Numéro spécial 200 septembre - octobre 2012 Lettre d’information du Collectif Guatemala
Histoire du Collectif Guatemala et de son travail d’information Sommaire
Les fondateurs du Collectif Guatemala p.3-5 Jean Ziegler solidaire du Collectif Guatemala p. 6-7 Les directeurs de publication p.8-9 Editoriaux des anciens numéros p.10-11 Entretien avec Maurice Lemoine p.12-13 Témoignage des compas p. 14-15 Brèves
p.16-18
Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris - France Tel: 01 43 73 49 60 collectifguatemala@gmail.com www.collectifguatemala.org
Directrice de publication : Isabelle Tauty Chamale ISSN 1277 51 69 Ont participé à ce numéro : Cynthia Benoist, Quentin Boussageon, Amandine Grandjean, Vanessa Góngora, Marilyne Griffon, Nicolas Krameyer, Grégory Lassalle, Alexandra Marie, Aurélia Rapin, Isabelle Tauty, Martin Willaume.
Manifestation en solidarité avec l’Amérique centrale, Paris, 1983
Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Edito Par Nicolas Krameyer
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oici le 200ème opus de Solidarité Guatemala (SG) : 200 numéros, et trente-trois ans d'existence, autant le dire, nous en sommes fiers ! L'occasion, dans ce numéro spécial, de revenir sur l'histoire de SG, mais aussi celle du Collectif Guatemala, tant leurs histoires sont liées. Nous avons souhaité le faire en entremêlant articles ou illustrations emblématiques et témoignages de nombreuses personnes ayant participé à notre histoire : les membres d'organisations que nous appuyons au Guatemala, des fondateurs guatémaltèques aux piliers historiques de l'association, mais aussi les compagnons de route, comme Maurice Lemoine, du Monde diplomatique, ou plus récemment Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial des Nations unies à l'alimentation. On s'aperçoit que si, au tout début, le Collectif Guatemala était clairement affilié à une organisation révolutionnaire politico-militaire, l'Armée de guérilla des pauvres (EGP), très rapidement, l'association a pris ses distances avec celle-ci. Le soutien apporté à la représentation unitaire des mouvements de guérilla : l'URNG, était lui aussi conditionnel. La solidarité du Collectif s'est exercée surtout avec les organisations populaires guatémaltèques qui ont commencé à voir le jour après les périodes les plus dures du conflit et à remplir chaque espace de lutte disponible : associations de victimes, paysans sans terre, syndicats, réfugiés et déplacés, défenseurs des droits des peuples autochtones... Très rapidement donc, et contrairement à d'autres comités de solidarité européens similaires, le Collectif Guatemala n'était donc plus affilié à un parti ou une idéologie mais soutenait les organisations sociales dans leur diversité. Notre cause a depuis ce moment toujours été double : appuyer les luttes et revendications des organisations populaires guatémaltèques dans leurs exigences de justice sociale et de respect des droits fondamentaux ; offrir une analyse poussée de l'actualité sociopolitique du Guatemala au public français, pour un pays quasi-inconnu du grand public et ignoré des médias français. Ces deux piliers d'une information approfondie et de solidarité ont toujours été pensés ensemble et intrinsèquement liés. Un autre tournant majeur de l'histoire du Collectif est la mise en place du projet d'accompagnement international en 1993. Après avoir côtoyé la réalité des luttes, mais aussi le courage et la force morale des personnes qui les portaient au Guatemala, difficile ensuite de ne pas vouloir poursuivre son engagement au retour en France ! Cela a dès lors profondément renouvelé la composition des membres actifs du Collectif : ainsi aujourd'hui, la très grande majorité d'entre nous a « accompagné » sur place le mouvement social guatémaltèque. C'est aussi vraisemblablement l'un des facteurs qui explique la longévité de notre association : des personnes ayant noué une relation intime avec le Guatemala et ses populations, qui souhaitent redonner un peu de ce qu'ils ont appris et reçu de leurs multiples rencontres. Alors que plus aucun membre actuel n'était présent dans les années 80, il était pour nous passionnant d'interroger et d'écouter les « anciens » et d'en profiter pour rendre hommage aux milliers d'heures de travail bénévole qui tout au long de ces années ont rendu possible la publication de notre revue. Nous espérons que vous trouverez autant d'intérêt à la lecture de ce numéro spécial que nous en avons en eu à le concocter. Bonne lecture ! ■
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Les fondateurs du Collectif Arturo Taracena, fondateur du Collectif Guatemala Arturo Taracena Arriola est docteur en histoire de l'Ecole des hautes études en Sciences sociales de Paris. Il a écrit plusieurs livres dont “Ethnicité, Etat et nation au Guatemala, 1808-1944”. Il est aujourd'hui professeur d'université au Mexique.
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’est en 1976 à Paris, que naît le collectif de solidarité avec le Guatemala, à l'initiative d'exilés guatémaltèques : Miguel Ángel Sandoval 1 et moi (Arturo Taracena2). Nous serons rejoints plus tard par Arturo Arias3 et Camilo Ospina4. En septembre de la même année, notre “Pré-comité de Solidarité avec le Guatemala”, soutenu par le Centre d'Études et d'Initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), participe à la Fête Rouge de la Villette. Dans le même temps, des contacts sont noués avec les comités de solidarité avec le Salvador et le Nicaragua, respectivement proches des Forces populaires de libération Farabundo Martí (FPL) et du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). En 1978 nous investissons, avec d'autres collectifs de solidarité latino-américains, un local au 67, rue du Théâtre dans le XVème à Paris, et nous adoptons le nom de Collectif Guatemala. Fin 1979, Juan Mendoza, sympathisant de l’Armée de guérilla des pauvres (EGP), nous rejoint. En novembre, la première rencontre de solidarité européenne avec le Guatemala est organisée à Bruxelles, à l'initiative des comités belge et hollandais, avec des représentants d'Allemagne, d’Autriche, d’Espagne, de France, de Suède, de Suisse et d’Italie. Dans le document final de la rencontre, nous nous sommes tous engagés à : - dénoncer les excès du gouvernement guatémaltèque,
socialiste français (PS), le Parti socialiste unifié (PSU), l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), la Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués), Terre des Hommes, Frères des Hommes, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) et Amnesty International (qui lança le 15 septembre 1979 sa première campagne de défense des droits humains au Guatemala). Des contacts ont été établis avec des journalistes, comme Claude Roire du Canard Enchaîné ou Ramón Chao de Radio France International et des comités de soutien au Guatemala en province. Le Collectif Guatemala avait besoin d'obtenir un statut juridique pour pouvoir imprimer des documents, lever des fonds, organiser des évènements, etc. avec nos propres moyens. Ce processus a duré un an et finalement le 3 décembre 1980, la Préfecture de Police de Paris nous a donné le statut d'association à but non lucratif -loi 1901-. Le premier bureau exécutif était composé d’une présidente : Nicole Bourdillat, du PS, de deux vice-présidents : Jean Paul Lévy, avocat, et Dominique Camard, activiste des droits humains, et d’un secrétaire : Michaël Leibman, militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Le 22 décembre 1980, grâce à nos contacts avec le CCFD, nous avons obtenu le financement pour l'élaboration d'un bulletin sur le Quiché : La terre tremble, qui, avec le bulletin de Solidarité Guatemala nous a permis de diffuser l'information lors de nos évènements publics mais également dans des librairies comme Artisans du Monde, La Brèche, etc.
