Numéro 205 novembre 2013 Lettre d’information du Collectif Guatemala
De la Patagonie au Mexique: l'Amérique latine se mobilise au Guatemala contre les barrages hydroélectriques
Représentation de l'Institut national d'électricité (INDE) qui tente d'acheter la population avec des “projets” ; « Non au barrage “Paso de la Reina”. Oui à la vie et aux ressources naturelles. Conseil des peuples unis pour la défense du Río Verde, Oaxaca » (Mexique) ; « Pour la vie, la terre et la dignité. Non au barrage de Xalalá » (Ixcán, Guatemala) ; « Aysen ne veut pas de barrages sur le fleuve Cuervo, on ne joue pas avec la Patagonie ! » (Chili)
Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris - France Tel: 01 43 73 49 60 collectifguatemala@gmail.com www.collectifguatemala.org
Directrice de publication : Isabelle Tauty Chamale ISSN 1277 51 69 Ont participé à ce numéro : Bérénice Boukaré, Amandine Grandjean, Vanessa Góngora, Marilyne Griffon, Sandra Lengwiler, Thibaud Marijn, Zuleika Romero, Isabelle Tauty, Martin Willaume.
SOMMAIRE Edito : la main qui gouverne se durcit par Marilyne Griffon
Rencontre latino-américaine contre les barrages par Amandine Grandjean
Le droit au profit des communautés p.2 autochtones
par Thibaud Marijn et Sandra Lengwiler
p.8
De grands petits pas dans la justice des crimes p.3-5 du passé par Vanessa Góngora
Récupération de terres autochtones à l'Est Brèves du Guatemala Par Zuleika Romero p.6-8 Solidarité Guatemala n°205 novembre 2013
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p.10-11
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Edito La main qui gouverne se durcit Par Marilyne Griffon
Colombien, nommé Iván Velásquez Gómez, au profil intéressant mais briefé pour se contenter de clore les enquêtes déjà en cours, devra mettre fin à la mission de la CICIG dans le pays débutée il y a 5 ans. La procureure générale de choc, Claudia Paz y Paz, termine également son mandat à la fin de l’année. Aucun doute ne plane malheureusement quant au profil de son/sa remplaçant (e), à mille lieues de cette femme intègre et compétente dans sa fonction à la tête de la justice guatémaltèque. De même, les juges de la Cour Suprême de Justice seront bientôt nommés et la tendance indique qu’ils ne seront pas non plus les portevoix des opprimés.
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mi-mandat du président Otto Pérez Molina, la droitisation s’affirme : la justice a fait des avancées qui risquent fort d’être stoppées par le départ et la nomination de nouvelles personnes, et les lieux de fortes résistances aux mégaprojets comme à Barillas ou La Puya sont victimes d’attaques et de criminalisation en constante augmentation dans leur fréquence et leur violence. Au niveau de l’(in)justice du pays, le 22 octobre dernier, une résolution de la Cour Constitutionnelle (CC) du Guatemala déclarait que l’amnistie pouvait s’appliquer à Efraín Ríos Montt, l’ex-dirigeant de facto jugé au printemps 2013 pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité, comme elle s’était appliquée aux anciens combattants des forces armées et de la guérilla. Une fois de plus, le bâton de la peur et de la menace est agité pour signifier qui est aux commandes. Cette décision ne devrait en effet pas être appliquée puisque la juge du nouveau tribunal en charge de la poursuite du procès de Ríos Montt, Carol Patricia Flores, s’est déjà prononcée sur l’impossible application d’une quelconque amnistie pour de tels crimes. Il n’empêche, elle démontre le parti pris qui règne dans les hautes sphères de l’Etat, en s’affichant clairement du côté des bourreaux. A cela s’ajoute la venue d’un nouveau commissaire à la tête de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), cet organe inédit de l’ONU chargé d’enquêter sur le crime organisé et la corruption au Guatemala, ayant permis d‘élucider de nombreuses affaires. Un
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En ce qui concerne la lutte pour les terres, comme le rappellent les articles de ce numéro, les bonnes nouvelles succèdent aux mauvaises. Le mouvement ne s’essouffle pas et chaque fois repoussent des graines de résistance. Mais la lutte est rude. A Barillas, l’opposition au projet hydroélectrique a subi de grave revers : arrestations arbitraires, remilitarisation de la zone, assassinats de paysans et relaxe de gardiens de sécurité de la multinationale espagnole poursuivis pour avoir exécuté l’ordre d’abattre ceux qui résistent. A La Puya, c’est la tuerie qui a fait 11 morts dans une communauté en résistance qui a soulevé les cœurs dernièrement (p. 10). Le gouvernement fait diversion en usant de la sempiternelle excuse du règlement de compte entre gangs, alors même que les liens avec un contrôle policier effectué juste avant paraissent trop évidents. Malgré tout, un contrepouvoir est en train de s’affirmer, celui des alcaldias indígenas (mairie autochtones) et des comunidades indígenas (communautés autochtones) au pouvoir d’organisation de la vie communautaire enfin reconnu pour certaines d’entre elles, comme en Ixcán (p.8). Ces contrepouvoirs sont issus des populations mayas, dans le souci des traditions et du respect de la Terre Mère. Elles sont souvent ainsi en opposition à la philosophie de développement dictée depuis la capitale par le pouvoir ladino et tente de recréer l’harmonie brisée entre les Hommes, leurs savoirs ancestraux, la connaissance et le respect de la faune, de la flore et des éléments de leur environnement. L’espoir est toujours vivace de construire une société du buen vivir (bien vivre) au Guatemala. ■
Actualités Rencontre latino-américaine contre les barrages: Huehuetenango partage ses expériences de lutte Interview de deux leaders communautaires par Amandine Grandjean
Des représentants des municipalités de Barillas, Santa Eulalia, San Mateo Ixtatán, ainsi que de l'Assemblée Départementale de Huehuetenango et de l’association CEIBA1 ont participé à la Vème rencontre du « Réseau latino-américain contre les barrages, pour les rivières, leurs communautés et l'eau »2 (REDLAR), le 7 octobre dernier. Plusieurs délégations ont visité des régions affectées par l'imposition de projets hydroélectriques, dans le Nord de Huehuetenango3, en Ixcán (Quiché) et en Alta Verapaz avant de se retrouver au Petén dans la communauté de Retalteco pour quatre jours d'échanges d'expériences de lutte et de stratégies. ACOGUATE accompagnait des défenseurs des droits humains de Huehuetenango et d’Ixcán.
