du Québec 43 , de l'Ontario et de l'Alberta s4 et pour la ColombieBritannique 24, on évalue à environ 8 % la proportion d'enfants souffrant de malocclusions sévères et à environ 40 % celle des enfants ayant besoin de traitement. Une étude réalisée chez les enfants de 12 ans de la ville de Winnipeg4 porte cependant à 23 % la proportion de ceux-ci présentant une malocclusion sévère. Aux États-Unis, également à l'aide du TPI, KELLY et al. 36.37 examinent dans un premier temps les enfants de 6 à 11 ans et trouvent que 14,2 % d'entre eux présentent une malocclusion sévère ou très sévère et qu'au total, 36,2 % des enfants de ce groupe d'âge ont des besoins en traitements. Dans un deuxième temps, ils examinent les enfants de 12 à 17 ans et ils évaluent à 29 % la proportion de ceux-ci présentant une malocclusion sévère ou très sévère et à 54,2 % celle de ceux ayant des besoins en traitements. Le TPI est peu utilisé à l'extérieur du continent nord-américain ; cependant, quelques études réalisées sur des populations d'enfants européens et utilisant différentes caractéristiques occlusales, en guise de déterminants de la malocclusion et des besoins en traitements, offrent des résultats intéressants. En Suède26, on évalue à 23,5 % et 42,6 % respectivement, les proportions d'enfants de 7 ans et de 10 ans ayant besoin d'un traitement immédiat. Au Danemark27, environ 33% des enfants âgés de 13 à 17 ans ont besoin d'un traitement orthodontique. Enfin, en GrandeBretagne, on évalue à 37,9 % la proportion des enfants de 11-12 ans ayant besoin de traitement avec mouvement actif des dents 17 et à 38,6 % la proportion des enfants de 9 ans qui bénéficieraient de mesures préventives ou interceptives 30, alors qu'environ 5 % de ceux-ci présentent une malocclusion sévère". GRAINGER à

7 — CONCLUSION

Il semble donc que, dans toute population, il y ait un grand nombre d'individus atteints de malocclusions nécessitant un traitement orthodontique. Plusieurs indices intéressants ont été créés, mais aucun d'entre eux n'a pu être utilisé de façon universelle, que ce soit à des fins épidémiologiques ou de dépistage à grande échelle. Pour être utile au dépistage, non seulement l'indice doit être fiable, mais aussi d' utilisation simple, même par un examinateur non spécialisé. Il doit surtout permettre de distinguer la malocclusion bénigne, ne nécessitant pas de traitement, de la malocclusion plus sévère pour laquelle le cas doit être dirigé chez l'orthodontiste. L'élaboration d'un tel instrument, servant non seulement à mesurer l'ampleur d' un problème, mais aussi à prendre une décision quant à la nécessité d'un traitement, n'est certes pas facile mais devient impérative pour le mieux-être d'individus chez qui les malocclusions non traitées peuvent avoir des répercussions fonctionnelles, esthétiques et socio-affectives graves.

468

Rev Orthop Dento Faciale 23: 457-470, 1989


L'adolescence est-elle le meilleur moment pour entreprendre un traitement d'orthodontie ? Le point de vue du psychiatre

Jane VELIN

RÉSUMÉ L'auteur étudie d' abord les particularités de la période de l'adolescence et analyse les phénomènes intra-psychiques contemporains de cette phase, puis les particularités du traitement orthodontique lors de l'adolescence. La première partie met en évidence le fait que d'une part l'adolescence implique une nécessaire modification des relations avec les parents, dont le risque est l'apparition d'un écart narcissico-pulsionnel et la rupture du sentiment de continuité et que d'autre part le monde psychique interne de l'adolescent est le lieu de conflits. La deuxième partie fait état d'une modification de l'attitude thérapeutique, moins portée à déconseiller les interventions, du fait du développement de la chirurgie esthétique.

MOTS CLÉS Adolescence — Moment de traitement orthodontique — Psychiatrie.

Pr J. VELIN — Psychiatre - C.H.U. Bichat - 170, boulevard Ney, 75018 Paris.

Au prime abord, on peut penser que l'adolescence est un moment favorable pour intervenir car c'est le temps où l'adolescent construit son identité d'adulte, ce qui le conduit à porter un intérêt particulier à son corps et à se détacher de ses parents. Il peut parler en son nom propre et reconnaître pour siens ses désirs. Sa motivation face au traitement semblerait plus facile à apprécier que chez l'enfant. On doit en réalité tenir compte des bouleversements qu'occasionne le processus d'adolescence qui met en jeu les assises de la personnalité ainsi que le sentiment de continuité et qui requiert une forte mobilisation de l'énergie psychique du sujet pour répondre aux exigences du monde externe (groupe familial, groupe des pairs et groupe social) et de son monde interne (monde fantasmatique, identifications, systèmes d'idéaux).

Rev Orthop Dento Faciale 23: 471-475, 1989

471


J. VELIN

— —

Nous envisagerons la discussion en étudiant successivement : lesparticularitésdecetempsdela' dolescenceavecla' nalysedesphénomènesintra-psychiques contemporains de cette phase ; lesparticularitésdutraitementorthodontiqueàla'dolescence.

L'ADOLESCENCE IMPLIQUE UNE NÉCESSAIRE MODIFICATION DES RELATIONS AVEC LES PARENTS

Cette nécessité est un effet direct de l'accès à la maturité physique et sexuelle et donc de la menace incestueuse. La fonction « pare-excitation » que jouent les parents pour leur enfant, c'est-à-dire le rôle de limitation des excitations internes et externes et de régulation des tensions, est remise en question par la puberté du fait du mouvement conjugué de resexualisation des liens qui réactive le conflit oedipien et de « désidéalisation » dont les parents sont l'objet. L' adolescent est confronté à un travail

de deuil, lié à la perte des « objets infantiles » que l'on peut situer à un double niveau : — perte de l'objet primitif maternel, faisant de l'adolescence la seconde phase du processus de « séparation-individuation » ; — perte des images parentales idéalisées (par une meilleure perception de la réalité, l'adolescent remet en cause la toute-puissance projetée durant l' enfance sur ses parents).

LE RISQUE INHÉRENT A LA MODIFICATION DES LIENS DE L'ADOLESCENT AVEC SES PARENTS EST L'APPARITION D'UN ÉCART NARCISSICO-PULSIONNEL ET LA RUPTURE DU SENTIMENT DE CONTINUITÉ

Ph. JEAMMET définit cet écart narcissico-pulsionnel comme étant le chemin que l'adolescent doit parcourir pour reprendre à son compte les fonctions de régulation de l'estime de soi et d'étayage narcissique qui sont largement le fait des parents jusqu'à l'adolescence. L'adolescent va devoir trouver de nouveaux moyens pour réguler son estime de luimême ainsi que des moyens de décharge des tensions. Ce mouvement passe 472

nécessairement par un repli de ces investissements sur le corps propre. Ce n'est qu'après un travail psychique souvent long et occulte que l'adolescent intègrera son corps sexué ; ce corps sera souvent source d'interrogations anxieuses dans le miroir ou le regard des autres, de moments de flottement et d'étrangeté, laissant l'adolescent désemparé, rempli de rage et de haine, affects qu'il retournera parfois contre son corps. Rev Orthop Dento Faciale 23: 471-475, 1989


L'adolescence est-elle le meilleur moment pour entreprendre un traitement d'orthodontie? Le point de vue du psychiatre

LE MONDE PSYCHIQUE INTERNE DE L'ADOLESCENT EST LE LIEU DE CONFLITS

Ces conflits sont liés à la réactivation du conflit oedipien et au repli sur les liens plus archaïques qui menacent l'image plus mature que l'adolescent souhaite avoir de lui. Ce mouvement conduit souvent à l'adoption d'attitudes défensives d'évitement, voire de déni, en même temps qu'il met l' adolescent dans une situation de quête identificatoire, et le confronte au paradoxe de toute identification : pour devenir indépendant de

l'objet d'investissement, il est nécessaire d'intérioriser et de faire sienne une part au moins de ses qualités et de celles de la relation nouée avec lui. Seul le temps permet à ce travail mental d' assimilation et de métabolisation de s' effectuer mais en attendant ce nécessaire travail du temps, la situation paradoxale est inductrice d'un effet sidérant sur la pensée que l'adolescent va combler par une tendance à l'agi ( passages à l'acte).

