cahier de transfert techno en acériculture volume 2

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2e édition

VOLUME 2 : LA PRODUCTION D'UN SIROP D'ÉRABLE DE QUALITÉ

Centre de recherche, de développement et de transfert technologique acéricole

Sous la direction de Nathalie Martin, Ph. D., chimiste

Droits d’auteur

Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre ACER afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances.

Avertissements

Au moment de sa rédaction, l’information contenue dans le présent cahier était jugée représentative du secteur acéricole au Québec. Son utilisation demeure sous l’entière responsabilité du lecteur. Certains renseignements pouvant avoir évolué de manière significative depuis la rédaction de cet ouvrage, le lecteur est invité à en vérifier l’exactitude avant de les utiliser.

Dans le présent document, le genre masculin est utilisé pour alléger le texte, s'il y a lieu.

Comment citer cet ouvrage

Martin, Nathalie (sous la dir. de). 2024. Cahier de transfert technologique en acériculture, 2e édition, volume 2 : La production d’un sirop d’érable de qualité. Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec. 193 p.

POUR INFORMATION ET COMMENTAIRES

Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec 2875, boulevard Laurier, Édifice Delta 1, 9e étage

Québec (Québec) G1V 2M2 418 523­5411 | 1 888 535­2537 client@craaq.qc.ca | www.craaq.qc.ca

© Centre ACER

PEDI0223

ISBN 978­2­7649­0714­6

ISBN 978­2­7649­0715­3 (PDF)

Dépôt légal

Bibliothèque et Archives Canada, 2024

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2024

ÉQUIPE

Direction du projet

Nathalie Martin, Ph. D., Centre ACER

Rédaction

Mélissa Cournoyer, Centre ACER

Laurence Lamboley, Ph. D., chargée de projet, Cen­

tre ACER

Nathalie Martin, Ph. D., Centre ACER

Collaboration

Jack Bauer, Ph. D., Centre ACER

Maxime Cadotte, ing., M. Sc. A., Centre ACER

Stéphane Corriveau, Centre ACER

Jessica Houde, ing., Centre ACER

Luc Lagacé, Ph. D., Centre ACER

Martin Pelletier, ing.f., Centre ACER

Mustapha Sadiki, Ph. D., Centre ACER

Pauline Vrain, Centre ACER

Révision scientifique

Jack Bauer, Ph. D., Centre ACER

Marie Filteau, Ph. D., prof. agrégée, Département des sciences des aliments, Université Laval

Luc Lagacé, Ph. D., Centre ACER

Révision technique

Joël Boutin, tech. agric., Club d’encadrement technique acéricole des Appalaches

Philippe Breton, Les équipements Lapierre

Virginie Deshaies­Morin, B. Sc., agr., Citadelle, coopérative de producteurs de sirop d'érable

Christine Jean, Conseil de la transformation alimentaire du Québec

Fabien Jouve, ECOCERT

David Lapointe, ing.f., géog., M.ATDR, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)

Marjolaine Mondon, agr., Conseil des appellations réservées et des termes valorisants.

Élodie Nadeau, Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ)

Andréanne Ouellet, agr., Club d’encadrement technique en acériculture de l’Est

Vincent Poisson, ing.f., Club acéricole du sud du Québec

Éric Roy, tech. agric., MAPAQ

Gabriel Weiss, agr., CCS Env., MAPAQ

Coordination, édition et mise en page

Jacques Leblanc, chargé de projets, Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ)

Lyne Lauzon, chargée de projets aux publications, CRAAQ

Véronique Michaud, graphiste, CRAAQ

Figures

Sauf mention contraire, les figures sont du Centre ACER

Autres figures : Centre ACER / Agriculture et Agroalimentaire Canada, Marie Filteau, PPAQ

Photos

Sauf mention contraire, les photos sont du Centre ACER

Couvert 1 : PPAQ

Autres photos : ACER Division Inspection inc., Anne Boutin, Joël Boutin, MAPAQ, Stéphane Verville

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier sincèrement le Conseil de l’industrie de l’érable (CIE) et les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) pour leur générosité et leur précieux soutien financier à l’égard du Cahier de transfert technologique en acériculture. Leur engagement indéfectible envers l'innovation et le progrès dans le secteur acéricole a permis la création d'une ressource inestimable pour l'ensemble de notre milieu. Cet appui va bien au­ delà d'une simple participation financière; il représente une collaboration solide qui renforce notre engagement commun envers l'avancement et la prospérité durable de l'industrie acéricole.