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icaela, est une jeune femme, leader et porteparole de la communauté de Recreo B, voisine du projet hydroélectrique Cambalam que l'entreprise espagnole Hidro Santa Cruz (HSC) veut imposer sur un lieu sacré maya Q'anjobal contre la volonté de la population locale. En avril 2013, la population a installé un campement qui bloque l'entrée des terrains acquis par la force par l'entreprise. Les travaux sont suspendus depuis. A.G. : Quelle est la participation des femmes dans cette lutte ? Micaela : Nous sommes organisées en résistance pacifique, 24h sur 24, contre l'entreprise Hidro Santa Cruz que nous ne voulons pas dans notre municipalité. Nous avons réussi à l'empêcher d'entrer à Poza Verde. Il y a eu des violences de la part de l'entreprise, nous ne voulons pas que HSC continue d'assas-
A.G. : Quelles difficultés et avancées avez-vous vécues dernièrement ? M. : L'entreprise n'a toujours pas pu s’installer. Mais les leaders sont persécutés, des mandats d'arrêt ont été émis contre eux. Le gouvernement envoie l'armée et la police alors que nous ne faisons que manifester, avec le blocage de la route. Le 28 septembre, Mynor López et deux autres hommes ont été détenus, dont un grand-père de 75 ans. [...] On n'a pas pu les libérer parce que la police lançait des gaz lacrymogènes et il y a eu des blessés. A San Mateo, des personnes ont aussi été blessées par balle et il y avait des gaz lacrymogènes. Finalement, ils ont été libérés et l'ancien racontait comment les policiers les avaient couchés à l'arrière du pick-up et recouverts avant de s'assoir dessus pour que personne ne les voient. S'ils arrivent avec des hélicoptères, nous ne pouvons pas voler et les libérer...4 Kaxho, jeune du Movimiento Social de Santa Eulalia partage l'expérience de lutte de cette municipalité voisine de Barillas, où un autre projet hydroélectrique de l'entreprise 5M S.A. est actuellement en construction :
© James Rodríguez
Participants à la mission d’observation
siner nos leaders. C'est notre droit, celui de notre famille, des futures générations, de participer à cette manifestation, à la résistance. Nous, les femmes, avons lutté et allons continuer à lutter pour défendre notre Madre Tierra [Terre Mère], les forêts et les rivières. Nous ne voulons pas qu'ils viennent détruire et nuire à notre environnement, surtout dans les communautés de Recreo B, San Carlos, Santa Rosa, Recreo C, qui sont les plus touchées car elles sont voisines de Poza Verde, où sont les terrains de HSC.
Kaxho : Notre résistance est une défense - à Santa Eulalia et dans toute la région, ou “nation Q'anjobal”- des peuples Q'anjobal, Chuj, Akateco et ladino. Il s'agit de défendre et de promouvoir l'autonomie territoriale, l'autodétermination des peuples, les droits collectifs, individuels et notre Madre Tierra principalement. Il n'est pas concevable que ces personnes viennent et exploitent nos ressources naturelles, alors que nous avons notre propre mode de vie, une forme de développement assez différente, qui correspond à la cosmovision, à notre Madre Tierra et c'est cela que nous défendons. Nous nous défendons contre le capitalisme parce que les entreprises veulent seulement s'enrichir avec nos ressources. Avec le projet hydroélectrique, ils vont vendre l'énergie et en multiplier le coût, ils se moquent de notre système et de notre mode de développement bien sûr. A.G. : Comment t'es-tu engagé dans le Mouvement Social de Santa Eulalia et comment perçois-tu la participation de la jeunesse dans cette lutte ? K. : Je suis entré dans le Mouvement Social de Santa Eulalia grâce au soutien de notre frère et grand leader Daniel Pedro Mateo. Nous sommes devenus amis et j'ai commencé à particiSolidarité Guatemala n°205 novembre 2013
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Actualités per à Amoyeb5. Il m'a informé et formé sur la situation réelle de nos peuples. Les jeunes souvent s'éloignent et s'intéressent à d'autres choses, mais en me formant j'ai commencé à participer aux réunions et ensuite intégré le Mouvement Social. La lutte s'est intensifiée avec la perte de notre leader6. La participation a été constante, ça fait 7 mois que nous sommes fortement occupés par la lutte. Les jeunes ont eu et continuent de jouer un rôle important dans cette lutte. Nous proposons d'en être le moteur parce que nous avons l'énergie. La jeunesse participe mais il faut renforcer cet engagement. Et ce n'est pas seulement la lutte : au sein du Mouvement Social nous essayons aussi de veiller au développement de notre peuple.
frontières qu'on nous a imposées : entre Barillas, San Juan Ixcoy, Santa Eulalia. Parfois on entend : “pourquoi Santa Eulalia s'en mêle s'il s'agit d'un problème de Barillas ?”. Du point de vue de notre cosmovision nous formons un seul peuple, une seule nation [Maya Q'anjobal] qui part du Mexique jusqu'à San Juan Ixcoy. Heureusement, nous avons aussi des succès au sein du Mouvement Social, à partir de 2006. Nous avons réussi à expulser l'entreprise Montana Exploradora, ensuite ENEL, puis Hidralia. Puis on a réussi à freiner TRECSA7 parce qu'ils commençaient à travailler sans l'autorisation des communautés ni du maire. Nous avons uni nos forces : il ne s'agit plus seulement de Santa, mais du territoire Q'anjobal et nous avons constitué l'Assemblée Permanente du Territoire Q'anjobal.
