Géographie en classe de seconde

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Sommaire

AVANT-PROPOS

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Première partie : METTRE EN ŒUVRE LE PROGRAMME

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I Une approche globale du programme II Itinéraires pédagogiques

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Deuxième partie : LA FRONTIÈRE

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I La frontière concept et objet d'étude géographique 1. L'approche géographique de la frontière dans le nouveau programme de seconde A. Frontière et inégalités, les cinq sens B. Frontière, population, territoire, activité C. Frontière et organisation étatique de l'espace mondial

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2. Évolution de l'approche géographique de la frontière depuis la fin du XIXème A. Géographie des frontières, géographie politique ou géopolitique ? B. Frontière tabou ou frontière oubliée, un long silence géographique C. Le renouveau de la géographie des frontières

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3. Approches transversales du concept de frontière à travers le programme de seconde A. La fragmentation urbaine B. La frontière, le littoral et les détroits

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Bibliographie

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II La frontière, application en classe de seconde

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1. Étude de cas : Calais, ville frontière A. Le choix de l'étude de cas B. Le dossier documentaire

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Sommaire

2. Démarche pédagogique Annexe : Les documents

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Troisième partie : LES DYNAMIQUES URBAINES

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I La ville : approche des nouvelles délimitations, définitions et pratiques

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II Les dynamiques urbaines, applications en classe de seconde

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1. Étude de cas : l'urbanisation en Afrique Subsaharienne A. Le choix de l'étude de cas B. Le dossier documentaire C. La démarche pédagogique : de l'étude de cas au cours

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Indications bibliographiques

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2. Etude de cas : une ville moyenne française, Arras A. Le choix de l'étude de cas B. Le dossier documentaire C. La démarche pédagogique : de l'étude de cas au cours Annexes : les documents

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Quatrième partie : LES SOCIÉTÉS FACE AUX RISQUES

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I Les risques, approche géographique

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1. Les faits et leur signification

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2. « Il n'y a pas de catastrophes naturelles »

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3. Comment la société répond-elle à ces risques multiples ?

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II Les sociétés face aux risques : une application en classe de seconde 1. Les études de cas :

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A. Séchilienne B. Le cyclone Mitch

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2. Du cas à la contextualisation A. Bilan des études de cas B. Réflexion sur la généralisation C. Axes pour la généralisation

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Cinquième partie : LES LITTORAUX, ESPACES ATTRACTIFS

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I Les littoraux, espaces attractifs

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1. Le littoral, un ruban actif

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2. Les processus d'appropriation du littoral par les sociétés

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3. Des aptitudes variables à la domestication des littoraux

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4. L'attraction touristique des littoraux

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5. Un espace fragilisé par la multiplication des discontinuités

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II Application en classe de seconde 1. Etude de cas : La côte d'Opale, un littoral attractif du Nord-Pas-de-Calais ?

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A. Le choix de l'étude de cas

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B. Le dossier documentaire

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2. Les démarches pédagogiques A. Une démarche en six séances, qui intègre l'étude de cas et les élargissements B. Une démarche pédagogique en cinq séances où l'étude de cas précède la contextualisation

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Références documentaires Annexe 1 les sites Internet utiles pour le programme de seconde

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Annexe 2 le texte officiel du programme de géographie de seconde

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Mettre en œuvre le programme

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UNE APPROCHE GLOBALE DU PROGRAMME

