Jean Antoine Giansily
CHRONIQUES SLOVAQUES
colonna
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CHRONIQUES SLOVAQUES
ISBN : 978-2-915922-41-7 Colonna édition, 2010 Jean-Jacques Colonna d’Istria La maison bleue - Hameau de San Benedetto 20 167 Alata – Tel/fax 04 95 25 30 67 Mail : colonnadistria.jj@wanadoo.fr www.editeur-corse.com © Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction réservés pour tous pays.
Jean Antoine Giansily
CHRONIQUES SLOVAQUES
Colonna
édition
Du même auteur : Le Pouvoir, le réel et l’illusoire – En finir avec les utopies, Denoël, 1993 Pinay, l’Indépendant, Denoël, 1995 L’Union européenne et la crise yougoslave–Illusions et réalités, Denoël, 1999 En collaboration : L’Identité de la France, Albin Michel, 1985 L’Occident sans complexes, Carrère, 1987 La Démocratie confisquée, Jean Picollec 1989 Pourquoi croient-ils en Dieu ? Critérion 1994 S’implanter en Slovaquie, Éditions Ubifrance 2008
Remerciements : Robert Fico, Premier Ministre de la Slovaquie, Peter Kazimir, Secrétaire d’État aux Finances de la Slovaquie, Ivan Sramko, Gouverneur de la Banque Centrale de Slovaquie Henry Cuny, Ambassadeur de France, Philippe Boucly, Olivier Large, Patrick Luccioni, Vincent Barbier et tous les CCEF de la section française de Slovaquie. Viktor Primus.
Introduction Il y a dix ans, j’ai fait une démarche que je crois unique : après une vie politique bien remplie et cinq années passées au Parlement européen, je suis retourné dans une administration financière, et je suis allé, après un détour par la Turquie, habiter quatre ans au cœur géographique de l’Europe centrale, à Bratislava. Ce choix n’était pas fortuit. Outre la proximité avec la Côte d’Azur (Bratislava est plus proche de Nice, où j’ai mes attaches, que de Paris) il s’agissait pour moi de mettre mes idées en harmonie avec mes activités. Alors que le problème de l’intégration de ces pays était avant tout politique, j’avais pu constater que les réponses apportées à chacune des questions posées par les nouveaux adhérents étaient la plupart du temps des réponses techniques et normatives. De leur côté, les responsables politiques des nouveaux États membres attendaient des soutiens politiques basés sur l’assistance mutuelle, et non des « conseils », largement prodigués par des cabinets aussi onéreux qu’anglo-saxons, qui campaient dans les administrations qui avaient eu la malchance de tomber sous leur coupe, uniquement au profit des banques, qui spéculaient avec gourmandise sur la relance économique et le rattrapage de la consommation que ce « retour à la normale » économique allait provoquer. Il aurait fallu de la part des Européens des missionnaires politiques, prodiguant des conseils désintéressés allant dans le sens de l’intégration européenne et non dans celui du libre-échange et de la spéculation. –1–
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On ne refait pas l’Histoire. Mais la mémoire immédiate et fidèle de ceux qui ont vécu en direct les événements qu’ils décrivent peut avoir valeur d’exemple, et permettre d’anticiper sur les événements à venir. Vingt ans après la chute du Mur, je voudrais donner une approche précise de ce qui s’est réellement passé dans les pays nouveaux adhérents, encore tiraillés entre un euroscepticisme qui est toujours parfaitement illustré par la nomenklatura tchèque, et une méconnaissance affligeante de la réalité de ces pays par ceux-là même qui plaidaient par ailleurs, au nom du principe de liberté, pour leur adhésion rapide à l’Union.