© James Rodríguez
Mission d’observation de la REDLAR
A.G. : Quelles difficultés et avancées avez-vous vécues dernièrement ? K. : Les difficultés sont nombreuses. La partialité de nos autorités en fait partie. On s'est rendu compte que les autorités devraient s'intéresser à ces situations, mais ce n'est pas le cas, à commencer par le président, et les maires qui, soit sont neutres, soit ne s'intéressent pas. Il y a aussi la corruption des leaders, par les maires et les entreprises qui offrent des projets et le supposé “développement”. Et les divisions... C'est le cas de la division administrative, des 4
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Nous avons aussi une incidence sur les politiques du gouvernement : dernièrement les maires ont été convoqués à une réunion au sujet de la mise en place d'un état d'urgence. Mais heureusement, nos leaders sont intervenus et l'ont empêché, ils ont réussi au contraire à faire retirer les forces de sécurité et à stopper l'émission d'autres mandats d'arrêt. Par contre, les autorités se refusent à annuler les licences. Nous avons réussi à unifier les leaders, les COCODE8 et les maires communautaires. Santa Eulalia a été le promoteur de cette union dans la région. ■
Actualités Barillas : “dialogue”…
...Impunité et criminalisation
Le 3 septembre, le président Pérez Molina venait à Barillas pour annoncer l'ouverture d'une table de négociations pour le 19. La réunion a eu lieu le 20, sans en informer les dirigeants qui auraient dû y assister. Depuis 2007, la population exige des autorités qu’elles prennent en compte ses positions quant au modèle de développement et décisions prises face à l'agression des entreprises et aux intentions d'exploiter la nature9. Mais à ce jour la population n'a toujours pas été entendue malgré les manifestations pacifiques et les centaines de pétitions, communiqués et mémoriaux présentés aux autorités, et surtout, en dépit des résultats de la consultation communautaire de 2006.
Le verdict a eu lieu dans le cas de l'assassinat d’Andrés Pedro Miguel en mai 2012 : les deux employés de sécurité privée de l'entreprise hydroélectrique Hidro Santa Cruz ont été déclarés non coupables. Seul un des deux accusés a été condamné à 5 ans de prison (commuables contre caution de 25 Quetzals - 2,50 € - par jour) pour lésions graves contre les deux survivants de l'embuscade ayant entraîné la mort d’Andrés Miguel. Le Ministère Public va faire appel de la sentence de la Juge Patricia Bustamente du tribunal de haut risque A, fortement dénoncée par les avocats des victimes. Le racisme et l'impunité révélés par ce verdict pourraient ouvrir la porte à des poursuites envers l’une des victimes : le leader et défenseur des droits humains Pablo Antonio Pablo, accusé par la défense d’être responsable des faits.
Lors d'une conférence de presse, en septembre, les autorités communautaires et représentants d'organisations locales de plusieurs régions du département de Huehuetenango manifestaient “[leur] profonde inquiétude pour la systématique violation de [leurs] droits fondamentaux, à cause de la mise en place de projets hydroélectriques sur [leurs] territoires sans le consentement des communautés, et en ignorant le résultat des consultations communautaires réalisées à partir de 2006” […]“Les gouvernements successifs et les autorités locales se sont faits les complices des entreprises étrangères, de la répression, des poursuites judiciaires et des intimidations dont ont souffert nos communautés, en autorisant de manière illicite les licences d’exploitation hydroélectrique. En imposant par la force la privatisation de nos rivières, il est triste et honteux de voir comment les gouvernements et leurs institutions deviennent les opérateurs politiques des entreprises étrangères et font une promotion malhonnête d’espaces de dialogue sans participation de nos communautés directement affectées. Nous, les peuples, n'allons accepter aucun type de négociation ou dialogue promu par le gouvernement et orchestré par les entreprises étrangères qui viennent manipuler et tromper la population et surtout, qui vont à l'encontre des position et décisions de nos peuples.”
Les anciens prisonniers de Barillas de mai 2012, devaient être entendus le 27 août par le tribunal de haut risque A pour que la juge Flores clôture leur dossier. Or juste avant l'audience, deux des anciens prisonniers, Saúl Aurelio Méndez Muñoz et Antonio Rogelio Velásquez López, ont été arrêtés dans des conditions obscures et illégales. Le juge Zamora de Santa Eulalia - sur lequel les soupçons de corruption par l'entreprise HSC ne manquent pas - avait émis ce mandat d'arrêt le 30 mai 2013, jour de la libération de Rubén Herrera (ADH/CPO) à laquelle tous deux avaient assisté en solidarité. L'audience a été suspendue pour tous les anciens prisonniers politiques et reportée plusieurs fois. Des défenseur-es des droits humains (avocats et leaders d'organisations sociales) ont été reçus fin octobre pour une audience thématique à la Commission Interaméricaine des droits de l'Homme sur la criminalisation, à Washington.
