Défier le conflit

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Défier le conflit

Gary Friedman et Jack Himmelstein pratiquent la médiation aux États-Unis depuis un quart de siècle. Ils sont les cofondateurs et codirecteurs du Center for Mediation in Law et ont formé un très grand nombre d’avocats, de professeurs en droit, des juges et d’autres professionnels à leur approche de la résolution du conflit aux États-Unis, en Europe et en Israël. Ils travaillent au travers de leur Centre et aussi en coopération avec d’autres institutions aux États-Unis et à l’étranger. Tanguy Roosen, juriste d’entreprise, est médiateur agréé en médiation civile, commerciale et familiale et enseigne la médiation civile, commerciale et familiale. Il est membre de la Commission fédérale belge de médiation depuis 2005.

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CONFLIT ISBN 978-2-8044-3948-4

La médiation par la compréhension Gary Friedman Jack Himmelstein Adaptation française de Tanguy Roosen

Prévenir, négocier, résoudre

Au travers de dix cas réels de médiation dans des domaines variés, ce livre explique les principes et la méthodologie d’une approche de la médiation fondée sur la compréhension. Il explique en détail comment les médiateurs et les avocats peuvent aider les parties à résoudre leur conflit en travaillant ensemble vers une résolution durable de celui-ci dans le respect de chacun. Cet ouvrage est le fruit de nombreuses années de recherches et de pratiques par ces deux auteurs, Gary Friedman et Jack Himmelstein, professionnels incontestés de la médiation et de la gestion du conflit. Cet ouvrage a gagné le prix « 2008 Outstanding Book Award » délivré par le CPR International Institute for Conflict Prevention & Resolution, association américaine active dans le domaine de la prévention et de la résolution des conflits. Cet ouvrage est traduit et adapté par Tanguy Roosen.

Gary Friedman Jack Himmelstein

La médiation par la compréhension

Défier le conflit

Défier le conflit


Défier le conflit La médiation par la compréhension Gary Friedman Jack Himmelstein

Prévenir, négocier, résoudre

Adaptation française de Tanguy Roosen


Extrait de l’ouvrage Défier le conflit. La médiation par la compréhension, Gary Friedman, Jack Himmelstein, adaptation française de Tanguy Roosen, collection Prévenir, négocier, résoudre, Larcier, juin 2010.

CHAPITRE 2

Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

Assis dans la salle d’attente d’un célèbre cabinet d’avocats, je n’étais pas sûr de ce que j’allais dire. À l’intérieur d’une grande salle de réunion, étaient réunis des avocats et des responsables de deux importantes sociétés prises dans un conflit coûteux depuis plusieurs années. Ces personnes étaient occupées à interviewer un autre médiateur qui avait la réputation d’être très efficace. Ma tâche était de les aider à comprendre la différence entre nos deux approches afin qu’elles puissent faire le choix le plus pertinent. Pouvais-je faire cela honnêtement et refléter un esprit différent dans l’approche qu’elles devaient avoir de leur conflit ? Je ne voulais leur vendre ni mon approche de la médiation ni moi-même comme médiateur. Quand je fus invité à entrer dans la salle, j’ai été surpris de voir une vingtaine de responsables des deux entreprises et leurs avocats assis autour d’une large table. Une fois assis, un des avocats prit la parole : L’avocat de Radix : Je souhaite aller droit au but et aborder un point important. Nous avons eu une longue série de conflits entre nos deux sociétés, et celui qui nous oppose aujourd’hui porte sur plusieurs centaines de millions de dollars. Nous passons devant le juge pour plaider ce dossier dans six mois. Nous souhaiterions tenter une médiation, si cela s’avère possible. Pourriez-vous nous expliquer votre approche de la médiation, particulièrement les différences entre votre approche et celle de votre concurrent, si je puis me permettre, Jim Black ? Le médiateur : Je n’ai jamais vu Jim pratiquer la médiation, mais je le connais de réputation, et celle-ci est impressionnante. La différence la plus manifeste entre nous est probablement que je préfère voir les parties et leurs avocats rester ensemble avec moi dans la même pièce tout au long du processus de médiation. larcier

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Le choix de médier

L’avocat de Radix : Vous avez raison. C’est une différence fondamentale. Pourquoi faites-vous cela ? Le médiateur : Dans l’approche que j’ai de la médiation, je ne prends pas les décisions. Les parties le font. Et afin que vos clientes soient en mesure de prendre les décisions ensemble, ce qui constitue pour moi l’objectif du processus, je veux qu’elles exercent le plus grand contrôle sur ce processus et qu’elles aient accès à autant d’informations que nécessaire pour y arriver. Cela va au-delà du fait de contrôler les décisions finales, par exemple : « À quoi ressemblera l’accord transactionnel ? », mais implique plutôt la manière dont nous y arriverons. Par exemple, pour le moment vous êtes deux entreprises confrontées au choix du médiateur. Je ne voudrais pas avoir des interviews séparées avec vous au cours desquelles je pourrais dire des choses différentes pour vous convaincre de me choisir. L’avocat de Radix : Noble pensée mais je pense que votre proposition de nous réunir ensemble pose un grand nombre de problèmes. Le médiateur : J’imagine qu’il y en a. Nous en avons peut-être un à cet instant. Mais il y a aussi de nombreuses difficultés à voir le médiateur pratiquer une sorte de navette diplomatique entre les parties. C’est certainement un défi de créer une manière de travailler ensemble au milieu d’un conflit, particulièrement lorsqu’il y a une longue histoire faite d’animosité ou simplement de différences aiguës dans les perceptions de chacun sur ce qui s’est passé et sur les solutions qui feraient sens. La manière dont vous envisagez de relever ce défi est liée à la question de savoir pourquoi vous souhaitez gérer ce conflit par la médiation. L’avocat de Radix : C’est simple. Nous souhaitons voir si nous pouvons transiger dans ce dossier Un représentant de Radix : Puis-je ajouter quelque chose ? Le médiateur : Je l’espère Le représentant de Radix : Avec tout le respect que je vous dois, chers avocats, nous sommes en procès avec Argyle depuis près de trente ans. Je pense que nous nous en serions tous mieux sortis si nous n’avions pas passé autant de temps à nous battre. Notre industrie connaît des changements très rapides. Cela nous oblige

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

à changer ou à être à la traîne. J’aimerais vraiment voir si nous pouvons nous concentrer sur cela plutôt que passer notre temps à détourner les attaques de l’adversaire. Cinq de nos équipes de gestion vont devoir témoigner dans les prochaines semaines. Le temps que nous prend ce litige est énorme. Nous le ferons si c’est nécessaire, particulièrement dans un tel dossier où les enjeux financiers sont importants. J’aime à penser qu’il y a d’autres manières de faire. Le représentant d’Argyle : Jerry, je suis heureux de vous entendre car je pense la même chose. Je voudrais aussi tourner la page et terminer ce dossier. De ce que je connais du dossier, les enjeux financiers sont tels que nous ne sommes pas uniquement impliqués dans un procès en première instance, ce qui sera déjà très coûteux, mais que nous le serons aussi dans une procédure d’appel. De sorte que nous serons en procès durant plusieurs années, sans compter les autres dossiers qui vont tomber. u u u