LA CONFRONTATION A LA PASSIVITÉ

Elle est également ressentie comme une menace pour le sujet et elle exerce aussi des effets de sidération sur les processus de pensée. Les sources de cette passivité sont doubles : passivité du moi face aux transformations pubertaires qui s'imposent à lui, et passivité liée à la situation d'attente de l'adolescent à l'égard des adultes, de ses futurs objets d'investissement, tant affectifs que professionnels. Sans développer davantage ces

conflits qui marquent l'adolescence, nous voyons que le processus de l'adolescence est une phase structurante qui conduit au choix d'une identité sexuée stable mais qui nécessite parallèlement un travail psychique intérieur. Chaque sujet va y répondre en fonction de son histoire personnelle, de son environnement, des capacités de son organisation psychique élaborée à partir de ses identifications primaires et de la conjoncture, c'est-à-dire des possibilités d'investissements substitutifs.

QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS DU TRAITEMENT ORTHODONTIQUE A L' ADOLESCENCE?

D'un point de vue technique, de nombreux traitements ne peuvent être entrepris avant l'évolution de toutes les dents, donc à partir de l'adolescence. Ces traitements comportent des contraintes évidentes: Rev Orthop Dento Faciale 23: 471-475, 1989

D'une part, le recours aux appareils fixes est de loin le plus fréquent ; ceux-ci

sont encombrants, visibles et nécessitent des précautions alimentaires et une hygiène bucco-dentaire stricte, ce qui est loin d'être facilement respecté par l'adolescent. 473


J. VELIN

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D'autre part, ces traitements sont longs, durant 18 à 24 mois, et ce temps peut être difficilement tolérable pour des adolescents qui déchargent leurs tensions internes dans un comportement impulsif et dans des passages à l'acte suscitant des ruptures dans le suivi. Il n'est pas aisé pour l'orthodontiste de déceler les patients susceptibles de présenter des problèmes de coopération ; il ne peut cependant s' attendre à une stabilité de comportement et d'attitude de la part de l'adolescent pendant toute la durée du traitement ; les réactions ne seront pas les mêmes à 13 ou 17 ans pour un même individu. Par ailleurs, l'intensité des manifestations cliniques contemporaines de la phase d'adolescence est éminemment variable d'un sujet à l'autre. Quelle que soit leur expression clinique : troubles psychiques ou des conduites, focalisation sur le corps, rien ne permettra séméiologiquement d'établir un pronostic précis hormis les cas relativement peu fréquents des psychoses schizophréniques. En pratique, le praticien devra s'assurer de l'accord initial et personnel du patient, indépendamment du désir de ses parents et il devra s'efforcer d'établir une relation qui prend en compte les particularités du fonctionnement mental de l'adolescent. Il devra préciser les exigences du traitement, ce qu'il attend de son patient, mais aussi tolérer l'expression d'une conflictualité contrôlée, qui peut se manifester secondairement en raison des délais du traitement. En effet, le conflit est facteur de médiation entre les protagonistes ; il autorise les échanges et permet à l'adolescent de prendre un rôle actif. Il permet également la satisfaction des besoins de dépendance sous-jacents, tout en confortant au travers des oppositions le sentiment d'autonomie et d'identité personnelle de l'adolescent. La manifestation d'une autorité permet l'établissement de limites, condition d' une différenciation dont l'adolescent a besoin pour assurer son identité interne. A contrario, une attitude laxiste

peut confronter brutalement l' adolescent à ses contradictions, à ses conflits internes, notamment à son besoin de s'affirmer, à sa dépendance et à l'ampleur intolérable pour son amour propre de son attente à l'égard des adultes. Si bon nombre d'adolescents ne poseront pas de problèmes au cours de leur traitement, on peut cependant individualiser deux catégories de sujets chez lesquels le traitement risque d'être difficile. — D'une part, les sujets souvent décrits comme des caractériels : ce sont des personnalités très immatures, incapables de supporter les contraintes ainsi que la frustration, et incapables de différer leur désir. Ils veulent tout, tout de suite, et cela depuis l'enfance. Ce comportement impulsif, peu contrôlé, est noté tant dans le milieu familial qu'à l' extérieur. — D'autre part, les sujets qui apparaissent porteurs de faille narcissique depuis l'enfance : ceci s'exprime par une anxiété avec attitude de retrait face au groupe, un manque de confiance en soi, une peur de l'échec, une tendance à abandonner devant l'effort, un besoin d' étayage constant par l'adulte, une angoisse de séparation importante. Ces sujets risquent de se réfugier dans une attitude d'évitement et de passivité difficile à mobiliser ou de décompenser sur un mode dépressif. Un soutien psychologique parallèlement au traitement orthodontique peut s'avérer nécessaire. Enfin, les traitements apparaissent sinon contre-indiqués, du moins devant être différés : — chez les sujets présentant un épisodemajeur avec perte de l'élan vital, tristesse et troubles du sommeil ; — chez les sujets ayant des troubles de la personnalité de nature psychotique avec perte du sens de la réalité. Ces sujets relèvent d'abord d'un traitement psychiatrique et ce n'est que secondairement, avec l'avis du psychiatre, que l'orthodontie pourra être envisagée. Rev Orthop Dento Faciale 23: 471-475, 1989


L'adolescence est-elle le meilleur moment pour entreprendre un traitement d'orthodontie? Le point de vue du psychiatre

Reste le problème particulier de la dysmorphophobie: contrairement à son

appellation, il ne s'agit pas d'une phobie au sens strict mais d'une idée fixe, d'une certitude douloureuse d'être difforme et de le paraître aux yeux d'autrui. Cette préoccupation est souvent focalisée sur une partie du corps, notamment le visage, zone particulièrement engagée dans les échanges sociaux, et elle s'accompagne en règle d'une tonalité dépressive de l'humeur. La certitude de sa disgrâce physique sert au dysmorphophobique de justification à un isolement progressif. Par contre, il se livre à une quête sans fin de traitement rectifiant le défaut morphologique, cherchant le praticien qui prendra son angoisse en considération. Traditionnellement, les psychiatres, voyant surtout les échecs suivis de-

décompensation psychologique, avaient trop tendance à déconseiller les interventions. Actuellement, l'attitude thérapeutique s'est modifiée avec le développement de la chirurgie esthétique : les statistiques font état de résultats satisfaisants et de soulagement psychologique important chez nombre de sujets lorsqu'il y a adéquation entre la plainte du patient et l'examen objectif du sujet. En pratique, la contre-indication absolue reste la schizophrénie en phase évolutive. En dehors de ce cas, la dysmorphophobie apparaît comme une préoccupation somme toute banale lors de la mutation pubertaire et elle ne contreindique pas le traitement. Une aide psychologique parallèle, si elle est acceptée, aura pour objectif de permettre la prise de conscience des conflits masqués par le symptôme dysmorphophobique.

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

Guy CATHELINEAU, Jean-François MICHEL

RÉSUMÉ Le bruxisme se définit généralement comme l'activité non fonctionnelle, occasionnelle ou habituelle des muscles élévateurs. Cette action, diurne ou nocturne, a pour conséquence le grincement, la crispation, ou le claquement des dents. L'incidence du bruxisme chez l'enfant semble difficile à préciser du fait de l' absence d'harmonisation dans les moyens d'investigation utilisés. Cette incidence varie de 5 à 81 % selon les auteurs. Cette variabilité est comparable aux 15 à 88 % rencontrés chez l'adulte. Les signes et les symptômes du bruxisme dépendent de sa fréquence, de son intensité et de l'âge du patient. Chez l'enfant, ce sont les mêmes que ceux rencontrés chez l'adulte. L'étiologie des dysfonctions mandibulaires et du bruxisme est de plus en plus reconnue comme multifactorielle avec des facteurs périphériques et centraux. A l'heure actuelle, de nombreuses modalités thérapeutiques sont proposées pour le bruxisme; beaucoup sont encore au stade de la recherche. Parfois, en clinique, nous constatons que le bruxisme ne peut être interrompu. La deuxième étape du traitement consiste à choisir une ou plusieurs modalités thérapeutiques adaptées au cas clinique et à déterminer à partir de quel âge et jusqu'à quel âge ces thérapeutiques peuvent être utilisées. Les changements provoqués par le passage de la denture temporaire à la denture permanente peuvent constituer un facteur de stress. Dans beaucoup de cas, les modalités de traitement devront être prudentes, et l' expectative sous surveillance sera souvent de mise. Parfois, il peut être utile de conseiller les parents afin qu'ils constituent une aide aux problèmes émotionnels allant vers le développement d'une maturité harmonieuse de leur enfant.

