Revue de fiscalité régionale et locale 2013/1

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recouvrement motivation publicité

loi agglomération communes non-rétroactivité proportionnalité redevance annualité

n°1/2013 | Sommaire

53 Jurisprudence

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Cour constitutionnelle -A rrêt no 19/2012 du 16 février 2012, avec note d’observation de Vincent Sepulchre 53

Tribunal de première intance - Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 - Mons, 6e Ch., 5 octobre 2012 - Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012

Revue de fiscalité régionale et locale

- L a motivation des règlements-taxes, par Arnaud Scheyvaerts et Dominique Vermer 5 - Les formules de répartition du fonds des communes orientent-elles la fiscalité locale ?, par Jean-François Husson 36

État de droit

Revue de fiscalité régionale et locale

loi agglomération communes non-rétroactivité proportionnalité redevance annualité

5 Doctrine

taxes règlement-taxe contentieux additionnels communautés légalité tutelle

régions finances égalité loi provinces constitution

3 Éditorial par Marc Bourgeois

D/2013/0031/178 RFRL-N.13/1 ISBN : 978-2-8044-6144-7

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Revue de fiscalité régionale et locale

publiques autonomie

taxes règlement-taxe contentieux additionnels communautés légalité tutelle

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publiques autonomie

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Avec la collaboration de

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Rédacteur en chef Marc Bourgeois Secrétaire de rédaction Aurélien Bortolotti Comité éditorial Marie-Pierre Donea, Bernard Jurion, Jean-Pierre Magremanne, Nathalie Pirotte, Adeline Römer, Vincent Sepulchre, Arnaud Scheyvaerts, Edoardo Traversa, Elly Van de Velde Comité scientifique Benoit Bayenet, Arnaud Dessoy, Olivier Dubois, Jean-François Husson, Lionel Orban, David Renders, Xavier Thiebaut, Frederic Van de Gejuchte Avec le soutien de l’Union des Villes et Communes de Wallonie asbl et de la Direction générale Opérationnelle de la Fiscalité (DGO7) – Région wallonne. Mode de citation recommandé : R.F.R.L. Directives pour les auteurs Les contributions peuvent être envoyées à l’adresse générale de la rédaction (rfrl@larcier.be) ou à l’un des membres du comité de rédaction. Toutes les contributions pour la rubrique « doctrine » sont soumises à un processus de «révision par les pairs » (peer review), dans lequel deux réviseurs évaluent leur qualité. Dans ce processus, l’anonymat, tant des auteurs que des réviseurs, est garanti. Conditions d’abonnement pour 2013 Prix d’abonnement : 150 € Prix au numéro : 50 € Commandes De Boeck sprl Fond Jean Pâques 4 B-1348 Louvain-la-Neuve Tel. 0800/99.613 (+32 2 548 07 19) Fax 0800/99.614 (+32 2 548 07 13) © Groupe De Boeck s.a., Bruxelles, 2012 Hormis les exceptions explicitement prévues par la loi, toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite sans l’accord préalable et écrit de l’éditeur. Les manuscrits envoyés ne seront pas rendus aux auteurs.

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régions finances égalité loi provinces constitution

état de droit

REVUE DE FISCALITÉ RÉGIONALE ET LOCALE

loi agglomération communes non-rétroactivité proportionnalité redevance annualité

Sommaire 3 éDItOrIAL par Marc Bourgeois

5 DOCtrIne

- La motivation des règlements-taxes, par Arnaud sCheyvaerts et Dominique vermer - Les formules de répartition du fonds des communes orientent-elles la fiscalité locale ?, par Jean-François hussoN

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53 jurIsPruDenCe Cour constitutionnelle - Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012, avec note d’observation de Vincent sepuLChre

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Tribunal de première intance - Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 - Mons, 6e Ch., 5 octobre 2012 - Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012

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Éditorial Éditorial Une nouvelle Revue trimestrielle, consacrée à la fiscalité et aux finances publiques, voit le jour. C’est un grand honneur pour le Comité de rédaction que de pouvoir offrir aux praticiens, ainsi qu’aux chercheurs, un nouvel instrument de travail dans le domaine, trop peu étudié à ce jour, de la fiscalité régionale et locale. D’un côté, la Belgique fiscale se régionalise de plus en plus, ce qui ne manque pas de susciter d’épineuses questions institutionnelles, juridiques et économiques. Outre le pouvoir constitutionnel d’établir des taxes régionales, les Régions bénéficient de prérogatives exclusives très étendues vis-à-vis des « impôts régionaux » tels qu’énumérés à l’article 3 de la loi spéciale de financement des Communautés et des Régions (précompte immobilier, droits de succession, principaux droits d’enregistrement, taxes de circulation et de mise en circulation, …). Cette large autonomie fiscale, déjà bien exploitée par les Régions, est complétée par les prérogatives dont ces dernières disposent vis-à-vis de l’impôt des personnes physiques (I.P.P.). La sixième réforme de l’État, qui sera très prochainement mise en œuvre, viendra accroître plus que considérablement le niveau de régionalisation de ce prélèvement emblématique du système fiscal belge. Les Régions se financeront maintenant par des additionnels couvrant approximativement un quart de l’impôt des personnes physiques actuel et bénéficieront, au surplus, de l’exclusivité de compétence pour toute une série d’avantages fiscaux aujourd’hui réglés et attribués par l’État fédéral. La nouvelle Revue de fiscalité régionale et locale vient à point pour répondre à l’ensemble des défis associés à ces bouleversements structurels. D’un autre côté, la fiscalité propre des communes et des provinces engendre un abondant contentieux devant les cours et tribunaux. La procédure fiscale locale est toujours hésitante et s’appuie sur des principes en voie de consolidation, voire d’affirmation. Il est frappant de constater que bon nombre de litiges actuels portant sur les taxes communales interrogent l’essence même de l’autonomie fiscale locale, son fondement, ainsi que ses limites. Nul ne s’étonnerait que de telles interrogations élémentaires soient affrontées seulement aujourd’hui si le pouvoir fiscal des entités décentralisées constituait pour ces dernières un acquis récent. Force est de constater toutefois que la Constitution belge leur reconnaît une autonomie fiscale depuis 1831 déjà ! Un des objectifs de la Revue de

fiscalité régionale et locale est d’établir une discussion scientifique et pratique permanente dans cette matière vouée à connaître de substantiels développements dans les prochains mois et années. Le premier numéro témoigne de la volonté qui est la nôtre de « coller à l’actualité » tout en revisitant celle-ci avec la rigueur et le recul que l’analyse requiert. L’étendue de l’autonomie fiscale communale et les balises qui la caractérisent sont envisagées d’abord dans le cadre d’un questionnement original portant sur la motivation des règlements-taxes. La jurisprudence récente, consacrée à cette thématique, foisonne et la synthèse critique proposée par Arnaud Scheyvaerts et Dominique Vermer est pour le moins fouillée. Dans le cadre de la controverse sur la légitimité des taxes communales sur les spectacles et divertissements, la Cour constitutionnelle a prononcé, le 16 février 2012, un arrêt dont la teneur semble ébranler l’interprétation jurisprudentielle défendue par la Cour de cassation et le Conseil d’État à propos de l’article 464 du Code des impôts sur les revenus. Vincent Sepulchre, dont l’expertise en cette matière n’est plus à démontrer, livre une lecture pertinente et contextualisée de cette importante décision. Jean-François Husson, quant à lui, s’est intéressé au lien existant entre le fonds des communes applicable en Région wallonne, plus particulièrement les critères de sa répartition entre les communes, et les choix de politique fiscale posés par ces dernières. Les conclusions de cette recherche remarquable sont pour le moins nuancées et stimulantes. Finalement, la nouvelle Revue s’efforcera de développer et de diffuser la jurisprudence et la doctrine en matière de fiscalité régionale et locale, dans le souci d’excellence qui caractérise la revue néerlandophone Lokale & Regionale Belastingen. La qualité des auteurs de celle-ci, et tout particulièrement de son rédacteur en chef, le Professeur Miguel de Jonckheere, fait de cette publication un modèle de référence. Au nom de l’ensemble du Comité de rédaction, nous vous souhaitons une agréable lecture et recevrons avec enthousiasme toutes suggestions de publication ou d’amélioration de la formule proposée. Marc Bourgeois

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Rédacteur en chef

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Doctrine Doctrine

La motivation des règlements-taxes par Arnaud Scheyvaerts Avocat

et Dominique Vermer Avocat

Introduction Dans un État de droit, comme le nôtre, le droit administratif repose sur deux assises : le principe de légalité de l’action administrative et le principe du contrôle juridictionnel du respect par l’administration de ce premier principe1. La présomption de régularité de l’acte administratif disparaît à partir du moment où un recours est dirigé contre cet acte. Comme l’écrivit M. Letourneur, « l’État peut agir, mais il doit agir dans la légalité et il lui incombe de prouver qu’il le fait »2. Un acte administratif n’est régulier et n’échappe à la censure du juge que s’il a été accompli dans le cadre de la loi, c’est-à-dire notamment s’il repose sur un ou plusieurs des motifs de fait prévus par la loi comme condition de régularité de l’action administrative. S’agissant de ces motifs de fait, le juge vérifie donc si l’acte repose sur des motifs exacts et légalement admissibles ; il recherche si les faits qui déterminent l’acte existent matériellement ; s’ils peuvent aux termes de la loi autoriser le pouvoir à agir comme il l’a fait 3. Le principe de motivation est, en réalité, à la base de tout autre contrôle de la validité de l’acte : sans connaître les « motifs » (ou la « cause ») de l’action administrative, il est impossible de vérifier si l’autorité était bien compétente pour agir, si elle a respecté les formes prévues par la loi, si l’acte repose sur une cause et poursuit un objectif légitime, bref, si l’ensemble des normes et principes s’appliquant à l’action concernée ont été respectés. Il appartient, dès lors, à l’autorité, lorsque ses actes sont critiqués devant un juge, d’apporter la preuve de leur légalité, ce qui implique, avant toute chose, qu’elle (1) (2) (3)

fasse connaître positivement les motifs qui soustendent son action, afin que le juge puisse exercer son contrôle juridictionnel. Dans le cas contraire, l’autorité verse dans l’arbitraire, de sorte que le contrôle juridictionnel, réduit au silence par l’ignorance des motifs, ne pourra être exercé. Un État de droit ne peut tolérer une pareille situation. C’est donc, en quelque sorte, directement dans les fondements de notre État de droit que le principe de motivation matérielle des actes administratifs trouve sa source. Le droit fiscal n’échappe, bien évidemment, pas à ces principes, d’autant qu’un prélèvement d’autorité pratiqué par les pouvoirs publics touche à des droits fondamentaux des administrés. Certes, le juge, notamment fiscal, ne peut se substituer à l’administration dans son appréciation des faits lorsque la loi a reconnu à celle-ci un pouvoir d’appréciation « discrétionnaire » des faits et de l’opportunité d’un acte. Le principe général du droit administratif de la motivation matérielle des actes administratifs doit, par conséquent, concilier le contrôle de la légalité et la compétence discrétionnaire des autorités. Le juge doit respecter les choix relevant d’une compétence discrétionnaire ; mais, précisément lorsque l’autorité jouit d’un important pouvoir discrétionnaire, il doit être en mesure de censurer l’excès de pouvoir qu’il peut révéler. La conciliation de ces principes n’est pas simple. L’on ne s’étonnera pas, dès lors, de l’évolution qui marque la jurisprudence, mais également des disparités entre les décisions rendues en la matière.

C.E., IV, Zoete, no 22.446 du 8 juillet 1982. Cité par D. L agasse, L’erreur manifeste d’appréciation en droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 359. C. C ambier, « Le pouvoir discrétionnaire et le contrôle de la légalité », J.T., 1952, pp. 633 et s.