La participation active des parties Les représentants de Radix et de Argyle ont sauté sur l’occasion de collaborer, ce qui paraît aller à l’encontre de l’approche judiciaire qui a marqué la longue histoire de leurs conflits. La participation active des parties est centrale dans notre approche et j’ai apprécié leur volonté de reprendre la main. Un flux continu d’inimitiés, de calomnies, d’accusations et de manœuvres stratégiques a tenu les deux sociétés coincées dans un conflit depuis plusieurs années. À chaque nouvelle crise, les dirigeants ont confié leurs dossiers à leurs avocats, restant ainsi éloignés du conflit et de l’autre partie et, ironiquement, ont par ces faits maintenu leurs sociétés coincées dans cette situation. Le monde des affaires est trop enclin à confier ses conflits à des avocats. Après tout, c’est la raison pour laquelle les avocats sont engagés. Et lorsque les avocats sont impliqués, ils reprennent en main le dossier. Si les deux entreprises tentent ensemble de résoudre leur différend, la plupart des responsables laissent les avocats parler pour eux, larcier

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Le choix de médier

et les avocats, cherchant à protéger leurs clients, se mettent en avant. Le strict respect de ces rôles, les prémisses et les préjugés implicites à la base de ceux-ci sont autant de raisons entraînant les parties dans le piège du conflit, entretenu par leur dépendance à l’égard des avocats pour la gestion de leur conflit. Nous ne contestons pas la plus-value que les avocats apportent à leurs clients. Dans nombre de conflits qui ont des implications juridiques, ils sont indispensables et nous préférons qu’ils soient présents lors des réunions. Cependant, une dépendance à des conceptions traditionnelles utilisées dans la gestion de conflits juridiques empêche les parties d’envisager des opportunités de résoudre ensemble et efficacement leur conflit. Dans le cas présenté, l’objectif était de trouver un moyen d’aider les parties à découvrir comment leurs préjugés les ont coincées et, de cette manière, les aider à échapper à leur piège. Quand les représentants des deux sociétés sont intervenus dans la discussion, ils ont rendu leurs conseils nerveux, mais c’était un premier pas important pour sortir de ce piège. Ils ont tous deux identifié et reconnu que cette guerre juridique vieille de trente ans avait sapé les forces de leurs entreprises, guerre qui nécessiterait encore plus d’attention dans le futur. En manifestant ce point de vue, ils indiquaient un désir de changer cette situation et cette motivation était un premier pas vers un autre dénouement. Dans l’approche fondée sur la compréhension, nous cherchons à placer les parties au centre et à l’avant-plan. Il s’agit de leur conflit et elles sont les premières à savoir comment résoudre au mieux leur différend. Si les parties reconnaissent cela, elles seront en mesure d’assumer un rôle central et la responsabilité de prendre les décisions ensemble. Si elles échouent à reconnaître cette responsabilité fondamentale, en confiant le dossier à leurs avocats, elles ont toutes les chances de rester piégées. Pour de nombreuses parties, le simple fait d’envisager la possibilité qu’il pourrait y avoir une alternative à leurs postures conflictuelles est un début – particulièrement lorsqu’elles sont conscientes que l’autre partie partage le même point de vue. Nous pensons que de telles impulsions vers une reconnaissance mutuelle et une volonté de travailler ensemble sont souvent présentes bien qu’ignorées. Le fait de permettre aux parties de chercher ensemble à honorer celles-ci est pour nous fondamental. Pour les représentants de ces sociétés, dans ce cas-ci,

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

c’était un moment révélateur. Les avocats ne devaient pas se sentir exclus. Associer les avocats à ce dialogue conforte le rôle essentiel des parties lorsqu’il s’agira de résoudre leur dispute et empêchera le piège de se refermer une nouvelle fois sur elles. u u u Le médiateur : Que pensez-vous de travailler ensemble, dans la même pièce ? Pourquoi l’accepteriez-vous ou le refuseriez-vous ? L’avocat d’Argyle : Franchement, je ne pense pas que ce dossier puisse se clôturer sans que les parties mettent leurs cartes sur la table et nous pouvons faire cela plus facilement si nous nous réunissons avec vous séparément. Le médiateur : Je suis d’accord sur le fait que mettre les cartes sur la table est essentiel pour une résolution du conflit mais je serais ennuyé si j’étais le seul à avoir une vue complète du dossier. Si je vous rencontre séparément, que vous me montrez chacun vos cartes et que je dois m’engager à garder les secrets de chaque partie, que pensez-vous que je puisse faire de ces informations ? L’avocat d’Argyle : J’espère que vous saurez en faire quelque chose. Il existe des techniques qui ont montré leur efficacité et qui ont permis à des tiers de résoudre des conflits de cette manière. Le médiateur : Tel que mettre la pression sur chacune des parties pour les pousser à conclure un accord ? L’avocat d’Argyle : C’est en effet une technique efficace. Le médiateur : Cela confère un grand pouvoir au tiers. Si vous engagez Jim Black comme médiateur, c’est probablement de cette manière qu’il travaillera. Dans le cas où les parties lui donneront les informations sur les stratégies judiciaires respectives, il prendra vraisemblablement les choses en main pour aller vers ce qu’il pense être la solution. Mais en lui imposant de garder ces informations confidentielles, vous devrez lui faire confiance, sans comprendre complètement sa stratégie pour persuader vos deux entreprises de conclure un accord acceptable pour toutes deux. Cela risque d’être coercitif pour chacune des parties. Pour le dire simplement, je préfère me reposer sur la force de la compréhension que sur la larcier

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force de la coercition. Cela signifie comprendre vos positions juridiques mais cela ira aussi au-delà. L’avocat d’Argyle : Que vous voulez-vous dire par « au-delà » ? Le médiateur : Je pense qu’il est important de regarder tant votre situation juridique que les réalités commerciales sous-jacentes et de rechercher à partir de là ce qui est important pour chacune des parties. u u u

La force de la compréhension Le choix de se reposer sur la compréhension plutôt que sur la coercition est un aspect fondamental de notre approche et nous cherchons à ce que cela soit clair pour les parties. Lorsque la coercition est confrontée à la coercition, cela maintient les parties dans une posture conflictuelle. La compréhension permet d’échapper à ce cycle. Nous ne pensons pas naïvement que la coercition peut être totalement éliminée. Dans un cas comme celui-ci, le fait que les participants aient recours au système légal traditionnel se révèle coercitif en soi, comme d’autres éléments du conflit. Nous pensons que des parties motivées, que cela soit dans le cadre d’une médiation ou en dehors, avanceront vraiment en renforçant leur confiance envers la compréhension et leurs propres choix comme sources de résolution du différend, tout en diminuant le recours à la persuasion et la coercition. Ces efforts doivent être entrepris par tous les participants, tant les parties que leurs conseils s’ils sont présents, connaissant la tendance naturelle de se reposer uniquement sur les charmes de la force coercitive des avocats, de la loi ou d’un tiers neutre. Pour les aider à travailler différemment, le médiateur présentera aux parties et à leurs avocats un autre concept essentiel que nous appelons les deux conversations. Les parties sont souvent piégées dans le conflit en présumant qu’elles abordent celui-ci soit sous l’aspect de la réalité juridique, soit sous l’aspect commercial et personnel, l’un excluant l’autre plutôt que le nourrissant. Conférer à ces deux conversations une égale importance élargit la compréhension du conflit et les chances de le résoudre.

