Curiositykillszecat 002

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#02

Curiosity

Kills Ze Cat


  Photographer - Maud Bernos Š


Like Bangkok


Curiosity Kills Ze Cat 36 Cosmic Couture

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Voyage autour de la mode

22 Imprimés pas déprimés

De fer et de béton

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60 Mot à maux p.6, 48, 114, 140 et 202

106 Colin Maillard

Linogravure

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164 Nihilo Story

150 Les lits de sa vie

hello@curiositykillszecat.com


Twice a Year A window on the World

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Vertige de l’été

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Mallet Stevens à Croix Noir désir

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Jeux d’enfants

La couleur des sentiments

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Grands Espaces

Mode homme d’Automne

www.curiositykillszecat.com

Ont collaboré à ce numéro: Marjolijn de Groot, Maud Bernos, Christophe Lucquin, Inès Schuwirth, Aïna Dutartre, Simon Gomez, Mattéo Girard, Clio Simas, Estelle Genet, Marion Marty, JBL, Klaartje Lambrechts, Searâ Hosszù, Maurice Choutin, Marion Leflour, Valérie Archeno, Charlotte Renard, Yaniv Druker, Claudine Cellier, Marc Da Cunha Lopes, Laurent Fin. Celine de Selva, Rédatrice en chef / DA Marie Mohrt, DA adjointe / Maquettiste Pauline Bocquentin, Graphiste / Iconographe Remerciements chaleureux au Studio ABEL14, Paris. All rights reserved.


Art Post C

‘est un dimanche après-midi ensoleillé. Un de ces dimanches clichés avec le soleil, la douceur et la petite brise du printemps qui invite à la promenade. Le métro nous amène à Iena. Nous sortons et comme le Palais de Tokyo est à côté nous allons y traîner nos yeux fatigués de la veille. L’art post-moderne ou contemporain, c’est toujours un peu la même chose. L’avantage c’est qu’on s’y retrouve assez facilement. On est rarement épaté. En regardant ces installations « modernes » on se dit souvent qu’on aurait pu le faire aussi et qu’on y avait déjà pensé. On se dit aussi franchement ça n’a aucun sens. Mais en y mettant quelques couples de moineaux du Japon et spaghettis en suspension et en y collant des noms comme « prolifération organique », « micro-nations », « nations-concepts », « nouvelles du monde renversé » ou encore « éclairage sur la notion de vie artificielle », ça prend immédiatement un ton plus philosophique. Les artistes modernes sont de réels philosophes. Ils transmettent leur réflexion sur le monde, les pâtes, les plantes vertes, l’antimatière. Comme nous ils y ont pensé et ont peut-être été suffisamment sans honte pour proposer ou peut-être ont-ils eu la chance d’avoir plu à un ou une telle bien placé. L’autre avantage de l’art moderne c’est qu’il est massif, il est simple malgré l’entêtement de certains à donner à leur « travail » un aspect intellectuel qui finalement n’arrive même pas à atteindre la prétention. Les critiques d’art contemporain, eux-mêmes artistes mais frustrés, sont admirables. Dans la cour du Palais, il y a des dizaines de jeunes skaters. Du plus jeune au plus âgé, il y en a pour tous les goûts. Arthur Tress a raison; ces adeptes torse-nu des sports de rue sont parfois terriblement sexy. Ce dimanche après-midi j’ai peut-être été le seul à avoir assisté à la tentative d’assassinat d’un canard par ses propres congénères. Trois canards essayant de maintenir sous l’eau le quatrième se débattant de terreur. J’ai regardé saisi par la violence de la scène. J’ai pensé à ce pauvre canard forcé à la noyade. Son lit éternel, La Seine entre le Trocadéro et le Champ-de-Mars. Aujourd’hui le soleil était là et alors même que Nicolat Hulot appelait au sauvetage de la planète, un malheureux canard allait perdre la vie, assassiné par les siens. Christophe Lucquin

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© Inès Schuwirth Baitogogo, Henrique Oliveira Palais de Tokyo


cousu Robe, Oscar Carvallo 8 Bagues, Atelier Costanza

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e fil blanc Par Marjolijn de Groot


