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Faire de sa classe une communauté de lecteur·rice·s et de scripteur·rice·s
PAR ISABELLE MONTÉSINOS-GELET, pour Le Pollen
En plaçant la littérature au cœur de l’enseignement, on bâtit une communauté de jeunes aux compétences certaines en lecture et en écriture. Pour y parvenir, voici les précieux conseils de la didacticienne et codirectrice de la revue Le Pollen, Isabelle Montésinos-Gelet.
Pour devenir compétent·e en lecture et en écriture, l’appartenance à une communauté de lecteur·rice·s et de scripteur·rice·s est très avantageuse. La création d’une telle communauté est un moyen efficace de placer la littérature au cœur de l’enseignement.
Lépine (2013) estime que pour créer au sein d’une classe une communauté de lecteur·rice·s, trois conditions sont nécessaires : « 1) proposer directement dans les classes une quantité appréciable de livres ; 2) offrir aux élèves la possibilité de choisir leurs propres lectures ; 3) favoriser les occasions d’échanger à propos de ces lectures, et ce, tant à l’oral qu’à l’écrit ».
Pour ce qui est de la communauté de scripteur·rice·s, Turgeon et Tremblay (2018) dégagent huit principes : 1) adopter une posture d’auteur·rice, tant chez les élèves que l’enseignant·e ; 2) écrire quotidiennement ; 3) enseigner la démarche d’écriture ; 4) valoriser la créativité ; 5) évaluer tant le processus que le produit ; 6) avoir recours à la littérature jeunesse comme modèle ; 7) montrer du respect envers le travail des autres ; 8) offrir des rétroactions constructives.
Pour se servir des œuvres lues comme des modèles pour écrire, il faut aussi apprendre à analyser les procédés d’écriture adoptés par les auteur·rice·s. Afin d’y parvenir, il importe de se doter de critères d’analyse et d’approfondir la connaissance d’auteur·rice·s à l’univers riche.
Saricks (2009) propose des critères qui s’avèrent très riches pour analyser des œuvres narratives. Ils concernent les personnages, l’intrigue, le cadre, la tonalité émotionnelle, le rythme et le style. Connaître des procédés associés aux attraits permet aux lecteur·ices·s de définir ce qui leur plaît et aux scripteur·rice·s de prendre conscience d’une variété de moyens pour enrichir leurs productions.
Il y a de nombreux·ses auteur·rice·s à l’univers riche. Par exemple, le tableau 1 présente quelques procédés à observer par rapport aux différents attraits dans les œuvres de François Gravel.
Quelques attraits des livres de François Gravel
Illustré par Jean-Baptiste Drouot, cet album aborde le thème du vedettariat en faisant référence à Elvis Presley. Un Québécois, Elphège Tremblay, présenté comme l’oncle du narrateur, cherche à imiter le chanteur pour plaire aux filles. Le procédé qui peut être observé par rapport au personnage est l’idée de l’associer à une célébrité connue de tous.
Série HOP HOP, sous le frigo! Ill.: Virginie Egger Éditions FouLire 2021 Ce roman dystopique met en scène Louis, qui est aussi le narrateur interne de ce roman, et sa confrontation à une société terrifiante. En effet, sur la 4e de couverture, les lecteur·rice·s apprennent que Louis « a été vendu par ses parents au Laboratoire de la Société ». Malgré ce thème grave, le récit est raconté avec légèreté et humour du point de vue d’un enfant autiste aux multiples talents. Cette œuvre est donc un excellent choix pour observer une variété de procédés humoristiques par rapport à l’attrait de la tonalité. Ce roman est en fait le projet d’écriture que Louis réalise à la demande de son enseignante et de sa stagiaire.
Le titre de ce roman d’horreur oriente d’emblée l’attention vers un lieu. Or, la mise en scène de cadres effrayants est un attrait fréquent dans ce genre littéraire. Le récit se passe dans la ferme de l’oncle du narrateur, et les descriptions de lieux y abondent. Le procédé qui peut être observé par rapport au cadre concerne les descriptions du champ qui créent une forte tension narrative, en accentuant son caractère mystérieux et hors de l’ordinaire. Pour ce qui est de la tonalité, il est possible de relever les procédés qui contribuent à susciter la peur.
François Gravel produit de nombreuses séries, notamment HOP, histoires de chat. Ces productions affectent le rythme, car l’envergure et la structure des histoires d’un tome à l’autre sont très semblables. Par ailleurs, dans HOP, sous le frigo, l’auteur joue avec la macrotypographie sémantique en utilisant un mot comme élément de l’illustration, ce qui est un procédé stylistique. Par exemple, sur les pages 13 et 14, l’illustration montre un chat derrière les barreaux d’une prison pour correspondre au mot « enfermé ».
En plus d’être un auteur idéal pour montrer aux élèves une grande variété de procédés, un des documentaires que François Gravel a écrits, Comment se faire un million d’amis (Québec Amérique, 2014), concerne directement sa passion pour la lecture et constitue un livre très pertinent pour introduire le projet de faire de la classe une communauté de lecteur·rice·s et de scripteur·rice·s. Ainsi, présenter un auteur ou une autrice d’une telle richesse à une communauté de lecteur·rice·s et de scripteur·rice·s est un moyen de mettre la littérature jeunesse au cœur de l’enseignement et de favoriser le développement des compétences des élèves.
Références théoriques Lépine, M. (2013). Des lecteurs pour la vie. Vivre le primaire, 26, 5. Saricks, J. G. (2009). The readers’ advisory guide to genre fiction. American Library Association. Turgeon, E. , & Tremblay, O. (2018). Adopter une posture d’auteur pour mieux enseigner l’écriture. Vivre le primaire, 31 (4), 8-10.
À PROPOS D’ISABELLE MONTÉSINOS-GELET
Isabelle Montésinos-Gelet est codirectrice de la revue Le Pollen, une ressource publiée par l’Université de Montréal et destinée aux professionnel·le·s de l’éducation qui souhaitent mettre la littérature jeunesse au cœur de leur pratique. Elle a également présenté la conférence d'ouverture de la dernière édition du Pédago Fest.