Revue d'orthopédie dento faciale

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La canine permanente en orthodontie

ÉDITORIAL

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nze ans après avoir fait l'objet d'un excellent rapport au sein de la Société française d'orthopédie dento-faciale, rapport rédigé sous l'égide de nos collègues Alain BÉRY et Pierre CANAL, la canine permanente est mise à nouveau sur la sellette. Pierre CANAL a accepté la responsabilité du thème de ce numéro, sous le même titre. Mais qui est-elle, cette canine, pour que nous lui manifestions tant d'intérêt? Dans un conte, GOETHE écrit ceci : un homme tombe amoureux d'une jeune fille, mais renonce à projets quand, se regardant dans un miroir et touchant sa canine, il s'aperçoit que celle-ci commence à se mobiliser (cf. Orthod Fr 55 : 21, 1984). La canine : un symbole de force et de virilité ? A Kandy (Ceylan), une canine de GAUTAMA BOUDDHA est promenée chaque année lors d'une procession religieuse (cf. Orthod Fr 55: 21, 1984). La canine : objet de culte ? Dans ces conditions, nous sommes bien obligés d'être très respectueux vis-à-vis d'une dent qui fait l'objet de tant de considération et nous devons certes prendre grand cas de son impact psychologique, de son importance fonctionnelle ainsi que de sa valeur esthétique, tout en la plaçant sous la protection de tous les progrès qui peuvent lui être bénéfiques. L'orthodontie a évolué, tant au niveau de sa technique que de ses concepts diagnostiques et thérapeutiques. La mécanique s'est affinée ; la canine en profite. La parodontologie lui apporte ses préparations, sa chirurgie muco-gingivale, ses comblements, etc. La prothèse, et c'est son rôle, la soutient, et lui évite bien des fatigues. L' implantologie lui vient aussi en aide, directement ou indirectement, et sa fiabilité, qui n'a pas encore tout à fait acquis ses lettres de noblesse, progressera très probablement encore dans l'avenir. D'autre part, n'oublions surtout pas l'importance et la qualité de l'apport diagnostique de l'imagerie actuelle pour situer une canine prisonnière de sa mâchoire. Enfin, le souci de l' esthétique, qui est un des éléments essentiels des idéaux du monde actuel, prend aussi une grande part dans le respect qui entoure la canine et dans le souci d'une remise en place aussi parfaite que possible, car, qui soutient le pli naso-génien et élargit le sourire ? Sans pouvoir être exhaustif dans chacun des domaines évoqués, nous avons tenu à les aborder dans ce numéro, consacré à ce puissant pilier de nos arcades dentaires qu'est "dame canine" , comme l'aurait appelée Jean DE LA FONTAINE. Malgré la place accordée à la canine, nous en avons gardé aussi pour d'autres sujets. L'année 1996 aura déjà quelques jours lorsque nos lecteurs recevront ce numéro, qui aurait dû arriver en même temps que le Père Noël s'il n'avait évidemment été retardé par certaines perturbations sociales. Très bonne année 1996, de la part de tous les responsables de la Revue d'orthopédie dentofaciale ! Yves BARAT, rédacteur en chef

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Il y a cent ans

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comment Farrar déplaçait les canines ? Julien PHILIPPE

RÉSUMÉ En 1897, J.N. FARRAR a publié un volumineux traité d'orthodontie d'une extraordinaire richesse. Son mode d'ancrage préféré est la "ceinture-à-vis " (screw-clamp-band) ; les bagues sont plutôt installées sur la dent à déplacer. Cette ceinture est munie de quantité d'accessoires qui permettent le déplacement des canines dans toutes les directions. ABSTRACT In 1987, J.N. FARRAR published a large treatise of orthodontics. The book describes a quantity of appliances. FARRAR ' S prefered system of anchorage is the "screw-clamp-band ". The simple bands are reserved for the tooth which have to be displaced. Many accessories are soldered on the "screw-clamp-band ". They permit the displacement of the canine in all directions. MOTS CLÉS Histoire de l'orthodontie - Canines (déplacement) - Ceinture-à-vis. KEY-WORD S History of orthodontics - Canine (displacement) - Screw-clamp-band - Caracterology.

T'HILIPPE -ue Jean Goujon 8 Paris.

Dans ce numéro consacré à la canine, nous avons fait place à un auteur américain peu connu en France : le docteur John N. FARRAR. Cet auteur a publié un volumi neux traité (1.560 pages !) intitulé : " Irregularities of the teeth and their correction ". Le premier volume parut en 1888, le second en 1897. FARRAR passe en revue tous les problèmes de l' orthodontie, et bien entendu, celui de la mise en place des canines. Il ne peut être considéré comme précurseur car il

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cite quantités d'auteurs et parmi eux, un jeune qui n'avait pas fini de faire parler de lui, un certain Edward ANGLE. L'orthodontie de FARRAR donne une impression d'exubérante richesse. Le lec teur est un peu noyé dans la diversité des dispositifs et des procédés utilisés pour remédier à toutes les situations. Les cas traités sont soigneusement décrits et représentés au dessin.

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1 - LES DISPOS1111 S DE FARRAR Il va sans dire qu'avant de décrire les dispositifs mécaniques, FARRAR pose les problèmes de base : forces continues ou intermittentes ? Extraction ou non ? Et quelle dent extraire ? Des questions toujours en suspens... Mais citer FARRAR sur ces points nous entraînerait loin du sujet. Même en se limitant aux mécaniques destineés aux canines, les appareils proposés sont si nombreux que nous avons dû élaguer largement pour ne pas trop lasser le lecteur. Toutefois, dans cette diversité, on distingue trois types d'ancrage assez constamment utilisés : la "ceinture-à-vis", les bagues et la plaque-de vulcanite.

1 - 1 - La " ceinture-à-vis " (screwclamp-band) (fig. 1) Elle est formée d'une bande d'or 18 k, ou de platine, qui encercle une ou, le plus souvent, plusieurs dents. Les extrémités de la bande sont recourbées à angle droit vers

l'extérieur et perforées. Deux écr_ -_ }_ soudés autour de ces perforations et une en or, permet de rapprocher ces extre- c' est-à-dire de serrer la bande auto-_.: .. _ dents ceinturées. Si l'on ne veut pas que cette - ceinture glisse vers la gencive, car elle n'est pas sxi lée, il est prudent de la munir de taquets occlusaux. Ce dispositif peut servir à rapprocher les unes des autres les dents enserrées, mais le plus souvent, placé autour des dents postérieures, il sert d'ancrage grâce aux accessoires qui sont soudés : boutons pour élasti ques, crochet pour fixer une " ceinture" annexe, ressorts, etc. Pour la mise en place, si les dents sont trop serrées, on les écarte en quelques minutes en forçant entre elles un morceau de bois d'oranger, ou en insérant entre les points de contact une lame d'acier ( par exemple une vieille lime) à l'aide d'un maillet de plomb.

Figures 1 a et b a : la "ceinture-à-vis " (screw-clamp-band) de FARRAR. Noter les appuis occlusaux, et les anneaux. b : la "ceinture-à-vis " en bouche, munie de fils de soie pour le recul de la canine.

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1 - 2 - Les bagues FARRAR n'ignore pas les bagues, mais il préfère manifestement ces " ceinturesAvis ". En effet, la " ceinture ", qui entoure plusieurs dents, donne un meilleur ancrage que la bague qui ne s' appuie que sur une dent. Aussi celle-ci est plutôt réservée à la dent qu'on veut déplacer. Les bagues (appelées aussi "férules") ( fig. 2), en platine ou en or, sont très courtes (1,5 mm ou 2 mm de hauteur). Ce sont plutôt des anneaux. Ils sont cimentés ( sans qu'on puisse accorder trop de confiance au ciment). Il est prudent de les munir d'étais occlusaux, ou mieux de souder un fil plat qui passe sur la face occlusale de la dent et va d'un bord à l' autre comme l'anse d'un panier (fig. 2). Toutes ces adjonctions par soudure sur les "ceintures" et les "férules" impliquent

un savant " descrescendo " dans le titre des soudures successives et un savoir-faire de fin bijoutier.

1 - 3 - Les plaques de vulcanite C'est un procédé un peu démodé (

FARRAR dixit) mais qui présente un mérite

certain : l'étendue de l'ancrage. Les plaques peuvent être maintenues en place par divers procédés : recouvrement des couronnes, ligatures, pointes interdentaires, crochets, et bagues rendues rétentives et cimentées. Mais le meilleur moyen est encore de fixer à la plaque une "ceinture-à-vis" ( screw-clamp-band) d'un côté ou des deux. On soude sur la bande d'or qui forme la "ceinture ", une ailette qui sera incluse dans la vulcanite (fig. 3). La plaque fixée par le serrage de la vis ne pourra se déplacer (fig 4).

Figure 3 "Ceintures-à-vis " munies d'ailettes de rétention qui seront incluses dans la vulcanite. Remarquer l'articulation de l'une d'entre elles.

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E Figure 2 "Férules" portant des crochets (A et D), et un arceau ( B) destiné à empêcher la bague de s'enfoncer.

Figure 4 Plaque de vulcanite dont la rétention est assurée par deux " ceintures-à-vis ".

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2 – LE DÉPLACEMENT DE LA CANINE 2 - 1 - La ligature en fil de soie

C'est la vieille technique de HARRIS*. Elle était, dit FARRAR, très utilisée au début du siècle (le 19e... ). Après extraction de la première prémolaire, une feuille d'or était estampée pour s'appliquer sur les deux dernières molaires et des boutons étaient sou dés de chaque côté (fig. 5). Le fil de soie, noué à un bouton, entourait la canine, qui reculait et rejoignait la seconde prémolaire en 15 à 20 jours (d'après HARRIS). Maintenant, ajoute FARRAR, on utiliserait des bagues scellées (première molaire et canine) et des élastiques. Peut-être pour aller plus vite ?... 2 - 2 - Les ressorts

La "ceinture-à-vis" offrant le meilleur ancrage qui soit, on peut fixer dessus, par

Figure 5 Le "vieux" dispositif de HARRIS.

soudure, des ressorts en or qui déplaceront la canine dans la direction voulue (fig. 6, 7 et 8). Pour que ces ressorts ne glissent pas sur la surface de la canine, on cimente sur celle-ci une bague (férule) comportant une

Figure 7 Ressort pour lingualer et distaler la canine, soudé sur une "ceinture-à-vis ".

H Figure 6 "Ceinture-à-vis " (B) placée autour de la première molaire et de la seconde prémolaire: - deux ressorts (S) soudés, distalant la canine; un crochet (A) passe derrière la deuxième molaire pour aider l'ancrage; - des crochets (H) sont prévus pour des élastiques en cas de rotation de la canine (cf fig. 11).

Figure 8 Crochet destiné à distaler la canine, soudé sur une " ceinture-à-vis ".

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rétention. Si la canine n'est pas assez évoluée pour pouvoir être baguée, on creusera une entaille dans la couronne, entaille qui sera obturée à l'or après mise en place de la dent.

2 - 3 - La " ceinture-à-vis " La "ceinture-à-vis" n'est pas qu'un moyen d'ancrage. Elle peut être active si elle embrasse la canine avec les dents postérieures. Il suffit alors de serrer la vis, matin et soir, pour voir la canine reculer rapidement ( fig. 9 a à e).

Mais FARRAR raffine : à l'aide d'un bouton soudé, on peut accrocher sur une " ceinture-à-vis" passive, servant d'ancrage, placée autour des molaires, une autre " ceinture-à-vis", active qui va chercher la canine pour la reculer. On peut ainsi former un attelage qui suit la courbure de l'arcade ( fig. 10). En outre, la " ceinture-à-vis " peut servir de support à quantité d'agents mécaniques : élastiques (fig. 11 a, b et c), vis vestibulant la canine du côté opposé (fig. 12), la tirant (fig. 13) ou même, arc vestibulaire (fig. 14).

Figures 9 a à e Cas traité par extraction des deux premières prémolaires.

Figure 10 Deux "ceintures-à-vis" accrochées l'une à l'autre.

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J. PHILIPPE

Figures 11 a, b et c

a

a : traction pour lingualer et reculer la canine par l'action d'une vis; b : action d'un élastique pour provoquer une rotation de la canine; c: action de deux élastiques pour exercer un couple de forces dans un cas de rotation très sévère.

b

Figure 13 La vis linguale l a canine du côté opposé à la "ceinture ".

Figure 12 Action réciproque, expansion et vestibulisation des canines.

Figure 14

Arc porté par des vis et des "férules" n'enserrant qu'une seule dent.

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Figure 15 Plaque et crochet pour distaler la canine.

Figure 16 Plaque et vis pour vestibuler la canine du côté opposé.

2 - 4 - Les plaques Elles sont réalisées le plus souvent en vulcanite, parfois en or. Chaque fois que possible, elles sont fixées en bouche par une ou plusieurs "ceinture-à-vis ". Les plaques peuvent porter les ressorts les plus divers (fig. 15), ou des vis (Dwinellescrew) qui servent à vestibuler les canines ou d'autres dents (fig. 16).

plaque de vulcanite ou à une petite gouttière en or formant un pont au-dessous de la dent incluse. La traction par une vis prolongée par un crochet qui s'agrippe à la canine est déjà plus compliquée. Mais certains appa reils sont si délicieusement sophistiqués et merveilleusement ingénieux que nous renonçons à les décrire. La figure 17 suffira à l'observateur attentif pour provoquer son admiration (pensez que plusieurs variantes sont décrites !). Consciencieux, FARRAR donne un tableau de marche pour une désinelusion par système à vis : 1/4 ou 1/2 tour de vis matin et soir : cela correspond à une progession de 1/160 ou 2/160 d'inch chaque fois, et cela pendant 50 jours ! Peut-on être plus précis ? Et plus rapide ?

2 - 5 - Désinclusion des canines Il est presque toujours nécessaire de creuser un puits dans la couronne pour donner une prise au crochet, à moins de sceller un piton après avoir foré une petite cavité. Certains dispositifs de traction sont simples. C'est le cas de l'élastique relié à une

Figure 17 Un levier accroché sur la canine et commandé par une vis placée sur la molaire provoque l'égression, précisément programmée, de la canine.

et P. AUSTEN écrivirent un ouvrage intitulé Principles and Practice ofDentistry qui, maintes fois réédité, devint aux États-Unis et en Angleterre le manuel classique de la profession. Il fut connu en France grâce à la traduction qu'en fit, en 1874, E. ANDRIEU. On y retrouve le dispositif cité par FARRAR. La traduction fut rééditée en 1884 avec de nombreuses adjonctions d'ANDRIEU. Rappelons que celui-ci fut le fondateur de l' " École dentaire de France" qui devint, après diverses transformations, la Faculté de Paris VII. Le portrait du Dr ANDRIEU figure toujours dans la salle des thèses de ladite faculté.

* C. HARRIS

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Le recul des canines Jean-Jacques AKNIN 4

RÉSUMÉ Le recul des canines après extraction de prémolaires, est une étape importante du traitement orthodontique multibague, qu'il faut aborder avec une parfaite connaissance de la biomécanique mais aussi de l'histologie, de la parodontologie, et des phénomènes de croissance, afin d'établir une stratégie thérapeutique réaliste intégrée dans l'ensemble du traitement. ABSTRACT The retraction of the cuspids after extractions of the bicuspids must include a perfect knowledge of biomechanics, histology, periodontics and growth in order to plan a rational therapeutic strategy.

MOTS CLÉS Canine - Extractions - Histologie - Parodontologie-orthodontie - Biomécanique. J.-J. AKNIN 23, rue Clément Michut, 69100 Villeurbanne.

KEY-WORDS Cuspid - Extractions - Histology - Periodontics - Biomechanics.

I — INTRODUCTION C'est évidemment après extraction de prémolaires que nous envisageons d'étudier le recul des canines. Lorsque la denture est saine, la décision et le choix des extractions en orthodontie sont liés à la dysharmonie dento-maxillaire, à l'esthétique faciale, ainsi qu'au type de malocclusion. Après le diagnostic, c'est la stratégie thérapeutique qui réglemente la fermeture de ces espaces d'extraction. Rev Orthop Demo Faciale 29: 441-458, 1995

Pour corriger une malocclusion de Classe II avec biproalvéolie, dans la plupart des cas, l'espace libéré par les extractions des premières prémolaires maxillaires est utilisé pour le recul des canines puis des incisives maxillaires. Dans d'autres circonstances, compte tenu de la croissance du sujet, de sa coopération ou des objectifs esthétiques, une partie de l' espace d'extraction sera utilisée par la 441


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mésialisation des secteurs postérieurs de l' arcade dentaire. Ainsi, dès à présent, nous voulons mettre en avant cette notion d'ancrage, qui est essen tielle lors de la gestion d'un traitement. C' est en effet la prévoyance et la prudence visà-vis de l'ancrage qui permettent à l' orthodontiste de terminer ses cas traités en Classe I d'ANGLE, en améliorant l' équilibre facial.

Le recul des canines est un geste thérapeutique primordial dans le traitement orthodontique car il conditionne à la fois la qualité du résultat occlusal, celle du parallélisme des axes dentaires après la fermeture des espaces d'extraction, ainsi que celle du résultat esthétique.

2 — EFFET HISTOLOGIQUE DU RECUL DE LA CANINE Tout d'abord, il convient de ne pas négliger les dangers représentés par l'utilisation de forces excessives conduisant à des phénomènes de hyalinisation, dont les conséquences sont évidemment incompatibles avec les déplacements souhaités. 2 - 1 - La résorption osseuse indirecte Consécutivement à l'application de forces importantes, on observe une phase de hyalinisation du ligament lors de laquelle aucune résorption ne se manifeste sur la lamina dura. Mais, par contre, des zones de résorption osseuse apparaissent au-delà de la corticale, à l'intérieur de l'os spongieux. Le mur osseux est miné par cette résorption indi recte (fig. 1). La lamina dura est ensuite éliminée, et, si la force est maintenue sans être augmentée, la dent se déplacera régulièrement au sein de l'os spongieux. Si une force lourde est toujours appliquée, un nouveau phénomène de hyalinisation apparaîtra.

rels, paraît la plus souhaitable. Les travaux de BARON2 ainsi que ceux de REITAN25 sont en accord avec ces conceptions. Après la phase initiale de différenciation ostéoclasique, l'intensité de la force peut être augmentée de façon progressive. L'idéal est de faire correspondre la vitesse de recul de la canine avec celle de la résorption de l'os afin d'éviter toute nouvelle compression desmodontale, génératrice de phénomènes de hyalinisation. Pour éviter l'interruption de l'activité ostéoclasique, il est conseillé d'utiliser des forces continues telles que celles qui sont engendrées par les ressorts en nickel-titane (néo-sentalloy) ou les chaînettes élastomériques.

léger Î w—lourd

2 - 2 - La résorption osseuse directe

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R appe lons que l' os es t u n t i s s u en constant remaniement et que, en théorie, selon les travaux de BARON2, on pourrait concevoir un déplacement dentaire thérapeutique, proche de son déplacement physiologique. Par opposition à la résorption indirecte, la résorption osseuse thérapeutique directe, utilisant des forces douces se rapprochant de celle des phénomènes physiologiques natu

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temps (jours) force

Figure 1 Représentation graphique du mouvement dentaire provoqué (traits continus: résorption directe traits discontinus: résorption indirecte). Dans ce type de progression, le mouvement se fait par paliers (in PROFFIT, Contemporary Orthodontics, p. 235). Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995


Le recul des canines

Ces principes sur les forces continues ne sont pas admis par STUTZMANN, PETROVIC et SCHAYE30, qui préconisent l'utilisation de forces légères et intermittentes permettant à la circulation sanguine de reprendre et de s' améliorer au moment des phases de repos. C'est le principe de l'arc sectionnel avec boucle de rétraction que l'on utilisait en Edgewise pour le recul de la canine. La boucle est ouverte de 1,5 mm et la canine recule dans les jours qui suivent l'activation. Intervient alors la phase de repos en attendant le prochain rendez-vous, quatre semaines plus tard. Lors du recul de la canine, si celle-ci rencontre une corticale alvéolaire externe, vestibulaire ou palatine, c'est-à-dire une corticale épaisse, constituée d'os dense et peu fournie en espaces médullaires, elle va se bloquer dans la corticale. Pour cette raison, en Edgewise, lors de la phase de recul de la canine maxillaire, il n'y a pas de bosse canine sur l'arc porteur, mais un " off-set" prémolaire permettant de maintenir la canine à l'intérieur des corticales. 2 - 3 - La force optimale de recul

La détermination de la force optimale de recul d'une canine est difficile à réaliser, du fait de la grande diversité des réactions individuelles, telles que : la rigidité de la substance fondamentale intercellulaire ; le degré de minéralisation et de maturation osseuses ; le comportement biologique du périodonte et de la muqueuse gingivale. PICTON (in PHILIPPE23) a observé une flexion des tables alvéolaires pour des forces supérieures à 50 g et PARFITT (in PHILIPPE23) a situé cet effet à partir de 30 g. On admet néanmoins en règle générale que l'on peut employer au cours du recul de la canine une force de 100 g pour la phase initiale, qui peut aller ensuite jusqu'à 150 g lorsque ce recul a commencé. 2 - 4 - L'apposition osseuse Sous l'effet de la traction, il se forme un os immature, la préosséine, encore appelée : Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995

l'ostéoïde, qui, à l'instar de la zone hyalinisée du ligament, n'est pas résorbable. Cette trame organique ne commence à se calcifier qu'après 10 à 15 jours et l'os n'est mature qu'à partir de 3 ou 4 semaines. Tant que l'ostéoïde n'est pas calcifié, il est inutile et même nocif de pousser la dent contre ce tissu irrésorbable, ce qui pourra entraîner des rhizalyses. Lors du recul de la canine, si l'on crée une disto-version de la canine, l'apex se déplace en direction mésiale. Si le redressement radiculaire suit de trop près la disto-version coronaire, l'apex se heurte à l'ostéoïde récemment formé ; c'est alors qu'apparaît le risque de rhizalyse. 2 - 5 - Le recul de la canine chez l'adulte

La quantité d'os trabéculaire, exprimée en pourcentage du volume osseux total diminue avec l'âge (MELSEN19) ainsi que le pourcentage d'os en voie de minéralisation. La lamina dura présente davantage de perforations et le rythme du "turn over" cellulaire diminue aussi. En outre, chez l'adulte, l'os néo-formé peut rester fibreux, c'est-à-dire quasi immature et donc irrésorbable. Néanmoins, quel que soit l'âge, un remodelage continu affecte aussi bien l'os trabéculaire que cortical. Le pourcentage d'os en voie de résorption est indépendant de l'âge, de même que les surfaces recouvertes de tissu ostéoïde. A partir de 16 à 17 ans, la vitesse de renouvellement de l'os alvéolaire pendant le déplacement dentaire diminue. Cependant, en l'absence de phénomènes inflammatoires et de parodonte atrophique, la vitesse de déplacement de la dent, jusqu'à l'âge de 50 ou 60 ans, serait selon STUTZMANN30 équivalente à celle observée chez le jeune adulte de 20 à 25 ans. Il semble, malgré cet optimisme, que les possibilités de réparation tissulaire chez l'adulte aillent en diminuant avec l' âge, que le parodonte vieillissant ne doive pas être brusqué et qu'il soit préférable d' employer des forces orthodontiques faibles et continues (FONTENELLE, MELSEN8).

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Chez l'adulte, l'attitude thérapeutique nous oriente dans de nombreux cas vers un compromis. Il faut limiter le nombre des extractions pour éviter les grands déplacements. Il s'agit en fait d'une attitude conservatrice et "parodonto-consciente ". 2 - 6 - En conclusion

A propos de l'approche histologique du recul de la canine, nous pouvons remarquer que les mécanismes de transduction

d'une action mécanique en effet biologique sont encore loin d'être éclaircis (OLIvE22). Nous en avons pour preuve l' importance des variations individuelles. D'autre part, il ne suffit pas que les forces employées soient légères, il est tout aussi important qu'elles soient bien réparties le long de la racine, afin d'éviter des pressions localement exagérées, notamment au niveau de l'apex, toujours susceptibles de provoquer des rhizalyses.

3 – LA BIOMÉCANIQUE DU RECUL DE LA CANINE Sous l'aspect histo-physiologique, nous avons établi que le mécanisme qui assure le recul des canines doit être conçu et réglé pour déplacer l'apex en même temps que la couronne. Il paraît maintenant souhaitable de préciser quels sont les éléments du système de forces nécessaire pour obtenir le mouvement souhaité. Nous présenterons ensuite les appareils qui le produiront. FONTENELLEII, disciple de BURSTONE, a clairement rapporté ces notions de mécanique. 3 - 1 - Le centre de résistance

Rappelons que BURSTONE situe ce point à la limite des 40 % apicaux de la hauteur radiculaire. Il est clair que cette évaluation de la position du centre de résistance est dépendante de la structure de l'os alvéolaire et de la hauteur radiculaire effectivement maintenue dans l'os. 3 - 2 - Moment d'une force et centre de rotation

L'importance de la rotation moment de la force.

dépend du

Prenons un exemple : si la force est de 150 g et la distance comprise entre le centre de résistance et le point d'application de la force est de 10 mm, le moment est de 1500 g/mm. Dans ce cas, le centre de rotation est confondu avec le centre de résis tance. 444

Mais il est important de noter, que si le centre de résistance est lié à la propriété d' un solide dans un milieu donné, le centre de rotation dépend directement du système de forces appliqué au solide et peut être modifié à tout moment. 3 - 3 - Le couple dans le sens mésio-distal

Un système de deux forces de même direction, de lignes d'action non confondues, de sens opposé et d'intensité égale est un couple. Si l'on applique ce couple à un solide, celui-ci ne se déplace pas, mais tourne autour de son centre de résistance (fig. 2).

x 400 g/mm 200 g

2mm

200 g

Figure 2 L'arc en place développe un couple de 400 g/mm autour du centre de résistance et non pas autour du centre d u b o î t i er (in CHATEAU t l , Bases fo n d am en t al es , cf. FONTENELLE). Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995


Le

recul des canines

Prenons à nouveau un exemple. Si l'on exerce sur une canine une traction distale de 160 g, cette action est exercée sur le boîtier, dont le centre est à une distance de 10 mm du centre de résistance. Cette force donne au centre de résistance un moment de 1600 g/mm. La largeur du boîtier est de 4 mm. Pour annuler ce moment, il faut exercer sur le verrou un couple de direction o p p o s é e e t d e m ê m e i n t e n s i t é , s o i t 1600 g/mm. On applique donc une force d'égression de 400 g à la partie distale du boîtier et d'ingression de 400 g à la partie mésiale du boîtier. La largeur du boîtier étant de 4 mm, le couple ainsi créé est de 1600 g/mm. Ce couple est de même intensité et de direction opposée au moment initialement créé par la force distalante de 160 g. Grâce à ce couple, seule persiste, appliquée au centre de résistance de la canine, cette force distalante de 160 g qui provoquera le mouvement de gression recherché. Le centre de rotation est repoussé à l'infini (fig. 3).

3 - 4 - Effet mécanique de la largeur du boîtier dans le sens mésiodistal S'il s'agit d'un boîtier monoplot d'un diamètre mésio-distal de 2 mm (au lieu d'un diamètre de 4 mm pour un boîtier siamois) la force du couple, pour compenser le moment de version de 1600 g/mm, ne doit plus être de 400 g mais de 800 g. La friction sera alors augmentée dans les mécaniques de glissement. 3 - 5 - Le couple dans le sens vestibulo-lingual Dans le sens vestibulo-lingual, le point d' application de la force distalante est situé vestibulairement par rapport au centre de résistance, et provoque une rotation axiale mésio-vestibulaire de la canine. La création d'un couple dont l'action sur le centre de résistance provoque une rotation mésio-linguale de la canine permet de maîtriser ce mouvement parasite. Le fond de la gorge du boîtier est situé à 5 mm de

0 Figure 3 La force distalante de 160 g exercée sur le boîtier crée au niveau du centre de résistance un moment de 1600 g/mm d = 10 mm). Pour annuler ce moment, qui entraînerait une version corono-distale, il faut appliquer sur le boîtier un couple de direction opposée et de même intensité. Le boîtier mesure 4 mm, on exerce 400 g d'égression à la partie distale et 400 g d'ingression à la partie mésiale du boîtier. Ce système permet d'obtenir une translation.

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l'axe central de la canine, où est localisé le centre de résistance. Une force de 160 g, exercée sur le boîtier, crée un moment de 800 g/mm (160 g x 5 mm), qui entraîne la rotation axiale mésio-vestibulaire de la canine. Afin d'annuler cet effet parasite, il faut exercer un couple au niveau du boîtier, de direction opposée et de même intensité. On applique donc sur le côté mésial du boîtier (de 4 mm) une force horizontale de rotation mésio-linguale de 200 g, et sur le côté distal F i g u r e 5 du boîtier une force de rotation disto-vesti- Maîtrise de la rotation axiale, pendant le recul par l'insbulaire de 200 g. Le couple ainsi créé est évatallation d'une chaînette élastomérique du côté lingual. lué à 800 g/mm (200 g x 4 mm) ; il annule le moment parasite de 800 g/mm créé par la force distalante. Le "toe-in" effectué sur le 3 - 6 - Effet mécanique de la largeur ressort rétracteur crée ce couple, qui permet du boîtier dans le sens vestibulod'annuler cet effet de rotation (fig. 4). lingual S'il s'agit d'un boîtier monoplot d'un diaIl est classique de coller sur la canine reculée un bouton lingual sur lequel on mètre mésio-distal de 2 mm, il faut exercer accroche une chaînette élastomérique pour une force de 400 g sur chaque côté (mésial et annuler l'effet parasite de rotation (fig. 5), ce distal) du boîtier, pour arriver à un couple de qui a comme inconvénient de solliciter l'an- 800 g/mm (400 g x 2 mm) annulant le crage. moment parasite créé par la force distalante D'autre part, la force de traction linguale de 160 g. doit être égale à la force de traction vestibulaire et la somme de ces deux forces ne doit 3 - 7 - Les forces en présence pas dépasser 150 à 160 g. Nous reviendrons sur ce point ultérieuEn conclusion et pour résumer de la rement. manière la plus claire possible : si l'on désire effectuer le recul d'une canine en gression, il faut exercer, dans le cas d'un boîtier de 4 mm, les forces et couples suivants : une force de distalisation horizontale initiale de 100 g, augmentée progressivement jusqu'à 160 g (maximum) pendant la phase de rétraction ; un couple vertical de 1600 g/mm : deux forces verticales égales et opposées de chaque côté du boîtier (mésial et distal), d'une intensité de 400 g chacune ; un couple horizontal de 800 g/mm : Figure 4 deux forces horizontales égales et oppoLa force distalante de 160 g exercée sur le boîtier crée sées de chaque côté du boîtier (mésial et aussi un moment de rotation axiale parasite: distal), d'une intensité de 200 g chacune. F (160 g) x d (5 mm) = 800 g/mm. Pour annuler ce moment et afin d'éviter la rotation axiale de la canine Nous pouvons donc constater que pendant le recul, un couple horizontal (800 g/mm), objecnous sommes en présence : tivé par une force linguale du côté mésial (200 g) et vestid'une force de recul de 160 g ; bulaire du côté distal (200 g), appliqué sur le boîtier, qui de deux forces verticales de 400 g mesure 4 mm, permet d'annuler le moment parasite et favorise un recul de la canine sans rotation.

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chacune, égales et opposées, appliquées dans l'angle mésial et dans l'angle distal du boîtier ; - de deux forces horizontales de 200 g chacune, égales et opposées, appuyant au

fond de la gorge du côté mésial du boîtier et sur la ligature, du côté distal. Il convient d'augmenter largement ces deux dernières forces si l'on veut conserver le même contrôle avec un boîtier monoplot.

4 - RÉTRACTEUR DE CANINE OU MÉCANIQUE DE GLISSEMENT ?

4 - 1 - Rétracteur de canine Nous pouvons remarquer les énormes frictions engendrées par une mécanique de glissement. Les techniques segmentées de BURSTONE ou bioprogressives (CANAL6) ne présentent pas cet inconvénient. Le même ressort (réfracteur de canine en film T.M.A. avec boucle en " T " .017" x .025") présente un faible taux charge/flexion et assure une force douce et progressive. Le tip forward et le toe-in prescrits sur la partie antérieure de l' arc sectionnel créent des couples qui permettent le recul en gression.

4 - 2 - La mécanique de glissement En même temps que se développent les techniques " d'arcs droits ", les mécaniques de glissement sont plus couramment utilisées. Ces mécaniques de recul sur arc continu engendrent des forces de frottement ou friction qui gênent le mouvement dentaire et obligent à utiliser des forces plus lourdes pour vaincre ces frictions. Les effets de friction sont aggravés en cas de : - version corono-distale de la canine pendant la rétraction ; - rotation axiale mésio-vestibulaire ; - torque actif pendant la rétraction. A l'origine, ces forces de friction sont provoquées par : - l'état de surface microscopique et la qualité du polissage des surfaces en présence; - le type de boîtier; - la forme de l'arc ; - les ligatures ; - les nouveaux boîtiers, sans ligatures.