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La motivation des règlements-taxes Nous proposons, dans un premier temps, de rappeler la genèse et les contours du principe de motivation en droit administratif général, pour aborder ensuite, de la manière la plus complète possible, les implications de celui-ci à l’égard des règlements-taxes des collectivités locales. La présente contribution accorde une attention particulière aux taxes communales mais ses principes sont mutatis mutandis transposables aux taxes provinciales. Partie 1 Le principe de motivation des règlements

ce qui a été décidé, mais seulement à la compétence et à la procédure. Parmi ces conditions figure, notamment, l’obligation de motivation formelle de certains règlements (les règlements-taxes n’en font pas partie), étant entendu que, par ailleurs, la seule loi qui instaure une obligation générale de motivation formelle, la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, n’est pas applicable aux règlements. chapitre 2 :

Chapitre 1 : La Notion de règlement et sa validité

Limite et fondement du contrôle :

le pouvoir d’appréciation discrétionnaire

1. Notion de règlement

1. Compétence discrétionnaire versus compétence liée

L’acte administratif est « tout acte juridique qui, émanant d’un agent de l’administration qualifié et agissant en tant que tel, est susceptible de produire, par luimême et unilatéralement, des effets de droit, et est exécutoire sans l’intervention de l’autorité judiciaire »4.

La compétence liée – L’autorité administrative exerce une compétence liée quand la règle de droit impose à l’autorité de donner à sa décision tel contenu bien déterminé, découlant de la réunion des conditions de caractère objectif, prédéfinies, de telle sorte que l’administration est alors ligotée par la règle de droit.

Il est réglementaire lorsqu’il s’applique à une généralité de personnes indéterminées ; il est individuel lorsqu’il concerne une ou plusieurs personnes identifiées5. En matière fiscale, la norme instaurant une taxe déterminée – le règlement-taxe – est un règlement, tandis que l’application qui en est faite – par exemple l’enrôlement d’un contribuable – constitue un acte administratif à portée individuelle. Tout règlement doit, à l’instar d’ailleurs des actes individuels, répondre à des conditions de validité interne et externe. 2. Validité interne du règlement Les conditions de validité interne du règlement sont celles qui touchent à l’objet, aux motifs et au but de l’acte considéré. Parmi ces conditions figure, notamment, le principe de motivation matérielle des règlements, objet de la présente contribution. 3. Validité externe du règlement Les conditions de validité externe du règlement sont celles qui ne touchent pas au fond même de l’acte, à

(4) (5) (6) (7)

À titre d’exemple, l’octroi de primes à la rénovation procède généralement de l’exercice d’une compétence liée, dès lors que le bénéficiaire de la prime dispose d’un véritable droit subjectif à l’obtention de celle-ci pour autant qu’il soit constaté par l’autorité compétente que toutes les conditions objectives à laquelle la loi a subordonné l’octroi de la prime sont bien réunies. L’on enseigne traditionnellement, en effet, que la contrepartie d’une compétence liée constitue, dans le chef de l’administré, un droit subjectif, que ce dernier peut d’ailleurs faire valoir devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire par application des articles 144 et 145 de la Constitution. En matière de taxes locales, l’administration communale qui procède à l’enrôlement d’un contribuable pour un exercice déterminé exerce nécessairement une compétence liée6. Il lui suffit, en effet, de constater objectivement que les conditions fixées par le règlement-taxe (matière imposable, fait générateur et redevable) sont réunies pour conclure que la taxe est due. Aucune appréciation subjective ou d’opportunité n’intervient dans ce cadre. Les juridictions judiciaires sont, d’ailleurs, compétentes pour connaître de toute contestation relative à l’application individuelle d’une loi d’impôt7.

A. Buttgenbach, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Larcier, 1954, no 376, p. 259. D. Batsele, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 480. Le principe de légalité, le caractère d’ordre public de l’impôt et l’interdiction d’instaurer des privilèges ont, en effet, pour conséquence que lorsqu’une norme fiscale existe, toutes les situations qui tombent sous son champ d’application doivent être taxées, et rien que ces situations. Notons toutefois que la compétence des juridictions judiciaires fiscales ne procède pas directement et uniquement des articles 144 et 145 de la Constitution, mais d’une attribution explicite et exclusive aux juridictions judiciaires de la compétence de connaître de toute contestation relative à l’application (individuelle) d’une loi d’impôt. Quand bien même, partant, l’application d’une loi d’impôt procèderait totalement ou partiellement d’une compétence discrétionnaire, les tribunaux judiciaires demeurent compétents à l’exclusion du Conseil d’État. À moins, bien sûr, qu’une autre disposition légale interdise, exceptionnellement, l’introduction d’un recours auprès des juridictions judiciaires, auquel cas le Conseil d’État retrouve sa compétence de principe de connaître des recours dirigés contre des actes administratifs faisant grief.

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Doctrine La compétence discrétionnaire – L’autorité exerce, en revanche, une compétence discrétionnaire quand, en présence de circonstances de fait données, elle demeure libre de choisir entre plusieurs contenus également admissibles du point de vue juridique, bref quand elle est « souverain juge » de l’opportunité des exigences de l’intérêt public8. C’est le cas, notamment, de l’autorité qui décide de recourir ou non à l’expropriation, d’accorder ou non une dépense publique, d’octroyer ou non un permis d’urbanisme ou un permis d’environnement. C’est le cas, nécessairement, de l’autorité qui élabore un règlement. À l’inverse de la compétence liée, la contrepartie de l’exercice d’une compétence discrétionnaire d’appréciation n’est pas, dans le chef de l’administré, l’existence d’un droit subjectif à obtenir quoi que ce soit. Tout au plus bénéficie-t-il de la faculté de solliciter une situation déterminée, sans garantie. Si son attente n’est pas satisfaite, il ne peut – en principe – se tourner vers les juridictions judiciaires, puisqu’il ne peut se prévaloir d’un droit subjectif. En revanche, l’acte administratif ponctuant l’exercice de la compétence discrétionnaire peut, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation auprès du Conseil d’État 9. En matière fiscale, les règlements-taxes, par exemple, sont le fruit de l’exercice, par le conseil communal ou provincial, d’une compétence largement discrétionnaire. Ils peuvent, pour ce motif, être contestés dans un délai de 60 jours à dater de leur publication auprès du Conseil d’État, sans préjudice de la faculté dont disposent les contribuables d’en contester la validité devant les juridictions judiciaires par application de l’article 159 de la Constitution à l’occasion de la contestation d’une application individuelle du règlement-taxe. 2. La compétence discrétionnaire comme cause du contrôle de validité interne de l’acte Le fait qu’une autorité exerce un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, et dispose ainsi d’une liberté d’appréciation ou d’une marge d’appréciation de l’oppor-

tunité de sa décision, n’a pas pour conséquence que la validité de ses actes échappe à tout contrôle. Au contraire, s’il va de soi que les juridictions n’examineront les choix opérés par l’autorité que d’une manière marginale, le contrôle de la validité de la cause de l’acte, c’est-à-dire de ses motifs, n’en est que renforcée. En matière fiscale, par exemple, il ne présente guère d’intérêt de soumettre les motifs de fait justifiant l’enrôlement individuel d’une taxe communale à un examen minutieux : soit les conditions d’application de la taxe sont remplies, soit elles ne le sont pas10. En revanche, l’adoption d’un nouveau règlement-taxe, qui suppose que l’autorité fasse un choix d’opportunité entre de multiples possibilités dans le cadre d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, suscite d’autant plus de questions de validité interne de l’acte que la marge d’appréciation de l’autorité est grande. 3. La compétence discrétionnaire comme limite au contrôle de validité interne de l’acte Si le pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’autorité justifie donc la mise en œuvre d’un contrôle de validité interne de l’acte, il limite par la même occasion l’examen auquel le juge peut procéder. Ce dernier ne peut, nous le verrons11, se substituer à l’administration dans l’appréciation de l’opportunité de la décision. Chapitre 3 : Le contrôle des motifs du règlement 1. Le principe général de motivation matérielle des règlements Une chose est l’obligation de motivation formelle – qui en principe n’existe que si un texte la prescrit expressément – autre chose est l’obligation pour tout acte d’être justifié par des motifs soumis au contrôle de légalité interne, condition sine qua non de la sécurité juridique12.

(8)

M.‑A. Flamme, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 477 ; précisons que la doctrine moderne préconise des définitions plus nuancées de la distinction entre compétence liée et pouvoir d’appréciation discrétionnaire, étant entendu qu’une compétence est rarement totalement liée ou totalement discrétionnaire. D’ailleurs, le Professeur Flamme relevait lui-même, dans son ouvrage, qu’une compétence liée au niveau de l’objet de l’acte administratif peut se combiner, au niveau des motifs, soit avec un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, soit avec une compétence liée. Plus récemment, D. Lagasse concluait son ouvrage de référence sur l’« erreur manifeste d’appréciation » sur le constat qu’il n’était plus, aujourd’hui, que très rarement question de pouvoir d’appréciation totalement discrétionnaire au sens où cette notion est définie traditionnellement. En effet, même lorsqu’aucune règle de droit ne dicte la conduite à tenir, même lorsque l’administration peut en principe poser non des jugements juridiques mais des jugements de valeur ou d’opportunité, il existe tout de même un certain nombre de facteurs qui viennent restreindre sa liberté de manœuvre. Même alors, son pouvoir n’est pas discrétionnaire (à l’abri de tout contrôle) : 1. il y a d’abord, que l’administration ne peut travestir la réalité et que le juge contrôle l’exactitude matérielle des faits ; 2. il y a, ensuite, que l’administration ne peut généralement poser son jugement de valeur que dans les formes légales et au terme d’une procédure régulière ; 3. depuis que les juges de l’excès de pouvoir procèdent ici et ailleurs à un contrôle des erreurs manifestes d’appréciation, il faut ajouter que l’administration se doit encore, lorsqu’elle pose un jugement d’opportunité, de tenir compte, d’une part, de ses actes et attitudes antérieurs et, d’autre part, de la nature et du sens des choses et des mots – à défaut, elle se verra sanctionnée pour erreur manifeste d’appréciation synonyme de dénaturation des faits. (9) Cette distinction entre la compétence liée (droits subjectifs relevant de la compétence des juridictions judiciaires) et la compétence discrétionnaire (contentieux objectif relevant du Conseil d’État) est particulièrement complexe. Des notions telles que l’« objet véritable » du litige, ont donné lieu à une abondante jurisprudence et à de nombreux articles de doctrine. Cette question dépasse toutefois largement le cadre de la présente contribution. (10) Sous réserve, il est vrai, des difficultés d’application concrètes, entre autres dues à des questions d’interprétation des règlements-taxes. (11) Cf. point 6, page 11 de cette revue. (12) M.-A. Flamme, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 443.

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La motivation des règlements-taxes Comme expliqué par le Professeur Flamme, on imagine mal, en effet, un acte dépourvu de ses prémisses logiques, c’est-à-dire de motifs, éléments de droit et circonstances de fait qui ont déterminé l’autorité à agir, qui justifient la mise en œuvre de sa compétence. Tout acte administratif doit avoir une cause, révélée par les motifs du dossier administratif.

Cette obligation de motivation matérielle de tout acte administratif constitue un principe général du droit administratif qui peut être rangé par mis ceux qui ont au moins valeur législative, du fait même que le Conseil d’État en a fait application pour écarter une disposition d’un règlement autorisant une autorité administrative à prendre une décision sans aucune justification16.

Le principe de motivation matérielle implique donc que toute décision administrative doit, même dans l’exercice d’un pouvoir d’appréciation aussi large soit-il, être fondée sur des motifs de fait et de droit objectivement admissibles et qui se dégagent soit de la décision ellemême, soit du dossier administratif.

Avant même que le Conseil d’État ne l’élève au rang de principe général du droit non écrit, il avait en réalité toujours été estimé qu’une décision administrative doit être matériellement motivée et que son auteur doit donc pouvoir justifier cette décision, tant en fait qu’en droit, et, au besoin, par la production d’un dossier administratif.

Il est également résumé par la règle selon laquelle la dispense de motivation formelle n’implique pas l’absence de motifs. L’exercice d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire dans le chef de l’autorité administrative, aussi souverain soit-il, ne peut être arbitraire, du fait même qu’il doit reposer sur des motifs exacts en fait, pertinents et admissibles en droit, et sur lesquels le Conseil d’État ou les cours et tribunaux de l’Ordre judiciaire doivent pouvoir exercer leur contrôle, celui-ci fût-il marginal13. Ou encore, « tout acte administratif doit reposer sur des motifs légalement admissibles. On ne peut donc concevoir un acte, réglementaire ou individuel, qui en serait dépourvu. Les motifs d’un acte administratif sont les éléments de droit et les circonstances de fait qui le précèdent et le provoquent »14. À défaut de reposer sur des motifs pertinents susceptibles d’être déduits du dossier administratif, le règlement est arbitraire15, sans qu’il soit nécessaire de combiner cette illégalité avec d’autres principes, tel que le principe d’égalité. 2. Valeur du principe de motivation matérielle Les juridictions tant judiciaires qu’administratives admettent cette obligation comme un principe général du droit administratif, parfois aussi qualifié de « principe de bonne administration ».