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Retour aux principes de base La mécanique de la construction européenne repose sur des principes dont l’essence même est d’éviter les conflits. Alors que l’OTAN fut créée en 1949 sur des bases tout à la fois défensives et conflictuelles, l’Union Européenne, dans sa version CECA, fût portée en août 1952 sur des fonds baptismaux dont les principes de base étaient l’échange et le partage du charbon et de l’acier, dont la concurrence entre la France et l’Allemagne furent à l’origine des guerres de 14-18 et de 39-45. La foi chrétienne des pères fondateurs excluait par hypothèse les situations conflictuelles. Elle reposait sur des notions de répartition et de partage, c’est-à-dire l’inverse des préceptes des ultralibéraux qui n’ont retenu de la Rome Antique que le vieux et terrible dicton vae victis : « malheur aux vaincus » et qui ont traité les nouveaux États membres comme tels. Or, la Slovaquie, pays profondément chrétien, est entrée en 2004 dans un système européen laïcisé, certes, mais de par sa nature, culturellement opposée au système totalitaire qui lui avait été imposé pendant quarante-cinq ans. Mon premier contact avec une ressortissante slovaque remonte à juillet 1990. Je m’étais rendu à Prague pour participer à un colloque sur les perspectives ouvertes par la nouvelle économie. Pour moi, il y avait des Tchécoslovaques, et comme tout le monde en Europe de l’ouest, je croyais la fusion consommée. Or, mon interprète, qui parlait parfaitement le français et maniait l’art subtil de la litote, était slovaque. Au moment de partir, elle eut pour moi cette phrase dont je ne compris le sens que deux ans plus tard, au moment du « divorce de velours » : « Monsieur, vous aller retourner à Paris. Dites bien à tous ceux que vous rencontrerez que la Slovaquie n’est pas un pays –3–
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communiste, mais un vieux pays chrétien, au centre de l’Europe, qui a été temporairement gouverné par des communistes ». Le grand savant roumain Mircéa ELIADE croyait au mythe de l’éternel retour. Cette idée, profondément européenne, dont on trouve les premières traces chez les présocratiques, anime depuis toujours l’esprit des peuples européens. Les Slovaques n’y échappent pas plus que les autres. Ce que cette femme voulait me dire, c’est que la chute du mur de Berlin ne nous conduisait pas à une nouvelle ère, et réfutait le concept saugrenu de « nouvelle Europe », alors largement diffusée par les médias qui masquaient leur ignorance sous les oripeaux de la nouveauté. Or, sur place, il m’apparut clairement que ce changement n’était somme toute qu’un retour à une situation normale. Le concept était justement perçu par chacun au centre de l’Europe : c’est la liberté qui est naturelle, et la coercition qui est anormale. Pour les peuples, l’indépendance est la règle. Or, l’occupation par un autre peuple est privative de l’indépendance, donc totalement insupportable. Le sacrifice de Jan PALACH venait de le démontrer à la face de l’Europe libre. Ce vent de liberté était le vent du retour à une tradition européenne qui veut que la liberté des individus et des peuples soit indissociable du libre arbitre. La liberté, c’est le choix. 1992 fut une année majeure dans l’histoire de la Slovaquie : la signature du Pacte de Visegrad, qui engageait le pays dans le cadre de la Tchécoslovaquie à faire acte de candidature à l’Union Européenne, et la mise en œuvre de la séparation d’avec les Tchèques, effective le 1er janvier 1993 resteront pour ce pays deux références historiques à marquer d’une pierre blanche. Toutefois, il faut donner aujourd’hui tout leur sens à ces décisions cruciales, et se demander, uniquement au regard des fondements de l’Union Européenne, si ce pays a bénéficié d’une réciprocité sans faille de la part des Européens.
