Numéro 206 décembre 2013 Lettre d’information du Collectif Guatemala
Bilan 2013 : restons vigilants! Par Amandine Grandjean et Martin Willaume Sommaire
Témoignages des nouveaux accompagnateurs du Collectif Guatemala sur le terrain p.2-3 “Mesoamérica Resiste” : un outil artistique au service des luttes du Mexique et de l'Amérique centrale p. 4-5 Elections honduriennes : une victoire volée? p.6 Brèves
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Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire Collectif Guatemala 75011 Paris - France 21 ter, rue Voltaire Tel: 01 43 73 49 60 75011 Paris - France collectifguatemala@gmail.com Tel: 01 43 73 49 60 www.collectifguatemala.org collectifguatemala@gmail.com www.collectifguatemala.org
Directrice de publication : DirectriceTauty Isabelle de publication Chamale : Isabelle ISSN 1277 Tauty 51 Chamale 69 ISSN 1277 51 69
Ont participé à ce numéro : Ont participé à ce numéro : Cynthia Benoist, Bérénice Bérénice Boukaré, Amandine Boukaré, Laure Jacquemin, Grandjean, Vanessa Góngora, Amandine Grandjean, Vanessa Marilyne SandraGriffon, LengGóngora,Griffon, Marilyne wiler, Thibaud Thibaud Marijn,Marijn, PaulineZuleika MatRomero, IsabelleTauty, Tauty, Orlane Martin teoni, Isabelle Willaume. Vidal, Martin Willaume.
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lors que la première année du nouveau cycle maya s’achève, l’occasion se présente de revenir sur l’actualité des derniers mois. Le procès de Ríos Montt a été sans nul doute le grand événement de cette année 2013. Même si le verdict qui condamnait l’ancien président de facto à 80 ans de prison a été annulé dans la foulée par la Cour Constitutionnelle, la force de cette sentence pour génocide et crimes contre l’humanité demeure. Le procès devrait reprendre officiellement en janvier 2015, sans qu’aucune certitude n’existe pour les victimes et la prise en charge de leurs témoignages. C’est pourquoi il est important de défendre ce verdict comme le faisait récemment CALDH (Centre d’Action Légale pour la Défense des Droits de l’Homme) lors d’une rencontre sur la justice transitionnelle en rappelant qu’il reste légal et légitime en dépit de son annulation. Nos volontaires ont été présents lors des audiences pour vous informer au mieux à travers ce bulletin et notre site internet et nous poursuivrons ce travail d’information en 2014 pour démêler les évolutions récentes et diffuser une information libre et de première main. Nous organiserons prochainement un événement majeur sur ce procès historique en présence d’invités de premier plan, nous vous tiendrons informés très prochainement. L’année qui démarre risque d’être pleine de tensions. Ce sera d’abord une année pré-électorale et la campagne semble avoir déjà commencé (si l’on peut dire qu’elle s’est réellement interrompue depuis la victoire du Parti Patriote). Plusieurs nominations importantes vont avoir lieu dans l’institution judiciaire, notamment au sein de la Cour Suprême de Justice qui va renouveler ses magistrats et son président. Celui-ci sera à la tête de la commission de postulation pour la désignation du Procureur général qui aura aussi lieu en 2014. Le choix en 2010 de l’actuelle procureure, Claudia Paz y Paz, s’était fait dans la douleur après que le gouvernement ait nommé un magistrat contesté. L’intégrité et le travail de Paz y Paz ont été essentiels pour amorcer des changements importants et notamment initier le procès de Ríos Montt. C’est pourquoi l’inquiétude est grande de voir nommer des personnes corrompues, ce qui signifierait un grave retour en arrière et une victoire de l’impunité. Le climat actuel de criminalisation et de persécution des défenseurs illustre déjà ces dérives, nous avons pu l’observer lors du procès pour génocide ou des détentions arbitraires de dirigeants à l’occasion des états de siège récents. La parole publique se libère comme le montrent les déclarations scandaleuses du ministre de l’Intérieur, Mauricio López Bonilla, qui accusait en novembre les défenseurs se rendant à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme d’être des « pandilleros » (intégrants d’une bande criminelle) et d’avoir recours au chantage et à l’extorsion. Cette sémantique ancienne héritée du conflit armé est gravissime