- manifester notre appui aux luttes populaires et à la lutte révolutionnaire en reconnaissant notamment le Front démocratique contre la répression (FDCR), - continuer les efforts pour coordonner efficacement la solidarité et l'étendre à tous les pays d’Europe de l’Ouest en travaillant en coordination avec les comités de solidarité d'autres pays d'Amérique centrale, - établir un échange permanent d'informations avec le mouvement populaire guatémaltèque. C'est à la suite de cette rencontre, en décembre 1979, que voit le jour le bulletin de Solidarité avec le Guatemala, avec un logo dessiné par l'artiste guatémaltèque, résidant à Paris, Jacobo Rodríguez Padilla. Parallèlement, nous avons établi des contacts avec le Parti
Manifestation devant l'ambassade du Guatemala, 1984 Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Les fondateurs du Collectif Un moment clé de cette première étape a été le rassemblement « Six heures pour le Salvador et l'Amérique centrale », le 20 mars 1981 à la Mutualité, avec la projection de films et de diapositives, des chants, des poèmes, des témoignages et expositions. Les trois comités d'Amérique centrale s'étaient mis d'accord pour soutenir le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) salvadorien. L'évènement était présidé par Laurent Schwartz et l'ancien ambassadeur chilien Armando Uribe. Il y avait aussi Guillermo Manuel Ungo du Front démocratique révolutionnaire (FDR). Plus de 3 000 personnes étaient rassemblées pour le Salvador ce jour là. Ca a été pour nous comme un essai de ce que nous allions faire plus d’un an après, pour le Guatemala. Suite à de nombreuses Manifestation de soutien aux populations du Guatemala, Paris, 1981 réunions avec les collectifs de solidarité du Salvador et du Nicaragua, la Coordination centra- suivante chez Gallimard sous le titre de Moi, Rigoberta Menchú, avec pour seule auteure Elizabeth Burgos, est à méricaine de Solidarité vit le jour fin 1981. l'origine d'une grande polémique. Cependant, au cours de cette année 1981, tous nos efforts se sont concentrés pour retrouver la poète Alaide Foppa vivante. Le 31 mars 1981 le Comité International pour la vie d’Alaide Foppa et des disparus guatémaltèques a lancé un appel international par la voix de sa présidente : Dominique Éluard. L'appel fut signé par 125 personnalités. C'est dans ce contexte que de nouveaux membres ont rejoint le Collectif comme Philippe Morvannoux et Hugues Cayzac. Le Collectif a pris contact avec l'association France Amérique Latine (FAL) et avec les syndicats CGT, CFDT et FO. La victoire électorale de François Mitterrand a permis au Collectif de débuter des relations avec le gouvernement français, notamment Régis Debray. Le 6 janvier 1982, Rigoberta Menchú est arrivée en France. Elle venait du Mexique pour participer à une tournée européenne de dénonciation des crimes commis au Guatemala, organisé par le CUC. Elle est restée une semaine à Paris. Son témoignage a permis de mettre en lumière les activités politiques des Guatémaltèques en Europe, au moment où s’est créée la fonction de « Rapporteur spécial des Nations unies pour les exécutions extrajudiciaires », et s’organisaient des tournées du mouvement populaire guatémaltèque (Comité d’unité paysanne CUC, Comité national d'unité syndicale CNUS, Justicia y Paz). Le témoignage qui a paru l'année 4
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Le 23 février 1982, après des années d'efforts acharnés, le Collectif Guatemala a pu organiser un grand événement de solidarité avec le Guatemala à la Mutualité. Il s’agissait d’une soirée artistique et politique, animée par le groupe « Les Guaraní », Pancho Cabral et Ángel Parra. Différentes personnalités politiques ont participé, dont la plus remarqué a été celle d’Arthur London, membre des Brigades internationales, résistant français, dirigeant du Printemps de Prague et ami du Guatemala. Tout cela a pu aboutir grâce à l’appui des membres de la solidarité comme Lisianne Marechal, Sophie Féral et Juan Escamilla, entre autre. La coïncidence a fait que deux délégués de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG), qui étaient en tournée en Europe pour discuter de la signature de l’unité révolutionnaire, ont également pu participer. Une nouvelle étape s’est ouverte dans l’histoire du Guatemala, surtout pour son appui décidé aux mouvements sociaux urbains et paysans guatémaltèques. ■ 1 Sociologue, candidat aux présidentielles de 2007 du parti de gauche URNG-MAÍZ (Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque). 2 Professeur d’Histoire à l’Université au Mexique. 3 Ecrivain guatémaltèque, professeur de littérature espagnole et américaine du XXème siècle, aux Etats-Unis. 4 Décédé en 2010 à Paris.
Les fondateurs du Collectif Juan Mendoza, membre historique du Collectif Guatemala Juan Mendoza a été porte-parole puis président du Collectif Guatemala durant la période de 1980 à 1996.
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’arrive en France en janvier 1979 et retrouve Arturo Taracena et Miguel Angel Sandoval. Outre l’amitié, nous avions en commun à cette époque-là d’être des ex -militants de l’Armée de guérilla des pauvres (EGP).
Sur le plan politique, le Guatemala vivait une période de transition. Après la période de relative ouverture des années du général Eugenio Laugerud García (1974-1978), le Guatemala est en effervescence. 1979 sera une année charnière, symbolisée par le triomphe des Sandinistes au Nicaragua, la mobilisation croissante des organisations populaires dans la campagne, dirigées par le Comité d'unité paysanne (CUC) et l’offensive de plus en plus puissante des organisations politico-militaires. La répression va atteindre son paroxysme à partir 1980, avec l’incendie de l’Ambassade d’Espagne.
Miguel Angel part pour le Mexique et quelque temps après Arturo va être désigné représentant de l’EGP en France et de l’Unité révolutionnaire nationale Guatémaltèque (URNG) en Europe. Après le départ des fondateurs, le Collectif cherche sa voie. Il est quelque peu orphelin, orphelin de légitimité. Les organisations révolutionnaires s’étaient dotées des représentations officielles et le Collectif ne jouait plus ce rôle implicite. De plus, l’orientation de soutien à l’URNG ne « prend » pas (la guerre de guérilla n’est pas populaire, ni au gouvernement, ni dans les médias, ni auprès des ONG humanitaires). Nous peinons à être écoutés. Pendant un certain temps, le bulletin du Collectif , Solidarité Guatemala, va devenir un peu notre raison d’être : notre crédibilité passait par la qualité de notre revue, tant sur le fond que sur la forme. Mais nous restions relativement isolés.
Le Collectif Guatemala est né dans ce contexte-là, à l’initiative principale de Miguel Angel et d’Arturo. Nous étions une petite poignée de Guatémaltèques. Comme d’autres initiatives dans d’autres pays d’Europe, le mouvement de solidarité dénonce la répression et soutient ouvertement les organisations politicomilitaires. Pour les Guatémaltèques en exil, ex-militants ou sympathisants (pour certains étudiants guatémaltèques, leur séjour en Europe va leur faire découvrir une autre vérité), la solidarité va être aussi un moyen de se réinsérer, de reprendre une filiation organique avec les organisations révolutionnaires.
1984 va marquer le point de départ d’une autre époque pour le Collectif. Après la période de « chape de plomb » totale de 1980 à 1984, les organisations populaires guatémaltèques vont peu à peu émerger à la vie publique. Le Groupe d’appui mutuel des familles de disparus (GAM) est le premier et sera suivi peu à peu par d’autres organisations (les veuves, les déplacés internes, les réfugiés au Mexique, etc.). Le Collectif a de nouveau un lien direct avec des organisations populaires sur le terrain. La défense des droits de l’homme et le soutien aux organisations populaires qui détenaient la légitimité de ce nouveau combat, vont devenir le cœur de l’action du Collectif. Peu à peu nous allons devenir le centre de gravité d’un mouvement de solidarité concrétisé dans « l’inter-collectif Guatemala », avec la Fondation France Libertés, l’ACAT, la Cimade, la FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme), le CCFD et d’autres. L’Inter-collectif va mener une activité militante intense, dès l’organisation de manifestations tous les premiers vendredis du mois devant l’Ambassade du Guatemala (dès 1985), en passant par le bulletin qui devient une « lettre », jusqu’au point culminant que fut la campagne pour le prix Nobel de la Paix entre 1991 et 1992. C’est à cette époque, avec l’accélération du processus de négociations de paix, que va naître une autre orientation du Collectif : l’accompagnement des organisations et des personnes menacées par la répression, orientation qui Federico Castillo, Juana Vasquez (Comité d'unité paysanne CUC) perdure encore… ■ et Camilo Ospina, le troisième fondateur du Collectif Guatemala Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Témoignage Jean Ziegler, solidaire du Collectif Guatemala Jean Ziegler, sociologue, homme politique, altermondialiste et auteur de nombreux ouvrages1, s’est engagé aux côtés du Collectif Guatemala pour la publication d’une tribune dans les pages du quotidien Libération en réaction à l’arrivée au pouvoir de l’exgénéral Otto Pérez Molina, le 14 janvier dernier2.
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apporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, j’ai effectué, avec mes collaborateurs une première mission au Guatemala du 26 janvier au 5 février 20053. Durant notre séjour, le commissaire pour les droits de homme du gouvernement guatémaltèque, Frank La Rue, lui -même ancien résistant contre la dictature du général Ríos Montt, m’avait signalé les crimes commis jour après jour dans son pays, contre les paysans. Le 23 janvier, à la finca Alabama Grande, un travailleur agricole vole des fruits. Trois gardes de sécurité de la finca le découvrent et le tuent. Le soir même, ne voyant pas revenir le père, la famille, qui, comme toutes les familles de péons, loge dans une hutte à la lisière du latifundium, s’inquiète. Accompagné par des voisins, le fils aîné, âgé de quatorze ans, monte à la maison des maîtres. Les gardes les interceptent. Une dispute éclate. Le ton monte. Les gardes abattent le garçon et quatre de ses accompagnateurs. Dans une autre finca, d’autres gardes interceptent un jeune garçon dont les poches sont remplies de cozales, un fruit local.
