Evaluer des compétences

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Évaluer des compétences

François-marie GERARD BIEF

Guide pratique

es enseignants s’efforcent aujourd’hui de développer des compétences chez leurs élèves. Mais comment, dans ce contexte, évaluer leurs acquis en termes de compétences ? Qu’est-ce qui différencie une évaluation traditionnelle d’une évaluation des compétences ? Comment préparer et corriger une épreuve visant à évaluer les compétences ? Faut-il n’évaluer que les compétences ou faut-il aussi continuer à évaluer de manière classique ? Ces questions pratiques sont abordées à travers de nombreux exemples, et un référentiel solide et expérimenté dans de nombreux pays est proposé en parallèle. Conçu comme un outil d’autoformation, ce guide intéressera tant les enseignants de toutes les disciplines que les conseillers pédagogiques, les formateurs ou les chercheurs. Des parcours divers, permettant à chaque utilisateur d’orienter sa lecture selon ses propres objectifs, sont organisés autour de quatre compétences relatives à l’évaluation des apprentissages. Chaque séquence permet de partir du concret, de découvrir des informations théoriques et/ou des pistes de travail, puis d’utiliser celles-ci à travers des exercices et de développer enfin une réflexion sur ses propres pratiques. Préface de J.-M. De Ketele

Évaluer des compétences

L

Évaluer des compétences Guide pratique

ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

Pédagogie générale Sciences & mathématiques

ISBN 978-2-8041-0766-6

EVCOGU

EVCOGU-cov.indd 1

Sciences humaines Ouvertures

www.deboeck.com

18/06/09 10:00:22


able des matières Remerciements

5

PRÉFACE

7

INTRODUCTION

9

Différents parcours d’apprentissage

15

Table des compétences et des séquences

17

Partie 1

19

L’APPRENTISSAGE DES COMPÉTENCES

Séquence 1 Les apprentissages ponctuels des ressources Des apprentissages ponctuels ou conjoints Activités de structuration et activités fonctionnelles Quatre moments d’apprentissage Ressources et compétences

21 22 23 24 26

Séquence 2 L’apprentissage de la résolution de situations complexes Quand apprendre à intégrer ? Comment apprendre à intégrer ? Forger pour devenir forgeron Pour résumer : trois règles d’or

33 35 36 37 38

Partie 2

43

L’ÉVALUATION PAR SITUATIONS COMPLEXES

Séquence 3 L’évaluation Pourquoi évaluer les acquis des élèves ? Quelles démarches pour évaluer les acquis ? Quand évaluer les acquis des élèves ? Trois qualités indispensables de l’information

45 46 47 48 51

Table des matières

205


Séquence 4 La situation d’évaluation Quoi ? Comment ?

57 58 59

Séquence 5 Les critères d’évaluation Qu’est-ce qu’un critère d’évaluation ? Exigences dans le choix des critères Quels critères choisir ?

69 70 70 72

Séquence 6 La consigne et la règle des 2/3 Ce qui constitue une consigne Règles pour formuler une consigne La règle des 2/3

77 78 79 80

Séquence 7 Les indicateurs d’évaluation Qu’est-ce qu’un indicateur d’évaluation ? Exemples d’indicateurs Un indicateur n’est qu’un indice, pas une preuve La gestion des indicateurs

85 86 87 89 90

Séquence 8 Le barème de notation et la grille de correction Différentes manières de considérer les niveaux de maîtrise Différentes grilles de notation Une pédagogie de la réussite : vers la maîtrise maximale

95 98 101 103

Séquence 9 La validation d’épreuves par expérimentation Pourquoi tester et valider une situation ? Comment tester les situations ?

107 108 110

Partie 3

115

L’ANALYSE DES PRODUCTIONS DES ÉLÈVES

Séquence 10 La correction des copies d’élèves et la maîtrise d’un critère 117 Se référer à la grille de correction 119 Corriger les copies 120 Quelques vigilances à avoir 124 Du concret 125

206

Séquence 11 L’identification des critères non maîtrisés Porter attention aux critères Porter attention aux élèves À quoi faut-il surtout porter attention ?