Ce projet a aussi été financé par l’entremise du Programme Innov’Action volet 3, en vertu du Partenariat canadien pour une agriculture durable, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.

Nous voulons également souligner l’excellent travail des groupes de révision scientifique et technique. Leurs membres ont gracieusement accepté de partager leur temps, leurs connaissances et leur expérience. Ce 2e volume de la 2e édition du Cahier de transfert technologique en acériculture s’en trouve d’autant plus complet.

Des remerciements spéciaux vont à tous ceux qui ont accepté de fournir gracieusement des photos afin d’illustrer le propos de cet ouvrage : ACER Division Inspection inc., PPAQ, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), Anne Boutin, Joël Boutin, Marie Filteau et Stéphane Verville.

L’équipe de rédaction

La production d'un sirop d'érable de qualité

À PROPOS DU CENTRE ACER

Fondé en 1998 dans le cadre d’un partenariat unissant le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFPQ) et les différents acteurs de l’industrie acéricole, le Centre de recherche, de développement et de transfert technologique acéricole inc., aussi connu sous le pseudonyme Centre ACER, est un acteur incontournable du développement et du partage de l’information technicoscientifique dans l’industrie acéricole québécoise et mondiale. Principalement axé sur la recherche appliquée et le transfert de technologie, le Centre ACER, en collaboration avec les différents intervenants du milieu, a pour objectif de contribuer au développement de l’acériculture dans les domaines suivants :

• Développement des techniques de production et de transformation,

• Contrôle et amélioration de la qualité et de l’innocuité des produits de l’érable,

• Valorisation et exploitation durable de la ressource.

Depuis sa création, le Centre ACER a contribué à l’avancement de l’acériculture en traitant de différents enjeux de taille. On peut souligner les efforts répétés visant à favoriser l’innocuité et l’intégrité du sirop d’érable par l’innovation et le transfert de connaissances, entre autres en matière :

• De détection de l’adultération du sirop d’érable tant par des analyses non ciblées à grande échelle que par des analyses ciblées utilisant des techniques novatrices;

• D’identification, de caractérisation et de compréhension générale de la saveur du sirop d’érable;

• De contribution à la recherche fondamentale en microbiologie acéricole;

• De soutien à l'amélioration et à la validation des performances de divers équipements employés en production acéricole;

• D’appui au développement d’innovations faisant l’objet d’un brevet;

• De travail sur les produits et les méthodes d’assainissement des équipements de récolte permettant de favoriser les rendements et la qualité du sirop;

• De soutien à l’élaboration de différents règlements et normes ainsi qu’à la mise en œuvre de la politique bioalimentaire du Québec.

Centre ACER

142, rang Lainesse

Saint­Norbert­ d'Arthabaska (Québec) G0P 1B0

Tél. : 819­369­4000

centreacer.qc.ca

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AVANT-PROPOS

Le Centre ACER recevait en 1996 le mandat de réaliser la première version du Cahier de transfert technologique en acériculture (CTTA), qui fut publiée en 2004. La nécessité d’un tel document de référence avait été exprimée par tous les membres de la Filière acéricole. Le CTTA a donc été créé pour regrouper l’ensemble des connaissances dans ce domaine, tant les pratiques issues du savoir traditionnel que les techniques plus modernes s’appuyant sur des fondements scientifiques. Il a été écrit en impliquant les gens du milieu, en colligeant l’expérience de nombreux producteurs et productrices et en travaillant dans un esprit de consensus pour arriver à une compréhension commune. Cet ouvrage constitue désormais la référence pour le monde acéricole au Québec.

Le besoin de mettre à jour les connaissances sur les équipements et les technologies en usage a cependant rendu nécessaire la production d’une 2e édition du CTTA. Cette version modernisée est conçue sous la forme de volumes thématiques, qui reprennent certains textes de la 1re édition, les bonifient et les enrichissent de connaissances nouvelles

• Le volume 1 traite des appareils de concentration membranaire et des évaporateurs.

• Le volume 2 est consacré à la production d’un sirop d’érable de qualité.

• Le volume 3 décrit les infrastructures de production et le système de récolte de la sève d’érable.

L’équipe de rédaction espère que cet outil actualisé que constitue cette 2e édition du Cahier de transfert technologique en acériculture saura permettre aux acériculteurs, acéricultrices ainsi qu’aux spécialistes du secteur d’approfondir leurs connaissances et de répondre à leurs questions sur de nombreux points techniques.