Les propriétés des alliages à base de titane, la superélasticité et la mémoire de forme permettent de déployer des forces physiologiques, mais, dans ce système, le rapport force/moment doit rester constant. Si la conception de la boucle est telle que le moment diminue plus vite que la force, un mouvement de version distale apparaît. Si la force diminue plus vite que le moment, l'apex recule plus que la couronne en fin de période d'activation. Les réactivations provoqueront une alternance de zones de pressions excessives par des forces mal contrô4 - 2 - 1 - L'état de surface microscopique lées (BÉRY, CANAL5). et la qualité du polissage des Parmi les inconvénients de cette méthode surfaces en présence de recul, nous pouvons parfois remarquer Les fils en acier offrent le minimum de que la distalisation de la canine est parfois friction. Les fils en alliage nickel-titane et, perturbée par les dents antagonistes car les plus encore en bêta-titanium (T.M.A.) sont arcades dentaires ne sont pas nivelées. moins favorables. Pour DRESHER9, la force Ces réfracteurs encombrants de canines de frottement absorbe la moitié de la force provoquent parfois une gêne ou une irrita- appliquée si le fil est en acier, et les 5/6 pour tion des muqueuses et subissent les effets un fil en T.M.A. Cependant, le nouveau des stress occlusaux avec risque de perte du T.M.A. "basse friction" diminue ces effets contrôle transversal de l'arcade. Le patient de friction pour se placer au niveau de l'acier. doit être très soigneux. Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995

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4 - 2 - 2 - Le type de boîtier Le type de boîtier, la dimension de la gorge du boîtier par rapport à l'arc, la forme du boîtier, le matériau constituant le boîtier, interviennent dans la friction. Le meilleur glissement est assuré par un verrou en acier. La céramique, selon TANNE31, augmente le frottement de 30 à 50 %. 4 - 2 - 3 - La forme de l'arc Certaines formes d'arc aux bords arrondis facilitent le glissement. Le verrou "Speed" ( BERGER4) utilisé avec un arc " Speed" dont l' une des arêtes décrit un arc de cercle faciclite le glissement. Le fil " D ", carré à l'intérieur et rond à l'extérieur (en forme de "D "), évite les frictions avec les ligatures observées sur les arêtes des fils rectangulaires classiques (fig. 6).

Selon BEDNAR3, les ligatures en acier légèrement serrées, créent moins de friction que les ligatures élastomériques. FRANKI2 a montré que la friction augmente nettement lorsque l'on serre fortement les ligatures métalliques. Lorsque l'on augmente la tension de la ligature, on augmente la pression du fil sur l'attache. Selon RILEY26, la friction engendrée par les ligatures en acier est supérieure à celle des "AlastiK" qui ont "vieilli" en bouche. Pour cette raison, nous préconisons la pose de la force motrice de rétraction des incisives (chaînettes ou ressorts) au deuxième rendezvous du patient, suivant la pose de l'arc de rétraction. L'arc est, alors, passif dans les boîtiers. Le recul de la canine est commencé, aussi, au deuxième rendez-vous suivant la pose de l'arc (.019" x 0.25" - boîtiers : .022" x .028"), l'arc est passif, une ligature métallique normalement serrée maintient la canine sur l'arc.

Le diamètre du fil n'influence pas directement le degré de friction mais si le fil est trop sous-dimensionné par rapport à la gorge du boîtier, la version corono-distale de la canine s'aggrave et cette version accentue 4 - 2 - 5 - Les nouveaux boîtiers, sans ligatures secondairement la friction. I1 existe aussi des boîtiers "autobloquants" dont le maintien des arcs dans leur gorge est assuré par une petite languette que l'on bloque et qui serre le fil dans la gorge. Pour BEDNAR3, la friction engendrée par ce type d'attache est supérieure ou égale à celle des ligatures élastomériques.

Figure 6 Vue mésiale du "Speed Bracket" avec torque actif Remarquer aussi l'arc "Speed " dont la section est en forme de "D " (d'après BERGER4).

4 - 2 - 4 - Les ligatures Le diamètre des ligatures élastomériques intervient. La section des ligatures métalliques serrées ou non intervient aussi. Nous utilisons des ligatures métalliques .010" qui sont plus souples que des .012" et semblent engendrer moins de frictions. 448

Le " Speed bracket" décrit par BERGER4 est un boîtier qui présente une ailette métallique souple qui introduit progressivement l'arc dans la gorge du verrou afin d'obtenir un mouvement de torque progressif et continu pendant le recul canin (fig. 6). 4 - 2 - 6 - En conclusion

On serait tenté de penser qu'une ligature métallique parfaitement serrée à la pince de COON est un obstacle important au glissement, mais si elle est tendue normalement, le glissement sera meilleur et plus constant qu'avec une ligature élastomérique, qui se détend en "vieillissant ". La salive jouerait un rôle de lubrifiant dont le principal bénéficiaire serait le T.M.A.

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recul des canines

4 - 3 - Le rôle de la potence solidaire du boîtier de la canine Afin de diminuer le moment de la force distalante, il est plus intéressant de rapprocher le point d'application de la force du cen tre de résistance. Tel est le rôle de la potence intégrée dans le boîtier. En fait, la hauteur de cette potence rapproche peu (2 à 3 mm) du centre de résis tance de la canine mais présente l' avantage de limiter la friction car la chaînette élastomérique n'est pas en contact avec l'arc orthodontique sur lequel "glisse" la canine, ligaturée sur l'arc par une ligature métallique. Selon les fabricants, cette potence se situe à des niveaux différents sur le boîtier (fg. 7). Si cette potence est solidaire de la base du boîtier, on peut considérer qu'elle ne s' éloigne pas trop du centre de résistance dans le sens vestibulo-lingual (dans un plan horizontal) et que ce que l'on va gagner en version ne sera pas perdu en rotation. Mais, dans ce type de boîtier, la potence peut être à la limite de la compression gingivale si les gencives marginale et attachée sont épaisses ou légèrement hyperplasiques. Lorsque la potence est solidaire du plot distal du boîtier, sachant que la face vestibulaire de la couronne de la canine présente une inclinaison gingivo-occlusale de dehors en dedans, la potence risque d'être déportée vestibulairement à distance du centre de

Figure 7 Conceptions différentes de potences de recul de canine : - potence solidaire de la base du boîtier maxillaire; - potence solidaire de l'ailette distale du boîtier mandibulaire.

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résistance. Ceci peut alors d'une part, pro duire une rotation axiale de la canine et d'autre part, créer une agression mécanique pour les lèvres. 4 - 4 - Les dimensions et le dessin du boîtier

Une dimension mésio-distale du boîtier, adaptée à la situation, permet de mieux contrôler les forces de friction, dont le calcul a été présenté au § 3-7. Pour une meilleure compréhension de ces phénomènes de friction, il est nécessaire de dissocier deux actions : - le recul canin : c'est la dent qui glisse sur l' arc, dans ce cas, et il vaut mieux avoir un boîtier large qui évite des couples de rappel importants ; - le recul incisif : c'est l'arc qui glisse dans les boîtiers des dents qui sont déjà alignées au niveau des secteurs latéraux (canines, prémolaires, molaires). Dans ce cas, des boîtiers larges augmentent les forces de frottement par l'importance des surfaces en contact. Il est alors préférable d'avoir des boîtiers de dimensions restreintes qui permettent un meilleur coulissement de l'arc orthodontique. Le dessin du boîtier "mini-uni-twin", présenté par CREEKMORE7 (fig 8), aurait l' avantage d'un boîtier monoplot si l'on considère l'importance de l'espace compris entre les boîtiers et la qualité du contrôle

Figures 8 Boîtier " min i-uni-twin " de CR E E KMO RE, c o m mercialisé par UNI TEK. Il présente les avantages d' un monoplot, pour la friction, et certains avantages d'un biplot, notamment, pour le contrôle des rotations parasites.

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anti-rotation d'un verrou siamois, grâce au passage de la ligature, qui est décalé latéralement. Dans le sens mésio-distal, la surface de glissement est réduite, les forces de friction sont les mêmes que celles d'un boîtier monoplot. La conception arrondie des angles du boîtier facilite aussi le glissement. Depuis quelques années, de nombreux boîtiers ont été modifiés pour diminuer la surface de la gorge en contact avec le fil. Nous pouvons citer le boîtier " Advantage " de TP, le "Shoulder Bracket" de GAC et plus récemment, le " Synergie " de RMO. Ce dernier boîtier présente des zones de dégagement latérales courbes et la surface de friction est réduite à six lignes de contact. En outre, ce verrou présente trois positions possibles de fixation des ligatures et permet au praticien, selon la séquence thérapeutique, de choisir sélectivement la position des ligatures présentant le moins de friction (fixation centrale) ou bien le meilleur contrôle des rotations (fixations latérales). Le " FF Bracket ", dessiné et expérimenté par KUROE et al.15, crée des frictions nettement inférieures à celles enregistrées avec un boîtier conventionnel. Le dessin de ce verrou permet à la ligature de ne jamais être en contact direct avec l'arc orthodontique, qui coulisse librement dans la gorge du boîtier (fig. 9). La force de friction est le produit de la multiplication de la pression verticale ( P) exercée par la ligature sur l'arc orthodontique par le coefficient de friction (u). P est la force exercée par la ligature métallique ou élastomérique qui comprime l'arc orthodontique dans la gorge du boîtier. Le " Friction Free bracket ", par sa conception, élimine cet effet de pression Pcar ses ailettes sont très étroites et la gorge est profonde.

Le coefficient de friction est influencé par le rapport : section de l'arc employé sur la dimension de la gorge du boîtier, par la " rugosité "ou le "poli " des deux surfaces en contact (Ni-Ti ou Ni-Cr), et par la taille du

boîtier.

4 - 5 - Conclusions La prépondérance des techniques de "fil droit" sur les autres techniques donne aux diffa -f' riel orthodontici, . de trouver de nouvelles solutions aux pertes d'énergie par friction lors des mécaniques de glissement. Le but essentiel recherché n'est pas d'aller encore plus vite dans nos traitements mais d'utiliser des forces dites " physiologiques ", légères, qui respectent l' environnement tissulaire, qui permettent d'agir plus facilement et avec moins de risques chez l'adulte, lequel a souvent un parodonte plus faible et des capacités de cicatrisation plus limitées que le jeune. Ces forces "légères" nous permettent de mieux sauvegarder l'ancrage, et favorisent globalement un meilleur contrôle, pour améliorer la qualité de nos résultats.

B Figure 9 Différence de ligatures entre le "Friction Free bracket" (A) où l'arc orthodontique n'est pas en contact avec la ligature et un boîtier d'Edgewise classique (B) (d'après KUROE et al.15).

5 – LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DU RECUL DE LA CANINE 5 - 1 - L'ancrage et son contrôle "A toute action correspond une réaction égale et opposée ". Ce principe de NEWTON

pie sont de maximiser les mouvements dentaires souhaités et de minimiser les effets parasites.

est sans cesse évident en orthodontie. Ainsi, Toute perte d'ancrage limite les objectifs, les effets réciproques des forces installées diminue la qualité thérapeutique et peut doivent être finement analysés, évalués et conduire à l'échec. contrôlés. Les objectifs de la mécanothéra 450

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Le recul des canines

5 - 1 - 1 - La force motrice

Dans les systèmes de rétraction par friction, la "force motrice" est variable. Citons parmi les dispositifs existants : un ressort en compression de canine à canine, installé sur un arc rectangulaire alors que les incisives ne sont pas baguées ; un ressort de PLETCHER, en néo-sentaboy, accroché d'un côté sur la molaire et de l' autre sur la potence de la canine. Ce ressort délivre une force légère et continue. Il présente le gros inconvénient d'être volumineux, irritant pour les muqueuses et crée une rétention de la plaque dentaire ; des barrettes en "J" : ces barrettes sont apparues dans les années 70 avec l'avènement des forces directionnelles utilisées par MERRIFIELD 2 °, et sont directement appliquées sur les canines, permettant le recul de ces dents sans solliciter l'ancrage, tout en contrôlant le plan occlusal; la rotation des canines doit cependant être asssurée par une chaînette élastomérique linguale tendue entre molaire et canine (fig. 10) ; la traction extra-orale : le maintien de l' ancrage molaire est assuré par une traction extra-orale (force extra-orale avec système de sécurité), couplée à un arc facial, alors que la traction de la canine est assurée par une chaînette d'"AlastiK", tendue entre molaire et canine ; un arc transpalatin renforce l'ancrage ; la chaînette élastomérique : elle n'a pas un comportement élastique et biomécanique idéal puisque nous pouvons noter d'une

part un certain vieillissement, lié à une dégradation des propriétés physiques et chimiques, qui se produit dans la salive, et d'autre part une relaxation de ce matériau qui entraîne une diminution de la force pour un allongement constant. Une chaînette longue peut rester active plus longtemps et peut être réglée, dans l'intensité de sa traction, de façon plus précise qu'une chaînette courte. En milieu aqueux, un élastomère peut absorber de l'eau et subir un gonflement ; cependant, MONTANDREAU 21 a montré que, in vitro, après 27 jours d'utilisation, la force élastique résiduelle est égale à 75 % de la force élastique initiale. - La pression sur le ligament périodontal Toute force appliquée sur une dent correspond à une pression biologique effective sur l'ensemble du ligament périodontal. Si une simple force (sans couple) est exercée en un point de la couronne d'une dent, elle produit un mouvement de rotation autour du centre de résistance avec deux zones de pressions intenses et opposées, au niveau apical d'une part et au niveau de la crête alvéolaire d'autre part, alors que la pression diminue jusqu'à zéro au fur et à mesure que l'on s'approche du centre de résistance. Il est clair que si l'on veut créer ce type de mouvement, la force doit être très légère et de l'ordre de 75 g car la pression transmise sur le ligament est très forte puisqu'elle est répartie sur une faible surface au niveau apical (fig. 11). zone de compression

diagramme de pression

Figure 10 Forces directionnelles appliquées directement sur les canines maxillaires et mandibulaires par l'intermédiaire de crochets "J ".

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centre de résistance

<= force

Figure 11 L'application d'une simple force de 75 g sur la couronne entraîne une très lourde pression au niveau de l'apex et au niveau de la crête alvéolaire sur le côté opposé. La pression décroît jusqu'à atteindre zéro au niveau du centre de résistance. Le diagramme des pressions est ici représenté par deux triangles (in PROFFIT : Contemporary Orthodontics, p. 235).

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S'il s'agit de reculer une canine en gression, rappelons que nous exerçons au niveau du boîtier une force distalante d'une part et un couple d'autre part. Ce système de forces permet d'effectuer une pression sur toute la surface de la racine par l'intermédiaire du ligament. La force exercée dans ce cas est de 100 à 150 g (fig. 12). On remarque donc qu'il est important de maîtriser non seulement l'amplitude de la force employée, mais encore la façon dont elle est répartie.

- La force optimale

Une force faible peut provoquer le déplacement d'une dent ; le mouvement dentaire est proportionnel à l'amplitude de la force distalante. L'amplitude de cette force peut augmenter jusqu'à un certain point qui correspond à la force minimale pour une amplitude de déplacement maximale. Si l'on augmente cette force, le déplacement dentaire non seulement, ne sera pas plus important, mais encore, la pression sur le ligament, sur l'os alvéolaire et sur la racine risque d'être excessive et peut provoquer une perte de l' ancrage, qui est plus largement sollicité. Audelà de ce large plateau où le mouvement dentaire reste le même malgré l'amplitude croissante de la force, nous finissons par atteindre une zone où le mouvement zone de compression

Il s'agit d'une situation théorique, décrite par ces auteurs et que personnellement, nous n'avons jamais rencontrée en clinique. En revanche, si la force employée est supérieure à sa valeur optimale, nous provoquons une distalisation de la "résistance mobile" mais nous remarquons aussi un mouvement indésirable de mésialisation de la "résistance stabile ". 5 - 1 - 2 - La résistance stabile

Sur le plan conceptuel, "la valeur d'ancrage " d'une dent correspond à sa résistance au mouvement. Cette résistance est proportionnelle à la surface de la racine, ce qui correspond à la " surface " de ligament parodon tal qui sera sollicitée par la traction. C'est la pression appliquée par unité de surface qui commande la nature du déplacement de la dent. FREEMAN13 a établi une moyenne des surfaces radiculaires en millimètres carrés.

force optimale

diagramme de pression

pression

Figure 12 Le mouvement en gression, provoqué par une force + un couple appliqués au niveau du boîtier, provoque une pression uniforme sur toute la hauteur de la racine et du ligament périodontal. Une force de 150 g associée à un couple, entraîne la même compression desmodontale qu' une force de 75 g (fig. 11) dans un mouvement de version. Dans ce mouvement en gression, le diagramme des pressions est rectangulaire (in P R O F F I T : Contemporary Orthodontics, p. 235).

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dentaire décroît alors que la pression devient intolérable et traumatique pour les tissus environnants (fig. 13). Dans cette situation, où la force employée est très élevée, le principe de la force dif férentielle, d'après STOREY et SMITH29, nous situe dans l'extrémité droite du plateau où la " résistance stabile " est mésialée alors que la "résistance mobile" devient l'ancrage !

Figure 13 La force optimale de déplacement provoque la meilleure amplitude de mouvement avec la plus faible pression, qui se situejuste au début du palier. Ensuite, malgré une augmentation de la pression, l'amplitude du mouvement n'augmente pas. A l'extrémité droite de la courbe, nous remarquons que si la pression devient excessive, l'amplitude du mouvement diminue réellement (in PROFFIT: Contemporary Orthodontics, p. 260).

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Le recul des canines

en partant de cette notion, a attribué des valeurs guides d'ancrage pour chaque dent. La surface moyenne d'une canine maxillaire est de 282 mm2 , la surface moyenne d'une canine mandibulaire est de 270 mm2. Il s'agit de moyennes statistiques ; en effet, H1xoN et CLARK 14 ont établi que sur un échantillon de 18 canines, leur surface radiculaire varie de 190 mm2 à 345 mm2. La même force de 150 g entraînera une pression par millimètre carré qui peut varier quasiment du simple ou double selon la surface radiculaire. Pour FREEMAN 13 la surface radiculaire d'une première molaire est d'environ 500 mm2. Cette surface, pour une seconde molaire est de 450 mm2, et pour une prémolaire, de 250 mm2. Nous pouvons constater que " l'ancrage passif" offert par ces trois unités dentaires présente une surface d'environ 1200 mm2 contre 280 mm2 pour une canine. Si ces trois unités dentaires postérieures sont utilisées lors du recul canin, nous pouvons remarquer que cet "ancrage passif" offre une résistance stabile fiable. Si la force est bien dosée (150 g), l'emploi supplémentaire d'une force extra-orale répondrait plus à l'inquiétude du praticien face à la perte d'ancrage qu'au besoin de la mécanique de recul de la canine. JARABAK,

5-

1 - 3 - La préparation de l'ancrage

Nous avons vu qu'un mouvement dentaire en gression nécessite une force deux fois plus importante qu'un mouvement dentaire en version. Ceci revient à dire qu'une dent résiste mieux à sa mésialisation si la zone de compression radiculaire, pendant la traction, est uniformément répartie de l'apex au rebord alvéolaire. Le recul d'une canine en gression exige donc une "résistance stabile" bien préparée pour éviter tout mouvement parasite. Pour cette raison, avant de commencer la traction de la canine, il est courant de niveler l'arcade par le passage successif d'arcs à mémoire de forme, de sections grandissantes jusqu'à atteindre un arc en acier de section .019" x .025" (boîtiers .022" x .028"). On sait que la traction sur la molaire a tendance a créer une mésio-version coronaire de cette dent ; de ce fait il est indispensable de provoRev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995

quer préalablement Fe redressement des molaires. Pour favoriser le maintien de l'ancrage, si les boîtiers ne sont pas préangulés, il est d'usage d'installer sur l'arc une courbure distale (tip back) de 10° qui permettra une version coronodistale de la dernière ô molaire baguée. }

c

0 A la séance suivante, nous pourrons ins. o taller la "force motrice" qui permettra de `v commencer le recul de la canine. 0 Les techniques de fil droit sur lesquelles o â, on peut aussi noter une préangulation au 0 cx niveau des premières molaires permettent d d'obtenir un redressement simultané des secondes et premières molaires d'ancrage 5 û (- 10° sur 37 - 47 et - 6° sur 36 - 46). c En Edgewise conventionnel, seul un "ti Û back"ausurmoment la seconde molaire peutLe être in tallé du recul canin. mouvement de version corono-distale (préparation d'ancrage) des premières molaires ne sera effectué qu'après le recul des incisives.

5 - 2 - La gestion de l' espace d'extraction La décision d'extraire est consécutive à l' analyse de quatre facteurs : un espace nécessaire (E.N.) plus important que l'espace disponible (E.D.) ; le potentiel de croissance mandibulaire ; la stratégie de correction de la Classe II qui entraîne une réorganisation des unités dentaires entre les arcades en vue de l'obtention d'une Classe I d'ANGLE ; l'amélioration esthétique faciale par la co rrect i o n d es co m p en s at i o n s d e n t o alvéolaires. Chaque cas entraîne une stratégie particulière et individualisée de la gestion de l' espace des extractions de prémolaires. - Premier exemple Si l'encombrement de la zone antérieure de l'arcade mandibulaire ne peut être absorbé par: un repositionnement vestibulaire des incisives ; 453


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- une idéalisation de la forme d'arcade qui permet un gain de place si cette forme est initialement pathologique et rétrécie ; - un meulage amélaire interproximal adapté : seule reste la solution de l'extraction. Dans ce cas, où il n'y a pas de repositionnement des incisives mandibulaires, si le déficit de ED - EN = - 7 mm, chaque canine doit être reculée de 3,5 mm ; les secteurs postérieurs de l'arcade seront avancés de l' espace résiduel, soit : 4,5 mm, si l'extraction d'une prémolaire libère 8 mm, par côté. - Deuxième exemple Le déficit de la zone antérieure d'arcade se répartit de la façon suivante : ED - EN = - 7 mm. Le repositionnement des incisives mandibulaires consomme 9 mm (mesure évaluée selon l'indice de MERRIFIELD). En périmètre d'arcade, nous avons un déficit antérieur total de 16 mm. Dans ce cas, chaque canine sera reculée de 8 mm ; dans cette situation, les secteurs postérieurs ne doivent pas être mésialés, l' ancrage est maximal. - Troisième exemple Le déficit de la zone antérieure d'arcade est : ED - EN = - 6 mm. Le repositionnement des incisives mandibulaires consomme 8 mm. La Classe II molaire est évaluée à - 5 mm par côté. Trois solutions sont alors possibles : - Première solution L'encombrement initial et le repositionnement de l'incisive mandibulaire sont intégralement corrigés : la canine mandibulaire est reculée de 7 mm, la molaire est avancée de 1 mm. La Classe II résiduelle est de 4 mm par côté. Nous pouvons faire un recul en masse de 2 mm par côté, grâce à la mécanique de Classe II et il reste encore 2 mm de Classe II molaire que l'on peut encore corriger par un recul maxillaire séquentiel et surtout, grâce au potentiel de croissance mandibulaire. Cette première solution (très optimiste) de gestion de cet espace d'extraction par 454

recul des canines mandibulaires de 7 mm s' adresse à des patients très sérieux et coopérants et à une croissance mandibulaire qui accepte de répondre à nos sollicitations thérapeutiques. - Deuxième solution Chaque canine mandibulaire est reculée de 5 mm (au lieu de 7 mm idéalement) c'està-dire que l'encombrement est corrigé (- 6 mm en périmètre, soit - 3 mm en longueur d'arcade) mais que le redressement de l'incisive inférieure est limité à - 2 mm en longueur d'arcade ce qui entraîne une correction de - 4 mm en périmètre d'arcade au lieu de 8 mm idéalement espérés. Un compromis est décidé sur le repositionnement de l'incisive inférieure et chaque molaire sera avancée de 3 mm. La Classe II résiduelle après fermeture des espaces d'extractions est cette fois de 2 mm. Une mécanique orthodontique bien supportée peut arriver à corriger cette Classe II. Le recul en masse maxillaire associé à la croissance mandibulaire permet cette correction. - Troisième solution

L'expérience nous a appris qu'il est parfois difficile, dès le départ, d'établir de façon rigide une stratégie de recul des canines. En effet, si l'on considère que l'objectif thérapeutique essentiel est l'obtention d'une Classe I d'ANGLE, la prudence nous conduit à cette troisième solution. Le recul minimal de la canine mandibulaire correspond à la correction de l'encombrement, soit : 3 mm. Ensuite, l'espace d'extraction résiduel ( 5 mm) est maintenu par un ressort fermé pendant le recul de la canine maxillaire. Si la Classe II molaire initiale, de 5 mm, se répercute intégralement au niveau des canines, la canine maxillaire, pour se retrouver en Classe I, est reculée de 5 mm (valeur de la Classe II initiale) + 3 mm (valeur du recul de la canine mandibulaire) soit : 8 mm. A l'arcade maxillaire, l'intégralité de l'espace de la prémolaire est consommée, le patient est en Classe I canine. A ce moment, seulement, on peut décider de poursuivre le recul de la canine mandibuRev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995


Le recul des canines

laire, qui implique une bonne coopération et un bon potentiel de croissance mandibulaire. Dans ces conditions, la canine mandibulaire est reculée de 2 mm supplémentaires (ce qui fait au total: 5 mm de recul). La mésialisation contrôlée de 3 mm de la molaire mandibulaire permet de finir de fermer l'espace d'extraction. Ensuite nous pouvons effectuer un recul en masse de 2 mm au niveau de l'arcade maxillaire. L'incisive mandibulaire a donc été reculée de 2 mm (soit une correction de 4 mm en périmètre d'arcade au lieu des 8 mm évalués dans le diagnostic). Maintenant, si dès le début du traitement par l'intermédiaire d'une traction extra -orale nous avons commencé le recul molaire, l'intensité de la Classe II sera réduite, grâce à l'effet dento-alvéolaire et squelettique du dispositif extra-oral. Ainsi, le repositionnement des incisives mandibulaires sera optimisé après un recul canin plus important. Il nous faut d'autre part ajouter que la correction de la Classe II est facilitée par le déverrouillage occlusal effectué lors du nivellement des arcades, qui permet la correction de la supraclusion incisive. Cet objectif est prioritaire dans la stratégie thérapeutique initiale. La règle est de rechercher la correction de la Classe II molaire dès le début du traitement (force extra-orale sur 16 et 26) et de ne commencer la rétraction des canines qu'en fil de section .019" x .025", car, à ce stade, la moitié au moins de la supraclusion initiale

est corrigée, la gression distale des canines maxillaires vers la Classe I est alors facilitée. En cas de forte supraclusion, la canine maxillaire se " coince " contre le boîtier de la canine mandibulaire. Pour contourner ce problème, certains auteurs préconisent la mise en place concomitante pendant cette phase thérapeutique d'un plan de suréléva tion rétro-incisif (bite plane). Nous considérons ce moyen thérapeutique comme intéressant, et nous le comparons aux effets du plan de surélévation des boîtiers ORMCO de la génération 7, utilisés en technique linguale, qui permettent des résultats rapides de la correction de la supraclusion incisive. Il faut cependant signaler que nous risquons toujours l'égression molaire et une augmentation de la divergence faciale avec ce type de plan de surélévation dont l'indication doit être bien ciblée et limitée dans le temps. 5 - 3 - Conclusions Il est indispensable d'individualiser le recul de la canine pour chaque patient au-delà du calcul de la dysharmonie dentomaxillaire en tenant compte de la sévérité de la Classe II initiale, de la valeur de l' ancrage, de la densité osseuse, du potentiel et de la direction de croissance mandibulaire du jeune patient, et de sa coopération. Dans tous les cas, l'objectif de récupération d'une Classe I d'ANGLE est prioritaire.

- RECUL DE LA CANINE ET TOLÉRANCE PARODONTALE Le recul de la canine après extraction de la première prémolaire est l'un des plus grands déplacements que l'on ait à effectuer. Si les corticales vestibulaires et linguales sont éloignées, ce mouvement ne posera pas de problème particulier. Cependant, lors du recul de la canine, nous induisons un véritable remaniement parodontal dont il faut être conscient et la fermeture d'un espace d'extraction implique Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995

une attitude thérapeutique différente selon le patient traité, selon son âge, selon sa typologie parodontale, ou selon les lésions rencontrées. Les défauts d'architecture parodontale sont des facteurs prédisposant à des lésions parodontales ultérieures. Le parodonte peut être évalué par : - l'épaisseur et la hauteur de la gencive attachée ; 455


J.-J. AKNIN - l'épaisseur,

os alvéolaire.

la hauteur et la structure de l'

6 - 1 - La dysharmonie dento-parodontale Un indice de dysharmonie dentoparodontale a été envisagé et met en rapport de fraction le diamètre vestibulo-lingual cervical de la dent considérée sur le diamètre vestibulo-lingual parodontal dont le repère est situé au milieu de la gencive kératinisée. En cas de parodonte fin, l'apparition de parodontolyses à type de fissure (de STILLMAN) et de dénudation radiculaire est une éventualité qui se confirme souvent. La thérapeutique orthodontique dans ces situations doit être tout à fait adaptée et le terrain doit être préparé sur le plan parodontal. Lorsque la hauteur de gencive attachée est inférieure à 1 mm, l'os vestibulaire est fin et laisse apparaître les surfaces radiculaires ; il est nécessaire d'effectuer une thérapeutique chirurgicale préventive afin de créer ou de renforcer le parodonte superficiel profond. On peut utiliser des techniques de lambeau d'épaisseur partielle déplacé latéralement ou une greffe gingivale. 6 - 2 - Les fissures gingivales L'avulsion de prémolaires dans le cadre du traitement orthodontique est parfois à l' origine de fissures gingivales. Ces fissures sont dues soit à la confrontation des tissus gingivaux lors de la traction trop brutale de la canine, soit à l'effraction du rempart osseux alvéolaire lors de l'extraction. L'architecture gingivale négative ainsi établie provoquera la réouverture d'un diastème entre canine et prémolaire à la fin du traitement orthodontique. Afin d'éviter cette récidive, DURAND et PERDRIX10 préconisent l'élimination du pont fibreux existant entre la canine et la prémolaire 15 jours à 3 semaines avant la fermeture définitive de l' espace. DANAN8, afin d'améliorer les résultats, préconise, lors de l'avulsion de la prémolaire d'effectuer un déplacement apical d'un lambeau d'épaisseur partielle afin de mettre à nu le périoste. Cette technique éviterait au mieux la confrontation des tissus gingivaux. 456

Pour ROBERTSON 27 , cette invagination, qui apparaît en arrière de la canine distalée, est constatée dans 35 % des cas. 6 - 3 - Le triangle rouge Au niveau de la crête gingivale et du côté de la face mésiale de la canine reculée, on peut noter fréquemment une zone triangu laire rouge (red patch), qui apparaît très fine et peu ou pas kératinisée, déprimée ou plus plate par rapport à la surface de la gencive kératinisée. MAC COLLUM17 estime que cet aspect est en rapport avec un étirement excessif des tissus gingivaux. La gencive ne suit pas exactement la dent, " elle reste derrière " et ne s'adapte pas immédiatement comme le fait l'os à sa nouvelle position. Cettte dépression triangulaire rouge, disparaît spontanément, au bout de deux mois. 6 - 4 - La dysharmonie dento-dentaire iatrogène Dans les malocclusions de Classe II, division 1, d'ANGLE, le choix des extractions porte bien souvent sur les premières prémolaires maxillaires et sur les secondes prémolaires mandibulaires. Si le volume dentaire évacué à l'arcade maxillaire ne correspond pas au volume dentaire évacué à l'arcade mandibulaire, n o u s créo n s u n e d y s h arm o n i e d e n t o dentaire qui provient de notre choix d'extraction. Nous pouvons parfois remarquer, une "petite " seconde prémolaire au contact d'une "grosse" canine avec des hauteurs de collet très variables et un diastème en distal de la canine, impossible à fermer de façon stable. Si nous examinons de plus près la morphologie des prémolaires (LAUTROU16), nous remarquons que le choix des extractions ne doit pas seulement être en rapport avec la stratégie thérapeutique, mais encore qu'il doit tenir compte de cette morphologie dentaire, synonyme de fonction et d'esthétique. Les premières prémolaires supérieures ont des cuspides plus aiguës que les secon des ; leurs cuspides vestibulaires peuvent aider les canines dans leur fonction. Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995


Le recul des canines

La première prémolaire supérieure est très asymétrique et s'adapte parfaitement à sa voisine mésiale, la canine, et à sa voisine distale, la seconde prémolaire. Celle-ci a des cuspides émoussées, globuleuses et convexes. Elle a un rôle broyeur qui assiste les molaires dans leur fonction. Par rapport à la première prémolaire, la divergence des contours mésial et distal est moins importante à partir du collet, les points de contact sont moins proéminents du côté mésial comme du côté distal. La première prémolaire inférieure est caniniforme. Sa cuspide linguale est abaissée par rapport à la cuspide vestibulaire et peut même parfois être confondue avec un cingulum de canine hypertrophié. La seconde prémolaire inférieure, très différente de la première, présente un degré

de " molarisation " intense. Elle est souvent dotée de deux cuspides linguales. Le caractère essentiel de l'agencement des arcades dentaires s'exprime par la continuité des structures et par leur organisation. Le plus souvent, les faces proximales adjacentes de deux dents voisines sont l'image l' une de l'autre dans un miroir. La continuité des formes cuspidiennes idéalise l'harmonisation entre les arcades. Les extractions de prémolaires sont parfois à l'origine de ces ruptures de symétries des formes d'arcades. Nous notons, alors, les répercussions sur l'esthétique du sourire et sur la dynamique occlusale qu'il faut parfois rééquilibrer. L'apparition de dysharmonie dento-dentaire peut aussi entraîner des réouvertures limitées des espaces d'extractions qui frustrent les praticiens perfectionnistes.

