Magazine d’opinion. Numéro 5 / Juillet/Août 2011 / CHF 7.80 www.la-politique.ch
paysans EcologiE Marché rEssourcEs
soMMairE
TITres
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la qualité dE nos produits au fil dEs ans unE MontagnE dE bEurrE rEncontrEs forMEllEs Et inforMEllEs lEs paiEMEnts dirEcts EvitEr la faMinE la vachE lE téléphonE portablE lEs vins suissEs lE hêtrE la fEMME paysannE
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reNDeZ-VOus
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11 lE vignoblE valaisan
la réponse du pdc à l’udc. Impressum
EDITEUR Association LA POLITIQUE ADRESSE DE LA REDACTION LA POLITIQUE, Case postale 5835, 3001 Berne, tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30, courriel binder@cvp.ch www.la-politique.ch REDACTION Marianne Binder, Jacques Neirynck, Yvette Ming, Lilly Toriola, Irmgard Bühler TRADUCTION Yvette Ming, Isabelle Montavon GRAPHISME, ILLUSTRATIONS ET MAQUETTE Brenneisen Communications, Bâle IMPRIMERIE Schwabe AG, Muttenz ANNONCES ET ABONNEMENTS tél. 031 357 33 33, fax 031 352 24 30 Courriel abo@die-politik.ch, abonnement annuel CHF 32.–, abonnement de soutien CHF 60.– PROCHAIN NUMERO septembre 2011 couverture: iStockphoto.com©ra-photos
eDITO – Jacques Neirynck, Rédacteur en chef adjoint
un hoMMagE aux caMpagnEs Mon premier souvenir d’une ferme remonte à la seconde guerre mondiale. En ville, nous manquions de tout, pain, beurre, viande, œufs. A la campagne, tout cela était encore disponible. Mais les services du rationnement surveillaient tous les accès à notre quartier: on visitait les trams, on arrêtait les vélos, on fouillait les sacs des piétons. Aussi à l’âge innocent de dix ans étais-je envoyé seul en tram jusqu’à des paysans de notre connaissance. Je revenais chargé d’un pain, d’un kilo de beurre, d’une douzaine d’œufs, parfois d’un peu de lard. La ferme sentait le fumier, le foin coupé et la terre humide; il y avait des souris dans la grange, des toiles d’araignées et de grosses mouches bleues: notre vie dépendait de ces odeurs. Les contrôleurs ne contrôlaient pas mon sac. Tout était bien. Nous mangions une omelette au lard avec une tartine beurrée. Consacrer un numéro de La Politique aux paysans est un défi. Nous avons fait quelques références à la littérature et aux pénuries de la guerre mondiale. Nous posons la question de l’avenir du paysan suisse type. Nous posons la question de la production du lait, celle des paiements directs, celle du rôle de la femme. Nous sommes ouverts à tous les commentaires et à toutes les suggestions. Nous voulons surtout rappeler à tous les lecteurs, qui parfois pestent contre le coût élevé de l’alimentation en Suisse, que notre autonomie alimentaire constitue une assurance vie en cas de coup dur. Et que serait le paysage s’il était laissé à l’état de brousse, de taillis, de savane? Ce qu’il y a de beau dans la Nature, c’est aussi ce que l’homme en a fait: c’est la Création cultivée par la créature. Notre numéro est une déclaration de respect, d’attention et même d’amour au monde paysan. C’est notre devoir et c’est notre plaisir.
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«MangEz suisse!»
Depuis des années, le PDC s’engage pour l’agriculture suisse. Christophe Darbellay, Président du PDC suisse et ingénieur agronome, est convaincu que son importance va encore s’accroître avec l’augmentation de la population mondiale. Pourquoi les paysans sont-ils si importants pour notre pays? Un premier besoin est en l’Homme, celui de se nourrir. Jamais la surface de bonnes terres agricoles par habitant de cette Terre n’a été aussi réduite. La situation alimentaire mondiale pourrait rapidement se détériorer. La Suisse produit le 60% de ses besoins alimentaires. Nous devons nous prémunir contre le risque alimentaire, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le récent scandale lié à la bactérie tueuse EHEC nous en fait prendre conscience. Dans ces conditions, une agriculture suisse de proximité et de qualité est encore et toujours une chance. L’agriculture suisse nous offre la qualité des produits et un paysage inégalables. Sans le travail des paysannes et des paysans, il n’y aurait pas de pays, donc pas de Suisse. La Suisse ressemblerait à la Forêt noire et comme nous ne sommes pas des trolles, nous préférons vivre en Suisse. Que fait le PDC pour le monde agricole ? Enormément. Le PDC est un allié naturel de l’agriculture suisse. Nous soutenons une agriculture suisse productive et durable. Notre soutien indéfectible aux exploitations familiales est pour nous une évidence. Nous avons sauvé la Politique agricole 2011 alors que tous les autres partis s’en détournaient. Nous sommes parvenus à augmenter les crédits financiers à disposition pour la politique agricole de 150 millions. Le mérite du sauvetage des contributions pour le lait transformé en fromage et le nonensilage revient aussi au PDC. Nous avons trouvé des solutions pour les producteurs de lait confrontés au marasme et combattu un accord de libre-échange agricole avec l’UE. Grâce au PDC, 5 milliards de francs ont été mis en réserve pour des 4
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Missing Link
mesures d’accompagnement agricoles en cas d’aboutissement de l’OMC. Que font les paysans pour assurer leur avenir ? Nous devons reconnaître que les paysans ont fait des efforts considérables pour s’adapter à la nouvelle donne en matière d’écologie et d’orientation-marché. Malgré cela les revenus agricoles demeurent trop bas. Le temps ne s’arrêtera pas, mais il faut reconnaître que l’agriculture a besoin de plus de temps pour s’adapter. L’ouverture des marchés va se poursuivre. La pression sur les budgets agricoles en concurrence avec les besoins d’infrastructures de transports, de formation, de sécurité et d’autres se fera toujours plus sentir. Il n’y a pas de réponse standard à ces défis. Certains choisiront la rationalisation, l’agrandissement du domaine et la spécialisation. D’autres verront leur salut dans la diversification, le tourisme et la vente des produits. Dans l’ensemble l’agriculture suisse, à l’image des progrès immenses qu’a connus la viticulture suisse, doit miser sur le Swissness, la qualité des produits et le marketing. Nous avons la solution: mangez Suisse! Parce que c’est bon, que c’est écolo et que cela donne du travail! Mangez Suisse, c’est PDC… Quel est le message du président du PDC suisse aux paysans en cette année électorale? Je m’engage à soutenir une agriculture suisse productive et familiale. Je m’engage à défendre une industrie alimentaire forte. Notre Parti a toujours été un partenaire fiable de l’agriculture. Ne croyez pas les nouveaux et les faux prophètes! Le PDC est à vos côtés. Le PDC se soucie de la Suisse. Les marionnettes de la Bahnhofstrasse ne sont pas PDC. ■ –La Politique
D
ans les hautes sphères des cent plus grandes entreprises suisses, le nombre d’étrangers a augmenté de 9% au cours des cinq dernières années pour approcher les 50% aujourd’hui.
Partant du principe que les entreprises sont rationnelles, les Suisses devraient donc être de moins en moins nombreux à présenter les qualités requises pour occuper des postes de cadres supérieurs. Je ne le crois pas. Je pars de l’idée que les Suisses ne sont pas devenus beaucoup moins capables au cours de ces dernières années. Et pas plus incapables qu’ailleurs. Alors, il doit y avoir d’autres raisons. Une possibilité: les grandes entreprises internationales doivent être dirigées par des personnes ayant une expérience au niveau international. Les Suisses peuvent acquérir une excellente formation dans leur propre pays, ils ont des entreprises internationales sur place – ou à proximité immédiate – et en général ils ont des salaires très corrects. Ils ne doivent donc pas aller à l’étranger pour faire carrière. Ils se portent assez bien pour ne pas devoir développer d’autres ambitions. Mais la carrière helvétique devient un inconvénient dans la concurrence pour des postes de cadres supérieurs. Si l’on veut que plus de Suisses occupent à nouveau des postes de chefs dans nos grandes sociétés, alors il faut les envoyer davantage à travers le monde. Sans aucune garantie. Le provincialisme n’est pas une question de géographie mais d’esprit. Les grands voyageurs peuvent aussi ruiner des entreprises. –Gerhard Pfister
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Irmgard Bühler
rétrospEctivE dE 90 ans dE politiquE agricolE
Première et seconde guerre mondiale:
La politique agricole de la Suisse a connu d’importants changements au fil de son histoire. Après avoir traversé une période difficile de pénurie alimentaire pendant la Première Guerre mondiale, notre pays s’est battu pour intensifier sa production agricole pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui a permis d’assurer, sur l’ensemble du territoire helvétique, un approvisionnement approchant les 100% en denrées alimentaires.
Loi sur l’agriculture de 1951:
La sécurité de l’approvisionnement a été inscrite dans la loi fédérale de 1951 sur l’agriculture. Le but visé était d’avoir une paysannerie saine et une agriculture productive, tout en accordant une nette priorité à l’approvisionnement de la population. On voulait obtenir ce résultat par le biais d’une agriculture sous contrôle étatique, prescrivant des prix couvrant les coûts et garantissant la prise en charge des récoltes. Malheureusement, cette politique déboucha rapidement sur une impasse, qui eut pour conséquence une surproduction et une hausse du prix des denrées alimentaires. Par ailleurs, l’exploitation intensive du sol et l’utilisation excessive d’engrais entraînèrent des problèmes écologiques. La loi sur l’agriculture prévoyant des prix couvrant les coûts et la garantie de prise en charge des denrées alimentaires entraîna des excédents laitiers, une montagne de beurre et des surplus de fromage. Les prix continuèrent de grimper en dépit d’une offre excédentaire sur le marché.