G. CATHELINEAU J.-F. MICHEL — UFR d'Odontologie, 2, place Pasteur, 35000 Rennes.

MOTS CLÉS

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Bruxisme — Thérapeutique — Troubles comportementaux. 477


G. CATHELINEAU, J.-F. MICHEL

1 — DÉFINITION — FRÉQUENCE D'APPARITION

Le bruxisme se définit généralement comme l'activité non fonctionnelle, occasionnelle ou habituelle des muscles élévateurs de la mandibule. Cette action, diurne ou nocturne, a pour conséquence le grincement, la crispation, ou le claquement des dents. Cette définition, qui se réfère à des contacts, indépendamment de l'utilisation fonctionnelle des dents, classe le bruxisme dans les activités parafonctionnelles ( RATEITSCHAK 34, 1966). Pour GLICKMAN 15 (1974), ce terme « parafonctionnel » est sujet à controverse. LEOF22, dès 1944, propose la classification suivante : — crispations diurnes ou nocturnes : pression des dents mandibulaires contre les dents maxillaires ; — grincements diurnes ou nocturnes : mouvements plus ou moins étendus, partant ou non d'une position rétrusive, à composante antérieure, latérale ou complexe ; — claquements diurnes ou nocturnes : contacts répétés, parfois rythmiques, des dents d'une arcade sur l'autre. NADLER 27 (1960) résume ces définitions en précisant que le bruxisme ne correspond pas à une activité unique, mais à une combinaison de mouvements. L'incidence du bruxisme chez l'enfant varie de 5 à 81 % selon une étude comparative de AHMAD 3, ce qui est comparable aux 15 à 88 % rencontrés chez l' adulte (SCHARER36, 1974). Le bruxisme ne semble pas rare chez l'enfant ; ainsi ABE et SHIKAWA1 (1966) mentionnent que sur 336 enfants étudiés 11,7 % d'entre eux présentent un bruxisme nocturne. L'étude de NADLER27, réalisée dans un jardin d'enfants en Allemagne, montre que 78 % des enfants âgés de 2 à 5 ans grincent des dents. Cependant, dans cette étude, l'incidence du bruxisme a été déterminée par les signes du bruxisme et non un simple questionnaire : le pourcentage est donc plus important que dans l'étude de LINDQVIST23 (1973), qui note que 47 % des enfants ont des facettes d'abrasions atypiques, comparés aux 15 % rencontrés chez les parents. KUCH 2° (1979) mentionne que 15,4 % des enfants présentent des facettes d' abrasion mais ne donne aucune indication quant aux parents. Dans une population de 749 enfants, NILNER29 (1981) a trouvé que 77 % des enfants de 7 à 14 ans et 74 % des enfants de 15 à 18 ans présentent des parafonctions buccales à type de grincements de dents, crispations, morsures des lèvres et des joues, onychophagie ou succion du pouce. BUNGAARD-JORGENSEN, cité par AHMAD3 (1986), a constaté que le bruxisme était présent à un moment ou un autre chez tous les enfants. Le tableau I rassemble les incidences moyennes rencontrées par différents auteurs au cours d'études cliniques. En conclusion, nous constatons que l'incidence du bruxisme chez l'enfant semble difficile à préciser du fait de l'absence d'harmonisation des moyens d'investigation utilisés.

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

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EgermarkNllner:7Lindquist: Nilner:l5Erikssons7I4yrs.old 10-13yrs.old I8yrs.old 1 I - 1 5yrs.old

Tableau I Incidences moyennes rencontrées par différents auteurs au cours d'études cliniques (d'après AHMAD 3, 1986).

2 — INSTALLATION DU BRUXISME

— — — —

Chez l'enfant, le bruxisme présente souvent des formes passagères. Il se situe dans un contexte local et général très particulier, et est caractérisé par les phénomènes suivants (GENoN 14, 1972) : ilpeutdurertoutelaviedeli'ndividu,commençantsouventdansle' nfance; ilsemanifestelorsdepériodesdecrise,liéesàdesétatsdetensionpsychologique particulière les motivant ; leplussouvent,s'observentungrincementlanuitetunecrispationdesmâchoires le jour; le' nfantgrincetoutefoisfréquemmentdesdentslejour.Lesinstituteursentendent le bruit caractéristique qui accompagne ce phénomène. Le bruxisme s'accomplit à un niveau inconscient. Différentes études relient le bruxisme aux phases de sommeil. TAKAHAMA, cité par SCHARER36, a le premier montré par l'électro-encéphalographie que le bruxisme survient habituellement pendant le sommeil superficiel avec des changements d'ondes témoins d'une augmentation de l'activité du cortex. Pour lui, le bruxisme est relié au système nerveux autonome par la respiration irrégulière et l'accélération du rythme du pouls. D'autres études ont également suggéré que le bruxisme est en relation avec des mouvements rapides des yeux ; certains auteurs cependant indiquent qu'il n'existe pas de relation. Dans l'étude de LooMis et KUGLER, citée par AHMAD3, l'activité maximale des muscles masticateurs est observée pendant les phases de sommeil superficiel. Les mouvements du corps aussi bien que des mâchoires décroissent avec l'entrée dans le sommeil profond. Ces mouvements se produisent toujours en relation avec des mouvements mandibulaires ; mais ceux-ci peuvent aussi apparaître indépendamment. Les observations indiquent que les activités parafonctionnelles durant le sommeil concernent principalement les muscles élévateurs de la mandibule et sont partiellement en relation avec la déglutition. CLARKE et ToWNSEND 6 (1984) suggèrent que le bruxisme est associé à la phase de mouvements rapides des yeux et se produit en moyenne 90 minutes durant la nuit. Le rêve

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coïncide souvent avec la réapparition pendant le sommeil d'événements désagréables ou de frayeurs ; il s'accompagne de mouvements rapides des yeux augmentant en proportion vers le matin. Le bruxisme apparaîtrait au cours de ces phases. Celles-ci étant provoquées par des influx venant du système nerveux central, au cours de cette phase de sommeil, certains auteurs avancent le concept d'une étiologie d'origine centrale du bruxisme. Pendant le sommeil, les contacts dentaires varient notablement en durée et en intensité d'un sujet à l'autre. BREWER, cité par SHARER 36 , note des contacts de 28 secondes à 21 minutes en une heure de sommeil. Dans le bruxisme, ces chiffres pourraient être encore supérieurs. Cette activité développe sur les dents des forces considérables : 10 à 20 kg dans 50 % des cas, plus de 20 kg dans 20 % des cas. REDING et al. (1968), cités par GENON 14 (1972), dans une étude sur 40 bruxomanes et 18 sujets témoins, analysent l'électromyographie (EMG), l'électroencéphalographie (EEG), l'électrocardiographie (ECG), l'électro-oculographie (EOG), et l'enregistrement des bruits du grincement ; ils concluent qu'il existe : unecorrélationsignificativeentrelescontractionsdubruxismeetlesbruitsdu grincement ; uneapparitiondubruxismeaustadeIIdusommeil,etauxtransitionsdesstades III et IV ; uneélévationdurythmecardiaque,synchronedugrincement. Ces études tendent à confirmer l'hypothèse selon laquelle bruxisme, somnanbulisme, énurésie, cauchemars, sont symptomatiques des états de réveil partiel, associés ou non à des désordres émotionnels. L'observation et le diagnostic du bruxisme sont difficiles, sauf s'il existe une abrasion évidente des dents temporaires ou permanentes ; MOORE (1963), cité par GENON 14, note, dans une étude portant sur 606 cas, que 90 % des sujets atteints ignorent leur bruxisme.

3 — ASPECTS CLINIQUES ET CONSÉQUENCES DU BRUXISME

— — —

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Les signes et les symptômes du bruxisme dépendent : ;m seixurbudecneuqérfal ed ; é t i sne t n i nos ed del'âgedupatient,quipeutêtreassociéàladuréedecettehabitudeparafonctionnelle. Les forces déployées pendant le bruxisme sont transmises aux structures de l' appareil masticateur et selon la résistance de chacune, une partie de ces forces est absorbée et le reste se transmet à la structure suivante. Les symptômes et les signes cliniques du bruxisme chez l'enfant sont les mêmes que ceux rencontrés chez l'adulte. Cependant, la plupart des symptômes subjectifs sont occasionnels et moins intenses, ce qui peut expliquer pourquoi certains auteurs avancent que les enfants sont relativement exempts de dysfonctions mandibulaires. Cependant, nous savons que les signes cliniques sont rencontrés avec la même fréquence chez l'enfant et chez l'adulte lors d'examens cliniques systématiques. Les signes et les symptômes décrits peuvent être rencontrés individuellement, ou combinés. Ils peuvent être présents à différents moments. Ces signes cliniques sont essentiellement la mobilité dentaire, les grincements ou claquements et les trauma-

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

tismes des tissus durs et des tissus mous. A l'interrogatoire, de nombreux patients déclarent en outre souffrir de céphalées. Ces signes et symptômes sont classiquement décrits quoique certains auteurs ( GRAF 16, 1971 ; GLICKMAN 15, 1974) aillent jusqu'à dire que le bruxisme, en présence d' irritations locales, contribue à la formation de poches parodontales. L'examen de nombreux patients semble prouver le contraire : le bruxisme s'accompagnant souvent d'une ankylose des racines rendant une extraction, si elle s'impose, très délicate. Nous présentons pour illustrer notre propos les cas cliniques de trois enfants, représentatifs des pathologies couramment observables en pratique clinique.