Le nouveau programme de seconde propose d'enseigner une géographie bien définie autour de son objet et de ses méthodes, sans doute plus en lien avec les problématiques, les sujets de la géographie recherche et de la production scientifique. La géographie enseignée adhère pleinement à la définition actuelle de la science géographie , non plus conçue comme une science des lieux (Vidal de la Blache) ou comme une analyse des rapports entre l'homme et son milieu (surtout naturel) ; désormais la géographie s'affirme comme la science d'interprétation de l'organisation de l'espace (mise en évidence de pôles, d'axes, d'aires, d'interfaces...) ; elle dégage des lois explicatives, introduit différentes temporalités pour saisir l'évolution de l'organisation spatiale. En cela, la science géographie revendique plus nettement qu'autrefois son utilité sociale, son caractère opérationnel et renvoie l'enseignant aux notions transversales du programme que sont l'environnement et l'aménagement. Désormais, utilité sociale et opérationnalité de la discipline ne sont plus jugées incompatibles avec la recherche permanente et justifiées d'une scientificité accrue. Pour autant, ce nouveau programme construit autour de six thèmes très différents et parfois inédits1 dans leur libellé, n'est pas simple à mettre en œuvre, au regard des changements forts qu'il induit, parmi lesquels l'approche thématique, les fondements notionnels, l'entrée par les études de cas. Appelle-t-il une nouvelle manière d'enseigner la géographie ? 1. Un nouveau programme, entre continuité et ruptures L'affirmation d'une géographie globale Le nouveau programme consacre l'abandon des clivages entre géographie physique et humaine d'une part, géographie générale et régionale d'autre part pour affirmer l'existence d'une géographie globale, dont on peut essayer de préciser le sens. Ainsi, la géographie enseignée se situe-t-elle dans les mêmes créneaux épistémologiques que la géographie universitaire des laboratoires de recherche. Avec l'étude des risques, de l'environnement, nous visitons une géographie physique intégrée à une géographie globale, utile à la société, aux citoyens et aux décideurs. Dès lors que nous cherchons à interpréter l'organisation de l'espace, nous entrons dans le champ conceptuel de la géographie générale ; mais les terrains d'application et d'évaluation des concepts seront locaux, régionaux, nationaux... Où commence alors la géographie régionale ? Où s'arrête la géographie générale ? La « frontière » n'a plus de raison d'être. L'intitulé du programme « Les hommes occupent et aménagent la Terre » doit être compris comme le fil directeur en même temps qu'il apporte une première définition de l'objet de la géographie : la géographie c'est l'étude des hommes qui, groupés en sociétés, forment des ensembles cohérents et s'approprient une portion de l'espace terrestre, définissant ainsi des territoires. L'appropriation de l'espace par les sociétés renvoie aux deux questions fondamentales d'aménagement et d'environnement. " La notion d'organisation de 1

Les six thèmes du programme : « Plus de 6 milliards d'hommes sur la Terre » ; « Nourrir les hommes » ; « L'eau entre abondance et rareté » ; « Les sociétés face aux risques » ; « Les littoraux espaces attractifs » ou « Les montagnes entre traditions et nouveaux usages ».

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Mettre en œuvre le programme

l'espace est au cœur de l'ensemble du programme , abordée à travers deux entrées principales : l'environnement et l'aménagement, qui sont présentes dans chaque thème. Ces trois notions sont les composantes distinctes d'une même et unique problématique, celle de l'appropriation et de la gestion de l'espace par les sociétés. L'approche est donc globale [ .. ] elle met en évidence les relations multiples et complexes que les hommes entretiennent avec les milieux dans lesquels ils vivent et la façon dont ils aménagent et organisent leurs territoires. " ² Cette dernière affirmation doit être reliée à la rénovation profonde des épreuves de l'agrégation de géographie où désormais, géographie thématique, géographie des territoires, épreuves d'aménagement ou d'environnement ont remplacé l'ancienne trilogie : géographie physique, humaine et régionale. La notion d'environnement est très polysémique et pluridisciplinaire ; elle mobilise beaucoup de disciplines d'enseignement qui, toutes, revendiquent cette propriété conceptuelle (chimie, biologie, droit, économie, géographie...). Le géographe trouve sans doute des points de convergence entre les notions de milieu et d'environnement. Autour de cette dernière, il peut développer une sémantique très riche comprenant notamment les termes de risques, de paysages, de ressources, de protection, de gestion... Certains de ces termes appartiennent à la liste des «autres notions de base »présentée dans le programme. L'aménagement renvoie aux politiques d'intervention cherchant à modifier l'organisation de l'espace , à agir sur l'environnement (prévention, protection, gestion, amélioration...). Toutefois depuis les années 1950 - 1960 , la réalité et l'esprit de l'aménagement spatial ont beaucoup évolué. Les pouvoirs publics ne constituent plus désormais les seuls acteurs de l'aménagement ; il faut aussi compter avec les entreprises privées, les groupes sociaux (syndicats, groupes de consommateurs, associations...). Dorénavant, le terme de développement tend même à se substituer à celui d'aménagement pour évoquer l'idée des politiques contractuelles, de la multitude d'acteurs, de leur mobilisation et de leur mise en synergie, des mouvements ascendants, décentralisés... Quand cette démarche « d'aménagement décentralisé et ascendant » rencontre la volonté de préserver l'environnement et de rechercher une meilleure articulation entre les échelles et les temporalités, le géographe s'introduit alors au cœur du « développement durable ». Traditionnellement, la classe de seconde occupe une place particulière dans l'enseignement de la géographie du secondaire. Depuis le début du siècle c'est tout d'abord le niveau consacré à la géographie générale, physique d'abord, humaine ensuite dans l'ordre des programmes. Jusqu'en 1981 son enseignement s'organise autour de la présentation distincte des milieux « naturels » et des genres de vie, conforme au schéma d'une géographie « possibiliste », vidalienne. Une rupture forte intervient en 1981 date à laquelle le programme privilégie la problématique des relations hommes-milieux, premier changement propre à bouleverser les anciens cloisonnements de la géographie générale. Cette problématique des relations hommes-milieux est sans cesse reprise et 2