Années 70/80:
C’est pourquoi la Confédération introduisit, dans les années 70, diverses mesures visant à réguler la production, telles que le contingentement laitier, qui devait garantir qu’il n’y ait pas surabondance de lait sur le marché: on fixa la quantité de lait qu’un paysan pouvait commercialiser dans une année laitière. La Confédération obtint ainsi la stabilité du prix du lait. Mais les paysans virent leurs possibilités d’exploitation économique très fortement limitées. Ils ne pouvaient plus se développer, et de ce fait, ils se virent empêchés d’augmenter leur productivité. Aussi advint-il dans les années 80 que les paysans devinrent 6
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de facto des employés de l’Etat. Cette politique d’économie agricole planifiée – devenue une réalité – entraîna bien vite d’énormes dépenses pour la Confédération. Celle-ci introduisit des prix de seuil pour les produits importés, des droits de douane et des contingents à l’importation, afin que la garantie de prise en charge et les prix fixes puissent être appliqués. En outre, la Confédération était tenue de prendre en charge les excédents produits, par exemple, l’immense montagne de beurre, alors que le prix élevé des denrées alimentaires engendrait un tourisme de la consommation vers les pays limitrophes.
Années 90:
Les années 90 marquèrent un tournant. Une réforme de la politique agricole suivit, en quatre étapes.
Première étape (1993–1998):
Elle avait pour objectif de dissocier politique des prix et politique des revenus. Les paiements directs remplacèrent les subventions. Au contraire des subventions, les paiements directs sont indépendants des produits et liés plutôt à certaines obligations. La garantie de prise en charge fournie par l’Etat fut supprimée petit à petit. En 1996, le peuple et les cantons décidèrent de remplacer l’article de 1951 sur l’agriculture. La nouvelle loi exige une agriculture durable, axée sur le marché. Les paysannes et les paysans sont appelés, d’une part, à fournir une contribution considérable pour assurer l’approvisionnement de la population et, d’autre part, à maintenir les bases naturelles de la vie, à entretenir le paysage cultivé et à assurer une occupation décentralisée du territoire.
Deuxième étape (1999–2003):
Elle tendait à la déréglementation. Les garanties par l’Etat des prix et des prises en charge, ainsi que des organisations semiétatiques comme l’Union fromagère, furent supprimées. Par exemple, le marché des céréales panifiables fut totalement libéralisé. Certes, il existait encore des contingents laitiers, mais qui pouvaient être transférés ou vendus par un producteur de lait. Le prix du lait n’était plus garanti par l’Etat.
Pourquoi agriculteur? Troisième étape (2004–2007):
Elle avait pour objectif d’améliorer la compétitivité et de préparer les exploitations agricoles à la suppression du contingentement laitier le 1er mai 2009. La mise aux enchères des contingents d’importation de viandes a été introduite par paliers. Par ailleurs, des mesures furent prises en vue d’assurer la durabilité sociale, au moyen d’aides aux exploitations, de contributions à la reconversion, etc.
Quatrième étape (2008–2014):
Elle visait enfin à améliorer la capacité concurrentielle, également vis-à-vis de l’étranger. Toutes les subventions à l’exportation ont été supprimées, à l’exception de celles qui concernaient les produits de transformation, tels que le chocolat, les biscuits et les pâtes alimentaires (loi connue sous le nom de «Schoggigesetz»). La réduction des instruments de soutien du marché s’est poursuivie, pour faire place à des paiements directs indépendants de la production. Les taxes frontalières perçues sur les céréales et les aliments pour animaux ont été abaissées. ■
J’ai fait des études d’histoire et j’enseigne actuellement dans un gymnase. Et pourtant, dans une année, je vais reprendre avec mon amie, la ferme de mes parents. pourquoi? Parce que j’adore travailler dans la nature. Parce que, comme agriculteur, je peux organiser moimême mon travail. Parce que je veux poursuivre la tradition familiale. Parce que je suis tenté par le défi de diriger une entreprise. Parce que sa propre viande, ses propres pommes de terre, son propre lait et son propre miel ont tout simplement meilleur goût. Parce que le travail d’agriculteur est très varié. Parce que la vie au rythme des saisons me plaît. Parce que, depuis mon enfance, je voulais devenir paysan. Parce que, comme paysan, je peux aménager mon cadre de vie. Parce que mes amis soutiennent ma décision. Parce que l’agriculture est une branche qui a de l’avenir. Parce que notre ferme existe déjà. Parce que ça me plaît beaucoup de travailler avec les animaux. Parce que je peux continuer mon métier d’enseignant. Parce que je veux développer notre exploitation agricole. Parce que c’est beau de commencer la journée en trayant les vaches. Parce que je veux produire des aliments de haute qualité. Parce que le travail manuel me procure une grande satisfaction. Parce que la nature n’est jamais la même et suscite ma curiosité. Parce que j’adore conduire un tracteur et travailler avec des machines. Parce que mon amie est prête à s’engager dans cette voie avec moi. Parce que je ne peux pas m’imaginer faire un autre travail toute ma vie. Et surtout – parce que c’est le sens de ma vie. –Fritz Baumann, (30 ans), agriculteur dipl. et maître de gymnase
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Markus Zemp, Conseiller national, Président de l’Interprofession Suisse de la filière lait
Le marché suisse du Lait,
exposé au vent impétueux de La LibéraLisation
Autrefois, le marché suisse du lait était l’enfant chéri de la politique agricole. Au fil des décennies, la Confédération a par conséquent réglementé tous les maillons de la chaîne de création de valeur. Parmi les nombreux mots clés qui laissent deviner à quel point ce secteur était truffé de règlements on peut relever: le contingentement laitier, l’Union suisse du commerce de fromage avec la garantie et le subventionnement à l’exportation par l’Etat, l’assujettissement à autorisation et les prescriptions concernant les sortes imposées aux fromagers et, bien entendu, la garantie d’une marge, les taxes douanières élevées voire même les interdictions d’importation.
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Le but bien intentionné qui se cachait derrière ces innombrables réglementations était finalement de permettre aux paysans d’obtenir pour leur lait des prix de revient couvrant leurs frais et de dégager des marges convenables en aval à tous les stades de production. En fin de compte nous passons aujourd’hui à la caisse parce que le secteur a raté d’importantes évolutions du marché précisément à cause de cette surréglementation. Nous pouvons citer par exemple la production dominée par l’Emmental alors que le marché international demandait d’autres sortes de fromages, de même que le fait
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qu’aucune protection de la marque Emmental n’ait été mise en place. Cela montre une fois de plus que pour rester efficace et conserver une position stable sur le marché, un secteur doit impérativement être exposé aux forces du marché.
Le secteur le plus libéralisé Mais tout cela est de l’histoire ancienne. Si l’on excepte la viticulture, l’économie laitière est certainement le secteur agricole le plus libéralisé. Le contingentement du lait a été aboli. La Confédération s’est largement retirée aussi bien au niveau de la réglementation que des mesures d’allégement du marché, le marché du fromage a été complètement libéralisé par rapport à l’UE. Chacun peut produire le fromage qu’il juge commercialisable, puisqu’il est seul à en assumer les risques. Et enfin un paysan est libre de produire la quantité de lait qu’il veut à condition de trouver des débouchés. Aujourd’hui environ 65% du lait produit est exposé pratiquement sans protection au marché européen. Ainsi, les modifications du prix du lait en Europe se répercutent directement sur les prix suisses. en plein mouvement L’ensemble du secteur est en train de trouver sa place sur le marché. Les innovations au niveau des produits ont fortement augmenté, certaines sortes de fromage sont protégées par l’AOC créant ainsi une valeur ajoutée. Plus que jamais, ce secteur est plein mouvement. Mais le processus de transformation en un secteur compétitif à l’échelle internationale laisse des traces. Heureux le paysan qui trouve un acheteur, qui peut écouler
avec succès un produit de qualité répondant à la demande. Pas de chance pour celui qui vit dans un endroit reculé, qui ne peut proposer qu’une petite quantité de lait et qui ne possède pas d’installation de transformation de produits du terroir (fromagerie), susceptible de créer de la valeur ajoutée. Alors que le prix du lait était plus ou moins le même pour tous les paysans suisses (en 1992 environ 107 ct.) sous l’ancienne politique agricole, il varie actuellement entre 45 et plus de 80 centimes.