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Le charbon et l’acier : première désillusion Le principe de base de la création de l’Europe à travers la CECA leur a été dénié d’emblée. La CECA avait été créée pour cinquante ans en 1952, comme l’OTAN avait été créée en 1949 pour cinquante ans. Alors qu’en 1999, l’OTAN était reconduite à Washington pour cinquante nouvelles années par la signature d’un Traité de prolongation, la CECA était enterrée en 2002, la décision de la liquider ayant été « actée » par un vote du Parlement européen en 1998, sous la pression d’un lobby de sidérurgistes parmi lesquels figurait, hélas, un grand patron français qui fût ensuite un ministre de l’Économie dont le départ de Bercy ne fût regretté par personne. L’unique motivation des sidérurgistes européens était de ne plus payer la contribution à la CECA, qui était encore un instrument de collecte financière et de répartition au service de la rénovation de l’outil industriel. Ce que l’on appelait le prélèvement (0,2 % du chiffre d’affaires de ces sociétés) était à l’époque le seul véritable impôt communautaire. Cette attitude à courte vue eut une conséquence immédiate sur la Slovaquie. Celleci ayant adhéré à l’Union en mai 2004, et la CECA ayant disparu deux ans plus tôt, sa puissante industrie de l’acier fut rachetée par les Américains de US. Steel, qui sont toujours présents dans le pays. Ainsi, pour économiser quelques sous, les sidérurgistes européens, qui pourtant connaissaient le contexte, abandonnèrent l’industrie sidérurgiste slovaque à leurs concurrents, puisqu’ils s’étaient privés euxmêmes des moyens financiers communautaires qui auraient permis la rénovation de l’usine de KOSICE. J’étais personnellement impliqué dans cette affaire, car j’avais été de 1995 à 1999 le rapporteur du budget de la CECA au Parlement européen, et je pense que je connaissais le dossier mieux que personne. Durant cette période, je n’ai cessé de –5–
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combattre en faveur du maintien de la CECA au-delà de 2002, pour conserver l’outil CECA en marche pour l’élargissement prévu pour 2004. Je fus battu de quelques voix lors du vote en séance plénière. J’en tirai la conclusion qu’il ne fallait pas attendre du patronat qu’il eût l’intelligence du politique. De fait, la dernière des choses à faire est de confier les décisions macroéconomiques de nature régalienne à des patrons. Ceux-ci ne travaillent que pour ce qu’ils considèrent être l’intérêt immédiat des membres de leur groupe de pression. Manifestement, l’intérêt de l’élargissement de l’Europe, dans ce cas très précis, leur avait totalement échappé. Une vision théorique des choses, à mille lieues du terrain, uniquement basée sur le rendement et les profits financiers, avait écarté la sidérurgie slovaque du projet des pères fondateurs. C’est la raison pour laquelle, instruit par cette expérience, je n’accordais pas le moindre crédit en 2005 à ma hiérarchie de statisticiens et de futurs banquiers centraux qui me disaient être convaincu que les Slovaques ne seraient pas en état d’entrer dans l’euro en 2009. Ils n’avaient aucune connaissance du terrain, alors que j’étais sur place, que je visitais au moins une usine française par mois en Slovaquie, et que le discours et les préoccupations des patrons d’usine, notamment en matière de financement et de perte au change, étaient pour moi un vécu réel. Il en était de même pour leurs salariés qui devaient pouvoir circuler librement pour installer leur marchandise chez leurs clients en Europe. Schengen était une nécessité d’évidence. Combattre l’Europe à deux vitesses m’apparut dès ce moment-là comme une priorité absolue. Mon arrivée à Bratislava, le 1er septembre 2005, fut à la fois la révélation d’une situation politique terriblement tendue, avec des conflits d’intérêts au sein même de la coalition gouvernementale, et la confirmation d’une volonté indéniable de la population de profiter de la –6–
fin du communisme pour revenir dans le giron des pays « normaux », comme me l’avait fait comprendre mon interprète slovaque quinze ans auparavant. Il m’échut alors, parmi mes nombreuses tâches, de faire vivre la publication mensuelle de la Mission Économique « Nouvelles de Slovaquie ». Je décidais immédiatement de donner à mes éditoriaux mensuels un ton polémique et parfois grinçant, totalement en dehors de la tradition liée à ce type de publication, dont le seul but est de donner à ses lecteurs des indications statistiques sur les secteurs qui les intéressent, pour leur permettre de mesurer, avant d’explorer les possibilités d’exportation ou d’implantation, ce que les gens des métiers de l’export appellent le « risque pays ». Ces éditoriaux composent l’essentiel de cet ouvrage. En près de quatre années, avec le soutien sans faille d’un ambassadeur de France à la fois très attentif au rôle que nous pouvions jouer pour guider la Slovaquie sur la voie de l’euro et soucieux des intérêts de nos entreprises, et des chefs d’entreprises français dynamiques mais également parties prenantes dans la mise en place d’une stabilité monétaire indispensable à la plupart d’entre elles, j’ai poussé les Slovaques vers le passage à l’euro. Parallèlement, j’ai rencontré chez beaucoup d’experts financiers slovaques un scepticisme directement inspiré par l’école ultralibérale anglo-saxonne et américaine, qui avait formé dès le lendemain de la chute du mur de Berlin des cadres motivés par la fin du communisme, certes, mais totalement acquis à la loi du profit. Heureusement, le Secrétaire d’État aux Finances qui siégeait à Bruxelles pour les Ecofin et l’Euro groupe, ainsi que le Gouverneur de la Banque Centrale étaient des hommes de dialogue, soucieux de comprendre le mécanisme compliqué qui avait amené les Européens à s’unir autour de l’euro. Ils étaient, en dehors de toute affiliation politique, convaincus de la nécessité d’avoir une stabilité monétaire qui garantisse la pérennité de leur industrie. Ils surent faire partager leur conviction à leur Premier ministre. Ainsi, à la surprise générale, la Slovaquie fit son entrée –7–
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dans l’euro le 1er janvier 2009. Ces éditoriaux sont le reflet de ce petit mystère, soigneusement organisé à la mode de Jean Giraudoux et à la grande déception des Anglo-Saxons présents dans la finance à Bratislava.