131 133 134 134

Séquence 12 La décision de réussite des élèves et la note Différentes hypothèses Quelles hypothèses privilégier ? Et quand on évalue les ressources aussi ?

137 139 140 142

Table des matières


Partie 4

L’ANALYSE DES DIFFICULTÉS ET LA REMÉDIATION

147

Séquence 13 L’identification des difficultés des élèves L’évaluation formative ou la recherche des erreurs Cinq principes pour la gestion des erreurs Comment diagnostiquer ?

149 150 152 153

Séquence 14 La remédiation et la différenciation Un peu de théorie

165 167

Séquence 15 Les activités de remédiation et de différenciation D’abord une question d’esprit Inscrire les actions dans un cadre Mettre en place différents dispositifs Comment faire avec un grand groupe ?

175 176 177 178 181

ÉVALUATION FINALE

185

Séquence 16

187

Le brevet d’expert en évaluation de compétences

CONCLUSION L’évaluation, carotte, bâton, ou saine alimentation ?

191

BIBLIOGRAPHIE

195

INDEX

201

TABLE DES MATIÈRES

205

Table des matières

207


ntroduction Introduction LES COMPÉTENCES DANS L’ENSEIGNEMENT La plupart des systèmes éducatifs actuels sont orientés vers le développement des compétences. Si cette notion n’est pas toujours comprise de la même manière et si les travaux pour asseoir sa base conceptuelle doivent encore être approfondis, l’approche par les compétences – souvent connue sous l’appellation APC – tend à s’imposer. L’éclosion de la notion de compétence n’est pas neutre si on la resitue dans le cadre de la mondialisation. Une des portes d’entrée principales de la compétence fut en effet le monde des organisations professionnelles qui a introduit trois dimensions essentielles (BOSMAN, GERARD & ROEGIERS, 2000) : • d’une part, celle de l’originalité. Il n’y a pas de solutions toutes faites à tous les problèmes. Est compétent, celui qui peut face à un problème spécifique, et parfois inédit, apporter une réponse appropriée, même si celle-ci ne fait pas partie du « code des procédures » ; • d’autre part, celle de l’efficacité. Il ne s’agit pas d’apporter n’importe quelle réponse. Est compétent, celui qui peut trouver la réponse qui permettra à l’organisation de réaliser au mieux ses objectifs, pour le bien collectif ; • enfin, celle de l’intégration. Il n’existe plus de solutions isolées – à part quelques exceptions miraculeuses. Est compétent, celui qui propose une solution qui prend en compte l’ensemble de l’environnement, que celui-ci soit proche – l’atelier, l’entreprise, le cadre de vie, les clients –, ou lointain – le pays, les communautés transgouvernementales, le monde… Parallèlement à son émergence dans le cadre des entreprises, la notion de compétence apparaît également et de manière autonome dès le début des années 19901 dans l’univers de l’enseignement. Loin d’être une rupture, cette apparition est

1 Ce qui ne veut pas dire que le concept de « compétence » dans le monde éducatif ne date que des années 1990, comme en témoigne notamment le texte de Jean CARDINET Compétences, capacités, indicateurs : quel statut scientifique ?, publié une première fois dans les Actes des Rencontres sur l’Évaluation de mai 1982, publiés par le CEPEC de Lyon et repris en 1986 dans l’ouvrage CARDINET, J. Évaluation scolaire et pratique, Bruxelles : De Boeck Université, pp. 129-138. Dans le monde anglo-saxon, le concept apparaît vers la fin des années 1970, par exemple chez SPADY, W.G. (1977). Competency Based Education : A Bandwagon in Search of a Definition, Educational Researcher, 1, 6, 9-14 ; ou encore chez BLOCK, J.H. (1978). The « C » in C B E, Educational Researcher, 7, 13-16.