Les défis A l’heure actuelle, deux problèmes préoccupent le secteur laitier. – La force du franc suisse affaiblit l’économie d’exportation et renforce l’importation. La Suisse perd des parts de marché notamment dans le secteur des fromages. – Une tendance à consommer des aliments à faible teneur en matière grasse se dessine de plus en plus. Ainsi, le taux de matière grasse dans le lait entier (qui serait au fond le lait naturel) est réduit aujourd’hui de 4% à 3.5% avec la bénédiction du législateur; de plus en plus de yaourts exempts de toute matière grasse sont mis en vente; les variétés de fromages contenant peu de matière grasse sont les plus demandées. C’est pourquoi suite à l’augmentation de la production de lait d’environ 5.5% qui résulte de l’abandon du contingentement laitier, la graisse de lait produite ne trouve pas de débouché sur le marché intérieur qui est très restreint. Actuellement, la montagne de beurre atteint les 10'000 tonnes. Au fond, les paysans laitiers suisses ne produisent pas trop de lait, mais trop de matière grasse de lait. Que faire? Sans doute, le secteur ne peut pas faire grand chose par rapport au cours du franc suisse. Mais il doit résoudre le problème de la graisse de lait. Il dispose en principe de deux outils: exporter sur le marché mondial grâce à une baisse des prix et substituer la graisse de palme importée par de la graisse de lait dans l’industrie alimentaire. Là aussi c’est une question de prix. Le fait que l’industrie suisse importe 100'000 tonnes de graisses végétales, dont 30'000 d’huile de palme en provenance
Dictionnaire du représentant du peuple Le centre n.m. point où des forces sont concentrées et d’où elles rayonnent. Cette définition du Petit Robert convient très bien au parti du centre qu’est le PDC où l’on trouve une concentration de forces rayonnantes. C’est au centre de l’échiquier politique que se construisent les solutions, les compromis et les équilibres qui font le succès de la Suisse. Cette place charnière n’est pas toujours la plus confortable car elle exige beaucoup plus d’efforts d’explication de la part de ceux qui l’occupent que de ceux qui voient tout en blanc ou tout en noir. Et dire que le parti du mouton noir qui a rayé le mot nuance de son vocabulaire ose se revendiquer du centre et même l’afficher dans son nom! (ym)
de productions en partie dangereuses sur le plan écologique, doit nous faire réfléchir. Cela montre à quoi peut mener un marché globalisé qui ne respecte pas de standards. La grande discussion sur l’allégement du marché du beurre porte essentiellement sur des questions de financement. L’agriculture est prête à mettre à disposition les moyens nécessaires, car le prix du lait serait alors protégé pour tous. La question de savoir quelles charges supplémentaires pèseront sur les paysans qui ont augmenté leur production depuis la sortie du contingentement laitier soulève des controverses et donne lieu à des interventions politiques. Sous la conduite de l’Interprofession Suisse de la filière lait (IP Lait), le secteur a trouvé un compromis et nous pouvons espérer que la montagne de beurre aura disparu dans deux ans. Une chose est claire. Il serait faux de vouloir revenir au passé. Une amélioration de la compétitivité à tous les niveaux, de nouveaux produits susceptibles de créer une importante valeur ajoutée ainsi qu’une prospection proactive du marché en Suisse et à l’étranger conduiront le secteur laitier sur la voie du succès. Alors, le prix du lait sera lui aussi amélioré. ■ La PoLitique 5 Juillet/Août 2011
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©World Economic Forum/swiss-image.ch/Photo: Moritz Hager
Sept queStionS à Klaus schwab Fondateur et préSident du Forum économique mondial 1. Dans quelle mesure le Forum économique mondial (WEF) contribue-t-il à faire de la Suisse un modèle à succès ? Je pense qu’aussi bien la Suisse que le Forum économique mondial profitent l’un de l’autre. Le Forum défend des valeurs foncièrement suisses qu’il diffuse dans le monde: nous sommes indépendants, nous visons les normes de performance les plus élevées et nous sommes appréciés dans le monde entier. 2. Le WEF vit des rencontres personnelles, en partie informelles, entre décideurs. En avons-nous toujours besoin dans l’ère des moyens de communication modernes? Nous recourons aussi aux moyens de communication les plus modernes. Pendant la réunion annuelle à Davos, nous avons été cités 40'000 fois sur Twitter, notre nombre d’amis Facebook a passé de 15'000 à 65'000. Nous nous en réjouissons bien évidemment. Mais même les technologies les plus sophistiquées ne sont pas en mesure de remplacer le contact personnel. C’est pourquoi les pays du monde entier nous demandent très régulièrement d’organiser des réunions. 3. L’«éthique en économie» est-elle plus qu’une simple tendance à la mode au WEF? Est-ce que vous pensez que le WEF est réellement en mesure d’induire des changements de comportement chez les élites auto-désignées? Pour nous, le comportement éthique n’a rien à voir avec la mode. Je suis fermement convaincu que seuls ceux qui se conforment à des lignes directrices éthiques connaîtront un succès à longue échéance. Ceux qui ne se comportent pas correctement, disparaissent rapidement du marché. Une éthique commune s’impose et nous participons très activement à ce processus. 4. Comment percevez-vous le rôle de la Suisse: conserver son indépendance ou se fondre dans la communauté internationale? Je pense que la Suisse joue un rôle excellent à l’échelle interna10
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tionale: elle s’engage lorsqu’il s’agit de participer à la résolution de problèmes. Mais elle garde toujours son indépendance. Elle devrait conserver son autonomie. 5. Une interdépendance trop grande entre l’économie et la politique peut être préjudiciable. Mais, un comportement apolitique de la part des leaders du monde économique peut avoir des conséquences tout aussi désastreuses sur la politique gouvernementale, dans la mesure où il favorise le populisme. Les leaders du monde économique sont-ils apolitiques? La politique crée le cadre de l’activité économique. Il importe que les responsables politiques soient conscients des conséquences de leur activité. Le débat permanent entre la politique, l’économie et la population civile est indispensable à la construction durable de l’avenir. Cela n’a rien à voir avec une interdépendance opaque ou un amalgame. Il est indispensable de conduire un dialogue ouvert, de chercher ensemble des solutions. Et il serait souhaitable qu’un plus grand nombre de représentants de l’économie siègent au Parlement. 6. Les leaders du monde économique sont-ils animés d’un esprit social? La plupart d’entre eux le sont. Ils se réjouissent de leur succès, mais également du fait de créer des postes de travail et de pouvoir offrir une perspective aux gens. 7. Quels seront à votre avis les grands thèmes du futur qui seront aussi au centre des débats du WEF? A long terme, nous suivrons certainement l’évolution de la Chine et ses conséquences pour le monde, mais nous nous occuperons également de la conversion de l’économie mondiale à une utilisation, une production et une distribution de l’énergie respectueuses de l’environnement. Mais aussi, la prévention de nouveaux déséquilibres dans le domaine financier… ■ –Rédaction La Politique
reNDeZ-VOus Paul-André Roux, Conseiller national
VIgNes eN Terrasses un patrimoine d’importance national. Une partie importante du vignoble valaisan est constitué de vignes en terrasses. Celles-ci sont soutenues par des murs en pierres sèches qui ont été construits de manière artisanale par nos ancêtres. Certains de ces murs, comme dans le vignoble de Clavoz, au-dessus de Sion, sont impressionnants et démontrent toute l’ardeur et le courage qu’il a fallu pour gagner des mètres carrés de vignes sur un territoire difficile à l’exploitation agricole. Les terrasses ressemblent à celles du vignoble du Lavaux qui a été inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2007.
On peut donc raisonnablement penser que ce patrimoine doit pouvoir bénéficier d’une aide financière. Effectivement, l’entretien de ces murs coûte cher et ce sont des vignerons privés qui doivent prendre en charge ces dépenses. Le coût de production de ces vignes en terrasses étant déjà supérieur à la moyenne, une aide publique semble parfaitement adéquate. J’espère que ces chefs-d’œuvre artisanaux pourront continuer d’exister afin que le coteau du vignoble valaisan reste aussi exceptionnel qu’il l’est aujourd’hui. ■
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Peter Bieri, Conseiller aux Etats
Politique agricole 2014–2017: le nouveau système des paiements directs Les paysannes et paysans de notre pays produisent des denrées alimentaires et veillent ainsi à la sécurité de l’approvisionnement national. Mais nos exploitations agricoles ne nous approvisionnent pas uniquement en pommes de terre et en côtelettes de porc. Elles fournissent aussi beaucoup d’autres prestations profitables à notre société: elles entretiennent le paysage, promeuvent la biodiversité et veillent à une occupation décentralisée du territoire. À cet effet, la Confédération les rétribue depuis les années 90 au moyen des paiements directs. La politique agricole 2014–2017 que propose la Confédération sera encore plus ciblée que jusqu’ici. Les paiements directs seront répartis en sept catégories, dans la proposition du Conseil fédéral: 1. Contributions au paysage cultivé Le paysage marqué par la main de l’homme est qualifié de paysage cultivé. En Suisse, une vaste partie de ce paysage est constituée de surfaces agricoles. Afin de permettre l’exploitation la plus étendue possible des surfaces rurales et alpines, la Confédération souhaite encourager, par le biais de paiements directs (contributions au paysage cultivé), le maintien d’un paysage rural ouvert. De ce fait, on évitera par exemple l’extension de la surface forestière. En période de crise, le pays doit disposer de suffisamment de surfaces agricoles utiles.
2. Contributions à la sécurité de l’approvisionnement Afin que notre pays puisse produire, également en cas de crise, suffisamment de denrées alimentaires, la Confédération est tenue, comme le veut la Constitution, d’assurer l’approvision12
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nement du pays. Le maintien des surfaces agricoles utiles (voir contributions au paysage cultivé) ne suffit pas à cet effet. En temps normal, la production agricole doit être orientée en premier lieu sur les besoins du marché. Toutefois, une exploitation diversifiée est une nécessité, afin qu’en période de crise l’agriculture puisse être adaptée aux exigences minimales en relativement peu de temps et avec un investissement supportable. De même, le potentiel de production et les capacités de transformation doivent être à disposition. À cet effet, il faut suffisamment de savoir-faire, qui doit être maintenu en temps normal. Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement doivent ainsi concourir, par exemple, au maintien des cultures spécifiques et compenser les difficultés de production et les désavantages comparatifs des coûts liés aux grandes cultures.
3. Contributions à la biodiversité La diversité biologique a une importance existentielle pour la survie et l’évolution de l’humanité. L’agriculture, disposant d’un tiers de l’utilisation des sols, exerce une grande influence sur la diversité biologique de notre pays. Elle produit de la biodiversité, et en même temps elle en est tributaire. Les contributions à la biodiversité doivent permettre de promouvoir la diversité des plantes et des animaux. La nouveauté consistera à mettre l’accent sur la qualité des structures et des surfaces de promotion de la diversité de façon à obtenir un résultat plus important que jusqu’ici. 4. Contributions à la qualité du paysage En Suisse, il existe divers paysages cultivés particuliers tels que les pâturages boisés, la culture en zone de montagne ou les châtaigneraies. La diversité et la qualité du paysage cultivé suisse revêtent de nombreuses fonctions sociales et économiques, notamment en matière de tourisme. Mais jusqu’ici, la Confédération n’avait pas la possibilité de les soutenir spécifiquement. Les contributions à la qualité du paysage permettront désormais de promouvoir des projets tout à fait concrets. Cela signifie par exemple, pour les paysages du Plateau dans la région de la chaîne plissée du Jura, le maintien de sites tradition-
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nels et la conservation de troupeaux mixtes. L’accessibilité aux piétons et aux cavaliers sera améliorée grâce à des portails de pâturages et à l’installation d’abreuvoirs.