lorsqu’elle est utilisée par des dirigeants publics car elle pourrait légitimer certaines attaques contre les militants de la société civile et exacerber les tensions auxquels ils font déjà face. Pour faire face à ces menaces contre les défenseurs, qu’elles soient verbales ou physiques, notre présence sur le terrain reste fondamentale, notamment auprès des membres de l’Association pour la Justice et la Réconciliation et des défenseurs de Barillas particulièrement pris pour cible cette année. Nous avons actuellement quatre accompagnateurs répartis dans les différentes équipes régionales: ces jeunes sont la force du Collectif Guatemala et seront les prochains à reprendre le flambeau de l’association une fois rentrés en France.■ Solidarité Guatemala n°206 décembre 2013
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Actualités Témoignages des nouveaux accompagnateurs du Collectif Guatemala sur le terrain En 2013, le Collectif Guatemala a recruté 4 nouveaux accompagnateurs pour rejoindre l’équipe de volontaires d‘Acoguate. Cela faisait plus de 2 ans que nous n’avions pas eu une équipe aussi importante sur le terrain. Thibaud, Bérénice, Laure et Pauline ont rejoint notre coordinatrice terrain Amandine entre le août et novembre, ils sont répartis dans des équipes différentes et vous feront partager leurs expériences dans les prochains numéros de Solidarité Guatemala. Ils nous font part ici de leurs premières impressions au Guatemala.
Thibaud Marijn, 27 ans, accompagnateur dans l’équipe Ixcán Jeudi 5 décembre, 6h du matin. Dans deux heures et cinq minutes, je fêterai mon anniversaire. En guise de cadeau, ces mauvais plaisantins, l’INDE (l’Institut National d’Electrification) ont embauché une entreprise brésilienne pour mener à bien les études de faisabilité préalables à la construction du barrage de Xalalá malgré l’opposition des communautés qui seraient affectées ou englouties. Le temps de petit déjeuner chez Maria et parler d’agriculture, il nous faut tirer des copies de l’article traitant la nouvelle. Un bain dans la rivière, un déjeuner en compagnie des chansons de la fille de Maria, et nous voilà embarqués, littéralement pardelà les eaux du Chixoy, direction la communauté de Xalalá. Il est temps de nous réunir avec le représentant d’ACODET (regroupement des communautés affectées par le projet de barrage), d’échanger les bonnes et mauvaises nouvelles, mais aussi d’improviser une passe à dix avec les enfants de la personne chez qui nous logeons, de passer en cuisine saluer et offrir une aide souvent refusée… Il est 18h et la nuit tombe. Avec David, mon nouveau et formidable collègue espagnol, à l’heure fatidique de mes 27 ans, une bougie improvisée avec un briquet. Les grillons frissonnent, un brin d’air dans les feuilles résonne et Orion fait son apparition. Là-haut, tout en haut. Dans l’été éternel d’Ixcán, tout se mêle. Le public, le privé, destins individuels et avenir collectif. Un maelstrom indéfinissable et passablement esquissé dans ce récit simple et sans cesse renouvelé. Ixcán, mon amour, qu’adviendra-t-il de toi ? Pour moi, comme pour toi, demain sera décidemment un autre jour…
Bérénice Boukaré, 22 ans, accompagnatrice dans l’équipe Ixil Je suis certaine que nous aurions besoin chacun de remplir des pages entières afin de pouvoir retranscrire de manière complète notre expérience ici au Guatemala. Cependant, si je devais en 2
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quelques mots relater mon impression du pays et du travail d'accompagnateur international, je désirerais parler tout d'abord des visages, des visages des enfants, des visages des femmes mais aussi des hommes que nous rencontrons chaque jour. Les traits marqués par les longues heures de labeur et la fatigue, le teint doré par le soleil des hautes montagnes, l'expression calme et patiente de l'épouse qui réalise avec assurance les gestes quotidiens appris depuis le plus jeune âge, le regard profond et sincère, évoquent pour moi l'histoire même de tout un peuple. Ils sont l'image d'un peuple fier, héritier d'une grande civilisation, qui aura lutté et continue avec ferveur de se battre pour ses terres, son avenir, sa culture et ses traditions ancestrales. J'ai également appris à penser différemment, à