La Lettre AVRIL 2015
Jean Jaubert explique à Buzz Aldrin et à son épouse, en visite, à Monaco, en 2006, comment il a collecté, en 1989, à Djibouti, les coraux exposés dans cet aquarium de 40.000 litres. Avec plus de 25 ans de croissance ininterrompue, ce pâté corallien est probablement le plus vieux récif captif du monde.
Le rendez-vous est fixé sur le parvis du Musée Océanographique de Monaco. À l’arrivée, en empruntant les marches sculptées dans la falaise, côté mer, le visiteur peut distinguer les anciennes fenêtres du centre scientifique. La paroi de pierre, légèrement inclinée, se confond à sa base avec les rochers du littoral. Ils séparent, sur peut-être deux mètres, le blanc calcaire du bleu méditerranéen, étiré à perte de vue. Jean Jaubert a dirigé le centre scientifique et le Musée. Il y a 25 ans, il a monté ici le plus vieil aquarium « naturel » au monde. Dans l’obscurité du sous-sol, l’homme balaye l’espace de la main. Ici, il a importé une cinquantaine de variétés de coraux. Jaunes, roses, blancs, d’aspect souple ou rigide, ils se développent sans difficulté dans une eau de mer simplement purifiée au moyen de processus identiques à ceux qui opèrent dans la nature. Entre leurs curieux appendices, nagent des poissons invraisemblables. Ici, la biomasse des animaux, rapportée au volume d’eau, est dix à cent fois supérieure aux observations en conditions sauvages. « Je cherche à mettre au point un système aussi efficace en circuit totalement fermé, pour les pico (moins de dix litres) et les nano aquariums (moins de 30 litres) », confie le biologiste marin. Dans les années 70, déjà pionnier dans l’âme, Jean Jaubert a également réussi, le premier, à assurer la reproduction de poissons clowns en laboratoire. Il travaillait alors
Culture
21 Sciences Jean Jaubert, précurseur en eaux profondes
à la faculté des sciences de Nice, à Valrose. Jacques-Yves Cousteau, intrigué par ce jeune scientifique aux expérimentations peu communes, viendra ainsi lui rendre visite. Mais pour Jean Jaubert, la rencontre avec l’explorateur date des années 50. Enfant, il découvre à Oran, dans une salle de projection improvisée par son oncle, le premier film du commandant, tourné au large de Marseille en 1942 : par 18 mètres de fond.
des composés très toxiques. J’avais beau multiplier les essais, en 48 heures tout mourrait », se souvient Jean Jaubert. Faute de mieux, il se contentera alors de poissons d’eau douce. Lorsqu’il entreprend ses études de biologie marine à Marseille, il a même oublié ses premières lubies.
Il ne lui en faudra pas davantage pour s’initier au snorkeling et à l’aquariophilie. À l’époque, les bacs fonctionnaient avec des pompes à membrane, du terreau, du sable de quartz et des plantes. Toutefois, impossible alors d’importer des échantillons du monde marin dans un bac d’appartement. « Les matières plastiques n’existaient pas. Les parois en verre des aquariums étaient collées, par du mastic au minium (1), à des cornières en fer galvanisé. Au contact du sel marin, le zinc et le plomb formaient
Celles-ci se rappelleront pourtant à sa mémoire avec le commencement de sa carrière scientifique. En 1967, Jean Jaubert a 26 ans et un simple doctorat en poche, mais il se voit offrir l’opportunité d’occuper un poste d’assistant à la Faculté des Sciences de Nice. Le Professeur Raymond Vaissières, membre de la mission Précontinent II (2), aux côtés de Cousteau, vient de créer un laboratoire dans la nouvelle Université. « Il lui fallait recruter une équipe. De mon côté, je trouvais le
Un laboratoire sous-marin