10 Boléro à capuche en plumes, Serkan Cura


Robe, Yulia Yanina Collier, Maria Francesca Pepe


Top et short, Defined Moment

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Robe, Clarisse HiĂŠraix Bracelet, Maria Francesca Pepe

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BolĂŠro, Oscar Carvallo


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Robe, Charlotte Licha


Robe, Sylvio Giardina Bracelet, Atelier Costanza

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BolĂŠro, Serkan Cura


20 Robe, Ilja


Styliste, Céline de Selva @ ABEL 14 Assistante-Styliste, Aïna Dutartre Maquilleuse, Debora Emy Coiffeuse, Carole Douard Mannequin, Luba @ Elite Studio ABEL 14, Paris


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ALCHIMIE Textile d’Estelle Genet


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L’alchimie des formes et des couleurs se donne en spectacle....

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... observant rigueur , colonisation organisĂŠe et confrontation.


Tandis que les herbacĂŠs , les apparentes synapses, les volatiles et les vents....

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... invitent à la légèreté, à l’insouciance et au désordre.


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Entre déplacements effrénés, navigations lentes et immobilité des éléments...

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... chacun trouvera son rythme.


Les mosaïques, les plans linéaires et la symétrie de leurs enchaînements...

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... rappellent la conformité le contrôle et l’hypnose.

Contacter Estelle Genet : gntestelle@gmail.com


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Rêveries urbaines PHOTOS DE SEARÂ HOSSZÙ

Searâ se décrit comme une photographe citadine. Elle observe les villes en mouvement, la tête en l’air, capturant le ballet des grues, l’avancée des constructions d’immeubles, ou le développement du mobilier urbain. Dans ce portfolio, elle nous offre un aperçu de son travail où se mêlent harmonieusement lignes brisées et contre-plongées. Maurice Choutin http://mysweetartgallery.blogspot.fr


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C

hristophe Lucquin est né à l’Île de la Réunion un trois janvier, en été. Il passe son enfance dans plusieurs terres françaises d’outre-mer. Depuis il cherche l’ailleurs. C’est un déraciné. Cette quête l’amène à vivre en Espagne pendant quelques années, à Madrid, ville qu’il déteste, et à voyager en Argentine, en Uruguay et dernièrement au Mexique où il trouve l’amour de sa vie, un génie qu’il publiera l’an prochain. Car Christophe Lucquin est avant tout éditeur. Il fonde la maison qui porte son nom début 2011. Pendant un an, elle ne publie que des livres numériques. Numérique qu’elle abandonne ensuite totalement pour le papier. Il publie de la littérature contemporaine, romans français et étrangers notamment latino-américains. Sentir avant d’interpréter, voilà sa devise.

7h05

Les rues se sont éteintes à 7 h 05 laissant à l’aube le soin d’allumer chaque recoin de la ville. Des voitures qui descendent au loin l’avenue de l’Opéra et des bruits d’eau chassée qui coule dans la tuyauterie cassent parfois le silence. Un vrombrissement incessant qui gagnera bientôt en intensité s’amorce.

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Dans ma chambre, dans mon lit, le bruit de la ville qui se réveille m’inquiète. Elle délivrera bientôt des centaines de milliers de fantômes qui me hanteront le soir.

Temps

Ce matin, je me suis réveillé avec en tête, des images de mon père à trente cinq ans. Je voyais ses cheveux bruns, son sourire, ses grandes épaules larges et le paysage autour était celui d’une plage de la Réunion. L’ambiance était celle d’un pique-nique sous les filaos. J’ai pensé à mon père aujourd’hui, avec ses cheveux gris et son corps amoindri. Ancien joueur de rugby qui ne regarde plus ce sport qu’à la télé. J’ai pensé à ses souvenirs d’homme libre. À ses pensées à lui quand il voyait son père vieilli. Pensait-il la même chose que son fils aujourd’hui ? J’ai pensé à ma mère aussi. En me réveillant ce matin, j’avais envie de rattraper le temps qui passe, arriver à sa hauteur pour le freiner un peu, le corrompre en y ajoutant un produit qui lui ôterait toute possibilité de signer nos visages des heures qui ne s’arrêtent pas. Alors, je me suis dit : c’est quoi arrêter le temps ? Christophe Lucquin


