350 POINTS A L’ INFINI – TATIANA TROUVE – 2009 Née en 1968 à Casenza (Italie), vit et travaille à Paris Lauréate du prix Marcel Duchamps 2007
L’oeuvre – 350 points à l’infini– actuellement exposée au troisième étage du Tripostal dans le cadre de l’exposition rétrospective de la Galerie Perrotin, est extraite d’une exposition monographique intitulée « A Stay Between Enclosure and space » qui s’est tenue pour la première fois au Migros Museum de Zurich en 2009. L’œuvre composée de 350 fils à plombs fixés, désaxés et maintenus dans le vide par des champs magnétiques, s’étend sur une surface de 90,25 m² pour un volume total de 406,125 m3 (450 x 950 x 950 cm). Le premier contact avec l’œuvre est visuel, et s’oriente vers cette constellation de centaines de petites masses jonchant le sol. Ces petits lest épars et abondants mènent ensuite notre regards vers la forêt de fils tendus, se croisant, se démultipliant, et modifiant notre vision au fur et à mesure de notre déplacement. Une véritable dimension physique s’instaure entre l’œuvre et le visiteur, par sa dimension presque monumentale, l’installation prend possession de l’espace d’exposition au profit de l’œuvre comme du lieu, une corrélation s’établit. La particularité de l’œuvre, réside dans la transgression établie par le désaxement des fils à plombs; outil scientifiquement rationnel, cependant une nouvelle dimension irrationnelle émane de l’oblicité des directions distinctes mises en œuvres. Cette perturbation est accentuée du fait que les masses ne touchent pas le sol, attirées par de nouveaux points de gravités, déjouant la pesanteur, une mince nappe d’énergie invisible se dégage entre le sol et les lests, l’attraction mutuelle des corps (masses et sol) nous met face à une agitation physique invisible continue mais perceptible qui réveille et perturbe les connaissances du monde que l’on considère comme acquises. L’artiste se joue ici de nos sens et de la lecture que l’on fait de l’objet, remet en cause nos associations mentales inconscientes à travers une œuvre simple, légère et en suspension. Cette œuvre m’a aussi certainement séduite par la simplicité de ce tour de magie qui bouleverse nos sens. J’aimerais d’ ailleurs mettre cette œuvre en relation avec le « socle du monde » de Pierro Manzoni, qui à travers sa plus simple expression et mode de mise en œuvre nous permet après le processus mental de renversement de prendre conscience de l’immensité du reste du monde. Elle pourrait aussi être mise en résonance avec l’œuvre « metrocubo d’infinito » de Michel Angelo Pistoletto qui à travers ce jeu de miroirs se reflétant à l’infini doit permettre de ressentir la prégnance de l’espace vide, de communiquer cette tension, notre existence au monde parfois intangible. Extrait d’un entretien avec Daniel Birnbaum (commissaire et critique d’art suédois) à propos d’une de ses installations antérieure intitulée « polder » à l’occasion de l’exposition - Airs de Paris - au Centre George Pompidou – 2007: Daniel Birnbaum: What will you present at the Pompidou for Airs de Paris? Tatiana Trouvé : “Ce qui est mis en scène dans cette installation est un espace dont les dimensions ne sont pas déterminées par des lois physiques, mais par le jeu d’associations psychiques, parfois même inconscientes. Il y a donc, en ce lieu, un dehors du regard, comme un inconscient du regard. Les choses existent au-delà de ce que l’on voit […]. Comme je le mentionnais plus tôt, j’essaie dans mon travail de produire des espaces pour un homme dont on aurait pris en compte les dimensions inconscientes […].” A travers cet extrait d’entretien (antérieur à l’oeuvre présentée), on remarque que la production de Tatiana Trouvé s’inscrit dans une véritable démarche globale et qu’elle est à la recherche de l’expression d’une dimension que la rationalité quotidienne ne peut exprimer. La démarche artistique de Tatiana Trouvé me semble être complexe, et l’expérience de -305 points à l’infini- appelle à se confronter au reste de ses installations.
Je ne tiens pas à évoquer la méthode de mise en œuvre de -350 points à l’infini-, puisque sa révélation dénaturerait notre ressenti vis à vis des interrogations qu’elle soulève et ferait disparaître le charme de la prestidigitation ! Cette rétrospective sur les artistes majeurs de la Galerie Perrotin, est très enrichissante, plurielle et nous permet de découvrir un panel important d’artistes contemporains; mais elle m’apparaît un peu comme un catalogue d’œuvres; et de démarches sorties de leur contexte qui ne sont pas inscrites comme habituellement lors d’expositions temporaires dans une thématique ciblée, ce qui je trouve réduit et isole un peu les démarches des artistes.
Sources bibliographiques et numériques: - Le centre national d’art et de culture George Pompidou, Tatiana Trouvé « 4between 3 and 2 », ed. Du Centre Pompidou, Paris, 2008 - http://www.perrotin.com/Tatiana_Trouve-works-oeuvres-1000002335-28.html - http://www.johannkoenig.de/42/tatiana_trouv%C3%A9/biography.html - http://www.johannkoenig.de/inc/02_art_texts_popup.php?publication_ id=83&dclp=bf92fc2e430240 c33 b1f5 280 b37d578b - http://arttattler.com/archivemichelangelopistoletto.html