quitter nos modes de pensées académiques et parfois tragiquement rigides venus de l'Occident, ainsi qu'à voir au-delà de la philosophie de notre vieux continent. Petit à petit, j'ai ouvert mon cœur et mon esprit à une nouvelle sagesse et à une nouvelle connaissance. Je me suis rendue compte de l'importance du simple épi de maïs, qui constitue la nourriture que nous mangeons, du caractère essentiel du soleil et de la pluie, qui permettent au maïs de pousser. J'ai compris que tout était lié, que rien dans le mode de vie des populations mayas ixil n'était livré aux forces du hasard, que tout avait un sens. De ce voyage en terre ixil, je retiendrai la flamme de la lutte et l'espoir toujours présent, et espère sincèrement que la puissance des connaissances de ces peuples traversera les frontières des villages mayas pour venir nous éclairer un jour.
Laure Jacquemin, 26 ans, accompagnatrice dans l’équipe Huehuetenango-San Marcos Dans ces deux régions, la lutte principale est la défense du territoire contre « l'invasion » des mégaprojets de type hydroélectrique ou minier. La criminalisation des défenseurs est très présente et j'ai pu m'en rendre compte dès mon arrivée dans le projet. En effet, un leader de la région de Barillas (Nord de Huehuetenango) venait d'être arrêté et il est toujours en détention extrajudiciaire aujourd‘hui. Comment rentrer dans le vif du sujet de manière plus concrète?
Actualités
Les futurs volontaires lors du Week End d’Orientation organisé en mai 2013
Depuis, je me déplace de sociétés civiles en organisations de défense du territoire, d’institutions politiques en communautés en lutte, accompagnée de mon binôme Christoph, dans le projet depuis presqu'un an. Son expérience dans la région, sa connaissance du contexte et la confiance que lui portent les accompagnés sont très enrichissantes. Les négociations entre la société civile, le gouvernement et les entreprises transnationales sont presque inexistantes et les menaces contre les défenseurs ne cessent d'augmenter. Après seulement deux mois dans le projet, je ressens l'importance pour ces derniers de notre accompagnement, qu'il soit physique et/ou moral. Je suis sûre d'apprendre encore beaucoup dans les prochains mois et espère voir la situation s'améliorer pour ces activistes qui luttent pour le respect de certains droits considérés comme inaliénables par le droit international.
Pauline Matteoni, 22 ans, accompagnatrice dans l’équipe Ixil Je suis arrivée au Guatemala il y a maintenant un mois. Depuis trois semaines j'ai intégré l'équipe régionale Ixil au sein de laquelle je travaillerai pendant six mois. Avant cela, j'ai passé cinq mois en Amérique du Sud, entre le Pérou, le Chili et la Bolivie à voyager et à travailler dans d'autres projets. Un rêve
pour moi, passionnée par l'Amérique latine et très intéressée par les questions relatives aux populations autochtones sur ce continent. Aller au Guatemala, c'était quitter le Sud sans toutefois quitter l'Amérique latine, bien au contraire. J'avais toujours été attirée par le Guatemala. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'un pays qui reflète parfaitement à lui seul la situation de l'Amérique latine toute entière, depuis la colonisation espagnole jusqu'au néo-colonialisme nord-américain et plus récemment européen : pillages, massacres, racisme contre les populations autochtones, domination « ladina », expropriation, expulsion, exploitation d'hommes et de richesses naturelles, mégaprojets d'entreprises étrangères, impunités des puissants et non-respect des droits humains… Je ne fais partie du projet que depuis peu mais je peux déjà affirmer que je suis ravie de ma présence ici, au sein de l'équipe d'Acoguate, une équipe qui me semble jeune, active, motivée, riche en compétences diverses et grâce à laquelle je vais apprendre une grande quantité de choses j'en suis sûre. Je suis tout particulièrement contente d'avoir la chance de travailler dans la région ixil et de pouvoir accompagner les témoins du procès pour génocide contre Ríos Montt. Je suis admirative de leur courage et de leur lutte acharnée pour obtenir justice, pour arriver à une décision qui nous l'espérons sera un grand pas en avant pour toute l'Amérique latine et pour les droits humains en général.