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Prise de contact – Octobre 2005 – Cette fin d’été fut marquée dans les médias slovaques par une intense agitation autour de la succession de Monsieur Pavol RUSKO, ministre de l’Économie, et Président du parti libéral « ANO », révoqué par le Président de la République dans l’après-midi du 24 août, sur proposition du Premier Ministre, pour avoir refusé, le matin même, de fournir des explications en Conseil des Ministres sur des dossiers le concernant personnellement. Selon les diverses informations touchant à ce départ, le ministre en question aurait procédé à des opérations financières personnelles, que la morale réprouve, et que, parfois, la justice poursuit. Il peut paraître en effet curieux que pour rester ministre en vendant les parts d’une société de télévision dont la propriété est incompatible avec l’exercice de fonctions ministérielles, le choix du vendeur se porte sur sa belle-sœur et son assistante. Cela peut troubler, à tout le moins, les partenaires politiques d’une coalition fragile confrontée à une opinion publique sourcilleuse. L’auteur de ces lignes, tout nouvellement arrivé dans le pays, croyait naïvement, comme nous avons pu le constater en France au cours des deux derniers remaniements, que ce poste de Ministre, si convoité, ferait l’objet d’une attribution quasi immédiate. Le 26 septembre, donc un mois plus tard, le nouveau responsable slovaque de l’économie n’est toujours pas nommé. On pourrait imaginer que l’économie va trébucher, et que l’absence d’un ministre en charge des dossiers délicats de l’investissement, du pouvoir d’achat, et des projets à long et moyen terme risque de compromettre irrémédiablement les perspectives économiques du pays. –9–
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Or, il n’en est rien : tout semble se passer comme si la crise gouvernementale répondait à un constat de bon sens que le sage Henri Queuille, Président du conseil écouté sous la quatrième république, définissait ainsi : « il n’y a pas de problème que l’absence de solution ne finisse par résoudre ». L’absence de ministre de l’économie n’est donc pas, pour l’heure, un problème tel qu’il mette en péril la place de premier de la classe de la République slovaque dans le concert des nouveaux membres de l’Union européenne. Le cercle vertueux de l’économie slovaque s’inscrit en réalité dans les chiffres : une inflation de 2 % en juillet, après 2,5 % en juin et 2,4 % en mai. L’objectif que s’est fixé la Banque Nationale Slovaque (3,0-3,5 %) en 2005 pourrait être revu à la baisse. En ce qui concerne le taux de change, le mois qui vient de s’écouler a vu la couronne slovaque s’apprécier pour valoir aujourd’hui, 26 septembre, 38,56 SSK pour un euro. L’État lui-même donne l’exemple : le besoin de financement de la dette a diminué de moitié en deux ans, passant de 3,4 à 1,7 % du PIB. Rien ne semble donc remettre en cause une croissance annuelle très au-dessus de 5 %, et la seule ombre au tableau, reste un chômage encore élevé, mais qui pourrait s’atténuer avec les nombreuses créations d’emplois attendues en 2006 avec le démarrage des chaînes de production automobiles, qui viendront plus que compenser les suppressions d’emplois que la mise aux normes communautaires des entreprises privatisées a entraînées. Ainsi, la Slovaquie serait ce petit paradis où l’économie fonctionne naturellement et où les méchants sont punis lorsqu’ils prennent l’argent du contribuable pour le leur… Rendez-vous dans trois ans, après avoir constaté par expérience si cette première impression est la bonne.