7 – CONCLUSION GÉNÉRALE

La canine est une pièce maîtresse de l' occlusion statique et dynamique, son recul pour la positionner en Classe I d'ANGLE est un objectif thérapeutique primordial. L'observation courante montre que cette dent et son support osseux la rendent particulièrement apte à supporter les efforts occlusaux. La "protection canine" se présente comme un processus clinique qui entraîne moins de contacts en fonction que pendant une "fonction de groupe". SCAIFE et HOLT28 avaient remarqué que les individus en protection canine présentent moins de surfaces d'abrasion que les individus en "fonction de groupe". Chez les sujets qui sont en "fonction de groupe ", la canine, n'est pas la seule à assurer la désocclusion latérale. Une ou plusieurs dents, immédiatement distales, prennent le relais. Dans une population de sujets jeunes en dessous de 25 ans, SCAIFE et HoLT2' trouvent 57% de "protection canine" bila-

Rev Orthop Dento Faciale 29: 441-458, 1995

térale. Si, l'on examine des sujets de plus de 40 ans, on observe une majorité de cas de désocclusion en "fonction de groupe ". Ceci nous laisse supposer que l'on assiste à une transformation progressive de la " protection canine" en "fonction de groupe". Lorsque l'orthodontiste réorganise l'espace et l'architecture occlusale de son patient, la mise en place d'une " protection canine" se présente comme un processus clinique rationnel et habituel. Ensuite, selon le jeu occlusal du patient et selon ses propres données physiologiques et morphologiques, une courbe de SPEE s' installe, et une protection de groupe peut ensuite prendre le relais. Le recul et le repositionnement de la canine à l'intérieur et entre les arcades conditionne l'équilibre occlusal et la stabilité du traitement orthodontique. On peut donc considérer qu'il s'agit d'une phase thérapeutique, essentielle, dont la stratégie importe autant que la mécanique.

457


Evaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

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Marie-Pierre DOASSANS

RÉSUMÉ L'étroite collaboration entre le parodontiste et l'orthodontiste permet aujourd'hui une meilleure évaluation et un meilleur traitement des problèmes parodontaux qui peuvent survenir lors du déplacement orthodontique d'une canine. Un environnement de gencive kératinisée et attachée protège le parodonte profond de la canine et facilite le travail de l'orthodontiste. Il est donc essentiel de connaître l'anatomie du parodonte de la canine et de choisir la traction que l'on va exercer. Le parodonte de la canine doit être surveillé et traité avant, pendant et après le traitement d'orthodontie. On évoque ici les techniques de chirurgie muco-gingivale qui sont actuellement bien codifiées et fiables dans leurs résultats.

ABSTRACT A good collaboration between the orthodontist and the periodontist permits the best assessment and the best treatment of cuspid periodontal problems. Keratinized and attached gingiva around the cuspid would protect it during the orthodontic movement and make it casier if the plaque control is respected. It is essential to know the anatomy of the cuspid periodontium and choose the traction made on it. Periodontal treatment could be necessary before, during and after the orthodontic management. Here is described some of the mucogingival techniques, the results of which are now well known.

MOTS CLÉS Gencive attachée - Chirurgie muco-gingivale - Remaniements tissulaires. M . -P. D O A S S A N S - 22 bis, rue Pétrarque, 75016 Paris.

KEY-WORDS Attached gingiva - Mucogingival surgery - Periodontal modeling.

1 - INTRODUCTION L'évolution des sciences odontologiques permet un échange plus grand entre les différentes spécialités. L'abord pluridisciplinaire doit se développer pour une meilleure Rev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995

qualité de soins et pour répondre plus efficacement encore à la demande du patient. La parodontie se situe à l'un des carrefours de l' élaboration d'un plan de traitement dit 459


i

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complexe. L'orthodontiste ne peut plus ignorer aujourd'hui que les dents ont besoin d'un terrain sain ou assaini, puisqu'elles ne se déplacent que grâce aux remaniements tissulaires, osseux et gingivaux, dont le parodonte est capable (fig. 1). La mise en place orthodontique d'une canine incluse, ou son déplacement, nécessite un examen minutieux de son parodonte. Cette évaluation initiale permet également de déterminer sa situation par rap port aux dents adjacentes ou antagonistes. En cas de problème, la collaboration avec un parodontiste sera envisagée : surveillance tout au long du traitement d'orthodontie, non seulement des tissus muco-gingivaux mais aussi du parodonte profond à l'aide de radiographies, et bilan de l'environnement parodontal, après le traitement.

L'atteinte du parodonte superficiel observée suffisamment tôt, et qui est souvent un défaut de gencive kératinisée, est relativement facile à gérer. Celle du parodonte profond, exige une bonne collaboration avec le parodontiste : la maladie parodontale doit être stabilisée et l'inflammation, fréquem ment récidivante, maîtrisée par le patient. Car, si le traitement orthodontique peut améliorer grandement l'état du parodonte, il peut également l'aggraver, si l' évolution de la maladie parodontale n'est pas enrayée4. Ceci est valable pour la canine, qu' elle soit maxillaire ou mandibulaire, à cause de sa situation particulière sur l'arcade, et de sa forme. Enfin, il ne faut pas vouloir faire "trop bien ". Le traitement, chirurgico-parodontal ou orthodontique, que l'on voudrait appli quer à une canine en position trop défavora-

SULCUS GENCIVE LIBRE EPITHELIUM JONCTIONNEL

A ATTACHE CONJONCTIVE

ZENCIVE ATTACHÉE A

y MUQUEUSE ALVÉOLAIRE

Fibres conjonctivo-gingivales

Fibres cémanto-periostées Fibres gingivo-periostées

LE PARODONTE

Fibres desriodontales

Figure 1 460

Rev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995


Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

ble, n'est jamais souhaitable. Il serait, en effet, extrêmement spectaculaire de tracter une canine mandibulaire, en position initiale horizontale et vestibulaire, à sa place sur l'arcade ; mais s'il existe en fin de traitement une déhiscence osseuse sévère, malgré un apport initial de gencive, son pronostic sera réservé. Dans ce cas, l'extraction préser -

vant le capital osseux doit être envisagée d' emblée, une solution implantaire ultérieure étant recommandée. La canine a un volume radiculaire important, en comparaison avec les autres monoradiculées ; elle a besoin d'un parodonte en rapport pour assurer une fonction correcte.

2 — ÉVOLUTION DE LA CANINE DANS L'OS ALVÉOLAIRE

Si l'émergence de la dent s'effectue au milieu du procès alvéolaire, le parodonte profond et la gencive qui la recouvrent sont d'épaisseur suffisante. Si elle se fait au détriment de la corticale vestibulaire, ce qui est le cas le plus fréquent, la dent présente un risque de déhiscence accompagnée ou non d'un manque de gencive kératinisée.

KORBENDAU et GUYOMARD7 proposent

une classification qui, bien que schématique, tient compte du fait que le parodonte superficiel est indissociable du parodonte pro fond. Le clinicien aura ainsi des données plus justes pour établir son plan de traitement, quelles que soient les situations9 (fig. 2).

TYPOLOGIE PARODONTALE OS

ÉPAIS

MINCE

DÉHISCENCE

GENCIVE

ÉPAISSE

MINCE

ÉTIRÉE

DÉHISCENCE

ABSENTE

Figure 2

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Cependant, même si l'examen a été conduit minutieusement, les problèmes parodontaux peuvent survenir au niveau des canines pendant ou après le traitement orthodontique10. Il s'agit alors d'en recher

cher l'étiologie. La collaboration entre le parodontiste et l'orthodontiste, comme dans tout traitement pluridisciplinaire est indispensable3.

3 — PROBLÈMES PARODONTAUX RENCONTRÉS AU NIVEAU D'UNE CANINE AVANT SA MISE EN PLACE ORTHODONTIQUE Avant tout traitement orthodontique, une évaluation de l'indice de plaque est nécessaire et la réduction de l'inflammation gingivale doit être obtenue. Un enseignement de l' hygiène avec ou sans détartrage sera réalisé. Des manoeuvres de brossage adaptées permettront d'éviter toute pathologie d'ordre inflammatoire pendant le traitement'. Il faudra ensuite examiner l'état parodontal de la canine à déplacer. Un manque de gencive attachée, peu de gencive kératinisée ou des tissus gingivaux peu épais permettent de penser qu'une déhiscence existe ou risque de survenir, si un apport de gencive n'est pas réalisé au préalable. Cet examen s' effectue à l'aide d'une sonde parodontale et la position de la ligne muco-gingivale est déterminée par la mise en tension de la lèvre. Si la canine est dystopique, l'examen

permettra de prévoir son site d'évolution (dans la muqueuse alvéolaire ou non) 7. En cas d'atteinte du parodonte profond, chez l'adulte présentant une maladie parodontale, un traitement spécifique doit être entrepris : enseignement de l'hygiène, détartrages, surfaçages radiculaires, et éventuellement, chirurgies parodontales. L'évolu tion de la maladie parodontale doit être enrayée avant d'envisager un traitement d'orthodonties. Il peut déclencher, en cas d' inflammation, une aggravation de l'alvéolyse. Si une lésion osseuse a été traitée par greffe osseuse, il est nécessaire d' attendre la cicatrisation du lambeau et la complète intégration du matériau avant de déplacer les dents. Un suivi clinique et radiographique est indispensable pendant tout le traitement.

4 - INDICATIONS DES TECHNIQUES DE CHIRURGIE MUCO-GINGIVALE Une gencive attachée kératinisée épaisse permet de pallier un risque inflammatoire dans les cas où l'hygiène ne serait pas satisfaisante de façon constante, ce qui est fréquent dans le cadre d'un traitement d'orthodontie et chez les adolescents6 . Elle proté gera ainsi la corticale sous-jacente et le mouvement orthodontique ne pourra qu'améliorer l'architecture dento-parodontale. La chirurgie muco-gingivale possède maintenant un éventail de techniques fiables, bien maîtrisées, suffisamment sophistiquées, tout en restant simples à réaliser pour le parodontiste, et que l'on peut adapter à chaque cas. Ce sont : 462

-

la greffe gingivale libre ; le lambeau de translation ; le lambeau bipapillaire ; la greffe de conjonctif; le lambeau apicalisé dans le cas des canines incluses sous-muqueuses en situation vestibulaire. Depuis peu, il est possible aussi d'avoir recours à la pose de membranes de régénération tissulaire, comme les membranes de Goretex armées de titane.

On préférera en général une greffe gingivale libre, lorsqu'il faut non seulement augmenter la hauteur mais épaissir les tissus. Rev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995


Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

Cependant, si le prélèvement se fait au palais, une légère dyschromie inesthétique peut se manifester avec les greffons très épais. La greffe paraît rose plus pâle. Ceci tend à s'estomper avec le temps et le remaniement tissulaire dû au mouvement orthodontique. Si l'on veut éviter ce défaut de coloration post-opératoire, en particulier chez les patients présentant une gencive à forte proportion mélanocytaire, le prélèvement peut s'effectuer dans des zones vestibulaires ou linguales où la gencive kératini-

a

sée est épaisse, en particulier au niveau des molaires. Le greffon s'intégrera parfaite ment dans la teinte des tissus adjacents (fig. 3 a et b). Le choix du lambeau de translation procède du même raisonnement puisque le prélèvement est immédiatement adjacent à la dent à traiter. Il présente l'avantage de n'avoir qu'un seul site opératoire. Par contre, il exige pour régler le problème, de disposer de suffisamment de gencive sur les faces proximales de la dent (fig. 4 a à c).

Figures 3 a et b La ligne muco-gingivale ne se déplace pas, la greffe de gencive kératinisée va lui donner un autre contour.

a

Figures 4 a à c Le lambeau de translation peut servir à recouvrir une récession et à augmenter la hauteur de gencive kératinisée. c Rev Orthop Dento Faciale 29 : 459-471, 1995

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Le lambeau bipapillaire est indiqué lorsque l'on veut augmenter la hauteur de gen cive attachée d'une canine ayant des papilles proximales épaisses, avec des septums interdentaires indemnes de résorption (fig. 5 a à e).

La greffe de conjonctif permet d'obtenir non seulement l'augmentation de la hauteur de gencive attachée et l'épaississement des tissus, mais aussi le recouvrement d'une éventuelle récession, avec une bonne fiabi lité de résultats. Cependant, cette technique

a

M

cl

e

Figures Sade Aménagement tissulaire d'une canine évoluant vestibulairement et dont une partie de la gencive kératinisée, d'origine vestibulaire, se trouve sur la face palatine. Le lambeau pédiculé englobe cette gencive des côtés palatin et distal de la dent, débridant du même coup les fibres transeptales (chirurgie réalisée par le Dr J. MALET).

a

Figures 6 a et b Rev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995


Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

requiert des conditions anatomiques environnantes favorables, en particulier un potentiel de vascularisation du greffon suffisant (fig. 6 a et b). Le lambeau apicalisé, est réservé aux techniques de désinclusion des canines vestibulaires, risquant d'évoluer dans la muqueuse alvéolaire. La greffe gingivale libre apparaît comme la technique de choix pour l'apport de gen

cive kératinisée d'une dent dystopiqu e8 u (fig. 7 a à c). Enfin les techniques de régénération tissulaire guidée, initialement décrites pour celle

des tissus durs, ont été adaptées aux problèmes muco-gingivaux et semblent donner des résultats intéressants. Elles présentent l' inconvénient de mettre en oeuvre un matériau encore coûteux.

a

Figures 7 a à c Lambeau apicalisé après préparation orthodontique de l' espace nécessaire à la mise en place de la canine vestibulaire.

c

5 - PROBLÈMES PARODONTAUX APPARAISSANT AU COURS DU TRAITEMENT ORTHODONTIQUE Malgré l'attention portée à l'ensemble de ces éléments, des difficultés peuvent surgir pendant le traitement orthodontique. Si une atteinte du parodonte superficiel survient pendant le traitement d'orthodontie, elle est due, le plus souvent, à une mauvaise évaluation de départ des tissus environnants la canine ou à une mauvaise hygiène. La mécanique orthodontique est rarement mise en question. La perte de gen Rn- Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995

,,.

cive est alors souvent associée à une réces sion et une inflammation. Le protocole chirurgical sera le même qu' avant la pose de l'appareil. Par contre, l' activation de l'arc orthodontique sera neutralisée pendant toute la durée de la cicatrisation, c'est-à-dire au moins un mois après la greffe. De même, dans le cas d'une maladie parodontale, l'activité bactérienne peut se réacti 465


M.P. DOASSANS

ver. L'abcès parodontal en est le signe clinique le plus évident. L'intervention du parodontiste est alors indispensable. Il fera au minimum un curetage, au plus une chirurgie à lambeau. Comme dans le cas d'une atteinte du parodonte superficiel, il demandera l'arrêt du mouvement orthodontique. Chez les patients atteints de maladie parodontale, il est conseillé de faire un bilan radiographique rétro-alvéolaire à michemin du traitement d'orthodontie. Une comparaison sera ainsi possible avec le bilan initial, les phases aiguës d'évolution de la parodontite pouvant passer inaperçuesio Dans le cas d'une canine incluse en position palatine et initialement dégagée, il peut arriver que le parodontiste soit sollicité à nouveau alors que la dent s'intègre dans son parodonte vestibulaire. Celui-ci n'a jusqu'alors subi aucun remaniement. La face vestibulaire de la canine, encore en sous-occlusion mais dans son axe entre incisive latérale et prémolaire, est recouverte d'une gencive épaisse, ayant proliféré à partir du desmo

a

donte. L'attache collée sur la face palatine doit être déplacée en position vestibulaire. Une simple gingivectomie, c'est-à-dire une éviction de gencive à biseau interne peut être nécessaire ou plutôt un lambeau apicalisé permettant de conserver tout le capital de hauteur et d'épaisseur de gencive kératinisée (fig. 8 a et b et fig. 9 a et b). Quelquefois, la canine peut se " ré-enfouir" et demander à être dégagée à nouveau, le tissu hyperplasique gênant la traction. Enfin, au maxillaire comme à la mandibule, une greffe de gencive est parfois néces saire au cours de la traction d'une canine initialement placée très haut dans la muqueuse alvéolaire, au-delà de la ligne muco-gingi vale, dans une zone où il était impossible d' apicaliser un lambeau, lors de son exposition. Cette intervention est indiquée lorsque la muqueuse étirée mais non extensible au-delà de ses limites, gêne la traction orthodontique, et qu'il existe un risque inflammatoire.

Figures 8 a et b

b

Une gingivectomie a été réalisée sur la face vestibulaire de cette canine, initialement en situation palatine, afin de la dégager pour positionner une nouvelle attache orthodontique et de réduire l'épaisseur des tissus.

a

Figures 9 a et b

b

Une gingivectomie et un lambeau de demi-épaisseur ont été réalisés pour dégager la face vestibulaire de cette canine, incluse initialement du côté palatin.

466

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Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodor

de b canine

6 — TRAITEMENTS PARODONTAUX APRÈS LE TRAITEMENT D'ORTHODONTIE 6 - 1 - La fibrotomie Après la correction d'une rotation de la canine, le parodontiste doit réaliser une fibrotomie. Il s'agit d'une intervention mineure permettant de stabiliser le résultat obtenu par l'orthodontiste. Si les fibres desmodontales se réorganisent en quelques semaines après la correction, les fibres supracrestales cémento-gingivales et transeptales restent étirées et il n'y aura pas de remaniement à ce niveau. L'incision circonférentielle, sous anesthésie, se fera de préférence trois mois avant la dépose de l'appareil2. Aucune suture ni pansement chirurgi cal ne sont nécessaires (fig. 10 a à c). 6 - 2 - La chirurgie muco-gingivale Parfois, l'évaluation du parodonte avant le traitement a été insuffisante ou un problème inflammatoire s'est produit au cours

traitement. Une récession gingivale apparaît, ou les tissus sont devenus trop fins, fragiles, incapables de se défendre contre une accumulation de plaque bactérienne ou une agression de brossage excessif. Les techniques de chirurgie muco-gingivale décrites précédemment sont alors indiquées. du

6 - 3 - Les plasties gingivales Dans les cas d'hyperplasie gingivale pendant ou après le traitement orthodontique, une gingivectomie peut être nécessaire pour des raisons esthétiques et pratiques facili tant le brossage. Pour les mêmes raisons, des plasties gingivales peuvent être réalisées au niveau de cicatrices de chirurgies précédentes. Par exemple, la désinclusion d'une canine haut placée a entraîné un frein latéral au cours de sa mise en place (fig. 11 a à e, fig. 12 aàcet fig. 13aàe).

a

Figures 10 a à c Un premier temps opératoire a permis de dégager cette canine haute, en position vestibulaire, pour coller une attache de traction et positionner de la gencive kératinisée. Il faut attendre la fin du mouvement et la correction de la rotation avant d'envisager par une fibrotomie et une plastie de supprimer les brides résiduelles.

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a

b

d

c

e

Figures 11 a à e

La canine peut entraîner avec elle des brides ou des freins. Un aménagement tissulaire par greffe ou plastie permettra que le mouvement s'effectue sans entrave.

a

Figures 12 a à c Lambeau bipapillaire après mise en place de cette canine qui avait été tractée sans gencive kératinisée et dans un environnement inflammatoire (chirurgie réalisée par le Dr J. MALET). Rev Orthop Dento Faciale 29 : 459-471, 1995


Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

a

b

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e

Figures 13 a à e

Greffe gingivale sur une canine en position initiale haute et vestibulaire, dans une zone où il avait été difficile de positionner apicalement un lambeau.

6 - 4 - Traitement des fissures gingivales Après la fermeture d'un diastème d'extraction de prémolaire, distal à la canine, on observe une invagination épithéliale formant un "pli" qui se révèle un "piège à plaque " et cause de récidive d'ouverture de Rev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995

l'espace. Il résulte d'une aberration de cicatrisation des fibres supracrestales interdentaires, les tissus gingivaux ne se remaniant pas au même rythme que le tissu osseux sous-jacent, et l'extraction de la prémolaire n'ayant pas été chirurgicale (les berges de l' alvéole n'ont pas été suturées). Dans les cas les plus sévères, on réalise une greffe de 469


M.P. DOASSANS

conjonctif. Elle vient s'interposer" à cheval " au-dessus de la crête, distalement à la canine. On supprime ainsi les tensions fibreuses et on redonne à la crête une archi -

tecture positive, compatible avec l'hygiène interdentaire, tout en stabilisant le résultat orthodontique (fig. 14 a à c).

a

b

Figures 14 a à c Traitement des fissures gingivales par la mise en place d' un greffon conjonctif enfoui "à cheval "sur la crête, restituant aux fibres transeptales leur continuité.

c

-

CONCLUSION Les problèmes endo-parodontaux des résorptions externes ou internes (ou encore radiculaires), n'ont pas été évoqués ici. Ils sont traités en collaboration entre l'endodontiste et le parodontiste qui, pour sa part, veille à réduire au maximum l'indice de plaque. Il faut noter qu'une mauvaise manoeuvre chirurgicale, au moment de la désinclusion d'une canine, au niveau du collet et du sac folliculaire, peut entraîner une aberration cellulaire de l'attache épithélio conjonctive, créant les conditions d'une ankylose, qui peut être partielle, ou d'une résorption externe toujours difficilement curable. Les cas d'agénésie de canine, qui aujourd'hui relèvent rationnellement d'un

470

traitement implantaire, demandent cependant toute l'attention du parodontiste et de l' orthodontiste. Ils devront préserver le capital osseux nécessaire à la pose de l'implant, et le capital tissulaire gingival nécessaire à une réhabilitation prothétique la plus esthé tique possible. Les techniques de chirurgie muco-gingivale ont aujourd'hui une bonne fiabilité. Leur combinaison, avant, pendant et après le traitement d'orthodontie, est parfois nécessaire pour donner à une canine en position très dystopique toutes les chances de devenir fonctionnelle, grâce à l'aménagement d'un parodonte esthétique et sain. Les progrès des différentes disciplines de l' odontologie permettent un échange croisRev Orthop Dento Faciale 29: 459-471, 1995


Évaluation et traitement des troubles parodontaux liés au déplacement orthodontique de la canine

sant des connaissances, pour que soient menés à bout des traitements souvent complexes, mais répondant de plus en plus effi-

cacement aux demandes des patients. On ne peut que souhaiter l'élargissement de ces traitements pluridisciplinaires.

BIBLIOGRAPHIE R.I. : Mucogingival considerations and their rela tionship to orthodontics. J Periodontol 49 : 67-76, 1978.

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471


Intérêts des reconstructions tridimensionnelles dans la localisation des canines incluses Danielle

PAJONI,

Eric

JOUAN,

Philippe

HERMANN

RÉSUMÉ A partir de l'acquisition d'une trentaine de coupes tomodensitométriques jointives ou chevauchées les logiciels actuels permettent la reconstruction tridimensionnelle de toute une arcade dentaire, de l'os environnant, la superposition des dents sur l'os et l'utilisation de couleurs différenciées pour chaque densité. Les dernières générations de scanner, à condition de respecter certains paramètres, sont très peu irradiantes. ABSTRACT D. PAJONI Faculté de chirurgie-dentaire, rue Garancière, 5006 Paris.

From some thirty joined or crossed tomodensitometric sections, current software packages are able to built very easily three-dimensional dental arch views, and to figure skeletal and alveolar bones or define precisely tooth to bone relations. Different colors are obtained for each specific density, along with minimal radiation effects.

E . J O U A N Scanner de VilleneuveSaint-Georges, avenue la République, 560 Crosnes.

MOTS CLÉS

HERMANN nique Turin, 9, rue de Turin, 008 Paris.

Tomodensitométrie - Canines incluses - Reconstructions 3D couleurs - Irradiation. KEY-WORDS Tomodensitometry - Impacted cuspids - 3 Dim-color rebuilding - Radiations.

1 - INTRODUCTION Les canines maxillaires sont des dents fréquemment incluses. Elles ne sont extraites que rarement lorsque leur traction et leur mise en place sur l'arcade par un traitement Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995

orthodontique sont impossibles. Dans certains cas, les reconstructions bidimensionnelles sont insuffisantes pour apprécier les rapports de proximité avec les dents voisines 473


D.

PAJONI - E. JOUAN - P. HERMANN

et les structures anatomiques environnantes. Le contact entre deux racines entraîne irrémédiablement des résorptions radiculaires et il n'est pas pensable de perdre une incisive centrale, latérale ou une prémolaire pour replacer une canine. Avant d'envisager un traitement orthodontique d'une durée de deux ans ou plus, si la position, la structure, la forme, c'est-à-dire

la normalité de la dent à mettre en place n'ont pas pu être observées sur les clichés conventionnels, il est recommandé d'avoir recours à l'imagerie tridimensionnelle. Les derniers logiciels sont très performants et permettent de découper le volume acquis dans n'importe quelle direction. De plus l'apport récent de la couleur facilite la lec ture de ces images et transforme en un jeu les explications aux parents ou au patient1' 2.

2 - MATÉRIEL ET MÉTHODE

L'appareil utilisé est un scanner de dernière génération à rotation continue, modèle GE High Speed Advantage (General Electric), disposant des logiciels de reconstructions (2 D et 3 D) sur une console Advantage Windows. Le patient est installé confortablement en décubitus dorsal, une gaze interposée entre les arcades afin de les séparer. La reconstruction d'une arcade demande l'acquisition d'une trentaine de coupes axiales. En mode spiralé, la translation du lit millimètre par millimètre s'effectue continuellement sur 30 millimètres pendant l'émission de rayons X, ce qui ramène la durée de la séquence à 30 secondes. Pour chaque millimètre balayé, l'émission de rayons X se fait

alors sur une rotation inférieure à 360 degrés. L'impossibilité de bouger pendant l'examen est un écueil fréquent surtout chez l'enfant, la réduction de la durée à 30 secondes limite considérablement la possibilité de mouvements. On réalise d'abord un topogramme de profil (120 kV, 60 mA) balayant l'ensemble du crâne, pour placer les coupes. Les autres paramètres sont : - mode : crâne ; - taille de champ : 12 cm ; - matrice : 512 x 512 ; - filtre : osseux ; - 120 kV, 80 mAs (80 mA, 1 seconde).

3 - IRRADIATION

Nous avons mesuré, à l'aide d'un fantôme anthropomorphique, par méthode de thermoluminescence, les doses absorbées en regard d'une arcade dentaire (maxillaire ou mandibulaire), au niveau des cristallins, des orbites et de la thyroïde en utilisant les mêmes paramètres (milliampères-secondes, kilovolts). Ces doses sont très faibles (valeur minimale/valeur maximale) ; les résultats sont exprimés en milli-Grays (10- 3) : 47 4

Organe 80mAs

Cristallin 0,25

Thyroïde 0,15/0,2

En comparaison, les doses absorbées par un examen rétro-alvéolaires complet sont selon CAVEZIAN et al.3 : Organe

Cristallin 0,356/1,9

Thyroïde 0,11/0,7

Rev Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995


Intérêts des reconstructions tridimensionnelles dans la localisation des canines incluses

4 - CAS CLINIQUE

Figure 1 Examen orthopantomographique. Présence de toutes les dents à l'exception de l'incisive latérale supérieure droite. La canine supérieure go.uche est en position probablement palatine, car sa taille est plus grande que la moyenne, et située hors du plan de coupe puisque son image est floue, surtout au niveau de la racine.

E.D. est âgé de 11 ans et lors d'un examen radiologique (fig. 1), son chirurgien-dentiste a constaté l'inclusion des canines maxillaires. L'une d'elles étant en position horizontale et très haute, un examen par tomodensitométrie est prescrit. Trente coupes jointives sont réalisées et l' enfant est libéré, le travail informatique ne sera entrepris que plus tard. A partir des coupes axiales (fig. 2) acquises sur le patient et mises en mémoire, le travail de reconstruction se fait en fonction des informations recherchées.

Figures 2 Quelques-unes des 30 coupes axiales effectuées sur le patient. La coupe la plus haute est placée en haut à gauche, la plus basse en bas à droite. Dès irs premières coupes, la canine gauche apparaît parallèle au plan sagittal, sa couronne orientée vers les fosses nasales et son apex contre la paroi antéro-médiale du sinus. En comparant les images des sinus, remarquer que la taille du sinus gauche est réduite. La couronne de cette dent fait effraction dans la corticale vestibulaire. Rev Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995

475


D.

PAJONI - E. JOUAN - P. HERMANN

Très souvent les reconstructions bidi- l'intégrité des tissus de la dent à tracter, ses mensionnelles répondent aux questions que rapports avec ses voisines r fig. 31 et son envise posent le praticien, sur la position, sur ronnement osseux.

Figures 3 A l'aide du logiciel Dentascan, les images sont reconstruites dans les deux plans absents lors de l'acquisition : - coronal ou panoramiques curvilignes; - à partir de la ligne tracée par l'opérateur sur la coupe axiale, sont programmées perpendiculairement à cette ligne, 72 reconstructions. En suivant la numérotation des images, il est possible de situer la dent dans les trois plans de l'espace.

F i g u r e s 4 Reconstruction volumique de la pile de coupes en "rendu de surface - avec rotation de l'Image, de face et en vue axiale supérieure. Remarquer le relief du plancher sinusien qui épouse scrupuleusement celui des apex dentaires.

476

Rev Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995


Intérêts des reconstructions tridimensionnelles dans la localisation des canines incluses

Mais il est plus parlant de reconstruire le volume, de le faire tourner, de retirer des coupes, et d'y adjoindre la couleur en octroyant à chaque densité celle de son choix.

Il est également possible de superposer des procédés de reconstructions différents par exemple, l'os en " rendu de volume" et les dents en " rendu de surface" (fig. 4 à 10).

Figures 5 Il est possible de "tailler "dans ce volume et de regarder cette nouvelle image sous un autre angle. Pour faciliter la lecture, nous avons choisi des plans orthogonaux, mais il est possible d'en choisir d'autres.

Figure 6 Même procédé dans le plan coronal.

Figures 7 Les images de reconstruction 3 D sont, cettefois, différenciées. A gauche, reconstruction en "rendu de surface " (mêmes images que la figure 4), â droite, l'os est reconstruit selon le procédé dit de "rendu de volume " et les dents en "rendu de surface ".

RE

v Orthop Dento Faciale 29 : 473-480, 1995

477


D.

PAJONI - E. JOUAN - P. HERMANN

Figures 8 A gauche, en choisissant un seuil de densité approprié, seules les dents sont reconstruites. A droite, cette densité dentaire (jaune) est superposée à la densité osseuse (bleue).

478

Rev Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995


Intérêts des reconstructions tridimensionnelles dans la localisation des canines incluses

Figures 9 et 10 Même procédé en choisissant d'autres couleurs.

5 - CONCLUSIONS Le progrès de l'informatique dans le domaine de l'imagerie est un apport considérable au diagnostic. Si des réticences liées aux habitudes sont encore dans l'esprit de quelques-uns, ces fabuleuses images devraient rapidement les balayer. Cet outil devient indispensable et demain il nous accompagnera obligatoirement dans notre pratique quotidienne. Les coûts restent encore trop élevés mais comme toute l'informatique, sa vulgarisation entraînera une baisse rapide du prix de l'examen. N'oublions pas que tout le travail à partir de la figure 3 est fait sur console informatique, sans irradiation supplémentaire. Rev Orthop Dento Faciale 29: 473-480, 1995

479


i La beauté de la canine Julien PHILIPPE

RÉSUMÉ La beauté de la canine est liée à sa teinte et à sa forme, dont l'apparence dépend de la position de la dent. Beaucoup s'accordent pour penser que la canine exprime une certaine agressivité. Convient-il d'atténuer cette agressivité ou de la conserver ? ABSTRACT Beauty of the ccinine depends on its colour and form, the appearance of this is linked to the position of the tooth. Many people think that the canine express a certain aggressivity. Must we try to reduce it, or keep it ?

MOTS CLÉS Canine - Esthétique - Morphologie - Caractérologie. KEY-WORDS Canines - Esthetics of the canine - Morphology of the canine - Caracterology - History of orthodontics.

J. PHILIPPE 44, rue Jean Goujon, 75008 Paris.

A propos de ce qui fait, ou ne fait pas, la beauté du visage, nous avons exprimé l'opinion d'après laquelle celle-ci provient de la conjonction de plusieurs éléments : l'har monie des proportions, la grâce des

contours, l'état de la surface (l'éclat de la peau et des yeux) et l'expressivité du visage3' 4 . Il semble que ces facteurs puissent aussi expliquer la beauté, ou la laideur, de la canine.