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approfondie par la suite. Les programmes de 1987, les modifications de 1992 et 1995 intègrent les notions d'espace et d'aménagement, autour de trois thèmes clés des programmes ( « la dynamique des populations », « les sociétés face aux ressources et aux contraintes de leur milieu », « l'organisation et l'aménagement du territoire des sociétés ») à mesure que l'on s'éloigne de l'accumulation factuelle pour privilégier l'approche problématisée et le raisonnement géographique. Les six thèmes majeurs du programme de l'an 2000, venant à l'appui d'une problématique forte et centrée sur les sociétés, s'inscrivent donc en continuité avec la logique amorcée dès le début des années 1980 et affirmée au tournant de la décennie précédente. Les finalités du nouveau programme visent à faire comprendre le fonctionnement du monde d'aujourd'hui en le regardant et en l'appréhendant selon une démarche géographique. La géographie s'affirme en tant que discipline socialement utile et complémentaire d'autres disciplines ou enseignements dans la formation du citoyen. Cette affirmation complète le dispositif des travaux croisés du collège et des travaux personnels encadrés du lycée. Pour comprendre la complexité du réel, les disciplines d'enseignement du lycée doivent être articulées et connectées pour en amplifier leur sens. Cependant l'interdisciplinarité, qui fut récemment l'un des thèmes bien débattus lors du colloque de Lyon-Saint-Fons sur « quels savoirs enseigner au lycée ? », n'est possible que si chaque discipline est parfaitement maîtrisée et identifiée. La place de la géographie physique : abandon ou recentrage ? Il s'agit sans doute d'une question essentielle posée par le programme. L'analyse de l'évolution des contenus des programmes sur la longue durée souligne l'allègement constant des contenus de la géographie physique ³. L'examen attentif des programmes et particulièrement du nouveau programme de seconde amène cependant à un constat plus complexe. S'agit-il en effet d'un abandon ou d'un recentrage de la discipline, plus conforme aux objets de la recherche géographique ? Faut-il rappeler que la place de la " géographie physique " n'était déjà plus la première dans les précédents programmes ? Désormais et de manière très explicite, l'étude et l'explication des grands mécanismes climatiques, géologiques, tectoniques relèvent de l'enseignement des sciences de la vie et de la Terre 4. Parallèlement à une évolution d'ensemble déjà datée, l'étude des milieux a fait place aux notions de géosystème et d'environnement. L'approche géographique situe l'homme au centre du géosystème, dans ses relations avec la nature (et non pas seulement comme un élément parmi d'autres). " Ainsi, les sociétés se trouvent au cœur de géosystèmes plus ou moins anthropisés : tout ce qu'elles ont construit participe aussi à l'environnement en tant que milieu aménagé". 5 On retrouve ainsi dans le programme, deux entrées complémentaires de la géographie : celle des sociétés, qui composent espaces et territoires et dont l'ensemble forme le Monde ; celle des relations 3 4 5

Isabelle Lefort, Enseigner la Géographie au lycée Hachette Education 1994 Point I du programme de SVT « La planète terre et son environnement ». BO HS N°7 30 août 2001. Extrait du programme. BO N°6 du 31 août 2000.