L’on peut, d’ailleurs, se demander si l’obligation, dans le chef de l’autorité, d’identifier objectivement les motifs de son acte, afin de permettre au juge d’effectuer son contrôle juridictionnel, puisqu’aussi bien ce dernier est impossible sans connaître la cause de l’acte, n’est pas, généralement, une conséquence de l’existence d’un État de droit et, plus précisément, une conséquence implicite mais nécessaire, d’une part, des règles fondant les compétences respectives des autorités et, d’autre part, des règles instituant sur celles-ci un contrôle juridictionnel. En ce sens, il s’agit d’une règle de bon sens17. En revanche, la question de savoir si le principe est d’ordre public est controversée. Dans un arrêt du 19 février 197518, le Conseil d’État a considéré que le moyen, soulevé dans le mémoire en réplique et pris de l’insuffisance de la motivation (matérielle) de l’acte attaqué, était irrecevable pour n’avoir pas été soulevé dans la requête introductive d’instance. « Il est donc permis d’en inférer que le moyen pris de la violation de ce principe général du droit n’est pas d’ordre public »19. Dans d’autres arrêts, le Conseil d’État a considéré, au contraire, que la violation du principe de motivation matérielle peut être prononcée ex officio, d’aucuns approuvant ces décisions dans la doctrine, au motif que tout acte administratif doit reposer sur des motifs, sauf à verser dans l’arbitraire, ce qui serait à première vue incompatible avec l’essence même d’un état de droit 20.

(13) J. Jaumotte, Les principes généraux du droit administratif à travers la jurisprudence, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 636. (14) D. Batsele, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 492 ; C.E., Croisier, no 102.849 du 24 janvier 2002 ; C.E., Henni, no 111.123 du 8 octobre 2002. (15) C.E., Cornillie, no 66.742 du 11 juin 1997 ; C.E., N. V. Aannemingen Janssen, no 43.011 du 18 mai 1993 ; C.E., Heyns, no 42.969 du 17 mai 1993 ; C.E., N. V. Algemene Bouwonderneming Ir. A.J.W. Van Engelen, no 42.705 du 27 avril 1993 ; C.E., Batsele, no 38.305 du 11 décembre 1991. (16) J. Jaumotte, Les principes généraux du droit administratif à travers la jurisprudence, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 637. (17) P. Tapie, « Le Conseil d’État et la question de la validité des normes et des systèmes juridiques », in Droit et pouvoir, T. I, Bruxelles, Story-Scienntia, 1987, p. 172. (18) C.E., Folie, no 16.884 du 19 février 1975. (19) J. Jaumotte, Les principes généraux du droit administratif à travers la jurisprudence, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 637. Voy. également dans le même sens : C.E., Droeshout, no 34.104 du 20 février 1990 ; C.E., Haepers, no 33.950 du 8 février 1990 ; Ph. Bouvier, « La motivation des actes administratifs », R.R.D., 1994, p. 181 ; G. Debersaques, « De sanctie verbonden aan het verzuim van een afdoende formele motivering in de zin van de uitdrukkelijke motiveringswet : enkele kanttekeningen », T.B.P., 1993, 647 ; D. M areen, note sous C.E., Droeshout, no 34.104 du 20 février 1990, T.B.P., 1990, 678 ; D. M areen, « Hoe verhoudt de materiële motivering zich tot de formele motivering ? », T.B.P., 1997, 723-735. (20) C.E., Berger c. État belge, no 10.424 du 5 février 1964 ; C.E., Steenkiste et consorts, no 13.658 du 2 juillet 1969 ; C.E., De Proft, no 90.369 du 24 octobre 2000 ; A. Wirtgen, « Raad van State, Afdeling administratie, Middelen en het ambtshalve aanvoeren van middelen in het bijzonder », Adm. Rechts­ bibliotheek, die Keure, 2004, p. 144, nos 158 et s., plus particulièrement le no 160.

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Doctrine 3. La preuve des motifs du règlement La jurisprudence et la doctrine ont consacré un principe essentiel relatif à la façon dont les motifs de l’acte doivent être identifiés par l’autorité : les motifs réels, « internes » de l’acte, qui constituent les fondements factuel(s) et juridique(s) de l’acte, doivent être « conte­ nus dans le dossier constitué à propos de la décision (procès-verbaux de réunion, consultations, courriers, notes, dossier du demandeur (de permis, d’une nomination, etc.), délibération, etc.) »21. Comme enseigné par le Professeur Leroy, « à ces règles de fond relatives aux motifs des actes administratifs s’ajoute une exigence de procédure : les motifs d’un acte attaqué doivent être établis par le dossier administratif, c’est-à-dire, par le dossier constitué par l’administration lors de la préparation de cet acte. Le Conseil d’État n’admet comme preuve d’un motif d’un acte que des éléments antérieurs à l’acte, à la rigueur des éléments contemporains ou légèrement postérieurs à celui-ci, mais en tout cas établis in tem­ pore non suspecto. Il admet parfois les motifs qu’un ministre expose, par exemple dans une conférence de presse tenue lors de la parution d’un arrêté au Moni­ teur. Mais ceux qui ne sont exposés que dans les écrits de procédure, ou après que la requête au Conseil d’État a été introduite ne peuvent être pris en considération. Au total, ces exigences permettent de vérifier que des motifs existent, et que ce sont bien ceux-là qui ont guidé l’autorité au moment où elle a pris l’acte attaqué. L’administration n’est pas admise à prouver a posteriori qu’il existait de bien bonnes raisons de statuer comme elle l’a fait »22. L’irrecevabilité de la motivation donnée a posteriori, à l’aide de pièces ou écrits de procédures postérieures à l’adoption du règlement, est maintes fois confirmée par les juridictions23. Une des formules consacrées en la matière se présente comme suit : « S’il n’est pas de la compétence du Conseil d’État de juger de l’opportunité d’une mesure, il lui appartient cependant de vérifier si, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’autorité administrative n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

Ce contrôle exige que les motifs de l’acte attaqué apparaissent clairement soit de l’énoncé de celui-ci soit des pièces du dossier administratif établi au cours de la procédure d’élaboration de l’acte »24. Ou encore, spécialement à l’égard des règlements : « Considérant que, comme tout acte administratif, un règlement doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles, qui doivent résulter du dossier constitué au cours de l’élaboration de ce règlement, et sur le vu duquel les juridictions saisies d’une contestation de la régularité de ce règlement doivent être en mesure d’exercer le contrôle de légalité qui leur incombe »25. Ce principe selon lequel seuls les motifs contenus dans le dossier administratif peuvent être pris en considération dans le cadre du contrôle juridictionnel, a été confirmé, bien sûr, en matière fiscale26. Il fut admis et consacré initialement par la haute juridiction administrative, notamment dans un remarquable arrêt Craps27, qu’il n’est pas inutile de reproduire en grande partie, les considérants suivants : « Considérant qu’il résulte du principe de l’État de droit que l’autorité n’est habilitée à agir que lorsqu’elle y a été autorisée par ou en vertu de la loi, ce qui implique qu’en cas de litige – même si sa décision demeure exécutoire jusqu’à son éventuel retrait ou son éventuelle annulation –, l’autorité doit produire les éléments qui prouvent la légalité de son action, c’està-dire qui établissent qu’elle a agi dans les limites de son habilitation à l’égard de tous les éléments liés en droit, c’est-à-dire non discrétionnaires, de la décision litigieuse ; qu’émettre un jugement de valeur, même si l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard, demeure un acte lié en droit, si et dans la mesure où l’autorité ne peut fonder son jugement que sur des faits concrets et spécifiques ou sur des considérations spécifiques – que ceux-ci ou celles-ci soient ou non indiqués dans la règle d’habilitation – et, plus encore, si l’autorité s’est vu imposer des modalités particulières pour la constatation et l’appréciation des faits et pour la formation de la décision ; que la régularité d’une décision liée en droit comme décrit ci-dessus ne peut être véritablement établie que lorsque peuvent

(21) D. Batsele, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 492. (22) M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 408. (23) « Des explications énoncées a posteriori dans les écrits de la procédure ne peuvent être prises en compte pour suppléer à la carence du dossier » (C.E., no 147.148 du 30 juin 2005 ; C.E., no 131.616 du 19 mai 2004 ; C.E., no 126.053 du 4 décembre 2003 ; C.E., no 83.746 du 30 novembre 1999 ; C.E., no 74.949 du 3 juillet 1998 ; C.E., no 60.172 du 14 juin 1996). (24) C.E., Goethals et crts, no 178.064 du 19 décembre 2007. (25) C.E., s.p.r.l. Transervices, no 211.590 du 28 février 2011 ; dans le même sens, notamment, C.E., Riche et Delcuve, no 209.013 du 18 novembre 2010. (26) Cass., 17 février 2005, F.J.F., no 2005/244 ; Liège, 3 mars 2004, F.J.F., no 2004/177 ; Mons, 7 octobre 2009, non publié, R.G. no 2008/RG/301 ; Bruxelles, 5 octobre 2006, R.G. no 2004/AR/161 ; Bruxelles, 2 décembre 2008, non publié, R.G. no 2005/2599 ; Gand, 15 décembre 2009, R.G. no 2010/40, T.F.R., 2010, p. 556 ; Anvers, 19 octobre 2010, R.G. no 2009/AR/1398, Elia Asset nv/Gemeente Niel, inédit ; Civ. Liège, 18 mai 2004, F.J.F., no 2005/204 ; Civ. Liège, 16 octobre 2008, non publié, R.G. no 07/2829/A ; Civ. Bruxelles, 7 mars 2008, inédit, R.G. no 2004/12337/A ; Civ. Nivelles, 4 février 2008, non publié, R.G. no 05/156/A ; J.‑P. M agremanne, et Van De Gejuchte, La procédure en matière de taxes locales, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 30 ; C.E., SA Belgacom Mobile c/ Com. Lobbes, no 163.734 du 18 octobre 2006 ; C.E., no 163.734 du 18 octobre 2006 ; C.E., no 165.638 du 6 décembre 2006 ; C.E., no 176.930 du 20 novembre 2007 ; C.E., no 180.380 du 4 mars 2008 ; C.E., no 187.328 du 24 octobre 2008. (27) C.E., Craps, no 12.187 du 27 janvier 1967. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes être déterminés les faits et considérations ayant conduit l’autorité à émettre tel jugement de valeur et à prendre telle décision et – le cas échéant – les modalités ayant présidé à la constatation des faits et à la formation de la décision ; que lorsque cette preuve doit exclusivement être déduite d’une formule vague, générale et stéréotypée, figurant dans la décision, il n’est pas établi à suffisance que ce furent les faits et considérations spécifiques, requis en droit, qui amenèrent l’autorité à prendre sa décision, ni que les modalités prescrites pour la constatation des faits et la formation de la décision furent effectivement respectées ; qu’au contraire, lorsque l’autorité n’est pas tenue de faire connaître intégralement, par une motivation formelle figurant dans la décision elle-même, le fondement juridiquement requis de celle-ci ainsi que les modali­ tés ayant conduit à sa formation, ou lorsque l’autorité ne fournit pas d’initiative une semblable motivation, la sauvegarde de la sécurité juridique dans l’exercice de l’administration requiert que le fondement retenu et les modalités appliquées puissent au moins être déterminés – et ce avec un degré suffisant d’exacti­ tude – au moyen des documents établis par l’autorité pour préparer sa décision ou effectivement pris en considération par elle lors de l’élaboration de celleci ; que l’obligation pour l’autorité, tant de conserver pendant un temps raisonnable les documents qui sont le résultat naturel de ses recherche et constatation – subordonnées ou non à certaines formes – des faits et de la formation de sa décision, que de produire ces écrits en cas de litige ne peut être considéré comme une formalité spéciale qui ne serait impérative que lorsqu’elle est explicitement prescrite pour l’exercice d’un pouvoir déterminé, mais, au contraire, apparaît comme faisant partie intégrante de l’obligation géné­ rale prérappelée – issue du principe de l’État de droit – dans le chef de l’autorité de prouver la régularité des décisions qu’elle prend28 ; qu’au surplus, sauf prescription particulière y dérogeant, cette obligation ne doit pas être remplie dans des formes déterminées ; qu’eu égard au contrôle de la légalité à exercer par le Conseil d’État, cette obligation a été incorporée dans le droit positif par les articles 15 et 16 de la loi du 23 décembre 1946 et par les sections II et III du chapitre II de l’arrêté du 23 août 1948 déterminant la procédure, dispositions qui autorisent les organes du Conseil d’État à se faire communiquer tous documents qu’ils estiment utiles pour le contrôle de la légalité d’une décision ; qu’en supprimant ou en retenant par devers lui les documents qui sont – ou même doivent être – normalement établis lors de la recherche et de la constatation des faits ou lors de délibérations, l’autorité empêche le justiciable et le Conseil d’État de constater que la régularité interne de la décision est entachée de défauts dirimants, mais se prive simultanément des moyens de remplir l’obligation qui lui incombe – lorsque le justiciable en fait la demande ou lorsque cette demande est faite d’office par le juge – de fournir la preuve, en