1 - L'HARMONIE DES PROPORTIONS ET DES CONTOURS La forme apparente de la canine dépend beaucoup de sa position. Ainsi une canine en rotation disto-linguale sera vue de profil, elle paraîtra plus pointue qu'une canine vue de face. C'est dire que son contour sera Rev Orthop Dento Faciale 29: 481-486, 1995

anguleux d'un côté, tortueux à la limite gingivale et qu'il perdra la grâce que donnent des arrondis à courbures changeantes (fig. 1). En outre toute mauvaise orientation vestibulo-linguale, ou tout bombé anormal 481


J. PHILIPPE

de la face vestibulaire deviendra très apparent sur une canine ainsi tournée (fig. 2). Or les canines distalées par un système vestibulaire sont fréquemment laissées en rotation disto-linguale par des opérateurs inattentifs. Les dents incluses, et placées très lingualement dans la voûte palatine, présentent souvent, une fois remises sur l'arcade, une orientation trop vestibulaire de la face vestibulaire : l'apex est resté palatin et devra être remis en place (fig. 3). La version distale de la canine fait apparaître au niveau occlusal un espace de forme triangulaire avec l'incisive latérale dont l'angle distal est arrondi. Cette disposition révèle, entre ces dents, au moment du sou rire, un "trou noir" parfaitement inesthétique (fig. 4). Le bord occlusal de la canine en constitue la partie la pus visible. Il forme une courbe

accentuée par une pointe. Quelle est la courbure optimale ? A notre avis les dents maxil laires antérieures doivent présenter depuis l' incisive centrale une augmentation progressive de la courbure occlusale. Celle-ci restera faible pour les incisives centrales, augmentera considérablement pour les latérales et s'accentuera encore sur les canines. Mieux vaut que cette augmentation soit à peu près régulière (fig. 5). L'orthodontiste peut améliorer cette graduation en jouant de la pointe diamantée mais aussi en donnant à la canine une légère rotation mésio-linguale, afin qu'elle appa raisse plus de face que de profil dans la mesure où cette disposition s'accorde avec l'occlusion et le jeu de la fonction canine. Bien évidemment, indépendamment de sa position, la canine peut être affligée de difformités les plus inesthétiques (fig. 6).

2 – L'ÉTAT DE LA SURFACE L'émail de la canine est rarement altéré par une dysplasie ou une carie. L'élément qui marquera le plus son apparence sera la couleur. Hélas ! la canine est une dent épaisse, peu translucide, et souvent assez teintée. Elle paraît presque toujours plus grise ou plus jaune que les incisives, et, plus grave encore, elle est parfois plus foncée que les prémolaires. Des prémolaires plus claires font évidemment ressortir la coloration de la canine. Ce défaut est plus apparent si le sourire relève largement la lèvre, et plus encore, cent fois plus, si l'absence d'une latérale met les canines en pleine lumière. Il faut alors penser qu'une des solutions thérapeutiques suppose les incisives avancées et l'autre, des dents reculées. Le profil, la forme des lèvres

(qui s'amincissent en vieillisant, ne l'ou blions pas) joueront un rôle essentiel dans la prise de décision (CANAL et CHABRE1). Localement tout dépendra de la forme et surtout de la teinte de la canine et, d'autre part de la qualité de la dent artificielle. En ce qui concerne la seule denture, il nous a semblé que lorsqu'une prothèse est parfaitement exécutée (il y a des champions du mimétisme) elle apporte un résultat plus plaisant que celui que peut donner la fermeture des diastèmes, tout au moins pendant quelques années. Car, avec le temps, les défauts de la prothèse se marquent et l'on en vient alors à songer au conseil que donnait ZACHRISSON à propos de ces prothèses : "le moins souvent possible, et le plus distal possible ".

3 – L'EXPRESSION DE LA CANINE

Il est curieux de constater que l'on parle peu de la signification de l'incisive centrale alors que c'est la dent dont l'absence est la 482

plus cruellement ressentie, tandis que la canine, pourtant moins visible, est chargée d'un symbolisme très fort. Rev Orthop Dento Faciale 29: 481-486, 1995


La

beauté de la canine

Figure 2

Figure 1

L'orientation trop linguale de la face vestibulaire de trois des quatre canines serait moins apparente si elles étaient tournées pour être vues un peu de face.

Canine vue de profil.

Figure 3

Figure 4

Canine désincluse et versée vestibulairement.

Canine disto-versée.

a

Figures 5 a et b La courbure des bords occlusaux des incisives et de la canine doit progresser régulièrement.

Figure 6

Difformités: la coronoplastie par meulage et par adjonction de composite s'impose.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 481-486, 1995

483


J. PHILIPPE

En 1888, écrit : "Les dents ont une expression individuelle. Les canines expriment la détermination, le courage et la férocité. " (" firmness, courage, ferocity ") Anatole FRANCE, dans La rôtisserie de la Reine Pédauque retrouve les mêmes termes : " Les dents de l'homme sont un signe de sa férocité. Quand on se nourrira comme il faut, ces dents feront place à quelque ornement semblable aux perles des salamandres. Alors on ne concevra plus qu'un amant ait pu voir sans horreur des dents de chien dans la bouche de sa maîtresse. " Or les dents de chien, ce sont les canines. Féroces peut-être, mais non dépourvues d' élégance et de finesse, et l'on comprend bien que ces qualités n'étaient pas le fort de ce personnage de Paul MORAND qui FARRAR 2

avouait : "Je suis un paysan du Danube avec ma tête carrée et mes mâchoires à trente -deux molaires, comme on dit nous autres. "

M

(L'Europe Galante)

Toutes les dents sont désignées par leur fonction, sauf les canines, qui par leur étymologie, nous ramènent à l'animal. Récemment, SLAVICECK5 exposait que la canine du primate ne constitue pas une arme usuelle, comme celle du tigre. C'est une marque de puissance. Pour établir la hiérarchie du groupe, l'animal dominant montre ses canines comme signe de force et de pouvoir pour obtenir la soumission de l'autre. La canine c'est la dent de l'agressivité. Son absence évoque la faiblesse, et l'impuissance. Au mieux : la timidité et la douceur (fig. 7)

Figure 7 Les personnages doux et faibles sont dépourvus de canines. Seul le loup en possède.

4 — LES CANINES AGRESSIVES Que doit faire l'orthodontiste devant une canine quelque peu agressive ? L'adoucir (fig. 8 et 9) ou respecter son caractère ? La réponse est facile dans les cas extrêmes, mais lorsqu'il s'agit d'une dent un peu pointue ou à peine vestibulée ? L'attitude n'est pas facile à déterminer même devant un adulte dont le caractère peut être analysé. On peut sans doute penser qu'il faut harmoniser la denture et la person484

~ nalité, mais on peut aussi bien soutenir l'inverse : qu'il est bon d'atténuer la faiblesse de l'un par un aspect énergique, et modérer la dureté de l'autre par la douceur du sourire. Le problème est encore plus difficile quand il s'agit d'un enfant. Souvent j'ai eu envie de pimenter la physionomie sans caractère d'une fillette en marquant un peu les canines. Mais la crainte qu'elle puisse en quelques décennies se transformer en une Rev Orthop Dento Faciale 29: 481-486, 1995


La

a

beauté de la canine

Figures 8 a et b

Canine avant et après meulage.

b

a

Figures 9 a à c

Canine avant et après meulage.

c

harpie impérieuse et tyrannique m'a retenu. Ne serait-il pas souhaitable alors, même dans cette rare éventualité, que la grâce et la douceur du beau sexe fussent sauvegardées, tout au moins en apparence, par "une bou che où la rose, où le baiser respire" comme disait le poète ? Difficile problème. L'attitude de l'orthodontiste sera influencée non seulement par le sexe et la personnalité du patient mais par sa propre sensibilité. Devant un garçon, une Rev Orthop Demo Faciale 29: 481-486, 1995

femme pourra sans doute mieux imaginer l' impression de sécurité que, plus tard, certaines pourraient éprouver en se blotissant dans deux bras solides à l'ombre de deux canines puissantes. Mais d'autres praticiens penseront que la force de l'homme réside plus dans son caractère et son intelligence que dans ce qui rappelle la puissance ani male. Il y aura huit milliards d'hommes sur terre ; ne peut-on estimer qu'il vaut mieux accroître leur sociabilité plutôt que leur 485


J. PHILIPPE

agressivité ? Certes nous ne modifions que l' apparence, mais celle-ci est contagieuse et détermine la réaction de l'interlocuteur.

Le destin de l'homme c'est l'accroissement du cerveau et la diminution des canines. Nous devons développer l'un et raboter l'autre.

BIBLIOGRAPHIE Agénésies des incisives latérales supérieures : quel traitement ? Orth Fr 58 : 265-361, 1987.

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SLAVICECK, R.: Functionnal meaning of the front teeth position for the clinic. Congrès S.F.O.D.F., Munich, 1994 (Communication non publiée).

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Rev Orthop Dento Faciale 29: 481-486, 1995


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Canines et agénésies des latérales supérieures Christiane LODTER

RÉSUMÉ L'absence des incisives latérales supérieures ouvre à l'orthodontiste une alternative thérapeutique : soit aménager des espaces en vue d'une restauration prothétique, soit gérer les agénésies par substitution à partir des canines. L'auteur se propose d'évaluer le devenir de la canine dans ce contexte, sur les plans fonctionnel et esthétique d'une part, mais aussi en évoquant les spécificités biomécaniques de la "pseudo-latérale ". ABSTRACT The orthodontic treatment planning for missing lateral incisors could be either using cuspids in place of its or moving back cuspids so as to create preprosthetic diastemas. This paper is undertaken to appreciate the esthetic and functional changes of the cuspids in these cases, and to show the specific biomecanics rules applied to such treatments.

C. LODTER Univ. Paul Sabatier, Faculté de chirurgie-dentaire, 3, chemin des

Maraîchers,

31400 Toulouse.

MOTS CLÉS Incisive latérale - Agénésie - Thérapeutique de substitution - Canine. KEY-WORDS Lateral incisors - Agenesis - Using cuspid as laterals - Cuspid.

1 - INTRODUL l'ION L'agénésie d'une, ou moins fréquemment de deux incisives latérales supérieures, concerne environ 2% de la population (DoLDER), proportion que le clinicien est enclin à majorer en assimilant à l'absence congénitale des incisives latérales supérieures leurs anomalies morphologiques de type couronne riziforme, dont le traitement Rev Orthop Dento Faciale 29 : 487-494, 1995

débouche dans la plupart des cas sur un protocole identique. L'attitude thérapeutique correspondante dépend de divers facteurs, qui ont été remarquablement discutés dans la littérature orthodontique (ATTIA et al. 3, PHILIPPE10 ), orientant vers l'une des alternatives classiques en l'occurrence : soit la réouverture 487


C. LODTER

préprothétique des diastèmes dans le site des incisives latérales, soit la fermeture des espaces antérieurs par substitution des canines maxillaires aux dents manquantes. Dans tous les cas, la canine, du fait de sa proximité du site dysmorphique, se trouve impliquée de manière décisive : le rôle occlusal qui lui est

a

attaché justifie l'importance fonctionnelle que lui accorde l'orthodontiste, tandis que son volume et sa teinte, confrontés à l'aspect des incisives centrales, motivent indubitablement le patient pour une restauration esthétique de son sourire.

b

Figures 1 a et b

L'absence des incisives latérales maxillaires entraîne un défaut esthétique évident: cas d'un jeune garçon de 11 ans; traitement par substitution.

a

b

Figures 2 a et b

L'atypie, voire l'aspect riziforme de 12 ou 22, relève de la même attitude thérapeutique: cas d'une jeune fille de 10 ans et 7 mois.

2 — INTERVENTION PRÉCOCE Le diagnostic précoce (avant 9 à 10 ans) d' une agénésie d'incisive latérale est essentiellement radiologique ; la minéralisation coronaire de ces dents étant achevée aux environs de la quatrième année, toute absence radiologique en âge orthodontique permet de conclure avec certitude à une agénésie. 488

programmées - ne doit bien entendu être envisagé que si l'orientation thérapeutique s' impose en denture mixte du fait d'anomalies associées (D.D.M., Classe II...) ou de la typologie. Si l'on décide de gérer les agénésies par traitement substitution, , il convient - des de avulsions faciliter Un la migration mésiale des germes des canines Rev Orthop Dento Faciale 29: 487-494, 1995


Canines et

agénésies des latérales supérieures

permanentes tout en accélérant leur érup tion : l'extraction des incisives latérales temporaires doit être pratiquée si celles-ci se trouvent encore sur l'arcade, alors qu'il est essentiel de conserver les canines temporaires en place. Leur présence en effet contribue à guider mésialement le germe de la dent perma nente qui va se déplacer dans le site de la latérale sans résorber la canine temporaire. Si les premières molaires permanentes se trouvent en rapport de Classe I, on peut faciliter leur évolution mésiale en extrayant,

après contrôle radiographique de la situa tion des germes des canines, les deuxièmes molaires temporaires. La Classe II molaire suggère généralement un contrôle d' ancrage à leur niveau (transpalatin, ou si nécessaire force extra-orale du type arc de KLOEHN).

A l'inverse, si l'option thérapeutique prévoit le remplacement prothétique de 12 et 22, il faut extraire au plus tôt les canines temporaires tout en essayant de conserver les incisives latérales temporaires, afin d' orienter les canines permanentes vers leur site normal.

- LES FACTEURS DE DÉCISION DANS LE CHOIX THÉRAPEUTIQUE Quelle que soit l'option retenue, réouverture préprothétique ou traitement par substitution, le résultat sera imparfait, car il cor respond à la gestion d'une situation de déficience intrinsèquement irrémédiable. Cependant, la maîtrise des techniques d'implantologie d'une part et l'amélioration du procédé de coronoplastie d'autre part permettent de garantir au patient un bénéfice esthétique et fonctionnel qui exclut raisonnablement l'abstention thérapeutique face aux agénésies des latérales. Plusieurs principes nous paraissent incontestables à l'heure actuelle : - un dispositif multibague est impératif, pour des raisons évidentes de contrôle d'axes dentaires et de torque ; - la symétrisation des arcades : une agénésie unilatérale sera plus facile à équilibrer si la controlatérale est extraite, un traitement par substitution étant alors engagé, et ce a fortiori si l'incisive présente est atypique ou tout au moins de dimensions réduites : - la réalisation d'une maquette prévisionnelle est indispensable avant toute décision thérapeutique : elle permet de valider l'occlusion de fin de traitement prévue et de pré sager du rendu esthétique du résultat ; - la coronoplastie des canines connaît peu de contre-indications. Le schéma de meu lage décrit par TUVERSON11 (fig. 3 a et b) doit être adapté en complétant la réduction amélaire par une adjonction de composite dans Rev Orthop Dento Faciale 29 : 487-494, 1995

les angles proximaux : une telle opération permet d'éviter cette égression importante de la canine qui entraînait une rupture souvent visible de la ligne des collets. Nous pensons que, hormis pour ce qui concerne la face vestibulaire de la dent, qui sera d'ailleurs plus dépolie que meulée en fonction du rendu esthétique de fin de traitement, il est préférable de réaliser la coronoplastie avant de poser les attaches fixes : la gestion des espaces et le positionnement de la dent en seront facilités. Par contre, le respect de la

a

b Figures 3 a et b

La coronoplastie selon TUVERSON (a) suppose une sion des canines souvent préjudiciable à la ligne des collets ; la reconstitution des angles proximaux par adjonction permet de pallier cet inconvénient (b).

489


C. LODTER

face vestibulaire des canines durant la phase de traitement actif garantit une meilleure adaptation du verrou (fig. 4 a à c). Le volume et la morphologie initiale de la canine, si l'on prévoit d'associer meulage et apport de résine, ne constituent plus un obstacle à la coronoplastie. De même, une teinte foncée des canines, souvent citée comme élément devant orienter vers une solution de remplacement prothétique (ZACHRISSON12), devient certainement moins décisive avec la banalisation des facettes en céramique à vocation cosmétique. Enfin, l'idée communément admise que la bosse canine disparaît lorsque la canine

est amenée en situation d'incisive latérale est nettement réfutée par des travaux tels que ceux de HENNS7 : ce dernier a démontré, en comparant la silhouette alvéolaire produite par un traitement avec substitution à celle qui résulte d'un traitement avec extraction de prémolaires, que la bosse canine est déplacée avec la dent correspondante mais que toutefois, quelle que soit sa situation, elle n'excède jamais 1,5 mm d'amplitude. Il est donc particulièrement pessimiste de prédire un affaissement prématuré du sillon naso-génien et d'autres répercussions morpho-fonctionnelles aux patients traités par substitution.

b Figures 4 a à c

a

c

Madame A... agénésie de 22: la coronoplastie de 23 permet un traitement de compromis avec conservation de 12.

En fait, le choix entre compensation prothétique et substitution est essentiellement dicté par les anomalies dento-maxillaires associées aux agénésies. On peut difficilement être exhaustif à ce propos. Pour avancer un schéma directeur : - une D.D.M. nécessitant des avulsions mandibulaires oriente vers un aménagement maxillaire avec substitution ; - de même pour la Classe II, qu'il faut envisager avec extraction de prémolaires mandibulaires s'il existe une D.D.M. ou un problème d'excès vertical, ou sans avulsion à l'arcade inférieure si leur indication n'apparaît pas ; - la Classe III, qui est caractérisée par un déséquilibre dimensionnel maxillo490

mandibulaire, incite à une ouverture d'espaces antérieurs en préparation préprothétique, les tentatives inverses aboutissant souvent dans un tel contexte à un mauvais guide antérieur, voire à une propension au saut d'articulé incisif; une déviation des milieux importante fait penser aux extractions, donc à la substitution ; l'âge intervient aussi, dans une moindre mesure, si l'on considère que la longévité d'une prothèse la contre-indique chez l'enfant ou l'adolescent, alors que les traitements avec réouverture d'espaces, plus rapides, correspondent davantage aux voeux des adultes (fig. 5 à 7).

Rev Orthop Demo Faciale 29: 487-494, 1995

0.


Canines et agénésies des latérales supérieures

a

c

b

F

i

g

u

r

e

s

5

a

d

d

L'agénésie de 12 et 22 s'accompagne chez cette adulte d'anomalies de l'occlusion génératrices de problèmes articulai res. Le traitement a été mené avec extraction de 36, 46 étant absente, et coronoplastie de 13 et 23. Une équilibration occlusale a suivi la phase de traitement actif.

a

c

b Figures 6 a à c

Une réouverture d'espace a été décidée chez cette adulte dont le traitement, d'une durée de 8 mois, a concerné la seule arcade supérieure.

a

Figures 7 a et b

Prothèses collées de remplacement de 12 et 22; adulte ayant reçu une préparation orthodontique monomaxillaire. Rev Orthop Dento Faciale 29: 487-494, 1995

491


Canines et agénésies des latérales supérieures

a

c

d

Figures 8 a à d

Les traitements par substitution supposent une finition occlusale minutieusement équilibrée en fonction de groupe. Leur stabilité et leur pronostic à long terme sont alors excellents : cas d'une enfant de 10 ans et demi présentant une 12 atypique; la thérapeutique multibague installée en 1982 a débouché en 1983 (b) sur une occlusion substituée. Deux ans hors contention, le cas montre une occlusion fonctionnelle et un contexte parodontal satisfaisant. En 1995, ces critères peuvent être réévalués positivement (d).

4 - LES IMPÉRATIFS THÉRAPEUTIQUES La spécificité fonctionnelle de la canine et les caractéristiques propres aux diverses pré parations prothétiques imposent des objectifs orthodontiques différents. 4 - 1 - Les traitements par substitution Les traitements par substitution posent de manière flagrante le problème de l'équilibration - délicate - de l'occlusion en fonc tion de groupe, puisque c'est la première prémolaire maxillaire qui engrène en pseudo-Classe I avec la canine inférieure, les premières molaires engrénant quant à elles en Classe II d'ANGLE. L'orthodontie doit absolument être complétée dans ces cas par des meulages sélectifs minutieux afin de préserver le patient de tout trauma occlusal. Les premières prémolaires sont particulièrement concernées à cet égard, car leur cus 492

pide palatine ne peut être uniquement contrôlée orthodontiquement : le torque radico-vestibulaire qui devrait leur être appliqué pour éviter toute interférence en latéralité représente un risque patent de fenestration, qu'il convient d'écarter en lui substituant un meulage post-orthodonti que. Par ailleurs, une supraclusion incisive marquée, et que l'on prévoit difficile à corriger, impose de privilégier la protection canine : elle constitue donc une contre -indication relative aux traitements par substitution. 4 - 2 - Les prothèses de remplacement Les prothèses de remplacement des incisives latérales vont dicter certains objectifs de finition orthodontique en fonction de leur type d'ancrage. Rev Orthop Dento Faciale 29: 487-494, 1995


Canine et agénésies des latérales supérieures

- Les prothèses scellées sont peu utilisées car elles impliquent la décortication des inci sives centrales et des canines en préalable à leur recouvrement prothétique. On peut dans quelques cas (Classe III) choisir de combiner substitution et prothèse de remplacement en repoussant celle-ci le plus distalement possible, la canine devenant pseudo-latérale et le diastème préprothéti que étant aménagé en place de première, voire de deuxième prémolaire ( PHILIPPE10). - Les prothèses collées sont à considérer comme transitoires de longue durée ; elles permettent cependant de respecter les dents adjacentes et offrent un rendu esthétique très satisfaisant lorsqu'elles sont bien réalisées. Leur pérennité dépend en grande par tie du soin apporté à la parallélisation des piliers (en l'occurrence, incisives centrales et canines) et à l'obtention d'un recouvrement antérieur minimal (0,5 à 1 mm) tandis que le surplomb est plutôt accentué (fig. 9 et 10). - Les prothèses sur implant représentent sans conteste la solution idéale face aux problèmes posés par l'agénésie des incisives latérales : pas de préparation sur des dents saines, une 10finition orthodontique classique f0° avec des canines en Classe I qui assurent la

Figures 9

L'attache de la canine droite placée à gauche et réciproquement facilite le contrôle des axes dentaires lors de leur mésialisation.

désocclusion en latéralité ; bref, un résultat esthétique et fonctionnel incomparable. Malheureusement, la mise en place d'im plants dans une zone d'agénésie est souvent contre-indiquée par la faible quantité d'os intercortical disponible, et ce d'autant plus que la réouverture orthodontique de diastèmes antérieurs tend à accentuer cette déficience anatomique. L'installation de l'implant sera facilitée par une légère version corono-mésiale des canines de part et d'autre du site implantaire ; tandis que dans le même esprit les incisives centrales seront placées en version corono-distales ; sa contention sera assurée par le multibague. Par ailleurs, quel que soit le type de prothèse conjointe envisagé, des réaménage ments gingivaux de type greffe de comblement peuvent contribuer grandement à l'intégration esthétique de la réhabilitation : en effet, lorsque l'anatomie parodontale est défavorable, l'ouverture d'espaces au niveau de l'emplacement des incisives latérales (12 et 22) engendre fréquemment une dépres sion alvéolaire qui affecte l'aspect du bridge en obligeant à réaliser des intermédiaires très hauts pour gagner le contact muqueux ( GENON et al.6 ).

Figure 10 La pseudo-latérale est rétractée en tant que canine.

5 — SPÉCIFICITÉS DE LA PHASE ORTHODONTIQUE Elles sont attachées aux traitements par substitution : la " pseudo-latérale qui se veut incisive au terme de notre intervention thérapeutique, reste canine durant le traitement actif. Rev Orthop Dento Faciale 29: 487-494, 1995

Il est donc judicieux de l'équiper avec une attache de canine, dont la dimension est adaptée à l'ancrage radiculaire qu'elle représente alors même que la coronoplastie lui a donné une apparence clinique d'incisive latérale. 493


C. LODTER

Suivant l'anatomie radiculaire des canines maxillaires d'une part, et l'épaisseur dans le secteur incisivo-canin de l'os alvéolaire d'autre part, il peut être nécessaire d'ap pliquer soit un torque radiculo-palatin, soit plus rarement un torque radiculo-vestibu laire : l'information de 0° de torque rendue par la plupart des systèmes pré-informés sur les canines supérieures permet au praticien de gérer sans difficulté, lors du façonnage des arcs, la quantité de torque actif transmise aux "pseudo-latérales ". Quant à l'angulation de + 10° que présentent classiquement les attaches destinées aux canines supérieures, elle convient aux seuls cas (Classe II) où les "pseudo-latérales" doivent être distalées ; quand le plan de traite-

ment prévoit à l'inverse de les mésialer, il devient souhaitable de leur transmettre une information d'angulation de - 10°, ce qui est obtenu en inversant les attaches : l'attache pour canine droite est placée sur la canine gauche et réciproquement (fig. 9). La "pseudo-latérale", sur le plan biomécanique en général, reste une canine : cela implique plus particulièrement de la distaler ou de la mésialer unitairement afin de respecter les caractéristiques habituelles d'ancrage ; on se trouve donc amené dans la plupart des cas, à une rétraction antérieure limitée aux seules incisives centrales, les " pseudo-latérales" ayant été déplacées précédemment au besoin par forces directionnelles (fig. 10).

- CONCLUSION Compenser l'absence d'une et en règle générale de deux dents que le sourire met en évidence pour le meilleur comme pour le pire représente une mission bien délicate : tenté par les promesses des implants, voire des prothèses fixées, l'orthodontiste peut exceptionnellement limiter son intervention

à une simple réouverture d'espaces. Mais il lui échoit le plus souvent le rôle de gérer par l'orthodontie seule les problèmes esthéti ques et fonctionnels inhérents aux agénésies de latérales supérieures ; la thérapeutique par substitution, avec ses impératifs, trouve ainsi un champ d' application incontestable.

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Rev Orthop Dento Faciale 29: 487-494, 1995


Techniques chirurgicales de désinclusion des canines Pierre POKOïK

RÉSUMÉ Le choix de la technique sera fonction de la topographie de la canine à désinclure en gardant présent à l'esprit l'objectif de préservation et/ou de création d'un environnement adéquat de gencive kératinisée. Les investigations radiologiques pré-opératoires pourront aller du simple cliché panoramique ou rétro-alvéolaire jusqu'à l'examen tomodensitométrique en cas d' ambiguïté.

ABSTRACT The choice of surgical technique will be adapted to the topography of the impacted canine, keeping in mind the goal of creating or preserving, the environnemental aspect of keratinized gingiva. Preoperative radiological investigations, could be : retroalveolar or panoramic film. Sometime C.T. scan will be needed.

MOTS CLÉS Canine incluse - Gencive kératinisée. P. POKOÏK 32, avenue des Écoles, 91600 Savigny-sur-Orge.

KEY-WORDS Impacted canine - Keratinized gingiva.

1 - 1 - Inclusion vestibulaire S'il existe une quantité adéquate de gencive kératinisée, soit deux millimètres ou plus (fig. 1), la technique de choix reste le lambeau pédiculé apicalisé ou déplacé latéralement (WisTH et a1.9, BoYD', HALLS). Deux incisions verticales sont réalisées Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995

mésialement et distalement par rapport à la dent incluse. Elles s'étendent apicalement, au-delà de la ligne de jonction muco-gingivale, afin de pouvoir déplacer le pédicule (fig. 2 et 3). Une troisième incision marginale au sommet de la crête achève son tracé. 495


P. POKOÏK

Figure 1 Situation idéale : large bande degencive kératinisée posant l' indication du lambeau déplacé apicalement.

496

Figure 2

Figure 3

Incision horizontale en épaisseur totale (c).

Deux incisions verticales (a et b) s'étendant apicalement audelà de la ligne de jonction muco-gingivale.

Le décollement s'effectue en épaisseur totale dans sa partie marginale (lambeau de pleine épaisseur), puis se poursuit en épaisseur partielle au-delà de la ligne de jonction muco-gingivale, afin de préserver le périoste qui servira éventuellement d'ancrage au positionnement du pédicule. La dent incluse est mise en évidence (fig. 4) au ciseau (type OSCHENBEIN) si la corticale osseuse est papyracée, ou à la fraise boule n° 2 ou n° 3, si elle est plus épaisse. L'ostectomie devra permettre la visualisation d'une surface d'émail suffisante pour

permettre le collage de l'attache, sans interférer avec la zone cervicale de la dent (fig. 5) . Le pédicule est ensuite positionné le plus près possible de son collet anatomique. La stabilité du pédicule durant la cicatrisation est conférée par les sutures des incisions verticales et par une suture périostée (fig. 6) (VANARSDALL et CORNE). Si l'hémostase est correcte, le collage peropératoire est réalisé de préférence par l' orthodontiste s'il participe à l'intervention ( Moss7). Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995


'techniques chirurgicales de désinclusion des canines

En son absence ou si l'hémostase est difficile, on diffèrera le collage après l'ablation des sutures environ à 8/10 jours post-opératoires (fig. 7 et 8). Les suites sont généralement simples (peu ou pas de douleurs, léger oedème pen-

Figure 4 Le pédicule est récliné en pleine épaisseur jusqu'à la ligne de jonction muco-gingivale puis en épaisseur partielle au-delà.

Figure 5 Découverte de la dent incluse au ciseau à os ou à la fraise boule sur une surface permettant le collage.

dant 48 heures). A un an post-opératoire (fig. 9), la dent est en place avec son parodonte (FoNTENELLE3). Deux ans plus tard, on peut constater la stabilité clinique de l' environnement kératinisé (fig. 10).

Figure 6 Positionnement apical du pédicule au plus près du collet anatomique de la dent grâce aux sutures des deux incisions (a et b cf. figure 3) et à une suture périostée médiane.

Figure 7 Ablation des fils 8 à 10 jours après l'intervention.

Figure 8

Figure 9

Figure 10

Collage différé de l'attache.

Maturation tissulaire un an après l'intervention.

Stabilité clinique à deux ans.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995

497


i

P. POKOÏK

Si l'inclusion se situe vestibulairement par rapport aux dents collatérales, c'està-dire en regard de l'incisive latérale ou de la prémolaire, le pédicule devra être prélevé

latéralement, car la gencive kératinisé disponible sera pratiquement inexistante en regard de la dent incluse.

Figure 11

Tracé d'incision du lambeau de translation décrit par GRUPE et WARRENS (1956).

Figure 12

Figure 13

Le site receveur est préparé grâce aux deux incisions convergentes (traits pointillés a et b de la figure 11) et le tissu ainsi délimité est excisé par une incision horizontale (trait pointillé c de la figure 11).

La dissection du site donneur permet la libération du pédicule par le biais d'une troisième incision (trait pointillé d de la figure 11). Le pédicule est arrimé sur la dent incluse par les sutures.

Figure 14

Situation clinique à un mois.

498

Figure 15 Situation un an après l'intervention. La dent incluse est presque sur l'arcade en ayant emmené son environnement tissulaire.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995


Techniques chirurgicales de désinclusion des canines

Le tracé d'incision sera celui du lambeau de translation (fig. 11) décrit par GRUPE et WARREN4 en 1956. La préparation du site receveur (fig. 12) se fait en pratiquant deux incisions verticales convergentes apicale -ment (cf. traits pointillés a et b de la figure 11) et éliminant la surface de tissu ainsi déterminée grâce à une troisième incision horizontale (cf. trait pointillé c de la figure 11) tout en préservant la gencive kératinisée existant à ce niveau. La suite du processus opératoire se présente ainsi : - délimitation du site donneur collatéral par une troisième incision verticale (cf. trait pointillé d de la figure 11) s'étendant apicale -ment au-delà de la ligne de jonction mucogingivale pour la même raison que précédemment ; - libération du pédicule donneur par une incision horizontale (cf. trait pointillé e de la

Figure 16 Absence de gencive kératinisée environnante.

Figure 18 Mise en place d'un greffon épithélio-conjonctif prélevé au niveau du palais. Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995

figure 11) et dissection du pédicule en épais seur totale jusqu'à la ligne de jonction muco-gingivale, puis en épaisseur partielle au-delà de cette ligne ; - mise à jour de la partie coronaire de la canine incluse (fig. 12) ; - déplacement et fixation du pédicule au niveau cervical de la dent désincluse grâce aux sutures (fig. 13) (KORBENDAU et GUYOMARD6).

En l'absence ou insuffisance de gencive kératinisée marginalement et latéralement à la canine incluse (fig. 16), un apport de gencive kératinisée sera fait au moyen d'une greffe épithélio-conjonctive placée au collet de la dent, si possible extemporanément, avec prélèvement palatin. Le cas échéant (palais immature), la greffe pourra être diffé rée en fin de traitement orthodontique ( DORFMAN2).

Figure 17 Dissection d'un site receveur de greffe défini latéralement par deux incisions verticales.

Figure 19 Situation clinique deux mois après l' intervention. 499


P. POKOÏK

1 - 2 - Inclusion palatine L'accès à la dent incluse se fera toujours grâce à un lambeau muco-périosté ( pleine épaisseur). S'il s'agit d'une inclusion basse, le tracé d'incision sera intra-sulculaire, en s' étendant de part et d'autre de la dent incluse, de manière à conférer au lambeau suffisamment de mobilité et permettre l'accès au collage, qui sera extemporané car le lambeau sera replacé.

En cas d'inclusion haute, l'incision horizontale pourra être décalée apicalement afin de faciliter le décollement muco-périosté tout en préservant le niveau marginal de la fibromuqueuse palatine. Une fois la face coronaire de la dent dégagée, le lambeau sera replacé et la fibromuqueuse fenestrée, laissant la dent apparente en fin d'intervention. Le collage peut, dans ce cas, être différé (fig. 21 et 22).

Figure 20

Inclusion palatine basse: accès grâce à un lambeau mucopériosté.

Figure 21

Figure 22

En cas d'inclusion haute, l'incision horizontale pourra être décalée afin de préserver les bords marginaux.

L'accès aux dents sera aménagé par des incisions fenestrées autour des dents, permettant ainsi le collage différé par l'orthodontiste.