5. Contributions au système de production Les modes de production particulièrement en accord avec la nature, respectueux de l’environnement et des animaux, qui ont fait leurs preuves au cours des dernières années, doivent être encouragés par des contributions au système de production. Pour ce faire, on pourra d’une part encourager les entreprises qui, par exemple, ont converti l’ensemble de leurs méthodes de production en agriculture biologique. D’autre part, on encouragera également celles qui utilisent certains modes de production tels que la production laitière et la production de viande d’animaux alimentés essentiellement avec de l’herbe.
6. Contributions à l’efficience des ressources L’agriculture a besoin de sol, d’eau et d’air. Ces ressources doivent être de bonne qualité et être utilisées dans l’esprit du développement durable. Les engrais tels que l’azote et le phosphore, ainsi que les produits phytosanitaires et l’énergie, doivent être utilisés de manière efficace. Les contributions à l’efficience des ressources doivent encourager l’introduction à large échelle de nouvelles techniques, telles que le système de rampes d’épandage à tuyaux flexibles, qui permet de réduire les émissions d’ammoniac lors de l’épandage de lisier.
7. Contributions à l’adaptation Les paysannes et les paysans travaillent sans relâche, le plus souvent 7 jours sur 7, pour que nous puissions nous procurer quotidiennement du lait, des œufs, du pain, des légumes, de la viande, du fromage et bien d’autres aliments frais. Ils accomplissent un travail important pour nous tous et, comme nous l’avons dit plus haut, un travail qui va bien au-delà de la simple production de nourriture. Ils doivent être rémunérés d’une manière juste et appropriée pour ce service qu’ils fournissent à la société et au paysage. Avec le système des paiements directs appliqué jusqu’ici, le revenu des agriculteurs était réglé principalement au moyen de la contribution générale à la surface. Désormais, ces revenus devront être des paiements de soutien complètement découplés de la production. Il est prévu que ces contributions à l’adaptation soient liées à la personne de l’exploitant et qu’elles adoucissent le passage du système actuel au nouveau système selon le point de vue de l’entreprise individuelle. ■
…c’était le début de la crise de la vache folle. Le 9 juin 1996, le peuple suisse plébiscitait (77,6%) le contre-projet élaboré par le Parlement fédéral suite au dépôt de l’initiative populaire «Paysans et consommateurs – pour une agriculture en accord avec la nature». Ce nouvel article constitutionnel définit les tâches de l’agriculture et vise à rassurer les agriculteurs. On peut lire dans la brochure publiée par le Conseil fédéral que: «la réforme de la politique agricole crée les conditions qui permettront à l’agriculture suisse de produire en tenant compte des besoins du marché et en respectant l’environnement et les animaux (…) Cet article prévoit notamment que la Confédération rétribue les nombreuses prestations fournies par les exploitations paysannes.» (ym)
Dans sa réponse à la consultation sur la politique agricole 2014–2017, le PDC a exprimé son scepticisme à l’égard du nouveau système de paiements directs. Il se prononce clairement contre l’idée d’axer davantage les paiements directs sur la culture des champs et l’agriculture extensive et de défavoriser ainsi la production animale. Le PDC s’engagera, à l’avenir aussi, pour une agriculture productive et durable.
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La journée d’un Lève-tôt Avec Jakob Büchler, Conseiller national et agriculteur 05h00: réveil. C’est mi-mai. Les vaches sont encore sur la pâture de nuit. 05h30: les vaches sont rentrées de la pâture de nuit à l’étable. D’abord elles sont traites. Aujourd’hui le contrôleur du lait est présent. Il prélève à chaque vache un échantillon de lait pour en déterminer la teneur en matière grasse, en protéine et en lactose ainsi que l’hygiène. Les résultats peuvent être consultés sur internet et imprimés dès le lendemain. 07h00: un camion citerne est accroché à la voiture et le lait est livré à la fromagerie. La paysanne se charge du nettoyage de l’installation de traite. Une tâche à grande responsabilité, car la qualité du lait en dépend grandement. 07h15: les vaches ressortent sur les pâturages et y restent jusque vers le soir. 07h30: les enfants plus âgés partent en bus scolaire à l’école enfantine, primaire ou secondaire. Le reste de la famille se réunit dans la maison pour prendre le petit déjeuner.
nées sur le trafic des animaux. Il imprime en outre pour chaque animal un document d’accompagnement en trois exemplaires: le premier pour l’éleveur de bétail laitier, le deuxième pour le transporteur et le troisième pour l’abattoir. Le soir-même, l’agriculteur peut consulter dans la banque de données sur le trafic des animaux la qualité d’abattage de ses veaux à l’engrais. 10h00: aujourd’hui il fait beau temps. L’herbe est déjà bien haute. La fenaison a déjà commencé. Le paysan se rend en tracteur sur la prairie et fauche 5 ha d’herbe pour la fenaison. Après le moissonnage, l’herbe encore verte est répandue afin d’en optimiser le séchage. 12h00: il est midi. Les enfants rentrent de l’école. La famille se retrouve pour partager un excellent repas préparé par la paysanne. La pause de midi est pour toute la famille un moment d’échange et de discussion important. La météo est écoutée attentivement, car l’herbe fauchée ne doit pas être arrosée par la pluie. 13h30: le foin fauché est retournée encore une fois.
08h00: les étables sont nettoyées, les litières des veaux sont rafraîchies, les mangeoires automatiques sont nettoyées et fraîchement remplies.
14h15: le pâturage doit être agrandi pour que les vaches trouvent toujours de l’herbe en suffisance.
09h00: vingt veaux à l’engrais sont chargés sur un camion pour être transportés à l’abattoir. Le chef de l’exploitation doit faire une déclaration de départ par internet auprès de la banque de don-
15h00: la moissonneuse nécessite une petite réparation. La dernière roue n’a plus de pression d’air. L’atelier de la ferme est bien équipé pour ce genre de réparation. Le pneu est réparé et regon-
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flé. Il est important de pouvoir effectuer de tels travaux soi-même, car les coûts de réparation des machines sont élevés. 16h30: les vaches rentrent du pâturage à l’étable. Le paysan a vu qu’une vache boitait légèrement d’une patte arrière. Cette tâche ne peut être reportée. C’est pourquoi la vache est soumise aux soins de ses onglons. La patte malade est soulevée, la partie douloureuse est coupée, traitée avec une pommade pour onglons et protégée par un pansement solide. La vache boiteuse se porte déjà un peu mieux. Le pansement sera changé le lendemain. 17h30: la machine à traire est de nouveau installée et les vaches sont traites. Le lait frais coule dans le réservoir à lait, où sa température est immédiatement baissée à 4 degrés Celsius. 19h00: le travail est achevé. La famille se réunit pour le repas du soir. Les enfants font encore leurs devoirs. 19h30: le paysan est membre des sapeurs pompiers du village. Un important exercice est prévu aujourd’hui. Il dure jusqu’à 21h30. Le paysan achève sa journée en buvant un verre bien mérité au restaurant du village. Être agriculteur est un métier à la fois formidable et pénible. Le travail avec les animaux et avec la nature est captivant. ■
Le COIN CuLTureL
ROsa CanDiDa d’audur ava olafsdóttir Les écrivains islandais ne sont guère connus chez nous que par l’entremise d’Arnaldur Indridason et son inspecteur Erlendur et, dans une moindre mesure, d’Arni Thorarinsson, deux auteurs de polars publiés chez Métailié. Audur Ava Olafdóttir, née à Reykjavik en 1958 et auteure de Terre relevée et de Pluie de novembre, qui a été couronné du Prix de Littérature de la Ville de Reykjavik, a publié récemment chez Zulma son troisième roman, Rosa candida, initialement paru en 2007 et traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson. Arrivant d’un pays perdu entre deux continents, où les objets d’art et d’architecture n’ont pas plus d’un siècle, cette écrivaine islandaise a été fascinée pendant ses études à la Sorbonne par la ville de Paris qui respire l’Histoire. Son dernier roman, qui conjugue tendresse et optimisme, a connu un succès retentissant en France. Le jeune narrateur, Arnljotur, quitte les paysages crépusculaires de son pays (non précisé), Josef, son frère jumeau autiste, et son vieux père, pour entamer sur le continent un voyage long et quelque peu chaotique. Environ deux ans auparavant sa mère, victime d’un accident de voiture, avait réussi à lui donner par téléphone quelques recommandations avant de décéder. Sans s’en rendre compte, le fils aura écouté ces dernières paroles d’une mère adorée avec qui il partageait sa passion pour le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare
Grincheux
de la Rosa candida. Le voilà donc en route, abritant dans ses bagages quelques boutures de cette rose à huit pétales, vers un ancien monastère isolé, dominant un petit village presque oublié du monde, dont il remettra en état la roseraie laissée à l’abandon. Il se lie d’amitié avec Thomas, un frère cinéphile, avec qui il s’entretient sur les grandes questions existentielles qui le préoccupent dans sa quête. Peu à peu il va trouver sa place dans cette nouvelle existence, s’imaginant que seules ses conversations téléphoniques régulières avec son père le rattachent à son passé. Mais celui-ci le rattrape sérieusement lorsqu’Anna, la mère de Flóra Sól (la fille d’Arnljotur née six mois auparavant d’une brève étreinte nocturne dans la serre du jardin familial), lui fait la demande pressante de garder cette enfant pendant qu’elle écrit son mémoire de diplôme. On est fasciné par la manière dont le narrateur observe sa vie et analyse ses sentiments, cherchant toujours à positiver ce qui lui arrive même s’il paraît contrarié dans un premier temps. Il émane à la lecture de ce roman une sérénité née de la beauté, de l’intelligence et de la finesse du regard de l’auteure sur ses personnages, dont chacun dévoile tout naturellement ses plus belles qualités. Je ne peux que recommander cette œuvre d’une grande sensibilité et candeur, formulée dans un style direct et sobre qui renforce l’impression d’authenticité. ■ – isabelle Montavon gasser
Oui, les jardins familiaux sont en danger! Il s’agit en général de petits lopins de terre situés en bordure des villes où les familles font pousser des légumes, des baies et des fleurs. Ces jardins collectifs sont aussi des lieux conviviaux où chacun se rend régulièrement pour arroser ses haricots et ses carottes mais aussi pour rencontrer d’autres jardiniers en herbe et faire un brin de causette. En général, ces jardins familiaux sont propriétés de collectivités publiques. Ces terrains assez plats, bien ensoleillés et proches des centres urbains pourraient être valorisés et utilisés pour construire des logements ou des centres commerciaux… Lorsque des projets se concrétisent, certaines communes proposent de déplacer ces jardins familiaux dans des zones agricoles parfois très éloignées des quartiers populaires et pas toujours desservies par les transports publics. Oui, ces jardins sont en danger… car nous ne voulons pas faire des dizaines de kilomètres en voiture pour aller chercher une salade ou cueillir des fraises pour le dessert!