— Cas n° 1: MAXIME L., 5 ans (fig. 1) —

Anamnèse Cet enfant présente un développement intellectuel très satisfaisant. Il vit en milieu urbain avec sa mère. Son père travaille dans une autre ville et ne revient au foyer que les fins de semaine. —

Figure 1

Cas clinique n° 1: Bruxisme évolutif depuis deux ans. Maxime L., 5 ans.

Examenclinique Denture temporaire : pas de trouble occlusal notable mais une abrasion généralisée de toutes les faces occlusales en relation avec un bruxisme excentré nocturne important. Ce bruxisme a été dépisté par la mère qui s'inquiète plus du grincement émis régulièrement la nuit que de l'abrasion. Ce bruxisme évolue depuis environ deux ans.

— Cas n° 2 : ARMEL G., 6 ans 1/2 (fig. 2) —

Anamnèse Ce jeune garçon est amené à la consultation du service, adressé par un médecin qui, lors d'une banale consultation pour une angine, a repéré l' importance des abrasions. La mère n'a rien remarqué. Armel est l'avant dernier d'une fratrie de cinq enfants. Il se plaint de céphalées fréquentes. —

Examenclinique Denture mixte. Abrasion généralisée de toutes les faces occlusales. Il s'agit donc d'un bruxisme excentré ancien.

Figure 2 Cas clinique n° 2: Abrasion généralisée des faces occlusales. Armel G., 6 ans 1/2. Rev Orthop Dento Faciale 23: 477-491, 1989

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— Cas

n° 3 : CHRISTOPHE, 13 ans (fig. 3)

Anamnèse Ce garçon nous est adressé par ses parents. La nuit, cet enfant émet des grincements audibles dans toute la pièce où il dort. La scolarité se déroule normalement mais Christophe présente une surcharge pondérale anormale pour son âge en relation avec un trouble endocrinien actuellement en traitement. L'enfant est complexé et rejeté par ses camarades de façon évidente, environ depuis l'époque où est apparu le bruxisme. —

Examen clinique L'examen des modèles ne montre aucune abrasion. Pas de trouble occlusal notable. Ce bruxisme est relativement récent ( environ 10 mois).

Figure 3

Cas clinique n° 3 : Moulage de l'arcade supérieure. Bruxisme récent (dix mois) s'accompagnant de grincements nocturnes. On ne note aucune surface d'abrasion. Christophe M., 13 ans.

La recherche de symptômes et l'examen clinique permettent de relever un ou plusieurs signes qui sont la conséquence : — soit du traumatisme occlusal ; — soit de l'effet du bruxisme sur la structure dentaire. 3 -1 - Traumatisme occlusal

3 - 2 - Effet du bruxisme sur la structure dentaire

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Le bruxisme peut provoquer une mobilité dentaire. Les valeurs de cette mobilité sont plus importantes le matin, ce qui peut se concevoir du fait d'une activité de bruxisme plus importante durant le sommeil.

Les surfaces d'abrasion occlusales non fonctionnelles peuvent constituer des signes de bruxisme. Celui-ci peut conduire d'autre part à une augmentation de la sensibilité dentaire, par abrasion excessive d'émail, signe indicateur très probable de parafonction chez les enfants. Il peut s'agir de douleurs dentaires à la pression le matin (NADLER27), ou en relation avec l'abrasion. GENON 14, étudiant 319 enfants des deux sexes, âgés de 4 à 8 ans, observe une proportion de 35 % d'enfants atteints. Les manifestations en sont surtout dentaires. Cet auteur précise que les dents les plus atteintes par l'abrasion sont : — les canines supérieures temporaires ; — les incisives temporaires avec des facettes amélo-dentinaires ; — les cuspides mésio-vestibulaires des premières molaires temporaires. Dans une étude sur des enfants âgés de 7 à 15 ans, EGERMARK-ERIKSSON'° ( 1981) constate que l'abrasion de la denture permanente résultant du bruxisme chez l' adulte augmente de façon significative avec l'âge. Cette observation concerne Rev Orthop Demo Faciale 23: 477-491, 1989

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

toutes les zones, excepté la zone molaire, en comparaison avec une population d' enfants âgés de 11 à 15 ans. L'abrasion dentaire est naturellement moins importante chez les sujets plus jeunes en denture permanente mais les trois quarts des adolescents de 11 à 15 ans présentent des signes évidents d'abrasion sur une ou plusieurs incisives. Dans le groupe des plus âgés, 14 % des enfants montrent de la dentine visible sur au moins une incisive et/ ou des dents cuspidées. Ceci est remarquable si l'on a présent à l'esprit le fait que ces dents cuspidées n'ont pas été longtemps fonctionnelles en occlusion. LINDQVIST23, INGERSLEV 19 (1983) constatent que 90 % des enfants qui grincent des dents ont des facettes d'usure atypiques ; à cette occasion, des sensibilités pulpaires ont également été observées. Selon ces mêmes études, dans la tranche d'âge de 6 à 12 ans, l'abrasion est le plus fréquemment rencontrée aux bords libres des incisives supérieures et inférieures. Un degré d'usure modéré est considéré comme physiologique au niveau de la denture temporaire. En denture temporaire, l' émail est fin et des facettes d'abrasion occasionnelles peuvent s'étendre, même en relation avec une fonction physiologique. Chez quelques enfants, la presque totalité de l'émail et de la dentine est éliminée par le bruxisme. Heureusement, de telles usures stimulent les odontoblastes afin de produire une dentine réactionnelle qui protège la pulpe. GRAF 16 souligne que la présence de facettes n'est pas la preuve d'une habitude parafonctionnelle présente au moment de l'observation, sauf si des « bruxo-facettes » sont observées sur des cuspides de dents en cours d'éruption. Le bruxisme peut se produire également de façon périodique. Il est possible par exemple que les facettes soient causées par un grincement au moment où la dent atteint son plan d'occlusion et que secondairement, le bruxisme ait cessé (LINDQVIST24, 1973). Au cours du bruxisme, des fractures de la couronne ou de restaurations, parfois même des lésions radiculaires, peuvent survenir.

3 - 3 - Musculature

Le bruxisme peut exercer un effet nocif sur la musculature ; il en résulte des douleurs. Ces douleurs seraient comparables aux myalgies professionnelles posturales (dos, cou) des personnes travaillant en permanence sous tension ou dans des positions anormales (RAMFJORD 32, 1963). Des hypertrophies des muscles masticateurs, masséters en particulier, peuvent s'observer — très rarement — chez l'enfant (RAMFJORD 32, DRUM9, 1969). La sensibilité des muscles manducateurs, en particulier à la palpation, est un des symptômes les plus fréquents du bruxisme. Une sensation de fatigue musculaire au réveil peut aussi être notée à l'interrogatoire. Dans les formes de bruxisme en crispation, la contraction isométrique des muscles élévateurs peut engendrer des forces importantes provoquant des douleurs faciales chez les enfants (CHRISTENSEN5, 1980). Durant ces crispations, les douleurs les plus fréquentes se rencontrent au niveau du masséter, mais les régions temporales et supra-orbitaires peuvent également être touchées. EGERMARK-ERIKSSON 10 a noté une sensibilité musculaire chez 33 % des enfants âgés de 7, 11 et 15 ans. La sensibilité musculaire augmente également avec l'âge. Dans les groupes de 5 à 15 ans, il n'existe pas de corrélation significative entre le bruxisme et les symptômes subjectifs. EGERMARK-ERIKSSON 11 (1982) a constaté une corrélation positive entre les symptômes subjectifs et la sensibilité musculaire. KUCH 2° indique, dans une autre étude, des sensibilités des ptérygoïdiens latéraux et des masséters chez 27 % d' enfants âgés de 12 ans.

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3 - 4 - Effets sur les bases osseuses

Il s'agit d'exostoses maxillaires et mandibulaires, très rares.

3 - 5 - Articulation temporo-mandibulaire

Des perturbations au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire et des douleurs articulaires sont souvent la conséquence du bruxisme. Ces douleurs s'accompagnent fréquemment de bourdonnement d'oreilles, de sensation d'obstruction d' une ou deux oreilles. Nous observons donc les signes algiques des dysfonctions musculaires et articulaires. EGERMARK-ERIKSSON 10 a trouvé des bruits articulaires de tous types, plus fréquents chez les filles que chez les garçons et plus particulièrement dans la tranche d' âge de 14 à 15 ans. Ceci pourrait signifier que les symptômes de la dysfonction se produisent chez les enfants aussi souvent que chez les adultes mais la plupart du temps, ces symptômes sont occasionnels et plus légers. NILNER 29 , dans une étude sur 749 enfants âgés de 7 à 18 ans, a montré que 77 % des adolescents présentent 1 à 3 signes suivants : — bruits articulaires ; — ouverturelimitée; — sensibilité musculaire à la palpation.