1 - 3 - Inclusion médiane L'intervention sera fréquemment compliquée par des proximités radiculaires. Les incisions devront permettre la réalisation d'un lambeau vestibulaire et d'un lambeau palatin et seront plus ou moins décalées par rapport au sommet de la crête édentée, selon la position de la ou des dents incluses sous-

jacentes (fig. 23 et 24). L'ostectomie sera très prudente et le collage sera fonction du dégagement réalisé. Sur le cas illustré (fig. 25), le lambeau a été légèrement apicalisé du côté vestibulaire et fenestré du côté palatin. Le collage a pu être différé et réalisé avec plus de précision par l' orthodontiste. Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995

1


Techniques chirurgicales de désinclusion des canines

Figure 23

Figure 24

Inclusion médiane. Le tracé est effectué au sommet de la crête ou, comme ici, légèrement décalé en fonction de la position des dents.

Le lambeau est récliné et les dents sont dégagées. L'ostectomie sera prudente. Notez ici la proximité radiculaire 22-23 de l'incisive latérale et de la canine supérieures gauches.

Figure 25 Positionnement du lambeau par le jeu des sutures.

Figure 26 Cicatrisation à 10 jours, permettant le collage.

2 — MANDIBULE Les inclusions vestibulaires et médianes répondent aux mêmes critères techniques avec une difficulté liée à la présence du trou mentonnier. On évitera donc, à ce niveau, les interventions en épaisseur partielle risquant de léser le paquet vasculo-nerveux dentaire inférieur ou ses branches terminales.

Une difficulté majeure peut être rencontrée dans les inclusions basses (fig. 27) qui poseraient le problème du diagnostic d'ankylose. Celle-ci est fréquente lors de la localisation de l'apex de la canine incluse dans le bord basilaire de la mandibule. Il est alors préférable d'extraire la dent si l' ankylose est confirmée par l'exploration chirurgicale (fig. 28).

Figures 27 et 28 Localisation basse à la mandibule d'une canine incluse en position vestibulaire. Le diagnostic d'ankylose porté en cours d'intervention impose l'extraction extemporanée.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995

501


P. POKOÏK

Les interventions chirurgicales destinées au dégagement des canines incluses seront simples si elles sont abordées en ayant à l'esprit les impératifs muco-gingivaux d'une part et la topographie précise de la dent d'autre part. Les protocoles immédiats ou différés seront établis en étroite collaboration entre l'orthodontiste et le chirurgien.

Figures 2, 3 et 11 : schémas des Dr J.M. KORBENDAU et F. GUYOMARD. Figures 12 à 26 : cas cliniques du Dr E. DANIEL.

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Questions posées : - Modifications de la forme des arcades dentaires au cours de la dentition. - Lèvres et O.D.F.

502

Rev Orthop Dento Faciale 29: 495-502, 1995


Recul des canines avec ancrage auxiliaire dans les traitements avec extractions Samuel M. MELLER, Drasko KARADJINOVIC

RÉSUMÉ Un procédé de recul des canines à l'aide d'un arc continu passif (initial) est présenté dans les thérapies multi-attaches Edgewise avec extractions. Le procédé cherche à minimiser l'effet secondaire des arcs idéaux, qui est le "flaring "(disposition en bouquet) des incisives et l' approfondissement de la courbe de SPEE, quand les canines présentent une inclinaison distale de la couronne. Pour cela on utilise un premier arc totalement passif par rapport aux irrégularités de la disposition des dents antérieures, existant dans la malocclusion initiale.

ABSTRACT The authors propose an original technique to provide any cuspid retraction on continuous arch wires, in Edgewise therapy with extractions. The totally passive and initial arch form design tends to reduce the adverse effects of many ideal arches, wich are mainly an incisor flaring movement and a worsening of the curve of SPEE. S.M. MELLER Clinique dentaire scolaire, 2, avenue du ler Mars, 2000 Neuchâtel, Suisse. D. KARADJINOVIC Clinique dentaire scolaire, Le Lode, Suisse.

MOTS CLÉS Recul des canines - Ancrage auxiliaire - Arc continu.

KEY-WORDS Cuspid retraction - Auxiliary anchorage - Continuous arch.

L'ancrage a été défini de multiples façons dans le langage orthodontique. En général, d' après NIKOLAÏ3, "l'ancrage" se rapporte à la stabilité. Il supporte les forces d'applica Rev Orthop Dento Faciale 29 : 503-508, 1995

tion orthodontique et leur résiste. Il prend alors le sens de "fixation". C'est pourquoi nous pouvons parler de la valeur d' ancrage d'une dent, qui peut résister à des forces 503


S.M. MELLER - D. KARADJINOVIC

appliquées au système. Dans notre traite ment orthodontique nous recherchons un mouvement différentiel d'une dent ou d'un groupe de dents. Nous souhaitons aussi que la valeur d'ancrage d'une certaine dent ou de segments dentaires soit augmentée ou diminuée relativement aux autres secteurs de la denture. De cette façon, il est possible de contrôler la réponse passive par rapport à la réponse active, en augmentant le déplace ment des éléments actifs et en diminuant le déplacement des éléments réactifs. L'addition de systèmes, tels que des arcs faciaux, des arcs transpalatins et/ou des arcs mandibulaires linguaux, sont des méthodes respectivement extra-orales et intraorales qui ont pour but d'augmenter les valeurs d'ancrage. Les dents, que nous prévoyons de déplacer, sont définies comme ayant une valeur d'ancrage plus petite que les unités résistantes et alors nous opérons avec le principe des forces différentielles, qui peut ê t r e p e r ç u c l i n i q u e m e n t c o m m e u n e réponse différentielle. Ce que nous voulons dire par valeur d'ancrage différentielle, est qu'une dent ou un groupe de dents avec une plus grande valeur d'ancrage se déplacera moins qu'une dent ou un groupe de dents réactives avec une plus petite valeur d'ancrage. Des tentatives pour quantifier la valeur de la résistance (d'ancrage) d'une dent ont été menées. Ces recherches sont basées sur les dimensions de la surface radiculaire des différentes dents, qui indiquent le rapport existant entre la surface radiculaire et le ligament périodontal, nécessaire pour le déclenchement des activités des ostéoclastes et des ostéoblastes.

Il est clair, que la surface radiculaire d'une dent est directement et positivement corré lée avec sa valeur d'ancrage. Une approche classique pour augmenter la valeur de la résistance d'un site postérieur (bêta) pour obtenir le recul d'un segment antérieur (alpha) est de combiner les surfaces radiculaires de plusieurs dents postérieures, en les liant avec un arc segmenté rigide. Cet article va tenter de décrire un procédé polir augmenter le potentiel d'ancrage d'un site bêta en utilisant les irrégularités des incisives situées devant les canines (site alpha). Ce procédé est utile (intéressant) , quand le recul d'une canine est souhaité comme une étape dans le traitement des protrusions dentaires, comme cela est souvent le cas avec les malocclusions de Classe I dans le secteur antérieur ( incisives-canines). La mise en place d'un premier arc idéal dans les segments antérieurs, ce qui souvent permet d'obtenir une meilleure courbe de SPEE, est une erreur classique, qui a pour conséquence une perte d'ancrage prématurée. Le nivellement de ces arcs a souvent pour résul tat un "flaring" (flambage) des dents antérieures, alors que les éléments postérieurs sont littéralement attirés vers l'avant. Quand les canines mandibulaires présentent une inclinaison distale de la couronne à" outset" ou comme résultat d'un mouvement distal, il se peut qu'un premier arc idéal provoque l' extrusion des dents antérieures, une détérioration de la courbe de SPEE et un approfondissement de l'overbite. Le procédé décrit ici cherche à résoudre ces problèmes, tout en continuant à utiliser la technique de l'arc continu.

Le procédé présenté est surtout utile, quand les extractions des prémolaires sont prescrites et qu'une perte d'ancrage mini male ou modérée du site bêta peut être acceptée pour la thérapie du chevauchement et de la protrusion des incisives. Toutes les dents du patient, exceptées celles qui vont être enlevées, sont appareillées en utilisant des brackets de dimension .022" . Le premier arc est fabriqué à partir d'un fil rond de

haute rigidité, dont les stops sont placés au contact mésial des tubes des molaires. Pour cela on peut utiliser, par exemple du fil .018" Australian Special (TP Orthodontics, La Porte, Indiana, U.S.A.) soigneusement plié, de façon à être totalement passif dans les irrégularités antérieures, horizontales et verticales. Le fil rond ne présente pas de torque différentiel dans les premiers arcs pas sifs. Un fil de haute rigidité avec un diamètre

2-P:

504

Rev Orthop Dento Faciale 29: 503-508, 1995

1


Recul des canines avec ancrage auxiliaire dans les traitements avec extractions

a

c

d

Figures 1 a à d Patient A.

a - Vue frontale intra-orale de la denture du patient A montrant le chevauchement bimaxillaire, qui a été traité par l'extraction des quatre premières prémolaires.

sif et en contact avec toutes les attaches. On remarque la courbure marquée du fil pour une application passive sur l' incisive latérale gauche du maxillaire (flèche).

b - Vue maxillaire occlusale du même patient montrant l' irrégularité de la disposition des incisives. c - Vue frontale des dents du patient A avec le premier arc, en .016" Australian Special, plié defacon à être pas-

d - Vue mandibulaire occlusale de la denture du patient A montrant les irrégularités marquées des incisives, qui vont être utilisées pour augmenter l' ancrage pendant le recul des canines.

de .018" résiste à la flexion et la tendance à l'open bite latéral provoqué par les forces de Classe I, qui s'exercent entre les sites alpha et bêta. Après que les arcs d'ancrage auxiliai res sont fabriqués ( pour leur passivité), ils sont retirés et on peut procéder à l'extraction des prémolaires du patient. Dès que la cicatrisation des tissus est terminée, les arcs sont placés puis attachés avec des ligatures en acier. Si les prémolaires restantes sont très irrégulières, elles doivent être progressivement amenées à favoriser (augmenter) la valeur d'ancrage du site bêta.

Le segment du fil distal par rapport aux brac kets des canines doit être sans courbures marquées, qui pourraient interférer avec le mouvement libre distal des canines. De légères forces de Classe I (120 gms = 4 oz) constituées de chaînettes élastomères ou de fil élastique sont placées entre les molaires terminales et les canines. Afin que le niveau des forces ne baisse pas trop rapidement, on peut aussi utiliser des ressorts fermés (de contraction), qui délivrent une force plus constante dans le temps. Le patient est convoqué à intervalles de trois à six semai-

Rev Orthop Dento Faciale 29: 503-508, 1995

505


S.M.

MELLER - D. KARADJINOVIC

b

c

d Figures 2 a à e

Patient A. a - Vue maxillaire occlusale du patient A avec un prec - Vue occlusale mandibulaire du patient A au mier arc (.016" Australian Special) mis en place avant l' moment de l'insertion de l'arc initial. On remarque que extraction des premières prémolaires. On remarque la le fil s'applique passivement aux attaches des forme du fil permettant d'être passif dans les incisives latérales (flèche). On distingue aussi la attaches antérieures (flèche). On peut aussi voir le position mésiale des stops par rapport aux tubes des segment du fil en position distale par rapport aux canines. molaires. d - Arcade mandibulaire du patient A une année après b - Vue maxillaire occlusale du patient A, une année la fin du traitement actif. après la fin du traitement actif. e - Vue frontale àla fin du traitement actif du patient A.

nes suivant la vitesse de diminution des forces. Les générateurs de forces sont alors remplacés et ajustés si nécessaire. La fermeture de l'espace devrait se réaliser à la vitesse de 1 mm par mois. La mise en place des brac kets double slots sur la canine favorise le mouvement de gression de la dent. Les modules de force linguale ( élastomères) entre les sites bêta et les boutons (cleats) collés sur les faces palatine et linguale des canines contrarient le moment disto-lingual créé dans le plan occlusal sur les canines par les modules de forces buccales. De cette façon 506

est aussi évitée la tendance à la rotation mésio-linguale des molaires provoquée par les forces élastiques de Classe I. Un ancrage supplémentaire dans les sites bêta peut évidemment être mis en place afin de satisfaire les exigences individuelles du patient. Alors on peut adapter des arcs maxillaires transpalatins, des forces extraorales et des arcs mandibulaires linguaux, au système. L'ancrage des irrégularités antérieures augmente la valeur d'ancrage du site bêta, et les canines peuvent être reculées avec précision. Plus les irrégularités antéRev Orthop Dento Faciale 29: 503-508, 1995


Recul des canines avec ancrage auxiliaire dans les traitements avec extractions

a

c

Figures 3 a à e

e

Patient B. a - Vue buccale gauche du patient B, qui souffre d'une c o n v e x i t é f a c i a l e e t d ' u n c h e v au ch em en t d en t ai re bimaxillaire. b - Arc initial (.018" Australian Special) trois mois après sa mise en place et l'extraction des premières prémolaires. Des chaînettes élastiques sont placées entre le crochet molaire et les attaches montées sur les canines. On remarque la position mésiale des stops par rapport aux tubes des molaires (flèche). c - Recul des canines mandibulaires du patient B sans un toe-in approprié de la molaire droite. On remarque la rotation mésio-linguale des molaires comme résultat du

rieures sont importantes, plus il est probable que les surfaces radiculaires soient en contact avec l'os cortical. Alors on peut espérer une meilleure résistance au mouvement. La valeur d'ancrage de ce segment antérieur est ajoutée à la valeur d'ancrage du site bêta au moyen de l'arc rigide continu. A la suite du recul des canines et du repositionnement de la racine, l'ancrage des sites bêta renforcé par les canines facilite les mouvements des incisives, tels que le Rev Orthop Dento Faciale 29: 503-508, 1995

système de forces (longue flèche). Les canines présentent aussi une rotation disto-linguale parasite ( petites flèches), qui doit être corrigée après le recul en mettant en place des boutons linguaux sur les canines et en appliquant des forces de Classe I entre les molaires et les canines. d - Vue occlusale du quadrant maxillaire droit du patient B. e - Vue occlusale de la même zone que dans la figure 3 d après trois mois de recul. La " dérotation "suivant le recul réduit le besoin d'ancrage des molaires pendant le recul. On remarque combien les incisives demeurent relative ment peu déplacées pendant le recul de la canine.

nivellement et le recul, qui sont ainsi rapidement obtenus. La superposition de téléradiographies latérales permet de déterminer l'importance de la perte d'ancrage dans les sites bêta du maxillaire et de la mandibule. De telles superpositions doivent être soigneusement tracées et il est recommandé de suivre la méthode de NIELSEN2, BJeRK et SKIELLERI pour le maxillaire et la mandibule respectivement. 507


S.M. MELLER - D. KARADJINOVIC

3 — DISCUSSION Le fondement biologique du procédé est lié au concept suivant lequel le mouvement d'une dent est une réponse aux forces de tension et de pression, qui modifient l'hémodynamique des tissus périodontaux. Les surfaces, qui réagissent aux déplacements antéro-postérieurs des canines, seraient les surfaces radiculaires mésiale et distale. La surface réactive mésio-distale des canines est estimée à 0,75 cm2 par canine (toutes les estimations de ces surfaces moyennes proviennent de données de NIKOLAï,1985). Les surfaces réactives (de résistance) des dents pos-térieures peuvent être imaginées comme des surfaces mésio-distales, tandis

que pour les incisives ce seraient des surfaces vestibulo-linguales. La somme des surfaces réactives de la première molaire et de la seconde prémolaire pour la mandibule est de 1,70 cm2 par quadrant, alors que pour le maxillaire, elle est de 1,75 cm2 par quadrant. La somme des surfaces réactives vestibulolinguales des quatre incisives inférieures est estimée à 1 cm2, celle des quatre incisives maxillaires est estimée à 1,80 cm2. C'est la combinaison du segment antérieur, relié au site bêta par un arc passif relativement rigide, qui permet au site bêta d'avoir une valeur d' ancrage plus grande que celle du site alpha (canine).

On a présenté un procédé de préservation d'ancrage pendant le recul des canines avec la technique des arcs continus. Ce procédé utilise les irrégularités des incisives pour augmenter l'ancrage (comme stimulateur d'ancrage) dans le site bêta pendant le recul des canines au moyen de forces de Classe I (forces élastomères). La configuration du fil est seulement un des éléments du système élaboré pour contrôler l'ancrage. La forme de l'arc ( décrit pour le recul des canines) présente les avantages suivants :

- utilisation de forces faibles pendant le recul pour tenter de minimiser la perte d'ancrage ; - les réactivations sont peu fréquentes, du fait de la faible diminution des forces élastomères ; - les doubles slots sur les brackets des canines favorisent le mouvement de gres sion de celles-ci ; - la rigidité du fil minimise la torsion des segments latéraux ; - l'utilisation d'un arc de forme idéale empêche le "roundtripping" des incisives; - la perte d'ancrage peut être contrôlée ( suivie) au moyen d'une inspection visuelle en mesurant l'overjet.

CONCLUSION

- les forces sont réparties sur une grande surface radiculaire en utilisant les irrégularités des dents antérieures pour former un assemblage (appareil) relativement rigide ; BIBLIOGRAPHIE

A., SKIELLER, V. : Normal and abnormal growth of the mandible : A synthesis oflongitudinal cephalometric implant studies over a period of 25 years. Eur J Orthod 5: 1-46, 1983.

1 — BJORK,

2-

3-

Maxillary superposition : A comparison of three methods for cephalometric evaluation of growth and treatment change. Am J Orthod Dentofac Orthop 95 : 422-431, 1989.

NIELSEN, I.L.:

NIKOLAÏ, R.J.: Bioengineering analysis of orthodontic mechanics (p. 183 et 187-188). Lea and Febiger, ed., 1985.

508 Rev Orthop Dento Faciale 29: 503-508, 1995


i iv1MANDATIONS ET RÉFÉRENCES ME

f

A un moment où le gouvernement insiste sur la nécessité des références médicales opposables, il nous a semblé utile de reproduire celle intéressant pour le moment l'O.D.F.

L'ANDEM a été saisie officiellement le 2 juin 1994 pour élaborer les Recommandations et références médicales sur 30 thèmes cliniques identifiés par les partenaires de la convention. C'est sur cette base scientifique et professionnelle que ces partenaires définiront les Références médicales opposables (RMO) applicables en 1995. Depuis sa création, en 1990, l'Agence développe des méthodes permettant d'établir des connaissances sur les techniques et stratégies médicales en s'appuyant sur une analyse rigoureuse de la documentation scientifique et médicale et sur le recueil de l'avis des experts et des professionnels. Sur la base de ces méthodes qu'elle a publiées, elle a ainsi réalisé 20 études d'évaluation technologique, suivi ou labellisé 25 conférences de consensus et plus récemment, établi des recommandations de pratiques cliniques pour 7 thèmes. L'élaboration de recommandations repose sur des objectifs clairs et précis, exige une excellente maîtrise des méthodes de synthèse de l'information et un processus explicite de consultation des groupes. Ce sont ces principes que l'Agence a appliqué dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. Pour la réalisation de ce programme aux enjeux importants, l'Agence a mis en oeuvre une méthode spécifique et a remis l'intégralité de ces travaux le 30 novembre 1994 pour chacun des 30 thèmes. Pour les recommandations, les textes produits font le point des connaissances et pour les références, ils précisent ce qui est utile ou inutile de faire dans une situation clinique donnée. Les différentes phases de cette méthode décrite dans ce document ont pu se réaliser grâce à l'importance de la motivation des professionnels qui s'est exprimée au travers de leur présence effective dans les groupes de travail. Ceux-ci ont associé près de 400 personnes et le taux de présence aux réunions - 95 % - a été remarquable. A ces 400 professionnels de santé, s'est ajouté le concours de près de 800 autres qui ont accepté de relire les documents produits.

bibliographiques identifiées et 3 163 articles analysés - a permis la production des 28 textes aujourd'hui publiés. Les deux thèmes O.R.L. et les trois thèmes d'odontostomatologie ont été regroupés. Les textes ne sont pas tous comparables sur le plan de la forme en raison d'un . certain nombre de facteurs : étendue des thèmes, variation de la documentation, expérience des groupes... L'adhésion globale des groupes de travail à la méthode a permis ainsi d'expérimenter, de sensibiliser et de former plusieurs centaines de médecins à cette dynamique. Qu'il me soit permis de les remercier ainsi que toutes les personnes ayant accepté de relire et de modifier les textes dans le cadre de la procédure de lecture. L'équipe de l'ANDEM et spécialement le Pr Alain DUROCHER et le Dr Hervé MAISONNEUVE, coordonnateurs du programme, se joignent également à nous pour adresser nos plus vifs remerciements au Conseil scientifique de l'ANDEM qui, dans cette démarche dont il a soutenu le principe, a apporté tous les conseils méthodologiques nécessaires à une véritable contribution scientifique et professionnelle de l'Agence dans ce processus. C'est aussi grâce à la confiance que nous ont accordée les partenaires institutionnels et professionnels, à leur compétence et/ou leur contribution active dans cette démarche que ce travail a pu être réalisé. Nous souhaitons vivement qu'il puisse être utile à tous les professionnels de santé. C'est pour cela aussi qu'il nous a paru indispensable de le mettre à leur disposition. Ces informations valides, obtenues selon une méthode explicite, peuvent également être le support de l'enseignement et de la formation médicale continue. Chaque médecin peut y puiser l'aide nécessaire à sa pratique quotidienne et les éléments objectifs pour dispenser des soins appropriés à une situation clinique donnée. Pr Yves MATILLON

Directeur de l'Agence

Cette large participation, ajoutée à la vaste recherche documentaire et bibliographique - 8 591 références Rev Orthop Demo Faciale 29: 509, 1995

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Une nouvelle technique :

1'Edgewise Tweed-Merrifield André J. HORN, Isabelle JEGOU

RÉSUMÉ La technique Edgewise Tweed-Merrifield est une évolution de la technique du Dr TWEED qui est basée sur une gestion analytique et stratégique du traitement orthodontique des malocclu sions. L'analyse et la stratégie sont établies sur l'analyse cranio-faciale et l'analyse de l'espace total qui déterminent une difficulté de traitement. L'évolution de la mécanique décrite par le Dr MERRIFIELD est basée sur le concept séquentiel et directionnel des déplacements dentaires, unitaires ou sectoriels, sur des arcs continus. C'est une nouvelle approche du contrôle des forces orthodontiques en technique Edgwise, qui entraîne une simplification de la gestion des phases de traitement : préparation de la denture, correction de la denture, finition et recouvrement de l'occlusion. Cet article décrit dans le détail les différentes paires d'arcs utilisées dans le traitement d'une malocclusion de Classe II, conduit par extractions des 14, 24, 35 et 45. ABSTRACT

The new Tweed-Merrifield Edgewise technology is an evolution of the Dr TWEED's mechanics, based on an analytic and strategic management of the orthodontic treatment of the malocclusions. The analysis and the strategy are settled on the craniofacial analysis and the total space analysis which determine a treatment difficulty. The evolution of the mechanics described by Dr MERRIFIELD is based on the sequential and directional concept to move the teeth on continuous Edgewise archwires. It is a new approach of orthodontic force control in Edgewise technic that simplify the management of the treatment steps : denture preparation, denture correction, denture completion and denture recovery. This paper explains in details the different sets of archwires used in the treatment of a Class II malocclusion by extractions of the upper first and lower second bicuspids. MOTS CLÉS A.J. HORN I. JÉGOU 24, avenue du Général de Gaulle, 78490 Montfort-l' Amaury.

Edgewise - Contrôle séquentiel et directionnel - Technique de TWEED-MERRIFIELD. KEY-WORDS

Edgewise - TWEED-MERRIFIELD technology - Sequential and directionnal control.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995

511


A. J. HORN - I. JÉGOU

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INTRoDUC:I'IC}N

C'est ANGLE qui a établi les règles et les concepts mécaniques de l'Edgewise, mais il donnait priorité à la mécanique sur le diagnostic différentiel. Les techniques multibagues et multi-attaches ont avant tout été créées pour aligner les dents de chaque arcade, les mécaniques intermaxillaires permettant de les coordonner entre elles : alignement et coordination des arcades sont les deux principaux objectifs thérapeutiques en orthodontie. La coordination des arcades dans le sens sagittal des malocclusions de Classe II nécessite une mécanique intermaxillaire de Classe II, précédée d'une phase de préparation d'ancrage. TWEED fut le maître du couple "préparation d'ancrage-mécanique de Classe II ". C'est une vision "arcade contre arcade" qui n'a pas toujours la chance d'être reproductible et facile à réaliser. Les phases de traitement étaient régies par la construction d'arcs continus (17 paires d'arcs dans le dernier syllabus du Dr TWEED en 1975). Le danger de ce concept réside dans le fait que la réussite des traitements de Classe II dépend de facteurs déterminants, mais non contrôlés par le praticien, comme la croissance ou la coopération. En fait, cette stratégie dissocie les deux arcades au cours de la préparation de la denture (repositionnement incisif, alignement, nivellement) pour les coordonner ensuite par la mécanique de Classe II. Si, après suppression des compensations, les rapports d'occlusion de Classe II étaient identiques, voire augmentés, la mécanique seule ne pouvait réduire la malocclusion sans une bonne réponse de croissance et sans coopération. Une réévaluation de la stratégie de traitement conduisait alors souvent à des extractions supplémentaires au maxillaire ou à une chirurgie d'avancement mandibulaire. Les détracteurs de ce système ont développé des techniques " sectionnelles ", qui 512

avaient l'avantage de privilégier certains mouvements en début de traitement (ancrage molaire, recul des canines, alignement antérieur), puis de réunir dans une dernière phase les secteurs réaménagés par une ou deux paires d'arcs continus pour coordonner les arcades. La difficulté de ce système résidait dans les équilibres à obtenir entre les différents secteurs et qui n'étaient pas toujours faciles à contrôler. Les techniques d'arc droit (Straight-wire) ont tout bousculé en reprenant le principe des arcs continus. Elles utilisent des arcs souples et sans informations qui agissent dans des attaches pré-informées. La valeur des informations placées dans les attaches dépend de la malocclusion à traiter. C'est en fait moderniser et sophistiquer le matériel tout en conservant l'ancien concept " arcade contre arcade" : phases d'alignement, de préparation d'ancrage et mécanique de Classe II. La modernité de ce système réside plus dans les matériaux utilisés, tels les fils et les attaches pré-informées, que dans le concept thérapeutique. C'est plus une ergonomie clinique pour le praticien qu'une "nouvelle" gestion des traitements orthodontiques. On peut dire que le principe thérapeutique de correction des malocclusions de Classe II a peu évolué depuis les débuts de l' Edgewise. La véritable évolution vient de la nouvelle école de TUCSON, dirigée par le Dr. MERRIFIELD. En résumé, cette évolution est une gestion analytique et stratégique de la malocclusion, basée sur le concept séquentiel et directionnel des déplacements des dents sur des arcs continus. C'est le " Directionnal ces Sequential System ".

Sur un arc continu coexistent des secteurs non travaillants, " d'ancrage " et des secteurs travaillants, c'est le Système 10/2 (Ten/Two System) ou 12/2 (Twelve/Two System), suivant que le traitement se fait avec ou sans extractions de prémolaires. Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995


Une nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

Un arc rectangulaire est stabilisant s'il n' exerce pas de force de déplacement; il doit présenter un secteur passif (10 ou 12 dents) et un secteur actif (2 dents). Le secteur actif (tipback par exemple) est directionnel et séquentiel car la direction et l'intensité du mouvement de la dent activée sont déterminées par l'opérateur ; et pour être sûr de ce mouvement, des forces extra-orales contrôlent l'arc dans le secteur antérieur : l'action est représentée par le tip-back actif sur 37 et 47 ; la réaction qui en découle (ingression antérieure) est neutralisée par le high-pull appliqué sur le secteur antérieur mandibulaire. Le Dr MERRIFIELD, comme l'avait fait le Dr TWEED, a conservé le bracket sans informations. Par contre la réalisation de l'arc en acier est sophistiquée. L'arc est construit passivement par rapport à la lumière des brackets (dans les trois ordres), il ne délivre donc aucune force, quelle que soit sa section. Il est activé dans l' un des trois ordres, sur deux dents (tipback sur 37 et 47) ou un petit groupe de dents (torque radiculo-palatin sur les incisives supérieures). Quand l'activation redevient passive après le déplacement voulu, le même arc est réactivé dans le même secteur ou dans un autre secteur. C'est un concept sectoriel sur un arc continu. La seule difficulté réelle est la réalisation de ces arcs. Il est important pour le spécialiste de transmettre sélectivement les bonnes informations sur les dents qu'il veut déplacer, avec le maximum de contrôle. Ce contrôle est total car les informations nécessaires sont prescrites sur les arcs à la demande, et l'expression de la direction de ces forces est sous le contrôle des forces extra-orales à traction haute, à l'arcade mandibulaire et à l'arcade maxillaire. Chaque mouvement dentaire se fait progressivement et individuellement vers une situation idéale de fin de traitement en rapport avec l'occlusion et la face. Ce nouveau concept de MERRIFIELD s'oppose aux mécaniques "en masse" : la préparation de l'ancrage est progressive et séquentielle, elle commence dès le premier arc, se poursuit sur les arcs de fermeture et se Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995

consolide sur le troisième et dernier arc d' ancrage, et cela quel que soit le type de malocclusion. De même, la mécanique de Classe II n'est plus un mouvement " en masse ", elle est séquentielle et les molaires sont ajustées en occlusion de Classe I, deux par deux. La grande nouveauté de ce concept est de reconstruire une normoclusion autour de piliers repères (secteurs prémolaires) qui ne bougeront pratiquement pas au cours du traitement. L'exemple le plus explicite est le traitement des Classes II par extraction des 14, 24, 35 et 45, où pendant tout le traitement les secondes prémolaires maxillaires garderont une occlusion de Classe I avec les premières prémolaires mandibulaires. Dans les malocclusions de Classe II, la réussite du traitement est multifactorielle : le type facial, les types de rotation mandibulaire (index prévisionnel FHI-Facial Heigh Index), réponse mandibulaire, fermeture des plans horizontaux chez les hyperdivergents. Chaque degré de fermeture de l'angle FMA est un degré de gagné sur le repositionnement incisif FMIA, et donc une économie d'espace nécessaire sur l'arcade mandibulaire. Certaines malocclusions de Classe II en biprotrusion traitées par extraction des 14, 24, 35 et 45, ont vu leur angle FMA diminuer de 35° à 30° en cours du traitement puis se fermer de cinq autres degrés dans les quatre ans qui ont suivi la fin du traitement : 10° de fermeture de FMA, c'est 10° de repositionnement incisif de gagnés sur FMIA, et donc 8 mm d'espace économisés dans la zone antérieure mandibulaire. Les décisions de traitement doivent intégrer le temps, c'est-à-dire les phénomènes de croissance, de remodelage et de vieillissement. Les modifications faciales ne s'arrêtent pas le jour de la dépose des bagues ! Il faut savoir anticiper ces modifications en fonction du type facial. En d'autres termes le " Tweediste ", aujourd'hui, se focalise moins sur la position théorique de l' incisive inférieure que sur l'équilibre fonctionnel des arcades entre elles dans un contexte d'harmonie faciale. 513


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A. J. HORN - I. JÉGOU

2 — L'APPAREIL EDGEWISE actives, qui évoluent au cours des différentes phases de traitement et sont le moteur de l'arc. Les courbures actives doivent être contrôlées : par exemple, pendant le recul des canines, les courbures de premier ordre (offset canin et prémolaire) sont évolutives : l'offset canin est faible au début du mouvement, puis augmente jusqu'à sa valeur idéale, tandis qu'inversement, l'offset de la seconde prémolaire est très supérieur à sa valeur idéale pour contrôler le sens transversal, puis diminue d'intensité pour disparaître à la fin du recul. Un raisonnement identique peut être appliqué sur l'activation des courbures de deuxième ordre (tip-back) lors de l'aménagement des secteurs postérieurs maxillaires et mandibulaires. Toutes les courbures doivent être incorporées et contrôlées par la méthode du "read-out" : le read-out est la lecture de la position d'une dent dans les trois sens de l' espace, par rapport au reste de l'arcade. Cette lecture permet d'introduire sur l'arc l' information passive (non-mouvement) ou active (mouvement) et d'en contrôler alors la direction et l'intensité. Ce contrôle est systématiquement fait - Les arcs sont le support des informations, pour les courbures de premier, de deuxième ou courbures de premier, deuxième et troi- et de troisième ordre. sième ordre. Quand on parle de courbures des trois ordres, il est important de faire la distinction entre deux notions fondamentales : les courbures statiques et les courbures dynamiques. Les courbures statiques sont liées à la morphologie des dents et des arcades. Ce sont les courbures "idéales" qui sont matérialisées sur nos arcs de finition. Les courbures dynamiques permettent les mouvements et le contrôle des interactions. L'information reçue par une dent ou un Figure 1 groupe de dents, est la sommation des deux Dans le plan horizontal (1e' ordre), l'arcade du patient ( types de courbures : les courbures passives, moulage) est notre guide de construction et de contrôle des L'arcade mandibulaire sert de guide. L'arcade maxilliées à l'anatomie individuelle, qui n'engen- arcs. laire est ensuite coordonnée sur l'arcade mandibulaire. drent pas de mouvement, et les courbures Le bracket est une zone de contrôle (de la dent par rapport à son environnement). La portion d'arc comprise entre deux brackets est la zone de travail (boucles, tipbacks, zone de déplacement d'une canine... ). Si le bracket est extra-large ou double ( siamese), le contrôle de la dent est alors maximal, mais son déplacement minimal. Ce choix implique des mouvements "en masse" d'une arcade (ou une partie d'arcade) en ancrage contre l'autre en mouvement. A l'inverse, si les brackets sont simples et étroits, le mouvement dans l'espace entre les brackets est alors maximal, mais le contrôle de la dent est parfois insuffisant. En technique de TWEED-MERRIFIELD, un compromis a été fait en choisissant des brackets simples moyens ou larges. Ceci implique une notion d'équilibre dans les arcs au niveau des informations et une priorité dans les mouvements : c'est le concept des "séquences". L'information dans le bracket passe en arrière plan devant la nécessité d'individualiser les informations sur l'arc : c'est le contrôle de l'arc Edgewise. -

514

Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995

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Une nouvelle technique: l'Edgewise Tweed-Merrifield

- Contrôle du premier ordre

L'arcade du patient (moulages) est notre guide de construction et de contrôle des arcs (fig. 1). La ligne guide de la charte individualisée sur le diamètre transversal de l'arcade mandibulaire au niveau des secondes prémolaires est construite en respectant la divergence des secteurs latéraux. Cette charte sert essentiellement au contrôle de la forme d'arcade et de la symétrie. Dans les cas traités sans extractions, l'arcade du patient impose sa forme, et les courbures de premier ordre s ' adaptent simplement à l'anatomie des faces vestibulaires des arcades dentaires. Par contre, dans les cas traités avec extractions où le but est de construire une nouvelle arcade, chaque élément dentaire subit des mouvements d'amplitude variable, et les courbures de premier ordre seront évoluti ves et individualisées. - Contrôle du deuxième ordre Les informations en direction et en inten-

sité sont évaluées par rapport au plan horizontal passant par les brackets. L'inclinaison axiale de chaque dent est

lue par un read-out. L'intensité du tip-back introduit sur l'arc dépend de cette lecture. En fin de traitement, l'inclinaison coronodistale des deuxièmes molaires inférieures est d'environ 15° ; en début de traitement, leur inclinaison corono-mésiale est souvent de - 10° (courbe de S P E E ) . Le mouvement total du redressement corono-distal est de 25°. Ce mouvement doit être progressif et contrôlé dans le sens antéro-postérieur et dans le sens vertical. En fait, depuis l'utilisation des forces directionnelles, le degré de préparation d'ancrage est lié, plus au sens vertical qu'au sens antéro-postérieur. Par ce concept, le Dr MERRIFIELD a actualisé la technique de TWEED : la valeur d'un tip-back n'a aucune signification en dehors de son contexte clinique, elle dépend du type facial du patient et de l'inclinaison du plan d'occlusion mandibulaire, c'est-à-dire de la situation verticale de l'incisive inférieure. C'est la direction verticale des forces appliquées dans la zone antérieure qui gère le contrôle du deuxième ordre dans la zone postérieure. Aucune information n'est plus évolutive que le deuxième ordre (fig. 2).