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Actualités “Mesoamérica Resiste” : un outil artistique au service des luttes du Mexique et de l'Amérique centrale Traduction par Amandine Grandjean Entretien avec Jonathan Luna , artiste militant du collectif La Colmena (La Ruche), réalisé par Santiago Botón, correspondant de Tele Sur-Guatemala, lors de la présentation en avant-première de la toile murale “Mesoamérica Resiste” à la Rencontre du Réseau latino-américain contre les barrages, pour les rivières, leurs communautés et l'eau (REDLAR).1 Tele Sur : Qu’est-ce que La Colmena ? Jonathan Luna : Le collectif La Colmena est un regroupement d'artistes, de communicants et de chercheurs de différents pays (Canada, Mexique, Etats-Unis et Colombie). C’est aussi un réseau d’organisations qui utilisent tous les outils produits en commun au sein de leur processus de défense territoriale ou de l'environnement. Dans notre collectif, chacun a ses propres centres d'intérêts, ses capacités dans certains domaines, donc nos œuvres se font entre tous ceux qui y participent. L'artiste n'est pas plus important que le chercheur, parce qu'afin d'être cohérent et
JL : Depuis le départ nous avons choisi le dessin parce que nous considérons que c'est un moyen de communication qui va au-delà des barrières linguistiques, culturelles, et effectivement, de l'analphabétisme. On peut recueillir les histoires des gens et les reproduire visuellement, et les personnes peuvent alors en avoir une autre interprétation. C'est une façon de sortir du monopole que possède souvent le monde universitaire sur ces thématiques qui concernent en réalité beaucoup de monde, ne sachant ni lire ou écrire, ou du moins pas dans la langue coloniale imposée. Nous avons utilisé ce moyen d’expression parce que nous croyons qu'il est plus efficace pour dépasser ces barrières linguistiques et culturelles.
« Mesoamérica resiste », la frise visible en détail sur internet (http://bit.ly/JJNCAc)
clair sur ce que l’on dessine ou l’on projette visuellement, il est indispensable d’avoir d’abord ce travail de recherche de terrain en lien avec les communautés. TS : Dans le cas du Guatemala, mais également d'autres pays d'Amérique latine, où l'analphabétisme est très important, quelle importance acquiert le travail pictural ? 1 Voir Solidarité Guatemala n°205. La Red Latinoamericana Contra Represas y por los Ríos, sus Comunidades y el Agua a réalisé une mission d'observation en octobre dans des régions affectées par l'installation de projets hydroélectriques sans le consentement des populations locales, et deux jours de rencontre dans le Petén, avec la participation de délégations de toute l'Amérique latine (et Belize).
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TS : Les luttes sociales, les résistances, et surtout le mode de vie des peuples autochtones et des populations rurales, sont généralement absents des médias traditionnels et commerciaux – que certains appellent « les sicaires de l'information ». Face à cet effacement, on cherche des alternatives : pensez-vous que votre initiative en soit une ? JL : En effet, nous pensons être une alternative parmi de nombreuses autres. Evidemment, les peuples autochtones se sont appropriés la communication audiovisuelle, les programmes de radio, le théâtre, le “muralisme” [fresques], qui sont aussi des alternatives très efficaces dans ce processus d’ouverture
Actualités d’espaces pour donner la perspective des peuples qui vivent ces réalités.
lement faire un guide sur la faune et la flore, qui détaille chaque animal et chaque plante.