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

u u u L’avocat d’Argyle : Nous n’avons pas l’intention de négliger notre position juridique dans ce dossier. Nous sommes convaincus que nous gagnerons le procès si nous devons aller jusque-là. L’avocat de Radix : Nous avons, bien entendu, aussi examiné les aspects juridiques du dossier et pensons que notre position est très forte. Nous n’éprouvons aucune crainte à la tester devant un tribunal. Mais nous pensons que nous pourrions économiser beaucoup de temps et d’argent en clarifiant tout cela. Le médiateur : Vous êtes tous les deux prêts à défendre le dossier devant un juge. Et je ne m’attends pas à ce que l’un de vous deux sous-estime la position de son client… Le représentant d’Argyle : C’est ce qui nous a conduits jusqu’à ce point. Nous voyons tous que les avocats ne partagent pas le même point de vue et que cela s’est manifesté tout au long de nos précédentes discussions et nous a bloqués. Je pense que vous avez raison, Gary. Nous devons discuter de la réalité commerciale ici et éviter de parler de droit. Cela ne fait que polariser le débat. Le médiateur : Donc, la réalité commerciale constitue un élément important pour vous ? Le représentant d’Argyle : Examiner tout cela sous l’angle de la perspective commerciale est en effet judicieux. Le médiateur : Je le pense aussi. Mais je dois insister sur le fait que je n’entends pas ignorer les aspects juridiques du dossier. Il est difficile de n’examiner votre dossier que sous l’aspect juridique en négligeant l’aspect commercial. Et inversement, vous pouvez échouer si vous n’abordez pas la réalité juridique parce qu’elle continuera à menacer le dossier. Si nous pouvons avoir une autre forme de conversation au sujet du droit, votre compréhension du problème n’en sera que plus complète, pour autant que cet aspect ne prenne pas trop de force. Aucune des conversations n’est à exclure. Si vous allez dans cette voie-là, vous aurez le beurre et l’argent du beurre. Et vous avez besoin des deux. C’est une différence qui caractérise mon approche. Le représentant d’Argyle : De quelle manière ? larcier

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Le médiateur : Permettez-moi de vous poser une question. Lorsque vous examinerez si le résultat de votre accord est acceptable pour vos sociétés, j’imagine que vous présenterez une analyse juridique de vos forces et des risques à vos conseils d’administration. Le représentant d’Argyle : En effet. L’importance de ce dossier est telle que les conséquences juridiques peuvent avoir une incidence sur le cours de nos actions. Mais ceci reste entre nous et notre conseil d’administration. Le médiateur : Absolument. Vous déciderez finalement au sein de vos organisations si l’accord conclu est acceptable et vous le comparerez vraisemblablement avec le résultat potentiel d’une procédure judiciaire. La question est donc de savoir si pour vous, les représentants qui vivez ce conflit et qui aurez à vivre avec le résultat, quel que soit celui-ci, il est nécessaire d’entendre une conversation plus ouverte et enrichissante entre vos conseils juridiques que celle entendue jusqu’à présent afin de vous initier ensemble aux aspects juridiques de votre différend. Le représentant d’Argyle : En effet, je souhaiterais en entendre plus sur l’analyse de la situation de la part de notre propre avocat. Mais il est inutile d’entendre l’avocat de Radix nous dire qu’il gagnera ce procès. Le médiateur : J’en conclus que vous seriez intéressé par une discussion sur les aspects juridiques dans laquelle chacune des parties serait prête à envisager toutes les possibilités qui se présenteraient si vous alliez devant un tribunal. Le représentant d’Argyle : Oui, si c’est possible et si cela ne nous sépare pas davantage. Mais vous suggériez que nous parlions aussi des réalités commerciales et je ne veux pas que nous oubliions cela. Le médiateur : Et ce qui vous sépare actuellement est la manifestation de l’entière confiance de chacun des avocats dans le fait que vos entreprises gagneront le procès. Le représentant d’Argyle : Oui. Le médiateur : Je pense qu’il est important que vous, en tant que représentant de votre société, ayez une compréhension aussi claire que possible des conséquences judiciaires d’un procès, sans devoir

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aller jusque-là, en listant tant les avantages que les risques pour chacune des parties. Lors de cette discussion, les avocats joueront un rôle important afin de nous expliquer ces aspects. Puis, nous aurons une autre discussion sur les réalités commerciales. Ici, chaque partie examinera les réalités commerciales sous-jacentes, particulièrement par rapport aux priorités de chacune des parties liées à ce différend. Lorsque nous aurons cette discussion, les représentants de chacune des parties, qui sont les meilleurs experts sur le sujet, seront les meneurs. Le représentant d’Argyle : C’est pour cela que je suis venu ici, pour avoir cette discussion. Nous partageons des inquiétudes fondamentales que nous devons chacun affronter, même si nous sommes et continuerons à être des concurrents. Mais je sais que l’atmosphère se dégrade lorsque nous abordons les questions juridiques. Chacun se tend et il est beaucoup plus difficile d’avoir une conversation constructive. Le médiateur : Je suis d’accord, c’est un problème que vous devez surmonter. Aborder les aspects juridiques, particulièrement lorsque tout le monde est dans la même pièce, augmente souvent la tension. Mais soyez aussi conscients du fait que ne pas aborder les questions juridiques comporte aussi des risques. Ignorer le droit lui donne encore plus d’importance, sans que nous puissions mesurer les conséquences dans l’esprit de chacun de vous. Pour moi, le défi n’est pas de déterminer si nous devons parler du droit mais bien comment nous devons parler du droit, de manière que cela ne ruine pas l’atmosphère, comme vous le souligniez. u u u Pour les représentants des sociétés, ce dialogue était vraisemblablement le premier qu’ils aient eu ensemble en dehors du cadre judiciaire habituel défini par les juristes et dans lesquels ils ont été impliqués durant des années. Il a pu se dérouler lorsqu’ils ont compris la manière dont ils pourraient discuter ensemble de ce sujet et qui en parlerait. Pour eux, commençait à émerger une manière différente de travailler en commun fondée sur des prémisses et des hypothèses différentes. larcier