Figures 2 L'inclinaison axiale des dents postérieures (2 e ordre) est mesurée par rapport au plan d'occlusion ; ces informations évoluent au cours du traitement et peuvent être mesurées avec précision à chaque ajustement.

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-

Contrôle du troisième ordre (fig. 3)

L'arc étant introduit d'un côté de l'arcade, l' évaluation du torque sur une dent ou un groupe de dents est visualisée en direction et en intensité par la lecture de la dénivellation qui existe entre la partie opposée de l'arc et le plan des brackets. Le torque peut également être mesuré en direction et en intensité en regardant la position de l'arc par rapport au plan médian de la pince de lecture. Quand on observe les moulages en occlusion de fin de traitement, on peut penser que les inclinaisons axiales des faces vestibulaires par rapport au plan horizontal font partie de la "mémoire morte" du système occlusal. La rétraction en haut et en arrière des incisives maxillaires, après le recul des canines,

impose l'activation du torque radiculopalatin. La quantité de torsion qu'il faut introduire dans l'arc dépend du sens vertical, de l' orientation du plan d'occlusion maxillaire, de la hauteur faciale antérieure et de l'importance du deuxième ordre postérieur qui a une forte réaction corono-vestibulaire antérieure. Comment analyser en début de traitement toutes ces situations et comment prévoir toutes les réactions si ce n'est qu'en individualisant le troisième ordre dans l'arc rectangulaire ? La clé du contrôle et de la réussite d'un traitement est le dosage des informations qui font évoluer progressivement les dents vers leur position finale. Doser une information c'est prescrire..

Figures 3 a à d L'ajustement des courbures de troisième ordre est rendu nécessaire du fait de l'utilisation des arcs rectangulaires. a : quand on introduit un arc plan dans l'attache de la 46, on observe une dénivellation du côté opposé; b : la mesure de cette dénivellation quantifie l'élévation qu'il faudra introduire dans le secteur de la 46 pour rendre l'arc passif; c : cette élévation se réalise par une torsion, à l'aide des pinces 442, en avant de 46, pour élever le côté opposé au niveau de la lumière du bracket de la 36; d : cette torsion de 3e ordre correspond à un torque passif sur la 46, que l'on contrôle directement en bouche. On peut par cette méthode fabriquer, d'avant en arrière, des informations de torsion sur l'arc, qui ne délivrent pas de mouvement de torque. L'arc ainsi réalisé est un arc passif.

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Une nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

En conclusion nous pouvons dire que la technique de TWEED-MERRIFIELD se différencie par le contrôle des informations de premier, deuxième et troisième ordre introduites sur l'arc rectangulaire continu par rapport à une situation initiale existant en bouche. Elle est donc à même de répondre à tous les traitements, quelle que soit la malocclusion de départ. L'apprentissage du contrôle des mouvements dentaires par les informations passe

par la capacité à construire un arc passif dans une situation précise. Pour un patient donné, dans une phase de traitement donnée, il n'existe qu'un seul et unique arc passif. A partir de cet arc passif, qui représente une situation d'équilibre, on choisira d'activer une information, sélectivement par zone, séquentiellement, en intensité et en durée. Ces informations seront directionnelles par l'application de forces extra-orales à traction haute.

3 — LES PHASES DE TRAITEMENT La nouvelle technique de TWEED est caractérisée par l'utilisation d'arcs rectangulaires dès le début du traitement. Ces arcs sont construits passivement, ils ne provoquent pas de mouvement. Puis ils sont activés sur un groupe de dents (deux en général) par des courbures actives dans le sens corono-distal : "tip-back" sur 37 et 47. Les autres dents servent d'ancrage. Sur le même arc nous avons deux dents qui se déplacent et dix dents d'àncrage : c'est le principe du système " 10/2" (Ten-Two System) mis au point par MERRIFIELD. Sur ces arcs passifs, au niveau des secteurs latéraux, les forces extra-orales appliquées contre les attaches des canines provoquent leur recul sans solliciter l'ancrage postérieur. Les principes généraux de construction des arcs sont les mêmes pour toutes les malocclusions. Les variantes observées dépendent des dents extraites. Le choix des extractions est déterminé par la stratégie de traitement établie à partir de l'analyse clinique du patient, de l'analyse cranio-faciale et de l'analyse de l' espace total. Dans la majorité des cas, la principale question qui se pose au praticien est : extraire ou ne pas extraire de prémolaires à la mandibule ? Et s'il faut extraire, alors

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quelle dent choisir : la première ou la seconde prémolaire ? Pour illustrer ici la mécanique de TWEEDMERRIFIELD nous choisirons un cas d'extraction de premières prémolaires maxillaires et de secondes prémolaires mandibulaires. C'est actuellement la mécanique utilisée dans 70 % des traitements de Classe II qui nécessitent des extractions de prémolaires. L'objectif thérapeutique est de corriger l' occlusion de Classe II par mésialisation des molaires inférieures. Ce choix dépend de la position de l'incisive et du schéma facial : en général, le sens vertical est augmenté, FMA varie de 26° à 35°, le décalage de Classe II varie de 5° à 10°, le plus souvent par une diminution de l'angle SNB. L'angle Z est diminué, mais l'harmonie des tissus mous est souvent correcte. Si l'encombrement antérieur est faible et le repositionnement de l'incisive inférieure peu important, le choix des extractions de 35 et 45 permet de niveler la courbe de SPEE et de corriger la Classe II dentaire. Au maxillaire, les extractions des 14 et 24 permettent la correction de l'overjet. Les trois séquences mécaniques sont : la préparation de la denture, la correction de la denture, et l'ajustement de l'occlusion de fin de traitement.

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3 - 1 - Préparation de la denture : Set 1, 1 a et 1 b, durée six mois (fig. 4 à 9) La préparation de la denture est une phase de décompensation antérieure et postérieure dans le sens vertical, et de correction des encombrements après le recul des canines sous l'action de forces extra-orales directionnelles. Ces deux actions permettent le nivellement de la courbe de SPEE, et la préparation des dents d'ancrage postérieures. La mise en place d'arcs rectangulaires dès le début de traitement impose que la pose des bagues soit séquentielle pour permettre l' augmentation de la zone de travail entre les brackets, l'action sélective dans la zone postérieûre et le contrôle horizontal et vertical de la zone antérieure. Les objectifs de cette première phase de traitement sont les suivants.

- Dans la zone moyenne :

• à l'arcade mandibulaire : nivellement de la courbe de SPEE et redressement des canines pur libérer l'espace nécessaire à la correction du déficit de la zone antérieure ; • à l'arcade maxillaire : recul des canines vers une relation de Classe I avec les canines mandibulaires. L'espace libéré permettra, dans la seconde phase, le repositionnement en haut et en arrière du groupe incisif supérieur. - Dans la zone antérieure :

• correction des encombrements et alignement séquentiel des incisives, au fur et à mesure du recul des canines. 3 - 1 - 1 - A la mandibule : la préparation

de la denture comprend 3 arcs (Set 1 - Set - Dans la zone postérieure : 1 a - Set 1 b). • à l'arcade mandibulaire : redressement corono-distal des premières molaires vers - Set 1 (fig. 4 à 6) Les premières molaires inférieures sont une situation terminale de 5° de tip-back, baguées avec des tubes. L'arc .018" x .025" puis leur mésialisation ; est continu avec des boucles en oméga • à l'arcade maxillaire : accentuation de la version corono-distale des deuxièmes situées à un millimètre en avant des tubes molaires (tip-back terminal de 25°) et redres- molaires. Le tip-back est de 10° sur la jambe sement des premières molaires. distale de la boucle et une ligature élastique maintient la boucle en oméga au tube molaire.

Figure 5 Schéma des arcs de la phase 1:

Figures 4 a à c Préparation de la denture (vues intrabuccales). Set 1: redressement radiculo-mésial des 36 et 46 par un arc terminé par des oméga loop (a) ou par un sherry-loop (b). Après ce redressement, les molaires sont mésialées avec un nouvel arc, le Set 1 a (4 c).

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au maxillaire, recul des 13 et 23 sous l'effet du high pull ; -- à la mandibule, redressement radiculo-mésial des 36 et 46, et recul des 33 et 43 pour libérer l'espace nécessaire à l'alignement des incisives.

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Une

nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

forme de virgule (Shoe-Horn), pour occuper le moins d'espace possible. Les activations de la boucle doivent être modérées (1,5 mm au maximum) pour obtenir un mouvement de mésialisation contrôlée. Une traction élastique de Classe II est recommandée pour contrôler le mouvement mésial et éviter la contraction de l'ensemble de l'arcade mandibulaire. Cette phase est délicate et son contrôle dépend du stade thérapeutique de l'arcade maxillaire. L'idéal est de faire coïncider l'étape de fermeture des espaces maxillaires (Set 2) avec l'étape de mésialisation mandibulaire (Set 1 a). Ceci impose de commencer le traitement en baguant l'arcade maxillaire deux à trois mois avant l'arcade mandibulaire. - Set 1 b (fig. 8 et 9) 36 et 46 sont débaguées, 37 et 47 sont baguées. Un arc .018" x .025" permet l'activation séquentielle du 10/2/7 avec un contrôle - Set 1 a (fig. 5 à 7) antérieur, pour obtenir 5° à 10° de tip-back ( Quand 5° de tip-back sont obtenus sur 36 et read-out) sur les deuxièmes molaires. 46, un arc .018" x .025" avec boucles de Ce redressement est un mouvement mésialisation dans l'espace d'extraction est radiculo-mésial afin de ne pas ouvrir d'esréalisé. pace entre les premières et les deuxièmes Le tip-back terminal actif est de 10°. molaires. Ce qui implique de construire les La boucle en oméga est construite le plus boucles en oméga à 1 mm en avant des tubes près possible de la boucle de fermeture et en et de les ligaturer (ligature élastique). Une force extra-orale à traction haute ( high-pull) est portée au contact de 33 et 43, pendant 8 heures par jour, avec une force de 8 onces et pendant 8 jours par mois (règle des trois " 8 "). Cette force extra-orale assure le contrôle vertical de la zone antérieure, permet le recul et le redressement coronodistal des canines et limite l'effet parasite corono-vestibulaire sur les incisives, provoqué par les courbures de deuxième ordre actif sur 36 et 46. Cet arc agit pendant trois à quatre mois. Il est réajusté tous les mois dans le sens de la diminution de longueur d'arcade. Il faut contrôler le redressement des molaires par déplacement radiculo-mésial. L'espace d' extraction diminue et le read-out augmente (redressement des premières molaires). Sous l'action des ligatures élastiques et du nivellement de la courbe SPEE, les boucles en oméga viennent au contact des tubes. A chaque rendez-vous, il faut les réajuster pour les maintenir à un millimètre des tubes molaires.

Figure 6 Préparation de la denture. Set 1: vues intrabuccales de la mésialisation des premières molaires (boucle de mésialisation "Shoe-Horn ).

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Figure 7

Schéma de la phase 1 a : à la mandibule, les 36 et 46 ont été mésialées. Au maxillaire, les canines ont été reculées et l'arc de fermeture est contrôlé par un high pull et des élastiques de Classe II courts et légers (6 à 8 onces).

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Set#Ib .018x.025

Figure 9

Figures 8 Préparation de la denture. Set 1 b : après le redressement des 37 et 47 ( read-out positif), les 36 et 46 sont rebaguées puis intégrées progressivement à l'arc en contrôlant les mouvements d'égression.

Schéma de la préparation de la denture. Set I b : après la mésialisation des 36 et 46, ces dents sont débaguées, les 37 et 47 sont baguées et redressées par mouvement radiculomésial, l'oméga est ligaturé. Après le redressement des 37 et 47 (read-out positif), les 36 et 46 sont rebaguées puis intégrées progressivement à l'arc en contrôlant les mouvements d'égression.

Pendant le redressement des deuxièmes Cinq ajustements sont effectués sur cette molaires, 36 et 46 sont rebaguées avec des même paire d'arcs à quatre semaines d'interbrackets, et pour éviter tout ajustement, ces valle. dents ne sont ligaturées que lorsque l'arc Les boucles en oméga sont réajustées pour permettre une diminution de longueur d' passe au niveau des brackets. arcade, et ainsi les espaces d'extractions 3 - 1 - 2 - Au maxillaire doivent diminuer. Cette diminution de lonLe Set 1 est un arc .017" x .022" ; il est gueur de l'arc vient de l'introduction séquentielle des courbures de premier coordonné à l'arc mandibulaire. Le torque est passif et contrôle la forme d' ordre. arcade et l'expression du deuxième ordre Premier ajustement : les premières actif postérieur (10° de tip-back effectif par molaires sont baguées et l'offset molaire est rapport à la lecture initiale). ajouté sur l'arc. Cet arc est maintenu dans la zone des Deuxième ajustement: une légère courbe canines par un high-pull qui permet leur de SPEE est introduite (5° sur les prémolaires recul et contrôle les incisives dans le sens et 10° sur les premières molaires) tout en vertical et antéro-postérieur, évitant ainsi l' maintenant 30° de tip-back sur les deuxièmes molaires. augmentation de l'overjet. Troisième ajustement : les incisives latéLa longueur d'arcade est contrôlée par des boucles en oméga construites à distance rales sont baguées et les courbures de predes tubes (1,5 mm). Ces boucles en oméga mier ordre correspondantes sont ajoutées (inset latéral et bosse canine). Le read-out sont maintenues par une ligature élastique. Le recul des canines s'effectue, pendant est de 20 à 25° sur 17 et 27 et 0° sur les pretoute cette phase et sous le contrôle des mières molaires. Quatrième ajustement : l'arc maxillaire est offsets prémolaires. Ces courbures de pre- mier ordre sont ajustées en fonction du recul revu ou le plus souvent remplacé par un arc . 019" x .025". canin et disparaissent à la fin du Set 1. 520

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Une nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

La symétrie est vérifiée, les offsets prémolaires sont supprimés puisque la canine se rapproche de la seconde prémolaire, les arcs sont coordonnés. A ce stade, le recul des canines est aidé par trois maillons de chaînettes élastiques tendus entre prémolaires et canines, après avoir ligaturé ensemble la deuxième prémolaire et les deux premières molaires.

A la fin de la phase de préparation de la denture au maxillaire, les canines sont reculées pour obtenir une Classe I canine, les secondes molaires sont en tip-back, la courbe de SPEE supérieure est augmentée, les rotations et les encombrements sont corrigés, les espaces résiduels sont situés entre incisives latérales et canines. Tout est en place pour la seconde phase, la correction de la denture (fermeture des espaces). - Cinquième ajustement : vérification des A la mandibule, la courbe de SPEE est résultats de deuxième ordre, deux maillons nivelée, les molaires ont été mésialées, les de chaînettes élastiques sont tendus entre rotations et les encombrements sont corriprémolaires et canines. gés, l'ancrage a été préparé sur 37 et 47.

- 2 - Correction de la denture : Set 2 et 3, durée trois à six mois (fig. 10 à 12) La correction de la denture a pour but de fermer les espaces, de repositionner le groupe incisif dans les sens vertical et horizontal, et enfin de coordonner les arcades en Classe I molaire et canine. Cette phase comporte trois temps : - fermeture des espaces aux deux arcades ; c'est le Set 2, avec des arcs à boucles de fermeture ; - préparation d'ancrage séquentielle à l' arcade mandibulaire avec deux ajustements (tip-back sur 37 et 47, et 36 et 46) sur l'arc du Set 2 ; - correction entre les arcades pour obtenir des rapports d'occlusion de Classe I. C' est le Set 3 avec des arcs continus de mécanique de Classe II. 3 - 2 - 1 - Fermeture des espaces

- A la mandibule Si la préparation de la denture a été bien conduite, il n'y a plus d'espaces résiduels. Les molaires ont été mésialées, la courbe de SPEE a été nivelée, l'encombrement a été corrigé, le repositionnement incisif a été réalisé. L'arc mandibulaire est un arc .020" x .025" sans boucle de fermeture, les boucles en oméga sont construites à un millimètre en avant des tubes. Si des espaces résiduels supérieurs à deux millimètres persistent de chaque côté, le Set 2 mandibulaire est un arc .019" x .025". Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995

Cet arc comporte des boucles de fermeture distales aux prémolaires, et des boucles en oméga en avant des tubes à une distance correspondant à l'espace résiduel. Les informations de premier et troisième ordre évoluent en fonction des mouvements dentaires effectués au cours de cette étape. - Au maxillaire Le Set 2 est un arc .020" x .025", à boucles de fermeture construites distalement aux latérales (fig. 10). Toutes les courbures doivent anticiper la position terminale de l'arc, et, en particulier le troisième ordre dans le secteur antérieur : en fonction de la version initiale, le torque antérieur radiculo-palatin est augmenté de 7° actifs à chaque séance. Le mouvement d'ingression et de recul du secteur incisif doit être équilibré par le port du high-pull et non par l'action unique d' un torque actif radiculo-lingual, dont la résultante principale est corono-vestibulaire. C'est à cette étape que l'on termine la correction de la supraclusion par rétraction et ingression des incisives supérieures. Les courbures de deuxième ordre dans la zone postérieure sont très légèrement accentuées (conservation de la courbe de SPEE), sans être excessives car alors la réaction au deuxième ordre actif postérieur, est une version corono-vestibulaire antérieure, qui contrarie le mouvement prévu dans cette zone de l'arcade. 521


1 A. J. HORN - I. JÉGOU

Le contrôle de cet arc se situe dans l'équilibre des forces antéro-postérieures et verticales. C'est le high-pull qui impose la bonne direction aux mouvements des incisives supérieures, en fonction de l'activité des élastiques de Classe II. Programme S'il existe un décalage antéro-postérieur de l'arcade maxillaire par rapport à l'arcade mandibulaire, une mécanique de Classe II est mise en place. Les élastiques de Classe II sont tendus entre les boucles de fermeture maxillaires et les boucles du Set 1 b ou du Set 2 mandibulaires. Ce mouvement réciproque est du type " arc de glissement ".

3 - 2 - 2 - Préparation d'ancrage mandibulaire A cette étape, les deuxièmes molaires étant déjà préparées en version corono

distale depuis le Set 1 b, les ajustements concernent surtout les premières molaires ( 10/2/6): le 10/2/7 est vérifié (entre + 10° e + 15°) ; le 10/2/6 est ajusté pour obtenir entre + 5° et + 7°; le 10/2/5 est ajusté pour obtenir de 0° à + 5°. Dès qu'une information de deuxième ordre est mise en place sur un groupe de dents, une compensation dans le sens verti• cal doit rendre l'arc passif postérieurement La réalisation de l'ancrage ten-two sur cet arc présente certains avantages: passivité complète dans le premier et troisième ordre, possibilité d'activer l'arc après le 10/2/4 si des espaces résiduels subsistent. L'importance de la préparation d'ancrage dépend de la valeur du décalage antéro postérieur. Pour les Classes I et les petites Classes II ( 4/4/5/5) les valeurs recherchées sont mini Set#2

.019x.025

10/2/4 Figure 10 Schéma de la correction de la denture à la mandibule. Set2 : sur le même arc que précédemment, des tip-backs actif sont progressivement introduits au niveau des 36 et 46 puis 34 et 44 si nécessaire, pour parfaire le parallélisme des axe' et utiliser l'arcade mandibulaire en stabilisation (Set 3) pour la phase suivante où on utilise des élastiques intermaxillaires de Classe II.

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nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

males (15°, 5°, 0°) ; pour les Classes II qui nales, sous l'effet compressif de la boucle de nécessitent une mécanique de Classe II, les distalisation activée par le tip-back et les valeurs d'ancrage sont plus importantes : élastiques de Classe II. 15°, 7° et 5°. Quand les secondes molaires sont en rapport de Classe I, les premières molaires sont 3 - 2 - 3 - Mécanique de Classe II: Set 3 alors distalées sur ce même arc activé dans le deuxième ordre (tip-back) et la force élasti(fig. 11 et 12) que de Classe II est alors transmise par un A ce stade, dans la plupart des cas traités " sliding jig ". Dans l'espace ainsi créé (une par extraction des 14, 24, 35 et 45, elle est de demi-cuspide), les prémolaires puis les canicourte durée et utilisée dans un but d'ajuste- nes sont à leur tour distalées par une force ment occlusal de fin de traitement. extra-orale (high-pull ou straight-pull). L'arc Par contre, si la malocclusion initiale pré- de distalisation séquentielle de Classe II agit sente une biproalvéolie avec un décalage d' pendant toute cette phase, il est ajusté à chaarcade important, il faut alors utiliser une que rendez-vous. mécanique plus spécifique, celle qui est utilisée dans le traitement des biproalvéolies - Les ajustements : traitées par extraction des quatre premières 10/2/7: le tip-back est activé (30° sur l' prémolaires. arc) par l'ouverture de la boucle de 1 mm et les élastiques de Classe II, contrôlés par le - A la mandibule high-pull ; Le Set 3 est un arc .021" x .027" de stabili- 10/2/6: le tip-back est actif (10° sur l' sation, passif dans les trois ordres quelle que arc), activé par un sliding jig et des élastisoit la Classe d'ANGLE et le choix initial des ques de Classe 11. Une compensation vertiextractions. Les boucles en oméga sont cale est alors souvent nécessaire pour ajuster construites au contact des tubes et liga- le deuxième ordre passif au niveau des turées. deuxièmes molaires ; 10/2/5 : le tip-back est actif de 5° sur les - Au maxillaire prémolaires, pendant qu'une chaînette d' L'arc .020" x .025" est travaillant dans les élastiques relie les dents postérieures. secteurs postérieurs pour permettre l'ajusteQuand les secteurs postérieurs sont en ment de l'occlusion de fin de traitement. Classe I, les jigs sont enlevés et la canine est Si la seconde prémolaire est en bout à reculée avec une force extra-orale et les bout avec son antagoniste, la mécanique de espaces résiduels fermés par un arc de ferClasse II est mise en place sur un arc de dis- meture d'espace qui servira dans la dernière talisation séquentielle qui va agir en disto- phase pour l'ajustement occlusal de fin de traitement. version et en gression sur les molaires termi

Set # 3 020x.025 021x.027

Figures 11 a et b

Figure 12

Le Set3: s'il persiste une Classe 11 dentaire bout à bout, une mécanique intermaxillaire séquentielle est mise en place, distalisation des 17 et 27 (a) puis des 16 et 26 (b).

Schéma du Set 3: ajustement des rapports entre les arcades par mécanique de Classe 11.

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3 - 3 - Finition de la denture - Ajustement en hypercorrection - Occlusion de (fig. 13 à 15)

La qualité de la finition d'un traitement dépend de la rapidité avec laquelle on arrive à cette phase. C'est pour cette raison que nous avons décrit les phases précédentes avec précision. Les arcs de finition sont de section .021" x . 027", à boucles de fermeture au maxillaire si nécessaire. Ils permettent les ajustements : - de la coordination des formes d'ar cades;

Figure 13 Set 4: ajustement et finition de l'intercuspidatibn, tout particulièrement dans les secteurs latéraux.

TWEED

de la coordination des courbures de deuxième et troisième ordre dans la zone postérieure, et dans la zone antérieure (artistic bends) ; de l'hypercorrection des sens antérôpostérieur et vertical. Le contrôle de ces arcs est fait par les élastiques verticaux à tendance Classe II, en avant et en arrière des prémolaires pour l' ajustement de l'intercuspidation au niveau de la clé de l'occlusion de TWEED.

Figure 14 Vues i n t r a b u c c a l e s a v a n t e t après traitement.

3 - 4 - Recovery - Stabilisation de la denture Le secret de la stabilité d'un traitement de Il en est de même dans la zone antérieure Classe II est l'hypercorrection de la maloc- où les incisives sont positionnées en bout à clusion initiale. bout pour hypercorriger la supraclusion. Le guide incisif se rétablit en harmonie Après traitement, une dent déplacée tend avec les déterminants propres du patient toujours à revenir vers sa position initiale. L' ( pente condylienne). hypercorrection permet d'obtenir une position fonctionnelle. De même la mise à plat de la courbe de En fin de traitement, les dents postérieu- SPEE mandibulaire en cours de traitement, res sont en inocclusion, dans une position est une hypercorrection dans le sens vertical, pré-éruptive. Leur retour sur le plan d'occlu- et le recovery occlusal permet une profondeur normale et individuelle de cette sion se fait dans un contexte neuro-muscucourbe. Cette reconstruction de la profonlaire et facial harmonisé. deur de la courbe de SPEE s'accompagne Cette occlusion pré-fonctionnelle permet d'une version corono-mésiale des molaires une individualisation de l'occlusion par le mandibulaires, ce qui renforce le blocage patient avec ses propres déterminants fonc- molaire en Classe I de type "clé d'ANDREW " avec les molaires maxillaires. tionnels. 524

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Une nouvelle technique : l'Edgewise Tweed-Merrifield

~

Figures 15 a et b a : occlusion thérapeutique de . fin de traitement actif "l'occlusion de TWEED " gui représente une hypercorrection de la pathologie (Classe II); b : recouvrement de l'occlusion (recovery). Après la dépose des bagues, l'intercuspidation s'établit d'elle-même en fonclion des paramètres individuels du patient. C'est une des particularités essentielles du concept fonctionnel de l'école de TWEED.

L'occlusion de TWEED (fig. 15) permet de conclure le traitement actif. C'est un concept global de programme dynamique vers le rétablissement de l'équilibre occlusal fonctionnel et stable en dehors de toute contention. Le "recovery" (fig. 15), c'est aussi le remodelage des tissus mous à partir de cette nouvelle occlusion. Cette phase de modifications faciales peut être très longue dans le temps et doit être anticipée dès la décision

du choix d'extractions. Ce remodelage est plus tardif chez les garçons que chez les filles, en particulier pour la croissance du nez et du menton. Chez les filles, on peut chercher à obtenir la valeur idéale de l'angle Z dès la fin du traitement actif, tandis que chez les garçons, il est préférable de rester en deçà (sauf chez les hyperdivergents), car cet angle continue d'augmenter longtemps après la fin du traitement actif.

4 – CONCLUSION Il y a eu au cours de ces vingt dernières années une évolution de la logique stratégique (dans l'espace et dans le temps) et de la mécanique plus efficace et plus reproduc tible. L'analyse s'est organisée autour des connaissances basées sur l'observation de résultats à long terme de cas traités et sur l' estimation de la difficulté des traitements. Ces nouveaux concepts expriment un ensemble de décisions à prendre avant, pendant et après le traitement actif : décision d' extraire (nombre, localisation, moment d' intervention), décision de débuter le traitement actif ( pose de l'appareil multibague, définition de la direction générale des mouvements), décision de conclure le traitement Rev Orthop Dento Faciale 29: 511-527, 1995

actif (occlusion thérapeutique de TWEED) et surveillance de l'occlusion à long terme après le traitement. L'esprit de décision et d'organisation domine le traitement pour permettre à l'orthodontiste spécialiste de faire le meilleur choix pour son patient. L'avenir de notre profession ne tient pas à un "design" particulier de notre appareil mais à l'individualisation totale du diagnostic et de la mécanique orthodontique la plus adaptée à l'ajustement individuel des forces de mouvement. La transmission de l'information individuelle par l'arc Edgewise est un acte médical, et doit être sous le contrôle constant du spécialiste en orthopédie dentofaciale. 525


Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx : hominisation du crâne Jacques TALMANT, Stéphane RENAUDIN

RÉSUMÉ Le développement spécifiquement humain de l'oropharynx semble tributaire de la croissance axiale des vertèbres cervicales. 11 est partie intégrante des changements de forme cranio-faciaux caractéristiques de l'hominisation du crâne et dont les mécanismes mettent en oeuvre ceux de la posture cranio-cervicale.

ABSTRACT The specifically human development of the oropharynx seems to be bound with the vertical growth of the cervical vertebrae. It is part and parcel of the developmental changes observed during the cranial hominisation process, and involves craniocervical posture mechanisms.

MOTS CLÉS Croissance - Dure-mère crânienne - Hominisation - Inflexion basi-crânienne - Morphogenèse cranio-faciale - Oropharynx - Posture cranio-cervicale - Rachis cervical.

KEY-WORD S Cerebral dura mater - Cervical vertebrae - Cranial base flexure - Craniocervical posture Craniofacial morphogenesis - Growth - Hominisation - Oropharynx.

J. TALMANT S. RENAUDIN Faculté de chirurgie dentaire, 1, place Alexis Ricordeau, 44042 Nantes Cedex.

Le nouveau-né humain ne possédant pas d' oropharynx4 1 , la différenciation de cet " étage" pharyngé vaut qu'on l'examine. Sa genèse est souvent réduite de façon schématique à la " descente " de l'hyoïde par rapport au crâne. Suivant le même mouvement, larynx, épiglotte et tiers postérieur de la langue s'éloignent de la base crânienne. Fait intéressant, en libérant le voile du palais, la

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descente de l'épiglotte rend possible la ventilation orale courante. De plus, en venant s' incorporer au tractus vocal, l'oropharynx contribue à la maturation du langage articulé19' 25, 27, 28, 39 Pour SABAN37, la descente de l'hyoïde par rapport au crâne pourrait même avoir une origine fonctionnelle, sous la dépendance de l'acquisition des capacités phonatoires. 529


J. TALMANT - S. RENAUDIN

Ainsi le développement des traits spécifiquement humains du pharynx fait partie intégrante de l'hominisation. En discerner les implications physiologiques devrait aider à mieux saisir toute la portée de ce processus. Toutefois il semble hasardeux, pour y parvenir, de ne pas prendre en considération les modifications cervico-céphaliques qui l' accompagnent. En reliant le déplacement hyoïdien à l'inflexion basi-crânienne LAITMAN et al.25, 26 l'ont bien compris. La direction donnée au mouvement ontogénique hyoïdien : sa " descente ", prête cependant à discussion. Une telle qualification donne en effet l'impression de réserver à l' allongement des tissus mous qui suspendent le larynx au crâne, autrement dit au déploiement autonome de l'oropharynx, le rôle principal dans la genèse des changements observés. Certes, le développement axial postnatal de la gouttière pharyngée reste l'événement dominant de son évolution architecturale42. Mais, contrairement à la description généralement admise, le fait significatif semble moins la descente de l' hyoïde par rapport au crâne que l'ascension du crâne par rapport à l'hyoïde. Loin d'être superflue, cette version concède à la crois -

sance axiale du rachis cervical un rôle déterminant. Ainsi, en fournissant la hauteur d'appui nécessaire à la musculature nucale pour soulever activement le crâne par rapport à l'hyoïde, la croissance axiale des cartilages vertébraux permettrait de vaincre les résistances élastiques qu'oppose le pharynx à son allongement. Les répercussions céphaliques de la platyspondylie cervicale (dysplasie dans laquelle les vertèbres cervicales, élargies, ont une hauteur réduite), associée aux formes précoces de l'osteogenesis imperfecta, étayent solidement cette interprétation des faits. Elles illustrent de quelle façon le développement postnatal de l'oropharynx et les aménagements morphologiques qui l'accompagnent dépendent des propriétés mécaniques du tissu osseux et des possibilités de croissance qu'elles offrent au rachis cervical. Pour en rendre compte, une fois décrites les manifestations proprement crâniennes, rachidiennes et pharyngées sensément associées au développement de l'oropharynx, nous analyserons les aspects cranio-faciaux d'une forme précoce d'osteogenesis imperfecta, avant d'envisager les questions que cette confrontation ne manque pas de soulever.

