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Parole d’expert Comment sécuriser vos chaînes d’approvisionnement
Comment sécuriser vos chaînes d’approvisionnement
Si la crise du Covid a mis à mal les chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale, la situation empire aujourd’hui sur fond de guerre en Ukraine et de sanctions contre la Russie. Lors d’une conférence à la CVCI, plusieurs experts ont décrypté les risques liés à la situation, les solutions à activer et les effets positifs et négatifs du franc fort.
Après la crise inédite du Covid, qui s’attendait au risque tangible de conflit mondial ? L’anticipation n’est pas une science exacte mais, au sein des Etats comme des entreprises, elle revêt une dimension stratégique. Sondées en mars sur leurs préoccupations par la CVCI et Procure.ch – l’association professionnelle pour les achats et le supply management – une soixantaine d’entreprises ont évalué leurs préoccupations actuelles. L’inflation apparaît en haut de la liste, suivie par la crainte de la faillite de fournisseurs, la récession en Europe, la dislocation durable des chaînes d’approvisionnement et la hausse des coûts de financement. Selon Christopher Cordey, de Procure.ch Suisse romande et fondateur de futuratinow, un cabinet conseil en anticipation stratégique, « une approche systémique doit prévaloir pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement. Il s’agit de repenser l’avenir de son entreprise au-delà de l’urgence du présent, des habitudes et des résistances. » Quant à la cherté du franc, pour l’heure, elle ne semble pas le problème majeur des répondants au sondage.
Pour Alix Bhend-Lambin, stratégiste financière à la BCV, cela s’explique : « Avec le retour de l’inflation, le franc fort n’est plus seulement un obstacle mais aussi un allié. S’il pénalise la compétitivité des entreprises exportatrices, il améliore le pouvoir d’achat des entreprises qui se fournissent à l’étranger, un avantage dans un contexte d’envolée des prix des matières premières. »
CONSÉQUENCES DE L’INFLATION
l’appréciation du franc suisse, et la grande résilience de notre économie face aux récents chocs exogènes. Durant la crise sanitaire, notre PIB s’est en effet deux fois moins contracté que dans la zone euro. Autant de signes de la solidité de l’économie suisse, diversifiée en termes de secteurs. « Le niveau de l’inflation est plus faible en Suisse qu’ailleurs, et nous sommes loin de la spirale inflationniste des années 1990, les salaires ne progressant pas, souligne Alix Bhend-Lambin. Dans la zone euro, l’inflation progresse davantage par les coûts que par les salaires et reste donc moins inquiétante qu’aux EtatsUnis. L’intérêt de relocaliser en Suisse augmente réellement, en particulier face aux pénuries actuelles et à venir. »
Pour parer aux chocs énergétiques et pétroliers qui menacent, au renchérissement des métaux et autres matières premières, à la crise alimentaire à venir, il faut donc repenser les chaînes d’approvisionnement, les raccourcir, mais aussi relocaliser la production de produits stratégiques. « Quant aux exportateurs, puisque le franc reste voué à s’apprécier sur le long terme, on ne peut que les encourager à acheter une couverture de change, actuellement abordable face à l’euro », conclut la stratégiste.
DES RELOCALISATIONS ENVISAGEABLES
Concrètement, comment sécuriser sa chaîne d’approvisionnement? Katia Gutknecht, fondatrice et directrice de KGC Sàrl, accompagne des PME depuis plusieurs années sur cette question. «La crise liée au Covid a poussé les entreprises à anticiper et augmenter leurs stocks. Sur le plus long terme, il faut sécuriser tout en restant compétitif, en misant sur une chaîne agile, adaptable et alignée (concept de triple A) », résume la spécialiste achat et approvisionnement. Cartographier la chaîne d’approvisionnement est ainsi essentiel pour identifier les risques et prioriser les actions ; même si cela peut être compliqué pour certaines matières premières, comme le titane, potentiellement exposées aux sanctions édictées contre la Russie, ou simplement transitant par la zone de conflit.
« A court terme, il s’agit de négocier et de stocker ; à moyen terme, de diversifier ses fournisseurs (en prenant garde aux conséquences douanières et au label Swiss made par exemple), de développer des substituts et de simplifier des nomenclatures. Enfin, à long terme, on pense relocalisation, rerégionalisation, internalisation, redesign ou codesign, différenciation retardée ou économie circulaire, liste Katia Gutknecht. Il ne faut pas minimiser non plus la relation fournisseur et le dialogue régulier pour gagner en visibilité. En cas de crise, un partenariat fort avec ses fournisseurs peut permettre de sortir son épingle du jeu. »
DES RISQUES DOUANIERS À ÉVITER
Quand on doit changer rapidement de fournisseur, certains risques doivent être considérés. Serge Sahli, responsable du service export de la CVCI, rend attentif aux conditions spécifiques liées à chaque accord de libre-échange négocié par la Suisse : « Il est crucial d’évaluer chaque exportation sur le moment pour savoir si l’accord peut s’appliquer. Mieux vaut renoncer à en profiter – le temps de vérifier si les critères restent remplis – plutôt que le demander si on n’y a pas droit, les conséquences douanières pouvant coûter très cher. »