L’accusant de les avoir volés sur les terres du patron, ils le remettent à celui-ci... qui tue le garçon d’un coup de pistolet. Frank La Rue me dit : « Hier, au palais présidentiel, le vice-président de la république, Eduardo Stein Barillas, te l’a expliqué : 49 % des enfants de moins de dix ans sont sousalimentés... 92 000 d’entre eux sont morts de faim, de maladies de la faim l’an passé... alors tu comprends, les pères, les frères, parfois, la nuit... ils remontent dans le verger de la finca... ils volent quelques fruits, des légumes... » En 2005, 4 793 assassinats ont été commis au Guatemala, 387 au cours de notre bref séjour. Parmi les victimes figuraient quatre jeunes syndicalistes paysans - trois hommes et une femme - qui venaient de rentrer d’un stage de formation à Fribourg, en Suisse. Des tueurs avaient mitraillé leur voiture dans la sierra de Chuacas, sur une piste entre San Cristóbal Verapaz et Salama. J’ai appris la nouvelle lors d’un dîner à l’ambassade de Suisse. L’ambassadeur, un homme déterminé, aimant et connaissant profondément le Guatemala, m’a promis qu’il déposerait dès le lendemain une protestation énergique auprès du ministère des Affaires étrangères. À ce dîner assistait également Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix, une femme Maya magnifique qui a perdu sous la dictature du général Lucas Garcia, son propre père et l’un de ses frères, brûlés vifs. En sortant, sur le pas de la porte, elle m’a glissé tout bas : « J’ai regardé votre ambassadeur. Il était blême... sa main tremblait.... Il est en colère. C’est un homme bien. Il protestera... Mais cela ne servira à rien ! ». Près de la finca de Las Delicias, un latifundium de production de café situé dans le municipio d’El Tumbador, j’interroge des péons grévistes et leurs femmes. Depuis six mois, le patron n’a pas payé ses ouvriers, prenant prétexte de l’effondrement des cours du café sur le marché mondial. Une manifestation organisée par les grévistes vient d’être violemment réprimée par la police et les gardes patronales. Président de la Pastorale de la terre interdiocésaine (PTI), l’évêque Ramazzini de San Marcos m’avait averti : « Souvent, la nuit, après une manifestation, la police revient et arrêtent au hasard des jeunes... souvent ils disparaissent. » Nous sommes assis sur un banc de bois, devant une cahute. Les grévistes et leurs femmes se tiennent debout, en demi-cercle. Dans la chaleur moite de la nuit, des enfants au regard grave nous observent. Les femmes et les jeunes filles portent des robes éclatantes de couleurs. Un chien aboie au loin. Le firmament est constellé d’étoiles. L’odeur des caféiers se mêle à celle des géraniums rouges qui poussent derrière la maison.
« J’exprime ma solidarité totale au Collectif Guatemala »
1 dont Destruction massive. Géopolitique de la faim. Éditions du Seuil, coll. Points, 2012. 2 Tribune signée Collectif Guatemala et Jean Ziegler, « Guatemala, militaires et multinationales », Libération, 28 décembre 2011. http://bit.ly/ s11JQ4 3 Rapport « Droit à l’alimentation, Mission au Guatemala » E/CN 4/2006/44.Add. 4 En 2005, le salaire minimum légal était de 38 quetzales par semaine (1 dollar valant 7,5 quetzales). 5 FlAN (Food Information and Action Network), The Human Right to Food in Guatemala, Heidelberg, 2010.
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Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
Témoignage Manifestement, ces gens ont peur. Leurs beaux visages bruns d’Indiens Mayas trahissent l’angoisse... certainement alimentée par les arrestations nocturnes, les disparitions organisées par la police dont m’a parlé l’évêque Ramazzini. De façon franchement maladroite, je distribue mes cartes de visite de l’ONU. Les femmes les pressent sur leur cœur, tel un talisman. Au moment même où je leur parle des droits de l’homme, de l’éventuelle protection de l’ONU, je sais déjà que je les trahis. L’ONU, évidemment, ne fera rien. Planqués dans leurs villas à Ciudad de Guatemala, les fonctionnaires onusiens se contentent d’administrer de coûteux programmes dits de développement. Dont profitent les latifundiaires. Peut-être, tout de même, Eduardo Stein Barillas, un ancien jésuite proche de Frank La Rue, mettra-t-il en garde le commandant de la police d’El Tumbador contre d’éventuelles « disparitions » organisées à l’encontre des jeunes grévistes… La plus grande violence faite aux paysans est évidemment l’inégale répartition des terres. Au Guatemala, en 2011, 1,86 % des propriétaires possèdent 57 % des terres arables.
Il existe ainsi, dans ce pays, 47 grandes propriétés s’étendant chacune sur 3 700 hectares ou plus, tandis que 90 % des producteurs survivent sur des lopins de 1 hectare ou moins. Quant à la violence faite aux syndicats paysans, aux manifestants grévistes, la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire : les disparitions forcées et les assassinats ont augmenté.5 Craintes et espoirs pour la suite Otto Pérez Molina, ancien chef des renseignements, est - selon les ONG - complice ou auteur de nombreux meurtres. Sa promesse de gouverner le Guatemala de « mano dura » menace surtout les syndicalistes, les démocrates, les femmes, les hommes qui luttent pour leur survie matérielle et pour un minimum de justice sociale. J’éprouve une profonde admiration pour le combat patient, courageux du mouvement social guatémaltèque. J’exprime ma solidarité totale au Collectif Guatemala. ■ Solidarité Guatemala, numéro 1, novembre 1979
Les pays d’Amérique centrale sont les plus violents de la planète. A l’exception du Costa Rica ils ont été soumis quasiment sans interruption à la tyrannie des caciques et de l’armée au profit du capital international, essentiellement Nordaméricain. Les récents évènements du Nicaragua ainsi que la chute de Somoza ont certes entrainé une accentuation de la répression du pouvoir militaire contre le peuple guatémaltèque, mais aussi, ont fait naître un grand espoir en Amérique centrale, car ces évènements ont réussi à démontrer qu’une rébellion populaire peut arriver à vaincre une armée si puissante soit elle. Le Front démocratique contre la répression, organisme civique, lutte au Guatemala même, contre la répression brutale qui s’abat en ce moment sur le pays. Le Collectif de Solidarité avec le Guatemala a entrepris, en imprimant ce premier bulletin, la tâche urgente de dénoncer en France la violence du pouvoir et de l’armée au Guatemala et l’élimination systématique de tous ceux qui aspirent à la justice et à la démocratie. Soutenez, avec nous et pour nous, la cause de l’humanisme contre la barbarie.
Nos premiers éditos
Solidarité Guatemala , numéro 15, juin 1982 Ciudad Guatemala. 23 mars. 20h00 : sur le petit écran apparaît un homme souriant en tenue léopard : c’est le général Ríos Montt, chef de la nouvelle junte militaire, expliquant que ce coup d’Etat a été effectué pour le bien du peuple guatémaltèque. Enfin au Guatemala le « droit à la vie » va être respecté, enfin vont être jugés les corrompus, les fraudeurs, etc… Espérons que ce démocrate-chrétien et prédicateur évangélique se rappela qu’il a lui-même massacré des centaines de personnes entre autres à Sansirisay en mai 1973 … A partir de là, y a-t-il des possibilités de changements au Guatemala ? Est-il possible d’entamer le « dialogue » proposé par la junte ? La réponse de tous les secteurs populaires et révolutionnaires est claire : face à cette dictature, face au terrorisme d’Etat, la lutte continue sous la direction de son avant-garde : l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG). Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Les directeurs de publication Depuis 1979, la parution de Solidarité Guatemala a nécessité des milliers d'heures de travail bénévole. Nos deux directeurs de publication ont coordonné ce travail chacun à leur tour. Il témoignent aujourd'hui de leur motivation et de leur engagement.
Hugues Cayzac
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Militant de la première heure du Collectif Guatemala, il a été directeur de publication jusqu'en 1997 puis s'est installé au Guatemala où il a travaillé pour plusieurs institutions internationales.
uand je suis arrivé au Collectif fin 1981, Solidarité Guatemala était une feuille, un tract recto-verso avec un discours général sur la situation au Guatemala.