1 -- CROISSANCE CERVICALE ET ONTOGENÈSE DE L'OROPHARYNX 1 - 1 - Changement postnatal des rapports vertébraux de l'hyoïde Les changements de rapports de l'hyoïde envisagés dans cet exposé sont ceux mis en oeuvre lors de la morphogenèse de l'oropharynx. Liés à la croissance du rachis cervi cal, ils commencent à se manifester quelques mois après la naissance et demandent plusieurs années pour parvenir à maturité : quatre ans pour LAITMAN et al.25. Plus que d'une simple évolution c'est d'une véritable différenciation qu'il s'agit. Le pharynx humain acquiert alors des caractères anatomiques et physiologiques que ne possède pas celui des autres primates. Il importe donc de bien distinguer cet épisode de ceux qui marqueront les changements de forme ultérieurs du pharynx. De nature différente, ces derniers sont essentiellement du ressort de sa croissance axiale normale ou de son 530

allongement pathologique. Et l'on ne saurait trop insister sur l'intérêt que présente l'étude de l'ontogenèse de l'oropharynx pour mieux en comprendre la pathologie. Les transformations observées chez le nourrisson ou le jeune enfant montrent à l' évidence que l'allongement postnatal du pharynx est plus ample que la croissance rachidienne cervicale concomitante. En effet,

situé à hauteur de l'interligne C1-C2 chez tous les nouveau-nés (simiens et humains), l' hyoïde voit monter derrière lui un certain nombre de vertèbres cervicales puisqu'il se retrouve bientôt, et uniquement chez l'homme, à hauteur de l'interligne séparant les troisième et quatrième de ces vertèbres" 2, 12, 21, 24, 38. D'une amplitude spécifiquement humaine37, ce décalage vertical traduit donc Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995


Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx: hominisation du crâne

l'apparition au cours des premières années d'unè différence de vitesse d'allongement axial. Inégalité à l'avantage du rachis cervical qui s'élève plus rapidement que la chaîne viscérale cervico-thoracique ne se laisse éti -

rer40. Disparité compensée à hauteur du phar ynx par le développement vertical du nasopharynx et l'apparition d'une nouvelle structure : l'oropharynx.

1 - 2 - Caractérisation du mouvement hyoïdien Le vocable employé par la suite pour désigne r le dé plac ement on t o g én i q u e d e l'hyoïde mérite quelques commentaires. Le terme " descente ", d'usage courant pour qualifier le mouvement relatif de l'hyoïde par rapport au crâne, peut incidemment faire croire à l'orientation caudale de ce déplacement. Or le mouvement réel, évalué comme il est de règle par rapport à la voûte plantaire, se fait en direction crânienne : lors de son mouvement, l'hyoïde s'élève nettement au-dessus de la ceinture scapulaire. Mais son élévation est moindre que celle imposée à

l'articulation cranio-cervicale. En fait tout se passe comme si, soulevé par la croissance du rachis cervical, le crâne montait plus vite que l'hyoïde, ralenti dans son ascension par ses connexions viscérales cervico-thoraciques. Et l'espace ainsi dégagé accroît verticalement le pharynx. Il est donc légitime, pour lever toute équivoque, de parler plutôt de la migration de l'hyoïde que de sa descente.

2 -- AMÉNAGEMENTS DE LA BASE CRÂNIENNE Lors de l'étape postnatale de la croissance cervicale, la migration de l'hyoïde n'est pas isolée. Il s'y associe toute une suite d'aménagements des formes concernant autant la base crânienne que le rachis cervical et l'ensemble des structures faciales qui bordent ventralement la gouttière pharyngée. Et ces transformations doivent probablement beaucoup au fait qu'en soulevant l'occipital,

la croissance rachidienne permet l'étirement de la chaîne ventrale viscérale. Cet exposé est consacré à l'évolution des formes de la base crânienne dont LAITMAN et al.25 soupçonnent le lien avec l'ontogenèse de l'oropharynx. Les aménagements concomitants du rachis cervical, du pharynx et de la face feront l'objet d'analyses ultérieures.

2 - 1 - Composantes

-

-

Les changements postnataux de la forme sagittale de la base crânienne, outre l'augmentation de taille de ses divers constituants, montrent deux mouvements principaux: la rotation dorsale de o l'ccipital, bien mise en évidence en orientation vestibulaire par DELATTRE et FENARTit ; in l'clinaisonventraleparrapportaubasioccipital du sphénoïde, qui prend part ainsi à l'inflexion de la base

ment localisée à la jonction sphéno occipitale26, 30, elle invite à : Associer, dans un même mouvement ontogénique d'ouverture endocrânienne de toute la base, les déplacements divergents de l'occipital et du sphénoïde qui s'opèrent de part et d'autre de la synchondrose sphéno-occipitale après la naissance.

crânienne.

Longtemps cette inflexion a monopolisé l' A l'instar de la rotation des capsules attention portée aux relations de la face otiques et de la fosse cérébrale postérieure avec la base du crâne. Pourtant, essentielle Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995

531


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décrite par Moss33 chez les rats "bipèdes", les auxquelles le pharynx rattache l'axe aéroce mouvement revêt l'apparence d'une rota- digestif). tion dorsale : Or la " sphère bi-pariétale " se trouve précisément intercalée entre neurocrâne et de tout le neurocrâne (c'est-à-dire de l' splanchnocrâne. Et, dans son étude tridiensemble occipito-pétreux en appui sur le mensionnelle du pariétal humain en orienrachis et auquel les muscles sterno-cleïdo6 mastoïdiens rattachent l'orifice thoracique tation vestibulaire, CousiN a bien mis en évidence le fait qu'en gardant l'empreinte supérieur) ; des mouvements ontogéniques divergents par rapport aux structures ventrales du de ces deux parties du crâne, la morphosplanchnocrâne (qui inclut le sphénoïde et genèse du pariétal témoigne elle aussi de sa toutes les structures cranio-faciales ventra participation au processus d'hominisation. 2 - 2 - Mécanismes Deux types de mécanismes conforment la base crânienne. On peut les distinguer selon qu'ils puisent de façon prépondérante (quoique non exclusive) leur énergie mécanique de l'expansion du contenu crânien ou à partir d'éléments exocrâniens. Il faut ajouter que leur succession dans le temps pourrait avoir une grande importance en créant les conditions favorables à l'acquisition d'une meilleure résistance des parois du neurocrâne à la compression. 2 - 2 - 1 - Développement du contenu encéphalique Tout comme l'hydrocéphalie anténatale, l' expansion encéphalique intra-utérine, en repoussant les parois de son contenant, favorise le développement d'une platybasie crâniennes. Pourtant, extra-utero et chez l' homme, apparaît une inflexion basicrânienne qui semble moins l'ceuvre de l'expansion volumétrique intracrânienne qui se poursuit que de mécanismes d'origine exocrânienne. La compression encéphalique observée dans certaines craniosténoses montre d'ailleurs que la croissance cérébrale n'est pas nécessairement seule à assurer le développement volumétrique postnatal du crâne. Et "si le contenu crânien a certainement une réelle influence sur la morphogenèse céphalique, on doit, cependant, admettre qu'il ne joue pas le rôle principal"9. Force est même de reconnaître que : A la naissance, l'encéphale perd la prépondérance morphogénique qu'il exerçait in utero, au profit des agents principaux de la posture habituelle. 532

A nouveau, l'expérience des rats "bipèdes" 17 illustre fort bien ce processus : après amputation postnatale de leurs membres antérieurs, l'examen en fin de croissance de ces animaux montre que leur encéphale et leur crâne ont subi des changements de forme qui se sont accomplis "à volume constant ". Or, selon toute apparence, la principale modification intervenue dans leur morphogenèse concerne les mécanismes déterminant leur posture axiale habituelle, cranio-cervicale en particulier. De la même manière, in utero et chez l' homme, l'expansion encéphalique joue le premier rôle dans la conformation de la base crânienne. Mécaniquement, l'enveloppe dure-mérienne qui double profondément les parois du crâne est alors seule, avec les sutures, à supporter les efforts de traction qu' engendre cette expansion au niveau de la voûte. L'os, par contre, résiste beaucoup mieux aux efforts de compression ou de flexion mais moins bien à la traction18. Quant au cartilage basi-crânien, il combine rigidité, résistance à la traction, à la compression et au cisaillement tout en conservant quelque résilience et élasticité43. Et la différenciation de ces divers tissus au sein de l' enveloppe conjonctive primitive de l'encéphale semble se faire en parfaite conformité avec la nature des efforts mécaniques qui s'y développent. Au cours de l'accouchement, la traversée de la filière pelvi-génitale déforme le crâne temporairement. Lui succède une courte période de remise en forme du contenant crânien par son contenu. Puis les mécanismes exocrâniens font de plus en plus sentir Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995


Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx : hominisation du crâne

leur marque à hauteur de la base tandis que le rôle expansif proprement dit de l'encéphale paraît devoir se limiter désormais à la voûte. Avant de les aborder, quelques éclaircissements concernant la mécanique crânienne s'imposent. 2 - 2 - 2 - Mécanique du crâne : quelques précisions - Le crâne : une structure monocoque Le comportement mécanique du crâne évoque celui d'une structure monocoque, autrement dit d'une construction dont la rigidité d'ensemble est obtenue par la seule résistance de son revêtement. Et comme les panneaux minces de ce revêtement résistent mal au flambage en compression et en cisaillement, leur renforcement s'avère souvent nécessaire. Rôle que nervures et tirants exercent au mieux en augmentant la rigidité longitudinale18 . Mais si leur identification au sein des parois de plantes comme l'herbe ou le bambou est élémentaire, ils demandent à être reconnus au sein du crâne. Ils y prennent la forme soit des épaississements osseux locaux que soulèvent les insertions dure-mériennes et musculaires, soit des tirants dure-mériens qui cloisonnent la cavité crânienne. - Rôle morphogénique de la dure-mère Que la proéminence de tous les reliefs intracrâniens de quelque importance ait un lien direct avec les insertions dure-mériennes est un fait manifestement remarquable. En reliant les uns aux autres les divers os crâniens, ces cloisons, épaisses, denses et inélastiques, soulèvent : crista galli, bords postérieurs des petites ailes du sphénoïde, bords supérieurs des pyramides pétreuses, clinoïdes, pourtour du trou occipital et gouttières périphériques d'insertion. Bref, qu'ils appartiennent à la base ou à la voûte, tous les reliefs intracrâniens relèvent de tractions dure-mériennes. Et pour Moss32, ces divers points d'ancrage sont la marque de la transmission de forces par la dure-mère aux structures de la base et de la voûte. Or, la dure-mère n'engendre pas de forces par ellemême. Celles qu'elle transmet proviennent donc soit du volume qu'elle enferme soit de la surface extérieure des os auxquels elle adhère. Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995

les premières forces à agir sur la face profonde des parois crâniennes en construction sont l'oeuvre de l'expansion de l'encéphale et de la pression hydrostatique du liquide céphalorachidien (liquide céphalo-rachidien sécrété par les plexus choroïdes), sans qu'il soit véritablement possible de dissocier la part qui revient à ces deux sources dans les conditions normales. Et tant que les parois crâniennes en développement resteront suffisamment élastiques, ces forces exerceront une action morphogénique prépondérante. Notons que, comme tous les liquides, le liquide céphalo-rachidien est incompressible. Sa pression s' exerce donc directement sur toutes les parois du crâne comme sur l' encéphale. Et c'est par son intermédiaire que l'encéphale est comprimé dans l' hypertension intracrânienne.

- In utero,

D'une manière générale, ces forces repoussent la dure-mère pariétale de façon centrifuge tout en augmentant le volume de la cavité crânienne. Mais en mettant ainsi la dure-mère en traction, elles contribuent également au soulèvement de toutes les zones d'insertion précédemment citées. Leur action engendre donc en ces endroits des renforcements en saillies : des "nervures ". Et celles-ci augmentent localement la résistance pariétale à la compression comme au flambage. En outre, cette action ne résume pas toute la mécanique de la dure-mère (fig. 1). Tente du cervelet (fig. 2 et 3) et faux du cerveau et du cervelet exercent également un rôle de "tirant ": elles résistent par la traction aux poussées divergentes appliquées sur leurs zones d'ancrage. Ce rôle est par excellence celui de la tente du cervelet. Tout en assurant la cohésion des divers constituants du neurocrâne, les ancrages osseux de sa grande circonférence et ceux des faux qui s'attachent sur elle, lui permettent de résister par la traction aux efforts divergents qui tendent à séparer les pyramides pétreuses de l'occipital. - Sur le versant exocrânien en effet, en l' absence de tente du cervelet, les tractions exercées par les muscles sterno-cléïdomastoïdiens sépareraient les temporaux533 du reste du neurocrâne. La lecture des propos de BRODIE cités par RICKETTS34 suffit à s'en


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A

B

1

T

T

f1

Figure 1 La précontrainte : un état de tension préalable créé dans une poutre qui doit subir une charge ( d'après KAPENO✓t I.A.: Physiologie articulaire, Maloine, Paris, 1979).

f2

fi f2 A : Poutre homogène B : Poutre pré-contrainte • chargée • cable tendu entre T et T' • flèche f1 • flèche f2<f1

~ Tente de l'hypophyse Foramen ovale dc Pacchioni Abouchement du sinus sagittal inférieur Sinus droit

Apophyse clinoïde antérieure Apophyse clinoïde postérieure Petite circonférence de la tente du cervelet Sinus pétreux suep "rieur Abouchement

Figure 2 Vue supérieure de la tente du cervelet (d'après BOSSY J.: Neuroanatomie, Springer-Verlag, Paris, 1990).

Sinus transverse Abouchement du sinus sagittal supérieur

Sinus sagittal supérieur Faux du

cerveau

Abouchement de la grande veine cérébrale Tente du cervelet Sinus pétreux supérieur

Sinus sagittal inférieur

.r

Sinus droit Confluent des sinus Sinus transverse

Veine jugulaire

534

interne

Figure 3 Disposition de la faux du cerveau et de la tente du cervelet (d' après LAZORTHES et al.: Vascularisation et circulation de l ' encéphale, Masson, Paris, 1976).

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Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux: 2 - Développement de l'oropharynx: hominisation du crâne

convaincre : "Fill a skull with pebbles and shake it hard and the temporal bones would be knocked outward and downward from the rest of the skull. " Or, non seulement la tente du cervelet contribue à augmenter directement la résistance du neurocrâne au flambage en assurant la cohésion de ses pièces constitutives, mais elle joue aussi vraisemblablement un rôle indirect en permettant aux pyramides pétreuses d'acquérir une très grande solidité. De toutes les pièces du squelette, ce sont les os les plus durs : leur résistance à la scie est légendaire. Et ceci semble capital pour des pièces squelettiques qui, malgré le grand nombre de canaux dont elles sont traversées, doivent maintenir la dimension transversale du crâne. Par ailleurs, tout en soulevant les diverses crêtes occipitales, muscles et ligaments nucaux assurent également la rigidité de l'écaille de l'occipital. Et ce point est essentiel car, en contribuant à mettre en tension tente du cervelet et faux cérébral et cérébelleuse, l'activité postnatale de ces muscles prend le relais des mécanismes endocrâniens. A son tour, elle entretient dans les parois osseuses du neurocrâne, au cours de la croissance encéphalique, un état de précontrainte qui optimise leur résistance à la compression et les met en mesure de soutenir la tête sans se déformer. Enfin on ne peut quitter ce domaine sans mentionner le rôle mécanique également important des aponévroses temporales : en soulevant les lignes courbes temporales et les arcades zygomatiques, elles aussi contribuent à augmenter la résistance mécanique des fosses temporales osseuses. Toutes ces notions pourraient sembler superflues à un praticien non averti. Pourtant l'orthopédie cranio-faciale ne semble pas une utopie. L'existence des déformations crâniennes intentionnelles montre qu'il ne s'agit effectivement pas d'un domaine hors de notre portée. On peut même penser qu'un certain nombre de circonstances pathologiques postnatales voire de gestes thérapeutiques ont une influence sur la morphogenèse crânienne, faciale, rachidienne ou pharyngée. Mais avant d'envisager l'optimisation orthopédique de la forme d'un crâne, il convient d'en bien connaître le comportement mécanique, Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995

dans le but d'apprendre à identifier à travers sa forme la marque des divers processus grâce auxquels il s'est adapté à sa charge. Or, comme le montre la suite de cet exposé, le comportement mécanique du crâne ne semble pas étranger au fonctionnement des structures qui lui sont adjacentes. 2 - 2 - 3 - Influence des mécanismes exocrâniens De fait, au cours de l'ontogenèse, la musculature qui s'y attache modifie profondément le comportement mécanique du crâne. Et cela, de deux manières différentes : - en premier lieu, les muscles y soulèvent des crêtes d'insertion, autrement dit des " nervures" qui en renforcent la rigidité pariétale ; - en second lieu, ils y engendrent des déplacements relatifs de pièces osseuses qui vont donner au crâne, et notamment au neurocrâne en appui sur le rachis cervical, une forme mécaniquement plus résistante. Car le crâne n'est pas la structure invariable que l'on imagine trop souvent. Et le poids des gènes n'est pas celui que l'on croit communément. - Dans l'hydrocéphalie anténatale L'excès de pression hydrostatique du liquide céphalo-rachidien, en augmentant les tensions appliquées au sein des parois crâniennes, en renforce la résistance mécanique à la compression et au flambage. Et la persistance postnatale de la platybasie crânienne montre que la capacité de l'hydrocéphalie à limiter l' influence des mécanismes physiologiques exocrâniens sur la conformation postnatale de la base du crâne n'est pas un vain mot. Le gonflage d' une chambre à air accroît de la même manière la résistance d'un pneu de voiture à la compression. Mécaniquement, l' application dans un cas comme dans l' autre d'une tension préalable aux éléments pariétaux, qui risqueraient de ployer, crée un état de précontrainte qui évite ou repousse le flambage de la paroi 18 . Et l'on peut considérer comme normale l'apparition, après la mise en place d'une dérivation ( pour permettre l'évacuation dans le réseau veineux extra-crânien535du liquide céphalo-rachidien en excès), d'un épaississement osseux généralisé des parois


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crâniennes. Cet épaississement vient renforcer les parois osseuses fragilisées par la diminution de la précontrainte d'origine liquidienne. - Dans les déformations crâniennes intentionnelles Le port de planchettes ou de bandages de compression entretient également la platybasieib' 22 . Mais leur mode d'action diffère un peu de celui de l'hydrocéphalie. Celle-ci agit uniformément sur toute la surface pariétale. Alors qu'en muselant l'influence conformante des mécanismes physiologiques exocrâniens, des muscles nucaux sur l' occipital notamment, les instruments utilisés lors des déformations crâniennes intentionnelles changent surtout l'orientation des tractions développées au sein des cloisons dure-mériennes par la pression hydrostatique du liquide céphalo-rachidien et par la croissance encéphalique. BROCA4, lors de l'autopsie d'une toulousaine âgée présentant une déformation crânienne en relation avec le port d'un bandeau fronto-occipital, a souligné l'augmentation de l'adhérence et de l'épaisseur de la duremère dans les régions comprimées. Manifestement, les modifications de la mécanique crânienne engendrées par le port des appareils de compression exocrâniens ont sollicité les cloisons dure-mériennes. - Au cours de l'ontogenèse basi-crânienne postnatale normale La disposition anatomique de ces membranes concentre sur la tente du cervelet et

ses ancrages les tensions nées des déformations pariétales. Et les changements de forme de la base crânienne que l'on observe semblent résulter de tels mécanismes. On peut même présumer qu'en augmentant les tensions au sein de la tente du cervelet, l'ouverture basi-crânienne accroît la résistance du neurocrâne à la compression. Dans ce contexte, le fait que le nouveauné humain, contrairement au nouveau-né simien, ne sache pas "tenir sa tête" ne doit pas être tenu pour négligeable. Objectivement, cette incapacité momentanée évite au neurocrâne humain d'avoir à endurer trop tôt une compression qu'il serait bien incapable de supporter sans subir de graves déformations. L'impression basilaire que l' on observe dans les formes précoces de l' osteogenesis imperfecta montre que cette éventualité n'est pas un vain mot. On peut donc estimer que : A la condition d'offrir à son contenu un volume suffisant, le crâne se conforme avant tout en fonction de la façon dont il est porté. Et fondamentalement, les changements de forme observés de part et d' autre de la synchondrose sphénooccipitale au cours de l'hominisation postnatale ne semblent pas procéder d' un autre mécanisme. Mais avant de les décrire, il faut souligner le rôle qu'y joue la croissance des vertèbres cervicales.

2 - 3 - Croissance des vertèbres cervicales Fait essentiel, la croissance axiale des vertèbres cervicales s'intègre parfaitement dans ce processus. Au point d'y jouer un rôle vraisemblablement indispensable comme l'analyse des conséquences crâniennes d'une forme précoce de l'osteogenesis imperfecta le montrera dans un exposé ultérieur. En soulevant l'articulation occipito-atloïdienne, elle permet à la musculature nucale d' étirer l'axe viscéral en avant de la colonne 536

cervicale. Incontestablement, en éloignant l' étage occipito-pétreux de l'orifice thoracique supérieur elle étire également les muscles sterno-cléïdo-mastoïdiens40 . A l'occasion de la croissance cervicale un nouvel équilibre mécanique se développe qui marque de chaque côté de l'articulation occipito-atloi.dienne, la configuration sagittale de la base crânienne.

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Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx : hominisation du crâne

{-

DESCRIPTION DES CHANGEMENTS DE FORME 3 - 1 - Dorsalement : la rotation de l'occipital La poussée rachidienne en direction crânienne, jointe à la traction en direction opposée des muscles nucaux (traction dont les effets s'amplifient dès que le nourrisson commence à tenir sa tête), favorisent la rotation dorsale (dite "positive" par DELATTRE et FENART10) de l'occipital. Il s'en faut cependant que ce mouvement mobilise tout l' occipital en une rotation d'une seule pièce. La constitution néonatale de cet élément squelettique suggère d'ailleurs les différents temps probables de ce mouvement ontogénique. A la naissance (fig. 4), cet os est formé de trois ensembles bien distincts réunis par du cartilage : l'écaille, les masses latérales et le basi-occipital. Porteuses avec le basi-occipital des condyles occipitaux en développe-

ment, les masses latérales sont solidarisées au rachis cervical supérieur (ou encore sousoccipital) par toute une couronne musculaire et capsulo-ligamentaire. Or la chronologie de l'ossification postnatale de l'occipital est marquée par deux étapes successives se déroulant de part et d'autre de l'articulation cranio-cervicale (fig. 5) : - la première concerne le cartilage unissant l'écaille occipitale aux masses latérales : il s'ossifie à la fin de la seconde année43. Et l' on peut avancer que le mouvement dorsal de cette écaille par rapport aux masses latérales s'accompagne de la migration dorsale du centre de gravité de la masse encéphalique en même temps qu'il engendre un raidissement dure-mérien d'une grande importance mécanique ;

Ecaille

Masse Latérale Basi-Occipital Figure 5 Figure 4 O ccipital du nouve a u-né ( d ' a p r è s WARWICK, R., WILLIAMS, P.L. : in Gray's Anatomy, 350 ed., Longman, Edimbourg, 1973).

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Coupe sagittale du crâne adulte. Comparer avec la coupe sagittale du crâne de nouveau-né (cf. fig. 6): 1. L'orientation de l'occipital 3. L'inflexion basi-crânienne 2. La profondeur 4. L'orientation des ptérygoïdes de la fosse cérébelleuse 5. La situation du maxillaire.

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- la seconde étape intéresse le cartilage qui unit le basi-occipital aux masses latérales : il s'ossifie beaucoup plus tardivement, au cours de la sixième année43. Auparavant, en raidissant la petite circonférence de la tente du cervelet, la rotation dorsale de la portion squameuse de l'occipital aura contribué à redresser le basi-occipital sur les masses latérales et, par ce moyen, à approfondir la fosse cérébelleuse tout en l'élargissant. En effet, le redressement du basi-occipital permet le glissement postéro-latéral des pyramides pétreuses qui servent d'ancrage à la grande circonférence de la tente du cervelet.

3 - 1 - 1 - Développement de la fosse

cérébelleuse

Ainsi, la rotation dorsale de l'occipital horizontalise le foramen magnum, aide au redressement du clivus et, en approfondissant la fosse cérébelleuse, accroît le volume sous-tentoriel offert au tronc cérébral et au cervelet en développement. Ce point est essentiel car, à partir de 28 semaines de vie intra-utérine, la masse du contenu sous-tentoriel croît relativement plus vite que celle de l'encéphale14' 20. Au bénéfice d'ailleurs de la masse du cervelet qui augmente plus vite que celle du tronc cérébral: de l'ordre de 20 grammes à la naissance, elle représente 1/20 de celle du cerveau chez le nouveau-né pour atteindre environ 150 grammes chez l' adulte soit 1/8 de celle du cerveau43. Le cervelet connaît donc une poussée de croissance postnatale importante, synchrone de l' augmentation de volume de son contenant osseux. Fait notable, le volume du cervelet figure au nombre des particularités proprement humaines. Comme le souligne ECCLES15 parmi les caractéristiques structurelles essentielles de l'évolution de l'encéphale hominidé, " la croissance progressive du cerveau est le trait dominant, mais le cervelet croît en parallèle, quoique à un moindre degré ". En s'attachant à étudier les changements de forme du crâne liés au volume de l' encéphale sous-jacent, MIRIBEL31 insiste également sur l'importance des modifications apportées à la forme du crâne par le " volume du cervelet, qui a beaucoup aug 538

menté chez Homo sapiens sapiens par rapport à celui de ses prédécesseurs ".

3 - 1 - 2 - Raidissement des cloisons duremériennes Le mouvement ontogénique de l'écaille occipitale contribue en outre à raidir les cloisons dure-mériennes qui, à l' intérieur du crâne, relient l'occipital aux structures sphénoïdale et mésethmoïdale tout en compartimentant la cavité crânienne (fig. 6). Dès lors, et ce fait est capital : Les tensions élastiques développées au sein de la tente du cervelet et des faux du cerveau et du cervelet ne dépendent plus de la seule expansion du contenu encéphalique : elles relèvent plus encore du nouvel équilibre de forces en train de s'instaurer à hauteur de tout le crâne. Comme l'écrit DELAIRE9: "Elles (ces tensions) prolongent dans le crâne l' action des muscles " qui règlent la statique cervicocéphalique. ROLAND35 insiste d'ailleurs sur la rigidité mécanique de la petite circonférence de la tente du cervelet. De forme ovalaire, elle correspond aux berges du foramen oval de PACCHIONI. Et "une hypertension intracrânienne peut provoquer un engagement du lobe temporal à travers le foramen, ce qui entraîne une compression du III, et surtout du mésencéphale, la petite circonférence n'étant pas déformée par un tel engagement ". Connaissant l' élasticité du crâne du nouveau-né, qui lui permet de se déformer de façon habituellement réversible lors du franchissement de la filière pelvi-génitale, on ne peut manquer de souligner que, selon toute vraisemblance, cette rigidité : - relève de la mise en oeuvre de forces mécaniques dont l'intensité dépasse celle que l'encéphale pourrait supporter directement sans dommages, soulignant ainsi l'origine exocrânienne de ces forces ; - augmente surtout après la naissance, à la faveur précisément de l'ouverture ontogénique basi-crânienne ; - joue un rôle essentiel dans le développement de la résistance mécanique pariétale du neurocrâne comme il a été Rev Orthop Demo Faciale 29: 529-542, 1995 précédemment suggéré.


Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx : hominisation du crâne 1. Rotation dorsale de l'Occipital 2. Inflexion ventrale du Sphénoïde 3. Redressement dorsal du Frontal 4. Maintien du Mésethmoïde 5. Traction de l'Axe viscéral aéro-digestif 6. Appui Rachidien

Figure 6 Les divers mouvements marquant l'hominisation post-natale du crâne indiqués sur une coupe sagittale du crâne du nouveau-né (d'après BOSMA J.F.: Anatomy of the infant head, 1986).

3 - 2 - Ventralement : l'inflexion basi-crânienne et la projection nasale 3 - 2 - 1 - Inflexion basi-crânienne On peut en effet soutenir que la tente du cervelet sert d'instrument aux mécanismes qui produisent l'inflexion basi-crânienne. En la mettant en tension, la rotation dorsale de l' occipital sollicite la résistance de l'ancrage de sa petite circonférence sur les apophyses clinoïdes antérieures. Autrement dit, le sphénoïde serait attiré en direction de la petite circonférence si... les tractions exocrâniennes qu'il reçoit de l'axe viscéral ne le maintenaient fixé contre le cartilage de la synchondrose sphéno-occipitale et donc contre le basi-occipital. Ainsi peut-on comprendre le changement brutal de l'épaisseur des structures basi-crâniennes en avant du sphénoïde. L' inflexion basi-crânienne observée dans les conditions normales traduirait donc le nouvel équilibre mécanique qui s'établit de chaque côté de cette synchondrose entre : - les tractions endocrâniennes nées du raidissement tentoriel ; - et celles d'origine exocrâniennes que reçoivent les apophyses ptérygoïdes, en provenance: Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995

- pour la plus grande part de l'étirement de l'axe aéro-digestif transmis aux ailes médiales des ptérygoïdes par un pharynx en pleine mutation ; - pour une petite part (faible en raison de la petite taille et de l'orientation initiale presque horizontale de ces apophyses au cours de la période immédiatement postnatale) de l'étirement des muscles ptérygoïdiens et de l'action des constricteurs supérieurs du pharynx. Cet équilibre mécanique éclaire la relation essentielle mise en évidence par COUSINE et qui associe "l'angle antéro-inférieur du pariétal (la région ptérique) à la situation et à l'orientation de la face dans les axes vestibulaires ! " En résistant mécaniquement aux conséquences dure-mériennes de la rotation occipitale - manifestations auxquelles répondent le bord supérieur et les régions postéro-latérales de la sphère bi-pariétale - les tensions ventrales, d'origine essentiellement aéro-digestive, constituent le second des deux acteurs principaux de la genèse de l' inflexion basi-crânienne. 539


J. TALMANT - S. RENAUDIN

En s'opposant aux tractions transmises au sphénoïde par la tente du cervelet, ces tensions viscérales contribuent à l'évolution de l' équilibre mécanique qui repositionne le sphénoïde par rapport au neurocrâne. Et leur rôle majeur dans l'orientation de la face ( qui apparaîtra plus loin) s'étend jusqu'à la région ptérique où convergent l'angle antéroinférieur du pariétal et le bord supérieur de la grande aile du sphénoïde. A la suite de D E L A T T R E e t F E N A R T , COUSIN a mis l'accent sur " la continuité de la rotation ontogénique "positive" de l'arrière-crâne (chez Homo) : "phénomène spécifique au genre humain, en rapport avec sa station érigée ". Ses travaux l'ont également amené à souligner la différence de comportement entre antéro- et postéro-crâne. Il convient à présent d'ajouter que l'ontogenèse de l'oropharynx est un phénomène corollaire de ces aménagements caractéristiques de l'hominisation du crâne. 3 - 2 - 2 - Réduction du prognathisme maxillaire et projection ventrale du nez Une autre manifestation importante du raidissement dure-mérien naît de la mise en tension de la faux du cerveau, insérée sur l'écaille occipitale et la tente du cervelet. Elle contribue : - d'une part au redressement dorsal de l' écaille frontale, et donc au déplacement dorsal de la masse des hémisphères en développement. Mouvement qui rapproche le centre de gravité de l'encéphale de l'articulation occipito-atloïdienne, et qui soulae d'autant le travail des muscles nucaux 5. Chacun a pu observer cliniquement l'effacement progressif du bombé frontal du nourrisson. L'inclinaison dorsale du frontal, observée par MEw29 , semble s'accentuer chez les patients mis dans l'obligation d'accentuer leur extension cranio-cervicale ; - d'autre part au maintien de la crista galli à hauteur du plancher de l'étage antérieur de la base du crâne. Or cet ancrage dure-mérien est loin d'être négligeable. Par son intermédiaire en effet, les structures faciales septales (le mésethmoïde décrit par CoULY5) restent solidarisées à la base crânienne antérieure alors que les structures faciales para-septales 540

(ectethmoïdales) ne subissent pas le même sort. Elles vont rester soumises à l'action de l'enveloppe faciale. Or le plan profond de cette enveloppe, en appui sur la face génienne des mâchoires, est rattaché latéralement et dorsalement aux ligaments ptérygomandibulaires. Véritables intersections tendineuses entre buccinateurs et constricteurs supérieurs du pharynx36, ces ligaments subissent la loi de l'étirement de l'axe viscéral aéro-digestif en direction cau dale (fait remarquable : ils semblent même jouer un rôle dans la morphogenèse des hamuli ptérygoïdiens en étirant en direction caudale les crochets des ailes médiales des ptérygoïdes avant qu'ils ne changent d'orientation lors du redressement ontogénique de ces apophyses). raccordant Il En s'ensuit que : l'enveloppe faciale aux limites latérales de la paroi antérieure de l'oropharynx en développement, ce lien anatomique contraint les structures latéro-faciales à suivre les ptérygoïdes dans leur dérive caudale et dorsale engendrée par la traction de l'axe viscéral. En glissant progressivement sous l' étage antérieur de la base crânienne, la face supérieure devient donc moins prognathe. A l'exception cependant de l'arête nasale dont la charpente septale, directement appendue à la faux du cerveau par sa crista galli, souligne l' appartenance crânienne. Le système sutural qui la sépare des mâchoires lui confère une certaine autonomie de mouvement. Il lui permet notamment de maintenir la projection ventrale du nez humain sans être contrainte à suivre le recul ontogénique des mâchoires, solidaires de la partie caudale du pharynx. Et la saillie de l'épine nasale antérieure marque le recul des maxillaires par rapport à l'extrémité ventrale du septum. Ainsi, la régression du prognathisme maxillaire, comme la projection nasale, relèveraient de mécanismes associés au développement de l' oropharynx. Notons que pour HOUSTON 23 , le développement cervical joue un grand rôle dans la croissance verticale de la hauteur antérieure de la face. Rev Orthop Dento Faciale 29: 529-542, 1995


Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : 2 - Développement de l'oropharynx : hominisation du crâne

Finalement, l'ensemble de ces phénomènes paraît donner une signification à la biodynamique cranio-faciale proposée par DESHAYES13 et DAMBRICOURT-MALASSE7. On en retrouve tous les éléments au cours de l'ontogenèse humaine. Ce qui permet de rappeler qu'au sens large : " l'ontogenèse est une récapitulation de la phylogenèse ". Même si l' interprétation que l'on donne aujourd'hui à ce postulat s'est un peu écartée de la "loi biogénétique" qu'avait formulée le biologiste allemand Ernst HAECKEL, en 1884. Une fois exposé le changement des formes crâniennes qui accompagne le dévelop

pement de l'oropharynx, il faut encore aborder : - la description des transformations simultanées du rachis cervical et de la gouttière pharyngée ; - avant de préciser l'ensemble des aménagements physiologiques précisément liés à la migration de l'hyoïde. Tous ces changements complètent l'hominisation de l'extrémité céphalique et feront l'objet du prochain exposé, pour que l'oropharynx ne reste pas le grand méconnu de l'orthopédiste cranio-facial.