1 Association qui accompagne des groupes communautaires et les mouvements sociaux pour leur fournir une aide technique, politique, sociale et environnementale (www.ceibaguate.org) 2 Red Latinoamericana Contra Represas y por los Ríos, sus Comunidades y el Agua. Voir communiqué de presse (http://bit.ly/1cSKdsA) et le rapport de mission d'observation des droits humains disponible sur Prensa Comunitaria (http://bit.ly/1go2sed), également en ligne, un mini-reportage de TeleSur: http://bit.ly/19EmihE 3 Où a eu lieu, fin septembre, une nouvelle vague de répression (voir encadré) 4 Mynor López, dont la détention a été reconnue illégale par le Procureur des Droits Humains, a été emmené dans un véhicule particulier - mis sous scellé par le MP après son abandon près d'un village - puis en hélicoptère. Suite à sa détention les peuples du Nord de Huehuetenango ont manifesté et ont été réprimés de manière violente par les forces de l'ordre entre le 28 et le 30 septembre. Un soldat (qui était désarmé, selon les autorités) est mort dans des circonstances non éclaircies. 5 Association co-fondée par Daniel Pedro, pour la formation sociale et politique de leaders communautaires. 6 Daniel Pedro Mateo, instituteur, artiste et leader charismatique de Santa Eulalia a été enlevé puis assassiné en avril 2013. Défenseur des droits humains et des droits collectifs de son peuple, il était l’un des promoteurs de la consultation communautaire de Santa Eulalia (août 2006). 7 Montana Exploradora est la filiale de la multinationale minière canadienne Goldpcorp qui exploite la mine d'or Marlin à San Miguel Ixtahucán, San Marcos. ENEL, propriétaire d'un barrage à Cotzal, en Ixil, est une multinationale italienne, et Hidralia est l'entreprise espagnole et maison-mère d'Hidro Santa Cruz. TRECSA est une entreprise de transport d'énergie qui, pour l'extension du câblage électrique, doit passer par des terrains communautaires et privés. 8 Conseils Communautaires de Développement 9 “Barillas: Nous, les peuples, n'allons accepter aucun type de négociation ou dialogue”. Prensa Comunitaria, 18 septembre 2013. http://bit.ly/ H0uEE8
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Actualités Récupération de terres autochtones à l'Est du Guatemala : un succès dans la lutte de la communauté maya ch'orti' de Corozal Arriba Par Zuleika Romero 1
Dans un contexte national morose où les agressions contre les défenseurs du territoire et des droits humains se multiplient et où la criminalisation contre les dirigeants de la résistance et des communautés autochtones s'intensifie, la récupération des titres de propriété sur les territoires de la communauté maya ch’orti’ de Corozal Arriba, dans l'Est du pays, vient donner une bouffée d'oxygène et d'espoir. Pour comprendre le poids de cette victoire il est opportun de revenir sur l'histoire de Corozal Arriba à travers les témoignages de José Mendez Torres, président de la Commission des Terres de Corozal Arriba et d’Elodia Castillo, présidente de l'organisation COMUNDICH2.
J
osé Mendez Torres, élu il y a deux ans à la présidence de la Commission des Terres, a été le principal représentant de sa communauté dans la lutte pour la récupération légale de leurs terres. Cette commission est née quand les membres de la communauté ont vu se multiplier les incidents et les menaces de la part de Villma Esperanza Chew, alors propriétaire de la montagne du Merendon sur laquelle se trouve la communauté. Villma Chew acquiert ce terrain durant le conflit armé interne (1960 -1996), quand les paysans et les populations autochtones furent dépossédés de leurs terres au profit de l'élite militaire et économique du pays. Madame Chew a réussi à maintenir son statut de propriétaire terrienne durant toutes ces années, en usant du poing et du fer, sans jamais parvenir à démontrer un quelconque droit légitime.
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Remise des titres au président de la commission des Terres, Jose Mendez Torres, par l’adjoint au maire de la Unión - Zacapa.
« Nous avons fait des recherches dans les registres cadastraux pour vérifier ses titres de propriété, pour voir si les terres qu'elle défend si férocement sont bien les siennes. Nous avons découvert qu'elle ne possède aucun titre. En revanche nous avons (re)découvert que notre communauté est propriétaire de ces terres depuis 1870, date à laquelle nous avons été déplacés par le gouvernement dans cette partie du pays. Nos ancêtres sont donc les premiers à venir habiter ces terres et nous en sommes les héritiers. C'est pourquoi elles nous correspondent tant dans les faits que dans la loi. À long terme, elle n'aura d'autre choix que de rendre la terre qui lui reste.», explique José.
la dépossession de leurs terres et que les premiers massacres ont eu lieu au début du conflit armé interne.
« El Oriente », est une terre aride où les structures patriarcales héritées de la colonisation perdurent fortement. À cela, s’ajoute la présence de narcotrafiquants puisque cette région, frontalière avec le Honduras, est une des routes de la drogue vers le Nord. Le racisme est chronique dans les villes de ce « Far West », l'armée et la police omniprésentes jusque dans de petits villages isolés.