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Confiance – Novembre 2005 – Le mois d’octobre aura été très positif pour ce qui est de l’approfondissement des relations entre la France et la Slovaquie. Qu’on en juge : les 7 et 8 octobre, la venue de Son excellence Philippe DOUSTE-BLAZY, Ministre des affaires étrangères et de Catherine COLONNA, Ministre déléguée chargée des affaires européennes a été une occasion privilégiée de faire le point des relations économiques entre nos deux pays. Avec le Président de la République, Ivan GASPAROVIC, avec le premier Ministre, Mikulas DZURINDA, avec le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Pavol HRUSOVSKY, avec le Ministre des Affaires Étrangères, Eduard KUKAN ou encore avec le vice-premier Ministre en charge de l’Europe, Pal CSAKY, les aspects économiques de notre coopération ont été abordés dans un esprit de large ouverture. Le 12 octobre, c’était le tour d’Ivan MIKLOS, vice Premier Ministre, Ministre des Finances, de venir à Paris, en présence du président de la Chambre de Commerce, Pierre SIMON, et de 250 chefs d’entreprises français réunis avenue de Friedland, pour exposer ce qu’il peut y avoir aujourd’hui de positif dans la confiance à accorder aux Slovaques et à leurs dirigeants. Le tour d’horizon effectué à l’occasion de ces deux visites a permis de mieux appréhender les points positifs, et de percevoir quelles pourraient être les éventuelles lacunes dans un système d’échanges qui s’accélère, et où le maître mot est « confiance ». La confiance française s’exprime tout d’abord par les investissements : le 20 octobre, France-Télécom a racheté à ses partenaires, pour 628 millions de dollars, les 36,12 % du capital de l’entreprise Orange Slovaquie qui ne lui appartenait pas encore. Orange est le numéro 1 du télé– 11 –
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phone mobile dans ce pays, avec 57 % des parts de marché. En investissant par ailleurs, avec Nortel, 50 millions d’euros dans l’UMTS pour les 5 années à venir, Orange montre bien sa détermination à accompagner un marché en pleine croissance où le chiffre d’affaires a augmenté de 20 % entre 2003 et 2004. Confiance dans l’avenir, est le credo de France Télécom. La confiance française s’exprime aussi par le souci de privilégier la recherche. En remettant à Philippe DOUSTE-BLAZY, le 8 octobre, le diplôme de membre d’honneur de la Société slovaque de cardiologie, les médecins locaux n’ont pas seulement honoré leurs collègues français en la personne du Ministre, lui-même cardiologue : ils ont voulu également souligner leur coopération avec les laboratoires SERVIER. Ceux-ci, en mettant la Slovaquie dans le groupe des 15 pays où ils développent des laboratoires de recherche (sur 140 pays où ils sont présents) considèrent que la Slovaquie a un réel potentiel dans le domaine des nouvelles technologies de la recherche médicale. Là encore, confiance dans l’avenir de la Slovaquie pour le premier laboratoire indépendant français. La confiance s’est exprimée enfin, le 14 octobre, lors de l’inauguration, en présence de l’Ambassadeur de France, de l’usine de la société COURBIS à Trnava. Cet équipementier du secteur automobile accompagnera la croissance et relève le défi des autorités du pays de développer largement les industries mécaniques. Confiance encore dans un avenir industriel pérenne. Une seule ombre au tableau aura été le départ de CARREFOUR. Dans un pays où une quinzaine d’enseignes se partagent un marché de 5,4 millions de consommateurs, les échelles d’achat jouent fatalement sur les marges, et l’effet d’éviction inévitable dû aux concentrations locales a provoqué le départ du numéro un français à l’export dans ce secteur. Ajoutons à cela des pratiques de contrôle administratif à l’égard du groupe frisant le déraisonnable, qui expliquent partiellement le retrait du géant français. Mais cet échec relatif ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. La confiance demeure. – 12 –