Nous nous considérons comme traducteurs des voix marginalisées et toutes nos recherches se font directement avec les communautés : nous allons dans les communautés autochtones, afro-descendantes, paysannes, nous réalisons les enquêtes avec les gens de ces communautés. Ils nous donnent toute l'information qu'ils souhaitent. Une des questions que nous posons est “quel animal ou quelle plante représente votre communauté, votre peuple, votre lutte ?”. Avant de finaliser cette œuvre “Mesoamérica Resiste”, nous avons envoyé aux communautés deux brouillons pour qu’elles puissent suggérer des changements, indiquer ce qui leur plaisait ou pas et les améliorer. Bien que nous ne fassions pas partie de ces communautés, nous pensons que ces échanges et ces rencontres continus nous ont permis de raconter à leur manière et avec une grande sensibilité une histoire qui n'est pas la nôtre.
TS : En plus de tout ce que tu viens de partager sur cette toile, que contient-elle de plus ? Quelle est la partie essentielle, fondamentale de la toile ? Quelle en serait la conclusion ?
TS : Parlez-nous de la technique que vous utilisez dans cette “peinture”, de quoi s'agit-t-il ?
JL : La conclusion de cette toile est que ce sont les peuples de toute cette région qui ont les réponses aux problématiques que nous vivons. Il faut seulement avoir de la volonté et utiliser les outils que nous avons et commencer à travailler dans nos communautés, partout. Chaque communauté qui vit la problématique minière, les barrages, la militarisation, l'intervention économique ou militaire d'autres pays comme les Etats -Unis, est représentée ici. Chaque communauté a simplement besoin d’assumer qu’elle possède ses propres leaders et qu’il n’y a pas besoin que quelqu’un vienne de l’extérieur pour résoudre les problèmes. Il faut utiliser les outils de communication, artistiques, sociaux afin de continuer à soutenir et améliorer les conditions de ces communautés.
JL : L'original est un dessin sur papier, au crayon et à l'encre, qui est scanné puis imprimé. C’est aussi simple que cela. Nous pensons que c'est important – non pas parce que c’est moins cher que la production audiovisuelle ou la radio – mais parce que ça requiert moins de matériel. On peut dessiner simplement sur un papier – seule la reproduction est plus technique – que l’on apporte à n'importe quelle communauté. Pas besoin d'électricité, ni d'un projecteur, ni d'autres technologies pour travailler avec les communautés. Il suffit de déplier la toile et de partager. TS : Combien de toiles avez-vous apportées pour cet évènement ? JL : Ici, nous présentons cette toile en avant-première. Elle s'appelle “Mesoamérica Resiste” et traite des problématiques de la région mésoaméricaine [Mexique et Amérique centrale]. Les recherches ont commencé en décembre 2003. On profite de cette opportunité de la rencontre de REDLAR, et de la présence de tous ces groupes de tout l'hémisphère, pour la partager parce que leurs propres histoires sont abordées dans cette œuvre. TS : Combien élaboration ?
de
personnes
ont
participé
à
son
JL : Pour ce dessin, entre les artistes, les chargés de communication et les chercheurs, ce sont plus de 20 personnes, pendant 9 ans : nous avons commencé en décembre 2003 et terminé de dessiner vers le mois de juin de cette année, et avons achevé le guide narratif il y a un mois. Il y a aussi d'autres publications à venir, basées sur cette œuvre, en cours d'écriture. Par exemple, dans cette œuvre, il y a plus de 400 espèces d'animaux, d'insectes, de toute la région de Mésoamérique, plus de 100 espèces de plantes, chacune étant le résultat de recherches, et a été incluse pour son importance culturelle, économique ou écologique. A ce jour, nous avons seulement un guide narratif qui explique l'ensemble de l'œuvre, mais nous allons éventuel-
Détail de la frise représentant l’association HIJOS
TS: Pourriez-vous nous donner un exemple concret d’une réponse à un problème particulier ? JL : Ici sur la toile [voir détail au-dessus], il y a une scène avec des chenilles du papillon monarque en train de peindre des fresques. Cette scène s'inspire directement de l'organisation HIJOS du Guatemala, du travail qu'ils font pour la récupération de la mémoire par l’art. A cause du conflit vécu dans ce pays – qui de fait se vit encore de différentes manières -, la mémoire des peuples, des communautés, est souvent perdue avec le temps. Grâce à l'art, aux fresques murales, ils ont pu récupérer cette mémoire, l'imprimer dans des espaces publics où les gens peuvent la voir et aider ainsi à la maintenir vive. ■ Pour aller plus loin : site internet de La Colmena où vous retrouverez ce projet et d’autres en haute définition (www.beehivecollective.org/es) Solidarité Guatemala n°206 décembre 2013
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Actualités Élections honduriennes : une victoire volée? Par Orlane Vidal
La vague d'espoir qui avait submergé le Honduras depuis la création du parti Libre, nouvelle force politique éclose de la résistance au coup d'Etat de 2009, cède la place à un sentiment d'amertume au lendemain des élections, alors que la candidate à la présidence Xiomara Castro a échoué face à Juan Orlando Hernández (Parti National), dans des circonstances très controversées. Orlane Vidal, observatrice internationale lors des élections, nous livre son analyse.