« Dans le processus de récupération des terres, la première difficulté a été de nous faire recevoir par le conseil municipal. Mais finalement, ceci n'était rien par rapport à l'action du
C'est ici dans l'Oriente qu'ont opéré les premières stratégies de répression envers les populations paysannes qui s'opposaient à 6
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José Mendez Torres témoigne : « Les Accords de paix ont été signés mais sont restés sur le papier. Le pays vit toujours dans la peur du danger, il y a des menaces et nous, les dirigeants du secteur paysan, vivons la répression quotidienne. Les Accords de paix ne nous ont pas favorisés, du moins pas dans la pratique. En réalité rien n'a changé pour nous. Aujourd'hui ce sont les fils des mêmes familles de paysans qui se défendent contre les fils des mêmes familles de militaires d'il y a 30, 40 ou 50 ans. »
1 Zuleika Romero a participé au projet d'Accompagnement international au Guatemala ACOGUATE (auquel participe le Collectif Guatemala) via le comité suisse PeaceWatch, au sein de l'équipe mobile, basée à Ciudad de Guatemala, de mars à septembre 2013. 2 COMUNDICH : Coordination d'Associations et Communautés pour le Développement Intégral de la région ch'orti'
Actualités
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Elodia Castillo entourée des leaders des communautés de la Unión - Zacapa, Camotán, Jocotán, des représentants de Totonicapán, de la communauté indigène Xinca, de Tisanmarté et de Tachoche
Ministère Public (MP) qui a presque réussi à enrayer notre processus [de récupération des terres] en arrêtant trois compagnons qui sont encore en prison. En arrêtant ces trois paysans pour usurpation de terres, ils ont pensé que nous prendrions peur et que nous n'oserions plus revendiquer notre terre. Les représentants de cette institution se sont présentés aux côtés de Madame Chew et nous ont indiqué que nous devions abandonner nos terres, ou du moins les vendre au rabais si nous ne voulions pas être arrêtés comme nos confrères. Mais la communauté s'est organisée. » Et aujourd’hui, après des années de lutte, la communauté de Corozal Arriba est officiellement déclarée « Communauté Indigène Maya Ch’orti’ », ce qui lui a permis de revendiquer le droit historique sur ses terres et, avec l'aide de différentes organisations nationales et internationales, de se voir restituer les titres de propriété communautaire. « Cette victoire n'est pas la mienne mais celle de toute la communauté qui a su s'organiser malgré les menaces et les agressions. Malgré l'assassinat de trois de nos compagnons le 6 juin dernier et le retard que cela a provoqué dans le processus, nous avons gardé la tête haute et la municipalité a enfin reconnu nos droits. » Enfin, il faut souligner le rôle fondamental des femmes dans cette action : Elodia Castillo, 26 ans, a été témoin des violences
commises durant la guerre et a décidé de prendre son avenir et celui de sa communauté en main. Elle a été élue présidente de la COMUNDICH en juillet dernier alors que la communauté de Corozal Arriba était en deuil de trois de ses membres, assassinés par les hommes de mains de Madame Chew. « Les femmes ont été incluses dans les espaces communautaires et dans les prises de décision. Maintenant nous sommes prises en compte pour les décisions importantes ainsi que pour la récupération de la mémoire historique de notre peuple. Nous avons su surpasser le machisme qui est si présent dans la société guatémaltèque », déclare-t-elle. « Je suis heureuse que nous ayons pu faire activement partie de ce processus. Les femmes prennent désormais des initiatives considérées dans les assemblées communautaires. Nous avons plusieurs projets de développement, comme la boulangerie communautaire, mais aussi une radio ch’orti’. Nous dispensons également plusieurs ateliers de formation pour les futures dirigeantes des communautés. Enfin, nous sommes engagées dans un processus de récupération de notre langue avec l'aide des anciens. » Après des années de lutte et de revendications, et en dépit de toutes les actions mises en œuvre pour enrayer ce processus – principalement de la part des grands propriétaires terriens de la région –, cette victoire montre que le changement est possible lorsque les peuples sont unis et organisés ! ■
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Actualités Le droit au profit des communautés autochtones : l'exemple des 32 communautés de la Finca Patio de Bolas Copón Par Thibaud Marijn et Sandra Lengwiler
Le 16 août 2013, à San Juan Chactela (Ixcán, Quiché) ont été délivrés les “libros de acta” reconnaissant 32 communautés q'eq'chies en tant que communautés autochtones. Au-delà de la reconnaissance de la légalité du processus, cette réussite représente une avancée vers une meilleure acceptation des droits propres des populations autochtones ainsi qu'un exemple en termes de mobilisation collective. Néanmoins, il convient de rester prudent quant à la portée politique d'un tel acte, selon Christian Otzin de Abogados Mayas, la relation entre mairie autochtone et mairie “officielle” “dépend grandement du parti au pouvoir : cela peut aller d'une relation de coordination à une relation de confrontation, ou encore de subordination”, chaque renouvellement d'équipe municipale laissant planer une menace potentielle pour les bonnes relations entre les deux structures de légitimité.
Les fondements juridiques
L'Etat guatémaltèque reconnaît le droit des peuples autochtones à conserver et protéger leur culture ainsi que leurs modes d'organisation sociale. Plusieurs textes l’y contraignent, en premier lieu, la convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) qui souligne dans son article 8-2 que “les peuples doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national”. Il est également encourageant de souligner la mise en place de La Constitution guatémaltèque et le nouveau Code municipal synergies entre diverses communautés, comme le démontre la rencontre début septembre entre les leaders des 32 communaude 2002 vont dans le même sens1. tés de la Finca Patio de Bolas Copón et de Chisec. L'objectif était de partager bonnes pratiques, modes d'administration et Convaincre de la légalité de la procédure d'organisation des communautés ; un embryon de réseau de En Ixcán, le processus débute en 2010, lorsqu'une quinzaine de solidarité et de connaissances