Le premier grand changement a été la décision en 1982 de faire ce qu’on appelait un bulletin. A la différence de la vision qu’en avaient les exilés guatémaltèques, liés à l'Armée de guerilla des pauvres (EGP), qui ont créé le Collectif, à partir de 1982, des Français décident d’apporter en priorité leur soutien à l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG) avec, et c’est la grande nouveauté, « un appui non inconditionnel ». Fort de l’affirmation de son autonomie, il fallait que le Collectif Guatemala démontre la justesse de son point de vue qui refusait l’amalgame entre propagande et analyse. Avec les années, le bulletin mensuel - qui rassemblait en 32 pages un certain nombre de rubriques allant de l’actualité guatémaltèque aux nouvelles du front en passant par des articles culturels avec chaque fois un dossier thématique - deviendra une véritable revue avec des signatures invitées « de prestige » parce que nous avions également le souci de l’institutionnalisation du Collectif. Il fallait faire sérieux, il fallait être exigeant sur le contenu et sur la forme. Nous étions fatigués du bricolage. En même temps, nous refusions l’idée de financements externes à l’association et de permanents, de membres salariés. Cela signifiait que chaque numéro était un effort extraordinaire pour chacune et chacun, qui pouvait aller de la coordination de l’élaboration de l’ensemble d’un numéro jusqu’à la mise sous enveloppe et le compostage. Evidemment, à un moment, il n’était plus possible de nier l’évidence : bien que le Collectif Guatemala ait effectivement gagné de la crédibilité grâce à sa revue, l’instrument ne correspondait pas à la nouvelle période. Il était clair que le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) salvadorien ne gagnerait jamais et l’URNG encore moins. Comme la victoire n’était plus pour hier, il fallait s’installer dans le temps, mettre en place des réseaux et développer la base du Collectif lui-même. Les statistiques d’envois de Solidarité Guatemala montraient une disproportion entre les envois gratuits (et souvent internationaux) et les envois à des abonnés payants (le plus souvent en France). Le Collectif ne pouvait plus continuer d’être un petit comité d’activistes, où comparer les résultats du travail du groupe avec les sacrifices de chacune et chacun devenait de plus en plus douloureux et posait la question de la capacité qu’aurait l’association à survivre dans le futur. Il était temps de donner au Collectif une identité réelle d’association, avec son réseau d’adhérents qui lui permettrait d’avoir une assise minimale et un fonctionnement plus souple et plus rationnel. Quand nous avons conçu la Lettre à l’adhérent, tout 8
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le monde avait en tête l’idée que le défi était comment faire le mieux possible mais avec le minimum d’efforts, pour dire ça comme ça. Et les nouveaux outils informatiques devaient nous y aider. On conservait la revue Solidarité Guatemala comme outil de réflexion, y compris sur des thèmes plus amples et plus internationaux, mais avec une périodicité trimestrielle. De fait, le manque de financement provoquera son arrêt. Mais je crois aussi que l’heure n’était plus à ce genre de revue qui finalement correspondait davantage à l’outil analytique d’un institut ou d’une fondation qu’un comité de solidarité internationale. C’est ce que confirmera l’orientation que prendra le Collectif au début des années 90 avec sa décision d’être sur place à travers l’accompagnement aux réfugiés de retour au pays, les Communautés de population en résistance (CPR), les organisations de droits de l’homme, organisations paysannes et syndicats urbains, etc. Le conflit armé interne allait sur sa fin, les Accords de paix se signaient, personne ne présageait que les organisations membres de l’URNG auraient la capacité à monter un parti politique unifié en temps de paix. A quoi pouvait bien servir une revue de réflexion dans ce contexte ? La Lettre à l’adhérent s’avérait avoir été un bon choix, qui relaierait en France les initiatives de membres de l’association sur place. Jusqu’à ce que je quitte le Collectif en 1997, je me souviens qu’il y a toujours eu le désir que Solidarité Guatemala et ensuite la Lettre à l’adhérent reflètent des convergences de points de vue et d’activités du Collectif avec les comités de solidarité de province et ensuite d’autres acteurs du tissu associatif français, pas seulement géographiques mais aussi thématiques. Nous y parvenions difficilement parce que dans la réalité, l’association avait peu de ressources pour assumer cette projection. Tout ça, c’était il y a bien longtemps en fait, mais en y repensant il y a des petits moments qui font sourire comme lorsque qu’un vieil exilé guatémaltèque nous a confié des photos originales pour le bulletin qui commémorait le coup d’Etat de 1954, cela devait donc être en 1984 … Ou ce que j’appelais la guerre des photocopies. Pour rédiger leurs articles, les uns et les autres avaient besoin d’information, bien sûr. Nous photocopions ce qui arrivait au Collectif dans notre boulot respectif, en cachette. Et il y avait des tonnes de docs à photocopier parce qu’il ne s’agissait pas qu’il y ait rétention d’information ! Je crois que personne ne s’est jamais fait attrapé. Et si c’est le cas, elle ou il a préféré ne pas le raconter aux autres ! Ce que je veux dire, c’est que cela faisait toujours plaisir à voir, cette satisfaction collective quand on ramenait un nouveau numéro de Solidarité Guatemala ou de la Lettre à l’adhérent fraîchement imprimé. Au point que je crois que la critique, à ce moment précis, n’était plus admise ! ■
Les directeurs de publication Isabelle Tauty
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Coordinatrice du Collectif Guatemala au Guatemala de 1993 à 1997, elle est devenue directrice de publication à son retour en France et est également la trésorière de notre association.
’ai commencé à écrire pour Solidarité Guatemala en 1993, pour témoigner de la situation des réfugiés et déplacés internes dans l’Ixcán (département du Quiché, à la frontière mexicaine, au nord du Guatemala). Ecrire mon premier article a été une véritable épreuve. Chaque mot, chaque phrase m’ont coûté des heures de travail. D’ailleurs nous n’avions pas d’ordinateur. Il fallait écrire, raturer, réécrire des dizaines de fois pour avoir quelque chose de propre sur du papier que nous faisions parvenir en France par le biais de voyageurs rentrant au pays. Ce que je voulais c’était comprendre et expliquer. Comprendre les témoignages effroyables des réfugiés sur ce qu’ils avaient vécu. Comment on avait pu en arriver là ? Comprendre la construction de la mémoire et du discours autour de cette période. Pourquoi autant d’enthousiasme autour des activités collectives des réunions, de la prise de parole… ? J’ai appliqué la rigueur de ma formation scientifique à la mise à niveau puis l’approfondissement de mes connaissances. J’ai lu tous les livres que j’ai pu trouver sur l’histoire du Guatemala et de l’Amérique latine, des relations avec les Etats-Unis, sur les processus de Paix naissants en Amérique centrale. Au Guatemala des centres de recherches en sciences sociales comme Flasco ou Avansco publiaient des livres et essais très intéressants, sur le conflit et la reconstruction sociale post-conflit. Puis mes années de travail au Guatemala auprès des acteurs du mouvement social ont fait le reste. J’ai pu côtoyer et accompagner des membres des organisations Mayas, paysannes, victimes du conflit, des groupes de femmes dont l’infatigable militantisme m’a guidé et continue à me guider aujourd’hui. Cela m’a permis d’être en phase avec le besoin d’analyse de cette période dense et riche en enjeux de tout genre. Au milieu des années 90 le processus de transition démocratique battait son plein et l’élaboration des Accords de paix a généré une