Neige en novembre : Noël en décembre… proverbe soi-disant belge – Décembre 2005 – Décembre, dominé sur le plan commercial par l’hypothétique clôture de cycle de DOHA de l’OMC à l’occasion de la conférence de HongKong, devait aussi permettre à la Présidence britannique du Conseil européen de conclure sur les perspectives financières de l’Union Européenne pour la période 2007-2013. On sait désormais qu’il n’en sera rien. En effet, nos partenaires britanniques, qui voyagent gratuitement dans le train communautaire depuis 1983, grâce au chèque donné généreusement à Margaret THATCHER pour lui permettre de faire face à des difficultés passagères, n’ont pas varié d’un iota depuis juillet. Au mois de juin, Jean-Claude JUNCKER, alors Président du Conseil en exercice, avait bien essayé d’expliquer que désormais, ce ticket gratuit, après 22 années d’un usage immodéré, n’était plus valable. Tony BLAIR n’en a cure : « I want my money back » est devenu l’alpha et l’oméga de la Présidence européenne actuelle et l’espoir d’une solution avant 2006 est désormais exclu. Cela ne peut pas être sans dommages pour nos amis slovaques. Il faut sans cesse rappeler que la construction européenne est avant tout un système solidaire où les équilibres régionaux doivent être privilégiés et où les plus riches doivent contribuer à une redistribution globale dont les nouveaux États membres sont désormais totalement solidaires. Or, la situation de la Slovaquie dans ce domaine est exemplaire et prioritaire, comme cela a été démontré lors de la conférence Euromontana qui s’est tenue à JASNA, dans les Basses Tatras du 24 au 27 octobre (1). (1). À laquelle la France était représentée par le Président de la 2e section « agriculture, pêche et entreprises », M. Bernard Bourget.
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Tout d’abord, il faut se souvenir que les deux tiers du territoire national slovaque sont situés en zone de montagne. Cela implique par conséquent la définition d’une stratégie d’aménagement de zone impliquant d’importants financements communautaires, notamment à travers les programmes de soutien traditionnels aux produits de montagne, mais également par l’usage des fonds « INTERREG » ou « FEDER ». En second lieu, il faut avoir à l’esprit le taux de chômage slovaque : 18 %, le deuxième d’Europe après la Pologne, concentré, comme on s’en doute, en zone de montagne. La réponse à ce défi du plein-emploi en zone rurale et montagneuse ne peut venir que d’une politique suivie et judicieuse de niches, pour des produits agricoles à forte valeur ajoutée, avec à côté un tourisme écologique fort et de petites industries à base de technologies de pointe. C’est la vocation des fonds communautaires d’aider à promouvoir ce type de projets. Enfin, il faut être conscient que ces programmes n’ont d’effet que si leur réalisation s’inscrit dans la durée, donc que leur définition se fait avec la certitude de leurs financements sur le long terme. D’où la programmation de la PAC réformée en 2003 avec une durée de vie minimale de 10 ans : la fin du programme budgétaire 1999-2006 et l’intégralité du budget prévu pour la période 2007-2013. Tout le reste n’est que littérature de gare, ou de tabloïds londoniens, et l’aveuglement de jeunes technocrates, certes sympathiques mais mal informés, pour ne pas écrire intoxiqués par la propagande anglosaxonne, ne changera rien à une réalité qui amène régulièrement des maires ruraux slovaques à demander des conseils aux services de la Mission économique. Ce qui peut se résumer en quelques mots : sans adoption du budget communautaire, il n’y a pas de PAC ; sans PAC, il n’y a pas de fonds pour l’aménagement rural, et sans aménagement rural, on ne baisse pas le taux de chômage à l’Est du pays et en zone de montagne. Il a neigé – 14 –
