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MENER UNE DISCUSSION PHILOSOPHIQUE GRÂCE À LA LITTÉRATURE JEUNESSE

Lorsqu’elle n’invente pas des histoires pour les enfants, l’autrice Stéphanie Boyer est conseillère pédagogique, consultante… et adepte de philosophie ! Elle nous explique comment elle adopte cette approche avec les jeunes, et illustre son point de vue avec un exemple d’atelier de philo sur le thème de l’environnement.

MENER UNE DISCUSSION PHILOSOPHIQUE GRÂCE À LA LITTÉRATURE JEUNESSE

PAR STÉPHANIE BOYER, Autrice

Quand je dis aux gens autour de moi que je fais de la philo avec des jeunes, on me regarde parfois d’un air perplexe. De la philo… avec les enfants ? Oui, avec des enfants ! Ce qui est tout à fait naturel lorsqu'on y réfléchit bien. Les enfants sont en effet curieux·ses et se posent beaucoup de questions. De grandes questions ! Il est donc important de leur offrir un espace de liberté où iels pourront s’exprimer en sachant qu’on accorde de la valeur à leurs idées, mais aussi un espace où iels apprendront à mieux penser en le faisant avec les autres.

Philosophie et littérature jeunesse

Mes ateliers débutent toujours (ou presque) avec la lecture d’un album de littérature jeunesse. Pour moi, la fiction est la meilleure porte d’entrée pour explorer le monde des idées. Elle nous permet d’avoir accès à des points de vue différents du nôtre, et même à des expériences que nous ne pourrons jamais vivre dans la réalité.

Évidemment, toutes les histoires ne se prêtent pas forcément bien à des ateliers de philosophie. Je privilégie les albums qui résistent à une compréhension immédiate, c’est-à-dire ceux qui offrent un espace de jeu pour que les enfants se questionnent et interprètent le récit de façon personnelle. Ce sont des atouts que possède l’album N’aie pas peur (Comme des géants), d’Andrée Poulin et Véronique Joffre, qui sert de déclencheur pour mon atelier sur l’environnement. Ce livre, inspiré d’un fait vécu, porte sur le sauvetage par un petit garçon et sa maman d’un ourson prisonnier d’un conteneur à déchets. L’album est résistant en raison de son économie de mots et de sa structure. Afin de combler les blancs de l’histoire, une mise en relation du texte avec les images est nécessaire. De plus, les enfants sont invité·e·s à interpréter le choix de l’autrice de présenter, au départ, les parcours des différents protagonistes.

PHILOSOPHIE, LITTÉRATURE JEUNESSE ET ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

Une fois l’album déclencheur choisi, j’identifie la façon dont ses différentes composantes peuvent alimenter un questionnement philosophique sur le thème central. Dans le cas de l’album N’aie pas peur, la lecture du livre permet de combiner philosophie et éducation à l’environnement grâce au cadre, au rôle des personnages et à la structure. L’histoire se déroule sur un terrain de camping, un endroit habité par des humain·e·s et des animaux sauvages. Les premier·ère·s ont un impact à la fois négatif et positif sur les seconds. L’ourson est prisonnier d’un conteneur à déchets parce qu’un·e humain·e n’en a pas bien refermé le couvercle. Par contre, il est libéré grâce au courage et à l’ingéniosité d’un garçon et de sa maman.

L’histoire, présentée sans jugements de valeur, nous donne l’occasion de nous pencher sur notre part de responsabilité dans la destruction et/ou la protection de la nature, en nous posant des questions telles que : « Avons-nous la responsabilité de protéger les animaux et la nature ? Si oui, devons-nous limiter la présence humaine dans la nature, ou bien mieux l’encadrer ? »

De plus, le parallèle effectué entre les activités et les émotions des protagonistes permet de réfléchir aux ressemblances et aux différences entre les humain·e·s et les animaux. Différentes questions sont alors susceptibles d'émerger : pourquoi traitons-nous les animaux différemment des humain·e·s ? Pourquoi certaines différences semblent-elles importantes, lorsque nous décidons de traiter chaque être d’une certaine manière ? Les animaux ont-ils des droits ?

RÉFLÉCHIR ET S’EXPRIMER, À HAUTEUR D’ENFANT

Avec les enfants, je prends avant toute chose le temps de distinguer une question philosophique d’une question « normale ». Après quelques exercices sur ce sujet, je les invite à écouter l’histoire, de manière à ce qu’iels formulent leurs propres questions philo. Mon travail de préparation m’outille donc pour mieux les accompagner dans cette tâche, sans néanmoins leur imposer mes idées. Une fois ces étapes franchies, nous sommes ensuite prêt·e·s à plonger dans la discussion philosophique elle-même !

Aimeriez en savoir plus ? Pour vous familiariser avec les bases de cette approche, vous pouvez visionner avec vos enfants ou vos élèves la vidéo suivante: https:// youtu.be/x4kcRa-sTZE

À PROPOS DE STÉPHANIE BOYER

Stéphanie Boyer est autrice jeunesse, conseillère pédagogique en Outaouais et consultante pour différentes maisons d’édition et organisations culturelles. Elle a jusqu’à maintenant signé plusieurs albums et un récit poétique à connotation sociétale.

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