Introduction

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en continuité avec l’évolution humaine du rapport au savoir et à l’apprentissage (DE KETELE & HANSSENS, 1999) : • en remontant à l’Antiquité, ce rapport s’inscrit dans la tradition des fondements. Le savoir est constitué de ce qu’en ont dit les grands auteurs – Socrate, Platon, Archimède, Aristote, Thomas d’Aquin, Saint Augustin… – et l’apprentissage consiste à s’imprégner de la sagesse de ces auteurs en traduisant et en commentant des extraits. En grec, sagesse et connaissance se traduisent d’ailleurs par le même mot sophia ; • néanmoins, petit à petit, les connaissances s’accumulent et avec l’arrivée du modernisme classique encyclopédique, à partir du XVIe siècle, naît le projet de rassembler toutes ces connaissances en une seule somme, dont l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1750) est l’exemple le plus connu. Le savoir se concrétise dès lors dans cet ensemble soi-disant défini des connaissances validées par la communauté scientifique, et apprendre consiste à acquérir le plus possible de ces connaissances et à pouvoir les restituer de manière fidèle, voire à les appliquer2 ; • le modernisme scientifique expérimental apparaît au cours du XIXe siècle. Il ne suffit plus de lire quelque chose pour le considérer comme acquis, encore faut-il pouvoir le prouver, l’expérimenter, explorer d’autres voies. En pédagogie, ce courant donnera naissance à la pédagogie par objectifs. L’important n’est plus ce que doit « savoir » l’apprenant, mais ce qu’il doit savoir « faire » avec ce qu’il sait. Il s’agit là d’une véritable révolution dans le monde pédagogique. Malheureusement, les dérives de la pédagogie par objectifs ont conduit à « saucissonner » tous les apprentissages en « microobjectifs », mûrement enseignés et contrôlés, sans (plus) jamais se poser la question de savoir ce que finalement l’apprenant est capable de faire de manière globale et du sens des apprentissages pour l’apprenant ; • le postmodernisme professionnalisant, qui apparaît à la fin du XXe siècle, sera une réponse à cet écueil. Savoir devient être à même de résoudre les situations de la vie, professionnelle ou non, en mobilisant tout ce qu’on a appris. Et apprendre consiste à pouvoir, petit à petit, résoudre des situations-problèmes de plus en plus complexes. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire3 qu’être compétent, c’est pouvoir mobiliser un ensemble intégré de ressources pour résoudre des situationsproblèmes. Si l’approche de la compétence a trouvé son propre chemin dans l’univers scolaire, il n’est pas inintéressant de constater qu’elle y rejoint les éléments fondamentaux de la compétence telle qu’elle est abordée dans l’univers profes-

2 Il est important de constater que ces connaissances encyclopédiques englobent totalement ce qu’ont dit les grands auteurs de la période précédente. Il n’y a donc pas rupture entre les deux courants, mais au contraire le deuxième englobe totalement le premier. Il en sera de même pour les courants suivants, qui s’englobent chaque fois telles des poupées russes. 3 Ce qui ne signifie pas que tout le monde met les mêmes choses derrière ces mots…

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Introduction


sionnel. On y retrouve les trois dimensions essentielles précédemment énoncées (BOSMAN, GERARD & ROEGIERS, 2000) : • la compétence permet une réponse originale face à une situation, ou plutôt à une catégorie de situations. Développer des compétences à l’école, ce n’est plus seulement apprendre aux élèves des réponses relativement standardisées face à des stimulus plus ou moins circonscrits, mais c’est aussi inciter les élèves à analyser une situation, dans toutes ses dimensions, pour lui apporter une réponse spécifique et qui peut être – mais ce n’est pas une condition nécessaire – inédite4 ; • la compétence nécessite une réponse efficace. Derrière cette affirmation, il n’y a pas seulement le côté « exact » de la réponse apportée. Bien sûr, cette réponse à la situation rencontrée doit être une « bonne » réponse, mais elle doit aussi avoir une utilité, une pertinence sociale. Par exemple, un élève capable de résumer et d’analyser un roman ne fera preuve de compétence que si son texte parvient à susciter auprès de ses camarades l’envie de lire à leur tour ledit roman. Développer des compétences à l’école, c’est bien plus que promouvoir un certain nombre de savoir-faire : c’est aussi et surtout pouvoir leur donner sens. C’est enfin viser leur transfert afin qu’ils soient véritablement utiles et utilisés dans la vie quotidienne ; • la compétence, enfin, se caractérise fondamentalement par une réponse intégrée. On parle aussi à cet égard de mobilisation : la réponse que l’élève est amené à apporter face à la situation qu’il rencontre nécessite la mobilisation, l’intégration – pour reprendre une terminologie désormais généralisée – de tout un ensemble de savoirs, de savoir-faire et de savoirêtre (les ressources). L’élève n’est plus invité à ne solliciter de manière quasi automatique qu’un seul registre de son savoir : il ne peut résoudre la situation, c’est-à-dire être compétent, qu’en mettant en interaction tout ce qu’il a appris pour construire une solution tout à la fois originale et efficace.