La production d'un sirop d'érable de qualité

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années, l’acériculture est un secteur en croissance, notamment grâce au développement technologique et à l’amélioration des techniques de production accompagnés d’un développement soutenu des marchés. Cette croissance recèle par contre son lot de difficultés, entre autres au chapitre de la diffusion dans le milieu acéricole des plus récentes connaissances et innovations concernant les techniques de production et de transformation. On n’a qu’à penser aux systèmes de concentration membranaire de la sève d’érable, par exemple, qui ont connu des avancées majeures ces dernières années.

En parallèle de ces progrès techniques, le volume de recherches dans le domaine acéricole a augmenté considérablement. L’accroissement des exportations a aussi confronté la filière acéricole à différents enjeux règlementaires sur les marchés internationaux, le plus récent, en lien avec la teneur en plomb du sirop d’érable, ayant émergé du marché californien.

Cette conjoncture à trois points (1 ­ évolution technologique, 2 ­ augmentation des connaissances sur les propriétés du sirop d’érable et 3 ­ accroissement des exportations dans des marchés aux règlementations plus strictes) justifie le développement d’outils de diffusion de la connaissance sur les meilleures techniques de production acéricole.

C’est dans cette optique que s’inscrit l’ouvrage de référence qui vous est présenté ici. Basé sur les nouvelles connaissances de la qualité dans le domaine alimentaire et les avancées technologiques actuelles, il sert de cadre pour la production d’un sirop d’érable de qualité. Il s’adresse principalement aux entreprises qui exploitent une érablière pour produire du sirop d’érable et des produits de l’érable, ainsi qu’aux intervenants en services­conseils qui les accompagnent.

Les principes de base de la qualité (dans son sens large) dans le domaine alimentaire appliqués à la production acéricole, ainsi que les notions scientifiques et techniques qui y sont rattachées, sont ex­

pliqués pour permettre à chaque entreprise de bien analyser et structurer sa démarche d’amélioration de la qualité. L’approche proposée permet de poser les éléments de base (ou prérequis) nécessaires à ceux qui voudront éventuellement aller plus loin dans la démarche de mise en place d’un système qualité ou dans le développement d’un guide détaillé des bonnes pratiques en acériculture.

Il importe cependant de souligner le caractère général de ce cahier. En effet, étant donné la grande diversité des opérations et des pratiques, il se produira nécessairement des situations particulières pour lesquelles les recommandations faites ne seront pas applicables directement et demanderont un peu d’adaptation.

Le plus important pour tout exploitant acéricole est minimalement de s’assurer que les mesures adéquates ont été appliquées pour garantir la sécurité et la salubrité de ses produits. Lorsqu’il s’agit de décider si une mesure est nécessaire ou appropriée, il convient d’évaluer la probabilité et la gravité du danger pour être en mesure de définir les effets potentiellement nocifs pour le consommateur éventuel. Cet ouvrage a été conçu pour appuyer les entreprises acéricoles dans cette démarche qualité.

Ce 2e volume de la 2e édition du Cahier de transfert technologique en acériculture s’adresse à différentes catégories d’utilisateurs. Afin que chacun d’entre eux puisse en tirer profit, l’ouvrage est divisé en plusieurs chapitres qui peuvent être consultés selon les besoins ou les intérêts de chacun. Dans chaque chapitre, des notions de base en acériculture sont présentées, appuyées par des notions scientifiques et techniques plus approfondies lorsque pertinentes.

PRÉCISION SUR LES TERMES UTILISÉS

Pour favoriser une meilleure compréhension et lisibilité du guide, certains termes ont été définis dans des notes en bas de page. Voici quelques précisions supplémentaires sur l’utilisation de certains termes dans le texte.

DISTINCTION ENTRE NETTOYAGE, RINÇAGE, LAVAGE ET ASSAINISSEMENT

En acériculture, l’expression générale « nettoyage des équipements » se décline en quatre types d’opérations communément décrites de la façon suivante :

1. Le « nettoyage » désigne l’action générale d’enlever des saletés; il peut inclure une action mécanique comme un récurage à l’aide d’une brosse;

2. Le « rinçage » est le nettoyage sans agent chimique et est fait avec de l’eau ou du filtrat chaud;

3. Le « lavage » est le nettoyage avec un agent chimique;

4. L’« assainissement » est fait avec des produits chimiques permettant de réduire la population de microorganismes sur une surface.