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Les représentants de ces sociétés, personnes compétentes, pouvaient aisément comprendre le danger de se focaliser sur les seules certitudes des avocats de gagner le procès. Le problème ne se nichait pas dans le fait que les avocats abordaient le droit mais bien dans la manière dont ils en parlaient et l’impact que ces discussions avaient eu sur les représentants des sociétés. Les représentants de chaque partie ont perçu des discordances entre leurs conseils respectifs affirmant chacun avoir confiance en l’issue judiciaire et ils étaient prêts à reconnaître cet état de fait en présence de l’autre partie et en présence de leurs conseils. Ce changement d’attitude était décisif. Une fois reconnue, cette discordance représente une opportunité de redéfinir une méthode de travail : comment avoir une conversation par laquelle les parties sont informées des aspects juridiques, sans être limitées par le droit. Les représentants paraissent être intéressés par l’exploration de cette approche différente. En fait, ils semblent même désireux de le faire. Sans surprise, les avocats ont une nouvelle fois montré leur réticence. u u u L’avocat d’Argyle : Attendez. Je ne suis pas prêt à avoir une discussion au sujet des aspects juridiques de ce dossier, au cours de laquelle nous exposerions toute notre stratégie judiciaire à l’autre partie, nous rendant ainsi plus faibles devant le tribunal. Le médiateur : Votre inquiétude est que si vous n’atteignez pas un accord dans le cadre de la médiation, vous ne voulez pas que la révélation d’éléments, qui serait de nature à réduire vos chances de gagner, vous porte préjudice dans le cadre de la procédure judiciaire. L’avocat d’Argyle : C’est exact. C’est la raison pour laquelle je suis prêt à vous parler de ces éléments dans le cadre d’un aparté. Le médiateur : Et je devrai dire à l’autre partie que j’ai des informations que je ne peux lui révéler mais qui, elle devra me croire, réduiront ses chances de gagner le procès, de sorte qu’elle devrait diminuer ses prétentions. L’avocat d’Argyle : Et pourquoi pas ? Cela arrive tout le temps.

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

Le médiateur : … et faire la même chose avec vous basé sur ce qu’ils me diront en toute confidentialité. C’est une option que vous pouvez suivre avec Jim Black mais je ne souhaite pas emprunter cette voie. Je comprends votre inquiétude. En effet, je ne pense pas que vous feriez sérieusement votre travail si vous n’étiez pas très prudent par rapport au risque de révéler des informations durant la médiation qui pourraient vous nuire si vous ne concluez pas un accord. Mais d’un autre côté, en ne révélant pas de telles informations, vous ne permettez pas à l’autre partie de revoir son analyse juridique et, par conséquent, vous augmentez le risque de ne pas conclure un accord en médiation. Je ne pense pas qu’il est efficace de révéler des informations en caucus et de les garder secrètes. Sauf si vous êtes prêts à me faire une confiance aveugle lorsque plus tard je vous dirai que, sur la base de ce qui vient de m’être dit par la partie adverse, vous risquez, une fois devant le tribunal, d’être confrontés à de réels obstacles que vous n’aviez pas imaginés et que je ne peux vous révéler ? L’avocat d’Argyle : En fait, vous êtes en train de me dire que nous devons juste vous faire confiance et que nous devrions chacun exposer notre stratégie judiciaire devant l’autre partie. Cela me semble risqué, ce que je me dois de dire à ma cliente. Le médiateur : J’imagine que vous le ferez. Il y a, bien entendu, des risques à avoir une telle discussion, plus ouverte que celles que vous avez eues jusqu’à ce jour. Mais vous devez réaliser qu’il y a aussi des risques de ne pas le faire. En fait, il est vraisemblable que vous vivez avec ces risques depuis un certain temps. Je ne suis pas en train de dire que vous devez me faire confiance et me croire sur parole. Il vous appartient de déterminer ensemble le degré d’ouverture dont vous ferez preuve – cela inclut les représentants et les avocats de chacune des parties. Et je suis convaincu que le conseil de chaque partie sera très prudent durant cette discussion, sauf à ce qu’il soit convaincu que l’autre partie fera preuve de la même ouverture. Autrement, chaque partie aura la crainte légitime d’être trahie, et son avocat lui conseillera de ne pas participer à cette méthode. L’avocat de Radix : C’est un fait. larcier

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Le médiateur : C’est pourquoi, avant de poursuivre, nous devrons déterminer de quelle manière nous pourrons mener cette discussion afin qu’elle ait un sens et qu’elle soit acceptée par les deux parties. Je vous suggérerai de déterminer ensemble la manière dont les avocats de chaque partie présenteront les forces et les faiblesses de leur dossier aux représentants de l’autre partie. À chacune des étapes nous devrons nous assurer que l’évaluation honnête du dossier par une des parties est, en retour, récompensée par la même démarche de la part de l’autre partie. Après avoir eu cette discussion sur les aspects juridiques, nous aurons une discussion distincte sur la réalité commerciale avec pour objectif de créer des options. Cela vous permettra d’augmenter le gâteau à vous partager et ainsi tenter de combler les écarts qui pourraient apparaître au terme de l’analyse juridique. u u u Si l’objectif est d’informer les parties sur les questions juridiques plutôt que de les menacer avec celles-ci, il est essentiel que les avocats partagent une forme de convergence sur ce qui pourrait se produire devant un tribunal. Pour les avocats, la difficulté sera d’aborder non seulement les points forts de leur dossier à l’occasion de cette discussion mais aussi les points faibles, en présence de l’autre partie et de son conseil. Il s’agit d’une pratique inhabituelle pour un grand nombre d’avocats mais les bons avocats sont certainement capables de le faire et d’y voir les avantages. S’ils y parviennent, les clients auront le bénéfice d’apprendre des aspects juridiques en évitant l’aspect polarisant de cette discussion, comme par le passé. Pour que les avocats participent utilement à ce processus, il est nécessaire de déterminer comment avoir cette conversation afin qu’elle soit utile à leurs clients. Agir par accord successif est un autre élément essentiel de notre travail en médiation. Un autre aspect important est la vulnérabilité mutuelle que nous suscitons en s’assurant, étape par étape, que la franchise de chaque partie est réciproque. u u u