© Inès Schuwirth


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Beh

r o o d e h t d in on by Mar i s o t o h P

L ef lour


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Fall 2014 Menswear, Paris Show Martin Margiela pages 50 & 51 , 60 to 65 Show Kenzo pages 52 to 59 , 66 & 67 Show Damir Doma pages 68 & 69, 74 to 77 , 86 & 87 Show Dries Van Noten pages 70 to 73 , 78 to 85


Chapeau, Maison Michel

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Photographe Marjolijn de Groot

BÉTON ARMÉE


Chemise, Burberry Prorsum

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Ensemble, Burberry Prorsum


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Voilette, Maison Michel


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Robe, Thakoon Ceinture, Bouchra Jarrar Sandales, Gucci


Brassière et jupe, Dries Van Noten Pochette, Sonia Rykiel

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Photographe, Marjolijn de Groot Styliste, Charlotte Renard @ Two P Maquillage, Vera Dierckx Coiffure, Carole Douard Mannequin, Kate Stafford @ Major


La Villa Cavrois Renaissance d’une demeure oubliée

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Chef-d’oeuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens, la Villa Cavrois a été sauvée inextremis de la destruction. La mobilisation de l’Association de Sauvegarde de la demeure a joué un rôle déterminant et a permis d’aboutir en 2001 au rachat de la maison par l’état. Ce dernier y réalise depuis, des travaux colossaux, pour en faire un centre culturel dédié à l’Architecture. En septembre 2013, à l’occasion des journées du Patrimoine, le Centre des monuments nationaux a ouvert le chantier au public pour la première fois depuis le début des travaux. Curiosity Kills Ze Cat vous fait partager la visite de ce monument du patrimoine architecturale français, avant l’heure… Riche industriel textile du Nord, et père de sept enfants, Paul Cavrois découvre en 1929 les propositions cubistes de Robert MalletStevens, lors d’un salon à Paris. L’ architecte est l’un des principaux acteurs du Mouvement Moderne (Pierre Chareau, Le Corbusier…). Sa conception de l’architecture associe simplicité, fonctionnalité et géométrie. Monsieur Cavrois tombe sous le charme de ces idées résolument contemporaines, et commande à Mallet-Stevens la réalisation de sa maison à Croix, dans la banlieue résidentielle de Lille, pour y installer sa nombreuse famille.


La Villa Cavrois est un exemple rare de commande globale dans l’architecture domestique européenne, puisque Mallet-Stevens crée, outre le bâtiment, les aménagements intérieurs, extérieurs et le mobilier. C’est un manifeste esthétique et technique, qui met en avant le travail des formes et de la modernité. Ce n’est donc pas par des ornements ou des dorures que le luxe se déploie, mais par le choix de matériaux nobles, marbres ou essences de bois rares, et par un équipement à la pointe de la technologie. Publié dès la fin des travaux, l’ouvrage «Une demeure» édité par Mallet-Stevens, résume ainsi le programme respecté pour sa construction : «Demeure pour une famille nombreuse. Demeure pour une famille vivant en 1934 : Air, lumière, travail, sports, hygiène, confort, économie.»

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C’est ainsi qu’entre 1929 et 1932, Mallet-Stevens construit un véritable «château moderne» alliant matériaux et technologies de pointe, organisation traditionnelle et grande surface. Les dimensions de la Villa Cavrois sont imposantes : près de 60 mètres de long, 3000 m2 de surface, dont environ 1000 m2 de terrasse. Le foyer s’organise autour d’un vestibule, donnant sur un vaste salon, dans lequel une grande baie vitrée s’ouvre sur le jardin et son miroir d’eau. De part et d’autre de cet axe central, on trouve classiquement les appartements des parents, des enfants et des domestiques, complétés d’une salle à manger, d’un fumoir et d’une salle de jeu. L’ensemble s’ouvre très largement sur les vastes terrasses supérieures et la piscine. Monsieur Cavrois donne à l’architecte carte blanche pour la réalisation de son oeuvre, depuis la conception des plans de la maison, jusqu’au choix singulier des matériaux, par exemple les briques jaunes de la façade, fabriquées spécialement.