SÈVE ET EAU D’ÉRABLE

Il importe de préciser que, dans cet ouvrage, le terme « sève » désigne le liquide translucide qui est récolté à la suite de l’entaillage des érables pour être transformé en sirop. Contrairement à la croyance populaire, la sève est produite tout au long de la saison. Quant au terme « eau d’érable », il ne repose sur aucun fondement biologique. Aucun des fluides présents dans les érables ne porte ce nom. De plus, l’utilisation du terme « eau » pour autre chose que de l’eau peut porter à confusion.

QUALITÉ ORGANOLEPTIQUE DU SIROP D’ÉRABLE

Selon les exigences réglementaires, le sirop d’érable doit présenter une saveur caractéristique et typique d’érable. Il sera jugé non conforme dans le cas où un goût atypique, désagréable ou étranger,

pouvant parfois masquer la saveur caractéristique d’érable, sera détecté. Par conséquent, les termes « saveur désagréable », « saveur atypique » ou « saveur étrangère » seront ceux utilisés à travers le texte en référence à cette non­ conformité organoleptique, et ce, peu importe son intensité. Le terme « saveur atypique » sera surtout utilisé dans le cas où la non­ conformité est présumée d’origine naturelle, alors que la « saveur étrangère » fera plutôt référence au procédé.

MESURES

À moins d’avis contraire, l'environnement de la prise de mesures est à pression normale (101,3 kPa).

PRODUCTION CERTIFIÉE

BIOLOGIQUE

La norme biologique étant de nature changeante, les spécificités de cette dernière n’ont pas été intégrées dans cet ouvrage. Toutefois, des avertissements sont apposés dans les cas où la norme biologique pourrait émettre des restrictions quant aux pratiques acceptables. Ainsi, il appartient aux lecteurs de documenter certains points auprès d’autres sources. Dans cette démarche, l’organisme de certification avec lequel le producteur fait affaire est une bonne source d’informations. Soulignons que les références utilisées s’inspirent de la norme CAN/CGSB­32.310 – 2020, qui sera révisée en 2025.

NORME BIOLOGIQUE 2020-2025

La norme Systèmes de production biologique : principes généraux et normes de gestion (CAN/ CGSB­32.310) est accessible sur le site du gouvernement du Canada (voir notamment la section 7.2 Produits de l’érable). L’équipe de rédaction renvoie aussi les lecteurs au guide Sirop d’érable biologique –Démarche de certification et méthodes de production pour plus d’informations (Martin, 2023).

MISE EN CONTEXTE

Avec une production annuelle moyenne de150 millions de livres (68 millions de kilogrammes), le Québec fournit en moyenne près de 90 % de la production canadienne et 72 % de tout le sirop d’érable produit dans le monde. En 2022, un chiffre record de 211 millions de livres (plus de 95 millions de kilogrammes) de sirop d’érable a été atteint. Avec l’ouverture des marchés, c’est 85 % du sirop d’érable du Québec qui est exporté dans presque 60 pays à travers le monde.

Parmi les plus grands marchés d’exportation, on trouve les États­Unis, l’Allemagne, le Royaume ­Uni, la France, le Japon et l’Australie où le sirop d’érable se classe parmi les produits haut de gamme. Devant ce succès sur les marchés mondiaux, l’industrie de l’érable doit donc redoubler d’efforts pour s’assurer de la qualité de ses produits et répondre aux besoins des marchés et de ses consommateurs, en gardant la concurrence dans la mire.

La qualité alimentaire comporte plusieurs facettes et il n’est pas toujours facile de déterminer sur

lesquelles prioriser les efforts. Le sirop d’érable, comme tout produit alimentaire, doit d’abord respecter les exigences de base en matière de salubrité et d’innocuité ainsi que les lois et les règlements qui définissent le produit (Figure 1).

S’ajoutent ensuite les critères de qualité dont s’est dotée l’industrie acéricole pour déterminer la valeur marchande du sirop d’érable, soit la classe de couleur (transmittance), la teneur en extraits secs solubles (degrés Brix) et la qualité organoleptique.

Puis, les qualités intrinsèques multiples, récemment mises en évidence par la recherche dans les dernières années, font maintenant du sirop d’érable un produit à haute valeur ajoutée capable de soutenir la compétition des autres agents sucrants dans l’industrie des ingrédients. Toutefois, en définitive, le sirop d’érable est beaucoup plus que cela aux yeux des consommateurs qui l’achètent aussi sur la base de l’image, des perceptions et des valeurs associées au produit. C’est ce qui le différencie des autres produits sucrants et qui pèse dans la décision d’achat.