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Jacques Neirynck
Si la famine revenait… Aujourd’hui l’agriculture suisse constitue un secteur économique protégé et subventionné par divers mécanismes. En effet, si on se fiait simplement au marché pour réguler ce secteur, des importations massives à bas prix le réduiraient à rien. Malgré cette protection, depuis plusieurs années on assiste à une restructuration de la branche agricole induisant une importante baisse du nombre d’exploitations et d’emplois. Le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 15% entre 2000 et 2009. La taille moyenne des exploitations est passée de 15,2 à 17,6 hectares. Parallèlement, la main-d’œuvre agricole a diminué de 18% à 167 000 personnes. Seuls 44% de cette main-d’œuvre travaillaient à plein temps. La contribution du secteur agricole à la valeur ajoutée brute se montait à 2,4% en 1990 et n’atteignait plus que 1,2% en 2000 et 0,8% en 2009. Dès lors apparait la tentation de l’abandonner à son sort. La position du PDC s’inscrit à rebours de cette démission: nous tenons à ce que l’approvisionnement alimentaire soit garanti à 60% par l’agriculture suisse. Pourquoi? Pour survivre en cas de crise internationale! Soit un conflit mondial, soit une pénurie brutale due à la dégradation du climat. Que signifie pour un consommateur ce genre de crise?
Dans la Belgique en guerre De juin 1940 à octobre 1944, de 9 à 13 ans, j’ai vécu dans la Belgique occupée par les nazis allemands. Le pays fut réduit à sa production indigène, alors qu’il importait en temps de paix aussi bien du blé américain que de la viande d’Argentine, de l’huile d’Afrique que du beurre de France. La rupture de juin 1940 fut tout de suite manifeste pour les fruits tropicaux, oranges, bananes, pamplemousses, ananas qui disparurent complètement. Pas question de les importer d’Espagne parce que les transports et les devises étaient réservés à l’économie de guerre avec ses priorités. L’hiver signifiait n’avoir que des pommes comme fruits et comme source de vitamine C. Mise au régime Puis vinrent les restrictions sur les éléments de base: une ration quotidienne de 3g. de beurre, de 30g. de viande, de 300g. de pain noir et gluant. L’essentiel de la ration provenait des pommes de terre cultivées massivement pour que la popula16
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tion ne meure pas de faim. Bien entendu, le café, le thé, le chocolat devinrent rapidement des produits de luxe vendus à des prix extravagants pour quelques privilégiés. Les fruits et les légumes demeuraient libre de rationnement ce qui soulageait quelque peu la situation en été. La population belge fut donc mise au régime, surtout pour les matières grasses. Le résultat ne fut pas totalement négatif: les maladies cardiaques régressèrent. Mais la tristesse de cette période fut immense: on ne vivait plus de façon opulente avec de bons repas à la clé, on survivait simplement. Les riches se fournirent au marché noir et continuèrent à consommer viande, pain blanc, beurre, café, chocolat. Les pauvres pâtirent davantage. Il n’y eut cependant pas en Belgique de famine massive comme ce fut le cas durant l’hiver 1944 aux Pays-Bas, où des gens moururent littéralement de faim, d’autres survécurent en dévorant des bulbes de tulipes.
Déprime au Congo Le hasard voulut que je vive un autre épisode de pénurie de 1960 à 1963 dans le Congo indépendant. Faute de devises, il n’était plus question d’importer de l’alimentation et on se retrouva avec les ressources locales très limitées, papayes, bananes et ananas comme fruits, bière comme boisson, poulets surgelés comme viande. On n’avait pas faim du tout mais c’était déprimant. assurance sécurité pour le futur Quelle leçon ai-je apprise? Même si la production planétaire est suffisante, les difficultés de transport ou le manque de devises peuvent engendrer des pénuries qui vont de pénibles à franchement périlleuses. Sept milliards de bouches à nourrir sur la planète nous mettent dans une situation de tension qui peut à tout moment basculer vers une crise dramatique. L’agriculture représente comme l’armée une assurance sécurité pour le futur. Les assurances coûtent toujours trop cher avant l’accident. Mais le risque d’une pénurie mondiale de produits alimentaires de première nécessité est bien plus important que de voir le territoire menacé d’invasion par une armée étrangère. La sécurité de la Suisse passe par le maintien de son agriculture. ■
CarTe bLaNChe
«Made in Dagenham» – un film à ne rater sous aucun prétexte! 2011 est une année à marquer d’une pierre blanche pour les femmes: on se remémore, à défaut de pouvoir les fêter pleinement, les 40 ans du droit de vote des femmes, les 30 ans de l’article constitutionnel sur l’égalité, les 20 ans de la grève nationale des femmes et les 15 ans de la loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes. On dresse le bilan des victoires et des défaites des femmes, tout en évaluant le chemin encore long qu’il reste à parcourir, qu’il s’agisse d’égalité au sein des couples, d’égalité en matière de salaires et de retraites, d’égalité dans le domaine de la représentation des femmes, que ce soit dans la vie politique ou celle des entreprises… Pour célébrer ces anniversaires, l’Office de la politique familiale et de l’égalité du canton de Neuchâtel a offert en mai à la population neuchâteloise la projection du film «Made in Dagenham», suivie d’un débat avec les conseillères nationales Francine John-Calame, Sylvie Perrinjaquet, Maria Roth-Bernasconi, la présidente du Parlement des jeunes de Neuchâtel Jasmine Herrera, ainsi que la soussignée.
«Made in Dagenham» est un film jubilatoire! Il raconte la lutte des 187 couturières de l’usine Ford de Dagenham, la plus grande usine d’Europe à l’époque, contre les inégalités salariales dont elles étaient victimes. Dans l’Angleterre de 1968, on assiste à la prise de conscience des ouvrières, travaillant dans des conditions pénibles, qui se rendent compte qu’elles sont moins bien payées que les hommes qui travaillent à la chaîne. Soutenue par un syndicaliste, une des ouvrières prend la tête d’un mouvement de révolte et de grève qui aboutira à l’adoption en 1970 de l’Equal Pay Act, entré en vigueur en 1975, qui devait mettre un terme aux discriminations salariales entre hommes et femmes. Un film au ton juste, sensible, plein d’humour, à voir absolument! –Anne seydoux-Christe
«rendons à César… La carte blanche „L’arrogance du vaincu?” publiée dans le numéro 4 du mois de juin est signée de Raymond Loretan. Avec nos excuses à son auteur!»
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Rudolf Hofer, Bümpliz
la vachE, lE paysan Et lE MondE
Pourquoi l’alliance de 1291 entre les trois communautés rurales d’Uri, Schwyz et Unterwald est-elle devenue un Etat moderne? Plusieurs historiens attribuent celle évolution à l’entrée de certaines villes dans la Confédération, ce qui a été sans doute un facteur de succès. Mais pourquoi les cantons ruraux ont-ils continué à être traités sur un pied d’égalité et n’ont-ils pas été dominés par les villes? En d’autres termes: pourquoi les paysans suisses ont-ils développé une telle capacité de construire un Etat, capacité généralement peu développée dans le monde paysan? Du bétail à la place des céréales Le paysan européen type du Moyen Âge produisait surtout des céréales. D’une part, il était responsable des cultures sur les terres que son seigneur lui octroyait et, d’autre part, il était contraint de cultiver les terres de son suzerain. Le paysan couvrait ses propres besoins alimentaires et il vendait une partie des céréales pour s’acheter des outils, etc. et pour payer ses redevances. Lorsque les céréales étaient cultivées à grande échelle, le propriétaire foncier pouvait faire surveiller le travail accompli par ses serfs, mesure nécessaire en raison de l’absence de toute incitation financière favoraisant un travail efficace. En Suisse, et en particulier dans les régions alpines, les conditions naturelles ne sont pas favorables aux cultures céréalières mais elles se prêtent très bien à l’élevage du bétail. Lorsqu’on échange en plaine du bétail et des produits de l’élevage contre des céréales, on en reçoit une certaine quantité. Mais l’investissement nécessaire pour produire ces céréales est nettement supérieur en Suisse centrale qu’en plaine. C’est à ce moment-là qu’intervient ce que les économistes appellent la loi des coûts 18
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comparatifs. Or, ce modèle ne fonctionne que si la différence se situe au niveau des coûts de production et non pas de celui des frais de transport. C’est pourquoi, au Moyen Âge, il était plus judicieux de s’adonner à l’élevage dans les Alpes et les Préalpes qu’en plaine.
un paysan différent, une société différente L’éleveur de bétail alpin est plus mobile que le cultivateur de céréales. Conformément au cycle des saisons, la vache suit l’herbe qui pousse sur l’alpage et l’éleveur suit la vache. S’il vend son bétail et son fromage en plaine, il élargit non seulement sont rayon d’action géographique mais il étend aussi son spectre social. C’est un paysan qui connaît les villes. Celui qui vend ses produits au marché et qui en tire ses moyens de subsistance, apprend à manier l’argent. Les biens seigneuriaux se réduisent en l’absence de vastes cultures céréalières. Les paysans se voient alors dans l’obligation de renforcer leur organisation. La résistance face à une nature hostile, l’organisation de l’exploitation sur l’alpage et les déplacements commerciaux astreignent les paysans à mettre en place des institutions plus efficaces. Il n’en résulte pas une société de gens égaux et libres, mais les nobles et les riches paysans doivent collaborer avec les autres fermiers. L’ouverture du Gothard à la circulation a non seulement consolidé de façon durable la situation financière des cantons situés au bord du lac des Quatre-Cantons grâce au trafic muletier mais elle a aussi renforcé la politique grâce au contrôle d’une des voies de communication les plus stratégiques de l’Empire allemand. Mais dans les grandes villes riches de l’Italie du nord, les profits tirés des ventes de bétail étaient prévisibles à court terme. Celui qui investissait ses maigres ressources dans les grands projets de ce genre, optait sans doute pour un rendement à courte échéance.