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Mettre en œuvre le programme

entre les sociétés et le milieu planétaire (la Terre). La division du Monde et la nécessité pour les sociétés d'aménager la Terre pour y vivre posent des problèmes d'aménagement et d'environnement. Le nouveau programme réaffirme donc l'importance de l'environnement ; il s'agit d'une notion essentielle, au moment où dans la société, se développe une réflexion sur l'environnement avec diffusion des idées et des problématiques dans un large public. C'est dans cette perspective qu'il convient de situer la géographie physique en considérant qu'elle n'est jamais un préalable à l'explication des phénomènes, mais qu'elle intervient dans ses rapports avec les questions des sociétés. Cela suppose sans doute de la part des professeurs une articulation fine avec l'enseignement des sciences de la vie et de la Terre. Est à nouveau posée la question du travail en équipe pluridisciplinaire... 2. Un nouveau programme, construit sur des notions. La construction du programme repose sur un ensemble de notions, explicitées et hiérarchisées à partir des notions transversales, l'environnement et l'aménagement. De ces notions majeures découlent des notions de base, dont l'acquisition est nécessaire à la construction progressive du raisonnement géographique : « acteurs spatiaux, contraintes, développement, discontinuités, flux, paysages , pôles, ressources, réseaux, risques, territoires » 6. De même le concept de frontière, longtemps absent des programmes d'enseignement de géographie, récemment réintroduit dans les classes de première et de terminale, trouve aussi sa place en seconde. Toutes ces notions de base sont à « systémiser » pour faire comprendre aux élèves le fonctionnement et l'organisation de l'espace et des territoires. Ainsi par exemple, ce programme invite à s'interroger sur le croisement entre les frontières, d'une part, et les politiques d'aménagement, de développement et d'environnement, d'autre part. Si évidemment, l'environnement n'a pas de frontière, les représentations sociales et les politiques qui les concernent sont en revanche très souvent cloisonnées, insuffisamment coordonnées. C'est ainsi que le risque majeur peut être étudié en lien avec la frontière, définie comme rupture entre deux territoires, deux systèmes administratifs et informationnels distincts. La transfrontièralité devient-elle une réalité et un objectif des politiques d'aménagement et d'environnement ? De la confrontation des notions surgissent déjà quelques problématiques possibles et intéressantes.

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La notion de discontinuité est sans doute plus étendue que celle de frontière. Si cette dernière est traditionnellement accolée à l'exercice d'une souveraineté nationale, de pouvoirs, d'un contrôle géopolitique des territoires, ou encore à la fragmentation territoriale pouvant exalter les exclusions et l'émergence de nouvelles entités politiques, la notion de discontinuité est associée à l'idée des représentations sociales de toute limite. Dès lors qu'une limite (par exemple morphologique, comme le verrou glaciaire d'une vallée montagnarde) est perçue par la population comme une contrainte au développement, aux échanges, elle est appropriée, intériorisée, presque « patrimonialisée », elle devient alors une discontinuité. Celle-ci traduit le système de valeurs de l'observateur ; c'est une notion qui appartient bien au domaine de la géographie sociale et des représentations, alors que la frontière possède en plus une dimension géopolitique.

Plan 3 : la frontière traduit le Système de valeurs politiques de la société

FRONTIÈRE Appropriation géopolitique des Espaces : territorialisation Plan 2 : la discontinuité exprime le Système de valeurs de l'observateur

Représentation sociale

Plan 1 : la limite introduit des juxtapositions d'objets géographiques sur la carte. Elle cerne l'identité géographique des lieux...

