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Bien qu’à la veille des accords d’Évian, les officiels français avaient multiplié à l’égard des harkis les paroles rassurantes, ils ont contredit ensuite toutes leurs promesses. En février 1962, le Délégué général en Algérie Jean Morin déclarait : « La République française maintiendra la nationalité française à tous ceux qui, en Algérie, la possèdent actuellement et ne manifesteront pas la volonté de ne plus l’avoir. » Cependant, le
Un jeune harki en famille, dans sa mechta à Bordj Okhris, en 1961, le jour de l'Aïd. Sa femme prépare le couscous, sa petite fille rayonne de joie, mais son regard révèle une immense angoisse.
Premier ministre Michel Debré annonce peu après, le 13 mars, que les « Français-Musulmans d’Algérie » perdront automatiquement la citoyenneté française s’ils demeurent en Algérie et ne pourront la reprendre que s’ils viennent en métropole après l’autodétermination. Une loi le confirme un mois plus tard : contrairement aux « Français de statut civil de droit commun » d’origine européenne qui restent citoyens français, « les personnes de statut civil de droit local originaires d’Algérie » perdent la nationalité française, ce qui ressuscitait la distinction entre citoyens et indigènes que la constitution de la Ve République avait abolie et qui était, par conséquent, en totale contradiction avec elle. En même temps, le gouvernement fait tout pour éviter et freiner le rapatriement des harkis, ce qui signifie l’abandon de ceux d’entre eux qui étaient menacés, ainsi que de leur famille.
Seghira, trente-six ans en 1962 née dans les Aurès « À la fin de la guerre, nous avions été abandonnés et livrés aux mains de ceux que nous avions combattus. La population s'était vengée sur les harkis. Les hommes les insultaient, les égorgeaient pendant que les femmes lançaient des “youyous”. Si le FLN n'était pas intervenu pour mettre de l'ordre et arrêter le massacre des harkis et leur humiliation, aujourd'hui, il n'y aurait plus un seul harki de vivant. »
La plupart des supplétifs – comme aussi des soldats « de souche Nord-Africaine » démobilisés – qui n’avaient pas rejoint la force locale de l’Exécutif provisoire ou les maquis de l’ALN, pensaient revenir vivre normalement dans leur village après l’indépendance. Mais beaucoup ont été victimes de massacres et de violences barbares, dans un contexte où l’armée française était consignée dans ses casernes, où l’Exécutif provisoire s’effondrait et où le pays connaissait une vacance du pouvoir du fait de la crise du FLN et de l’affrontement entre les nationalistes. C’est dans ces conditions qu’outre les massacres, d’anciens supplétifs ont été employés au déminage de zones aux frontières et d’autres internés dans des camps ou des prisons. Autant de persécutions qui étaient en contradiction formelle
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avec les accords d’Évian.
1962
L’abandon et les massacres des harkis