en novembre à Bratislava : ceux qui pensent que c’est cela qui va nous amener à fêter Noël en décembre voient un effet là où il n’y a pas de cause. Il en va de même pour la PAC : le budget communautaire n’est pas le budget générateur de la PAC : c’est parce que l’on a une vraie politique commune que l’on peut mobiliser 0,5 % du PIB des 25 pour les redistribuer entre zones riches et zones pauvres. La PAC est un outil de régulation des marchés et de redistribution des ressources dans l’aire intracommunautaire afin que 7 % des habitants de l’Europe nourrissent les 93 % qui vivent en zone urbaine ou péri urbaine, sans risquer d’être ruinés par des produits concurrents venus d’outre-atlantique où ils sont largement subventionnés par les autorités fédérales. C’est aussi bête que ça. Pour beaucoup de néo-européens, la PAC n’a qu’un seul défaut : ce n’est pas une invention de Milton FRIEDMAN. Ils ignorent certainement que l’École de Chicago a toujours été financée par la Bourse de cette ville, qui a perdu avec la PAC le monopole de la fixation mondiale des cours de la viande et des céréales, la privant par là même de son rôle de deuxième capitale économique des Etats-Unis. Ceci explique cela. Mais à Chicago, les universitaires néo-libéraux avaient la reconnaissance du ventre. Je cherche en vain depuis trois mois à Bratislava la justification réelle d’une stratégie dont le résultat est en général de rendre les pauvres encore plus pauvres, et de faire travailler des ouvriers locaux pour se nourrir de produits agricoles qui ont été récoltés à 20 000 km de là alors qu’à 200 km de chez eux, on ne récolte plus les pommes de terre par manque de débouchés (2). Comprenne qui pourra…
(2). Voir Nouvelles de Slovaquie n° 123, « Culture de pommes de terre ».
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Le pire n’est jamais certain – Janvier 2006 – La crainte d’échouer et de ruiner pour longtemps le crédit du Royaume-Uni auprès des NEM (nouveaux États membres) a finalement été plus forte que la pression des tabloïds londoniens sur le Gouvernement britannique. Donc, Tony BLAIR a accepté de revenir partiellement sur la ristourne obtenue par Margaret THATCHER il y a plus de vingt ans, et les crédits nécessaires pour le développement des zones d’objectif 1b (cohésion) ont donc été adoptés pour la période 2007-2013, dans la configuration souhaitée en juin 2005 par la Présidence luxembourgeoise. Nul doute que la Slovaquie va en bénéficier. Cela va en effet se traduire par la programmation des moyens destinés à un aménagement du territoire dont le pays manque cruellement, alors qu’il semble se dégager lentement de la maladie infantile du néolibéralisme que l’on appelle communément « loi de la jungle », maladie confirmée récemment par les résultats de quelques appels d’offres qui ont laissé les soumissionnaires et les observateurs pantois. En fait, le décollage économique réel de la Slovaquie n’est tangible que depuis le début des années 2000, et en 2004, le solde net entre son utilisation du budget communautaire et sa contribution était de 0,51 %, alors que la Grèce et le Portugal, pourtant plus riches mais vieux routiers de la subvention communautaire avaient un solde en leur faveur de 2,49 % et de 2,34 %. Pour leur part, les trois États baltes, parrainés depuis 1990 par les autres pays riverains de la Baltique, étaient tous bénéficiaires nets en raison de 2,15 % (Lituanie), 1,85 % (Lettonie) et 1,84 % (Estonie). – 17 –
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Pourquoi ? En premier lieu parce qu’un manque de cohérence dans l’aménagement du territoire se traduit automatiquement par l’impossibilité de postuler de façon efficace aux fonds communautaires dits de cohésion. Il faut se souvenir que pour la période 2004-2006, la Commission européenne, au titre des autorisations de programme, a mis à la disposition de la Slovaquie 1,18 milliard d’euros. Au 30 juin, seul 1,87 % avait été consommé. Au 31 décembre, les prévisions les plus optimistes portaient sur 8 %. Comment consommer 92 % restants pendant l’année 2006, alors qu’il faudrait déjà entreprendre la mise en œuvre de la programmation 2007-2013 ? Il est patent que les règles d’attribution des fonds communautaires sont compliquées, lourdes, très contrôlées et ne laissent pas de place à des initiatives non transparentes dans le versement des fonds. Elles s’accompagnent de surcroît d’expertises techniques suffisamment cadrées pour ne pas laisser ensuite de « flou artistique » entre ce qui a