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Par ailleurs, les discontinuités et en particulier les frontières, peuvent être croisées avec les flux et les réseaux. Quelle est la pertinence des frontières dans le fonctionnement systémique des espaces et des territoires ? Comment évaluer l'ambivalence de toute frontière au regard de la mobilité, des flux, des réseaux ? Si les différences, les discontinuités peuvent générer des flux (travail, achats, vacances, scolarité...), les frontières peuvent contraindre ou déformer ces divers mouvements (rupture, filtrage, déviation, développement...). En outre quand de nouvelles frontières émergent, les réseaux sociaux, économiques, culturels pré-existants peuvent être sensiblement altérés. En revanche, si les frontières s'effacent, ou s'assouplissent, favorisent le contact, il est alors possible d'assister à la recomposition d'anciens réseaux historiques exhumés (réseaux de villes, de partenaires économiques, sociaux...). C'est à ce titre que l'étude des frontières à partir de leurs formes, de leurs effets, de leur dynamique constitue un excellent révélateur du fonctionnement des territoires (espaces délimités, appropriés, dénommés, structures...) et de leurs sociétés. En fait, la frontière dévoile le projet territorial de la société concernée ; par la notion de projet, la frontière est associée au thème du développement et de l'aménagement. Ces quelques réflexions soulignent ainsi avec force la cohésion de l'ensemble des notions de base qui charpentent le nouveau programme de géographie. C'est dire aussi que certaines d'entre elles peuvent être abordées à différents moments de l'année scolaire, ce qui aura pour avantage de faire comprendre aux élèves la « globalité » de l'étude géographique. La mise en œuvre du programme appelle alors une réflexion de fond sur l'apprentissage et l'acquisition des notions par les élèves, à travers une grande variété d'itinéraires pédagogiques possibles, fondés sur le croisement de l'approche thématique et de l'approche notionnelle. Le thème introductif mis à part, le programme ne prévoit pas d'ordre pour aborder les différents thèmes ; le professeur a donc pleine liberté (et pleine responsabilité) pour conduire les itinéraires de son choix. 3. Une nouvelle démarche : le passage obligé par des études de cas L'un des aspects particulièrement novateur et sans doute fondamental du programme est l'identification d'études de cas : "Chaque thème s'articule autour d'une ou deux études de cas qui mettent en place les problématiques nécessaires à l'appropriation des savoirs et constituent l'apprentissage du raisonnement géographique. Leur choix est donc fondamental : elles doivent être représentatives et sont l'occasion de définir des enjeux, des problèmes à résoudre en analysant des situations géographiques diversifiées." 7

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Comprendre l'étude de cas en géographie. La distinction sémantique entre "études de cas" et "exemples" est sans doute essentielle, car il ne s'agit pas d'énoncer des généralisations, qui seraient illustrées au moyen d'exemples venant à l'appui d'une démonstration globale, mais bien de démarrer l'étude par un ou deux cas concrets. Dès sa mise en œuvre, le programme pose tout un ensemble de questions qui tiennent au choix et à la nature de l'étude de cas, comme aux critères qui permettent de la définir. Les travaux des professeurs du second degré et des universitaires lors des journées de formation apportent quelques éléments de réponse et des précisions. En géographie, une étude de cas revient à étudier un espace, une situation géographique. L'approche est résolument spatiale. Pour cette raison, le cas ne peut être un thème (riches et pauvres dans le monde ou bien l'étude de flux par exemple). Le choix d'un espace doit amener à s'interroger sur l'échelle la plus pertinente pour conduire l'étude d'une situation géographique, en fonction du thème abordé et de la problématique. Car la diversité des échelles est immense ; quoi de commun en effet entre un bassin versant, une plantation d'Amérique Latine, une station touristique, une ville et une région urbaine, une portion de littoral, un Etat dont l'étendue peut être variable, une région du Monde ? Quelle est l'échelle la plus adaptée à la situation choisie et la plus accessible pour les élèves ? Les travaux proposés lors du stage ont permis de conclure sur l'intérêt des études de cas à moyenne ou à grande échelle dans une démarche éventuellement complémentaire. Mais quelle que soit l'échelle retenue, l'étude de cas doit amener à faire appel à d'autres niveaux d'échelles, spatiales et temporelles. Car il ne s'agit pas seulement d'étudier un phénomène à différentes échelles mais bien de recourir à d'autres niveaux d'échelles pour comprendre une situation géographique. Par exemple, les littoraux touristiques méditerranéens ne peuvent se comprendre à la seule échelle du lieu touristique ou d'une unité de littoral ; ils n'existent qu'en rapport avec un arrière pays, ici l'Europe, espace peuplé et riche, constitué en une société des loisirs fonctionnant comme un réservoir de touristes capable d'aménager les littoraux méditerranéens à son profit. La traduction en flux (touristiques, financiers, d'investissements) est nécessaire et évidente. La représentativité de l'étude de cas Un critère essentiel consiste à identifier la manière dont le cas s'articule avec la problématique et les contenus du thème à traiter. La situation géographique étudiée se doit d'être suffisamment représentative, même si, bien entendu, aucune étude de cas ne permet de "faire le tour" d'une question. Comme le prévoit le programme, deux études de cas doivent permettre le cas échéant, de bien éclairer les différentes facettes d'une thématique. S'agissant des « sociétés face aux risques », si l'étude de cas consacrée à Séchilienne* permet d'aborder une grande partie des notions, elle ne résout pas la question des risques technologiques et la confrontation des sociétés des pays riches (où l'on tente de penser ensemble à travers la législation, aménagement, environnement et développement) à * Voir page x partie 4