entre diverses autorités, partacommunautés décident de s'unir afin de renforcer leurs droits. geant une vision similaire du bien commun et des intérêts loIl mettra trois ans à aboutir en raison d’une méconnaissance du caux des populations. droit des leaders communautaires comme de l'administration publique locale, selon les représentants de l'organisation Enfin, l'inscription en tant que communauté autochtone est, toujours selon Christian Otzin, un outil essentiel pour la protecPuente de Paz. tion des terres, à travers la possibilité d'une demande, dans un Dans les communautés, beaucoup considéraient cette demande second temps, de titres de propriété (voir article p. 6-7). En cas comme illégale2, accréditant la peur de son rejet et alimentant de réponse positive, les communautés ont la possibilité d'étale spectre d'éventuelles représailles. Des organisations comme blir diverses règles afin de protéger les terres de la prédation Puente de Paz et Abogados Mayas ont rassuré les leaders puis d'institutions publiques, privées ou bancaires, comme l'interles membres des communautés quant à la légalité du processus diction de la vente d'une parcelle à un membre extérieur à la et ses chances de succès. Après plusieurs réunions publiques et communauté, ou encore la reconnaissance d'une propriété colrencontres, ce ne sont plus 15, mais 32 communautés qui ont lective. S'il est encore trop tôt pour présumer des intentions des présenté une demande à la mairie d'Ixcán, début 2012. Les 32 communautés de la Finca Patio de Bolas Copón, leur fonctionnaires publics eux-mêmes ont d’abord considéré le exemple met en lumière la mise en place d'un mouvement plus processus comme “illégal”, alors que les élus locaux ont vu large de réappropriation du mode de vie, des interactions sod'un mauvais œil l'émergence d'une source de légitimité con- ciales ou encore du territoire par les populations autochtones currente aux institutions municipales. Ici encore, c'est bien sur du Guatemala. ■ le terrain légaliste que s'est concentré l'argumentaire des diverses organisations sociales impliquées, afin d'éviter le terrain 1 Article 66 : l'Etat “reconnaît, respecte et promeut les modes de vie, glissant des tractations politiques, jusqu'à aboutir à une issue coutumes, traditions et formes d'organisation sociale [des divers groupes ethniques]” positive au printemps 2013. Article 20 du Code municipal : “les communautés des peuples autochDroits et perspectives ouverts Dans l'immédiat, la personnalité juridique ainsi obtenue permet aux communautés d’accéder à diverses procédures judiciaires civiles, pénales, etc. Au niveau local, la légitimation des autorités autochtones apparaît comme un contrepoids à la multiplicité, aux structures de pouvoir imposées “d'en haut”. Les membres des communautés pourront en effet choisir le droit coutumier en tant que méthode de résolution des conflits3. 8
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tones sont des formes naturelles de cohésion sociale et, en tant que telles, ont le droit de voir reconnue leur personnalité juridique, s’ils s’inscrivent dans une municipalité”. 2 Certains représentants des peuples autochtones sont opposés à cette obligation d’inscription auprès d'une municipalité, autorité nationale héritière de la colonisation. Ils estiment que les communautés n’ont pas à rentrer dans ce jeu légaliste pour gérer des affaires qui leur sont propres. 3 Rulicia Alicia Ralios Melecio, “La aplicación del derecho indígena, función principal de la alcaldía indígena en el municipio de Zacualpa, Departamento de Quiché”, Universidad de San Carlos de Guatemala, août 2007, http://bit.ly/1aSWU3f
Actualités De grands petits pas dans la justice pour les crimes du passé Par Vanessa Góngora
Disparition forcée de Fernando García Le Tribunal de haut risque A présidé par Yassmín Barrios a marqué encore un pas décisif dans la lutte contre l’impunité. En effet, fin septembre, après un procès express de 4 jours et avec plus de 600 documents de l’Archive Historique de la Police Nationale (AHPN) et du National Security Archive comme preuves à charge, Héctor Bol de la Cruz, directeur de la Police Nationale entre 1983 et 1985, et Jorge Alberto Gómez, commandant du 4ème corps de la Police Nationale, ont été condamné à 40 de prison pour la disparition forcée en 1984 du leader syndical et étudiant Fernando García, époux de la fondatrice du Grupo de Apoyo Mutuo (GAM) Nineth Montenegro. En 2010, les auteurs matériels du crime avaient déjà été condamnés à la même peine. Les avocats de la défense, comme dans le procès de Ríos Montt, ont accusé le tribunal d’être « incompétent, anticonstitutionnel et illégal ». Le GAM pour sa part rappelle, que pendant le gouvernement de Mejía Víctores (1983-1986), en moyenne trois personnes étaient capturées et disparues par jour, ce qui augure d’autres enquêtes contre d’anciens membres de la Police Nationale.
© Plaza Pública
Restes de vêtements exhumés à Cobán
Massacre de Dos Erres
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Famille de Fernando García
Exhumation de la base militaire de Cobán Avec l’exhumation du cimetière de La Verbena dans la capitale, l’exhumation de l’ancienne base militaire de Cobán, aujourd’hui devenue la base du Commandement Régional d’Entraînement pour les Opérations de Maintien de la Paix (CREOMPAZ), est sans doute le meilleur exemple de la politique de terreur et de répression mise en place par l’armée envers la population civile. La première phase des fouilles a eu lieu entre février et avril 2013 et c’est dans plus de 80 fosses, à un mètre et demi du sol à peine que les archéologues et anthropologues légistes de la FAFG ont récupéré plus de 530 ossements présentant des marques de tortures et d’exécution sommaire. Les restes d’ADN extraits ont permis d’identifier 9 hommes et 1 femme : Martina Rojas, détenue et disparue de sa communauté de Río Negro (Rabinal, Baja Verapaz) en mars 1982. La deuxième phase de l’exhumation a repris début septembre et des expositions d’habits ont eu lieu début octobre dans le musée de la mémoire historique de Rabinal. Selon Blanca Quiroa de l’association FAMDEGUA, « même si les exhumations sont un processus très douloureux pour les familles, le besoin de réponses, de vérité, mais surtout le besoin de donner une sépulture digne à leurs êtres chers demeurent un espoir presque vital ».