Figure 1. La qualité du sirop d’érable (D’après : Morin, 2001)

Consciente des enjeux liés à la non­ qualité de son produit, l’industrie acéricole déploie depuis longtemps des efforts importants à tous les niveaux pour l’étudier et la contrôler. Bien que la qualité soit de la responsabilité de tous les maillons de l’industrie, elle commence au sein des entreprises qui produisent le sirop d’érable. Cet ouvrage a donc principalement pour but de présenter de façon structurée les principaux éléments à considérer pour permettre la production d’un sirop d’érable de qualité en réduisant les risques de façon préventive.

Ainsi, le Chapitre 1 introduit de façon plus détaillée les différents aspects de la qualité dans l’industrie alimentaire et transpose ceux­ ci à l’acériculture. Le Chapitre 2 aborde les aspects législatifs de la production acéricole en lien avec la qualité et présente les critères permettant d’évaluer la valeur commerciale du sirop d’érable. Le Chapitre 3 fait un survol des bonnes pratiques de fabrication (BPF) qui décrivent les règles de base selon lesquelles doit s’accomplir toute manipulation des aliments pour en assurer la sécurité sanitaire.

Avant de plonger dans le contrôle des opérations au Chapitre 5, certaines notions scientifiques de base sont présentées au Chapitre 4 pour permettre de mieux comprendre les conséquences du procédé sur les propriétés de la sève et du sirop d’érable. Une meilleure compréhension des opérations facilite, en effet, l’identification des problématiques et l’application des mesures correctives de façon plus adéquate. Le Chapitre 6 décrit les principes de la mesure ainsi que les instruments utilisés durant les opérations pour effectuer le contrôle de la qualité en production. Finalement, le Chapitre 7 présente plusieurs propriétés du sirop d’érable, souvent sous­ exploitées ou mal connues, qui distinguent avantageusement les produits d’érable des produits concurrents.

CHAPITRE

CHAPITRE 1. QUALITÉ DANS L'INDUSTRIE

ALIMENTAIRE

1.1. INTRODUCTION

Les aliments sont des produits vulnérables à la contamination s’ils sont manipulés, transformés ou entreposés dans de mauvaises conditions. Ils peuvent, par conséquent, présenter un risque majeur pour la santé publique. Or, depuis le milieu du siècle dernier, les échanges commerciaux se sont accélérés. Ce contexte a mis en évidence la nécessité de protéger la santé des consommateurs et de promouvoir des pratiques loyales en matière de commerce de denrées alimentaires.

Afin de répondre à ces besoins, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies ont créé la Commission du Codex Alimentarius. Cette commission, qui s’est réunie pour la première fois en 1963, a pour objectif de développer les normes alimentaires, les lignes directrices et les codes d’usage internationaux qui forment le Codex Alimentarius.

De la même façon, les législations nationales, fédérales et provinciales ont pour principal objectif d’assurer l’innocuité des aliments sur toutes les facettes afin de garantir la sécurité du public et de le protéger des pratiques frauduleuses. Toutes les entreprises œuvrant dans l’alimentation doivent donc satisfaire à des exigences sur le plan de la qualité. Ces dernières varieront en fonction de plusieurs critères, selon le type d’entreprise alimentaire et de denrées produites ainsi que le mode de commerce visé (ventes intra­ ou interprovinciales, exportations, importations).

Assurer l’innocuité d’un produit alimentaire est à la base du système de contrôle de la qualité. L’adop­

tion d’une démarche qualité bien structurée en entreprise est essentielle pour :

• Détecter les écarts par rapport aux normes établies et y remédier avant la mise en marché du produit;

• Assurer la constance et la conformité des produits;

• Responsabiliser le personnel à l’emploi de l’entreprise;

• Accroître la sécurité et la confiance des consommateurs;

• Assurer une traçabilité du produit;

• Se distinguer de la concurrence;

• Faciliter l’accès à de nouveaux marchés.

À l’instar des autres secteurs de l’alimentation, l’industrie acéricole doit, elle aussi, se conformer à des normes et à des exigences. Ainsi, les entreprises acéricoles sont assujetties à plusieurs lois et règlements encadrant la commercialisation, la mise en marché, l’inspection, la classification, la qualité ou l’innocuité des produits d’érable (voir le Chapitre 2). Selon le type d’entreprise (exploitant d’érablière ou transformateur de produits acéricoles), le volume de ventes ou le type de commerce (vrac ou détail, direct ou par un intermédiaire) par exemple, ce ne sont pas les mêmes lois et règlements qui s’appliquent.