premier lieu, du fait que sa décision, contrairement aux suspensions éventuelles, est convenablement fondée en droit et remplit donc les conditions de régularité interne, et ensuite, du fait qu’elle a été réellement élaborée selon les modalités prescrites ; que lorsqu’il ne peut être prouvé qu’une décision est légalement fondée ou que les modalités prescrites ont été réellement observées, la régularité de cette décision de l’autorité n’est pas établie ; qu’en cas de litige, elle ne peut dès lors être maintenue et, par conséquent, doit être annulée par suite du défaut de fondement légal ou par suite de la non-observation des modalités prescrites ». « Considérant que le jury chargé, par l’arrêté royal du 8 avril 1964, de la délivrance des brevets d’aptitude à certaines fonctions de promotion dans l’enseignement de l’État, est incontestablement habilité à émettre, au mieux de son pouvoir, un jugement global sur l’aptitude des candidats à exercer lesdites fonctions et à sélectionner ceux-ci sur la base de ce jugement ; que tout le régime juridique élaboré à la suite de la résolution du 8 mai 1963 de la commission permanente du pacte scolaire tend néanmoins à assurer à ce jugement et à cette sélection la plus grande objectivité possible, c’est-à-dire à soustraire ce jugement à toutes préférences ou tous préjugés subjectifs incontrôlables, afin qu’il soit, dans toute la mesure du possible, inspiré par et lié à des données concrètes déterminées, généralement considérées comme significatives sur le plan des appréciations à émettre ; que, conformément à ce qui précède, l’arrêté royal du 8 avril 1964 précise quels aspects de l’aptitude des candidats, à l’exclusion de tous autres, peuvent et doivent être pris en considération, à savoir leurs qualités morales, leurs dons intellectuels et leurs connaissances professionnelles, dans la mesure où ceux-ci sont requis pour exercer convenablement et avec compétence la fonction à attribuer ; qu’il en résulte que l’appréciation globale à émettre doit nécessairement être fondée sur des appréciations partielles, cette appréciation globale ne devant toutefois pas nécessairement se résumer à la simple juxtaposition des appréciations partielles ; qu’en outre, l’arrêté royal du 8 avril 1964 impose, en ordre principal, la technique éprouvée de l’examen comme étant la méthode de constatation des faits la plus appropriée pour révéler les faits spécifiques, concrets et significatifs, tels les connaissances, les prestations, les comportements, les conceptions des candidats et, ce faisant, pour donner un fondement objectif à l’appréciation des candidats et à leur sélection ; que l’arrêté royal du 1er juin 1964 a davantage encore précisé la technique d’examen à observer et la matière de l’examen ; qu’au surplus, le prescrit de l’arrêté royal du 8 avril 1964, aux termes duquel il est tenu compte du dossier individuel de chaque candidat lors de l’appréciation de son aptitude, lie, lui aussi, l’appréciation des candidats à des faits déterminés, à savoir ceux qui résultent des documents régulièrement versés au dossier et qui doivent

(28) Nous soulignons.

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Doctrine donner un aperçu impartial sur l’ensemble de la carrière du candidat et sur tous les aspects révélateurs de l’activité professionnelle de celui-ci ; que le fait qu’un jury ait été chargé de la constatation et de l’appréciation des faits doit contribuer à cette objectivité, en ce qu’il neutralise les opinions ou les préjugés trop personnels et qu’ainsi seules les conceptions généralement admises deviennent déterminantes ; qu’il résulte de l’analyse qui a été faite ci-dessus du pouvoir d’appréciation du jury institué par l’arrêté royal du 8 avril 1964, que si ce pouvoir est sans doute exercé par le jury en toute indépendance, il n’est toutefois nullement illimité ; qu’ainsi ce pouvoir d’appréciation est manifestement lié en droit, qu’il doit se fonder sur des données concrètes, d’une part révélée par les techniques de l’examen et l’analyse du dossier individuel de chaque candidat – révélation limitée aux possibilités offertes par ces techniques –, et, d’autre part, présentant un rapport raisonnable avec les aspects de l’aptitude qui doivent être jugés, même s’il est incontestable que c’est la commission qui, en sa qualité d’interprète, autorise des conceptions généralement admises en la matière, détermine les faits qui lui paraissent spécifiques et, en outre, émet les considérations qu’elle juge utiles à la cause ».

l’autorité doit s’accompagner et qui, dans la matière sous revue, oblige l’autorité à apporter la preuve de l’objectivité de ses décisions, en montrant in concreto, par la production de certains documents, que ces décisions sont fondées sur des faits et des appréciations concrets, constatés selon des modalités déterminées ; »

« Considérant que conformément au principe général prérappelé, la régularité d’une décision, ainsi liée à des faits spécifiques et à des modalités spécifiques de constatation des faits, doit être prouvée, lorsque la décision elle-même ne contient pas de motivation complète, par la présentation des documents normalement établis lors de la constatation des faits et faisant mention du fondement retenu et de la procédure suivie ; que dans la matière sous revue, il s’ensuit en premier lieu que doivent exister et être produits les documents établis pendant l’examen, en conformité des formalités usuelles, concernant les épreuves écrites et orales et les appréciations partielles, tous documents en dehors desquels une analyse et une comparaison réelles des mérites respectifs des 62 candidats interrogés sont exclues ; qu’en second lieu, il convient d’établir quels documents figurent au dossier individuel, tant par la production desdits documents que par l’inventaire qui accompagne le dossier ; qu’enfin, il y a lieu aussi de produire les documents qui rapportent le déroulement des opérations de l’examen et la formation collective de la décision ; que seule la production de ces documents peut fournir la preuve de la régularité des décisions du jury et permet d’établir quels faits spécifiques furent retenus pour chaque candidat, quelles appréciations partielles autres que de pure forme furent émises sur chacun d’eux et comment la commission a procédé sur ces divers points ».

En matière fiscale, la motivation matérielle doit porter, à tout le moins, sur les éléments constitutifs de l’impôt, et notamment sur l’objet imposable, le redevable, la base imposable, le taux et les exonérations.

« Considérant que la composition de la commission est indubitablement garante de sa compétence technique, de son indépendance et de son intégrité ; que cette garantie ne peut toutefois conduire à la suppression de toutes les autres garanties, plus particulièrement de cette garantie fondamentale dont toute action de LARCIER

« Considérant que la thèse selon laquelle la sauvegarde de la liberté de jugement des membres du jury appartenant à l’enseignement de l’État, vu leurs relations inévitables avec les candidats, requiert que la délibération demeure secrète, n’est pas incompatible avec l’obligation pour l’autorité de prouver par des documents objectifs la régularité interne de la décision de délivrer ou de refuser un brevet ». 4. L’objet de la motivation matérielle En principe, l’acte administratif doit reposer sur des motifs suffisants et admissibles en toutes ses dispositions. L’on n’aperçoit pas, en effet, ce qui permettrait de soustraire à l’interdiction de l’arbitraire certaines parcelles de l’exercice d’une compétence, fût-elle discrétionnaire.

Cela ne signifie pas, pour autant, qu’une pièce du dossier administratif doive nécessairement aborder chacun des éléments constitutifs de l’impôt de manière spécifique. Il faut, mais il suffit, qu’il soit possible de comprendre objectivement, à la lecture de l’acte et/ou du dossier administratif, les raisons pour lesquelles ces éléments constitutifs ont été retenus. Il est invoqué parfois, par l’autorité compétente, que certaines décisions relèvent d’une appréciation de pure opportunité politique, de sorte qu’elles ne sont pas de celles qui doivent – ou puissent – être motivées autrement que par référence à la compétence attribuée. Comment, à titre d’exemple, une commune pourraitelle justifier le taux d’une imposition ? La réponse à cet argument doit être nuancée. Les décisions relevant d’une appréciation a priori souveraine ou politique n’échappent pas au contrôle juridictionnel. Cependant, il peut être admis que la motivation interne de telles décisions ou dispositions, telles que celles relatives au taux d’une imposition, soit contrôlée de manière particulièrement marginale par le juge, sous peine sinon, pour ce dernier, de se substituer à l’autorité compétente. Ainsi, à propos des délibérations de conseils communaux adoptant des motions de méfiance, le Conseil d’État a considéré « qu’aucune disposition de nature constitutionnelle ou législative, ni aucune règle de droit

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La motivation des règlements-taxes non écrite ne soustrait pareille décision à la compétence du Conseil d’État ; que la circonstance que le conseil communal dispose en l’occurrence d’un très large pouvoir d’appréciation, ou en d’autres termes, qu’il s’agisse d’une question de pure opportunité politique, a certes pour effet de restreindre, voire d’annihiler l’emprise des moyens d’annulation qui contestent la légalité interne de l’acte attaqué, mais non d’écarter l’acte attaqué de la compétence du Conseil d’État (…) »29. 5. Le contrôle juridictionnel de la qualité des motifs Il ne suffit pas que des motifs soient avancés pour qu’il soit satisfait au principe de motivation matérielle des actes administratifs. Sans prétendre substituer son appréciation à celle de l’administration, le Conseil d’État, notamment, exerce son contrôle dit de « légalité interne » sur les motifs de l’acte, et ce de différentes manières : - L’existence objectivement vérifiable de motifs – Avant toute chose, il s’impose que l’autorité prouve que des motifs existent et que ce sont bien ceux-là qui ont guidé l’autorité au moment où elle a adopté le règlement (voir infra, point c)). À défaut, le règlement est arbitraire. - L’exactitude des motifs – Il ne suffit pas d’invoquer un fait au préambule de l’acte : il faut aussi que ce fait soit établi, ou ne soit pas inexact. L’erreur commise par l’administration dans l’appréciation des faits est de nature à vicier l’acte, à condition qu’elle soit suffisamment importante pour que l’on puisse raisonnablement penser que l’autorité aurait pu statuer différemment si elle avait été exactement informée30. - L’adéquate qualification des faits par les motifs – Un motif exact en fait peut être irrégulier si la qualification qui lui est donnée est incorrecte31. Un fait reçoit une qualification juridique inexacte parce qu’il ne (29) (30) (31) (32) (33) (34)

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correspond pas au prescrit légal ou réglementaire en fonction duquel l’autorité entend agir32. - La légitimité des motifs – Les motifs ne peuvent révéler un détournement de pouvoir. Le principe de finalité oblige toute autorité – dont la compétence est donc liée à cet égard – à n’agir que pour les fins en vue desquelles lui a été conféré le pouvoir d’agir, d’où la définition du détournement de pouvoir : « illégalité consistant pour une autorité à user des pouvoirs qui lui ont été conférés en vue d’atteindre un but qui n’est pas celui en vue duquel lesdits pouvoirs lui ont été donnés »33. Autrement dit, des circonstances établies en fait, et dont on comprend qu’elles aient conduit l’administration à agir comme elle l’a fait, peuvent ne pas être reconnues comme motifs valables si elles ne sont pas de celles qu’il est permis à l’autorité de prendre en considération. En matière de taxes communales, ce principe implique, notamment, qu’une taxe ne saurait être instaurée pour des motifs exclusivement non budgétaires34. - Les motifs ne peuvent révéler une erreur manifeste d’appréciation – Cette notion, qui permet au juge d’exercer sur les actes discrétionnaires des autorités un contrôle qui se situe à la limite de la légalité et de l’opportunité, a été définie comme étant « la contradiction non seulement évidente mais aussi inexpliquée entre la décision administrative et les faits de la cause »35. - La pertinence, l’adéquation et la proportionnalité des motifs – Un lien raisonnable de cause à effet doit exister entre le motif retenu et l’acte concerné ou une proportionnalité de la mesure au motif invoqué36. Les juridictions peuvent s’assurer qu’il existe entre la mesure adoptée et l’objectif poursuivi un rapport raisonnable de proportionnalité37. - L’interdiction des clauses de style et des formules creuses – Les juridictions veillent à censurer, au travers des « clauses de style », des formules « creuses » ou « passe-partout », l’exercice inapproprié ou arbitraire de la compétence discrétionnaire38.