3 - 6 - Les céphalées

Elles sont notées par EGERMARK-ERIKSSON 10, ainsi que par NILNER29 ; cet auteur remarque que 15 % des enfants de 7 à 14 ans et 16 % des enfants de 15 à 18 ans présentent des céphalées fréquentes. Le même pourcentage se retrouve chez les adultes. Celles-ci seraient liées à une augmentation du tonus musculaire (RAMFJORD 32). Par contre, pour cet auteur, les céphalées seraient rares chez l'enfant.

3 - 7 - Autres signes et symptômes

Les grincements de dents provoquent des bruits entendus par l'entourage. Fréquents chez les enfants, ces bruits sont souvent signalés par la famille (frère, soeur reposant dans la même chambre, voire parents dans une chambre voisine). REDING (1964), cité par GENON 14, estime même que « le bruit se détache comme étant le symptôme le plus sûr et le plus spécifique de cet état ».

4 — ÉTIOLOGIE

Pour EGERMARK-ERIKSSON 10, l'étiologie des dysfonctions mandibulaires et du bruxisme est de plus en plus reconnue comme multifactorielle avec des facteurs périphériques et centraux (DE BOEVER8, 1979 - EGERMARK-ERIKSSON11 1982). Les facteurs étiologiques locaux les plus souvent cités sont ce que les auteurs appellent « les interférences occlusales ». Certains auteurs les considèrent comme extrêmement importants (RAMFJORD et ASH 33, 1971- PAVONE 31, 1986). D'autres, par contre, les négligent presque totalement (LASKIN21,1969 - GREENE et MARBACH 17, 1982). Les articles récents suggèrent que les facteurs occlusaux ne sont pas d'une importance majeure mais la question est toujours controversée (CAARLSSON et DROUKAS7, 1984). 484

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

— — — —

Les facteurs centraux, d'une importance certaine, sont soit des états psychologiques perturbés, soit des réponses psycho-physiologiques inadaptées. Ils doivent néanmoins être envisagés dans un concept multifactoriel (RUx et SOLBERG 35, 1979). Une des manières d'analyser l'influence de ces facteurs est l'étude épidémiologique. Cependant, les enquêtes transversales n'ont pas montré de facteurs étiologiques centraux prédominants (HELKIMO 18, 1979). Selon CARLSSON et DROUKAS 7, des études longitudinales doivent permettre une meilleure approche de ces facteurs étiologiques. Parmi les études récentes ainsi réalisées, citons celles de EGERMARK-ERIKSSON 13 ( 1987), MAGNUSSON25 (1985), WANMAN et AGERBERG38 (1986), WANMAN39 (1987). Les étiologies du bruxisme peuvent donc se classer d'après AHMAD3 en : ; xuaco l s rue t ca f ; seuqm iétsys sruetcaf ; seuqigolohcysp sruetcaf .xuatm netm ropc sruetcaf

4 -1 - Facteurs locaux

Les interférences occlusales citées précédemment agiraient en tant que déclencheurs (trigger-zones) provoquant le bruxisme et sont les facteurs étiologiques locaux les plus importants. Les prématurités peuvent provoquer des modifications du « pattern » occlusal et donc des forces de mastication. Elles peuvent aussi être produites lors de modifications posturales et donc être des causes de bruxisme. EGERMARxERIKSSON 10, a montré qu'une (ou plus d'une) interférence occlusale (c'est-à-dire contact unilatéral en occlusion de relation centrée ou interférence non travaillante) a été retrouvée chez 71 % des enfants âgés de 7 ans, 77 % des enfants âgés de 11 ans, et 73 % des enfants âgés de 15 ans. Cet auteur a également montré que la présence des interférences non travaillantes était plus importante chez les groupes d'enfants jeunes - entre 7 et 8 ans - que chez les plus âgés - 15 ans ou plus. L'augmentation de la distance occlusion de relation centrée -position d'intercuspidation maximale (ORC - PIM) dans une direction antéro-postérieure a également été notée chez 22 % des enfants : ces derniers montraient une abrasion dentaire plus importante que les autres. Ce décalage augmenté est observé plus souvent chez les enfants présentant une malocclusion de Classe II d'ANGLE. Trois types d'anomalies occlusales ont été rencontrées de façon significative avec des interférences : — béancesantérieures; — ClasseIId'ANGLE; — inversions d'occlusion des dents postérieures. Les béances sont rencontrées plus souvent chez les groupes d'enfants jeunes et chez ceux qui présentent des habitudes de succion. Les déplacements latéraux, de l' ORC à la PIM, se retrouvent également de façon plus fréquente chez les enfants avec des occlusions inversées des secteurs latéraux. Ces enfants présentent également une sensibilité musculaire plus importante. Dans une autre étude, NILNER3° ( 1983) trouve une corrélation entre la supraclusie et le bruxisme en crispation, ainsi qu'avec les abrasions des dents antérieures. Cet auteur a également constaté une incidence importante des interférences occlusales : 79 % dans le groupe compris entre 7 et 14 ans et 83 % dans le groupe de ceux qui ont entre 15 et 18 ans. Pour AHMAD 3, la période de denture mixte chez les enfants pourrait expliquer l' apparition fréquente d'interférences occlusales.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 477-491, 1989

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G. CATHELINEAU, J.-F. MICHEL

4-2 - Facteurs systémiques

De nombreux facteurs systémiques ont été reconnus comme causes du bruxisme. Nous pouvons citer (AxMAD 3) : — les déficiences nutritionnelles en calcium et en vitamines ; — les infections parasitaires intestinales ; — les désordres endocriniens, en particulier l'hyperthyroïdisme ; — les pics de croissance pubertaire, (en moyenne : 13 ans chez les garçons et 11 ans chez les filles) ; — la' lergie; — lh' érédité. Une étude de LINDQVIST23 émet l'hypothèse d'après laquelle les facteurs héréditaires sont importants dans la genèse et l'établissement du bruxisme. Kucx 2° montre que 28,8 % des enfants d'un jardin d'enfants ont un membre de leur famille ayant présenté ou présentant un bruxisme. Pour MACKEITH et O'NEILL, cités par AHMAD3, il est possible que la transmission de parents à enfants se fasse par imitation ou identification d'un modèle comportemental. L'allergie est également citée comme facteur systémique. Une étude de MARKS26 (1980), montre une incidence trois fois supérieure du bruxisme chez les enfants allergiques par rapport à un échantillon d'enfants non allergiques. Pour cet auteur, le bruxisme nocturne peut être déclenché de manière réflexe par une augmentation de la pression dans les cavités tympaniques, due à un oedème intermittent de la muqueuse de la trompe d'EusTACHE. Cet auteur a constaté que le bruxisme diminue, ou même cesse, lorsqu'un traitement adéquat de ces phénomènes allergiques est mis en place. Il est important d'autre part de noter que les crispations et les grincements ont été observés en cas d'hémiplégie de l'enfance, d'épilepsie ou de méningite tuberculeuse. Les articles de BLOUNT4 (1982) et NGAN28 (1985) rapportent la présence de crispations lors d'atteintes neurologiques.

4-3 - Facteurs psychologiques

De nombreux chercheurs pensent que le bruxisme est relié à une tension émotionnelle. Une relation entre l'anxiété, l'agression contrôlée et le grincement des dents a été clairement mise en évidence. Le bruxisme a été décrit comme étant plus fréquent chez les personnes névrotiques, représentant une réponse mal dirigée à un problème qui ne peut être résolu ou bien comme une impossibilité à exprimer des émotions telles que la rage, l'anxiété, la colère, le sadisme. Le bruxisme est ainsi considéré comme une forme d'exutoire inconscient pour ces personnes. Chez les enfants comme chez les adultes, l'attitude consistant à serrer fortement les mâchoires pour supprimer des manifestations émotionnelles telles que les pleurs est également observée. LINDQVIST, cité par AHMAD3, a montré que 72 % des enfants de 12 ans qui présentaient des bruxo-facettes montraient des symptômes de stress. Dès 1961, RAMFJORD et Asx ont constaté que n'importe quel type de dysharmonie occlusale combinée avec une tension nerveuse pouvait engendrer un bruxisme.

4-4 - Facteurs comportementaux

486

Ces facteurs sont rarement observés chez les enfants. Les sports de compétition amènent parfois des serrements importants au cours de l'effort (tennis, cyclisme, sports de combat). Rev Orthop Dento Faciale 23: 477-491, 1989


Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

Ainsi, la combinaison de l'âge, d'interférences occlusales et de facteurs psychologiques et/ou comportementaux peut être de première importance pour le développement du bruxisme chez l'enfant. Le tableau II propose une répartition des facteurs locaux et généraux selon l'âge de nos jeunes patients.