Conséquences politiques La noblesse et les villes n’étaient donc pas confrontées à des paysans, dont l’horizon se limitait à leur propre village et aux
Photo: Michel Capobianco
villages voisins. Les villes suisses paraissaient sans doute provinciales à ceux qui connaissaient Milan. Les paysans qui tiraient leur principale ressource de l’exportation du bétail et qui avaient de longs trajets à parcourir, devaient penser à plus large échelle et en termes stratégiques. C’est pourquoi les impulsions de 1291 et de 1315 ont conduit à l’extension de la Confédération vers le Nord jusqu’au Rhin et au Sud jusqu’à Chiasso. Il s’agit précisément des directions dont nous discutons aujourd’hui lorsque nous évoquons les voies d’accès aux lignes de la NLFA. L’expansion vers l’Ouest était dans une large mesure aux mains de la politique bernoise. L’élargissement vers l’Est remonte aux Appenzellois.
une nouvelle phase Au milieu du XIXe siècle, les bateaux à vapeur, les chemins de fer et l’ouverture des frontières douanières ont réduit la distance protégée pour les cultures céréalières. La baisse des coûts de transport a eu un impact sur les coûts comparatifs. La production laitière et animale gagne de l’importance au détriment des cultures céréalières.
L’écrivain suisse, Jeremias Gotthelf, expose les effets culturels et sociaux de ce changement dans «La fromagerie de Bêtenval». Les paysans montrent qu’ils sont capables de s’organiser eux-mêmes. La fromagerie est gérée comme une coopérative. Suite à ce changement, il devient intéressant d’investir dans des vaches plus performantes, ce qui mécontente Gotthelf. Un mode de penser capitaliste s’impose dans l’agriculture. Le fromage est produit pour le marché mondial. C’est la globalisation qui entre dans l’Emmental.
L’héritage La production animale n’est bien évidemment que l’un des facteurs qui ont marqué la Confédération. Celui qui parle des racines rurales de la Suisse ne devrait toutefois jamais oublier qu’il parle d’un type de paysan bien particulier. Les paysans de Suisse centrale faisaient déjà preuve d’assurance et d’ouverture – un mélange bien suisse – et ce lien au monde extérieur a renforcé leur confiance en soi. La prédilection pour les organismes d’entraide se poursuit – et c’est moins réjouissant – dans la tolérance longtemps affichée envers les cartels. Ainsi, la vache n’a pas seulement influencé la vie du paysan mais du Suisse en général ainsi que son rapport au vaste monde. ■ La PoLitique 5 Juillet/Août 2011
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Andrea Hüsser, Responsable des campagnes consommation, Déclaration de Berne (DB)
Le téLéphone portabLe et Le marché des matières premières Nous ne pouvons plus nous imaginer le monde sans téléphones portables. Chaque année, 1.2 milliards d’appareils sont vendus dans le monde entier. Cette année, la vente de 3.7 millions de téléphones portables et de smartphones est prévue en Suisse. Parallèlement, nous avons dans notre pays plus de huit millions de téléphone portables inutilisés qui traînent dans nos tiroirs – ils contiennent environ 270 kilos d’or, 3500 kilos d’argent sous forme de contacts et de raccordements et des kilos d’étain, de cuivre, de cobalt et de nickel. Un téléphone portable contient vingt à trente métaux différents et soulève par conséquent une question politique explosive. L’exploitation d’un grand nombre de ces matières premières est liée au nonrespect des droits humains fondamentaux et à la destruction de l’écosystème.
au service de la corruption Sont touchées en particulier les personnes pauvres des pays du Sud puisque, malgré ou précisément en raison de la demande croissante de matières premières, les pays les plus riches en ressources naturelles font partie des Etats les plus pauvres et les plus exposés à des tensions de tout genre. Les recettes issues des impôts et des concessions pour l’extraction des matières premières représentent pour les pays en voie de développement une source de revenu importante qui ne profite que rarement à de larges couches de la population. Les gouvernements des pays du Sud, la plupart faibles et corrompus, en sont principalement responsables. De fait, les conditions relatives à la fiscalité, au droit d’extraction ainsi que le contrôle des normes écologiques et sociales du travail sont largement déterminés par des firmes multinationales exploitant les 20
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matières premières. La résistance populaire face aux conséquences de l’exploitation de ces ressources entraîne souvent une militarisation des régions concernées. Les firmes qui agissent sous la protection d’armées soumises au régime en place et titulaires de certificats des droits de l’Homme douteux, de milices ou de sociétés de sécurité privées deviennent les complices de ces violations des droits de l’Homme, perpétrées par des personnes armées.
Des conditions de travail inhumaines dans les mines La situation est particulièrement critique dans les régions touchées par la guerre civile. La République démocratique du Congo en est un triste exemple. Ce pays est riche en métaux, tels que le cuivre, l’or et l’étain. Mais on y trouve surtout les plus grands gisements de coltan – un minerai, dont est extrait la tentalite, un minerai qui est utilisé pour la fabrication des téléphones portables. Dans les mines – souvent illégales – des hommes et des enfants travaillent dur, sans vêtements de protection et dans
des conditions inhumaines. Depuis des décennies, une guerre civile sévit dans l’Est du pays, une guerre qui perdure notamment à cause du commerce de la tentalite, dont les recettes permettent aux va-t-en guerre, aux groupes rebelles et aux politiciens d’acheter des armes. L’extraction d’autres métaux contenus dans les téléphones portables est aussi liée à de graves problèmes, tels que le non-respect des droits de sol, la pollution de l’eau potable, la contamination des sols, les maladies et la destruction de régions entières.
Discrimination en Chine L’industrie des téléphones portables est également confrontée à de sérieux conflits. En Chine où la moitié de tous les téléphones portables sont fabriqués, aux Philippines et en Inde, les travailleuses (pour la plupart des femmes) qui montent les téléphones portables ont des horaires de travail en équipe excessivement lourds. De plus leur travail est stéréotypé, les emplois sont peu sûrs, la surveillance est permanente, les salaires sont fort modestes et ces femmes sont socialement isolées dans des zones industrielles. Même si ces travailleuses qui émigrent des régions pauvres de Chine constituent la colonne vertébrale de l’économie chinoise, elles sont systématiquement exploitées et discriminées. De fait, elles ont besoin d’un permis de séjour à l’intérieur de leur propre pays et n’ont le droit de recourir ni aux services des centres de soins ni à ceux des écoles. Il est vrai qu’aujourd’hui certains sous-traitants paient le salaire minimal chinois à leurs employés, ce qui leur permet tout juste de survivre malgré les heures supplémentaires effectuées.
Ces conditions inadmissibles sont entre autres dues à la pression exercée par les fabricants de téléphones portables pour obtenir des délais de livraison toujours plus courts. Nokia, Apple, Samsung, Motorola ou Sony Ericsson sont responsables et doivent veiller à ce que leurs sous-traitants appliquent des conditions de travail correctes et que le personnel soit protégé par des contrats de travail en conséquence. L’industrie des téléphones portables a encore beaucoup de chemin à faire en matière d’approvisionnement des matières premières et de conditions de travail. Mais nous, les consommatrices et consommateurs, avons l’obligation de ne pas vivre au détriment des autres.
nous pouvons assumer notre responsabilité: – en utilisant le plus longtemps possible notre téléphone portable et, s’il fonctionne encore et que l’on veut changer de modèle, on peut toujours offrir l’ancien; – en rendant gratuitement notre téléphone portable au Swisscom Shop et en soutenant par ce geste des projets d’aide au développement (www.solidarcomm.ch); – en déposant notre téléphone portable gratuitement dans un magasin d’appareils électroniques ou un centre de recyclage officiel (www.swicorecycling.ch); – en nous informant auprès des fournisseurs et fabricants de téléphones portables sur les mesures qu’ils prennent pour respecter les normes de travail internationales et les droits de l’Homme. ■
abonnez-vous à LA POLITIQUE. Téléphone 031 357 33 33 Fax 031 352 24 30 Courriel abonnement@la-politique.ch www.la-politique.ch
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Luc Barthassat, Conseiller national
Pourquoi les vins suisses sont ils devenus meilleurs?