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Durant la Seconde Guerre Mondiale, la maison fut occupée par les allemands, puis vandalisée. La famille Cavrois ne s’y installe à nouveau qu’en 1947. L’apparence du lieu de vie est alors considérablement modifiée, suite aux mariage des enfants, car le père souhaite leur présence à ses côtés. Paul Cavrois décède en 1965, son épouse en 1986. Après leur décès, le mobilier est dispersé et la maison est vendue à une société immobilière, qui projette de la détruire et de lotir le parc. Mais des passionnés d’architecture se mobilisent et créent l’Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois en 1989, qui permet d’obtenir dès l’année suivante le classement de la maison et du parc, au titre de monument historique. La demeure est sauvée de la destruction, mais reste à l’abandon jusqu’en 2001, année de son rachat par l’Etat, amputée toutefois d’une bonne partie de son parc.


Le Centre des monuments nationaux est chargé d’assurer sa restauration et de prévoir son ouverture au public pour 2015. Le parti pris est de rendre à la Villa Cavrois son aspect de 1932. Pour cela, le budget total consacré aux travaux, commencés en 2008, s’élève à 23 millions d’euros. Les Journées Européennes du Patrimoine, en septembre dernier, furent l’occasion pour le CMN de présenter au public l’avancement du chantier, et de lui donner un aperçu de la maison, avant son ouverture complète l’an prochain. Dès lors, ce ne sera pas seulement un lieu de visite, mais aussi d’exposition et de programmation culturelle important, un pôle de rayonnement national et international pour l’architecture et le design. Texte d’Aïna Dutartre Photos d’Inès Schuwirth 104

A gauche et en haut : meubles Ci dessus : salle de bains A droite : Reflet de la villa dans la piscine


www.villa-cavrois.monuments-nationaux.fr www6.nordnet.fr/mallet-stevens

Villa Cavrois 60, avenue John-Fitzgerald Kennedy 59170 Croix T 33 / (0)3 20 73 47 12


Chemise, Études Foulard, Mermi

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Foulard, Jonas Delaborde pour Andrea Crews Veste, CotĂŠlac Chemise, Vicomte A

Around The world


Foulard, Mermi Top, La Prestic Ouiston Chemise, Saint Paul Veste et jupe, Bellerose

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Jambe de pantalon, Sonia Delaunay Top, La Prestic Ouiston


Chapeau, C창bleAmi Chemise, JP Gaultier Chemisette, Ted Baker Cravate, Vicomte A

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Chemisette, Le Mont St Michel Cravate, Saint Paul


Top, Araisara Foulard, Filip Von Polen

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Chemise, Ted Baker Manteau, Art/C Robe, Muveil

Photos de Marjolijn de Groot @ C’est la vie Réalisation de Céline de Selva @ Abel 14 Studio ABEL 14, Paris


