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DÉVELOPPER LA DIMENSION SOCIALE ET MORALE DES ENFANTS GRÂCE À LA LITTÉRATURE JEUNESSE
Le mimétisme émotionnel des tout-petits gagne à être nourri par des lectures qui leur permettent de s’identifier et de développer leurs aptitudes sociales et morales, selon notre ambassadrice CJ. Découvrez comment elle les exploite !
DÉVELOPPER LA DIMENSION SOCIALE ET MORALE DES ENFANTS GRÂCE À LA LITTÉRATURE JEUNESSE
PAR VALÉRIE FONTAINE autrice jeunesse et ambassadrice CJ pour l’année scolaire 2022-2023
À partir d’environ un an, l’enfant devient très sensible aux émotions de ses parents et des adultes significatifs auxquels iel s’est attaché. Il guettera leurs réactions et modèlera les siennes en conséquence. Ce mimétisme m’a toujours fascinée ! Combien de fois avons-nous vu un enfant se blesser légèrement, puis vérifier notre réaction avant de rire ou de pleurer ? Ce n’est pas pour rien qu’on lui dit habituellement : « Boum ! T’es tombé·e ! Ce n’est pas grave ! ». De la même manière, les petit·e·s mesurent le danger en évaluant les émotions des adultes de confiance. Par exemple, ils jaugent notre réaction quand iels croisent un chien, en se demandant : « Dois-je en avoir peur ou pas ? ».
LA FORCE DE LA CONFIANCE ET DE L’ATTACHEMENT
Lors de mes études en enseignement, une vidéo de mon cours de psychologie de l’enfant m’a particulièrement marquée. On y plaçait un enfant d’environ un an (il se déplaçait à quatre pattes) à l’extrémité d’un plancher de verre qui semblait surplomber du vide. De l’autre côté de ce même plancher, on plaçait la mère. Le petit s’avançait un peu, puis s’arrêtait lorsqu’il avait l’impression qu’il arrivait à la fin du sol. Il jetait alors immédiatement un coup d’œil à sa mère avant de se décider à avancer. L’étude avait démontré que l’enfant s’aventurait sur le plancher de verre si la mère affichait un visage encourageant, alors qu’à l’inverse, il s’assoyait et n’avançait plus si elle affichait de la peur ou de l’inquiétude. Tout cela sans échanger un seul mot et sans aucune preuve du danger réel !
Une belle marque de confiance et d’attachement… et une bonne démonstration que les petits décodent très bien les expressions faciales ! Donc, pourquoi ne pas utiliser ces aptitudes à leur pleine capacité en leur offrant des contacts avec diverses émotions, histoire de développer leur empathie et de leur donner quelques outils pour faire face au monde qui les entoure ?
LES LIVRES, DES MOTEURS DE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET MORAL
Je suis de celleux qui pensent que les albums sont d’excellents médiums pour communiquer, à travers les personnages qui les habitent, diverses réactions aux événements, positives comme négatives. Mais ils provoquent aussi des réactions chez les lecteur·rice·s, qui devront ensuite évaluer les événements à leur tour, en les passant dans le filtre de leurs propres valeurs et de leur vécu. Il s’agit par conséquent d’une excellente porte d’entrée pour développer la dimension sociale et morale de nos petit·e·s.
Les illustrations des albums constituent un support efficace et précieux. Elles offrent habituellement des représentations claires des émotions des personnages, en plus de fournir un contexte pour les supporter. Lors de l’animation d’un livre, il est ainsi pertinent d’attirer l’attention des enfants sur les expressions faciales des personnages, sur leur posture. De leur demander comment se sentent ces personnages, et quels indices les amènent à cette conclusion. Ou encore de mimer l’expression et la gestuelle des personnages en question.
Une fois que les enfants ont pris conscience des émotions vécues par les personnages, on peut rediriger leur attention sur leurs propres émotions, car spontanément, iels s’identifient aux héros et héroïnes des histoires (comme la majorité des lecteur·rice·s, d’ailleurs). Comment réagiraient-iels dans une situation similaire ? De la même façon que le personnage, ou bien d’une façon différente ? Les enfants exerceront ainsi leur jugement critique et pourront se référer à cette réflexion s’iels sont confrontés à une telle situation dans le futur. De quoi favoriser le développement d’aptitudes sociales et morales presque sans effort !
Quelques titres inspirants
J’ai dans ma bibliothèque plusieurs livres parfaits pour explorer des notions sociales et morales avec les petits :
Dans les souliers d’Amédée, de Véronique Lambert et Éléna Comte (Fonfon) aborde le thème de l’empathie, en mettant en scène un cordonnier avec un talent particulier. Chaque nuit, il lui suffit d’enfiler une paire de souliers pour voyager et découvrir la vie des propriétaires des chaussures qu’il répare. Ce faisant, il réussit à se mettre à la place des autres. L’image est forte et marquera à coup sûr les enfants pour longtemps.
La corde à linge d’Orbie (Les 400 coups) relate l’histoire de Réal, un garçon qui habite au-dessus d’un dépanneur de quartier. Dès qu’il reçoit de l’argent de poche, il dévale les marches et se sert de la corde à linge pour terminer sa descente et courir au dépanneur. Jusqu’à ce qu’un jour, son habitude lui joue un mauvais tour. J’aime ce titre pour la simplicité de l’événement dramatique vécu par le personnage principal, ainsi que pour ses expressions faciales diversifiées et faciles à interpréter.
C’est ma cabane !, de Drew Daywalt et Olivier Tallec (Scholastic) est une bande dessinée pour les tout-petits qui met en scène deux personnages attachants, Singe et Gâteau, qui vivent des situations auxquelles les bambins peuvent facilement s’identifier. Dans cette histoire, Gâteau décide de construire une cabane pour lui tout seul, et Singe se sent exclut. Mais quand Gâteau se rend compte qu’il s’ennuie, il décide d’inviter son ami pour que les deux puissent s’amuser dans la cabane.
Enfin, je conseille mon livre Grandedent, presque terrifiant, illustré par Fanny Berthiaume (Scholastic) pour s’amuser à décoder les émotions des personnages en observant leurs visages. Grandedent est un monstre terrifiant qui s’amuse à faire peur aux enfants chaque nuit. Mais lorsqu’il arrive à Bravoureville, ses trucs habituels ne fonctionnent plus et il se demande s’il conservera son titre de champion de la peur.
À PROPOS DE VALÉRIE FONTAINE
Valérie Fontaine adore les défis et croque dans la vie à belles dents. Cofondatrice des Éditions Fonfon en 2010, enseignante au primaire jusqu’en 2017, elle se consacre maintenant à temps plein à sa carrière d’autrice pour la jeunesse. À ce jour, elle a publié plus de 45 livres pour la jeunesse, des albums et des romans pour les petits, les grands et les adolescents. Son album Le grand méchant loup dans ma maison, a été finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général dans la catégorie Littérature jeunesse – livres illustrés en 2020.