Le 1er octobre dernier, un tribunal de Los Angeles a déclaré coupable de fraude à l’immigration, l’ancien commandant des kaibiles, les forces spéciales de l’armée guatémaltèque, Jorge Sosa Orantes, sur qui pèsent un mandat d’arrêt international pour sa participation dans le massacre de Dos Erres (Petén, 1982). Sosa Orantes avait omis de mentionner dans les formulaires pour obtenir la citoyenneté américaine, son appartenance à l’armée guatémaltèque ainsi que sa participation dans des crimes de guerres. Au cours du procès, 3 témoins l’ont situé autour du puits où plus de 200 personnes ont été ensevelies. Même si la justice américaine ne traite pas directement l’affaire de Dos Erres, elle a déjà condamné l’ex-kaibil Gilberto Jordan pour la même raison que Sosa Orantes, et a extradé l’ex-kaibil Pedro Pimentel au Guatemala où il a été reconnu coupable d’avoir participé au massacre. Le Ministère Public guatémaltèque fera une demande d’extradition pour l’accuser de crimes contre l’humanité. Solidarité Guatemala n°205 novembre 2013
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Brèves Exposition photographique à Huehuetenango et remise de la sentence pour génocide
Remise du libre compilant la sentence pour génocide
Le matin du 18 septembre dernier, l’église de San Mateo Ixtatán a accueilli l’exposition de photographies organisée par l’Association pour la Justice et la Réconciliation – AJR. Hommes, femmes et enfants sont venus commémorer la perte de leurs proches tués pendant la dictature militaire de Ríos Montt. Les communautés de Puento Alto (municipio de Barillas), Petanac (San Mateo Ixtatán) et Yulaurel (Nentón), ont en effet été victimes de violents massacres durant le mois de juillet 1982. Des membres des trois communautés se sont rassemblés en cette occasion, et l’exposition sera ensuite déplacée dans ces villages victimes de massacres comme l'exposition Mémoire historique Ixil (réalisée par Alexandra Marie du Collectif Guatemala).
A l’issue de la commémoration, les membres de l’AJR ont présenté devant l’assemblée leur travail, leur recherche et les motifs de leur lutte pour de la récupération de la mémoire historique. Le président de l’AJR, Benjamín Manuel Jeronimo, de Rabinal, a remis aux membres de la communauté une copie de la sentence prononcée le 10 mai dans le procès pour génocide. La foule présente lors de cet évènement nous rappelle combien le souvenir des personnes disparues est vif, ainsi que l’importance de la mémoire à la fois pour les survivants des violences mais aussi pour les futures générations. Cette exposition s’affiche donc comme un accomplissement majeur en faveur de la mémoire, de la justice et de l’identité des communautés autochtones du département de Huehuetenango. Le livre de la sentence complète regroupe en 668 pages tous les témoignages et expertises du procès pour génocide et crimes contre l'humanité, contre Ríos Montt et Rodríguez Sánchez. Il est aussi remis dans les autres régions de l'AJR, en Ixil, Ixcán, à Rabinal et Chimaltenango, et malgré l'annulation illégale de celle-ci -par la Cour constitutionnelle, et rappelons-le, pour vice de procédure approuvé par 3 de 5 magistrats-, CALDH et AJR insistent sur l'importance de sa valorisation et sa diffusion, qui est un témoignage de l'Histoire enfin écrite. La sentence avait été remise le jour de la Dignité Ixil, le 22 juin dernier, aux trois mairies indigènes à Nebaj (voir article en espagnol sur le blog d’Acoguate : http://bit.ly/1doSdBV 23.07.13).
Massacre de Nacahuil : nouvelle attaque à la résistance de La Puya Il y a presque un an, en décembre 2012, le regroupement pacifique des communautés affectées par le projet minier El Tambor (à une vingtaine de kilomètre de la capitale), faisait face à quelques plus de 2 500 effectifs de la Police Nationale Civile (PNC) venus les déloger, mettant ainsi en évidence le rapport de forces inégal entre la société civile organisée et le gouvernement. Depuis, les attaques, les intimidations et les menaces aux défenseur(e)s du territoire se succèdent et Yolanda Oqueli, leader du mouvement ne cesse de les dénoncer au niveau national et international. Dans la nuit du 7 septembre 2013, la PNC a réalisé une descente dans la communauté kaqchikel de San José Nacahuil (municipalité de San Pedro Ayampuc), alors que celle-ci s’occupe elle-même d’assurer sa propre sécurité depuis 2005. Sous prétexte de contrôler les établissements qui débitent de l’alcool, elle fait sortir les personnes présentes dans la rue. Juste après, un groupe lourdement armé fait irruption dans la communauté et ouvre le feu, 11 personnes décèdent et une quinzaine sont blessées. Le mouvement social dénonce les deux événements comme étant liés. Mais, le ministre de l’intérieur López Bonilla et les médias traditionnels s’empressent d’accuser un règlement de compte entre gangs. Comme à chaque fois, l’exécutif crie à « la guerre des gangs » pour justifier une militarisation du territoire, et dans ce cas, essayer d’étouffer la résistance pacifique de La Puya.
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Solidarité Guatemala n°205 novembre 2013
Brèves Affaire Pavón : un jury populaire autrichien innocente Javier Figueroa Sous le gouvernement d’Oscar Berger (2004-2008) trois affaires d’exécutions extrajudiciaires défraient la chronique : Infiernito, Pavón et Parlacen. Les deux premières ont eu lieu dans des centres pénitenciers en 2005 et 2006, la dernière est celle de l’exécution en 2007 de trois députés salvadoriens du parlement centre-américain qui siège au Guatemala . Le cabinet de sécurité de Berger composé de Carlos Vielman, ministre de l’intérieur de nationalité espagnole, d’Erwin Sperisen, chef de la PNC de nationalité suisse et de Javier Figueroa, chef adjoint de la police criminelle a discrètement quitté le pays fin 2007 . Dans ce contexte, les analystes locaux et le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, Philip Alston, soulèvent l’existence de cette structure criminelle paraétatique vouée au « nettoyage social ». Ces trois affaires accélèreront la mise en place de la CICIG, mais seront également à l’origine de plusieurs scandales sous le mandat de son premier Commissaire, Carlos Castresana. Javier Figueroa, réfugié politique en Autriche, accusé de complicité dans l’assassinat de 7 détenus, devait être extradé fin 2011 au Guatemala mais l’Autriche considérait que les conditions de sécurité et d’impartialité pour la tenu d’un procès n’étaient pas réunies. Figueroa et ses témoins à décharge (Berger et Giammattei, directeur du système pénitencier pendant les faits) ont nié les exécutions et ont accusé la CICIG d’achat de témoins et de fabrication de preuves. Finalement jugé en Autriche, une première, le jury a pourtant acquitté Figueroa et le procureur annoncé qu’il ne fera pas appel de cette décision. Difficile de mettre en doute la légitimité d’une sentence émise par un jury populaire, mais ce jury disposait-il d’une vision objective et réaliste de la conjoncture guatémaltèque de l’époque ? Au Guatemala la nouvelle a été accueillie très discrètement, même si en ce moment à lieu le jugement de deux subalternes, auteurs matériels présumes des faits. De leur côté, les avocats de Vielman et Sperisen, qui eux aussi sont accusés dans la même affaire, ce sont empressés de demander à la justice espagnole et suisse de cesser les poursuites contre leurs clients. Pour plus d’informations: « Javier Figueroa, el inocente », article du site Plaza Pública, 26 octobre 2013, http://bit.ly/1gQBMmI
Nouvelles du terrain 4 nouveaux accos : Le Collectif Guatemala compte désormais 4 accompagnateurs volontaires sur le terrain: Bérénice et Thibaud arrivés en août, Laure en septembre et Pauline en novembre. Bérénice a débuté dans l’équipe mobile et se trouve actuellement en région Ixil, Thibaud a été affecté à l’équipe d’Ixcán, Laure a rejoint l’équipe de Huehuetenango San Marcos coordonnée par Amandine. Vous retrouverez dans le prochain numéro des nouvelles de nos 4 accompagnateurs!