L’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES À TRAVERS CET OUTIL D’AUTOFORMATION Dans ce contexte, l’évaluation des acquis scolaires, c’est-à-dire l’évaluation des compétences des élèves, devient un enjeu important et difficile. On ne peut plus en effet se permettre d’évaluer en demandant de restituer des connaissances et/ ou d’appliquer des savoir-faire isolés, mais – par définition – il faut confronter les élèves à des situations-problèmes complexes et leur demander de les résoudre en mobilisant tout ce qu’ils ont appris par ailleurs. Cela va de soi… mais ce n’est pas si simple ! Tous les enseignants qui ont inscrit leur action dans l’approche par les compétences le confirmeront : il n’est pas évident d’évaluer les compétences 4 Le caractère inédit n’est pas en soi un élément fondamental de la compétence, contrairement aux critiques émises par CRAHAY (2006a). Il est évidemment essentiel, lors d’une évaluation, que la situation proposée soit inédite, sinon ce ne serait que de la reproduction. Mais dans la vie, une personne compétente exerce souvent des tâches relativement répétitives. Sa vraie compétence est cependant de savoir gérer l’inédit lorsqu’il survient.

Introduction

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des élèves, car on ne sait pas trop de quelles situations complexes il s’agit ni la manière dont il faut traiter les productions des élèves face à ces situations pour estimer leur niveau de maîtrise des compétences5. Il faut dire que le processus d’évaluation est lui-même un processus complexe qui peut se révéler désastreux quand il s’agit d’évaluer les acquis des élèves s’il n’est pas parfaitement contrôlé. Nous écrivons « évaluer les acquis des élèves » quand beaucoup comprennent, consciemment ou non, « évaluer les élèves ». Un élève qui se sent évalué en tant que personne risque fort de percevoir cette évaluation comme une intrusion et de perdre toute confiance en lui si elle n’est pas positive. L’évaluation scolaire est trop souvent purement arbitraire, fondée sur une intuition peu contrôlée et convaincue de son infaillibilité ! L’intuition occupe une place certaine dans l’évaluation, avec une réelle efficacité. Mais il faut se garder de ne se fonder que sur elle. L’évaluation doit, selon nous, être un processus parfaitement contrôlé dans son déroulement. Tout au long de celui-ci, de nombreux choix doivent s’effectuer : que choisit-on d’évaluer ? Pourquoi ? Comment ? Selon quels critères ? Avec quelles informations ? Comment traduit-on les informations recueillies en appréciations, en notes ? Ces choix fondamentaux doivent être faits en connaissance de cause et en toute transparence. Notamment, les élèves – et les parents – devraient être parmi les premiers informés de ce qui est évalué, des objectifs de cette évaluation, de la démarche qui va être utilisée, des critères qui serviront de référence, etc. Par ces multiples choix à réaliser, la subjectivité est au cœur de l’évaluation, mais il faut tout faire pour que cette indispensable subjectivité ne se transforme pas en arbitraire ouvert à toute perte de contrôle (GERARD, 2002). Cet outil d’autoformation Évaluer des compétences est dès lors conçu pour accompagner les enseignants dans leurs nouvelles pratiques d’évaluation selon les principes de l’approche par les compétences. Si une première version de ce guide a été élaborée dans le cadre du projet Improving Evaluation and School Assessment in Lebanon6 que le BIEF a accompagné au Liban entre 2004 et 2006, il a été ensuite entièrement remanié pour proposer un outil susceptible d’être utilisé par n’importe quel enseignant s’inscrivant dans l’approche par les compétences. Il s’adresse plus particulièrement aux professeurs de l’enseignement secondaire francophone belge, mais il peut certainement contribuer à améliorer les pratiques des enseignants des autres niveaux – de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur universitaire ou non – et de tous les pays. Cet outil n’est d’ailleurs que l’aboutissement de nombreux projets menés par le BIEF avec des acteurs de l’enseignement autour de l’approche par les compétences, que ce soit en Belgique francophone, en Suisse, en Tunisie, à Djibouti, 5 Il faut d’ailleurs signaler que l’utilisation de situations complexes construites n’est pas la seule manière d’évaluer des compétences. Le recours au portfolio est par exemple un moyen très utilisé qui permet de partir des compétences réelles des élèves plutôt que de partir des compétences visées pour évaluer les compétences réelles (GERARD, 2006a). 6 Ministry of Education and Higher Education, Lebanese Republic, Education Development Project 7010-LE, Improving Evaluation and School Assessment in Lebanon, 2004-2006.