3 4 5 5 7 5 9 10 11 12 13 14 15 16 17 denture temporaire

denture mixte

denture permanente

trauma occlusaux problèmes psychologiques lies à l'ecole

problèmes psychologiques lies a l'entourage familial adolescence

T ab leau

I I

Répartition des facteurs locaux et généraux selon l'âge des patients.

5 — THÉRAPEUTIQUES

La première étape du traitement du bruxisme doit être de déterminer les causes déclenchantes. Dans la liste des symptômes constatés, certains ressemblent à ceux que l'on peut rencontrer dans d'autres pathologies, en particulier lorsqu'on observe des céphalées ou bien des douleurs faciales. Une attention particulière devra également être apportée à l'examen des muqueuses et des structures osseuses intra-buccales. LINDQVIST23 a constaté que le bruxisme pouvait ne pas être diagnostiqué, car : 1 — des facettes d'abrasions ne sont pas toujours présentes lorsqu'on observe une sensibilité musculaire, ce qui peut s'expliquer par le fait que l'enfant a adopté une position intercuspidienne et trouve directement ses contacts sans grincement selon un mouvement qui toutefois peut entraîner une fatigue musculaire ; 2 — la palpation des muscles ptérygoïdiens latéraux, discutée par certains auteurs, peut quelquefois provoquer une douleur, par une manoeuvre non expérimentée, en dehors de tout spasme ; 3 — le bruxisme peut être une habitude parafonctionnelle récente qui n'a pas encore provoqué de facette d'abrasion. A l'heure actuelle, de nombreuses modalités thérapeutiques sont proposées Rev Orthop Dento Faciale 23: 477-491, 1989


G. CATHELINEAU, J.-F. MICHEL

pour le bruxisme ; beaucoup sont encore au stade de la recherche. Parfois, en clinique, nous constatons que le bruxisme ne peut être interrompu. La deuxième étape du traitement consiste à choisir une ou plusieurs modalités thérapeutiques adaptées au cas clinique. L'âge détermine la solution thérapeutique. L'examen de la littérature et l'expérience clinique nous conduisent à proposer le tableau III, rassemblant les divers traitements conseillés en fonction de l'âge des jeunes patients. 3 4 5 6 7 89 10 11 12 13 14 15 16 17

denture temporaire

denture mixte

I denture permanente

Extraotions piiotles

• III

........................ Orthodontie .............................. Equilibration occlusele ............................. .(iouttibre 000lusale

e®~

Tableau III Divers traitements conseillés en fonction de l'âge des patients.

5 -1 - Psychothérapie

Elle inclut l'entretien, l'autosuggestion, l'hypnose, les exercices de relaxation et le biofeedback. La psychothérapie est indiquée chez les sujets pour lesquels la cause centrale du bruxisme est déterminante.

5 - 2 - Les médicaments

Les applications de substances réfrigérées antalgiques dans la région des articulations temporo-mandibulaires, les injections d'anesthésiques locaux périarticulaires ou au niveau des muscles, les tranquillisants, les sédatifs et les myorelaxants ont été proposés chez l'adulte. Ces thérapeutiques ne peuvent pas être utilisées chez l'enfant : elles peuvent être appliquées avec beaucoup de prudence chez l'adolescent, en relation avec le médecin traitant. Des placebos peuvent également être employés pour déterminer l'existence d'une étiologie psychologique.

5 - 3 - L'équilibration occlusale

Il est nécessaire, avant de pratiquer une équilibration occlusale, de vérifier que les muscles sont décontractés. Cela peut être réalisé par une gouttière occlusale ou une butée antérieure. Après le port de cette gouttière, les contacts prématurés et les interférences seront ensuite éventuellement éliminés. Cependant, l'âge de mise en place d'une telle gouttière doit être soigneusement évalué, et la durée du port déterminée en fonction de la croissance osseuse de l'arcade.

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Le bruxisme chez l'enfant : aspects occlusaux et traitements actuels

5 - 4 - Gouttière occlusale

5 - 5 - Traitement spécifique des facteurs systémiques

Avec les gouttières occlusales, une réduction de l'hypertonie musculaire chez les patients est souvent observée. INGERsLEV 19 recommande l'utilisation de gouttières souples. Une restauration occlusale, si elle s'avère nécessaire, ne doit être réalisée qu'avec prudence et à l'aide de matériaux permettant des modifications ou le retour au « statu quo ante », particulièrement en denture mixte (composites, coiffes provisoires préformées par exemple). La croissance maxillaire et mandibulaire se poursuit en effet, en particulier en denture mixte (SPILLONE 37, 1987). Selon cet auteur, la croissance en largeur se poursuit jusqu'à l'âge de 14 ans, pouvant atteindre 0,5 mm par an au maxillaire et 0,2 mm par an à la mandibule (fig. 4). Il convient donc de conseiller : — des visites régulières de contrôle de l'adaptation de la gouttière ; — un port limité de un à trois mois, afin de ne pas interférer sur la croissance et l' éruption. Les principes généraux de réalisation des gouttières occlusales doivent être respectés, à savoir (ABJEAN et KORBENDAU2, 1977) : — maximum de contacts sans glissement à la fermeture dans la position d' occlusion choisie ; — épaisseur de la gouttière s'inscrivant dans la valeur de l'espace libre ; — latéralités guidées au niveau des canines selon un mouvement rectiligne sans interférences non travaillantes ; — protrusion guidée au niveau médian selon un mouvement rectiligne sans interférences dans les secteurs postérieurs (fig. 5).

Ces traitements doivent être adaptés à l'étiologie déterminée lors de l'examen clinique et d'éventuels examens complémentaires (neurologiques, hormonaux).

'Figure 4 Schémas montrant la croissance moyenne, maxillaire et mandibulaire (d'après SILLMAN, Am J Orthod 50 : 824, 841, 1964). Rev Orthop Demo Faciale 23: 477-491, 1989

Figure 5 Gouttière occlusale équilibrée (d'après ABJEAN et KORBENDAU2, 1977).

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6 — CONCLUSION

Lorsque l'on traite des enfants, il faut garder à l'esprit le fait que ceux-ci sont en période de croissance, c'est-à-dire en phase dynamique, sous l'influence de nombreux facteurs. Selon AHMAD l'enfant doit s'adapter à des changements physiques et psychologiques ; il peut donc subir pour cette adaptation un stress important. Les changements provoqués par le passage de la denture temporaire à la denture permanente peuvent constituer un facteur de stress. Dans beaucoup de cas, les modalités de traitement devront être prudentes, et la surveillance sera souvent de mise. La plupart des enfants s'adaptent aux changements occlusaux et ceux qui présentent un bruxisme peuvent voir celui-ci s'arrêter lorsque les étapes de croissance dentaire et psychologique sont franchies. Le bruxisme en denture mixte est fréquent, transitoire et sans gravité dans la majorité des cas. Parfois, il peut être utile de conseiller les parents afin qu'ils constituent une aide aux problèmes émotionnels allant vers le développement d'une maturité harmonieuse de leur enfant.

BIBLIOGRAPHIE

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15 —

Rev Orthop Dento Faciale 23: 477-491, 1989


RUBRIQUE CLINIQUE

Le propulseur amovible thermoformé

â bielles de HERBST

Michel AMORIC

RÉSUMÉ Les techniques tendant à modifier les structures squelettiques dans les cas de Classe II division 1 ont été la somme de débats innombrables et ont provoqué un développement de la littérature extrêmement abondant. Les défenseurs de la thérapeutique « fonctionnelle » ont suscité des recherches considérables démontrant l'intérêt de la stimulation de la croissance des mâchoires. Mais pour que ces techniques trouvent un succès complet, il fallait aussi améliorer la structure et la fabrication de ces appareils. Après avoir utilisé toutes sortes de propulseurs, identiques quant au concept mais différent dans leur réalisation, nous nous sommes attaché à concevoir un appareil thermoformé dont le «moteur» est fait de bielles de HERBST. Afin de démontrer l' efficacité extrême de ces modèles d'appareil, nous avons choisi de présenter deux cas « opposés » : l'un hyperdivergent, l'autre hypodivergent. Cette nouvelle application des gouttières thermoformées nous confirme qu'elles peuvent constituer un véritable « département » de l'orthodontie tant leur efficacité et leur quantité deviennent importantes.

