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sans tarder »

« Il faut s’y mettre sans tarder »

Le concept de durabilité, qui postule le maintien d’un environnement vivable permettant le développement économique et social à l’échelle planétaire, a le vent en poupe. Les multinationales l’ont compris, mais les PME sont encore à la traîne. Le regard d’un spécialiste du domaine.

Les perspectives climatiques alarmantes contribuent à cette prise de conscience : les entreprises commencent gentiment à prendre en compte la durabilité. La CVCI a récemment mis sur pied une commission qui réfléchit aux moyens d’agir de manière plus durable à l’interne et de prodiguer des conseils à ses membres pour intégrer la durabilité dans leurs activités. Yves Loerincik, patron de la société eqlosion, qui accompagne acteurs privés et publics régionaux dans leur transformation durable, est membre de cette commission. Il travaille depuis vingt ans dans le domaine. Ingénieur en physique et titulaire d’un doctorat, il répond à nos questions sur le défi qui attend l’économie.

La durabilité est-elle devenue un thème pour les entreprises?

Cet enjeu n’est remis en question par personne aujourd’hui. Dans le cadre de mes activités, je perçois, depuis ces deux dernières années, une mise en mouvement forte du côté des multinationales. Ce thème devient même central et des efforts de plus en plus conséquents sont consentis. Il existe une certaine prise de conscience au sein des PME, mais qui n’est pas encore très concrète. Cela dit, les multinationales vont commencer de répercuter ces enjeux-là sur leurs chaînes d’approvisionnement et, par ricochet, toucher les PME. Beaucoup de multinationales prennent des initiatives Science Based Targets (voir encadré). De fait, cela va toucher leurs clients et sous-traitants. Mais il m’apparaît que les changements à venir sont sous-estimés par la plupart des entreprises.

Quels moyens faut-il déployer pour que les entreprises empruntent cette voie durable?

De gros besoins en compétences vont se faire jour. Les PME ont besoin d’être guidées pour comprendre ce que cela peut impliquer. Ces déficits de formation et de compétences ne sont pas encore perçus. Cela nécessitera également des moyens financiers. Il s’agira de faire preuve d’agilité pour s’adapter.

Le canton de Vaud va débloquer un crédit de 25 millions en faveur de l’économie durable. Est-ce un bon signal?

En créant ce fonds, le canton de Vaud fait œuvre de pionnier, ce qu’il faut saluer. Il comprend plusieurs composantes : formation, mise en place d’une plateforme d’économie durable et d’un soutien à des centres de compétences dans différents secteurs d’activités. Il inclut aussi des aides directes qui sont en train d’être formalisées. Il faut surtout retenir que ces 25 millions serviront à se préparer à se mettre en mouvement.

Existe-t-il d’autres aides pour les PME?

Oui, le réseau reffnet permet aux entreprises une analyse de l’efficience de l’utilisation de leurs ressources, par exemple sous la forme d’un écobilan. Le canton de Vaud propose un certain nombre d’aides pour les audits énergétiques et sur la certification. Innosuisse soutient des NTN Innovation Booster, qui réunissent les acteurs clés de la recherche, de l’économie et de la société en Suisse autour d’un thème d’innovation spécifique. A mes yeux, un lien évident entre durabilité et innovation existe. Quand on parle de durabilité, il ne s’agit pas seulement de faire un audit énergétique et un plan de mobilité. L’entreprise ne doit pas se contenter de verdir son appareil de production, mais elle doit aussi réfléchir à son métier et comment le faire évoluer. Cette transformation va s’accélérer, et c’est là que se situe l’enjeu. Les aides à l’innovation sont utiles, car elles permettent de repenser et de développer de nouvelles offres.

Quel budget faut-il prévoir pour une transformation durable?

Çela dépend de ce que l’on veut faire. L’important, c’est de démarrer en se posant les bonnes questions. Cela peut consister à mettre quelqu’un qui a cette sensibilité dans son conseil d’administration. Le but émission CO2 zéro va toucher tout le monde. Comment démarrer ? Il faut à mon avis au moins cinq à six jours de travail à un expert pour pouvoir estimer ce que fait la société, réfléchir avec la direction au pourquoi de telle ou telle action. Il faut en outre que cette démarche soit en phase avec la stratégie de l’entreprise.

Un message particulier à faire passer?

C’est de s’y mettre sans tarder, peu importe à quel rythme. Et plus on anticipera, plus il sera facile de s’adapter.

UNE INITIATIVE DE L’ÉCONOMIE

Le monde de l’économie ne reste pas les bras ballants devant l’émergence de la durabilité. Ainsi, la faîtière economiesuisse et le WWF Suisse ont lancé au début de cette année un projet pour donner de l’élan à la Science Based Targets initiative (SBTi). Cette dernière vise à permettre aux entreprises suisses d’apporter plus facilement une contribution efficace à la protection du climat. Avec la SBTi, chaque société peut fixer des objectifs climatiques fondés sur la science et décider elle-même à quel rythme elle doit réduire ses émissions pour atteindre l’objectif zéro émission nette de CO2 d’ici à 2050. À ce jour, plus de 60 entreprises suisses ont d’ores et déjà adopté cette initiative.

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