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quelques semaines des élections générales qui se sont déroulées le dimanche 24 novembre dernier, la torpeur post-électorale se dissipe peu à peu et la routine reprend doucement son rythme au Honduras, sans toutefois parvenir à dissimuler les stigmates laissés par les élections. Tandis que les militants du Parti National (parti du président sortant Porfirio Lobo Sosa) célèbrent la victoire du futur chef d'Etat Juan Orlando Hernández, qui d'après le Tribunal Suprême Électoral (TSE) a officiellement recueilli 36,89% des suffrages (soit 1,1 million de votants), d'autres Honduriens s'accrochent au maigre espoir ravivé par le recompte des votes actuellement en cours, à la demande des dirigeants du parti Liberté et Refondation (Libre). Sa candidate Xiomara Castro se positionne en seconde place avec 28,78% des voix récoltées (soit 885 000 suffrages).
© AFP
Xiomara Castro et Manuel Zelaya à la tête de la manifestation contre la fraude le 1er décembre dernier2
Depuis le soir des élections, ces derniers ont réitéré leur refus des résultats divulgués par le TSE, criant au scandale à la fraude électorale et appelant à manifester dans les rues le 1er décembre, sur la base d'une longue liste d'irrégularités observées le jour du vote (notamment dans le registre électoral et le monnayage de scrutateurs et d'électeurs en faveur du Parti National), ainsi que de la manipulation des données transmises par le biais du système informatique électoral. Il convient de souligner qu'en outre, les élections ont culminé au sein d'un climat de violence généralisée qui embrase la société hondurienne depuis plusieurs années. Les violations des droits humains, déjà fréquentes avant le coup d'Etat perpétré contre l'ex-président progressiste Manuel Zelaya le 28 juin 2009 (époux de Xiomara Castro), se sont multipliées au cours des quatre ans écoulés. La tendance s'est accentuée durant le gouvernement Lobo, avec l'adoption d'une politique coercitive et de militarisation contre le crime organisé, et parallèlement à l'usage d'une répression sévère à l'encontre des mouvements sociaux. Historiquement, ces derniers ont été des acteurs-clés 1 D'après les propos de la dirigeante du Comité civique des organisations populaires indigènes et noires du Honduras, Berta Cáceres. 2 Celle-ci s'est improvisée en cortège funèbre alors qu'un militant connu du parti Libre, José Antonio Ardón, a été assassiné la veille au soir par balles, s'ajoutant à la longue liste des assassinats politiques (plus de 30 au total) survenus en contexte électoral.
