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Avant la prise d’Alger en 1830, le Maghreb central est un État vassal de l’empire ottoman. Avec à sa tête le dey, la Régence d’Alger possède tous les attributs d’un État souverain, mais sa population ne constitue pas une nation au sens moderne. L’État se limite à des dignitaires qui perçoivent l’impôt en s’appuyant sur le corps militaire des janissaires, l’odjaq, mal aimé de la population. La conquête suscite une résistance armée, animée par le bey Ahmed, ancien beylik (gouverneur) de Constantine, puis l’émir Abdelkader, puis des révoltes, chaque fois que des terres sont confisquées
Proclamation de l'état de siège le 25 avril 1871 suite à la révolte de Mokrani en Kabylie
pour être confiées aux colons. Mais toutes ont une base locale et tribale, et ne s’étendent jamais à tout le pays. Plusieurs lois, en 1851, 1863 et 1873, permettent la saisie des meilleures terres au profit des européens et affaiblissent les tribus, qui constituent alors les principaux espaces de vie sociale et d’appartenance identitaire. Le pouvoir aux mains de la minorité européenne impose à la majorité une juridiction particulière en 1881, le « code de l’indigénat », qui crée une trentaine de délits applicables aux seuls algériens musulmans, assortis de sanctions individuelles ou collectives pouvant aller jusqu’à l’éloignement ou l’internement hors du pays. La population autochtone est surtout rurale : 93% en 1870, elle le sera encore à plus de 80% en 1954. La scolarisation est faible : en moyenne, en 1954, un
« Mme Jules Carde préside à la distribution de couscous aux meskines (pauvres) à l’occasion de la nouvelle année. » L’afrique du Nord illustrée 27 janvier 1934
enfant algérien musulman sur dix (un garçon sur cinq, une fille sur seize) va à l’école primaire ; dans les campagnes, la moyenne n’est plus que de un sur cinquante, parfois sur soixante-dix. Selon l’ethnologue Germaine Tillion, la proportion d’algériens musulmans illettrés en français est de 94% chez les hommes et 98% chez les femmes. Pour échapper à la pauvreté, on se dirige vers le salariat dans les domaines coloniaux ou l’engagement dans l’armée, seule présence française dans beaucoup d’endroits. Dès les débuts de la conquête, les zouaves, les spahis et les tirailleurs algériens sont un débouché pour des
Carte postale diffusée par le Parti du peuple algérien de Messali Hadj en 1947 en hommage aux victimes de la répression après le 8 mai 1945 dans le Constantinois.
hommes dont les qualités guerrières sont appréciées. Le service militaire est imposé en 1911. Plus de 500 000 algériens musulmans portent l’uniforme français durant les deux guerres mondiales. Le mouvement national algérien qui naît dans l’immigration en France, en 1926, touche peu les campagnes. Le sentiment d’appartenance, même après 1954, n’y dépasse guère le cadre du village, de la vallée ou de la tribu, mais, à l’intérieur de ce cadre, la solidarité est très forte, au point de prendre les armes pour défendre un de ses membres quand il est attaqué, y compris par un
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chef de maquis de l’ALN.
Avant 1954 L’Algérie colonisée