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FENART ,

541


~-~

Les réseaux de neurones dans la décision orthodontique Jean

LAVERGNE, Olivier LAVERGNE,

Fernand

KIMMEL

RÉSUMÉ Les programmes connus sous le nom de "réseau de neurones " sont de plus en plus utilisés dans les systèmes experts. Leur aptitude à l'apprentissage, leurs possibilités de généralisation permettent d'envisager leur utilisation pour l'aide au diagnostic et au pronostic dans un futur proche. Cet article teste leurs possibilités dans des domaines restreints et essaie de définir certaines règles d'utilisation. Au vu des résultats obtenus, il ne fait aucun doute que la généralisation leur usage en orthodontie sera bénéfique pour la profession. de ABSTRACT The so-called "neural network " computer programs are widely used in expert systems. Their training capabilities, their generalisation possibilities allow to consider their use in diagnosis and prognosis in a nearby future. Their possibilities in limited fields are tested in this pilot paper, which also points out some rules of use. Taking into consideration the obtained results, no doubt that generalisation of their use in orthodontics will be of great benefit for the profession. MOTS CLÉS J. LAVERGNE O. LAVERGNE F. KIMMEL 1 a, rue de Haguenau, 67300 Schiltigheim.

Réseaux de neurones - Position des incisives - Action de l'activateur. KEY-WORDS Neural networks - Incisors position - Activator action.

1 - INTRODUCTION Sous le terme de réseau de neurones sont compris divers modèles qui tentent de simuler, à un niveau encore très modeste, la façon dont le cerveau humain résout les problèmes qui lui sont soumis. Le cerveau utilise ses expériences passées pour résoudre Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995

des problèmes actuels ; de la même façon, un réseau neuronal utilise des exemples de problèmes précédemment résolus pour trouver des réponses à des questions qui lui sont posées. Pour cela quelques-unes des structures de base du cerveau ont été 545


J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

copiées. Les études sur ce sujet ont débuté dans les années 50. Très vite elles ont marqué le pas et ont été pratiquement abandonnées ; ce n'est que dans les années 80 qu'une nouvelle avancée conceptuelle a permis d' obtenir des résultats très encourageants. L'élément de base du cerveau est le neurone ; il se compose d'un corps cellulaire, de dendrites et d'un axone. Physiologiquement, le soma du neurone fait la somme des influx nerveux en provenance des dendrites ; au-delà d'un certain seuil, le neurone réagit en envoyant un signal le long de l'axone jusqu'au neurone suivant. Il se forme ainsi des chaînes répondant à un stimulus donné. Au cours des premières années de la vie l'apprentissage du monde extérieur se traduit pas l'établissement d'un réseau synaptique dans lequel certaines synapses non utilisées dégénèrent alors que d'autres sont renforcées. Le réseau synaptique finit par se stabiliser d'une façon plus ou moins définitive avec le temps. L'apprentissage et la mémoire sont ainsi " inscrits" dans les modifications des connexions entre neurones.

L'élément de base d'un réseau neuronal est le neurone formel. Le neurone formel est un automate à seuil. Il est caractérisé ( fig. 1) par des entrées, affectées chacune d'un poids, par une fonction de sommation, par une fonction de transition (ici sigmoïde) et par une sortie. La fonction de sommation effectue la somme des différentes entrées, en tenant compte de leurs poids respectifs. Si cette somme dépasse une certaine valeur déterminée par la fonction de transition, une sortie s'établit. Ces neurones formels sont arrangés en couches successives : une couche d'entrée, une couche de sortie, et une ou plusieurs couches intermédiaires appelées couches cachées (fig. 2). Dans les relations entre couches, la loi de HEBB4 (1949) s'applique : si deux neurones interconnectés sont activés au même moment la connexion qui les relie doit être renforcée. La modification du poids des connexions est le principe même de l'apprentissage. Il existe deux grands types de réseaux : supervisés et non supervisés. Les réseaux supervisés établissent un modèle après une

ENTRÉES

SORTIE Somme

X3

/

546

Transition

Figure 1 Neurone formel. Il est caractérisé par plusieurs entrées, une fonction de sommation, une fonction de transition, et une sortie.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995


Les réseaux de neurones dans la décision orthodontique

phase d'apprentissage. Les réseaux non supervisés sont capables de séparer des données en différentes catégories sans avoir subi un apprentissage préalable (pour plus de détails voir DAVALO et NAiml, 1993). Un seul réseau sera étudié ici. Il s'agit d'un

réseau de type supervisé qui se caractérise par un algorithme de rétropropagation du gradient*. Ce réseau est considéré comme * Ce réseau a été mis au point par l'équipe du Pr KORCZAK à la faculté de mathématiques, université de Strasbourg.

Angle 1/NA en degrés Angle 1/NB en degrés

Figure 2 Exemple de réseau. Ce réseau comprend une couche d'entrée de 11 neurones, une couche de sortie de 4 neurones et une couche cachée de 15 neurones. Ce réseau est présenté ici après apprentissage, certaines connexions sont renforcées, d'autres affaiblies.

Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995

547


1 J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

une fonction de transfert entre les entrées et les sorties présentées. Les paramètres de cette fonction sont calculés grâce à cet algorithme de rétropropagation du gradient (LE CuN7, 1985 - RUMELHART et al.8, 1986). Le fonctionnement d'un réseau neuronal de ce type comporte deux phases. La première phase est une phase d'apprentissage durant laquelle les connexions interneuronales prennent leur valeur ; la deuxième phase est l'utilisation proprement dite du réseau ; c'est au cours de cette phase que le réseau répond aux questions posées. Au cours de l'apprentissage, des exemples de données "entrées-sorties désirées" sont présentées au réseau. Un calcul est effectué de proche en proche de la couche d'entrée à la couche de sortie pour obtenir une sortie réelle. C'est la propagation avant, ou relaxation du réseau. L'erreur est alors calculée ( valeur absolue de la différence entre sorties désirées et sorties réelles), puis rétro-propagée dans le réseau et les poids des connexions modifiés. Ce processus est répété jusqu'à ce que l'erreur soit inférieure à un seuil choisi, le réseau a alors convergé (cette convergence ne peut avoir lieu que si le problème a une solution et si les données sont pertinentes). Ainsi, petit à petit, un jeu de connexions stables, les unes fortes, les autres faibles, s'établit. Cet apprentissage peut nécessiter plus d'un millier de passages à travers tout le processus. Il ne doit néanmoins pas être trop poussé sinon le réseau perd tout ou partie de ses potentialités de généralisation. Au cours de la phase d'utilisation, des entrées sont présentées au réseau qui va

alors chercher une ou plusieurs sorties appropriées en utilisant l'expérience acquise durant son apprentissage. Les réseaux neuronaux : - permettent un traitement en parallèle de l'information en opposition au traitement séquentiel des programmes clat-siques ; - ont une capacité d'apprentissage et donc d'adaptation ; - ont une mémoire distribuée : mémoire répartie sur plusieurs entités, d'où une résistance aux pertes et une plus grande élimination des parasites ; - ont des possibilités de généralisation : le réseau est capable de donner une réponse satisfaisante à une entrée qui ne fait pas partie des exemples à partir desquels il a appris. Il est aussi capable de retrouver les règles sousjacentes au problème. Toutes ces propriétés, qui semblent apporter des réponses à des questions précédemment soulevées (LAVERGNE 5 , 1992), nous ont conduits à tester l' utilisation de ces réseaux en orthodontie. Pour cela nous avons sélectionné deux problèmes : - la position des incisives en fonction de l' architecture faciale ; - l'action combinée de la croissance et d'un type donné de traitement sur la face. Dans les deux cas, délibérément, le réseau n'a pas été placé dans des conditions optimales, ceci afin de tester ses possibilités.

2 - MATÉRIEL ET MÉTHODES

Pour la première partie, deux échantillons ont été sélectionnées. Dans les deux cas, il s' agit de crânes secs datant du Moyen Age. Le premier groupe comprend 140 crânes porteurs ou non de malocclusions, séparés en 77 hommes et 63 femmes. Le deuxième comprend 158 crânes provenant d'une autre fouille (84 hommes et 74 femmes). Le premier échantillon présente moins de malocclusions que le deuxième ; il s'agit 548

donc dans les deux cas d'échantillons relativement hétérogènes. Sur ces deux échantillons une analyse téléradiographique (analyse céphalométrique de BERGEN2, 1977) a été effectuée, les valeurs représentant l'architecture faciale (SNA, SNB, SNPg, ML/NSL, NL/NSL, Ar Tgo Gn, NSBa, N angle, Index Antérieur, Pg-NB) et le sexe ont été utilisées comme entrées, les valeurs représentant la position des incisives supéRev Orthop Demo Faciale 29: 545-556, 1995

0


Les réseaux de neurones dans la décision orthodontique

rieures et inférieures (angles 1-NA, 1 + NB et distances 1-NA et 1-NB en millimètres) constituent les " sorties désirées ". Enfin, dans ces deux échantillons, les sujets présentant une occlusion de Classe I d' ANGLE, avec un encombrement incisif de moins de 2 mm ont été regroupés (40 hommes et 37 femmes) sous le nom d'échantillon : " occlusion satisfaisante ". Pour l'échantillon I, un réseau constitué d'une couche d' entrée avec 11 neurones (correspondant aux 11 entrées), une couche de sortie avec 4 neurones (correspondant aux 4 sorties désirées) et d'une couche intermédiaire cachée de 16 neurones a été utilisé (fig. 2). Le même schéma de réseau a été utilisé sur l'échantillon II et sur l'échantillon "occlusion satisfaisante ".

3 - RÉSULTATS 3 - 1 - Précision de la méthode Après 400 époques d'apprentissage, l'erreur courante (somme quadratique des erreurs sur chaque cellule de sortie) est .009. Après 1000 époques, l'erreur courante

Pour le deuxième problème, 99 patients traités pendant deux ans avec un activateur ont été sélectionnés (47 garçons et 52 filles). Une analyse céphalométrique a été réalisée au début et à la fin du traitement. Les valeurs céphalométriques de la téléradiographie de début, le sexe et l'âge ont été utilisés comme entrées, les valeurs céphalométriques de la téléradiographie de fin constituent les sorties désirées. Un réseau comprenant une couche d' entrée avec 18 neurones, une couche de sortie avec 16 neurones et une couche intermédiaire avec 25 neurones a été utilisé. Dans tous les cas, l'erreur de la méthode pour une sortie donnée a été définie comme la moyenne des valeurs absolues des différences entre les valeurs de sortie calculées et les valeurs désirées correspondantes. atteint .005. Sur chaque sortie, la moyenne et l'écart type des valeurs absolues des écarts sortie désirée - sortie calculée, sont donnés dans le tableau I.

ERREURS

Distance Angle Angle 1/NA 1/NB 1/NA en degrés en degrés en mm Réseau I sur

Moyenne

Echantillon I

E.T.

Réseau II sur

Moyenne

Echantillon II

E.T.

Equations de Regression

Moyenne

E.T.

Distance 1/NB en mm

2.37 2.27

2.11 1.71

0.57 0.57

0.60 0.54

2.32 2.15

2.33 2.44

1.11 2.19

0.61 0.56

4.40 3.25

4.09 2.74

1.41 1.10

1.36 0.99

Tableau I Comparaison des erreurs du réseau neuronal et des équations de régression (les valeurs d'erreurs des équations de régression sont celles obtenues par SEGNER9 sur l'échantillon qui a servi à calculer les équations de régression).

Rev Orthop Dento Faciale 29 : 545-556, 1995

549


i J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

Pour évaluer la précision de cette méthode par rapport à des méthodes connues, les équations de régression proposées par le département d'orthodontie de l'université de Hambourg (HASUND et SEGNER3, 1991) ont été utilisées. Dans le tableau I, les valeurs d' erreurs des prévisions sont celles touvées par SEGNER (1995) sur l'échantillon qui a servi à calculer ces équations. Dans le tableau II, l'erreur de prévision a été calculée sur l' échantillon "occlusion satisfaisante" pour les paramètres des angles 1/NA et 1/NB en degrés, et distances 1/NA et 1/NB en millimètres, en utilisant ces équations de régression d'une part, le réseau d'autre part. L'erreur des équations de régression pour toutes les sorties est ici un peu plus élevée car il s'agit d'un échantillon de population du Moyen Age alors que les équations ont été calculées pour une population moderne. Malgré la présence de malocclusions dans les échantillons I et II la précision de la

méthode semble remarquable. La comparaison avec les erreurs observées dans la méthode des équations de régression proposées par HASUND et SEGNER3 (1991) montre que la moyenne des erreurs du réseau neuronal est très nettement inférieure à celles obtenues avec les équations de régression. Les écarts types sont aussi beaucoup plus faibles dans le cas de la prévision par le réseau. Une étude plus détaillée, cas par cas, des erreurs obtenues (fig. 3 et 4), montre que dans la plupart des cas, l'erreur est inférieure à l'erreur moyenne ; toutefois quelques cas présentent une erreur plus forte. Si on considère que 4° et 1 mm sont des valeurs cliniquement acceptables pour une estimation de la position des incisives, le tableau III montre qu'environ 90 % des cas répondent à ces conditions en utilisant le réseau. Par contre les résultats des équations de régression sont nettement inférieurs. ERREURS

Angle Distance Angle 1/NB 1/NA 1/NA en degrés en degrés en mm Moyenne 2.00 2.01 0.46

Réseau

1.62

1.64

Moyenne 5.16 E.T. 3.40

3.58

E.T . Équations de régression

2.85

T a b l e a u

Distance 1/NB

en mm 0.41

0.44

0.33

1.94

1.86

1.07

0.92

I I

Comparaisons entre les erreurs de sorties du réseau et des équations de régression sur le même échantillon (occlusion satisfaisante).

Angle Angle 1/NA 1/NB en degrés en degrés

Distance 1/NA en mm mm <2 mm

<4°

<4°

<1

Réseau

84%

88%

67%

70%

Équations

11%

33%

55%

de

31%

<1 mm

Distance 1/NB en mm

86%

27%

<2 mm

100%

65%

régression Tableau

III

Pourcentage d'erreurs de prévisions inférieures à une limite donnée.

550

Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995


Les

réseaux de neurones dans la décision orthodontique

Angle en degrés Angle —+-1/NB en degrés

8 7

il

6 5 4 3 2 1

A

I

whilasikm FLAtionnewmpot Rwhy

i

r

r~

i i iii i i i i

iit

Figure 3 Erreurs de la prévision sur la position des incisives (en degrés). La plupart des erreurs sont inférieures à 40; seuls quelques cas montrent une erreur relativement importante.

Distance en mm Distance 1/NB en mm

Figure 4 Erreurs de la prévision sur la position des incisives (en millimètres). La plupart des erreurs sont inférieures à 1 mm; seuls quelques cas montrent une erreur relativement importante. Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995

551


J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

3 - 2 - Mise en évidence des relations entre les entrées et les sorties L'utilisation d'un réseau permet aussi, en le visualisant après apprentissage, d'objectiver les relations existant entre certaines des valeurs d'entrée et certaines des valeurs de sortie. Sur la figure 2, certaines connexions entre la première et la deuxième couche sont renforcées, ce qui traduit une importance accrue de certaines entrées dans le calcul des sorties. Par exemple il est visible que

les entrées les plus importantes pour la position des incisives sont SNB, ML/NSL, NL/NSL, N angle, Pg/NB et l' index facial antérieur, ces trois dernières étant de loin les plus importantes. Ces résultats sont en accord avec ceux de HASUND 2 (1977) et HASUND et SEGNER 3 (1991). Par contre le sexe, NSBa, Ar Tgo Gn ne semblent jouer qu' un rôle mineur.

3 - 3 - Possibilités d'utilisation sur un autre réseau Pour tester la possibilité d'utiliser un réseau sur un échantillon autre que celui qui a servi à le calculer, le réseau I a été appliqué à l'échantillon II et le réseau II a été appliqué à l'échantillon I. Dans le calcul des deux réseaux, l'apprentissage a été arrêté quand

l'erreur courante était sensiblement la même dans les deux réseaux. Au vu du tableau IV, il apparaît clairement que l' utilisation d'un réseau sur un autre échantillon que son échantillon d' apprentissage n'entraîne pas une augmentation notable de l'erreur. ERREURS

Angle Distance Distance Angle 1/NB 1/NA 1/NA 1/NB en degrés en degrés en mm en mm 2.37 0.57 0.60 2. 1 2.27 1.71 0.57 0.54

l

Réseau I sur Échantillon I

Moyenne E.T.

Réseau II sur Échantillon II

Moyenne E.T.

2.32 2.15

2.33 2.44

1.11 2.19

0.61 0.56

Réseau I sur Échantillon II

Moyenne E.T.

2.39 2.45

2.15 2.09

0.84 1.15

0.63 0.71

Réseau II sur Échantillon I

Moyenne E.T

2.48 2.51

2.14 2.41

0.67 1.84

0.59 0.75

Tableau IV Erreurs sur les sorties en fonction des réseaux et des échantillons.

3 - 4 - Influence de la durée de l'apprentissage L'apprentissage peut être prolongé tant que les erreurs de sortie diminuent mais cependant un risque existe : le réseau peut devenir trop lié à son échantillon d'apprentissage. Les erreurs sur l'échantillon d'ap 552

prentissage deviennent minimes, mais par contre sur un autre échantillon les performances vont diminuer fortement. Le tableau V montre les effets de la durée d'apprentissage sur les performances du réseau. Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995


Les réseaux de neurones dans la décision orthodontique

Une augmentation de 50 % de la durée d' apprentissage amène une diminution notable de l'erreur sur la plupart des sorties. Il convient de noter cependant que sur certaines sorties (ici distance 1/NA en mm) l' augmentation de la durée d'apprentissage n' apporte plus d'amélioration. Cela signifie que le réseau a trouvé une solution satisfaisante plus rapidement pour cette sortie et qu'ensuite il est incapable de l'améliorer. Ceci est une constante de l'apprentissage : le réseau trouve la solution plus rapidement pour certaines sorties et l'erreur ne diminue pas à la même vitesse pour toutes les sorties. Le tableau VI montre les résultats de ce réseau à deux stades d'apprentissage différents sur un échantillon autre que celui d'apprentissage ; en l'occurrence il s'agit de l' échantillon I. Il s'agit d'un réseau calculé sur un échantillon homogène (occlusion Réseau et échantillon « Occlusion normale »

satisfaisante) appliqué à un échantillon relativement hétérogène. Les erreurs de prévi sion observées sont donc plus fortes que celles observées sur l'échantillon d'apprentis sage. Dans le cas du réseau calculé avec 1000 époques d'apprentissage les erreurs de prévision restent dans le même ordre de grandeur que celles observées précédemment. Par contre dans le cas du réseau calculé avec 1500 époques d' apprentissage les erreurs augmentent d' environ 100 %. Le réseau, maintenant beaucoup trop lié à son échantillon d' apprentissage a perdu ses facultés de généralisation. En pratique, il convient d'arrêter l'apprentissage du réseau au moment opportun. Malheureusement, il n'existe pas de règles établies et il convient de procéder empiriquement. ERREURS

Angle 1/NB en degrés

Angle 1/NA en degrés

Apprentissage 1500 périodes

1.12

1.04

2.00

2.01

Distance 1/NA en mm 0.46 0.46

Apprentissage 1000 périodes T a b l e a u

Distance 1/NB

en mm 0.28 0.41

V

Influence de la durée d'apprentissage.

Échantillon 1 Réseau « 1000 » Réseau « 1500 »

Angle 1/NA

Angle 1/NB

Distance 1/NA

Distance 1/NB

en degrés 2.42

en degrés 2.12

en mm 0.93

en mm 0.49

2.01

1.50

3.92

3.56

T a b l e a u

V I

Influence de la durée d'apprentissage sur les possibilités de généralisation du réseau.

3 - 5 - Possibilités de prévisions des effets conjugués du traitement et de la croissance Au vu des résultats précédents, un échantillon d'enfants traités avec le même appareil (un activateur) durant un laps de temps identique (deux ans) dans une tranche d'âge Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995

relativement bien définie (début de traite ment entre 10 et 11 ans) pouvait apparaître parfaitement adéquat pour tenter une prévision. Le tableau VII montre les résultats : 553


J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

Échantillon I Général (N=99) Erreur Prevision

Réseau 1 Moyenne E.T.

SNA 0,92 0,70

SNB 0,70 0,58

ANB 0,78 0,75

SNPg MUNSL 0,60 1,26 0,52 0,52

Échantillon I Général (N=99) Variations

Moyenne E.T

0,98 1,15

0,97 0,97

1,21 1,20

0,97 1,22

Échantillon II (Groupes A) (N=62) Erreur Prévision

Réseau 1 Moyenne E.T.

SNA 0,96 0,74

SNB 0,66 0,60

ANB 0,92 0,83

SNPg MUNSL 0,57 1,02 0,54 0,77

Échantillon II (Groupes A) (N=62) Erreur Prévision

Réseau 2 Moyenne E.T.

SNA 0,55 0,45

SNB 0,31 0,26

ANB 0,40 0,44

SNPg MUN 0,39 0,85 0,33 0.85

Moyenne E.T.

1,03 1,18

1,13 1,15

1,43 1,29

1,02 1,09

Échantillon I l (Groupes A)

1,35 1,13

1,33 1,13

(N=62) Variations Tableau VII Erreurs de prévision du réseau comparées aux variations sur une période de deux ans.

pour toutes les valeurs squelettiques, les erreurs sont relativement importantes ; elles approchent même parfois les valeurs de variations de la variable correspondante. Par contre certaines des valeurs dentaires présentent une faible erreur en moyenne et un faible écart type des erreurs (distances 1/NA et 1/NB en mm). En utilisant une classification morphogénétique basée sur les rotations des mâchoires (LAVERGNE et PÉTROVIC6, 1985) les patients présentant une rotation antérieure mandibulaire ont été sélectionnés. En appliquant le réseau précédemment calculé sur ce nouvel échantillon, plus homogène, l'amélioration des résultats n' est pas notable. Par contre, en recalculant un réseau sur cet échantillon réduit et plus homogène, les 554

moyennes d'erreurs diminuent d'une façon importante ainsi que les écarts types des erreurs. Ce qui signifie que la prévision gagne en fiabilité. Dans ce dernier cas, la fiabilité de la prévision semble nettement suffisante pour une utilisation clinique. Par exemple, l' erreur sur la prévision d'ANB pour une période de traitement de deux ans est de moins d'un demi-degré. Dans le premier cas (utilisation de l'activateur chez tous les patients de Classe II), la question suivante peut se poser : existe-t' il une réponse au problème posé au réseau ? La réponse d'un tel groupe de patients à la thérapie n'obéit peut-être pas à une loi bien définie, d'où la réponse chaotique du réseau ; sauf en ce qui concerne les positions dentaires. Rev Orthop Dento Faciale 29: 545-556, 1995

,


Les réseaux de neurones dans la décision orthodontique

/NSL ',78 ,68

NSBa 0,98 1,04

1,95 1,86

1,26 1,27

Ar Tgo Gn

1,52 1,23

N angle 1,51 1,55

1/1° 2,35 2,22

1/NA° 1,58 1,14

1/NB° 5,25 2,82

1/NAmm 0,68 0,78

1/NBmm 0,52 0,52

Pog/NB 0,36 0,39

Index 1,88 1,83

1,22 1,16

2,33 1,80

4,16 3,36

3,17 2,89

3,74 2,97

1,30 1,28

1,13 0,94

0,48 0,52

2,05 1,94

N angle 1,51 1,36

1/1 1,97 2,25

1/NA deg 1/NB deg 1/NA mm 1/NB mm 1,46 5,10 0,76 0,50 1,02 3,02 0,94 0,51

Pog/NB 0,37 0,37

Index 1,98 2,05

1,23 0,91

N angle 0,99 0,84

1/1 1,20 0,98

1/NA deg 1/NB deg 1/NA mm 1/NB mm 0,83 0,91 0,50 0,43 0,81 0,81 0,61 0,43

Pog/NB 0,30 0,31

Index 1,38 1,20

1,08 1,09

2,44 1,84

4,64 3,52

0,47 0,43

2,04 2,09

JNSL 1,80 1,76

NSBa 0,93 0,93

Ar Tgo Gn

JNSL 1,73 ,00

NSBa 0,76 0,85

Ar Tgo Gn

,03 1,92

1,29 1,15

1,63 1,32

3,53 3,57

4,09 2,83

1,42 1,38

1,06 0,85

Il est aussi possible que les réponses étant tellement variées, l'échantillon soit trop réduit pour permettre au réseau d'opérer une classification et de dégager des lois. L' utilisation d'une classification externe au

réseau lui permet alors de pallier cet inconvénient. Enfin il est possible que les paramètres d' entrée ne soient pas suffisamment explicites pour que le réseau trouve une solution.

L'utilisation d'un réseau neuronal en orthodontie peut beaucoup apporter dans le domaine du pronostic et du plan de traitement. Mais pour cela il faut que le problème posé au réseau réponde à plusieurs critères. Il faut que le problème ait une solution ; cette affirmation peut paraître triviale mais il

ne faut pas envisager cette technique comme " la solution ". Il faut que les données d'entrée permettent de trouver une solution. Il faut que l'échantillon d'apprentissage soit suffisamment homogène tout en étant représentatif de la population étudiée ; dans

CONCLUSION

Rev Orthop Demo Faciale 29 : 545-556, 1995

555


J. LAVERGNE - O. LAVERGNE - F. KIMMEL

ainsi que les prévisions peuvent bénéficier grandement de cette méthode. Mais, bien plus, comme un réseau est capable de stocker dans ses neurones une expérience acquise, la profession orthodontique a en main pour la première fois un outil capable de transmettre "l'expérience clinique ".

certains cas il vaut mieux fractionner l'échantillon. Il faut savoir arrêter l'apprentissage du réseau pour sauvegarder ses possibilités de généralisation. Ce type de programme peut être un outil très puissant mais pour en tirer un parti maximal, les règles d'utilisation doivent être parfaitement définies. L'aide à la décision

BIBLIOGRAPHIE E., NAIM, P.: Des réseaux de neurones. Eyrolles éd., Paris, 1993. 2 - HASUND, A.: Céphalométrie pour la technique de BERGEN. Université de Bergen. Bergen, 1977.

1 - DAVALO,

3-

HASUND, A., SEGNER, D.: Individualisierte Kephalometrie. Université de Hambourg. Hambourg, 1991.

4-

HEBB, D.O.: The organization of behaviour. Wiley ed., New York, 1949. 5 - L A V E R G N E , J.: Diagnostic orthodontique et informatique. Rev Orthop Dento Faciale 26: 295-307, 1992.

6 -

LAVERGNE, J., PËTROVIC,

A. : Pathogenesis and treatment conceptualization of dentofacial malrelations as related to the pattern of occlusal relationship. In : Normal and abnormal bone growth (p. 393-402). A. Liss ed., New York, 1985.

7 -

LE CUN,

Y.: Modèles connexionnistes de l'apprentissage. Thèse de doctorat. Paris VI, 1985.

8 - RUMELHART, D.E., HINTON, G.E., WILLIAMS, R.J.: Learning representations by back-propagating errors. Nature 323: 533-536, 1986. 9 - SEGNER, D.: Communication personnelle, 1995.

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41‘

Céphalgie liée à la posture mandibulaire Elsa di MALTA

Dans la pratique quotidienne, comme l'enseignent les dernières acquisitions gnathologiques, nous avons pu constater à la consultation que certains patients présentent, associée au désordre dentaire, une pathologie douloureuse répétitive : céphalée, quelquefois migraine, douleur à la palpation des ptérygoïdiens latéraux, digastriques, masséters, temporaux, des muscles de la nuque et des trapèzes. Nous avons également constaté de temps en temps des troubles du sommeil. Mais parfois le problème dentaire ne semble pas si important, et les patients le séparent de la pathologie douloureuse, dont la liaison n'apparaît qu'au praticien. Ce qui les fait consulter, c'est le clic et une douleur diffuse dans la zone temporale. Nous avons retrouvé fréquemment cette situation dans les cas de Classe I ou II, avec inclinaison linguale des incisives inférieures. Dans tous les cas, la mandibule est verrouillée.

E. di MALTA Via Santo Spirito 5, 20121 Milan, Italie.

Le grand nombre de signes objectifs et subjectifs nous a amenée à examiner avec une particulière attention, sur la téléradiographie de profil, la mandibule : sa taille, sa direction, sa position. Dans tous les cas, elle était d'une taille aux limites supérieures de la macromandibulie, les incisives en général inclinées vers l'arrière, en tous les cas sans surplomb et avec un recouvrement augmenté. La direction de la mandibule est normale, jamais en rotation postérieure. Ce qui est le plus intéressant à observer est le ramus. Il apparaît dans tous les cas superposé à l'image radiologique de l'atlas, avec ou sans espace minimal du bord de la mandibule et du profil des vertèbres cervicales. Cette position de constriction est déterminée par le verrouillage au niveau incisif, qui se constitue lors de l'établissement de la denture permanente

Rev Orthop Dento Faciale 29: 557-559, 1995

mais qui est silencieuse au début. Par la suite, la partie postérieure de la mandibule comprime les vertèbres et les vaisseaux vasculo-nerveux. Les symptômes s'organisent et la pathologie se manifeste. Mais les patients continuent à séparer la pathologie cervicale, qu'ils nomment " arthrose cervicale ", d'une pathologie maxillomandibulaire. Nous avons pensé que le problème posé par ce verrouillage ne pouvait être résolu en vestibulant les incisives supérieures afin de libérer la mandibule, car l'engrènement occlusal est très serré chez ces patients. Pour se dégager, la mandibule devrait glisser vers l'avant, ce qui ne peut être obtenu qu'en faisant glisser d'abord le maxillaire. Notre expérience du système de traction postéro-antérieure chez les adultes nous a conduite à tenter de déverrouiller la mandibule par ce moyen. A l'inverse des cas de Classe III, l'avancement est limité à 1 mm, ce qui est suffisant pour obtenir une décompression au niveau postérieur. Ce déplacement est visible sur les téléradiographies après 8 à 10 mois de traitement. Les bons résultats et le soulagement des patients nous ont conduite à tenter le même traitement dans les cas de migraine, dans les cas présentant une position semblable de la mandibule. La migraine d'origine vasculaire ne peut être vaincue, celle de nature compressive peut disparaître. Les effets négatifs de cette thérapeutique sont nuls, aussi il semble opportun de tenter ce traitement dans tous les cas avec le dispositif de correction des Classes III et les mêmes forces, en n'oubliant pas de placer une plaque de libération mandibulaire pour mieux laisser glisser la mandibule. 557


E. di MALTA

i

Figure 1

558

Figure 2

Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6 Rev Orthop Dento Faciale 29: 557-559, 1995


Céphalgie liée à la posture mandibulaire

Figures 7

Figure 12 Rev Orthop Dento Faciale 29: 557-559, 1995

Figure 8

Figure 9

Figure 10

Figure 11

Figure 13 559


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