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Le représentant de Radix : Tout cela est très intéressant mais cela me semble compliqué et susceptible de nous prendre beaucoup de temps. Black nous a indiqué qu’avec son processus nous en aurions fini en un jour ou deux. Combien de temps prendriezvous ? Le médiateur : Probablement bien plus longtemps. Nous définirons le processus ensemble, en déterminant votre calendrier. Nous avancerons en concluant de petits accords sur la manière de procéder afin d’arriver à l’accord principal sur le résultat. Actuellement, le petit accord qui est en discussion porte sur le fait de faire ou non appel à moi en tant que médiateur. Si vous me choisissez, notre première tâche sera de décider de commun accord comment nous organiserons les deux conversations que je viens de décrire et combien de temps nous leur consacrerons. Une fois que vous estimerez avoir une compréhension suffisante des aspects légaux et commerciaux, alors nous pourrons aborder les solutions, tout d’abord en générant autant d’options que possible pour les affiner jusqu’à ce que les parties les estiment préférables à une solution judiciaire. Cela prendra du temps. Je pense cependant que ce temps sera profitable. Vous avez sans doute une meilleure vision du temps que tout cela prendra. Le représentant de Radix : Vous avez raison. Cela prendra bien plus de temps qu’avec Black. Pourriez-vous me dire en vingt secondes pourquoi nous devrions vous suivre ? Le médiateur : J’ignore pourquoi vous devriez le faire. Mais si les deux sociétés souhaitent entreprendre une médiation avec Black vous obtiendrez une solution assez efficacement, et il est vraisemblable qu’il s’agira de sa solution. Avec moi vous travaillerez plus durement et plus difficilement, particulièrement les représentants des sociétés, et vous pourriez ne pas arriver à une solution. Mais si vous acceptez ce travail, vous saurez que c’est votre solution. Le représentant d’Argyle : Et quel sera votre rôle dans tout ceci ? Le médiateur : M’assurer que vous mesurez bien les choix que vous avez à faire à chacune des étapes du processus et vous aider larcier

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à établir une relation par laquelle nous exploitons la créativité des avocats et des représentants dans le processus. Si vous le souhaitez. Le représentant d’Argyle : J’apprécie le fait que nous pourrons exercer un vrai contrôle non seulement sur le résultat final mais aussi sur la manière d’y arriver. Le médiateur : Tout cela accompli avec Radix, c’est exact. Je pense que c’est un avantage majeur. J’ai aussi entendu que la relation entre les deux entreprises constituait aussi un point important pour chacune d’entre elles. Le représentant de Radix : Je me dois de dire que si nous arrivons à changer la nature de nos relations, cela aura une grande valeur pour chacune de nos entreprises. Le représentant d’Argyle : Cela pourrait, en effet, être le cas. Mais vous devez être conscient que la relation conflictuelle entre nos sociétés est très profondément ancrée. Dans toute notre société, voir en Radix un ennemi a été une des manières de motiver notre personnel, et cela remonte à des dizaines d’années. Le médiateur : Si vous êtes motivés vous pouvez changer l’état de ces relations. Je pense que je peux y contribuer. Vous aurez besoin de soutien et probablement de la participation de vos organisations et même celle de vos PDG, si vous estimez que les enjeux sont suffisamment importants. Le représentant d’Argyle : Doivent-ils être présents ? Je ne suis pas sûr qu’ils accepteront cela. Le représentant de Radix : Je pense que le nôtre viendra s’il sait que le vôtre sera présent. u u u Il y a une grande différence entre une approche de médiation dans laquelle le médiateur fait des allers-retours entre les parties dans le cadre d’apartés et notre modèle dans lequel les parties, leurs conseils et le médiateur cherchent à travailler ensemble tout au long du processus. La première approche confère un grand pouvoir au médiateur tandis que dans notre approche les parties partagent la responsabilité quant à la manière dont se déroulera la médiation. Dans la situation que

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

nous examinons, certains des mérites et des inconvénients de chaque approche commencent à apparaître plus clairement. Au travers de ce dialogue, ces représentants et, d’une certaine manière, leurs avocats, paraissent comprendre comment les dynamiques entraînant leur conflit ont contribué à des années de querelles entre les deux sociétés et comment, concrètement, ils ont été piégés par ce conflit. Cette discussion leur a permis de voir qu’une approche différente de leur conflit pourrait les aider à trouver une issue commune. Déterminer à ce stade s’ils seront capables ou non de changer la nature de leurs relations et de l’assumer n’est pas encore très clair. Cela dépendra de leurs motivations et de leur volonté d’y arriver. Le fait qu’ils reconnaissent l’existence d’une culture de l’escalade conflictuelle au sein de leurs entreprises, qu’il existe une possibilité de changer cela et que l’intérêt potentiel pour les deux parties d’y arriver est déjà très prometteur. Leur capacité à travailler à ce changement en gérant leur conflit influencera certainement les chances de travailler ensemble dans le futur. Ils en sont conscients. u u u Bien que souhaitant qu’ils me confient cette médiation, j’étais heureux qu’ils aient une alternative qui leur prendra moins de temps et d’efforts. Je sentais que s’ils décidaient de travailler avec moi en sachant que cela entraînerait une approche très différente de la gestion de leur conflit, ils accompliraient une étape importante vers le succès. Si les PDG décidaient de s’investir, il y aurait de plus grandes chances que le processus soit encouragé au sein de chacune des entreprises et qu’elles imaginent et mettent en œuvre des idées de coopération entre les deux sociétés, avantageuses d’un point de vue économique. Et, peut-être plus fondamentalement, leur participation pourrait signaler au sein de chaque entreprise que le temps de la culture du conflit était révolu. Je reçus un appel des avocats de Radix et d’Argyle la semaine qui suivit me disant que les deux compagnies souhaitaient que j’assure la médiation et que les PDG étaient prêts à y participer. La médiation a duré six mois, en quatre sessions de deux jours. Nous verrons plus loin comment le travail s’est déroulé. larcier

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Le choix de médier

Commentaire : Le choix de travailler ensemble dans le cadre d’un conflit Le premier choix que font les dirigeants d’entreprise lorsqu’ils doivent gérer un conflit commercial avec des dimensions juridiques est de voir comment ils vont le gérer. Le problème se niche dans le fait que la plupart des parties font ce choix de manière spontanée, habituellement sans prendre en considération les différentes options qu’elles ont et le plus souvent sans aucun dialogue entre elles à propos de ce choix. En réalité, fréquemment, elles ne choisissent pas mais laissent leurs avocats, l’autre partie ou des circonstances particulières le faire ; ou elles attendent que les procédures judiciaires leur imposent la réponse. Le fait que chacune des parties remette sa décision à plus tard contribue et souvent même exacerbe les dynamiques du conflit, bien que cet attentisme apparaisse souvent à ce moment-là comme la voie la plus raisonnable. Enferré dans un conflit, il peut nous paraître étrange d’imaginer nous asseoir à une table avec l’autre partie et de se poser sérieusement la question sur la manière dont nous voulons gérer ce conflit. Affronter cette question fondamentale ensemble peut faire toute la différence. C’était la question à laquelle les représentants d’Argyle et de Radix ont fait face lorsqu’ils se sont assis ensemble en présence de leurs avocats. Le médiateur leur a proposé le choix difficile suivant : non s’ils voulaient médier mais comment et pourquoi. Dans ce cas-ci, le but de cette première réunion était de permettre au médiateur de décrire son approche de la médiation et de la comparer avec d’autres approches. Même si les parties n’avaient pas posé la question de savoir comment elles pourraient travailler ensemble à résoudre leur conflit, nous aurions soulevé cette question. C’est consubstantiel à la définition que nous donnons de la médiation. Définition de la médiation : la médiation est un processus volontaire par lequel les parties prennent des décisions ensemble, fondées sur une compréhension de leurs propres points de vue, du point de vue de l’autre et des réalités auxquelles elles doivent faire face. Le médiateur travaille d’une manière neutre et non contraignante à aider les parties à négocier un accord qui leur est préférable à d’autres alternatives.