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Introduction


en Mauritanie, à Madagascar, au Liban, en Algérie, en Guinée, au Burundi, au Sénégal, au Bénin, aux Comores, au Gabon, au Burkina Faso, en République centrafricaine, ou encore en Moldavie, au Vietnam, à Vanuatu, au Guatemala, au Costa Rica, au Chili… Sans ces projets, et donc sans les enseignants, les conseillers pédagogiques, les inspecteurs, les chercheurs de ces pays, ce guide n’existerait pas. L’objectif du guide est que les enseignants soient en mesure de concevoir et de mettre en place des dispositifs d’évaluation et de remédiation7 dans le cadre de l’approche par les compétences. Pour atteindre cet objectif, quatre compétences à développer ont été définies et structurent le guide en autant de parties : C1. Préparer les élèves à résoudre des situations complexes correspondant à une compétence C2. Élaborer des situations complexes pour évaluer une compétence C3. Traiter et analyser les productions des élèves mis en situation complexe lors d’une évaluation C4. Exploiter les résultats d’une évaluation des acquis des élèves à travers une situation complexe. Le guide est conçu comme un outil d’autoformation qui devrait contribuer à développer ces quatre compétences chez les enseignants. Il fait dès lors alterner constamment la pratique avec la théorie dans le souci de développer ces quatre compétences. Celles-ci sont travaillées à travers 15 séquences présentées dans le tableau de la page 17. La 16e séquence consiste en une évaluation finale sous la forme d’une épreuve d’intégration. Chaque séquence est approximativement construite selon la même structure : 1. les énoncés de la compétence visée et de l’objectif spécifique concerné par la séquence doivent permettre au lecteur de se situer dans la progression pédagogique, tant en amont qu’en aval, et d’intégrer progressivement ses acquis ; 2. une situation de départ et son analyse à travers une prise de recul permettent de partir du concret et d’y réfléchir pour dépasser certaines représentations spontanées ; 3. quelques repères d’information consistant, à partir de cas concrets, en apports théoriques et/ou pratiques, devrait permettre d’en savoir plus ; 4. de la pratique proposant à la fois un exercice, assorti de pistes pour sa correction (point 6), ainsi qu’un regard sur ses propres pratiques, ouvre la porte à un regard réflexif et métacognitif indispensable au développement des compétences ; 7 Le terme « remédiation » n’existe pas dans les dictionnaires de la langue française, mais il est abondamment utilisé par les pédagogues et les enseignants, en Belgique comme dans de nombreux autres pays. Nous avons donc choisi d’utiliser ce terme qui nous semble bien désigner l’action et le processus de remédier aux difficultés d’un élève.