Je me souviens, dans les années 80, lorsque je livrais mon raisin à la coopérative de ma région, avoir commencé à entendre parler du marasme viticole et des surplus dans les différents cantons. Le marché était tellement saturé qu’on remplissait même les piscines! Il y avait trop de vin en Suisse. Les critiques et les jalousies fusaient d’un canton à l’autre. améliorer la formation A part quelques indépendants, beaucoup de coopératives et de viticulteurs basaient leurs prix sur un certain rendement qui nuisait à la qualité des produits. Je me souviens aussi que nous, les Genevois, étions particulièrement visés, en Suisse romande, car nous avions été parmi les premiers à nous remettre en question, pour réglementer les rendements au mètre carré. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, toute une génération de jeunes vignerons s’est mise en place. Grâce à une meilleure formation au niveau viticulture dans les écoles professionnelles et en œnologie avec notamment la station fédérale de Changins, on a créé cette dynamique auprès des professionnels qui gagnent beaucoup de médailles dans les concours internationaux.
de sa région et de son terroir mettant souvent en avant la culture du vin et la dégustation. Le vin ne se boit pas au goulot! C’est un produit noble, qui a même des bienfaits pour la santé! Ne dit-on pas que 1 à 3 dl par jour, contribue à prévenir les maladies cardiovasculaires! Si en Suisse la qualité peut paraître chère face aux vins du monde entier, ce n’est pas seulement à cause de notre franc fort! Mais aussi parce que les viticulteurs investissent aujourd’hui énormément dans les infrastructures de leurs vignes et de leurs caves, pour un meilleur accueil du consommateur averti et toujours plus curieux. Cette clientèle se déplace d’une région à l’autre, ce qui fait jouer une saine concurrence toujours plus forte visant la qualité recherchée.
Miser sur la qualité Hier et aujourd’hui, le Suisse a toujours eu une forte tradition viticole. Dans nos régions et dans chacun de nos cantons, nous trouvons une typicité bien spécifique par rapport aux goûts et aux différents microclimats très variés. Aujourd’hui le seul point qui rallie les viticulteurs entre eux, c’est une politique de travail basée avant tout sur la qualité des différents produits. Les vignerons suisses visent essentiellement le marché intérieur, seul 1 à 2% des vins suisses sont exportés. Dans le cadre de la politique agricole PA 2011, toutes les surfaces de production du pays sont soumises aux réglementations «AOC Suisse» à compter du premier janvier 2008. La réglementation en matière de vin proposée par la Confédération s’inspire des principes de la règlementation européenne.
Diversité des cépages Si en Suisse les cépages restent en majorité le Gamay, le Pinot noir et le Merlot, dans les vins rouges, nous voyons émerger d’autres cépages comme par exemple le Gamaret à Genève, le Cabernet Sauvignon ou le Garat noir dans d’autres régions Mais attention à l’effet de mode! La vigne se plante pour plusieurs années. Dans les blancs, le Chasselas, produit typique de notre pays, revient toujours plus au goût du jour et c’est tant mieux. Nos terroirs font aussi la part belle aux Aligotés, aux Chardonnay, en passant par les Pinots blancs et les Pinots gris, pour n’en citer que quelques uns.
investir dans les infrastructures Pour gagner des parts de marché, que se soit au niveau de la grande distribution ou des particuliers, chacun joue sur l’image 22
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Encore une fois l’éventail des cépages et les particularités climatiques font de la Suisse un pays viticole unique en son genre: 20 cantons sur 23 cultivent la vigne sur une superficie totale de 15'000 ha. Et vouloir les déguster est une aventure merveilleuse! ■
Qu’esT Ce Que bIO suIsse?
L’idée directrice de l’agriculture biologique est de produire en harmonie avec la nature. Les fermes Bourgeon misent donc sur le développement durable: il s’agit de favoriser les processus vivants et de refermer le plus possible les cycles des éléments nutritifs. Renoncer aux produits phytosanitaires chimiques de synthèse et aux engrais chimiques permet de stimuler davantage et donc de renforcer les défenses immunitaires des plantes et des animaux.
Les fruits et légumes
Les fruits et légumes font partie des produits bio les plus appréciés, mais ils sont aussi les plus difficiles à produire. Les fruits et les légumes sont très dépendants des conditions météo, et les producteurs bio ne peuvent pas compenser de mauvaises conditions par des produits chimiques ou de synthèse du genre pesticides, fongicides et autres engrais chimiques. Les oeufs
Le bourgeon en 7 points
– Production biologique sur l’ensemble de l’exploitation (cycle fermé) et diversité naturelle sur la ferme – Elevage et affouragement particulièrement adaptés à l’espèce – Refus de la technique génétique – Refus des pesticides et engrais chimiques de synthèse – Renoncement aux add itifs inutiles tels qu'arômes ou colorants – Transformation douce des aliments – Contrôles réguliers indépendants de la culture et de la transformation Le lait
Les vaches sont nourries avec 100% de fourrage Bourgeon. Dans l’affouragement, toute utilisation de protéines animales, de graisses animales et d’additifs de synthèse, est interdite, de même que les traitements prophylactiques avec des médicaments chimiques. Les besoins spécifiques de l’espèce sont respectés. Pendant la période de végétation, les animaux sont au moins pendant 26 jours par mois au pâturage. En hiver, les animaux sortent au moins 13 jours par mois. Après la traite, le lait bio est transformé rapidement et avec ménagement. La viande
Les animaux vivent au fil des saisons et du temps qu’il fait, ce qui renforce leurs défenses immunitaires et leur fertilité. Le Cahier des charges de Bio Suisse exige que la production animale soit particulièrement respectueuse des animaux et qu’ils reçoivent des fourrages biologique sains, provenant essentiellement de la ferme et totalement exempts de substances animales, de manipulations génétiques et d’additifs chimiques de synthèse. En cas de maladies, les animaux doivent d’abord être soignés avec des médecines alternatives. Les traitements préventifs à base d’antibiotiques ou d’autres médicaments chimiques de synthèse sont interdits.
Les oeufs Bourgeon ne contiennent ni additifs chimiques de synthèse ni organismes génétiquement modifiés. Dans les fermes avicoles bio, les animaux peuvent se déplacer sans stress dans un poulailler aux dimensions généreuses et se livrer librement aux activités sociales typiques de leur espèce. Les céréales
La culture des céréales Bourgeon exige des connaissances exactes sur les conditions pédoclimatiques locales, car la rotation des cultures diversifiée, le choix des parcelles et des variétés, le travail du sol, le choix des engrais organiques et l’entretien des cultures sont décisifs tant pour la réussite des cultures que pour la protection de l’environnement et la lutte contre l’érosion des sols. Le vin
La vigne est l’une des plus récentes cultures bio de Suisse (une vingtaine d’années). L’application des principes biologiques exige une exploitation douce du sol qui prenne en compte les particularités naturelles du lieu, à l’instar du climat, des spécificités du terrain et de la nature du sol. La stimulation de communautés de vie biologiques dans la vigne donne naissance à un système écologique autorégulateur, qui s’étend autant à la surface de la terre que dans le monde des racines. Les produits importés
Les cahiers des charges de l’agriculture biologique diffèrent de pays en pays. Pour que les ingrédients importés satisfassent eux aussi aux sévères exigences de Bio Suisse, les agriculteurs étrangers et les entreprises agro-alimentaires doivent respecter des directives équivalentes à celles du cahier des charges de Bio Suisse. Seuls les produits qui arrivent en Suisse par voie terrestre ou maritime peuvent être reconnus comme produits Bourgeon (interdiction du transport aérien). Source: www.bio-suisse.ch
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Willi Glaeser, Baden
lEs bois dE hêtrE, unE rEssourcE ignoréE
Cependant, la demande de bois de conifères – le matériau de construction favori – augmente constamment de sorte que celui-ci commence à se faire rare. Par contre, l’intérêt pour le bois de feuillus diminue chaque année. Les conifères représentent à peu près les deux tiers de la réserve en bois dans nos forêts. Le tiers restant est constitué en majorité de hêtres. Dix-huit pour cent du peuplement forestier est composé de hêtres. Le peuplement des autres espèces de feuillus est inférieur à quatre pour cent. Les statistiques établies par les scieries montrent clairement qu’elles débitent à 95 % du bois de conifères.
une précieuse matière première Il faut absolument trouver de nouvelles possibilités d’utilisation pour les bois de feuillus et notamment pour le hêtre. Compte tenu du manque de matières premières pronostiqué à l’échelle mondiale, il serait imprudent de ne rien entreprendre et il serait honteux d’un point de vue économique de ne pas exploiter de façon judicieuse cette matière première d’origine végétale. Le bois de hêtre sciable n’est utilisé ni comme combustible de chauffage, ni comme biomasse destinée à la production d’énergie. La combustion n’intervient qu’à la fin du cycle. D’abord et durant des années, ce bois de hêtre doit remplir d’autres fonctions. Les défis sont multiples. Quels sont les problèmes? Et quelles sont les chances? 24
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De nouveaux matériaux remplacent les anciens Les utilisations classiques du passé sont en train de disparaître. Durant les dernières décennies, de nombreux ustensiles en bois ont été remplacés par des objets en plastique et les gros utilisateurs ont disparu. La fabrique de cellulose d’Attisholz dans le canton de Soleure, première acheteuse de bois du pays, a récemment fermé ses portes. Il n’existe aucun espoir de relancer une production de ce genre en Suisse. Il est vrai que, pour la fabrication des traverses, le hêtre a remplacé le chêne mais il subit la pression de la concurrence étrangère et des producteurs de traverses en béton. En outre le hêtre est un matériau difficile. Il fournit essentiellement du bois peu stable. Les changements de forme pendant le séchage, puis en cas d’absorption ou de perte d’humidité, rendent l’usinage difficile. iStockphoto.com©ooyoo
Les forêts suisses sont en bonne santé. La mort des forêts n’est plus qu’un mauvais souvenir. C’est réjouissant. Outre leurs multiples fonctions pour les hommes et les animaux, elles fournissent d’importantes matières premières. Depuis quelques années, le nombre de constructions en bois augmente sous nos latitudes. Les architectes ont adopté le bois en tant que matériau de construction moderne et savent l’utiliser à bon escient. Jusqu’ici les nouvelles sont positives.