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

Selon nous, l’intention des parties de résoudre leur conflit confère au processus toute sa force. Le choix de comment elles peuvent travailler ensemble permettra de révéler cette intention. Dès le départ, notre objectif est d’aider les parties à comprendre ce choix et, si elles sont intéressées par notre approche, de faire ce choix avec une compréhension pleine et entière des possibilités que celui-ci leur offre et des conséquences que cela entraîne. Cette tâche est rendue plus facile d’une part par la présence des avocats et, d’autre part, par le fait que les représentants rencontrent aussi un autre médiateur. Les parties ont mieux compris les différentes alternatives de la gestion de leur conflit : continuer la préparation d’un procès ou médier selon l’approche de ce médiateur ou la nôtre. La participation des avocats était parfaitement justifiée. Nous ne pensons pas qu’il faille se passer des avocats ou ignorer le droit. Tous deux sont essentiels à la protection des parties et peuvent être d’une grande valeur pour la résolution des conflits en dehors des tribunaux, pour autant qu’ils soient inclus dans le processus d’une manière constructive. La difficulté apparaît lorsque l’approche des avocats dans la gestion du conflit contribue à conduire les parties vers des impasses, sans que les parties (ou leurs avocats) ne s’en rendent compte, comme cela a été le cas au début du cas « Radix et Argyle ». Afin de clarifier les choix que le médiateur cherche à présenter aux représentants et à leurs conseils, revenons aux différences entre l’approche traditionnelle et les approches alternatives du conflit décrites dans le premier chapitre en incluant cette fois les avocats.

Le système traditionnel et les avocats Dans le système traditionnel, basé sur une approche judiciaire des conflits, les avocats jouent un rôle central. La communication se déroule entre les clients et les avocats et entre ces derniers lorsqu’ils négocient entre eux au nom de leurs clients. Cela se produit rarement entre les parties, les avocats décourageant généralement leurs clients de négocier directement entre eux, et les clients étant heureux de laisser le problème et les stratégies juridiques à leurs avocats. En résumé, les avocats parlent pour leurs clients. larcier

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Le choix de médier

Le niveau de responsabilité assumé par les avocats, le juge et les parties est symbolisé dans la figure 2.1 par la représentation plus imposante du juge, puis celle des avocats, moins importante que celle du juge mais plus que celle de leurs clients. La responsabilité des avocats de parler au nom de leurs clients est un élément connu et accepté dans le paradigme traditionnel de la représentation légale telle qu’elle est perçue par les avocats et par les clients. C’est une prémisse implicite qui doit rarement être expliquée. Bien qu’il existe des exceptions à ce principe de base, elles sont précisément cela : des exceptions à la norme prééminente et à la pratique. Au-dessus de ces intervenants, il y a la Loi ou du moins les perceptions parfois différentes de la loi qu’ont les avocats et les clients. Les avocats ont leur propre opinion sur la manière de procéder juridiquement et leurs propres attentes par rapport à l’application de la loi aux faits par le juge. Il s’agit là à nouveau d’une prémisse implicite du système traditionnel.

Le Droit !

le juge

l’avocat

l’avocat

le client

le client Figure 2.1

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

Ces prémisses, et le fait qu’elles restent implicites, maintiennent les parties enfermées dans leur conflit, sans qu’elles soient conscientes ni de leur force ni du fait qu’elles sont piégées. Le fait que le médiateur les révèle peut apporter un outil permettant de desserrer leur étau.

L’alternative (en présence des avocats) Dans les médiations commerciales, la présence des avocats aux sessions est plutôt la norme que l’exception, et nous apprécions leurs participations et le défi que cela représente. Alors que la médiation en présence des avocats peut apparaître comme étant très différente de l’approche traditionnelle telle que nous la représentons dans le schéma en figure 2.2, dans la pratique, l’ampleur de cette différence dépendra dans chaque cas de la manière dont les avocats, les parties et, particulièrement, le médiateur agiront. Comme nous l’avons vu dans « Radix et Argyle », les questions sont : quel est le rôle du médiateur, quel est le rôle des parties et de leurs avocats, et quel est le rôle du droit ? En représentant les parties au-dessus des avocats et du médiateur, nous symbolisons leur force et leur responsabilité pour déterminer

Le Droit ?

le client

le client

l’avocat

l’avocat

le médiateur Figure 2.2 larcier

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comment elles souhaitent résoudre leur conflit. L’emprise du système judiciaire ne disparaît pas nécessairement lorsque les participants s’accordent à rechercher une solution en dehors des tribunaux. Comme nous l’avons indiqué, sortir les parties (et leurs conseils) du système judiciaire ne signifie pas que le système judiciaire est hors de l’esprit des parties (et de leurs conseils). Plus particulièrement lorsque les avocats jouent un rôle central, le risque que les parties continuent à être liées au cadre juridique traditionnel – en réalité coincées dans celui-ci – est très important, comme l’a montré le dialogue initial dans le cas « Radix et Argyle ». Le modèle traditionnel de résolution des conflits est tellement familier dans notre culture que la plupart des avocats et des parties l’acceptent, sans aucune réflexion. Il ne s’agit cependant pas de soutenir que les parties devraient systématiquement écarter le cadre traditionnel en faveur d’une forme de médiation. Dans nombre de conflits, ce modèle peut avoir un sens, particulièrement lorsque le conflit doit être tranché par le tribunal, par exemple, pour trancher une question de principe. Il s’agit plutôt de souligner qu’en essayant de gérer leur conflit hors des tribunaux, les parties ne devraient pas accepter par principe les prémisses du cadre traditionnel en abordant leur conflit. Néanmoins dans la plupart des cas, elles le font et l’acceptation aveugle de ces normes traditionnelles, tant par les avocats que les parties, renforce les aspérités légales du piège du conflit, bien qu’elles ne soient pas visibles. Les parties et les avocats, qui sont conscients de la manière dont cette dynamique peut prendre possession de leur conflit et les coincer, disposent d’un outil très efficace qui leur permet de choisir une approche très différente de leurs relations, comme l’ont rapidement réalisé les représentants des sociétés et même leurs avocats lors de la première réunion dans le cas « Radix et Argyle ». Afin de s’assurer que les parties disposent réellement du pouvoir de décider de l’approche la plus appropriée, il est essentiel qu’elles comprennent comment l’approche traditionnelle du conflit peut les entraver. Si les parties sont intéressées par cette démarche, le défi consistera à voir comment la participation des avocats peut constituer un avantage et comprendre la situation juridique sans être à nouveau piégées dans un cadre limité qui, si souvent, impose le recours aux avocats. S’assurer