Introduction

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5. une case vide permet au lecteur de prendre – en toute liberté – une décision personnelle qu’il pourra mettre en œuvre concrètement dans ses pratiques à la suite de la découverte de cette séquence. Cette case risque bien sûr de rester vide, tant physiquement que mentalement, pour de nombreux lecteurs ! C’est à chacun de ceux-ci de savoir comment il apprend le mieux. Mais nous avons la conviction que c’est en forgeant que l’on devient forgeron. Bien sûr, les exercices proposés tout au long du guide doivent déjà permettre une première mise en pratique, pour autant que le lecteur profite de l’occasion. Mais l’apprentissage ne sera que plus efficace si le lecteur se donne, après chaque séquence, un objectif bien concret qui lui est entièrement spécifique, et qu’il s’efforce d’appliquer et d’atteindre dans les jours et les semaines qui suivent. À cet égard, il serait tout à fait cohérent de passer une année complète, voire deux, pour lire ce guide en mettant progressivement en œuvre les pistes qu’il contient, en adaptant celles-ci pour mieux correspondre à la réalité du lecteur, en rejetant ce qui n’est pas possible dans son contexte tout en dégageant d’autres pistes plus appropriées. Au bout du compte, l’objectif est que les élèves soient mieux évalués. Par cet outil d’autoformation, nous mettons l’accent sur l’évaluation des compétences. Notre pratique professionnelle porte d’ailleurs quasi exclusivement sur l’évaluation ! Cependant, nous répétons toujours plusieurs fois à nos partenaires que ce qui compte à l’école, ce n’est pas que les élèves soient évalués, mais qu’ils apprennent. L’évaluation des acquis des élèves est bien sûr importante, mais il est plus important encore qu’ils acquièrent ce qui est attendu d’eux. Avant de vouloir évaluer quelque compétence que ce soit, l’enseignant devrait toujours se demander : « Qu’ai-je fait pour que mes élèves apprennent cette compétence ? ». Si rien n’a été fait, alors autant ne pas évaluer !

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Introduction


équence 1 Les apprentissages ponctuels des ressources

1.

COMPÉTENCE ET OBJECTIFS VISÉS

Compétence 1 Préparer les élèves à résoudre des situations complexes correspondant à une compétence Objectif Identifier les « ressources » à mobiliser et mettre en œuvre des séquences d’enseignement pour ces apprentissages ponctuels

2.

DU CONCRET

2.1 Un chouette prof d’histoire Voilà un professeur d’histoire apprécié de tous : élèves, parents et institution. Tous ses anciens élèves en disent « Ça, c’était un prof ! ». Il sait, comme aucun autre, faire le récit de ces histoires qui font l’Histoire. Passionnés, les élèves en redemandent et mémorisent sans peine les faits vécus par des personnages campés en des lieux et des époques bien situées. D’autant que chaque nouvelle partie du cours est introduite par une « mise en scène » où les élèves rendent vivant la Procession de Panathénées ou une Joyeuse Entrée, la Bérézina ou le Crack de Wall Street. Lors des contrôles de synthèse et des épreuves trimestrielles, l’intérêt des élèves et leurs bonnes connaissances leur permettent de réaliser, seul ou en groupe, de brillantes synthèses où les comparaisons audacieuses le disputent aux analyses fines. De plus, les élèves résolvent chaque mois une situation-problème qui consiste à tenter de dégager « les racines du futur » présentées dans un article. Un magazine d’intérêt général local sélectionne une des productions des élèves. Sa publication rencontre généralement un vif succès auprès des lecteurs qui y trouvent matière à comprendre le présent pour mieux vivre l’avenir à la lumière du passé.

Les apprentissages ponctuels des ressources

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2.2 Prise de recul Selon vous, qu’est-ce qui fait la force de ce professeur ? φ Il a un don pour raconter des histoires. φ Il met les élèves en appétit d’en savoir plus grâce à des mises en scène qui les impliquent. φ Il prend toujours la peine de bien situer les événements en les reliant avec ce qui les précède et ce qui les suit. φ Il propose périodiquement aux élèves des situations-problèmes à partir desquelles les élèves peuvent produire une analyse originale qui risque d’être publiée. C’est sans doute un peu de tout ça qui rend ce professeur « extraordinaire » ! Mais cela ne pourrait-il pas n’être, finalement, que le portrait d’un prof ordinaire ?

3.