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celle des pays pauvres. Dans un autre ordre d'idée, l'étude de la côte d'Opale*, située dans son contexte régional et européen, convient peut-être pour souligner les deux logiques, à la fois économique et sociale, industrielle et touristique aboutissant à une occupation croissante des littoraux. Etude de cas, problématique et notions de base Le choix d'une étude de cas suppose donc d'avoir identifié, au préalable la ou les problématiques et notions afférentes au thème, qui permettent d'en justifier l'étude comme d'en faire comprendre le sens aux élèves. Cela suppose dans la phase de préparation, de faire le lien entre l'espace choisi et le thème , en croisant chacune des études de cas avec les notions à traiter. De constants allers-retours sont donc à envisager, entre l'étude de cas, les notions et l'élargissement. La problématique : le questionnement qui permet de comprendre et d'établir le lien entre le particulier et le général, la notion et l'étude de cas

Les notions de base : le corpus de la science géographique.

La généralisation : interprétation de l'organisation générale de l'espace.

Les études de cas : terrain d'analyse, de questionnements, d'enrichissements conceptuels. Acquisition des notions.

Le travail en atelier a permis de s'interroger sur un dernier critère de choix des études de cas. Sur l'ensemble de l'année, quels espaces auront été privilégiés par cette approche ? Ainsi qu'y invite le programme, il est hautement souhaitable de bien tenir l'équilibre Nord/Sud, pour certains thèmes en particulier (le thème introductif ; nourrir les hommes ; l'eau, entre abondance et rareté ; les dynamiques urbaines ; les risques) non sans négliger les études de cas en France, en réservant une place au local et au régional, territoire familier des élèves. Bien entendu, on ne saurait non plus verser dans l'excès inverse , l'étude de la France étant prévue au programme de Première. Ces remarques témoignent de la nécessité qu'il y a à penser le programme dans sa globalité, en croisant les études de cas, les thèmes et les notions, bien en amont de la première heure de cours. Ainsi l'identification des liens en question, nécessaire mais délicate à mettre en œuvre pour les élèves, peut être plus aisée. * Voir page x partie 5