Deuxième vie pour les bâtiments agricoles Trouver de nouvelles possibilités d’utilisation Mais le bois de hêtre présente aussi des avantages qu’il s’agit d’exploiter: il est dur, solide et très homogène. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a reconnu les signes du temps et il a mis en place une série de mesures afin d’encourager de manière ciblée l’exploitation du bois de feuillus. Des tentatives de constructions de soutènement sont en cours. Par ailleurs, il a déjà été possible d’adapter des normes favorables à l’utilisation du bois de hêtre dans les constructions statiques. Son usage croissant dans le domaine du bâtiment mérite d’être salué. Il serait toutefois préférable de développer un matériau de construction fabriqué industriellement qui peut être employé aussi bien dans la construction de bâtiments que dans l’aménagement intérieur. Il conviendrait encore mieux de réaliser des systèmes en bois de hêtre et de créer ainsi une véritable plus-value. Ces systèmes devraient être suffisamment intelligents pour être exportés. C’est dommage qu’un pays hautement développé exporte des semi-produits peu développés, voire même des matières premières, comme c’est le cas aujourd’hui.
performances de pionnier Nous cherchons des entrepreneurs qui ont une vision et qui saisissent cette chance. Il y a plus de septante ans, le panneau d’agglomérés, qui a modifié la branche à l’échelle mondiale, a été inventé en Suisse. Seul un travail de pionnier de ce genre et d’une portée aussi considérable est en mesure de contribuer à la promotion du hêtre. ■
Le PDC veut assouplir la pratique relative à l’affectation des bâtiments non utilisés situés sur des terrains viabilisés en zone rurale. Les constructions qui ne sont plus utilisées à des fins agricoles doivent pouvoir être réaffectées de manière intelligente. Le nombre d’exploitations agricoles a diminué de moitié au cours des 50 dernières années. De nombreux bâtiments agricoles ont ainsi perdu leur affectation initiale. Aujourd’hui, ils sont souvent vides et inutilisés. Avec la loi actuelle sur l’aménagement du territoire, il est difficile de réaffecter ces bâtiments. Le PDC demande par conséquent d’adapter cette législation. Dorénavant, ces bâtiments doivent pouvoir être transformés en logements et acquis par des non-agriculteurs. Aujourd’hui, il est quasiment impossible d’obtenir une autorisation pour transformer en logement une vieille grange ou pour l’utiliser dans le cadre de l’agrotourisme. «Parallèlement, des personnes qui souhaiteraient habiter à la campagne ne trouvent pas de logement ou alors uniquement au dépens d’un mitage accru du paysage» souligne Markus Zemp, Conseiller national (AG). C’est pourquoi le PDC demande une adaptation de la loi sur l’aménagement du territoire. Dorénavant, les bâtiments agricoles désaffectés situés sur des terrains viabilisés en zone rurale doivent pouvoir être transformés en logements et acquis par des non-agriculteurs. «Ainsi, nous renforçons durablement la position de nos agriculteurs et freinons le mitage du paysage» ajoute Markus Zemp. De l’avis du PDC, la législation sur l’aménagement du territoire doit aussi être adaptée afin que les bâtiments agricoles désaffectés (aussi les granges) situés sur des terrains viabilisés en zone rurale puissent être utilisés pour l’agrotourisme. Cela améliorera la compétitivité de ce segment touristique en Suisse. Et pour les agriculteurs, il s’agit là d’une source de revenu supplémentaire. ■ –La Politique
Willi glaeser, spécialiste de la branche, s’engage activement en faveur de l’exploitation industrielle du bois de hêtre.
Sources: diverses publications de l’OFEV
Dans le cadre de sa campagne électorale 2011, le PDC lance une série de thèmes sous le titre de: «Idées – pour une Suisse qui réussit». Ces idées ne se limitent pas à mettre le doigt sur des problèmes, elles proposent des solutions. Pour en savoir plus sur cette idée de «deuxième vie pour les bâtiments agricoles» et découvrir d’autres idées, consultez notre site www.pdc.ch. La PoLitique 5 Juillet/Août 2011
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L’agriculture est en pleine mutation et le rôle de la femme a également changé au fil des années. La formation est très importante pour relever les nouveaux défis auxquels doit faire face le monde paysan. La Politique s’est entretenue de ces questions avec Regula Siegrist, Secrétaire générale de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales. Regula Siegrist, le monde agricole doit évoluer en permanence. Quels sont les principaux changements que vous avez constatés au cours de ces dix dernières années? La pression sur l’agriculture s’est renforcée. Le public et les milieux politiques veulent une production respectueuse de l’animal dans un paysage intact, l’économie calcule des prix très serrés sans faire la différence entre les conditions suisses et étrangères. Les prix des produits ont massivement baissé et les paiements directs ne permettent pas de compenser les pertes. Les familles paysannes comblent ce manque à gagner en produisant des produits de niche supplémentaires, souvent au détriment de la famille et de la santé. L’épuisement physique et moral, les problèmes financiers et les conflits familiaux ont fortement augmenté. Quels sont à votre avis les principaux défis que devra relever l’agriculture au cours de la prochaine décennie? Compte tenu des catastrophes naturelles et économiques globales, il importe d’inscrire la souveraineté alimentaire dans la loi et de préserver les surfaces d’assolement dans notre pays. Les familles paysannes ont droit à une qualité de vie correspondant à celle de la population suisse: un revenu suffisant, une sécurité sociale, du temps libre et des vacances réglementés. 26
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Photo: Michel Capobianco
«Le coupLe typique de paysans n’existe pLus»
Quel est le rôle de la formation pour l’agriculture de demain? Pour pouvoir préserver nos ressources naturelles, telles que les surfaces d’assolement, l’eau et les forêts pour les générations futures, nous avons besoin de professionnels compétents. Ils doivent recevoir une formation qui s’adapte aux conditions en constante évolution et qui intègre les nouveautés, afin de produire en Suisse des denrées alimentaires conformes à nos standards. En qualité d’entrepreneurs, ils sont non seulement appelés à s’adapter au marché, mais également à faire preuve de solides compétences en communication pour assurer la vie commune à la ferme ainsi que d’une grande flexibilité pour faire face aux changements. Est-ce qu’une femme a autant de possibilités dans cette profession qu’un homme? La formation agricole initiale est ouverte à tout le monde. Ni toutes les femmes, ni tous les hommes n’ont un talent naturel pour manier les grosses machines. La motivation permet d’apprendre beaucoup de choses. Dans notre pays, ce sont le plus souvent des hommes qui reprennent les fermes, mais on trouve de plus en plus de femmes aux commandes d’une exploitation agricole. Par ailleurs, de nombreuses exploitations sont gérées
conjointement par des couples et, en dehors du ménage, la paysanne collabore aux travaux de la ferme. L’USPF met tout en oeuvre pour que cet engagement permette d’améliorer la position juridique de la paysanne. Beaucoup de progrès ont été faits, mais les femmes de l’association continueront à être actives au sein des instances agricoles et à défendre les intérêts des femmes afin que les paysannes en situation difficile ne se retrouvent pas démunies alors même qu’elles ont travaillé pendant de longues années. Y a-t-il des mesures pour inciter les femmes à suivre une formation agricole et si oui lesquelles? En Suisse il existe des formations pour devenir agricultrice et paysanne. L’USPF a obtenu que la paysanne en possession d’un CFC soit habilitée à percevoir des paiements directs ou à bénéficier de crédits d’investissements, si elle dirige l’exploitation. Il s’agit là d’une reconnaissance claire de sa profession. Celle qui préfère l’agriculture et l’élevage du bétail choisira la profession d’agricultrice alors que celle qui s’intéresse également à l’auto-approvisionnement alimentaire ou à la famille et à la société accomplit la formation de paysanne. Dans le cas idéal, les femmes et les hommes maîtrisent aussi bien les tâches ménagères que les travaux à la ferme. La formation modulaire offre cette possibilité, mais encore faut-il l’exploiter! Nous avons tous en tête l’image de la paysanne qui s’occupe du jardin potager et du paysan sur son tracteur dans les champs. Qu’en est-il aujourd’hui? Le couple typique de paysans n’existe plus, chacun doit trouver sa voie. Il est de plus en plus fréquent qu’au moins un partenaire exerce une activité lucrative en dehors de l’exploitation – parce que la femme reste active dans sa profession initiale ou que l’homme a une activité accessoire. Le cumul des charges (ménage, emploi en dehors de l’exploitation, famille et travaux au sein de l’exploitation) qui pèse sur la paysanne est énorme. Souvent les branches d’activité supplémentaires impliquent une surcharge permanente qui entraîne des séquelles. Si nous voul’union suisse des paysannes et des femmes rurales (uspf) et divisée en 28 sections cantonales et compte au total quelque 63'000 membres en provenance de toutes les régions linguistiques. L’USPF, qui relaye les thèmes chers aux femmes issues des régions rurales, constitue l’association professionnelle des paysannes. Elle est l’organisme responsable de la formation modulaire pour devenir paysanne.
lons assurer un avenir à l’exploitation familiale en Suisse nous devons fournir une base solide permettant aux jeunes de suivre une formation agricole et aux futures paysannes de se sentir en sécurité dans un domaine professionnel souvent nouveau. Il s’agit notamment de garantir un revenu suffisant et un niveau de vie correspondant au reste de la population en ce qui concerne les prestations sociales et le temps libre pour que le plaisir d’exercer ce métier subsiste. ■ –Interview: Yvette Ming
Choisissez la page de couverture du prochain numéro de LA POLITIQUE! Le PDC est le parti des familles. Il s’engage à tous les niveaux pour que la Suisse soit accueillante pour les familles et il a lancé deux initiatives jumelles «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage» et «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l’impôt». Le prochain numéro de LA POLITIQUE qui sortira en septembre sera essentiellement consacré à la famille. C’est VOUS qui décidez quelle illustration va figurer sur la couverture du numéro de LA POLITIQUE consacré à la famille. Consultez notre page Facebook de LA POLITIQUE sous www.facebook.com/lapolitique.magazine, devenez fan de notre magazine et choisissez parmi les trois variantes celle que vous préférez. Nous tirerons au sort une personne parmi les votants et l’heureux gagnant recevra un abonnement gratuit à LA POLITIQUE.
La PoLitique 5 Juillet/Août 2011
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Entre 2008 et 2011 nous avons gagnĂŠ plus de
80% des votations populaires!
Nous savons ce que le peuple veut! Pas de Suisse, sans nous.
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