QUELQUES REPÈRES

3.1 Des apprentissages ponctuels ou conjoints Depuis longtemps, les enseignants savent que les élèves doivent apprendre un certain nombre de savoirs : des définitions de concepts, du vocabulaire, des lois, des descriptions de systèmes, etc. Ce sont les contenus classiques de l’enseignement, qui ont été repris dans de nombreux programmes. Mais les enseignants savent aussi que les élèves doivent être capables de faire quelque chose avec ces savoirs : à quoi servirait-il à un élève de dire ce qu’est une équation du 2e degré, voire de l’identifier, s’il est incapable de la résoudre. À côté des savoirs, il y a donc de nombreux savoir-faire qui doivent être appris par les élèves. Ces savoirs et savoir-faire sont appris et utilisés la plupart du temps de manière isolée : lorsque les élèves apprennent à accorder un participe passé utilisé avec l’auxiliaire avoir, ils vont rencontrer de nombreuses phrases où c’est le cas, extraire avec l’aide de l’enseignant la règle d’accord, bien mettre en évidence l’application de ladite règle dans quelques exemples, et puis réaliser toute une série d’exercices leur permettant de mettre en œuvre leur nouveau savoir-faire. La plupart du temps, par souci d’efficacité, les enseignants ne travaillent qu’un seul savoir ou un seul savoir-faire à la fois. Depuis longtemps, les enseignants savent aussi que leurs élèves doivent pouvoir établir certains liens entre les savoirs et savoir-faire appris, notamment en mettant en évidence ce qui est vraiment essentiel. C’est le rôle des résumés et/ou des synthèses. Celles-ci permettent d’aller plus loin dans les apprentissages. Par exemple, pour systématiser les formules d’aire des quadrilatères, l’enseignant peut proposer aux élèves de reprendre les différentes formules, de les schématiser, et faire constater qu’au bout du compte, toutes ces formules

22

L’apprentissage des compétences


consistent toujours à multiplier une longueur par une hauteur. Une telle synthèse permet à l’élève de ne pas limiter ses savoirs et savoir-faire à une suite de formules distinctes les unes des autres, mais de relier différents cas dans une structure unique. L’enseignant peut donc organiser des activités pour deux types d’apprentissages : • d’une part, l’apprentissage de savoirs et savoir-faire isolés les uns des autres ; c’est ce que nous nommons « mobilisation ponctuelle » en ce sens que le moment d’apprentissage concerné n’est orienté que vers un seul savoir ou un seul savoir-faire ; • d’autre part, l’apprentissage des liens qui existent entre les différents savoirs et savoir-faire ; c’est que nous nous nommons « mobilisation conjointe ». Les caractéristiques de ces différentes approches sont les suivantes : Mobilisation ponctuelle

Mobilisation conjointe

Elle vise à maîtriser un savoir et/ou un savoir-faire spécifique et unique.

Elle vise à maîtriser les liens qui existent entre les différents savoirs et savoir-faire.

Elle se situe plutôt au début d’un nouvel apprentissage.

Elle vient à la suite de plusieurs apprentissages.

3.2 Activités de structuration et activités fonctionnelles Pour réaliser ces apprentissages, l’enseignant organise des activités. Celles-ci peuvent être entièrement organisées vers l’apprentissage recherché, vers le savoir ou le savoir-faire visé et consisteront à définir le concept, à découvrir la règle, à réaliser des exercices d’application, etc., en dehors de toute utilisation dans la vie de tous les jours. Ces activités sont dites de structuration, en ce sens qu’elles permettent à l’élève de réaliser un apprentissage structuré des différents objectifs visés. Depuis longtemps maintenant, on sait cependant que si l’école n’est pas la vie, il est important de faire entrer celle-ci dans l’école, car l’école prépare à la vie. On a pu constater que les élèves sont beaucoup plus impliqués lorsqu’ils apprennent à partir d’une situation concrète, proche de leur vie, et qui a du sens. Ces activités dites fonctionnelles leur permettent d’être plus efficaces dans leurs apprentissages parce qu’elles permettent de donner plus de sens.

Les apprentissages ponctuels des ressources

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Les caractéristiques de ces activités sont les suivantes1 : Activité de structuration

Activité fonctionnelle

Elle a une fonction cognitive de structuration de l’acquis de l’élève.

Elle a avant tout une fonction pratique ou sociale.

Elle est orientée vers l’intériorisation par l’élève des acquis : elle tend à faire le lien entre les objets d’apprentissage d’une part et les représentations qu’il en a ou les notions déjà acquises par lui, d’autre part.

Elle est orientée vers l’extériorisation par l’élève de son acquis : elle tend à faire le lien entre les acquis des élèves (en place ou à venir) et la vie de la classe, la vie de tous les jours.