été défini par le cahier des charges et ce qui est livré. Ceux qui l’oublient se font rappeler à l’ordre par la Cour des Comptes européenne et la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen, deux instances où ne souffle pas le vent de la fantaisie. En second lieu parce que l’appel à des investisseurs étrangers permet de négocier directement avec celui qui prend le risque d’investir, hors contrôle des instances communautaires. Le scandale RUSKO, dont on découvre dorénavant qu’il ne se limitait pas à MARKIZA mais s’appliquait aussi à KIA-MOTORS et à HANKOOK a contraint le Gouvernement et le Parlement à réagir et à réduire les « incitations » financières et fiscales à des proportions raisonnables pour limiter la part des « retours sur investissement » (pour être poli) dans les poches personnelles de ceux qui participent au processus d’attribution. Comme par hasard, il faut constater que ces trois sociétés n’étaient pas européennes, mais américaines ou coréennes. Les nouvelles perspectives budgétaires vont donc ouvrir en grand les robinets de la manne européenne, et peut-être permettre enfin à – 18 –
ce pays de s’engager dans la voie des équilibres territoriaux et de l’aménagement sur le modèle européen classique. Selon EUROSTAT, 20 % des Slovaques vivent encore en dessous du seuil de pauvreté. Ils vivent dans les régions où le besoin d’Europe est le plus criant et le plus utile. Les Anglais ont ainsi fait preuve d’une conscience politique européenne dont beaucoup, moi le premier, ne les croyaient pas capables. Il appartient aux NEM, et aux plus pauvres parmi lesquels se trouve la Slovaquie, de ne pas les décevoir en utilisant au mieux ces sommes considérables dont les Irlandais, les Portugais ou les Grecs ont si bien su profiter avant eux.
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La Slovaquie est le seul ancien membre du Pacte de Varsovie à avoir réussi son entrée dans l’euro cinq ans après son adhésion à l’Union Européenne. Ces chroniques, qui vont de l’automne 2005 au printemps 2009, relatent, mois après mois, les efforts réalisés par ce petit pays de 5,4 millions d’habitants, à la forte tradition industrielle, pour intégrer la zone euro. En soulignant, parfois avec un humour grinçant, les entraves mises sur sa route par les « amis » anglo-saxons, en stigmatisant la cupidité des spéculateurs, et en mettant en exergue des pratiques politiques d’un autre âge, l’auteur explique minutieusement ce qui a paru, pour beaucoup d’observateurs, comme le miracle slovaque. Malgré les embûches, le gouvernement socialiste de Robert Fico a relevé le défi, et a réussi là où ses voisins d’Europe centrale ont échoué, démontrant ainsi des qualités que peu d’observateurs leurs accordaient. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » aurait pu être la devise de cette équipe jeune et inexpérimentée, mais qui a su pendant quatre ans, faire le choix de l’intégration européenne, en sachant résister à la pression ultralibérale des banquiers d’outre-Atlantique. L’auteur : Jean-Antoine Giansily est né à Ajaccio en 1947. Après des études de philosophie et de sciences économiques, il occupera à partir de 1972 divers postes à l’administration centrale du Ministère des Finances comme Contrôleur Financier. Disciple d’Antoine Pinay, auquel il a consacré un ouvrage, il conduit parallèlement une carrière politique, qui l’amènera à être élu à Paris en 1983 avec Jacques Chirac. Il sera ensuite l’adjoint de Jean Tibéri à l’Hôtel de Ville (de 1995 à 2001) et siégera au Parlement européen de 1995 à 1999. En 2001, écœuré par les pratiques qu’il juge profondément débiles de beaucoup de ses collègues de la majorité municipale sortante, il renonce à la vie politique et revient au Ministère des Finances comme Conseiller économique et commercial. Il va occuper successivement les postes d’expansion économique d’Istanbul, de 2001 à 2005, puis de Bratislava de 2005 à 2009. Il est aujourd’hui vice-président délégué du Centre International de Formation Européenne de Nice, auprès du Président Jean-Claude Juncker.
17 € ISBN : 978-2-915922-41-7