365 jours par an Il est là, il s’ennuie, il y a la télé, mais ça isole. Il a soif de communication. L’amour, il le pratique 365 jours par an. C’est facile, il est pédé. Quand il s’ennuie, il s’adonne à cette drogue tant prisée de sa condition humaine. Ce n’est pas un guerrier même si parfois l’amour s’en ressent. C’est facile dans son monde, toutes les frontières tombent, sur internet ou dans la rue, il suffit d’y aller, sans montrer trop d’exigences il trouvera forcément. Il n’est pas tout seul à s’ennuyer, ils sont des milliers comme lui derrière l’écran. Il veut juste partager son envie de partager, juste ne pas oublier qu’il n’est pas tout seul. Il y en a des milliers comme lui, qui cherchent un miroir, pour finalement oublier, qu’ils ne sont pas tout à fait comme Dieu nous aurait fait. Alors sur internet, il parcourt les pages d’un grand livre de séduction salace au premier degré, certains disent qu’ils cherchent l’amour pour oublier qu’ils sont pédés. Ceux qui leur répondent le cherchent aussi, ils finissent par se voir, puis prétextant le grand A ils pratiquent le petit. Il y a ceux qui, moins illusionnés, n’invoquent rien, s’entre-prostituant, ils s’aident mutuellement à crier finalement, qu’ils ne sont pas seuls à être différents. Il aurait de beaux enfants, il est beau, jeune, mais il est pédé alors il sera seul. L’idée, parfois, qu’il ne construira pas, il ne l’accepte pas. Alors, pour oublier, il éteint la télé, il y a internet juste à côté. Il aimerait être à deux derrière la télé. Il a déjà essayé, mais ça ne dure jamais assez pour imaginer Noël prochain en « famille » sans famille, tout seul finalement. Et pour oublier, c’est facile, il est pédé, il y a le sauna, le backroom, les regards furtifs dans les librairies de pédés, il y a internet aussi, parce que là-bas, il a le choix et que le grand A et le petit finissent toujours par se confondre. C’est facile, comme ça, s’il n’est pas exigeant, il trouvera forcément. C’est facile pour un pédé de faire l’amour 365 jours par an. Christophe Lucquin

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© Inès Schuwirth


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Marion Marty C’est dans la douceur du design suédois, la poésie des estampes japonaises, mais aussi la force des affiches polonaises comme celles de Roman Cieslewicz, que Marion Marty trouve l’inspiration. De grandes forêts peuplées d’animaux sauvages, des océans remplis de créatures fantastiques, des carpes dorées, une montgolfière qui traverse la planète… Autant de scènes qui peuplent l’imaginaire de l’illustratrice. Émerveillée depuis toujours par les contes scandinaves, son style évolue dans un univers coloré et enfantin. Cette touche-à-tout, diplômée de l’Académie Charpentier, est fascinée par la création d’images. Son style de prédilection reste la linogravure, une technique radicale qui ne donne pas droit à l’erreur.

C’est d’ailleurs ce coté irrévocable qui l’enthousiasme : Le résultat final n’apparait qu’au moment de l’impression, c’est quitte ou double ! Après, elle utilise la retouche numérique pour accentuer la force de l’image. Marion Marty a des projets plein la tête, elle a dernièrement créé Yamok, sa boutique d’objets illustrés, à découvrir sur internet. JBL http://marion-marty.fr/


Illustrations en linogravure de couvertures de livres et crÊations d’affiches, 2013.

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Projet de livre- Illustrations en linogravure et infographie, 2013. À gauche, Affiche «Roméo et Juliette», pour L’opéra Garnier, 2010.


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Illustration pour un article dans « Les Inrock », 2013.


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Livre-objet avec saynètes et personnages à monter soi-même, 2012.

À gauche, affiche «O-Yoné et Ko-Haru» pour les éditions Cambourakis, 2012.


Hunters By Marc Da Cunha Lopes

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Stylist - CĂŠline de Selva @Abel14 Stylist-Assistant - Clio Simas Thanks to Julia, Ilpo and Oscar 138



Séance

Pendant la séance j’ai l’habitude, pour échapper à sa vigilance - qu’elle témoigne avec ses grands yeux pétillants -, de regarder par la fenêtre à sa droite. Mon regard qui se détourne vers les toits et le ciel de Paris me permet en réalité de faire quelques pauses dans mon élocution et aussi parfois de chercher un prochain sujet à développer. Je suis assis en face d’elle, la fenêtre est à ma gauche. Quand elle me dit que « c’est fini pour aujourd’hui » avec sa petite voix aiguë et empreinte de bonne humeur, j’attrape mon sac en cuir marron acheté sur le marché dominical de la Plaza de Francia de Buenos Aires, j’en sors mon portefeuille et mon chéquier. Je lui tends ma carte vitale et, pendant que je rédige le chèque de règlement pour la séance écoulée avec un stylo qui traîne toujours sur le petit bureau placé juste à droite de ma petite chaise, elle effectue la télétransmission à l’Assurance Maladie. J’ai souvent envie de lui poser des questions sur elle et son métier de médecin consistant à remettre sur le droit chemin les esprits éperdus. J’aimerais lui demander son avis sur les choses, sa vision à elle de la vie et surtout de son sens. Chaque fois, je sors de là avec l’impression que je suis décidément très seul.