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de la résistance face à la mise en place progressive d'une « dictature transnationale »1 qui a eu bien du mal à imposer sa légitimité, au vu des suspicions de fraude qui pesaient déjà sur le processus électoral de novembre 2009. L'arrivée triomphale du parti Libre en 2011, issu du Front de Résistance Nationale Populaire (FNRP) au coup d'Etat, avait réveillé les espoirs des citoyens qui revendiquent une répartition plus juste des richesses dont regorge le territoire, ainsi que l'éradication de la corruption et de l'impunité. Quelle que soit l'issue du recompte des votes, sans doute condamné à l'impasse, le pari de l'abolition du système politique bipartite (composé du Parti National et du Parti Libéral, partis traditionnels de l'oligarchie hondurienne) a tout de même été relevé avec succès. Désormais, le parti Libre et le Parti AntiCorruption (PAC, nouveau parti politique qui totalise quant à lui 13,43% des votes à la présidentielle), acquièrent le statut de forces politiques d'opposition, en raflant respectivement 37 et 13 sièges de députés au sein du Congrès hondurien. Ce changement significatif du rapport de force politique au Honduras ouvre possiblement la voie à l'impulsion de changements sociaux significatifs, sous réserve toutefois de ne pas sombrer dans une crise de gouvernabilité. ■
Brèves De grands petits pas dans Quoila de justice neuf sur Perenco pour ?les crimes du passé Après le rapport du Collectif Guatemala sur l'entreprise pétrolière franco-britannique Perenco, deux autres rapports ont été Par Vanessa Góngora publiés à ce sujet : l'un sur la situation au Pérou (CooperAcción) et l'autre sur la présence de Perenco en République Démocratique du Congo (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement). À leur lecture, on ne peut que constater les similitudes avec le cas guatémaltèque. Corruption, trafic d'influences, violations aux droits humains... le tout bien dissimulé derrière une communication sur sa RSE et les bienfaits de l'activité pétrolière pour les populations autochtones. Fait intéressant : le site de Perenco sur son activité au Guatemala jouit désormais d'une section « FAQ » ou « Questions fréquemment posées », sur la situation dans la Laguna del Tigre. À la question de savoir si Perenco a quelque chose à voir avec les dommages causés au Parc naturel, la réponse tombe : « Nous reconnaissons la gravité des problèmes auxquels fait face le Parc, comme [ceux causés] par des communautés de migrants illégaux. Cependant, ils ne sont pas liés aux activités de Perenco. » Alors que Perenco Guatemala Ltd signait en 2012 l’Initiative de Transparence pour l'Industrie Extractive, s'engageant notamment à la publication de ses comptes, les dégâts causés par son activité continuent. Le 15 novembre dernier, près de la communauté de Laguna Vista Hermosa, une fuite d'eaux acides a été constatée par les habitants. Ces derniers ont fait savoir dans un communiqué qu'une partie de la végétation située près du point de fuite a brûlé et qu'une infiltration d'acide chlorhydrique s'est produite dans la nappe phréatique. Une fois de plus, les habitants de la Laguna del Tigre réclament le départ de Perenco et de l'armée. Le combat n'est donc pas fini et c'est pourquoi le Collectif Guatemala a soutenu la pétition de l'organisation Sauvons la Forêt pour contester le contrat renouvelé à Perenco. La pétition, remise récemment, a réuni plus de 60 000 signatures. Un bon résultat pour une cause auparavant méconnue, et surtout un beau soutien pour les communautés du Petén qui vivent quotidiennement ces violations à leurs droits. Pour plus d’informations: rapports du CCFD sur la RDC (http://ccfd-terresolidaire.org/infos/rse/petrole-a-muanda-la/) et de CooperAcción sur le Pérou (http://bit.ly/1c47EA2)
Yolando Oquelí : soutenez-la dans le cadre d’une campagne d’Amnesty International Cette militante communautaire mène la résistance pacifique de La Puya contre la mine d’or El Tambor, située à 28 km au Nord-Ouest de la capitale. Elle est l’une des porte-parole des communautés de San José del Golfo et San Pedro Ayampuc organisés dans un « Front de résistance du Nord de la région métropolitaine » (FRENAM). Le 13 juin 2012, elle est attaquée et blessée par balles alors qu’elle rentre d’une manifestation (voir Solidarité Guatemala n°199). Elle souffre toujours de séquelles dues à une balle logée près de son foie. Un an plus tard, le 10 juillet 2013, des coups de feu sont à nouveau tirés à proximité de sa maison. Amnesty International a inclus Yolanda Oquelí dans la liste des personnes à défendre dans le cadre de son opération annuelle « 10 jours pour signer » organisée dans le monde entier du 6 au 16 décembre. Cet évènement vise à alerter les autorités guatémaltèques sur son sort et faire part à cette femme de votre soutien moral. Il est toujours temps de signer la pétition de soutien à Yolanda Oquelí sur www.10jourspoursigner.org
¡ Felicidades ! Notre association profite de ce dernier numéro de l'année pour saluer notre présidente, Marilyne Griffon, partie vivre en Allemagne avec sa toute nouvelle petite famille, nous leur souhaitons bonne route et beaucoup de bonheur dans cette nouvelle étape de leur vie ! Bienvenue Marla à la vie militante!!!