nouvelle dynamique au sein de ce que l’on a appelé la société civile. L’Assemblée de la société civile et la Coordination des peuples Mayas du Guatemala ont commencé à travailler et à produire des propositions. En parallèle, la recherche de vérité et la lutte contre l’impunité mobilisaient les associations de victimes et des groupes de l’église catholique. L’URNG déposait les armes et tentait sa mutation en parti politique. Depuis le Guatemala nous produisions, d’abord avec Hugues Cayzac, puis seule par la suite, un rapport mensuel d’une vingtaine de pages distribués par abonnement en France pour traiter de ce qui se passait. Notre axe de traitement était la participation et les demandes des organisations militantes guatémaltèques vis-à-vis des institutions internationales. En France, le CG a ouvert des espaces, trouvé des appuis politiques, financiers, a permis de tisser des liens entre la France et le Guatemala. Solidarité Guatemala était notre outil d’animation de réseau. Mes vingt années de militantisme au sein du CG m’ont permis de suivre et de participer à plusieurs types de travail d’information, qui continuent aujourd'hui à coexister. L’isolement de certaines régions, au nord du pays, comme l’Ixcán ou le Petén font qu’il est toujours nécessaire, aujourd’hui encore de briser le mur du silence, de dénoncer et de lutter contre la désinformation. Analyser et faire le lien entre le Guatemala et la France sera toujours notre travail de base. Mais aujourd’hui s’impose une nouvelle manière de travailler. L’information pleut de toute part, nous sommes assaillis de communiqués, d’information parcellaire, le Web nous donne accès à l’info brute en direct, mais produite par qui et pour qui ? Notre nouveau défi est de nous adapter. Il faut faire le tri et produire des documents de référence sur les sujets de solidarité internationale choisie avec nos interlocuteurs guatémaltèques. Il faut continuer à former nos militants sur le terrain de la réalité guatémaltèque. Ne pas se précipiter mais prendre le temps de réfléchir et construire. ■
Solidarité Guatemala, numéro 21, septembre 1983 Encore un général ! « Chute de l’Ayatollah guatémaltèque », « revanche des généraux », « l’homme des Etats-Unis au pouvoir »… Le coup d’Etat qui renversa le général Ríos Montt le 8 août n’a eu de spectaculaire que les titres des journaux. Se déroulant dans le calme, mis à part les « sept petits morts » de la garde présidentielle, la prise du pouvoir par le ministre de la défense, le général Oscar Mejía Victores, n’a surpris personne : on a assisté au dernier épisode de la chute au ralenti de Ríos Montt. Une semaine de rencontre et de solidarité pour un nouveau Guatemala du 30 mai au 6 juin, sur des thèmes chaque fois différents, les quartiers de la ville de Paris ont manifesté leur solidarité avec la lutte du peuple guatémaltèque. Alors que les affiches dénonçant le « génocide du peuple en lutte » recouvraient les murs de la capital, les Parisiens pouvaient participer à des débats, des projections, des conférences, des expositions et des témoignages de militants guatémaltèques: Jour 1 : Jesus García Ruiz, ethnologue, nous a fourni une quantité impressionnante d’informations sur le rôle des sectes nord-américaines au Guatemala… Jour 2 : le public dégustant des empanadas a pu entendre l’exposé d’un représentant de l’URNG sur la lutte de son peuple. Jour 3 : le thème de la soirée était l’Eglise des catacombes. Deux représentants du Comité pro justice et paix ont témoigné de l’engagement des chrétiens dans la lutte populaire Jour 4 : Manuel Jose Arce, écrivain poète et militant, nous a illustré l’histoire du Guatemala et de ses luttes à travers une promenade le long des chemins de la littérature. Jour 5 : Christina, représentante du CUC (Comité d’unité paysanne) nous a fait vivre le combat des femmes indiennes et l’insertion des femmes guatémaltèques dans la lutte contre la dictature. Jour 6 : En présence de M. Rouquette, député, a eu lieu une discussion sur la situation des réfugiés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Editoriaux des anciens numéros Solidarité Guatemala, numéro 38, automne 1987 Sommaire L’accord d’Esquipulas II : débat Retour à Nubila : des réfugiés en danger Le conflit armé au Guatemala : un secret diplomatique La terre : les racines du conflit Les faux pas de Reagan favorisent la Paix ; l’Amérique centrale vue des Etats-Unis La concertation gouvernement-patronat à bout de souffle ; Vinicio Cerezo au cœur de la crise Des espoirs de démocratisation frustrée, où va le syndicalisme guatémaltèque ? Utopie et liberté, les droits de l’homme : une idéologie ? Le religieux, l’Etat et le contrôle de la population indigène au Guatemala Un savoir-faire particulier, l’Allemagne fédérale exporte sa police
Solidarité Guatemala, numéro 55, novembre 1991 500 ans de résistance noire, indienne et populaire Après le voyage de presse et l’envoi d’une délégation au Guatemala pour la seconde conférence continentale des peuples indiens, nous lançons toutes nos forces dans l’organisation d’une marche Paris-Albertville-Genève en association avec l’association coureurs du monde en février 1992 et ceux-ci avec 3 objectifs:
Appuyer la nomination d’un rapporteur spécial sur les droits de l’homme de l’ONU dont la session se tiendra à Genève Soutenir la nomination de Rigoberta Menchu comme prix Nobel de la paix en 1992 Populariser l’appel pour la redécouverte des peuples d’Amériques d’hier et d’aujourd’hui.
Solidarité Guatemala, Lettre à l’adhérent, numéro 83, janvier 1995 Appel à un accompagnement solidaire Il y a deux ans le Collectif Guatemala recevait une première demande d’accompagnement. C’était alors les populations déplacées qui sollicitaient une présence internationale parmi elles. Depuis, la demande n’a cessé de croître. Retornados, CPR (Communautés des populations en résistance), organisations paysannes, associations de défenses des droits de l’homme, syndicats, équipe d’anthropologues, tous lancent aujourd’hui un appel à l’accompagnement solidaire. En 1995 plus que jamais la solidarité doit répondre à cet appel.
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de Solidarité Guatemala
SG, Lettre à l’adhérent, numéro 86, avril 1995
SG, Lettre à l’adhérent, numéro 116-117 avril 1998
Négociations de Paix : accord sur l’identité et les droits des peuples indigènes
L’assassinat de Monseigneur Juan Gerardi: la mémoire du Guatemala ensanglantée
Le 31 mars 1995, après plus de 5 mois de discussions a été signé l’accord sur l’identité et les droits des peuples indigènes entre le gouvernement et l’URNG (Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque). La signature de cet accord est célébrée par l’ensemble des institutions internationales qui salue la volonté politique des deux parties pour mettre fin au conflit armé interne. Cet effort fait renaître l’espoir d’une paix à court terme. L’URNG a affirmé son intention de signer des accords dont le contenu permettra d’envisager de véritables solutions aux origines du conflit armé interne. Elle a fait siennes les propositions consensuelles de l’Assemblée des secteurs civils. Celle sur le thème des droits indigènes reprenait quasiment intégralement celle formulée par la coordination des organisations du peuple Maya (COPMAGUA).
Cet assassinat a engendré au niveau national et international stupéfaction, indignation et colère. Des messages de solidarité venus des quatre coins du Guatemala et du monde entier ont été adressés au Bureau des droits de l’homme de l’archevêché. La manifestation du premier eut pour principale revendication : que toute la vérité soit faite sur l’assassinat de Mgr Gerardi. (…) Un voile dissimule encore une partie de la mémoire historique du Guatemala. C’est un frein à l’accomplissement des accords de paix, la vérité doit être connue et chacun doit assumer ses responsabilités. Pour avancer vers la paix, la société guatémaltèque a besoin de retrouver un minimum de points de repères, doit connaître sa véritable histoire, savoir que justice peut être faite, sinon comment retrouver confiance ? Comment avancer vers la réconciliation ?
Solidarité Guatemala, Lettre à l'adhérent, numéro 164, mai 2005 La justice espagnole va enquêter sur le délit de génocide au Guatemala. En février dernier, après une décision du Tribunal Constitutionnel espagnol, l´audience nationale s´est déclarée compétente pour enquêter sans restriction sur les délits de génocide, terrorisme et torture imputés aux successifs dictatures et gouvernements guatémaltèques entre 1962 et 1996. Cette décision intervient après une plainte déposée par la Fondation Rigoberta Menchu Tum en 1999 et après un long feuilleton juridique pour savoir si oui ou non la justice espagnole pouvait appliquer la juridiction universelle dans le cas du Guatemala. La commission rogatoire mandatée par l´audience nationale et chargée de l´enquête sera au Guatemala en juin. Le juge Santiago Pedraz et le fiscal Juan Antonio Garcia Javaloy feront citer le 23 juin les présumés accusés, c´est-à-dire les hauts commandements des années les plus dures de la répression (1978 - 85).
