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JAN 2016
La Lettre Dans la foulée de la crise économique de 2007, l’afflux massif de réfugiés en provenance du Proche-Orient met l’unité européenne à l’épreuve de ses contradictions. Elle souligne la fragilité de la communauté et suscite des interrogations quant à l’identité réelle et fantasmée de ce puzzle continental. Entretien avec Yvan Gastaut, chercheur spécialisé en histoire du sport et de l’immigration, membre de l’Unité Mixte de Recherche « Migrations et Société ».
Actuellement, nous trouvons-nous dans un contexte historique particulier, du point de vue des politiques d’immigration, de la perception des migrants, voire de la nature des mouvements de population ? Y.G : Aujourd’hui, la question des mobilités se pose à plusieurs niveaux et elle révèle, ô combien, la complexité du monde. Mais pendant longtemps, c’est-à-dire jusque dans les années 70-80, comme l’immigration n’était pas, disons, un sujet ouvertement « labellisé », il n’y avait pas de chercheur historien spécialisé sur ces domaines. Bien souvent, les approches ont donc d’abord été nationales. Et partout, les questions liées aujourd’hui à l’immigration font figure de synthèse du passé. Pour éclairer le contexte historique actuel, nous pouvons nous intéresser au poids de la mémoire. Quels résidus trouvons-
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« La question des mobilités révèle la complexité du monde » nous dans la société contemporaine du passage du colonialisme européen au post-colonialisme? Comment l’esclavage oriente-t-il les rapports que nous pouvons avoir aujourd’hui vis-à-vis des populations dites « issues de l’immigration » ? Chaque niche nationale a sa propre histoire et son propre rapport à l’immigration. La question des « Roms », en 2010, aura tout de même, pour la première fois, un peu cassé ce cadre national. Elle a en tous cas fait émerger un des premiers débats sur l’immigration au niveau européen. Il ne s’agit plus d’évoquer, par exemple, des Algériens qui viendraient en France, mais plutôt des Maghrébins, des Nord-Africains ou
des Musulmans, cela dépend de l’entité que nous considérons, qui viennent en Europe. La question actuelle des « réfugiés » prend ainsi une nouvelle dimension qui puise son origine en 2011, au moment des « printemps arabes ». Le terme même de migrant pénètre le discours à partir de ce moment, même si la tendance s’est surtout accentuée ces deux dernières années. Il me semble, sans avoir étudié réellement le phénomène, que le naufrage près de Lampedusa, en octobre 2013, d’un navire en provenance de Lybie avec à son bord près de 500 personnes amorce un tournant. Les représentations changent et cela a des répercussions sémantiques. D’autres