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Le passage du particulier au général La démarche envisagée par le programme est fondée sur le passage du particulier au général, ce qui est une démarche fréquente en géographie. Pour autant, comment effectuer ce passage du cas à la généralisation ? Quelle doit être la place de l'étude de cas dans le traitement du thème ? "Il est nécessaire que chaque étude de cas soit contextualisée par une mise en perspective à petite échelle, s'appuyant prioritairement sur des cartes" 8. Ce que le programme nomme «étude de cas contextualisée » passe par le recours à des cartes à plus petite échelle, planisphères par exemple, sur lesquelles on constate l'extension du phénomène étudié. « Sous quelles formes la situation géographique observée dans l'étude de cas se trouve-t-elle dans le Monde ? Y-a-t-il d'autres types d'aménagement dans d'autres parties du Monde et quels sont leurs effets ? » Sont des questions pertinentes pour une telle démarche. Les travaux des professeurs ont souligné l'importance du bilan notionnel en aval de l'étude de cas, facilitant l'idenfication des notions et l'élargissement. Une démarche, délicate à mettre en œuvre suppose des allers-retours fréquents entre l'approche thématique et le cas, mais aussi des transferts à d'autres espaces, ce que doivent permettre les modules et les évaluations. On vérifie alors la validité des constats et l'on souligne les écarts. L'étude de cas n'est donc pas surtout pas un modèle, mais elle est nécessaire pour faire émerger au delà des singularités, des règles générales et construire un raisonnement pour penser le Monde. Le passage du cas au thème, autrement dit la « contextualisation » est donc spatiale, conduite par le jeu des échelles, mais également notionnelle et thématique. L'étude de cas, la pédagogique active et la synthèse... La question de l'équilibre , en volume horaire, entre l'étude ou les études de cas et l'approche générale a été débattue. Les conclusions des travaux ont amené à bien identifier les risques qu'il y aurait à réduire l'enseignement de la géographie à des études de cas. Pour autant, l'étude de cas doit avoir toute sa place et pouvoir se développer pleinement dans le cadre d'un volume horaire conséquent. Ce volume horaire devrait être compris entre la moitié et le tiers des six heures qu'il convient de consacrer à chaque thème. L'étude de cas se prête bien à la mise en œuvre d'une « pédagogique active » sous la forme d'une « situation-problème » à partir d'un ensemble de documents en nombre limité, mais dont la pertinence didactique doit permettre à coup sûr le relevé d'informations, la mise en relation et la confrontation des documents, l'élaboration d'un questionnement, la formulation de courtes synthèses. Le programme invite en effet à utiliser un vaste éventail de documents. " Les raisonnements mis en œuvre supposent la maîtrise d'outils géographiques. La carte et le croquis sont des outils majeurs [...]. L'étude de chaque thème s'appuie donc sur des cartes à différentes échelles de la plus petite qui permet de situer l'étude de cas à la

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plus grande, plan de ville, POS, plan de prévention des risques... ainsi que sur des photographies de différente nature, des images satellitales, voire des systèmes d'information géographie (SIG). " 9 La démarche pédagogique n'est sans doute pas la même dans la phase d'élargissement : reprise des notions, développement de la problématique, synthèse magistrale du professeur, renvoi à la lecture de la leçon du manuel...» De ces observations, il est possible de retenir quelques grands principes pouvant éclairer la démarche du professeur : – L'étude de cas n'a pas une valeur universelle. Indispensable pour comprendre un problème, sans doute aussi pour motiver les élèves, leur apporter des éléments concrets à analyser, elle doit être systématiquement confrontée à d'autres études de cas, relativisée, ramenée aux notions de base. – Le cheminement de l'enseignant géographe ne peut pas être linéaire. L'étude d'un cas doit être le moyen d'explorer une problématique, de dévoiler les spécificités des lieux, de souligner les écarts par rapport à d'autres, de proposer des hypothèses explicatives, de compléter la définition des notions de base... Mais il ne faut pas perdre de vue la nécessité de remettre encore sur le métier... C'est par un incessant va-et-vient entre la notion, la problématique, le cas, la généralisation, que la connaissance s'enrichit et que la compréhension du monde s'améliore. – Bien entendu, ce n'est pas avec une ou deux études de cas que l'élève accédera à la « connaissance exhaustive » du problème. Ce n'est d'ailleurs pas un objectif d'enseignement. En revanche il aura été formé à la complexité du raisonnement en boucle, en système et pourra, dans sa vie de citoyen, éviter les pièges du raisonnement linéaire trop simplifié et souvent réducteur. Jean-Pierre Renard Professeur des Universités. Université d'Artois

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Catherine Biaggi IA-IPR d'histoire-géographie

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