Lettre Culture Science N°25

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À gauche une souris « témoin » et à droite une autre présentant des troubles autistiques. Plus « anxieuse » et moins « curieuse » que sa congénère, elle développera également moins d’interactions sociales

FEV 2016

La Lettre

Culture

25 Sciences Autisme : dans les entrailles de la maladie

Le langage murmure parfois des pistes pour la science. Il arrive que « les mots restent en travers de la gorge ». En d’autres occasions, l’humain peut sentir « la peur au ventre », garder « l’estomac noué ». Ce à quoi son orgueil répond invariablement : « c’est dans la tête ». Or, ces cinq dernières années, une série d’études scientifiques tend tout au contraire à mettre en évidence des influences réciproques entre nos « deux cerveaux ». Notamment, le système nerveux central « supérieur », singulier derrière sa grande muraille, la barrière hémato-encéphalique, pourrait pâtir dans certaines conditions de désordres localisés dans les tréfonds de nos entrailles.

Car co-habite avec nous, dans le tube digestif, un véritable écosystème constitué de plus de 10 milliards de microbes, des bactéries, responsables en particulier du métabolisme des aliments. Le déséquilibre de la flore intestinale est associé à de nombreuses pathologies humaines : obésité, diabète, mais également maladies du système nerveux. Cette flore avec laquelle nous vivons en symbiose, appelée microbiote, produit des métabolites. Ce sont des molécules parfois suffisamment petites pour passer l’épithélium intestinal, rejoindre la circulation générale et agir sur différents organes pour s’immiscer enfin, des dizaines de centimètres plus haut, de l’autre côté de la barrière hémato-encéphalique.

Depuis 2007, le chercheur canadien Derrick MacFabe défend ainsi l’hypothèse selon laquelle certains métabolites de la flore intestinale contribueraient à « activer » les symptômes de maladies multi-factorielles, comme l’autisme. Ce scientifique de l’University Western of Ontario a injecté dans le cerveau de rats le propionate, un acide gras à chaîne courte, normalement produit par des bactéries des genres Clostridia, Bacteriodetes et Desulfovibrio qui sont surreprésentées chez les individus avec des troubles autistiques. Son équipe a alors observé chez les animaux des désordres comportementaux, neuronaux ou encore inflammatoires typiques de l’autisme (1).


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