MOTS CLÉS M. AMORIC — 149, rue des Rennes, 75006, Paris.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989

Thérapeutique fonctionnelle — Propulseur de HERBST — Thermoformage. 493


i M. AMORIC

1 — INTRODUCTION

Décrites en 1934 par HERBST4, les bielles vestibulaires de propulsion ont trouvé depuis dix ans un réel regain d'intérêt. Quelques rappels bibliographiques permettent de faire le point. —Fabrication

En 1979, 1980, 1982, PANCHERZ 10-13 et LANGFORD7'8 (1981, 1982) ont décrit un appareil dans lequel les bielles étaient soudées sur un système quadribague supérieur et inférieur, à l'image des disjoncteurs. En 1984, WIESLANDER 15 remplace ce dispositif par des tiges vestibulaires et linguales coulées. En 1985, GOODMAN3 décrit un système de double arc soudé sur des couronnes provisoires. En 1983, HOWE et Mac NAMARA5 décrivent des gouttières collées ou scellées, réalisées en matières plastiques thermoformées. Mais ils reconnaissent très vite le peu de solidité du protocole. —

Effets iatrogènes

Dès 1984, HOWE6 présentait ses déboires lors de ses premiers collages de gouttière : décalcification, fractures... Il allait évoluer vers l'utilisation d'un propulseur amovible.

— Analyse des effets cliniques

On doit à H. PANCHERZ 10-13, de Malmö, les études les plus complètes basées sur la superposition céphalométrique et l'électromyographie. Il a pu mettre en évidence : — le changement d'activité des muscles masséter et temporal ; — l'obtention d'une Classe I pour 100 % des cas ; — cette obtention est due à la fois à des changements au niveau de l'os alvéolaire et de l'os basal ; — le traitement induit par une inocclusion au moment du saut d'articulé « bite jumping ». Pour WIESLANDER 15, de Bâle, les dents maxillaires reculent de 1,6 mm pour un recul de la base maxillaire de 1,5 mm. Les dents mandibulaires avancent de 0,5 mm pour un avancement de la base de 4 mm. Les conclusions de cette étude sont : — la cavité de la fosse glénoïde se remodèle afin de repositionner la mandibule plus antérieurement; — la prolifération de lésions condyliennes est supérieure à la normale ; — la prolifération de la partie fibreuse est supérieure à la normale. Tout se passerait donc comme si la cavité glénoïde se déplaçait antérieurement comme une dent qui se déplace dans l'os alvéolaire.

2 — FABRICATION D'UNE GOUTTIÈRE DE PROPULSION THERMOFORMÉE

Le point capital de cette fabrication réside dans la jonction bielle-fil support et fil support-gouttière. —

La jonction bielle-fil

Étant donné l'importance de la masse métallique du pivot, on risque toujours de surchauffer un fil de masse inférieure à celle du pivot (fig. 1). Seul un fil rectangulaire .036" x .072"1 peut supporter un temps de chauffe élevé sans perdre ses qualités mécaniques. —

La jonction fil-gouttière .

Par la longueur et la forme du fil support, il sera possible de l'inclure définitivement dans la gouttière. 494

Figure 1 Ensemble des pièces composant la bielle de propulsion de HERasT. Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989


Le propulseur amovible thermoformé à bielles de HERssT

— Façonnage du fil support Le fil employé est de section .032" x .064". C'est le même fil qui sert à la construction des arcs transpalatins et linguaux décrits dans le numéro 1 de 1984 (pp. 121 à 123) de la Revue d'O.D.F. Un arc supérieur et un arc inférieur sont appliqués comme le montre la figure 2. Ii faut noter qu'à l'arcade inférieure, le fil passera mésialement à la face occlusale de la dernière molaire selon une orientation appliquant le grand côté du fil sur la surface occlusale (fig. 3). — Soudure des pivots des bielles Cette manipulation devra être traitée avec beaucoup de soins car en dépendront la rigidité du système ainsi que son bon fonctionnement. Habituellement, les pivots suspendus seront soudés au niveau de la cuspide mésio-vestibulaire de la dernière molaire. A l'arcade inférieure, ils seront placés au niveau prémolaire-canine (fig. 4).

Figure 2 Confection du fil support en acier.032"

Figure 3 Rotation du f il au niveau occlusal inférieur. Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989

X .064".

Figure 4 Soudure des pivots des bielles. 495


M. AMORIC

Une grande attention sera apportée à la portion de l'arc recevant les pivots car un trop grand écart de parallélisme entre les pivots supérieur et inférieur risquerait de bloquer le système en empêchant les mouvements de latéralité. Une quantité importante de soudure permettra aussi d'assurer une jonction parfaite (fig. 5) -- Thermoformage Il est important d'isoler le modèle afin de résoudre préventivement l'inclusion d'impuretés comme des morceaux de plâtre sur l'intrados de l'appareil. Mieux que de vernir les modèles, nous préférons employer un film thermoformable isolant. Actuellement, nous employons le film « Isofolan » de 0,10 mm d'épaisseur (Scheu-Dental). Une fois pressé (et éventuellement collé), nous replaçons les arcs supports. A ce moment, il sera réalisé une double manipulation : la chauffe de la plaque et l'enrobage du fil à la résine auto-polymérisante. La plaque peut être soit en Biocryl S 1,5 mm (Scheu-Dental), soit en SPLINT

Figure 5 Soudure du pivot inférieur au niveau prémolaire-canine.

496

1,5 mm (Great-Lakes). Pendant que cette plaque subit le chauffage l'amenant à son seuil de plastification, il sera procédé au mélange d'une résine métacrylate telle que la résine Biocryl de Scheu-Dental. Il est conseillé d'étaler le mélange le plus liquide que possible autour du fil. Une fois pressée, la plaque devra rester sous pression près de six minutes afin de permettre la polymérisation de la résine. Après ce temps, la plaque sera découpée, la résine entourant le pivot éliminé (fig. 6). Réglage des bielles

Il sera toujours indispensable d'élargir les oeilletons des bielles à l'aide d'une fraise à métal. Les vis seront fortement serrées, ou collées, et les extrémités des bielles coupées. On procédera au contrôle des milieux ainsi qu'à l'amplitude de la propulsion. (Généralement, on commence bout à bout.) L'activation s'effectuera en ajoutant des cales en tube, de diamètre adéquat. Il sera aussi nécessaire de meuler une partie de l' extrémité postérieure de la gouttière inférieure si l'on observe un contact important à ce niveau.

Figure 6 Gouttières réalisées. Propulseur amovible thermoformé.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989


Le propulseur amovible thermoformé à bielles de HERBST

3 — PRÉSENTATION DE CAS Nous présentons deux cas, l'un de type hyperdivergent, l'autre de type hypodivergent. — Cas n° 1: Classe II, division 1, type hyperdivergent (fig. 7 à 18). — Enfant de 10 ans et de sexe féminin. A l'observation dè l'enfant et de ses documents, il était clair qu'il ne s'agissait pas d'un cas banal. Il fallait s'attendre à de grandes difficultés. Depuis quelques temps, nous savions que l'interposition d'un bloc de résine au niveau des dents postérieures permettait un changement de forme mandi

bulaire et dentaire (NANDA9). En ajoutant une épaisseur de résine au niveau des secteurs porteurs du propulseur précédemment décrit, ne pourrions-nous pas obtenir le même résultat (fig. 10) ? Après trois mois de port, l'appareil nous permettait d'obtenir des résultats exceptionnels que voici : — accroissement de la longueur du corps mandibulaire de 5 mm ; — fenêtre de l'angle Cd-Xi-Pm de 5° ; — bascule du plan d'occlusion ; — recul du point A de 1,5 mm.

Figures 7, 8 et 9

Cas n° 1: vues intro-buccales avant traitement.

Cas n° 1: vue infra-buccale pendant le traitement. Remarquer la cale postérieure au niveau des molaires.

t igures ii, 12 et 13 Cas n° 1: vues intro-buccales après propulsion. Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989

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M. AMORIC

Figures 14 et 15 Cas n° 1: téléradiographie et tracé avant traitement.

Figures 16 et 17 Cas n° 1: téléradiographie et tracé après traitement.

Figure 18 Cas n° 1: Superposition sur Ba-Na, CC enregistré.

498

Étant donné qu'il ne s'agit pas de déplacements dynamiques (comme une position de relation de convenance plus antérieure) mais de déplacements statiques, il ne peut y avoir contestation de l'effet thérapeutique sur les structures. Nous sommes bien devant une action purement orthopédique, due à l' action de la « cale » postérieure à laquelle s'est ajouté un système de forces dû aux bielles. Il faudra particulièrement insister sur les composantes verticales de ces forces pour mieux interpréter les résultats. Rev Orthop Dento Faciale 23: 49.E-501, 1989


Le propulseur amovible thermoformé à bielles de HERasT

— Cas no 2: Classe II, division 1, type hypodivergent (fig. 19 à 33). —

Enfant de 11 ans 1/2 et de sexe masculin. A l'extrémité opposée, ce cas présentait toutes les difficultés de l'hypodéveloppement vertical de l'étage inférieur de la face. — Comment reculer le bloc incisif supérieur sans éviter le blocage incisif dû à la supraclusion ? — Comment ingresser à cet âge sans craindre des mouvements parasites au niveau des secteurs postérieurs ? — Comment obtenir un changement des structures osseuses sans qu'il y ait récidive ? Au bout de cinq mois de traitement, nous pouvions reconsidérer ces interrogations. Nous obtenions un

mouvement déjà décrit par PANCHERZ '°-13 comme un « bite-jumping », soit un saut total d'articulé postéroantérieur permettant le contact incisif, tout en laissant une inocclusion postérieure. Comme dans le cas précédent, on observe une augmentation de la branche horizontale de la mandibule, une légère rotation corpus-ramus, un recul du point A, un mouvement de recul alvéolaire maxillaire, tout cela se traduisant par une harmonisation du profil. Dans un pareil cas, nous voulions favoriser l'égression molaire secondaire par le port d'un appareil de contention. Ici, nous avons choisi un monobloc. Après dix-huit mois d'observation, nous n'avons remarqué aucune récidive mais plutôt une amélioration en relation centrée.