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Témoignage Entretien avec Maurice Lemoine Maurice Lemoine, journaliste, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et spécialiste de l’Amérique latine, il est l’auteur de plusieurs ouvrages d’analyse, notamment sur l’Amérique centrale. Il connaît le Collectif Guatemala depuis sa création en 1979. Propos recueillis par Marilyne Griffon
Quelles sont les raisons de votre engagement pour le Guatemala ? L’histoire est assez simple. A l’époque, comme beaucoup, je travaillais sur l’Amérique centrale, alors déchirée par les conflits armés, et plus particulièrement sur le Nicaragua et le Salvador. Au Nicaragua, les sandinistes avaient renversé la dictature de Somoza et pris le pouvoir en [1979] alors qu’au Salvador, galvanisé par cet exemple, le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) constituait une menace réelle pour l’armée. L’ensemble de ces affrontements – le Nicaragua étant en butte aux attaques de la contra, soutenue par les EtatsUnis – était considéré comme s’inscrivant (artificiellement d’ailleurs) dans le cadre du conflit Est-Ouest et de la guerre froide. En revanche, au Guatemala, la guérilla de l’URNG n’a
jamais eu la capacité militaire de renverser le pouvoir. Donc, ce pays, malgré la répression féroce qui y était menée (la pire, au bout du compte, dans la région), n’intéressait guère les médias. Par ailleurs, à la différence du Nicaragua et du Salvador, le Guatemala est un pays à majorité indienne, donc plus difficile, pour un journaliste, à aborder sur le terrain. Les indiens sont silencieux, secrets, prudents, méfiants et ils ne se confient guère à l’étranger, contrairement aux ladinos qui, vous connaissant à peine, hésitent moins à se confier – jusqu’à l’imprudence parfois. Certes, les organisations guatémaltèques membres de l’URNG, comme l’Organisation révolutionnaire du peuple en armes (ORPA) ou l’Armée de guérilla des pauvres (EGP) avaient des correspondants en Europe. Je me souviens d’une Canadienne qui passait régulièrement chez moi, à Paris, pour partager les
Photo prise lors du tournage sur les Communautés de Population en Résistance , « Les Naufragés de l’Ixcan », diffusé sur Antenne 2 en 1994. De gauche à droite, Maurice Lemoine, Gonzalo Arijon (réalisateur), Hugues Cayzac (assis à droite) et des membres des CPR Ixcan 12
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Témoignage analyses de l’ORPA sur la situation. Donc, du côté du mouvement révolutionnaire, on avait une information globale. Du côté du gouvernement aussi, peu avare en propagande. Pour le reste, c’était plus compliqué. Là où le Collectif Guatemala a été d’un grand secours, c’est qu’il a servi de relais, et de par sa connaissance du terrain et a été un formidable pourvoyeur de contacts et d’informations. J’ai donc connu Juan Mendoza [membre historique du CG], Colette Benoît (à ma grande surprise ; nous nous étions connus auparavant en pratiquant le… parachutisme sportif !), puis Hugues Cayzac qui, en plus d’être des gens éminemment sympathiques, m’ont beaucoup aidé sur place. Avec Hugo, ça a été en servant de « guide », sur place, pour le tournage d’un film – Les Naufragés de l’Ixcán – sur les Communauté de populations en résistance (CPR). Diffusé dans le cadre de l’émission « Géopolis », sur Antenne 2 (le 5 février 1994), il a été l’un des rares moments où le mur du silence médiatique sur le Guatemala a été brisé sur une grande chaîne de télévision. Je n’ai pas participé aux activités internes du CG, mais ai régulièrement répondu à ses invitations pour participer à des activités spécifiques telles que des interventions, conférences, manifestations publiques et débats. Tout simplement parce que le Collectif était le seul à mobiliser sur ce pays et à offrir une tribune pour faire passer de l’info.
Solidarité Guatemala, Lettre à l'adhérent numéro 185, avril 2009 Journée d’action pour les victimes de la mine à ciel ouvert de Goldcorp, Inc Avril 2009. Le 22 mai, la multinationale Goldcorp, réalise son assemblée annuelle à Vancouver, Canada. À cette occasion, plusieurs comités de solidarité, dont le Collectif Guatemala, participent à une action de dénonciation des agissements de cette compagnie au Guatemala. Cette lutte contre Goldcorp s’inscrit dans le cadre du combat contre l’impunité et la crise de gouvernabilité que vit le pays. L’actuelle violence sociale, parallèlement à la fragilisation des institutions étatiques, permet aux secteurs dominants (oligarchie traditionnelle, militaires, crime organisé) de renforcer leur processus d’accumulation de pouvoir et de richesses. Les multinationales profitent également du vide institutionnel pour imposer leurs règles du jeu et, par une logique d’alliance, forcer la mise en place d’un agenda politique basé sur leurs intérêts économiques.
Que pensez-vous du rôle joué par le CG actuellement ? Actuellement, en tant que journaliste, je travaille moins sur l’Amérique centrale car, depuis la fin des années 1990, une série d’événements et de changements agitent le reste du continent, en particulier l’Amérique du Sud : l’arrivée au pouvoir de présidents tels que Hugo Chávez au Venezuela, Rafael Correa en Equateur, Evo Morales en Bolivie, Lula (puis Dilma Roussef) au Brésil, les Kirchner en Argentine, etc., ont bouleversé le panorama. Cela fait malheureusement partie des dysfonctionnements et des contraintes du journalisme : il y a une vingtaine de pays à suivre, et, lorsque l’attention se concentre sur tel ou tel, particulièrement importants en terme de géopolitique globale, d’autres disparaissent du panorama. Pas forcément par désintérêt (si je prends l’exemple du Monde diplomatique, un mensuel, il ne dispose que de douze numéros de vingt-huit pages par an ; donc forcément, à l’inverse d’un quotidien, la place est limitée, ce qui oblige, souvent la mort dans l’âme, à faire des choix). Le Collectif n’en est que plus utile, qui pallie ces longues plages de silence. C’est grâce à son travail et à son alerte, par exemple que, voyant passer le rapport « Perenco », l’occasion m’a été donnée d’y consacrer un article – sans le Collectif, l’information serait passée inaperçue. C’est donc dans les périodes peut-être les plus difficiles pour vous, lorsque l’appareil médiatique oublie le Guatemala, et que pas grand monde ne semble s’y intéresser, que vous êtes le plus utile : vous agissez comme une piqûre de rappel, un signal d’alarme et vous conservez allumé le flambeau. ■
Solidarité Guatemala, Lettre à l'adhérent numéro 192, janvier 2011 « Défendre notre territoire, c'est défendre notre culture et notre identité » Du 5 au 21 novembre a eu lieu la tournée européenne organisée par le Collectif Guatemala avec l'aide de ses partenaires en Suisse, en Belgique et en France. Retour sur deux semaines riches en émotions et en rencontres. Résumer deux semaines remplies de réunions, rencontres, activités publiques et autres n'est pas tâche facile. Nous avons eu la chance d'accueillir cette année deux femmes d'exception dont le combat, la ténacité et la joie de vivre devraient être des exemples pour nous tous-tes. Les accompagner pendant l'ensemble de cette tournée m'a appris beaucoup, ainsi qu'à toutes les personnes qui ont pu assister à l'une des activités. Dès le départ, le discours de María Guadalupe et celui de Carmen se sont complétés, la première développant davantage la thématique des femmes, du conflit et des consultations communautaires, la seconde abordant le cas de la mine Marlin et ses impacts sur la vie des habitants et des habitantes de San Miguel Ixtahuacán.
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Témoignages des compas Le système d’accompagnement international au Guatemala a renforcé les communautés. Avant, les personnes se sentaient seules, mais à partir du moment où les accompagnateurs sont arrivés au sein des communautés, les victimes se sont senties soutenues. L'accompagnement leur apporte, en ce sens, un soutien psychosocial.
Romeo Tecu Association Justice et Réconciliation (AJR)
Pour notre organisation, le travail du Collectif Guatemala est réellement très important, pour plusieurs raisons : votre solidarité avec les communautés en lutte pour le respect de leurs droits qui sont constamment violés et avec celles détruites durant le conflit armé et qui sont encore en processus de reconstruction; votre accompagnement des communautés en lutte pour la défense de la vie et du territoire. Celles comme Mamá Maquín qui ont souffert des menaces pour exiger des informations sur les mégaprojets comme celui de la « Frange transversale du nord ». Nous nous sentons soutenues. En même temps votre accompagnement a un sens politique, à travers la divulgation et la dénonciation des attaques des gouvernements et des transnationales contre les communautés qui ont refusé les projets portant atteinte à la dignité et l’identité des peuples. Vous contribuez aussi avec vos activités de sensibilisation dans vos pays et auprès des autorités, à faire connaître les peuples qui luttent pour la défense de la vie. Les ateliers vidéo, que le Collectif a mis en place, ont contribué au renforcement des capacités de nos organisations et de la jeunesse pour créer leurs propres matériels audiovisuels pour pouvoir divulguer ce qui se passe dans la région. Le soutien que donne le Collectif au peuple du Guatemala est intéressant et précieux. L’organisation de tournée de défenseurs permet de faire connaître de vive voix les acteurs et actrices de la lutte en défense du territoire. Ça nous permet également d’être en contact avec le peuple français pour partager nos expériences mais également lui faire connaitre notre cosmovision, comment nous comprenons la terre et le territoire. Ce partage fait de notre lutte votre lutte, et dans un avenir proche nous globaliserons notre lutte, depuis Mamá Maquín nous remercions toutes les personnes qui font fonctionner le Collectif Guatemala.