Avec la généralisation des normes et des méthodes de maîtrise de la sécurité sanitaire au cours des 30 dernières années, le concept de la qualité alimentaire s’est beaucoup élargi et complexifié. La conformité aux exigences règlementaires (innocuité et salubrité), bien que fondamentale, n’en représente qu’une facette. Il n’empêche que la vision et le niveau de contrôle de la qualité dans l’industrie alimentaire varient beaucoup d’une entreprise à l’autre. Certaines entreprises en sont encore au stade du contrôle de la qualité, alors que d’autres ont mis en place un véritable système de gestion de la qualité orientée vers le client.

Comme pour tous les autres secteurs de la production alimentaire, la qualité représente un enjeu pour l’industrie acéricole qui aspire à positionner les produits d’érable de façon à demeurer compétitive face aux autres agents sucrants dans l’industrie des ingrédients. Il peut toutefois paraître difficile de définir en quoi consiste la qualité et sur quels aspects il importe de concentrer ses efforts.

1.2. QUALITÉ DES ALIMENTS

Dans le monde alimentaire d’aujourd’hui, la qualité est un concept multidimensionnel. Selon les nouvelles normes ISO 9000, la qualité est « [l’]aptitude d’un ensemble de caractéristiques intrinsèques d’un objet à satisfaire des exigences ». D’un point de vue pratique, on peut ainsi considérer la qualité d’un produit alimentaire comme l’ensemble de ses propriétés et caractéristiques lui permettant de satisfaire les besoins et attentes clairement énoncés par les consommateurs (ex. : la couleur ou le goût du sirop d’érable) ou qui sont implicites.

La qualité d’un produit résulte de sa capacité à répondre à un besoin explicite ou implicite des consommateurs.

Un besoin implicite est un besoin qui, sans avoir été formellement exprimé, doit néanmoins faire partie de la qualité du produit (ex. : l’innocuité du sirop d’érable).

La qualité d’un produit peut être supportée par des critères objectifs ou subjectifs, par des normes, des règlements, des lois ou des ententes juridiques.

Mais quels sont les critères ou les caractéristiques permettant de définir la qualité des aliments? La Figure 1.1 présente les huit dimensions de la qualité d’un produit qui peuvent être transposées aux aliments. Elles seront expliquées ci­après.

Figure 1.1. Critères définissant la qualité d’un produit

1.2.1.

QUALITÉS LIÉES

AU PRODUIT LUI-MÊME

Le cadre de base définissant la qualité se décline en trois axes principalement orientés vers les caractéristiques du produit lui­même, soit la fiabilité, la conformité et la performance.

FIABILITÉ

La fiabilité d’un produit alimentaire correspond à son innocuité, aussi appelée « sécurité de l’aliment ». Elle inclut les concepts d’hygiène et de salubrité alimentaire. L’innocuité signifie qu’un aliment n’est pas nuisible, toxique ou nocif pour la personne qui le consomme. Le consommateur s’attend en effet, et ce, souvent de façon implicite, à ce que l’aliment soit sans danger, sain et comestible. Toute entreprise doit donc s’assurer de bien contrôler les risques liés aux contaminants biologiques, chimiques et physiques pouvant provoquer une maladie ou une blessure.

Afin de répondre à ce besoin, plusieurs entreprises se conforment à des normes certifiées de qualité. Les systèmes d’analyse des risques et maîtrise des points critiques (HACCP), reconnus internationalement, sont généralement adoptés pour garantir l’innocuité des aliments (FAO et OMS, 2022).

De l’entaille au produit fini, le procédé de fabrication du sirop d’érable comporte des risques de contamination que les entreprises acéricoles doivent absolument contrôler avant de commercialiser leurs produits (voir les Chapitres 3 et 5). On n’a qu’à penser, par exemple, aux levures et moisissures pouvant se développer dans le sirop dont la teneur en extraits secs solubles est trop faible. Il peut également s’agir de résidus de produits de lavage, comme des chlorates, qui peuvent se retrouver dans le sirop d’érable lors d’un rinçage déficient du système de collecte. Des résidus de plomb peuvent également s’accumuler lorsque la sève, le concentré ou le sirop d’érable entrent en contact avec certains types d’équipements contenant du plomb.