C.E., Daerden, no 214.529 du 11 juillet 2011. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 392. Idem, p. 394. M.‑A. Flamme, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 451. Cass., 18 janvier 1977, Pas., 1977, I, 533. Des motifs exclusivement non financiers ne peuvent pas, en effet, justifier légalement une taxe. Ces motifs seraient illégitimes. Ainsi, notamment, le Conseil d’État a énoncé que rien ne s’oppose en principe à ce que la commune poursuive des objectifs accessoires, non financiers (comme par exemple inciter les seconds résidents à fixer leur résidence principale dans la commune), mais pour autant que l’objectif principal de la taxe communale soit d’ordre budgétaire (C.E., no 99.385 du 2 octobre 2001 ; C.E., no 120.792 du 23 juin 2003 ; B. Lombaert, « L’autonomie fiscale des communes : entre l’État, la Région et l’Union européenne », Rev. dr. commun., 2006, no 1, p. 5 ; C.E., no 196.982 du 15 octobre 2009 ; C.E., no 85.916 du 14 mars 2000). La poursuite d’objectifs non-financiers accessoires est donc admise, « du moment que l’objectif dissuasif ou incitatif ne soit qu’accessoire par rapport à l’objectif financier, et que l’impôt communal ne soit donc pas établi à des fins uniquement dissuasives ou ne devienne purement prohibitif » (V. Sepulchre, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2011, no 2.2.1.4., p. 147). D. L agasse, L’erreur manifeste d’appréciation en droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1986. M.-A. Flamme, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 453. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 400 ; Voy. aussi, par exemple, C.E., s.p.r.l. Transervices, no 211.590 du 28 février 2011 : « Considérant que, comme tout acte administratif, un règlement doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles, qui doivent résulter du dossier constitué au cours de l’élaboration de ce règlement, et sur le vu duquel les juridictions saisies d’une contestation de la régularité de ce règlement doivent être en mesure d’exercer le contrôle de légalité qui leur incombe ; qu’en l’espèce, le seul élément du dossier administratif sur lequel la partie adverse s’appuie pour justifier les dispositions litigieuses réside dans le passage de la note au Gouvernement wallon versée au dossier administratif où il est fait état de la volonté « d’assurer une certaine qualité du service » ; que, sans qu’il faille se prononcer sur le point de savoir si le fait que ce document n’est ni daté ni signé empêche que l’on puisse y avoir égard, force est de constater que le passage invoqué qui ne concerne formellement que les véhicules affectés à un service de location de voitures avec chauffeur, ne suffit pas à justifier le choix qui a été fait de limiter à sept ans l’« âge » des véhicules employés ; que, s’il est exact que, comme le relève la partie adverse dans son mémoire en réponse, « un véhicule de sept ans devient un véhicule âgé », une telle assertion ne suffit pas à établir qu’une mesure interdisant d’affecter un véhicule de plus de sept ans à un service de taxis, un service de location de voitures avec chauffeur ou un service de taxis collectifs se justifierait avec la force de l’évidence ». L’arrêt du Conseil d’État no 211.590 visé dans la précédente note de bas de page en est une parfaite illustration aussi : « assurer la qualité du service » constitue une formule un peu creuse ou de style.

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Doctrine 6. Les limites du contrôle juridictionnel des motifs de l’acte La légalité des motifs qui constituent le fondement d’un arrêté réglementaire peut être soumise au contrôle du juge judiciaire ou du Conseil d’État, mais aucun des deux n’a le pouvoir d’apprécier le choix de l’autorité administrative ni d’exercer un contrôle en opportunité. Seul le contrôle parlementaire et, plus généralement, celui des assemblées délibérantes (conseil communal, etc.) peuvent porter sur les raisons (politiques) qui sous-tendent l’acte réglementaire39. Certes, le contrôle de proportionnalité et celui de l’erreur manifeste d’appréciation, de même que celui de la suffisance ou de la pertinence des motifs, engagent les juridictions vers une forme de contrôle d’opportunité. « Entre le ‘non manifestement déraisonnable’, le ‘raisonnable’, le ‘proportionné’ et l’ ‘opportun’ il y a certes des nuances, mais la frontière est incertaine. La seule limite est celle que le Conseil d’État se fixe lui-même. Et celle qu’il s’est fixée, quelque malaisée à caractériser qu’elle soit, laisse fondamentalement à l’autorité le soin de trancher entre des intérêts opposés, là où aucune règle de droit ne donne la primauté à l’un d’eux »40. Si les juges doivent, dès lors, trouver un juste milieu entre le nécessaire examen des motifs et le respect du pouvoir d’appréciation de l’autorité, cela ne signifie pas, en revanche, que l’existence, dans certains domaines, de compétences particulièrement larges fasse obstacle au contrôle juridictionnel. En matière fiscale, la compétence – très large – dont disposent les communes pour fixer les éléments constitutifs des taxes – appelé d’ailleurs « autonomie fiscale des communes » – ne dispense pas ces dernières de leur obligation de justifier les choix d’opportunité effectués à l’aide de leur dossier administratif, en vue de prouver la légalité de leur action. À défaut, elles verseraient dans l’arbitraire. Ainsi que nous l’avons rappelé ci-avant dans les chapitres relatifs à la validité interne des règlements, le caractère discrétionnaire du pouvoir de l’autorité compétente est autant la limite que la cause du contrôle des motifs de l’acte. Plus la marge d’appréciation de l’autorité est large, plus il importe de connaître les motifs de la décision adoptée, et d’en vérifier la suffisance autant que la pertinence.

Partie 2 Le principe de motivation des règlements-taxes en particulier Chapitre 1 : la compétence fiscale des communes Les compétences communales relatives à l’adoption d’un règlement fiscal trouvent leur source dans les articles 41, 162 et 170, § 4, de la Constitution ainsi que dans les articles 117 de la Nouvelle Loi Communale, L1122-30 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation et 42 du décret du Conseil flamand du 15 juillet 2005 dit « décret communal ». Ces dispositions garantissent l’autonomie fiscale des communes. En vertu de l’autonomie qui leur est reconnue par la Constitution, les communes peuvent choisir librement la base, l’assiette et le taux des impositions dont elles apprécient la nécessité au regard des besoins auxquels elles estiment devoir pourvoir41. La commune qui prend une décision sur la base de sa compétence discrétionnaire – ce qui est le cas de l’adoption d’un règlement-taxe – «  dispose d’une liberté d’appréciation qui lui donne la possibilité de juger elle-même de la manière dont elle exerce cette compétence et de choisir la solution qui lui paraît la plus appropriée dans les limites fixées par la loi42 ». Pour le Conseil d’État, « aucune disposition constitutionnelle ou législative ne requiert l’existence d’un lien particulier entre la taxe communale et les compétences matérielles des communes »43. Une commune peut ainsi estimer opportun de ne lever qu’un nombre limité de taxes à haut rendement plutôt que de multiplier les taxes à faible rendement qui exigeront un travail plus important de la part de ses services eu égard au nombre de contribuables visés. Il s’agit d’une décision prise en opportunité à l’égard de laquelle tant les cours et tribunaux que le Conseil d’État ne peuvent exercer qu’un contrôle marginal, faute d’avoir une connaissance détaillée de la situation financière et de la manière dont est gérée la commune au regard des missions qu’elle doit concrètement assumer. Dans le cadre de leurs compétences fiscales, les communes peuvent choisir une matière imposable qui ne se retrouve que chez certains contribuables44. Cette autonomie fiscale n’est cependant pas absolue.

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D. Batsele, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 492. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 401. B. Lombaert, « L’autonomie fiscale des communes : entre l’État, la Région et l’Union européenne », Rev. dr. comm., 2006/1-2, p. 4. Cass., 3 janvier 2008, J.T., 2008, p. 106 ; Cass., 4 mars 2004, J.T., 2004, p. 382 ; Cass., 12 décembre 2003, R.G. no C.00.0578.F. C.E., s.p.r.l. Erivo, no 135.709 du 5 octobre 2004 ; s.a. Nivadmin & s.a. Ruman, no 135.708 du 5 octobre 2004 ; a.s.b.l. Espace P et consorts, no 114.119 du 23 décembre 2002 ; a.s.b.l. Centre d’accueil pour les travailleurs immigrés de Bruxelles, no 28.895 du 24 novembre 1987 ; Goens, no 20.682 du 4 novembre 1980 et s.p.r.l. Établissements Canivet, no 19.853 du 18 octobre 1979. (44) C.E., Commune de Molenbeek-Saint-Jean, no 33.778 du 17 janvier 1990 ; s.a. Charbonnage De Bonne-Espérance, Batterie, Bonne-Fin et Violette et consorts, no 13.092 du 27 juin 1968 ; Charbonnages d’Abhooz et Bonne-Foi – Hareng et consorts, no 12.405 du 25 mai 1967, R.J.D.A., 1967, p. 211 avec avis du substitut de l’Auditeur Général Boland.

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La motivation des règlements-taxes Chapitre 2 : Les limites au pouvoir fiscal des communes

peuvent, en principe, pas déterminer d’exceptions à l’autonomie fiscale des communes47.

1. Le principe de légalité L’article 170, § 4 de la Constitution prévoit en son premier alinéa qu’aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, par la fédéra­ tion de communes et par la commune que par une décision de leur conseil. Cette disposition consacre la règle selon laquelle les impôts et taxes ne peuvent être réclamés que sur la base d’un acte du pouvoir législatif. En son deuxième alinéa, l’article 170, § 4, de la Constitution précise que les commune disposent d’une compétence fiscale autonome, sauf lorsque la loi a déterminé ou détermine ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée. La loi prise sur cette base constitutionnelle doit être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des communes45. Il s’ensuit que sous réserve des exceptions déterminées par la loi, les conseils communaux choisissent, sous le contrôle de l’autorité de tutelle, la base des impôts levés par eux. Le Conseil d’État a jugé que « les dérogations [au pouvoir fiscal autonome des communes] doivent être établies par la loi, ce qui résulte non seulement d’un principe général d’interprétation, mais encore du principe constitutionnel de l’autonomie communale ; qu’il ne suffit pas, pour qu’il soit interdit aux communes de lever un impôt sur la même base, que l’État lève un impôt sur une base déterminée ; qu’il ne suffit pas davantage que, dans une matière analogue, le législateur ait limité le pouvoir des communes de percevoir des impôts »46 . Le législateur fédéral a, sur cette base, considérablement restreint déjà la liberté des communes de choisir l’assiette des impôts locaux (interdiction pour les communes d’établir des additionnels à la taxe de circulation ou à la taxe de mise en circulation, interdiction de lever des octrois ou des taxes de bétail, interdiction de taxer les revenus, les appareils automatiques de divertissement, les jeux et paris, etc.). D’après la Cour constitutionnelle, la « loi » dont question à l’article 170, § 4, alinéa 2 de la Constitution doit s’entendre comme une loi fédérale. Les Régions ne