140 © Inès Schuwirth


On m’a dit On m’a dit qu’il existait sous l’asphalte un monde différent où les gens n’ont jamais vu le jour. Où il n’y a aucun bruit. Où il y a un homme complètement noir qui passe son temps à peindre, mais qui ne connaît pas les couleurs. Il peint en bleu, des bleus inventés. Au coin d’une rue, coule une rivière de peinture bleue. On m’a dit qu’il existait sous l’asphalte un monde où les gens sont comme tout le monde, mais juste un peu différents. Un homme y est roi. Mais personne ne le craint. Il ne dirige pas. Il aime juste dire qu’il est roi. Sous l’asphalte il y a un monde un peu comme le nôtre. Juste un peu différent. Un monde où il n’y a pas de sol, un monde tout bleu, qui n’est que ciel pourtant avoir des ailes n’est pas nécessaire. C’est un monde où les oiseaux marchent, où la pluie tombe sans être retenue. Les gens y sont comme nous, mais juste un peu différents. Dans ce monde on m’a dit qu’un homme tout blanc passait son temps à peindre. Il ne connaît que le bleu et le blanc et peint des nuages que l’on voit de notre monde et que l’on peut toucher dans le sien. On m’a dit qu’il existait un monde où les gens sont comme nous, mais juste un peu différents. Christophe Lucquin


intimate by ValĂŠrie Archeno

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Stylist - CĂŠline de Selva @Abel14 Stylist Assistant - Clio Simas Make Up Artist - Carine M. Model - Lily Fofana @EvidenceModels


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Hats - Laurence Bossion www.laurencebossion.com Nets and shoes - Soisbelle www.soisbelle.fr Garments - Negassi www.negassi.com


It’s getting dark By Christophe Beauregard

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Ces images ont été réalisées au CENTQUATRE lors d’une résidence artistique.


Selfportrait

NIHILO By Nili Ben Simon Portrait of a passionnate designer

Nili Ben Simon is a 29 years old artist and fashion designer from Tel Aviv, Israel. She was born and raised in the beautiful northern port city of Haifa. She founded her label, NIHILO by NILI BEN SIMON in 2012, after receiving her bachelor’s degree in fashion design with honors.

Curio sity Kills Ze Cat met her last September, while she was experiencing her first Paris fashion week. 158


«My designs and siLhouettes are inspired by my painting and

© Yaniv Druker

Vice versa»

CKZC « How did you become an artist, a designer? »

CKZC « Could you describe your design process? »

NILI « My father is the artist and fashion sensitive in the house. As a glass blower for a prestigious Israeli institute of technology, he would travel to many countries. My earliest childhood memory is of him, bringing my sister and me the most beautiful and exotic dresses. He always pushed me to explore and learn through shapes and colors, from picking the right fruits in the market to bringing me my first oil colors at the age of seven, with which I have not parted since. Because of his profession, glass was one of the first materials I observed. Its movement, transparency and translucency shaped the way I experience light, touch and motion. »

NILI « It is a very organic and natural process. When designing a collection, I get inspired by the environment I listen to and absorb. This all adds up to a narrative that challenges me to translate these sensations into a garment. The moment I feel I have determined the atmosphere I would like to create, I intuitively get inspired by different aspects of life that surround me. These initially build the language of my collection. My inspiration comes from music, emotion, light and shadow, photography, sculpture, art and written texts...»