Figures 19, 20 et 21

Cas n° 2: vues infra-buccales avant traitement.

Figure 22

Cas n° 2: vue infra-buccale pendant le traitement. Noter le contact antérieur des gouttières.

Figures 23, 24 et 25 : Cas n° 2: vues intra-buccales après propulsion.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989

499


M.

AMORIC

Figures 26 et 27

Cas n° 2: téléradiographie et tracé avant traitement.

Figures 28 et 29

Cas n° 2: téléradiographie et tracé après traitement.

Figures 30 et 31

Cas n° 2: scanner sans l'appareil.

Figures 32 et 33

Cas n° 2: scanner avec l'appareil.

500

Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989


Le propulseur amovible thermoformé à bielles de HERBST

4 — CONCLUSION

Il semble que ce procédé permette d'accéder à la réduction des malocclusions de Classe II, division 1, qu'elles soient de type hyper- ou hypodivergent. Nos recherches cliniques et de laboratoire nous ont permis d'obtenir un système évitant à la fois les inconvénients du temps de collage, de la fragilité ou de la complexité de fabrication. De ce fait, cet appareil pourra être indiqué fré

quemment, soit en période de denture mixte, soit en début de denture permanente, avec un grand succès. Il ne devra pas être considéré par contre comme un protocole universel. Si des problèmes de dimensions des diamètres transversaux se posent, il s'agira d'employer des appareils d'expansion ou de disjonction ; si des dystopies molaires persistent, un traitement multiattache permettra une finition parfaite.

BIBLIOGRAPHIE 1 — AMORIC, M. : Intérêt des fils rectangulaires .036" x .072" pour la confection des arcs linguaux et transpalatins amovibles. Rev Orthop Dento Faciale 18: 121-123, 1984. 2 — AMORIC, M.: Fabication des monoblocs thermoformés. Rev Orthop Dento Faciale 19 : 271-274,1985. 3 — GOODMAN, P., Mc KENNA, P.: Modified HERBST appliance for the mixed dentition. J Clin Orthod 19 : 811814, 1985. 4 — HERBST, E.: Dreissigjahrige Erfahrungen mit dem Retentions-Scharnier Zahnarztl. Rundschau 43: 1611-1616,1934. 5 — HOWE, R., Mc NAMARA, J.: Clinical management of the bonded HERBST appliance. J Clin Orthod 17 : 456-463, 1983. 6 — HOWE, R., : The acrylic splint HERBST. Problem solving. J Clin Orthod 18 : 497-501, 1984. 7 — LANGFORD, N.: The HERBST appliance. J Clin Orthod 15 : 558-561, 1981. 8 — LANGFORD, N. : Updating fabrication of the HERBST appliance. J Clin Orthod 16 : 173-174, 1982. 9 — Mac NAMARA, J.: Fabrication of the acrylic splint HERBST appliance. Am J Orthod Dentofac Orthop 94: 10-18, 1988.

Rev Orthop Dento Faciale 23: 493-501, 1989

10 — PANCHERZ, H.: Treatment of Class II. Malocclusions by jumping the bite with HERBST appliance. Am J Orthod 76 : 423-442, 1979. 11 — PANCHERZ, H.: Muscle activity in Class II, division 1. M. Anchus Pancherz. Malocclusions treatet by malocclusions treated by bite jumping with the HERBST appliance. Am J Orthod 78 : 321-329, 1980. 12 — PANCHERZ, H. : The mechanisms of Class II correction in HERBST appliance treatment. Am J Orthod 82: 104-113, 1982. 13 — PANCHERZ, H. : The HERBST appliance - its biologic effects and clinical use. Am J Orthod 87 : 1-20, 1985. 14 — VALANT, J., SINCLAIR, M. : Treatment effects of the HERBST appliance. Am J Orthod Dentofac Orthop 95: 138-147, 1989. 15 — WIESLANDER, L.: Intensive treatment of severe Class II malocclusions with a headgear-HERBST appliance in the early mixed dentition. Am J Orthod 86: 1-13, 1984. 16 — WOODSIDE, D., METAXAS, A., ALTUNA, G.: The influence of functional appliance therapy on glenoïd fosser remodeling. Am J Orthod Dentofac Orthop 92 : 181-198, 1987.

501


i NOTE TECHNIQUE

Fabrication de ressorts composites de BURSTONE sans soudage

Claude DELACHAPELLE

L'introduction du /3-titane (TMA) en orthodontie a permis la simplification de techniques jusqu'alors peu employées, sans doute à cause de la sophistication de certains de leurs éléments. La technique de BURSTONE en est un exemple ; elle implique notamment le recours à des ressorts composites de rétraction du segment antérieur de l'arcade. Ces ressorts sont formés d'une boucle en T, en fil rond .018" soudée à un fil rectangulaire .017" x .025" ; les deux fils, en /3-titane, sont solidarisés l' un à l'autre par deux points de soudure électrique (fig. 1).

i Figure 1

C. DELACHAPELLE — Faculté de Chirurgie Dentaire, Place de Verdun, 59000 Lille.

Rev Orthop Demo Faciale 23: 503-504, 1989

Comme l'ont rappelé BURSTONE', et plus récemment LOREILLE 2 , les critères d'une bonne soudure de deux fils en /3-titane sont : — un large contact de l'électrode fixe avec le fil ; — une forte pression exercée entre les électrodes ; une faible surface de contact entre les fils ; — un passage court et unique du courant. Ces conditions sont réalisées par certaines soudeuses, en particulier celle de Rocky Mountain (506 A) et une plus récente commercialisée par Ormodent. D'autres soudeuses, performantes pour les travaux habituels réalisés en orthopédie dentofaciale, n'ont pas toujours les qualités requises pour le soudage du /3-titane. C'est pour pallier cet inconvénient que nous avons pris l'habitude de solidariser le fil rectangulaire et le fil rond des rétracteurs de BURSTONE, non plus par une soudure mais par un sertissage. 503

i


C. DELACHAPELLE

Pour ce faire, les deux fils .017" x .025" et .018" sont engagés dans un fragment de tube rond de diamètre 0,9 mm, long de 6 mm. A ce moment, deux possibilités s'offrent à nous : — ou bien les deux fils sont sertis à l'aide d'un sertisseur pour twin-arch ; — ou bien, pour les praticiens qui ne possèdent pas de sertisseur, le tube contenant les deux fils est courbé à la pince trois-becs dans le plan de la plus grande largeur du fil rectangulaire, ce dernier étant plié dans l'autre sens pour rendre parallèles les deux extrémités de fil (fig. 2).

Figure 2

Les fils sont, de ce fait, parfaitement solidarisés ; il ne reste plus qu'à façonner la boucle en T et à donner au rétracteur la forme et les courbures nécessaires à la mise en bouche suivant chaque cas particulier (fig. 3).

Figure 3

Cette technique présente les caractéristiques suivantes : encombrement à peine supérieur à celui des rétracteurs soudés, surtout quand la solidarisation est réalisée à l'aide d'un sertisseur ; — moindre risque d'irritation et de blessure de la muqueuse labio-jugale ; — très grande rapidité d'exécution et de préfabrication sans recours à une soudeuse; — très grande solidité du sertissage ; — possibilité, dans certains cas, de sertir ensemble un fil en /3-titane .018" avec toutes sortes d'autres fils supports (fil d'acier par exemple), d'où un moindre coût. Il semble que ces avantages puissent, en la simplifiant, faciliter la diffusion de la technique segmentée mise au point par BURSTONE.

BIBLIOGRAPHIE

1 —

BURSTONE

609 2—

504

-615, 1987 C.J.: Welding of TMA wire. Clinical applications. J Clin Orthod 9:

J. P. : Soudage et brasage des fils orthodontiques. Rev Orthop Dento Faciale 22: 73-79, 1988.

LOREILLE

Rev Orthop Dento Faciale 23: 503-504, 1989


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