Maria Guadalupe García Organisation de femmes anciennes-réfugiées au Mexique Mamá Maquín
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Témoignages des compas Les personnes d'ACOGUATE et du Collectif nous ont accompagnés moralement et nous avons lutté ensemble, nous les remercions de ne jamais nous avoir délaissés. Ils venaient dormir à nos côtés, dans les champas. Ils ont partagé les souffrances de Nueva Linda. Combien de risques à cause du passage des camions de canne à sucre et des véhicules qui passaient en continu! J'en suis reconnaissant, parce que la lutte est une chaîne, de cela nous avons reçu de la force.
Nicolás Oxlaj Association Pro-Justice Nueva Linda (pendant le discours sur les nouvelles terres à Santa Rosa, décembre 2011)
Nous sommes enchantés d'avoir eu l'opportunité de participer à une tournée avec le Collectif et des nouveaux contacts qui s'en suivirent. Aujourd'hui nous continuons de parler de justice et gardons l'espoir de l'obtenir un jour. Nous sommes heureux de vous savoir encore avec nous. * Avant que ne commence l'accompagnement, nous souffrions de la répression des finqueros, de leur personnel de sécurité privée, de la police, de tous ceux qui étaient là-bas. Quand vous avez commencé à être avec nous, les choses changèrent, nous étions alors plus tranquilles et la répression a commencé à se calmer. Leur idée était de détruire notre mouvement, ils voulaient en finir avec nous - les dirigeants de l'association -, désintégrer notre organisation, pour que celle-ci perde sa force. Mais lorsqu'ils ont vu que vous vous intéressiez beaucoup à nous, et que vous dormiez même là avec nous, dans « l'Hôtel Pro-Justicia ». Ca nous a donné de la force. Nous en sommes très reconnaissants.
L'accompagnement international n’est à mon avis pas uniquement un soutien ou une façon de dissuader les menaces ou attaques des défenseurs de droits humains, mais c'est aussi une obligation humanitaire que de nous soutenir et d'accompagner des défenseurs de droits humains qui tentent de par leur travail de faire respecter ces droits au Guatemala.
* En décembre 2011, les personnes de Nueva Linda revendiquant justice au bord de la route, km.207 en direction de Champerico, ont détruit le campement qu'elles occupaient depuis 2004, après l'obtention de terres dans le département de Santa Rosa. A partir de cette date, s'est terminé l'accompagnement international de ACOGUATE (pour un suivi ponctuel) mais le CG maintient son partenariat et le contact avec le groupe. Voir Solidarité Guatemala n°197.
Mariano Calel Association Pro-Justice Nueva Linda
Edwin Canil Centre pour l’action légale en droits humains (CALDH)
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Brèves
Tribunal Popular de Salud Goldcorp, transnationale canadienne déployant ses activités d’extraction de métal précieux dans de nombreux pays d'Amérique centrale, se targue d'avoir été élue pour la cinquième année consécutive « première entreprise socialement responsable au Mexique ». Le Tribunal Populaire International de la Santé qui a eu lieu à San Miguel Ixtahuacán , les 14 et 15 juillet dernier, a un tout autre point de vue. L’instance symbolique composée de 13 « juges » nationaux et internationaux spécialisés dans le droit à la santé, l'environnement ou les droits humains a reçu les représentants de plusieurs départements du Guatemala mais également du Mexique et du Honduras. L'objectif du tribunal était de rassembler, d’écouter, d’analyser et de juger les différents impacts de l'activité d'extraction minière ainsi que le comportement de la deuxième multinationale aurifère au monde vis-à-vis des populations voisines de ses exploitations. Les témoignages se sont succédés sur les exploitations minières de Los Filos, San Martin et Marlin situées respectivement au Mexique, au Honduras et au Guatemala, évoquant les conséquences sur la santé et l'environnement mais aussi les divers aspects sociaux, politiques et économiques qui affectent les communautés. Le Tribunal a condamné Goldcorp pour ses activités dans ces trois pays car en plus de ne pas respecter le droit à un environnement sain, l’entreprise a floué le droit à la libre détermination des peuples. Il a condamné les Etats d'où viennent les dénonciations d'être complices de l'entreprise et d'être responsable de la non protection des populations affectées. Et enfin il a condamné l'Etat canadien pour son soutien aux investissements irresponsables en Amérique centrale. Si ce verdict n'a pas de force contraignante, le TPIS étant une instance symbolique, il n'est pas négligeable pour les futures actions militantes. Il vient crédibiliser et alimenter les futures dénonciations.
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Brèves 9 Août : Journée Internationale des Peuples Autochtones Seize ans après la mise en place de cette journée internationale, une multitude de représentants de la société civile guatémaltèque, notamment les organisations paysannes et de défense des droits humains ont tenu à dénoncer la situation de pauvreté extrême et de discrimination que subissent les peuples Mayas, xincas et garifunas. L’année 2012 a connu une augmentation sans précédent des conflits sociaux autour de la problématique des mégaprojets, de nombreux leaders communautaires ont été attaqués, menacés et assassinés. Le gouvernement d’Otto Pérez Molina continue, quant à lui, d’entretenir une image folklorique du peuple Maya, allant jusqu'à revêtir le costume traditionnel Maya Kaqchikel dans une apparition publique. Derrière cette image kafkaïenne, se cache une réforme constitutionnelle qui ne tiendra pas compte du droit ancestral des peuples autochtones, un budget national ouvertement discriminatoire envers les populations les plus défavorisées, un processus de consultations communautaires sur l’implantation d’industries extractives totalement ignoré, des milliers d’hectares de terres fertiles confisquées par des intérêts économiques qui laissent des millions de familles sans moyens de subsistance. Les populations en résistance de Polochic, Santa Cruz Barillas, San Miguel Ixtahuacán, San José del Golfo, San Pedro Ayampuc, Sayaxché, Laguna del Tigre et de la région Ixil, qui constituent la majorité de la force productive du pays, exhortent la communauté internationale à regarder en face toutes ces violations des traités internationaux dans la région. Elles gardent espoir que le changement de cycle dans le calendrier Maya augure d’un avenir digne pour les générations futures.
L’armée expulse 223 familles et met des centaines d’enfants dans la rue Le 14 août dernier, l’armée expulsait de force 223 familles des terres qu’elles occupaient depuis janvier dernier dans la zone 5 de Ciudad de Guatemala. Les habitants, dont plus de 300 enfants, tous vivant en situation d’extrême pauvreté, n’ont rien pu faire d’autre qu’observer la centaine de militaires des forces anti-émeute qui détruisaient leurs maisons. Les terrains occupés sont des terres non cultivées appartenant au ministère de la Défense. « Nous occupons ces terres, pour nous faire entendre, nous ne voulons pas de cadeaux, mais seulement qu’on nous écoute ! » exprimait en janvier dernier Juan Gomez* représentant de la communauté « Jacobo Arbenz ». De nombreuses demandes avaient été faites pour légaliser cette occupation. Toutes restées sans réponses. Ces faits se dont déroulés alors que le gouvernement remettait le même jour à l’armée, via l’Institut de Prévision militaire (IPM), trois nouvelles « fincas » (grandes propriétés) dont une dans la zone 15 de la capitale, à Cayalá, d’une valeur de 23 millions de Quetzales (2,6 millions d’euros). * http://cpr-urbana.blogspot.fr/2012/08/militares-desalojan-asentamiento-jacobo.html
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Brèves La persécution continue à Barillas « Depuis que 33 nouveaux mandats d'arrêt ont été lancés contre des représentants communautaires de la municipalité de Barillas, parmi ceux-ci, quatre femmes, le climat de terreur s'est réinstallé et inquiète toute personne ayant manifesté contre la construction du barrage hydroélectrique de cette localité », déclarait la dirigeante Hermelinda Simón Domingo. « Ces mesures judiciaires ont été émises par le ministère public de Sant Eulalia, Huehuetenango. La persécution continue, moi, j'ai un mandat d'arrêt, comme d'autres dirigeant-es, accusés de vol aggravé et détention illégale », ajoute t-elle. Selon Sergio Vives, un des avocats des organisations communautaires, cette persécution pénale est dirigée contre les leaders qui ont revendiqué l'éclaircissement des faits du 1er mai. Ce jour là a été assassiné un dirigeant, ce qui a déclenché une émeute, justifiant l’instauration d’un état de siège. Il s'agit d'un instrument punitif pour criminaliser et désarticuler le mouvement social qui s'oppose à la construction du barrage. Le journaliste Andrés Cabanas, indiquait dans un de ses derniers essais: "l'état de siège n'est pas une mesure isolée mais une proposition institutionnelle pour un modèle économique et politique déterminé: un coup d'Etat au niveau municipal qui prétend légitimer les gouvernements autoritaires." Le journaliste affirme que l'entreprise [espagnole] Hidro-Santa Cruz est incapable de se développer sans avoir recours à la force, et qu'elle a besoin au plus vite de commencer la production [d'électricité] afin d'obtenir un retour sur investissement. Pour cela, elle compte sur le gouvernement, qui voit en Barillas la possibilité de renforcer son modèle "neolibéral militariste". Enfin, soulignons que les organisations communautaires considèrent que les personnes détenues le 2 mai sont des prisonniers politiques. Source : LaCuerda n°158, août 2012
Manifestation pacifique contre la mine à San Rafael Las Flores Des milliers d’habitants de San Rafael Las Flores et des communautés solidaires se sont réunies le 20 juillet dernier dans le parc central de la ville pour protester contre le projet industriel minier El Escobal, de l’entreprise filiale de l’américano-canadienne Tahoe Resources. Les communautés voisines demandent également la réalisation d’une consultation qui puisse faire connaître l’opinion réelle des habitants à propos de ce projet. Récemment, le maire de la ville a destitué certains membres de la commission en charge de la consultation communautaire sur les activités minières qui lui reprochaient de ne pas vouloir réaliser cet événement démocratique.