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Le Collectif Guatemala Qui sommes-nous ? Fondé en 1979 par des réfugiés guatémaltèques et des militants français, le Collectif Guatemala est une association 1901 de solidarité internationale. Il est composé d’associations et de particuliers, dont une bonne dizaine de membres actifs, sur lesquels repose la vie de l’association. Depuis octobre 2002, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’un permanent à mi-temps. Depuis mars 2006, l’association a ouvert un bureau de coordination pour ses activités au Guatemala (accompagnement international et campagne de soutien aux militants luttant contre le pillage de leurs ressources naturelles).
Les activités du Collectif au Guatemala
Les activités du Collectif en France
● L’accompagnement international √ des populations indigènes victimes du conflit armé impliquées dans des procès contre les responsables de violations massives des droits humains, √ des personnes menacées du fait de leurs activités militantes. Comment ? √ à la demande des groupes ou personnes menacées, √ en recherchant et en préparant des volontaires qui resteront au minimum 6 mois sur le terrain. Pourquoi ? √ pour établir une présence dissuasive, √ pour avoir un rôle d'observateur, √ pour relayer l'information.
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Les accompagnateurs/trices sont des volontaires majeurs, de tous horizons, désirant s’engager pour une durée minimum de 6 mois. Des sessions d’information et de préparation ont lieu en France avant le départ. Au Guatemala, les accompagnateurs sont intégré au projet international d’accompagnement ACOGUATE. ● L’outil vidéo √ organisation d’ateliers vidéo destinés aux membres d’organisations communautaires pour la réalisation documentaire √ soutien à la diffusion de ces films à la capitale et dans les communautés √ réalisation de film-documentaires comme outil de campagne et de sensibilisation en France
L'appui aux organisations de la société civile guatémaltèque qui luttent pour plus de justice et de démocratie
√ en relayant des dénonciations de violations des droits de l'Homme, √ en organisant des campagnes pour soutenir leurs revendications, √ en recherchant des financements pour soutenir leurs projets, √ en recevant en France et en Europe des représentants de différentes organisations pour leur permettre de rencontrer des décideurs politiques et financiers. ● L’information et la sensibilisation du public français Sur quoi ? √ la situation politique et sociale au Guatemala, √ la situation des droits humains, √ l'action des organisations populaires, indiennes et paysannes. Comment ? √ par la diffusion d’une lettre à l’adhérent bimestrielle, √ par l'organisation ou la participation à des conférences, débats, réunions, projections documentaires √ par des réunions mensuelles ouvertes à toute personne intéressée. ● Le travail en réseau avec différents types de partenaires présents au Guatemala
√ associatifs, √ institutionnels. Contact: collectifguatemala@gmail.com
ADHÉSION / ABONNEMENT Le Collectif Guatemala vous propose plusieurs formules de soutien :
Adhésion au Collectif, permettant de recevoir la Lettre à l’Adhérent - Solidarité Guatemala
23 €
Adhésion à tarif réduit (étudiants, chômeurs etc. joindre justificatif)
15 €
Don, un soutien supplémentaire pour nos activités
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Total :
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□ Je souhaite être informé(e) par e-mail des activités du Collectif Guatemala □ Je souhaite faire partie du Réseau d’alertes urgentes électronique Les dons et cotisations peuvent être déductibles des impôts à hauteur de 66%.
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