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que les parties comprennent cette possibilité et ce défi était l’objectif du médiateur dès la première rencontre dans l’affaire « Radix et Argyle ». Pour le praticien qui souhaite aider les parties à comprendre comment travailler de manière efficace ensemble à résoudre leurs différences sans être coincées dans les aspects juridiques de ce piège tendu par le conflit, il est essentiel d’être conscient des conséquences de cette approche traditionnelle. Pour cette raison, nous allons brièvement examiner l’évolution du rôle des avocats dans les formes alternatives de résolution des conflits et comment les formes traditionnelles de représentation affectent régulièrement le cours de la médiation.

La forme élaborée de la médiation en présence des avocats Lorsque, à la fin des années ’70, l’intérêt à l’égard de la médiation et d’autres formes alternatives de résolution de conflit est apparu aux ÉtatsUnis, les praticiens étaient peu conscients des différentes approches de la médiation qui existaient. Avec le temps, ces différences sont devenues plus claires pour les avocats et les parties. Malheureusement, le peu d’expérience des parties ne leur offre souvent qu’une vue restreinte du pouvoir qu’elles peuvent avoir en résolvant ensemble leur conflit. Et lorsqu’elles sont représentées par leurs conseils qui ont eu, eux-mêmes, une première expérience d’une certaine forme de médiation, comme c’est de plus en plus souvent le cas, cette expérience pourrait réduire encore davantage ces possibilités. Dans le modèle américain, les avocats ont régulièrement fait l’expérience de médiations dans lesquelles les tiers neutres ont un grand pouvoir dans la recherche d’une solution au conflit. Pour eux, le rôle du médiateur se résume à l’application de normes juridiques tout comme le ferait le juge, bien que d’une manière non contraignante. Ce n’est guère surprenant car le développement de la médiation a été fortement influencé par le rôle que les juges ont traditionnellement joué dans les « settlement conferences » 1. Avant le procès, les juges rencontrent régulièrement et de manière séparée les avocats de chaque partie, parfois en présence des clients afin d’encourager les deux parties à transiger. Dans 1

Forme de conciliation organisée par le juge qui constitue parfois la première étape d’une procédure judiciaire aux États-Unis. larcier

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ce cadre, de nombreux juges sont connus pour cajoler, tordre virtuellement le bras ou exercer un pouvoir de persuasion afin de convaincre les parties de conclure un accord et éviter les coûts, l’anxiété et les risques d’un procès, tout en appliquant le droit pour déterminer une issue au litige. Au fur et à mesure que la médiation a gagné en popularité, d’anciens juges sont devenus des médiateurs, exerçant leurs nouvelles fonctions en utilisant les pratiques et les attentes issues de leurs expériences de règlement de conflits au sein d’un tribunal. Le développement de la médiation a aussi été renforcé par des projets de médiation se déroulant au sein des tribunaux, nombre d’entre eux étant également aussi inspirés du modèle judiciaire traditionnel. D’autres médiateurs et d’autres approches de la médiation ont fréquemment conféré un rôle aussi autoritaire tant au médiateur qu’à la médiation. Par exemple, de nombreux médiateurs débutent le processus par un exposé introductif qui définit la manière de travailler du médiateur, suivi par une récitation des règles de base qui gouverneront leurs échanges. La manière dont ces règles sont souvent établies permet aux parties de penser que le pouvoir reste principalement entre les mains des professionnels, dont le médiateur et les avocats qui continuent à s’exprimer à la place de leurs clients. Nous ne débutons pas la médiation par l’énumération des règles de base. Au contraire, nous expliquons notre approche et les valeurs qui sont derrière celle-ci, tout comme l’a fait le médiateur dans le cas « Radix et Argyle », afin que les parties décident ce qu’elles veulent de manière éclairée. Si elles choisissent le modèle basé sur la compréhension, nous déterminons avec les parties et leurs conseils la manière de procéder. De la même manière, de nombreux avocats et médiateurs pensent que le rôle du médiateur est de rendre des avis juridiques ou des « évaluations neutres » qui guideront les parties vers une transaction. Nous procédons différemment, comme l’a indiqué le médiateur au début de la médiation entre « Radix et Argyle ».

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Comment les normes traditionnelles de représentation légale affectent le cadre de médiation De nombreux avocats représentant leurs clients dans un processus de médiation préfèrent une médiation ayant un cadre juridique contraignant. Cela leur permet de conserver leur posture protectrice traditionnelle tout en évitant le type de questions dérangeantes sur leurs rôles qui peuvent surgir lorsque le médiateur propose une alternative. Afin de permettre aux avocats et aux clients d’avancer différemment, il est essentiel qu’ils réalisent de quelle manière ils ont préalablement approché le conflit, et comment les attitudes et les normes en vigueur ont limité leurs options pour le résoudre. Le tiers neutre les aidera à réaliser ce travail. Nous n’en mentionnons que quelques-unes : la médiation est habituellement précédée par une négociation infructueuse entre les avocats. En négociant, les avocats ont eu en permanence en vue le droit applicable et ce que le tribunal décidera – situation que l’on peut décrire comme étant « le marchandage dans l’ombre de la loi », une expression de notre collègue Robert Mnookin. En médiation, le tribunal continue à jeter une large ombre ; compte tenu du fait que les parties manquent généralement de connaissance juridique et ne sont pas certaines de ce qui se produira devant un tribunal tant qu’elles ne l’ont pas expérimenté, elles doivent s’en remettre aux pronostics de leurs avocats. En agissant ainsi, elles sont attrapées par la poigne de l’une des plus puissantes prémisses implicites qui piègent les parties dans le conflit : le fait qu’il faut confier la responsabilité à son avocat. Après s’en être remises à leurs avocats pour les aspects juridiques, les parties n’ont guère de difficultés à abandonner leurs responsabilités sur d’autres aspects du conflit, particulièrement leur responsabilité personnelle de résoudre le conflit ; une fois que le conflit est devant les tribunaux, chaque partie essaie naturellement de convaincre l’autre et le tribunal qu’elle a un meilleur dossier et qu’elle gagnera. Les avocats ont tendance à voir les options judiciaires du seul point de vue conflictuel, chacun exagérant ou insistant sur les points forts de son dossier, larcier