L’enseignant(e) (ou tout autre acteur extérieur de structuration : manuel, didacticiel…) y joue un rôle actif, en tout ou en partie.

L’élève y joue un rôle actif, en tout ou en partie.

Elle est toujours simulée.

Elle est réelle ou simulée.

3.3 Quatre moments d’apprentissage Ces deux dimensions sont distinctes l’une de l’autre : un apprentissage visant la mobilisation ponctuelle d’un savoir ou d’un savoir-faire peut être organisé à partir d’une activité de structuration ou d’une activité fonctionnelle. Et s’il est intéressant de faire des synthèses et des résumés lors d’activités de structuration, il est tout aussi intéressant d’utiliser différents savoirs et/ou savoir-faire dans des situations fonctionnelles. Il est donc possible de structurer les apprentissages selon quatre moments, en fonction de ces deux axes complémentaires2 :

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le premier axe concerne le niveau de généralité auquel on travaille, nécessitant soit une mobilisation ponctuelle, ou séparée, des différents savoirs et/ou savoir-faire, soit une mobilisation conjointe des mêmes savoirs et/ou savoir-faire.

le deuxième axe concerne le type d’activités qui sont mises en œuvre pour réaliser les apprentissages, selon que ces activités soient reliées à un contexte de vie ou non. On distinguera les activités de structuration, réalisées hors contexte, des activités fonctionnelles, directement reliées à un contexte de vie.

1 2

Gerard & Roegiers, 2003. Gerard & Braibant, 2003.

L’apprentissage des compétences


Ces deux axes permettent de définir quatre moments d’apprentissage : Types d’activités Niveau de généralité

Activités de structuration (hors contexte)

Activités fonctionnelles (en contexte)

Mobilisation ponctuelle

Apprentissages d’objectifs spécifiques Formalisations

Apprentissages en contexte Situations d’exploration1 Situations didactiques2

Mobilisation conjointe

Synthèses Résumés

Intégration

1 ROUCHE, 1995 2 « Situation d’apprentissage que le pédagogue imagine dans le but de créer un espace de réflexion et d’analyse autour d’une question à résoudre (un obstacle à franchir). À terme, cette situation doit permettre à l’élève d’enrichir ses connaissances, donc d’apprendre. » (RAYNAL & RIEUNIER, 1997 – 4e éd. 2003, p. 295).

Ces quatre moments sont tous les quatre importants, mais n’ont pas tous le même rôle. Un processus d’enseignement-apprentissage idéal pourrait se structurer de la manière suivante : Types d’activités Niveau de généralité

Activités de structuration

Activités fonctionnelles

Mobilisation ponctuelle

2. Analyser

1. Explorer

Mobilisation conjointe

3. Synthétiser

4. Réinvestir

Dans un tel processus, 1. l’enseignant part de la pratique, il propose à ses élèves un projet ou une situation didactique afin de partir à l’exploration de nouvelles contrées. Les élèves connaissent déjà un certain nombre d’éléments de cette contrée, liés à cette pratique, à cette situation, mais vont aussi prendre conscience qu’ils ne maîtrisent pas d’autres éléments nécessaires pour pouvoir résoudre la situation. Ils sont donc mis en projet d’apprendre et sont prêts à relier le nouvel apprentissage à ce qu’ils connaissent déjà, en situation ; 2. un travail systématique est ensuite réalisé en analysant de manière précise l’objet d’apprentissage sous toutes ses facettes. Ce sont les moments d’apprentissage classiques qui permettront aux élèves non seulement de découvrir l’objet d’apprentissage, mais aussi de l’appliquer dans de nombreux exercices ; 3. lorsque plusieurs savoirs ou savoir-faire auront été appris, il est important de les mettre en liaison les uns avec les autres, à travers résumés et synthèses, idéalement élaborés par les élèves eux-mêmes ; 4. enfin, tous ces savoirs et savoir-faire seront réinvestis dans des situations complexes proches de la vie afin de rendre l’élève à même de les utiliser dans sa vie quotidienne, familiale, sociale, etc.

Les apprentissages ponctuels des ressources

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