Lettre Culture Science N11

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la lettre

Culture Science

11 N°11 - Avril 2014

Antipolis une publication de l’Université Nice Sophia

Alzheimer à lʼheure des nouvelles technologies

le Pr Philippe Robert (à gauche) avec un patient et un doctorant de l’Inria

LʼInstitut Claude Pompidou a ouvert ses portes en mars dernier. Le nouveau bâtiment, centre pilote situé rue Molière à Nice, est lieu dʼaccueil, dʼhébergement, de soins, dʼenseignement et de recherche sur la maladie dʼAlzheimer. Le CHU et lʼUniversité Nice Sophia Antipolis y développent notamment de nouveaux outils, pour une prise en charge non médicameneuse de la pathologie. Une approche peu médiatisée et pourtant très dynamique sur le plan de la recherche, y compris au-delà des murs du tout jeune Institut. Dehors, les grimpantes entament à peine leur course sur l’enceinte grillagée. Le bâtiment repose sur des murs de verre, derrière lesquels le passant distingue tables et chaises, encore largement inoccupées. Mais, depuis le 31 mars, l’équipe de recherche clinique CoBTeK (1), logée à l’Institut Claude Pompidou (ICP), reçoit des patients. Médecins et ingénieurs développent ici des approches non médicamenteuses, pour le traitement des personnes âgées atteintes de démences, avec en première ligne la maladie d’Alzheimer. « L’Inria (2), le CHU et l’Université Nice Sophia Antipolis se sont fixé comme objectif d’utiliser les nouvelles technologies dans l’évaluation et la stimulation des patients », raconte le Pr Philippe Robert, psychiatre et coordonnateur du Centre Mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR). Toute la moitié du premier étage de l’ICP révèle ainsi des espaces inhabituels. Au détour des couloirs blancs, un téléviseur mural sert d’écran pour un jeu vidéo intelligent, un serious game maison. Pour jouer à celui-là, grâce à la technologie Kinect développée pour une console de jeux vidéo, il suffit d’utiliser les mouvements de son corps. À quelques pas, la salle pour l’évaluation des troubles comporte du mobilier aux lignes contemporaines et des cartons encore à demi ouverts. « Utiliser la boîte à pharmacie, faire un chèque. Nous allons

tester ici la réalisation des activités de la vie quotidienne. Auparavant, nous accédions à ces informations de façon indirecte et subjective, en interrogeant l’entourage », explique le Pr Robert. Des caméras, placées dans la pièce et dans le couloir, filment les patients en train de réaliser des scénarios type. Néanmoins, l’objectif n’est pas pour les scientifiques de visionner les bandes. Carlos Crispim, en thèse au sein de l’équipe STARS (3) de l’Inria, a installé l’équipement et développe des algorithmes capables d’isoler une forme humaine sur l’image ou d’interpréter des actions. « J’essaye d’automatiser un programme pour qu’il ne reste à la fin qu’un résumé de la séance. Où est allé le patient, pour quoi faire, combien de temps cela a-til duré? », précise le chercheur. De la même façon, les médecins peuvent étudier par exemple la vitesse de marche des malades. « Ce dispositif vient compléter les consultations mémoire, dans le suivi diagnostic. Mais il y a aussi tout un volet de stimulations possibles. Nous cherchons à réentraîner, sur le plan cognitif, des personnes, à améliorer leur qualité de vie », souligne le Pr Robert.

Immersion dans le virtuel Avec une seconde équipe de l’Inria, REVES (4), il entend notamment inaugurer une salle

d’immersion dans la réalité virtuelle. En 2013, dans les locaux sophipolitains des spécialistes du numérique, il a déjà pu tester, sur des sujets témoins, si cette réalité était acceptable pour le cerveau et si elle pouvait faciliter la réminiscence de souvenirs anciens. Ce projet s’inscrit dans un programme plus étendu, baptisé VERVE, financé par l’Agence Nationale pour la Recherche. Il permettra ici de plonger les personnes âgées dans des lieux clé de la région niçoise, comme la place Masséna ou la Promenade des Anglais. Un autre volet a également permis de développer un serious game exportable au domicile des personnes suivies. Pierre-David Petit, post-doctorant en sciences du mouvement, en a rédigé le scénario clinique. « Il s’agit d’un jeu de cuisine. Les patients ne doivent pas réaliser une recette, mais reconnaître des ingrédients et planifier des tâches, comme de décider quand allumer le four », raconte le chercheur. L’équipe CoBTek prête une tablette tactile aux joueurs et leur demande de se connecter au moins une fois par jour pendant un mois. PierreDavid Petit récupère ainsi pour le moment les données enregistrées pour vingt patients, certains présentant des plaintes subjectives et d’autres des troubles de la mémoire avérés. « À ce jour, nous notons comme point positif que les personnes savent se servir du jeu. En revanche, il est difficile de parler de transfert


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