Augmentation des attaques contre les leaders du mouvement social L’organisation Maya Waqib´ Kej dénonçait le 7 août dernier des attaques de « hackers » qui ont désactivé et sérieusement endommagé son site. Celui-ci a pour objectif d’informer sur les luttes et résistances des peuples Mayas, xincas et métisses et sur le positionnement politique des organisations et communautés de défense du territoire, de la vie et contre les mégaprojets. « Quand ceux d’en bas communiquent, ceux d’en haut tremblent », résumait Waqib´ Kej. Ces évènements s’ajoutent à l’atmosphère de criminalisation, de contrôle et d’attentat contre les organisations, les peuples et leurs leaders. Le 10 juillet dernier, la maison de Domingo Ixcoy, leader de l'organisation Maya Uk'ux B'e, est cambriolée et des menaces de mort écrites laissées en évidence. Membre du mouvement révolutionnaire durant le conflit armé, Domingo est l’un des co-fondateurs du CUC (Comité d’unité paysanne). Le 4 juillet, les membres du Conseil des Peuples Quichés (CPK), parmi lesquels la leader Lolita Chávez, ont été attaqués et quatre femmes blessées, par des sympathisants du maire de Santa Cruz du Quiché. Une manifestation pacifique venait de se dérouler à San Cruz pour y dénoncer les liens du maire avec l'entreprise DEOCSA, filiale de la compagnie anglaise Actis. Quelques semaines auparavant, dans la même région José Tavico Tzunun, aussi membre du CPK, avait été sauvagement assassiné. 18
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Bloc notes AGENDA Le Collectif Guatemala à la fête de l’Huma (14-16 septembre 2012) à la Courneuve Retrouvez-nous sur le stand du CSIA (Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques) situé sur l’avenue Che Guevara au n° 75
Le Collectif Guatemala recrute de nouveaux accompagnateurs! Le Collectif recrute de nouveaux volontaires pour partir sur le terrain en 2013. Si vous êtes intéressés par l’accompagnement international et souhaitez postuler, adressez-nous vos candidatures (lettre de motivation + CV) à l’adresse suivante: recrutement.collectifguatemala@yahoo.fr La session de formation aura lieu les 20 et 21 octobre à Paris. Pour en savoir plus: www.collectifguatemala.org
Des nouvelles du terrain - Un nouveau volontaire français est arrivé au Guatemala! Maxime Verdier est parti en août et a été affecté à l’équipe régionale d’Ixcań Nous lui souhaitons la bienvenue et une bonne intégration au sein de l’équipe d’Acoguate. - Quentin Boussageon est revenu du Guatemala après 6 mois dans l’équipe mobile. Cette expérience enrichissante lui a permis de rencontrer de très nombreuses personnes en région et à la capitale et d’apprécier l'organisation du mouvement des luttes sociales. Merci Quentin et bon courage pour la rédaction de ton mémoire!
Venez rencontrer nos invités de la campagne 2012: Ramón Cadena, Hilda Ventura et Mario Ramos
Soirée inaugurale de la tournée des militants guatémaltèques à Paris Lundi 24 septembre à 20h Projection-débat à l’Action Christine 4, rue Christine, 75006, Paris En présence de nos 3 invités et de Philippe Texier, juge au tribunal permanent des peuples et Braulio Moro, membre du Bureau National de France Amérique Latine
Soirée publique « résistances et alternatives » Mercredi 26 septembre à 20h Amnesty International 72-76 bd de la Villette, 75019, Paris
Retrouvez tout le programme détaillée de la tournée dans le supplément campagne 2012 et sur notre site internet www.collectifguatemala.org
Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012
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Le Collectif Guatemala Qui sommes-nous ? Fondé en 1979 par des réfugiés guatémaltèques et des militants français, le Collectif Guatemala est une association 1901 de solidarité internationale. Il est composé d’associations et de particuliers, dont une bonne dizaine de membres actifs, sur lesquels repose la vie de l’association. Depuis octobre 2002, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’un permanent à mi-temps. Depuis mars 2006, l’association a ouvert un bureau de coordination pour ses activités au Guatemala (accompagnement international et campagne de soutien aux militants luttant contre le pillage de leurs ressources naturelles).
Les activités du Collectif au Guatemala ● L’accompagnement international √ des populations indigènes victimes du conflit armé impliquées dans des procès contre les responsables de violations massives des droits humains, √ des personnes menacées du fait de leurs activités militantes. Comment ? √ à la demande des groupes ou personnes menacées, √ en recherchant et en préparant des volontaires qui resteront au minimum 6 mois sur le terrain. Pourquoi ? √ pour établir une présence dissuasive, √ pour avoir un rôle d'observateur, √ pour relayer l'information. Les accompagnateurs/trices sont des volontaires majeurs, de tous horizons, désirant s’engager pour une durée minimum de 6 mois. Des sessions d’information et de préparation ont lieu en France avant le départ. Au Guatemala, les accompagnateurs sont intégré au projet international d’accompagnement ACOGUATE. ● L’outil vidéo √ organisation d’ateliers vidéo destinés aux membres d’organisations communautaires pour la réalisation documentaire √ soutien à la diffusion de ces films à la capitale et dans les communautés √ réalisation de film-documentaires comme outil de campagne et de sensibilisation en France
Les activités du Collectif en France
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L'appui aux organisations de la société civile guatémaltèque qui luttent pour plus de justice et de démocratie
√ en relayant des dénonciations de violations des droits de l'Homme, √ en organisant des campagnes pour soutenir leurs revendications, √ en recherchant des financements pour soutenir leurs projets, √ en recevant en France et en Europe des représentants de différentes organisations pour leur permettre de rencontrer des décideurs politiques et financiers. ● L’information et la sensibilisation du public français Sur quoi ? √ la situation politique et sociale au Guatemala, √ la situation des droits de l'Homme, √ l'action des organisations populaires, indiennes et paysannes. Comment ? √ par la diffusion d’une lettre à l’adhérent bimensuelle, √ par l'organisation ou la participation à des conférences, débats, réunions, projections documentaires √ par des réunions mensuelles ouvertes à toute personne intéressée. ● Le travail en réseau avec différents types de partenaires présents au Guatemala
√ associatifs, √ institutionnels. Contact: collectifguatemala@gmail.com
ADHÉSION / ABONNEMENT Le Collectif Guatemala vous propose plusieurs formules de soutien :
Adhésion au Collectif, permettant de recevoir la Lettre à l’Adhérent - Solidarité Guatemala
23 €
Adhésion à tarif réduit (étudiants, chômeurs etc. joindre justificatif)
15 €
Don, un soutien supplémentaire pour nos activités
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Solidarité Guatemala n°200 septembre - octobre 2012