La question de savoir si les communautés et les régions peuvent régler malgré tout cette matière réservée (à savoir la détermination des exceptions à l’autonomie fiscale des communes) en vertu de leurs pouvoirs implicites, est débattue48. Tant la section de législation du Conseil d’État que la Cour constitutionnelle semblent considérer que les pouvoirs implicites permettent de déroger à la compétence réservée du législateur fédéral49. Ainsi donc, la Cour constitutionnelle confirme l’applicabilité des pouvoirs implicites dans le cadre de l’article 170, § 4, de la Constitution, dans son arrêt no 4/2010 du 20 janvier 2010 (rendu sur question préjudicielle) : « conformément à l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, la loi détermine, en ce qui concerne les impôts communaux, les exceptions dont la nécessité est démontrée. Il s’agit donc d’une matière réservée par la Constitution au législateur fédéral, de sorte que les communautés et les régions ne peuvent régler cette matière que dans la mesure où cette intervention est nécessaire à l’exercice de leur compétence (article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles) ». Dans le cas qui lui était soumis, la Cour constitutionnelle a considéré que le décret litigieux n’empiétait pas sur les compétences fiscales des communes puisqu’il se limitait à prévoir, pour une commune, la possibilité d’obtenir une dispense de la redevance régionale sur les bâtiments désaffectés, à condition que sa propre taxe locale sur les immeubles inoccupés reprenne au minimum la réglementation du décret attaqué. Il s’agissait donc d’une possibilité pour laquelle la commune pouvait opter, rien ne lui étant imposé. Dans un arrêt no 89/2010 du 29 juillet 2010, rendu sur recours en annulation, la Cour a jugé que : « dans le cadre des règlements complémentaires de circulation routière qu’elles adoptent, les communes peuvent établir une rétribution ou une taxe de stationnement. Si la commune fait choix de prélever une taxe de stationnement, en principe seul le législateur fédéral peut y apporter une restriction. En effet, si, comme la Cour l’a indiqué en B.5.1, les régions sont compétentes pour fixer les règles relatives à l’établissement et au

(45) (46) (47) (48)

C.C., 15 décembre 2011, no 189/2011, A.P.T., 2012/1, p. 158, C.C., 16 février 2012, no 19/2012, R.F.R.L., 2013/1, pp. 49 et s. C.E., a.s.b.l. Centre d’accueil pour les travailleurs immigres de Bruxelles , no 28.895 du 24 novembre 1987. Contra : J‑P. M agremanne et F. Van De Gejuchte, La procédure en matière de taxes locales, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 27. Le siège des pouvoirs implicites se trouve dans l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 : « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l’exercice de leur compétence ». La question juridique, et le débat y relatif, sont bien décrits dans l’ouvrage de A. Alen et K. Muylle, Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Kluwer, 2011, pp. 407 et s. (49) Voir les avis 35.583/3 et 36.354/3 du 20 janvier 2004 de la section de législation du Conseil d’État qui déduisent tant des travaux préparatoires que de l’intention qui en découle que la détermination des exceptions à la compétence fiscale des communes dans l’article 170, § 4, de la Constitution constitue une compétence réservée directement par la Constitution au législateur fédéral ; nonobstant ce constat, les avis admettent que les régions puissent être compétentes pour déterminer elles-mêmes des exceptions à l’autonomie fiscale, lorsque les conditions de l’article 10 de la loi spéciale de réformes institutionnelles sont remplies (pouvoirs implicites) ; voir également W. Pas et B. Steen, « Met het nodige voorbehoud. Het grondwettelijk voorbehoud an de formele en aan de federale wetgever », T.v.W., 2005, 34-54.

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Doctrine recouvrement des taxes communales et provinciales, cette compétence doit être exercée sans préjudice de l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution. Celui-ci réserve au législateur fédéral, en ce qui concerne les impôts communaux, les exceptions dont la nécessité est démontrée. Il en résulte que les communautés et les régions ne peuvent adopter une réglementation qui aurait pour effet de restreindre la compétence des communes d’instaurer une taxe que si les conditions d’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sont réunies. Il est requis, à cette fin, que la réglementation adoptée puisse être considérée comme nécessaire à l’exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l’incidence des dispositions en cause sur cette matière ne soit que marginale ». La Cour en conclut que dans ces conditions, la Région (en l’espèce, la Région de Bruxelles-Capitale) était compétente pour restreindre le pouvoir des communes d’établir une taxe de stationnement. Les conditions pour l’exercice des pouvoirs implicites sont les suivantes : - Les dispositions adoptées en dehors des compétences des régions doivent être nécessaires à l’exercice de leurs compétences. Un lien très étroit entre la disposition adoptée et les compétences d’attribution des régions est donc requis, de sorte que cette disposition devient un accessoire indispensable. Il demeure que la Cour Constitutionnelle autorise une application de plus en plus large des pouvoirs implicites, et que son contrôle du lien de nécessité devient plutôt marginal, en ce sens qu’elle a tendance à accepter les motifs invoqués par le législateur régional dans ses travaux parlementaires (exposé des motifs), à moins qu’ils soient « manifestement inexacts ». - La matière fédérale réglée par la région en vertu des pouvoirs implicites doit se prêter à un régime différencié. - Enfin, l’incidence des dispositions en cause sur cette matière ne doit être que marginale. Sur ce point, il faut admettre que plus l’usage des pouvoirs implicite est large, plus il y a de risques que la Cour constitutionnelle conteste son caractère marginal. Son usage doit donc être limité à ce qui est strictement nécessaire à l’exercice des compétences de la région, ce qui implique que l’on puisse identifier clairement et précisément le champ d’application des dispositions ainsi adoptées. En matière de fiscalité communale, nous en déduisons qu’une restriction de l’autonomie fiscale qui ne permettrait pas d’identifier dès le départ les types de taxes que la commune ne pourra plus établir, risquerait de ne pas être qualifiée de marginale. (50) (51) (52) (53)

2. L’intérêt communal L’article 41 de la Constitution énonce en son alinéa 1er que « les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la Constitution ». Les principes en question sont repris dans l’article 162 de la Constitution qui dispose entre autres que « les institutions provinciales et communales sont réglées par la loi » et « que la loi consacre l’application des principes suivants : l’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans préjudice de l’approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine (…) ». Pour rappel, la loi spéciale du 13 juillet 200150 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés a transféré aux Régions la plupart des compétences relatives aux pouvoirs subordonnés. L’article 4 de la loi spéciale précise que « les conseils communaux et provinciaux règlent tout ce qui est d’intérêt communal ou provincial ». La Région wallonne a transcrit cette disposition à l‘article L1122-30 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation. La Région flamande a fait de même à l’article 42 du décret du Conseil flamand du 15 juillet 2005 dit « décret communal ». La finalité de la compétence fiscale des communes est de servir l’intérêt général. L’intérêt communal constitue donc un critère de délimitation de l’autonomie dont jouissent les communes dans l’exercice de leurs attributions51. L’intérêt communal est à la fois l’étendue et la limite du pouvoir fiscal des communes52. L’établissement d’une taxe ou d’un impôt doit permettre à l’autorité locale d’exercer ses compétences et prérogatives communales, ainsi que d’assurer le fonctionnement de ses services. Dans certains cas, l’impôt communal aura également une fonction dissuasive visant à réfréner des comportements ou des situations jugées nuisibles à l’intérêt des citoyens de la commune53. Dans la perspective d’une gestion financière saine, la politique fiscale d’une commune doit tendre vers un budget en équilibre – voire, dans un souci préventif, à dégager un léger surplus. Par contre, il est interdit à l’autorité publique communale de rechercher l’enrichissement pur et simple ou de dégager des moyens disproportionnés par rapport aux dépenses auxquelles elle doit faire face dans l’exercice de ses missions.

M.B., 3 août 2001, p. 26.636. J‑P. M agremanne et F. Van De Gejuchte, op. cit., p. 23. A. Scheyvaerts, note sous Civ. Liège, 16 octobre 2008, R.G.C.F., 2009/5, 472. Aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à une commune, lorsqu’elle établit des taxes justifiées par l’état de ses finances, de poursuivre un objectif accessoire d’incitation ou de dissuasion de certaines activités, C.E., no 117.110 du 17 mars 2003, Rev. dr. comm., 2004/2, p. 70 ; Bruxelles, 18 décembre 2003, R.G. no 1999/BD/115,

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La motivation des règlements-taxes Conformément à l’article 162 de la Constitution, ce sont les autorités de tutelle à qui il revient de contrôler que l’intérêt général communal n’est pas blessé par l’adoption ou la modification d’un règlement-taxe. L’autorité de tutelle est ainsi habilitée à mettre à néant une décision émanant du conseil communal, pour une autre raison que pour cause d’illégalité, lorsque par exemple elle s’avère inadéquate d’un point de vue politique, social ou économique54. 3. Le respect des règles de compétences Comme vu précédemment, la compétence fiscale des communes n’est nullement limitée au contenu de leurs compétences matérielles. De ce fait, les pouvoirs communaux peuvent en principe taxer n’importe quel objet imposable, même si cet objet ne relève pas de leurs compétences matérielles55 et même si ce prélèvement peut avoir des conséquences sur le comportement des citoyens dans des compétences matérielles qui ne relèvent pas d’eux. Les communes poursuivent souvent, outre le but fiscal proprement dit (trouver des recettes supplémentaires), un objectif non-fiscal accessoire. Rien n’interdit, en effet, la commune, lorsqu’elle établit des taxes justifiées par l’état de ses finances, de les faire porter par priorité sur des activités qu’elle estime plus critiquables que d’autres, ou dont elle estime la prolifération nuisible56. Autrement dit, «  si l’objectif principal d’un impôt doit toujours être de prélever les moyens nécessaires pour financer les services assurés par l’administration (objectif principal de nature fiscale ou budgétaire), les taxes peuvent poursuivre également un objectif accessoire, consistant à encourager ou à décourager un comportement ou une activité, selon qu’il est jugé bénéfique ou néfaste pour la collectivité »57. Enfin, si les objectifs dissuasifs ou incitatifs poursuivis accessoirement ne doivent pas ressortir des compétences des collectivités qui les établissent, il demeure que la compétence des communes est définie par référence à la notion très large et très floue de l’intérêt communal, de sorte qu’elles peuvent prendre l’initiative de régler, au niveau local, tout objet que la Constitution ou la loi n’ont pas expressément exclu de leur compétence, à condition de respecter les lois, décrets, ordon-

nances et règlements adoptés par l’autorité fédérale ou fédérée compétente. L’article 135 de la nouvelle loi communale prévoit que les missions générales attribuées aux communes ne le sont que dans la mesure où elles n’ont pas été exclues de leurs compétences, tandis que l’article 119, alinéa 2, de la même loi et l’article 46, alinéa 1er, de la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles prévoient que les actes des autorités des communes ne peuvent être contraires, notamment, aux décrets et aux règlements des Communautés ou des Régions. Par conséquent, le Conseil d’État considère qu’« il n’est pas permis aux communes de réglementer une matière qui est entièrement organisée par une norme supérieure, qui a mis en place un régime normatif suffisamment complet et précis pour mettre fin au pouvoir autonome des communes »58. Il s’ensuit qu’un règlement-taxe communal ne peut empiéter sur une matière qui est attribuée à l’État, aux Régions ou aux Communautés. C’est ainsi que dans son arrêt du 12 juin 2012, le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler que si les communes disposent d’une très large autonomie fiscale qui leur permet de choisir librement les bases, l’assiette et le taux des impositions dont elles apprécient la nécessité, leur compétence fiscale ne leur permet toutefois pas de régler des matières qui relèvent d’autres collectivités politiques, les communes étant tenues de respecter les limites de leurs propres compétences59. En l’espèce, le Conseil d’État a annulé le règlementtaxe d’une commune bruxelloise sur les immeubles subdivisés en logements multiples non conformes à la législation urbanistique. La Haute juridiction administrative a jugé que ce type de taxe frappe des infractions en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, alors que cette matière relève des Régions et, qu’à Bruxelles, cette matière fait l’objet d’une réglementation détaillée et complète via le Code bruxellois de l’aménagement du territoire60. 4. Les exemptions personnelles ou réelles La limitation de l’autonomie fiscale communale relative aux exemptions personnelles et réelles constitue plutôt un tempérament apporté à cette autonomie ;

(54) Thiberghien, Manuel de droit fiscal, Bruxelles, Larcier, 2002, no 7025. (55) Anvers, 11 mars 1997, F.J.F., no 97/179, cité par V. Sepulchre, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2010, no 2.2.1.4., p. 145 ; E. Willemart, « Taxes et redevances communales – Les limites constitutionnelles », Trait d’Union, 2003/4, p.5 (56) C.E., s.p.r.l. Pierre Debeffe, no 18.368 du 30 juin 1977 ; C.E., no 114.119 du 23 décembre 2002, no 135.709 du 5 octobre 2004, no 170.927 du 8 mai 2007 cités par V. Sepulchre, « La taxation locale des activités écominques », Rev. dr. comm., 2009/2, p. 3 ; Anvers, 2 décembre 1997, F.J.F., no 98/93 ; E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruxelles, Bruylant, p. 61. (57) C.E., Gillion et crts., no 85.916 du 14 mars 2000, A.P.T., 1999, pp. 298 et s. (58) C.E., a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires et des copropriétaire, no 219.721 du 12 juin 2012. (59) C.E., 12 juin 2012, op. cit. ; voir également B. Lombaert, « L’autonomie fiscale des communes : entre l’État, la Région et l’Union européenne », Rev. dr. comm., 2006/1-2, p. 7, no 12. (60) Cet arrêt du Conseil d’État fera l’objet d’un commentaire approfondi dans un numéro ultérieur de la R.F.R.L.