AGENDA Week-end de formation à l’Intervention Civile de Paix 14-15 décembre - Paris La section française des Brigades de Paix Internationales (PBIFrance) propose un week-end de formation à l'Intervention Civile de Paix (ICP) et à l'accompagnement des défenseurs des droits de l'Homme pour découvrir les principes de l'ICP et les mandats des différentes organisations de défense des droits de l'Homme sur le terrain, identifier et comprendre les types de mission et expérimenter les dimensions du travail. Cette formation s’adresse à toute personne engagée dans la défense des droits de l'Homme, qu'elle souhaite ou non partir sur le terrain. Elle sera assurée par Cécile Dubernet, formatrice des intervenants à l'ICP depuis 2007 et Justin Scherer, ancien volontaire pour le Collectif Guatemala, aujourd’hui traducteur et enseignant à l'Institut Catholique de Paris . Participation demandée : 60€ par personne (deux repas fournis) Inscription : auprès de PBI-France (joindre un acompte de 30€) Pour en savoir plus et s’inscrire: pbi.france@free.fr
Projection-débat « La Jaula de oro » Le Comité Amérique latine de Caen organise une projection du film « La Jaula de oro » au cinéma Lux.Ce film présenté au dernier festival de Cannes retrace le parcours jeunes Guatémaltèques à travers le Mexique. Un membre du Collectif Guatemala participera à la projection pour animer un débat suite au film. Mardi 3 décembre à 20h Cinéma LUX 6, avenue Sainte-Thérèse 14000Caen Solidarité Guatemala n°205 novembre 2013
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Le Collectif Guatemala Qui sommes-nous ? Fondé en 1979 par des réfugiés guatémaltèques et des militants français, le Collectif Guatemala est une association 1901 de solidarité internationale. Il est composé d’associations et de particuliers, dont une bonne dizaine de membres actifs, sur lesquels repose la vie de l’association. Depuis octobre 2002, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’un permanent à mi-temps. Depuis mars 2006, l’association a ouvert un bureau de coordination pour ses activités au Guatemala (accompagnement international et campagne de soutien aux militants luttant contre le pillage de leurs ressources naturelles).
Les activités du Collectif au Guatemala
Les activités du Collectif en France
● L’accompagnement international √ des populations indigènes victimes du conflit armé impliquées dans des procès contre les responsables de violations massives des droits humains, √ des personnes menacées du fait de leurs activités militantes. Comment ? √ à la demande des groupes ou personnes menacées, √ en recherchant et en préparant des volontaires qui resteront au minimum 6 mois sur le terrain. Pourquoi ? √ pour établir une présence dissuasive, √ pour avoir un rôle d'observateur, √ pour relayer l'information.
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Les accompagnateurs/trices sont des volontaires majeurs, de tous horizons, désirant s’engager pour une durée minimum de 6 mois. Des sessions d’information et de préparation ont lieu en France avant le départ. Au Guatemala, les accompagnateurs sont intégré au projet international d’accompagnement ACOGUATE. ● L’outil vidéo √ organisation d’ateliers vidéo destinés aux membres d’organisations communautaires pour la réalisation documentaire √ soutien à la diffusion de ces films à la capitale et dans les communautés √ réalisation de film-documentaires comme outil de campagne et de sensibilisation en France
L'appui aux organisations de la société civile guatémaltèque qui luttent pour plus de justice et de démocratie
√ en relayant des dénonciations de violations des droits de l'Homme, √ en organisant des campagnes pour soutenir leurs revendications, √ en recherchant des financements pour soutenir leurs projets, √ en recevant en France et en Europe des représentants de différentes organisations pour leur permettre de rencontrer des décideurs politiques et financiers. ● L’information et la sensibilisation du public français Sur quoi ? √ la situation politique et sociale au Guatemala, √ la situation des droits humains, √ l'action des organisations populaires, indiennes et paysannes. Comment ? √ par la diffusion d’une lettre à l’adhérent bimestrielle, √ par l'organisation ou la participation à des conférences, débats, réunions, projections documentaires √ par des réunions mensuelles ouvertes à toute personne intéressée. ● Le travail en réseau avec différents types de partenaires présents au Guatemala
√ associatifs, √ institutionnels. Contact: collectifguatemala@gmail.com
ADHÉSION / ABONNEMENT Le Collectif Guatemala vous propose plusieurs formules de soutien :
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