4 minute read
Devenir enseignante en français dans l’Ouest canadien
PAR MARIE-LOU LABARRE orthopédagogue et enseignante
Tout quitter pour partir à la conquête de l’Ouest… ou plutôt pour y démarrer une nouvelle vie à titre de professeure francophone. Voici l’expérience que relate notre nouvelle collaboratrice Marilou La Barre, titulaire d’un baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale.
Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles je vis, j’écris et je lis font partie du territoire traditionnel non cédé des nations Ktunaxa, Okanagan et Sinixt. Je souhaite manifester ma gratitude, honorer et respecter leurs enseignements et leurs traditions.
Été 2016, je reviens de l’Europe après avoir travaillé pendant plusieurs mois dans un lycée allemand afin de promouvoir la culture francophone et québécoise. J’ai le cœur en compote de pommes (parce que c’est ma préférée). Rapidement, je suis à la recherche d’une nouvelle aventure. Je passe une entrevue à Montréal qui n’est pas concluante. C’est alors que le téléphone sonne. Un appel de l’Ouest. La suite des évènements est un peu floue, mais je me rappelle que, en moins de quarante-huit heures, je décroche un emploi au sein d’un conseil scolaire francophone et m’envole pour la Colombie-Britannique dans les jours qui suivent. À ce moment-là, ma cousine habite l’île de Vancouver et elle se réjouit de m’accompagner dans l’écriture de ce nouveau chapitre. Il ne m’aura fallu qu’un instant pour retomber en amour avec l’immensité d’un océan, le goût de l’air salin et la beauté du paysage. C’est ainsi que, un après-midi du mois d’août, quelque part dans les airs, entre Montréal et Vancouver, l’Ouest canadien est devenu ma résidence permanente.
J’ai depuis cette date quitté l’île de Vancouver. Aujourd’hui, j’habite à Rossland, un petit village au creux des montagnes, dans les terres de la Colombie-Britannique, près des frontières américaines. Nous sommes environ 3500 habitant·e·s. Malgré cette population assez modeste, on y trouve une importante communauté de francophones et francophiles. Dans une école de moins de cent élèves, j’occupe un poste d’orthopédagogue à temps partiel que je complète avec du temps d’enseignement en salle de classe. Eh oui ! La réalité des petites écoles francophones de la ColombieBritannique est que l’on finit par développer une expertise dans plusieurs domaines. En plus d’être orthopédagogue, j’enseigne les sciences, les mathématiques, l’éducation physique, les arts médiatiques, l’étude des aliments et j’en oublie sûrement ! C’est dans ce genre de situation que ta petite équipe, formée de formidables collègues rapidement devenu·e·s ta famille adoptive, joue un rôle clé dans ton intégration.
N’ayant que très peu travaillé au Québec dans le domaine de l’enseignement, il m’est difficile de constater les ressemblances et les différences entre les systèmes scolaires franco-colombien et québécois. À la manière d’un « Trouvez les différences », je peux vous parler de quelques aspects particuliers de notre environnement. Tout d’abord, il n’existe qu’un seul conseil scolaire francophone pour l’ensemble de la province. Force ou défi supplémentaire ? Ça dépend des lunettes que l’on choisit de porter sur son nez. Le français se mélangeant rapidement à l’anglais, un peu comme dans les Maritimes, les règles sont moins claires et sans doute plus flexibles. La diversité, d’une communauté à une autre, est très grande. J’aime penser que le français ne se fait pas assimiler, mais plutôt, qu’il se démarque par sa souplesse et par son sens de la débrouillardise. Nos familles sont anglophones, exogames et francophones. Elles ont autant de déclinaisons de couleurs que le plus gros paquet de crayons de bois auquel on peut penser. Les élèves sont curieux·ses. Iels se demandent par exemple pourquoi le verbe être est utilisé en anglais (comme dans « I am hungry ») alors qu’en français, on utilise le verbe avoir (« j’ai faim ») pour faire savoir aux autres que notre estomac gargouille.
Cette année, comme je prends une pause de la salle de classe, je compte en profiter pour m’évader à travers la littérature francophone. Au plaisir de vous partager mes découvertes dans les prochains numéros de ce magazine !
À PROPOS DE MARIE-LOU LA BARRE
Marie-Lou La Barre vit et enseigne en français en Colombie-Britannique depuis 2016. Son expérience d’orthopédagogue et enseignante à différents niveaux (plus récemment, de la 4e à la 9e année) lui permet d’avoir un regard éclairé sur des difficultés d’apprentissage scolaire, en lecture et en écriture par exemple. Marie-Lou est également fascinée par l’agilité des auteurs à agencer lettres, phonèmes et graphèmes pour découvrir une possibilité infinie de phrases, de paragraphes et d’histoires à raconter.