Un système d’analyse HACCP peut être implanté dans une entreprise acéricole. C’est une démarche de nature préventive puisqu’elle vise à prévenir les problèmes plutôt qu’à les résoudre. En voici une description succincte : l’approche HACCP s’attarde d’abord à analyser le procédé de fabrication pour déterminer quelles sont les étapes susceptibles de poser un risque pour la salubrité de l’aliment (ex. : la mise en contenant du sirop à chaud, à une température entre 82 et 85 °C). Elle identifie ensuite des points de contrôle critiques qui permettront de vérifier ce risque (ex. : en mesurant la température du sirop pendant la mise en contenant). Par la suite, elle détermine des seuils critiques pour ces points (ex. : une température du sirop inférieure à 82 °C) et établit les mesures de maîtrise à appliquer si le seuil critique est atteint (ex. : arrêter la mise en contenant). Évidemment, il faut aussi mettre en place des systèmes pour s’assurer que les points critiques sont surveillés et que les mesures de contrôle sont appliquées.

L’implantation d’un système HACCP nécessite impérativement de respecter au préalable les exigences en matière d’hygiène qui s’appliquent aux établissements de transformation alimentaire. Ces exigences sont appelées programmes préalables, programmes prérequis ou encore bonnes pratiques de fabrication (BPF). L’application des BPF (voir les Chapitres 3 et 5) et le respect des exigences réglementaires tout au long des étapes de la fabrication du sirop d’érable et des produits dérivés réduisent considérablement les risques pour la santé des consommateurs.

Tout exploitant d’un établissement alimentaire qui prépare des aliments en vue de la vente doit s’assurer de connaître les exigences en matière d’hygiène et de salubrité alimentaires. La « Formation en hygiène et salubrité alimentaires », offerte par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), est réglementée et obligatoire pour la majorité des établissements alimentaires, dont certaines entreprises acéricoles. Les producteurs et productrices acéricoles doivent consulter le MAPAQ pour vérifier s’ils ont besoin ou non de cette formation.

CONFORMITÉ

Un produit est dit conforme lorsqu’il correspond aux standards ou critères qui le définissent et qui peuvent être établis par la loi ou par l’industrie. Cette caractéristique relève surtout de la nature et du contenu du produit (poids, volume, aspect ou composition), mais aussi de son authenticité.

De par sa nature et en vertu des lois fédérales et provinciales et des conventions en vigueur, le sirop d’érable est considéré comme un produit pur dont la couleur, le goût et la teneur en extraits secs solubles doivent respecter certains standards de qualité commerciale (voir le Chapitre 2).

PERFORMANCE

La performance d’un aliment est définie par ses caractéristiques sensorielles et nutritionnelles. Le consommateur utilise ses cinq sens pour apprécier un aliment : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. Il sera donc grandement influencé par la couleur, la forme, l’odeur, la saveur et la texture d’un aliment.

Par ailleurs, l’intérêt grandissant vers une alimentation saine et équilibrée amène le consommateur à porter une attention particulière à la composition et aux propriétés nutritives des aliments qu’il choisit. C’est sur le tableau de la valeur nutritive, réglementé par Santé Canada, qu’on trouve le nombre de calories fournies par portion de référence d’un produit, la teneur en éléments nutritifs, le pourcentage de la valeur quotidienne ainsi que les allégations relatives à la teneur nutritive ou à la santé.

Le sirop d’érable est un produit grandement apprécié des consommateurs de partout à travers le monde, pour sa couleur et sa saveur incomparables, mais aussi pour ses bienfaits potentiels (voir le Chapitre 7). Le sirop d’érable contient en effet plus d’une centaine de composés nutritifs, dont certains peuvent faire l’objet d’allégations nutritionnelles. Plusieurs études récentes ont démontré

que le sirop d’érable regorge de polyphénols aux propriétés antioxydantes prometteuses et qu’il présente un indice glycémique plus faible que le sucre blanc, par exemple. Ces caractéristiques susceptibles de procurer certains bénéfices potentiels pour la santé en font une solution de rechange de choix aux agents sucrants habituellement utilisés.

1.2.2. QUALITÉS SPÉCIFIQUES

Aujourd’hui, la qualité prend toutefois un sens beaucoup plus large aux yeux du consommateur dans l’optique où celui­ ci devient encore plus critique à l’égard du produit qu’il consomme. Son comportement conduit ainsi à l’émergence d’autres exigences qui peuvent jouer un rôle déterminant dans le choix d’achat qu’il fera d’un produit. On parlera alors de qualités spécifiques qui supposent l’utilisation de stratégies de différenciation des produits et de segmentation des marchés, stratégies qui impliquent l’utilisation de signes officiels de qualité (ex. : certifications). Dans cette dimension de la qualité, il sera question des propriétés, de la durabilité, de la facilité d’utilisation, de l’esthétique et de la qualité perçue d’un produit.