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tout en minimisant les points faibles. Faire confiance à son avocat peut, de cette manière, amener les différentes parties à avoir des attentes divergentes et exagérées sur ce qui pourrait arriver devant le tribunal ; ayant le tribunal comme toile de fond, les avocats sont inquiets de ce qui pourrait être dit ou révélé en médiation et dans quelle mesure cela pourrait affecter ce qui se passerait devant un tribunal si les parties échouaient à résoudre leur différend. Professionnellement habitués à révéler le moins d’éléments du dossier, les avocats avertissent leurs clients de ne pas trop s’ouvrir durant le processus de médiation. Ce conseil empêche un échange d’informations nécessaires permettant de donner plus de chances aux parties de conclure une transaction raisonnable. L’enjeu est de trouver un juste équilibre ; se concentrer principalement sur le type de solutions qu’un tribunal prononcerait empêche les parties et les avocats d’envisager une résolution créative de leur conflit. Si la médiation peut sortir de ce cadre, elle offre alors l’avantage fondamental d’élaborer des solutions créatives qui serviront les intérêts des parties bien mieux que ce que pourrait décider un juge. Cette ouverture fera LA différence dans le cas « Radix et Argyle », comme nous le verrons plus tard.

Établir les fondations d’un travail en commun Dans le cas « Radix et Argyle », le médiateur décrit aux parties et à leurs conseils l’approche de médiation fondée sur la compréhension, non seulement en la distinguant de l’approche de l’autre médiateur, mais aussi en insistant sur la manière dont les parties ont manifesté leur souhait de résoudre leur conflit et la façon dont l’approche traditionnelle a limité leur capacité à le gérer. Il a réalisé cela dans le cadre d’un dialogue avec les représentants des deux entreprises et les avocats dans lequel il a non seulement décrit notre approche de la médiation mais l’a aussi appliquée aux questions et choix immédiats auxquels les parties étaient confrontées à ce moment-là. De cette manière, sont apparus les principes encadrant notre approche. Les parties ont commencé à reconnaître que la manière dont elles avaient géré leur conflit les avait enfermées dans celui-ci et qu’il existe un cadre différent susceptible de leur ouvrir la

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Radix et Argyle : le choix de travailler ensemble au travers du conflit

voie vers une résolution. Si elles sont capables d’être conscientes de cette évolution, elles sont capables de changer leur manière de procéder. Une fois que les représentants des sociétés ont commencé à voir de quelle manière la vision protectrice et traditionnelle de leurs avocats les avait entravés, ils ont immédiatement commencé à entrevoir d’autres possibilités. Reconnaître la puissance de cette approche traditionnelle et l’emprise qu’elle a sur les deux entreprises leur a permis d’envisager une autre forme de travail. Que le conflit soit mineur ou important, nous consacrons l’étape initiale de la médiation à contracter – clarifier notre approche et travailler avec les parties et leurs avocats à élaborer un processus qui leur permettra d’être efficaces. Particulièrement dans le contexte de la médiation, une discussion plus ouverte peut mener à une manière différente de travailler ensemble, une perception mieux partagée de la nature du problème et une gamme plus large de solutions potentielles. Compte tenu de l’importance qu’il faut donner à la participation des parties et à l’ampleur de leur conflit, le médiateur a recommandé que les dirigeants en personne soient présents. Si le processus continuait sans eux, cela aurait entraîné une médiation avec des représentants n’ayant pas la responsabilité de décider. Si agir par l’intermédiaire de mandataires peut paraître efficace, cela risque en réalité de maintenir les parties dans le piège du conflit en éludant la responsabilité de ceux qui ont la connaissance et le pouvoir de résoudre le conflit. Lorsque les représentants et les avocats sont revenus, ils étaient accompagnés des dirigeants. Le médiateur a dû répéter ce qu’il avait dit lors de la première réunion afin que le choix de médier différemment ait aussi un sens pour ces personnes et qu’elles adhèrent et soutiennent cette démarche. Le médiateur a alors passé la plus grande partie de la première session de deux jours à convenir avec eux et les avocats la manière dont la médiation serait organisée. Contracter est la première des cinq étapes de notre approche de la médiation. Ces étapes sont les suivantes : 1. 2. 3. 4. 5. larcier

Contracter ; Définir le problème ; Assumer le conflit ; Développer et évaluer des options ; Conclure un accord. 67


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Le choix de médier

Cette première incursion dans les attitudes et préjugés à la source des positions des parties et des avocats, les uns vis-à-vis des autres et à l’égard du conflit, paraît avoir été utile aux parties. Elles ont commencé à clarifier ce que la médiation nécessitera comme investissement personnel, les bénéfices potentiels d’un tel travail et quels obstacles se présentaient à eux. Elles ont approfondi leur compréhension du conflit et élargi les choix sur la manière dont elles pourraient le gérer et ainsi organiser leurs relations commerciales. Ce dialogue franc les aidera par la suite lorsqu’elles devront confronter leurs différences. Nous verrons comment elles y sont arrivées lorsque nous aborderons à nouveau ce cas.

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Défier le conflit

Gary Friedman et Jack Himmelstein pratiquent la médiation aux États-Unis depuis un quart de siècle. Ils sont les cofondateurs et codirecteurs du Center for Mediation in Law et ont formé un très grand nombre d’avocats, de professeurs en droit, des juges et d’autres professionnels à leur approche de la résolution du conflit aux États-Unis, en Europe et en Israël. Ils travaillent au travers de leur Centre et aussi en coopération avec d’autres institutions aux États-Unis et à l’étranger. Tanguy Roosen, juriste d’entreprise, est médiateur agréé en médiation civile, commerciale et familiale et enseigne la médiation civile, commerciale et familiale. Il est membre de la Commission fédérale belge de médiation depuis 2005.

www.larcier.com • www.strada.be

CONFLIT ISBN 978-2-8044-3948-4

La médiation par la compréhension Gary Friedman Jack Himmelstein Adaptation française de Tanguy Roosen

Prévenir, négocier, résoudre

Au travers de dix cas réels de médiation dans des domaines variés, ce livre explique les principes et la méthodologie d’une approche de la médiation fondée sur la compréhension. Il explique en détail comment les médiateurs et les avocats peuvent aider les parties à résoudre leur conflit en travaillant ensemble vers une résolution durable de celui-ci dans le respect de chacun. Cet ouvrage est le fruit de nombreuses années de recherches et de pratiques par ces deux auteurs, Gary Friedman et Jack Himmelstein, professionnels incontestés de la médiation et de la gestion du conflit. Cet ouvrage a gagné le prix « 2008 Outstanding Book Award » délivré par le CPR International Institute for Conflict Prevention & Resolution, association américaine active dans le domaine de la prévention et de la résolution des conflits. Cet ouvrage est traduit et adapté par Tanguy Roosen.

Gary Friedman Jack Himmelstein

La médiation par la compréhension

Défier le conflit

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