Š Yaniv Druker

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Necklace made out of glass

«...At times, the idea I have in my mind for a silhouette, develops and transforms into something totally different. I call this the miracle of mistakes that occur by experimentation and wondering. That is where I get excited and carried away with the changes. »

CKZC « Do you mix painting and clothing ? » NILI « When I create, my designs and silhouettes are inspired by my paintings and vice versa. I use the same approach to fashion design as to painting, and see the body as I see the canvas. The only difference is the perception of dimension. »


«...In my debut collection, I painted on the fabrics as if they were canvases. These fabrics turned into designs that later I drew on glass. This glass collection evolved into art collection, which naturally became the series of accessories that accompanied the clothes. Paintings, compositions and shapes give me ideas for fashion silhouettes. The language of pattern and design can be seen at times in my paintings; for example, as in a pattern there are cuts and pleats, my drawings, at times are divided in the same essence. »

CKZC « Could you tell us about the ‘Ex Nihilo’ collection ? » NILI « The collection is inspired by ‘Wabi-Sabi’, a Japanese world view and esthetic centered on the acceptance of transience and imperfection. The esthetic is usually described as a kind of beauty that is imperfect, impermanent and incomplete. I interpreted the essence of the void to create a white sheet-like looking organza-silk garment with horizontal incisions. It is a two-dimensional platform that becomes a garment only when the body slides into it. »

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Photographs by Yaniv Druker


«Of course, my dream is to showcase my future collections in Paris!»

Nihilo Show during Tel Aviv Fashion Week, 2012

CKZC « What are your plans for the future ? » NILI « I am currently working on my fall/winter 2014-15 collection, and on a painting exhibition. I am continuously looking for the right balance between art and fashion. The challenge I face is maintaining my artistic approach and my esthetic ethic while designing clothes that are authentic yet wearable. Of course, my dream is to showcase my future collections in Paris! »


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LES LIT S Ces lits sont le reflet de ma vie : une vie en suspension construite de villes en villes, d’emménagements en déménagements, de rencontres en séparations. Ce rythme, hérité de l’esprit nomade de ma famille, est devenu avec le temps une des principales caractéristiques de mon identité : comme un voyageur en perpétuel transit, je m’installe discrètement afin de repartir rapidement. Dans des hôtels, chez des amis, chez des parents, le temps d’une nuit, d’une semaine, d’un mois, le temps d’un voyage, je me suis appropriée ces lits. Textes et Photographies de Maud Bernos www.maudbernos.com


Paris, France – Août 2006

Depuis quelques mois, je transporte mes valises d’un appartement à l’autre. Comme un voyageur en perpétuel transit, je m’installe discrètement afin de repartir rapidement.

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Garches, France – Novembre 2007

Garches fut mon refuge. Pendant quelques années, mon père occupa d’anciennes écuries qu’il tenta de réhabiliter en maison accueillante. Je dis tenta car, très souvent, les rigoureux matins d’hiver, on se retrouvait tous les deux devant notre café, munis de toute une panoplie vestimentaire digne de grands skieurs alpins.


Ziguinchor, Sénégal – Mars 2008

Je peux l’affirmer : on dort extrêmement mal en compagnie de Marie.

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Jaffa, Israël – Juillet 2009

Il fait bon vivre au Jaffa Hôtel, havre de paix dans une région où la tension se conjugue au présent et au pluriel.


Cannes, France – Mai 2010

C’est mon premier Festival de Cannes. Ferrari, champagne qui coule à flot, tenue de soirée exigée … Les SDF ont déserté. Au festival de la fiction, la réalité n’est pas la bienvenue.

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Odessa, Ukraine - Ao没t 2010

Je vois la vie en rose sur la mer Noire.


Bangkok, Thaïlande – Mars 2011

Au 25ème étage, je regarde en boucle les images sur l’immense écran plat. Une journaliste parle en anglais. « Breaking News » clignote et défile sur le bas de l’écran. La monstrueuse vague noire s’écrase sur les villes et dévore tout sur son passage. Les bateaux retournés, les toits qui s’entrechoquent, les hommes fourmis …

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Londres, Royaume-Uni – Mars 2011

Hier soir, j’ai longtemps parlé avec lui sur Skype. Quoi de mieux aujourd’hui pour humaniser une chambre d’hôtel, froide et hermétique, que d’y inviter ceux que l’on aime même s’ils ne sont que derrière un écran. Ben Ali n’est plus, il veut rentrer en Tunisie pour y devenir Président de la République.