PROPRIÉTÉS

Dans la définition de la qualité, les propriétés d’un aliment sont celles qui décrivent, entre autres, l’usage recherché par le consommateur ainsi que la mise en marché d’un produit. Ces propriétés répondent aux besoins psychologiques, émotifs et de commodité du consommateur. Celui­ ci peut en effet désirer faire l’achat d’un aliment prêt­àmanger, par exemple, ou encore se procurer des purées pour bébés toutes faites.

Le consommateur sera également influencé par l’image que projette l’aliment lorsque celui­ ci est identifié par exemple au respect de l’environnement, à un style de vie ou à un statut social particulier. Il sera aussi influencé par l’apparence de l’emballage.

production d'un sirop d'érable de qualité

Le sirop d’érable est une denrée dont l’usage gagne à être mieux connu par les consommateurs. Sa texture unique et sa déclinaison de couleurs et de saveurs caractéristiques en font un ingrédient d’une grande polyvalence dans les préparations culinaires. Il rehausse la saveur des aliments. Il peut remplacer avantageusement les autres types d’agents sucrants dans la plupart des recettes et il est une source d’énergie naturelle privilégiée par plusieurs sportifs. Le sirop d’érable est par ailleurs souvent considéré comme un produit naturel, de luxe et de tradition par le consommateur québécois.

DURABILITÉ

La durabilité d’un aliment fait référence à sa durée de conservation. C’est la période pendant laquelle il conservera son innocuité et toutes ses caractéristiques intrinsèques, telles que sa fraîcheur, sa texture, son goût et sa valeur nutritive, par exemple. La durabilité d’un aliment dépend de la nature même du produit (ex. : composition, pH, etc.) et des traitements qu’il a subis pour favoriser sa conservation (ex. : ajout d’agents de conservation, déshydratation, congélation, traitements thermiques, etc.).

La durée de conservation d’un aliment sera également affectée par son conditionnement (opérations de mise en contenant ou d’emballage) ainsi que par les conditions de manutention, de transport et d’entreposage auxquelles il sera soumis. Selon la réglementation en vigueur et les recommandations du MAPAQ, l’étiquette ou l’emballage d’un aliment doit obligatoirement indiquer une date limite de conservation (« meilleur avant ») si celle ­ ci est de 90 jours ou moins.

Avec sa composition riche en solides totaux (principalement du sucre), le sirop d’érable est un aliment qui peut se conserver plusieurs années à la température ambiante avant ouverture du contenant. Ses caractéristiques peuvent toutefois évoluer différemment dans le temps selon le type de contenant utilisé : bouteille de verre, contenant de plastique ou conserve métallique. Une fois le contenant ouvert, le sirop d’érable doit être con­

servé au réfrigérateur ou au congélateur dans un contenant adéquat pour éviter la croissance microbienne et l’évaporation.

FACILITÉ D’UTILISATION

La facilité d’utilisation d’un produit est une dimension de la qualité de plus en plus prisée par le consommateur d’aujourd’hui qui cherche la rapidité. Comme il cuisine de moins en moins, le consommateur est en quête du prêt­à­l’emploi.

De l’entrée au dessert, le sirop d’érable s’utilise tel quel ou comme ingrédient dans les préparations culinaires. Bien qu’il soit un produit saisonnier, il est facilement accessible durant toute l’année en entreprises ou chez les détaillants.

Même si la conserve métallique ne permet pas au consommateur de voir le produit au moment de l’achat et l’oblige, après ouverture, à transvider son contenu dans un contenant hermétique, elle reste le contenant le plus populaire pour la vente de sirop au Québec et ailleurs. Dans ce cas­ ci, d’autres valeurs que la facilité d’ouverture sont en jeu pour le choix de l’emballage.

ESTHÉTIQUE

L’apparence et la présentation d’un fruit, d’un légume, d’un plat cuisiné ou d’un aliment emballé et vendu en étalage sont très importantes pour le consommateur, puisque l’appréciation visuelle est souvent le premier contact qu’il a avec le produit. Le consommateur n’achète pas seulement l’aliment en tant que tel, mais aussi les perceptions, les valeurs et l’image qu’il lui associe. C’est donc à travers la forme et la couleur d’un produit, ses aspects fonctionnels (ergonomie, confort), l’esthétique de l’emballage et l’information que celui­ ci véhicule qu’il prendra une décision d’achat.

Dans l’industrie agroalimentaire, beaucoup d’efforts sont mis dans la conception de l’emballage d’un produit alimentaire pour le différencier de la compétition. L’utilisation de références symboliques et

dans l'industrie alimentaire

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