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Doctrine elle n’empêche pas, à proprement parler, la commune d’établir la taxe. L’hypothèse visée est celle où la norme fiscale est établie par la commune, et où elle devrait en principe s’appliquer au redevable, mais l’existence d’une exemption personnelle ou réelle fait obstacle à sa mise en œuvre. Cette hypothèse se distingue donc nettement des précédentes, qui empêchaient la commune de taxer une situation déterminée. En l’espèce, la commune peut instaurer la taxe, mais une exemption empêche son application à une personne déterminée ou à certains biens. Alors que le principe des « exceptions » à la compétence fiscale des communes est énoncé à l’article 170, § 4, de la Constitution, les « exemptions » sont régies par l’article 172, alinéa 2 de la Constitution, qui prévoit que « nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi ». L’article 172, alinéa 2, de la Constitution vise les régimes d’exception créés, par dérogation aux lois, décrets, ordonnances ou règlements qui définissent l’impôt, en faveur de certaines personnes, de certains biens ou de certaines opérations. L’exemption consiste plus précisément à supprimer la charge fiscale normalement due ; la modération se limite à l’alléger. Ces régimes de faveur peuvent être attachés à la personne du contribuable. Il y a, en effet, « des individus et des personnes morales dont les ressources les rendent parfaitement aptes à payer l’impôt, mais qui jouissent d’exemptions ou d’immunités, soit pour des motifs d’ordre social ou économique, soit à cause de leur caractère public, soit en vertu de traités internationaux, soit encore en vertu d’une tradition internationale à base de réciprocité »61. De telles exemptions sont qualifiées de « personnelles »62. L’exonération personnelle peut être générale ou être accordée à l’égard de prélèvements déterminés. Les exemptions peuvent également être attachées à certains biens, revenus, actes juridiques ou matériels, pour diverses raisons d’ordre économique, social, culturel ou autres alors que ces biens, revenus ou actes sont normalement compris dans l’assiette de l’impôt. Elles sont alors qualifiées de « réelles ». Rappelons encore que si, en vertu de l’article 172, alinéa 2, de la Constitution, le législateur est autorisé à établir des exemptions ou modérations d’impôts, il ne (61) (62) (63) (64)

peut toutefois, en établissant une exemption fiscale au profit de certains redevables, méconnaître le principe d’égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution. 5. Le respect du principe d’égalité Parmi les tempéraments au pouvoir fiscal des communes figurent également le respect du principe constitutionnel d’égalité entre citoyens. La règle de l’égalité des belges devant la loi contenue dans l’article 10 de la Constitution, celle de la nondiscrimination dans la jouissance des droits et des libertés reconnus aux Belges inscrite dans l’article 11 de la Constitution ainsi que celle de l’égalité devant l’impôt exprimée dans l’article 172 de la Constitution n’excluent pas qu’une distinction soit faite entre des catégories de personnes, pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable63. Les mêmes règles s’opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, les catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes. Nous aborderons abondement cette question dans le chapitre suivant. 6. Limitations issues des libertés économiques et principes généraux du droit Cette limitation dépasse largement le cadre de la présente contribution, tant il est certain que dans l’exercice de sa compétence fiscale, la commune est tenue de respecter les principes généraux de droit et les normes supérieures, qu’elles soient adoptées par la région ou l’État, ou encore issues du droit international. Il est, toutefois, intéressant de rappeler que les impositions locales ne peuvent porter atteinte aux dispositions de droit européen consacrant la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises, ou encore le principe de la libre concurrence. Ainsi, la commune ne peut fixer les éléments essentiels de ses impôts ou accorder des exemptions qui entraînent une distorsion de concurrence dans le cadre d’éventuelles activités économiques non monopolistiques. L’on songe ainsi à l’exemption dont bénéficie la S.N.C.B. en vertu de l’article 14 de la loi du 23 juillet 1926 relative à la S.N.C.B. Holding et à ses sociétés liées64.

F. Loeckx et R. Van Dionant, Éléments de la science des impôts, 4e éd., Ministère des Finances, 1980, p. 94. E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruxelles, Bruylant, p. 235. Cass., 14 mars 2008, R.G. no F.06.0084.F. L’article 14 dispose comme suit : « Sans préjudice des dispositions des Codes des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, des droits de succession, des droits de timbre et des taxes assimilées au timbre, la (SNCB Holding) est assimilée à l’État pour l’application des lois sur les impôts directs ou indirects. Elle est exempte de tous impôts et taxes quelconques au profit des provinces et des communes, à l’exception toutefois des impositions en vue de rémunérer des services rendus à sa demande ». Cette disposition pourrait entraîner une atteinte aux principes de la libre concurrence si elle devait permettre l’exemption de toutes taxes quelconques dans le chef de la SNCB, y compris lorsqu’elle agit dans le cadre d’éventuelles activités concurrentielles.

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La motivation des règlements-taxes 7. Limitation territoriale La commune est une collectivité politique territoriale, de sorte que l’exercice de son pouvoir fiscal est limité, comme celui de ses compétences matérielles, au territoire qui lui est assigné par la loi. Il doit donc exister un critère de rattachement admissible entre l’impôt local et le territoire de la collectivité qui l’établit. Chapitre 3 : L’exercice de la compétence fiscale des communes dans le respect du principe de motivation 1. L’obligation de motivation du règlement-taxe Afin de vérifier que les autorités communales exercent leur compétence fiscale dans le respect des limites constitutionnelles et légales, il est essentiel de connaître la motivation du règlement-taxe, cette motivation devant apparaître de façon matérielle. Cette obligation vise à prévenir et à sanctionner les communes de tout excès de pouvoir et de décisions arbitraires. Cette obligation joue donc un rôle fondamental dans notre État de droit. Le défaut de justification de la part des communes quant au choix du fait générateur, à celui des redevables et au taux de la taxe rend impossible aux destinataires comme aux juridictions de vérifier que les choix opérés ne sont pas arbitraires et que la taxe ne l’est pas davantage65. Confronté à un règlement-taxe non motivé, le juge n’aura pas d’autre choix que de refuser son application sur la base de l’article 159 de la Constitution et d’annuler les taxes en litige. Le Conseil d’État considère également que faute de connaître le but poursuivi par l’auteur du règlementtaxe, il doit annuler le règlement-taxe puisqu’il est mis dans l’impossibilité de vérifier si la différenciation faite repose sur un critère susceptible de justification objective et raisonnable66. 2. Les formalités relatives à la motivation du règlement-taxe Aucune disposition légale ne prévoit la manière dont les communes doivent motiver leurs règlements-taxes. Dans la mesure où le règlement-taxe n’est pas un acte unilatéral de portée individuelle soumis à la loi (65) (66) (67) (68) (69) (70) (71) (72) (73) (74)

du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, il ne doit pas énoncer les considérations de droit et de fait qui le justifient : « les conseils communaux n’ont aucunement l’obligation légale de motiver les règlements de taxe qu’ils adoptent »67. En effet, « les travaux préparatoires de la loi du 29 juillet 1991 témoignent de la volonté claire d’exclure les règlements de son champ d’application »68. En l’absence de formalités particulières prescrites par la loi, les communes jouissent d’une certaine liberté quant à la mise en forme de l’obligation de motivation de leurs règlements. Par conséquent, si un règlement-taxe ne doit pas énoncer lui-même, dans le texte-même du règlement-taxe69, les considérations de droit et de fait qui le justifient, il est cependant nécessaire que les motifs qui ont présidé à son adoption puissent être déduits du dossier de la commune. Autrement dit, les motifs sur lesquels repose un acte administratif, s’ils ne sont exprimés formellement, doivent résulter du dossier administratif établi au cours de la procédure d’élaboration de cet acte70. La Cour de cassation a ainsi jugé que « pour être régulier, un règlement-taxe ne doit pas énoncer lui-même les motifs qui justifient son adoption par le pouvoir communal ; que lorsque le juge doit, comme en l’espèce, apprécier le règlement-taxe par rapport au but et aux effets de celui-ci, il est nécessaire mais suffisant que ces motifs puissent être déduits du dossier administratif de la commune »71. La Cour d’appel de Bruxelles a de même rappelé, dans un arrêt du 5 octobre 2006, que « s’il n’est pas requis pour la régularité d’un règlement-taxe que celui-ci contienne lui-même la motivation pourquoi il a été approuvé par l’autorité communale, il faut toutefois (et il suffit en même temps) que cette motivation puisse être déduite du dossier administratif de la commune »72. En outre, la Cour d’appel de Bruxelles a rappelé, dans un arrêt du 2 décembre 2008, qu’une tentative de motivation a posteriori n’est pas acceptable73. De même, le Conseil d’État rappelle que les explications données par le pouvoir taxateur dans ses écrits de procédure, ne peuvent suppléer à la carence du dossier administratif74.

Civ. Liège, 26 octobre 2012, R.G. n°11/4922/A & 11/6319/A, inédit ; Civ. Namur, 6 septembre 2012, R.G. no 10/416/A, inédit. C.E., 6 janvier 2009, F.J.F., no 2009/149. J.‑M. Leboutte, « L’autonomie fiscale des communes », Mouv. comm., 1994, p. 508 X. Delgrange et B. Lombaert, « La loi du 29 juillet relative à la motivation formelle des actes administratifs – questions d’actualité », in La motivation formelle des actes administratifs, La Charte, 2005, no 32, p. 31. Liège, 20 juin 2001, F.J.F., no 2002/1. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 393. Cass., 17 février 2005, F.J.F., no 2005/244. Bruxelles, 5 octobre 2006, F.J.F., no 2007/149. Bruxelles, 2 décembre 2008, non publié, R.G. no 2005/2599. C.E., no 163.734 du 18 octobre 2006 ; C.E., no 165.638 du 6 décembre 2006 ; C.E., no 176.930 du 20 novembre 2007 ; C.E., no 180.380 du 4 mars 2008 ; C.E., no 187.328 du 24 octobre 2008 ; C.E., Sirault & Salembier, no 74.949, 3 juillet 1998, J.L.M.B., 1998, 1557, voy. également : Civ. Namur, 3 mars 2011, R.G.C.F., 2011/4, pp. 341 à 347 ; Civ. Namur, 17 mars 2011, R.G.C.F., 2011/4, pp. 348 à 350.

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Doctrine Dans un arrêt du 6 janvier 2009, le Conseil d’État a, à juste titre, appliqué ces principes dans le cadre d’une taxe liégeoise sur les pylônes de mobilophonie75. Le Conseil d’État a ainsi rappelé que « pour identifier et apprécier la pertinence du critère de différenciation et le but poursuivi par l’auteur d’un règlement-taxe communal, il y a lieu de se référer aux motifs de ce règlement, lesquels doivent apparaître dans son préambule ou résulter du dossier constitué au cours de son élaboration ou encore doivent pouvoir être déduits du dossier administratif produit par la commune ». Il appartient à la commune de prouver que les documents qu’elle invoque en cours de procédure ont effectivement et réellement participé à l’élaboration du règlement-taxe76. Pour la Cour d’appel de Mons, cela signifie que ces documents doivent avoir figurés dans le dossier soumis aux conseillers communaux lors de la séance d’adoption du règlement-taxe77. Si le pouvoir fiscal s’obstine à ne produire aucune pièce justificative antérieure à l’adoption du règlement-taxe, la juridiction saisie n’est pas en mesure d’examiner la compatibilité du règlement litigieux avec les principes invoqués, de sorte que le règlement doit être déclaré arbitraire et voir son application refusée78. Il ressort de ces considérations que trois règles peuvent être dégagées lorsque la motivation n’est pas reprise dans le règlement-taxe même. Il faut que79 : - la motivation du règlement puisse être déduite du dossier administratif ; - les documents repris dans ce dossier soient antérieurs à l’adoption du règlement ; - les documents aient effectivement participé à l’adoption du règlement-taxe. Un lien causal, direct ou indirect, doit être établi entre les pièces du dossier administratif et l’adoption du règlement-taxe. Il n’appartient dès lors pas au juge – sous peine de faire œuvre législative – de rechercher par lui-même les objectifs qui ont justifié l’adoption du règlementtaxe. Les seuls motifs dont il peut tenir compte sont ceux qui ressortent du règlement-taxe lui-même ou du dossier relatif à son élaboration80.