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Portland, États-Unis - Janvier 2014 Il roule nuit et jour dans son vieux truck couleur raisin en chantonnant "The West is the best". Elle regarde le paysage défiler en le désirant. Il rêve de châtaignier, de noyer, de genévrier et d'une femme couleur ébène qu'il aimera et qui l'aidera à constuire sa cabane en bois. Elle s'endort à côté de lui en se souvenant, qu'avant, il y a longtemps, elle fut africaine.


Gantz - Dress, Andrew GN Marian - Tee shirt, Puma Jacket, John Lawrence Sullivan Necklace, Ek Thongprasert

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Together Alone

by Klaartje Lambrechts


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Eric Shirt, Alibellus+ Shorts, CotĂŠlac Dani Shirt, Art/C Jacket, Hugo Boss Pants, John Lawrence Sullivan On the shoulder, handbag, Muveil


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Top, Celine MÊteil Undershirt, Calvin Klein Pants, Drome On Marian’s hand Ring, Bernard Delettrez


Shirt, Alibellus+ Glasses, Cast Eyewear


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Coat, John Lawrence Sullivan Jeans, Brownie and Blondie


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Gantz - Shirt, Hugo Boss Jacket, Atsuro Tayama Eric - Tunic, Atsuro Tayama Pants, Alibellus+ Clutch bag, Anjli London


Shirt, Dirk Bikkembergs Windbreaker, Puma

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Top, Anahide Saint AndrĂŠ Pants, Marciano Bracelet, Bijules

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Shirt, Marchand Drapier Pants, Ted Baker Coat, Christine Phung


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Eric Top, Drome Pants, Paul Smith Dani Trench, Innamorato Shirt, Hugo Boss


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Eric - Shirt, Alibellus+ Earring and ring, Bernard Delettrez Gantz - Dress, Courrèges Mask, Zana Baye Marian - Shirt & jacket, JP Gaultier Pants, Dirk Bikkembergs Head band, Zana Baye Stylist - Celine de Selva @Abel14 Make up - Debora Emy Hair - Carole Douard Models Dani Hayes @ City Eric Sakai @ Major Marian Kßbler @ City Gantz @ Nathalie Studio ABEL14, Paris


L’oeil du photographe Laurent Fin est photographe de mode. Depuis plus de vingt ans, il rapporte de ses voyages au bout de la terre des images de paysages desertés. Solitaire, il aime aller là où personne ne va, fixant son regard de photographe sur le monde, malheureux de ne pas savoir le peindre.

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J’ai observé la neige en le regardant partir / Les flocons ont fondu, ils sont éphémères comme nous / La grosseur des flocons déterminait ma peine / A la fin de l’averse, j’ai failli sourire / En fondant sur le sol, ils emportaient ma peine / En glissant sur le sol, j’ai glissé sur nous / J’ai glissé sur ma peine elle se transformait en joie / J’ai regardé le ciel et j’ai pensé à toi / Je suis nostalgique de nos moments perdus, / Le présent d’hier il n’existe plus / Un passé révolu où meurt notre vécu / Je souffre maintenant que m’importe ta peine / l’amour est égoïste / Il nous éloigne de la mort, il nous la fait oublier, / L’amour nous fait devenir ce que l’on n’est pas / Parce que l’on a peur de cette ombre là-bas / Quand l’amour s’en va, on se sent si fragile/Et l’autre se rapproche et son ombre grandit / La pluie et la neige se transforment en gadoue / Je regarde la gadoue et je pense à nous / Elle s’en va elle aussi et dessous c’est tout noir / Je regarde le bitume et je pense à nous / Comme un trou énorme, avec un couvercle invisible / Dans lequel on ne veut que se laisser choir / Mais le couvercle est là et il nous retient/Il faut attendre, il ne faut rien brusquer / Attendre que la vie décide pour nous / Elle approche doucement, chaque jour elle agit / J’ai l’impression de la voir avec ses yeux noirs. Christophe Lucquin

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© Inès Schuwirth


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ete 2014

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