Le juge ne peut donc pas prendre en considération des motifs implicites81. 3. L’objet de la motivation a) La motivation du but poursuivi La raison d’être d’un règlement-taxe communal est de procurer à la commune des rentrées financières. Une taxe communale, à l’instar des autres impôts, doit avoir pour objectif principal de prélever les moyens nécessaires pour financer les services assurés par l’administration ; que le propre de toute taxe est d’apporter des ressources à l’autorité afin de lui permettre d’accomplir ses missions de service public, ce qui suppose qu’elle ne soit pas, ou le moins possible, en déficit82. L’objectif principal d’une taxe communale est donc toujours d’ordre budgétaire. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que la commune poursuive également des objectifs accessoires, non financiers83. Les communes sont ainsi compétentes pour établir des taxes sur des activités qu’elles estiment plus critiquables que d’autres, de sorte qu’un règlement-taxe basé sur des considérations morales (et donc non fiscales) est valable, sans pour cela qu’une loi doive en donner la compétence. Selon le Conseil d’État, aucune disposition constitutionnelle ou législative ne requiert l’existence d’un lien particulier entre la taxe communale et les compétences matérielles des communes. De même, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à une commune, lorsqu’elle établit des taxes justifiées par l’état de ses finances, de les faire porter par priorité sur des activités qu’elle juge plus critiquables que d’autres ou dont elle estime la prolifération nuisible84. Une commune peut utiliser son pouvoir fiscal en vue de poursuivre des objectifs d’incitation ou de dissuasion qu’elle détermine librement à condition que ces objectifs restent accessoires, l’impôt communal ne peut donc être établi à des fins uniquement dissuasives ou purement prohibitives85. Une commune ne peut donc user du régime et de la procédure de l’impôt, lorsqu’elle entend exclusivement

(75) C.E., 6 janvier 2009, F.J.F., no 2009/149, commenté par J‑P. M agremanne et A. Scheyvaerts, in Le droit fiscal en Belgique – Actualités 2009 en matière de taxes provinciales et communales, 2010, Ateliers des FUCAM, Anthemis, pp. 315 à 320. (76) Mons, 15 septembre 2010, R.G. no 2008/301, inédit. (77) Mons, 5 octobre 2012, R.G. no 201/916, inédit publié dans cette revue à la p. 76. (78) Civ. Liège, 16 octobre 2008, non publié, R.G. no 07/2829/A. (79) A. Scheyvaerts, note. sous Civ. Liège, 16 octobre 2008, R.G.C.F., 2009/5, p. 472 ; Civ. Liège, 26 octobre 2012, R.G. n° 11/4922/A & 11/6319/A, inédit. (80) C.E., no 83.746 du 30 novembre 1999, J. Jaumotte, Les principes généraux du droit administratif à travers la jurisprudence, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 636. (81) Civ. Mons, 24 janvier 2012, R.G. no 10/3708/A, inédit ; Civ. Mons, 8 juin 2011, R.G.n° 09/2305/A, inédit. (82) C.E., 23 décembre 2002, F.J.F., no 2003/239. (83) C.E., 15 octobre 2009, A.P.T., 2009/4, 331. (84) C.E., s.p.r.l. Pierre Debeffe, no 18.368 du 30 juin 1977 ; C.E., Union belge hippique, no 16.580 du 16 juillet 1974 ; Anvers, 2 décembre 1997, F.J.F., no 98/93, p. 243 ; E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruxelles, Bruylant, p. 61. (85) C.E., 23 décembre 2002, op. cit. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes dissuader ou sanctionner une situation ou un comportement. De même, rappelons que l’article 119bis, § 1er, de la nouvelle loi communale fait également obstacle à ce que le Conseil communal établisse des peines ou des sanctions administratives lorsque de telles peines ou sanctions sont déjà établies en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance pour les mêmes infractions. Force est de constater que les communes ont de plus en plus régulièrement recours à la fiscalité comme instrument d’une politique non fiscale, notamment en matière d’urbanisme ou d’enlèvement des immondices qui sont des compétences transférées aux Régions. En l’occurrence, le pouvoir fiscal de la commune est restreint par la police administrative régionale en matière environnementale qui prévoit un système complet de sanctions environnementales. Par un jugement du 5 janvier 2012, le Tribunal de première instance de Bruxelles a rappelé que le pouvoir fiscal des communes « connaît deux limites. D’une part, l’objectif d’incitation ou de dissuasion doit rester accessoire : un impôt ne peut être établi à des fins uniquement dissuasives. D’autre part, la compétence fiscale des communes ne leur permet pas de s’emparer et de régler des matières qui relèvent des compétences d’autres collectivités politiques : elles doivent respecter les limites de leurs propres compétences ». En confrontant ces principes au cas qu’il avait à trancher, le Tribunal a jugé qu’en taxant (lourdement) les divisions d’immeubles irrégulières, c’est-à-dire sans permis d’urbanisme, la taxe équivaut à une véritable sanction pour infraction d’urbanisme, de sorte que les taxes ont été annulées86. La position du Tribunal de première instance de Bruxelles n’est pas isolée. La Cour d’appel d’Anvers avait déjà jugé qu’un impôt ne peut avoir pour but réel de pénaliser un comportement qui échappe, en vertu de la loi, aux autorités communales87. Dans un jugement motivé du 15 décembre 201088, le Tribunal de première instance de Namur a également jugé qu’il existait une « dérive qui consiste – pour les pouvoirs publics – à recourir à des dispositions de nature fiscale ou, en tout cas, présentées comme telles, pour parvenir à des objectifs étrangers à la gestion des finances publiques. En effet, lorsqu’elle excède la satisfaction des besoins fiscaux concrets de l’autorité qui l’instaure et met à mal la trésorerie de celui qui doit la supporter, une taxe perd sa nature fiscale et acquiert celle de pénalité : elle devient une sanction

qui réprime l’apparition ou le maintien de la situation qui entraîne son exigibilité. Elle devient, en d’autres termes, une amende ! Or, on ne peut manifestement confondre la notion d’impôt avec celle de sanction. L’impôt se définit (la défenderesse en convient ellemême en rappelant l’arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 1954) comme : « (…) un prélèvement pratiqué par voie d’autorité par l’État, les provinces ou les communes sur les ressources des personnes, qu’elles soient de droit public ou de droit privé, des associations de fait ou communautés, existant sur leur territoire ou y possédant des intérêts, pour être affecté aux services d’utilité publique ». Conçu comme tel, l’impôt doit – pour être légal – répondre à une série de critères fondamentaux tels que sa proportionnalité par rapport aux besoins qu’il doit couvrir, son adaptation à la capacité contributive de ceux qui doivent le supporter, l’absence de discriminations injustifiées, etc. L’impôt, une fois déterminé dans le respect de ces principes fondamentaux, ne peut jamais être modulé en fonction de la situation particulière du redevable : il est dû ou il ne l’est pas. Personne, ni le pouvoir taxateur qui le crée, ni l’administration qui est chargée de le percevoir, ni le juge saisi du contrôle de son exigibilité ne peut le réduire. Il en va tout autrement d’un prélèvement qui présente la nature d’une sanction, qui peut se moduler en fonction des situations particulières et faire l’objet d’un jugement portant non seulement sur sa légalité, mais aussi sur son opportunité ». Au regard de ces principes, le Tribunal estime que la taxe litigieuse, à savoir une taxe sur l’absence d’emplacements de parcage, « ne constitue pas un prélèvement fiscal au sens de l’article 170 de la Constitution, mais bien une sanction apportée à un comportement négatif du redevable en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Il ne s’agit même pas d’une sanction fiscale puisque celle-ci ne se conçoit que dans l’optique de la prévention et de la répression d’une faute relative au paiement d’un impôt principal. Ici, il n’y a pas d’impôt principal : le prélèvement constitue en lui-même et pour son entièreté une sanction de nature indemnitaire. On notera encore que ce prélèvement ne peut être qualifié de fiscal parce qu’il est fondamentalement aléatoire : son exigibilité dépend de circonstances qui échappent autant au pouvoir qui l’ordonne qu’au redevable potentiel lui-même. (…) Or, il est de l’essence d’un prélèvement fiscal d’alimenter le Trésor public : il doit être payable de manière effective, par le plus grand nombre possible de redevables. On ne pourrait concevoir un budget, en l’occurrence communal, qui reposerait sur des prélèvements simplement possibles, mais qui ne présenteraient aucune garantie d’exigibilité ! Ce constat conduit à la constatation de la nullité de la « taxe » litigieuse puisqu’elle correspond, en fait, à l’indemnisation d’un préjudice lié à une défaillance des demandeurs en matière d’amé-

(86) Civ. Bruxelles, 5 janvier 2012, R.G. nos 2009/7820/A et 2009/9398/A, inédit. (87) Anvers, 11 mars 1997, F.J.F, no 1997/179, p. 383. (88) Civ. Namur, 15 décembre 2010, R.G.C.F., 2011/2, pp. 180 et s.

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Doctrine nagement du territoire et d’urbanisme et non à un prélèvement destiné à équilibrer le budget de la défenderesse ». Rappelons qu’en choisissant la voie fiscale plutôt que la voie pénale pour sanctionner une faute, une commune prive les redevables de tous les droits et garanties élémentaires qui s’appliquent au droit pénal et au droit de la procédure pénale, telles que la présomption d’innocence, la coexistence d’un élément matériel et intentionnel de l’infraction, la personnalisation de la peine, le droit d’être entendu et de faire valoir ses moyens de défense avant que l’autorité inflige la sanction, le droit au sursis, etc. La notion de taxe ne peut dès lors pas se confondre avec la notion d’amendes car même si elles reviennent au même résultat quant à la compensation budgétaire d’une charge communale, les amendes qu’elles soient administratives ou pénales, ne peuvent se voir appliquer le régime de l’impôt89. L’examen attentif du règlement et de sa motivation doit permettre de vérifier la nature du prélèvement, s’il s’agit d’une taxe ou d’une amende et, par voie de conséquence de déterminer le régime légal qui s’y applique. Selon nous, il convient d’être particulièrement attentif à l’intitulé du règlement, aux objectifs exprimés dans son préambule, aux montants fixés (un montant élevé permettant de déduire que le règlement poursuit un objectif dissuasif principal), au fait générateur (si celuici repose sur l’existence d’une faute, la « taxe » est aléatoire en ce que son fait générateur dépend exclusivement du comportement du redevable et est alors sans lien avec les besoins budgétaires communaux qu’elle est censée couvrir, puisque son produit peut être nul si aucun redevable ne contrevient au comportement visé), etc. b) La motivation du fait générateur et l’examen du respect du principe d’égalité La règle de l’égalité des belges devant la loi contenue dans l’article 10 de la Constitution, celle de la nondiscrimination dans la jouissance des droits et des libertés reconnues aux Belges inscrite dans l’article 11 de la Constitution ainsi que celle de l’égalité devant l’impôt exprimée dans l’article 172 de la Constitution n’excluent pas qu’une distinction soit faite entre des catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable90 . Les mêmes règles s’opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des

catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes. La Cour de cassation a rappelé que « l’existence d’une telle justification doit s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l’impôt instauré. Le principe d’égalité est également violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »91. L’analyse du respect du principe d’égalité est – schématiquement – effectué en trois temps : - Dans un premier temps, il s’agit de vérifier la légitimité du but poursuivi. Ce contrôle de légitimité consiste à s’assurer que le but visé par le règlement sert l’intérêt général ; - Après avoir vérifié la légitimité du but poursuivi, il faut contrôler, dans un second temps, la justification des distinctions introduites dans le règlement-taxe : les distinctions reposent-elles sur des critères admissibles, objectifs, pertinents et suffisamment précis pour atteindre l’objectif poursuivi par le règlement-taxe ? - Enfin, dans un troisième temps, l’examen du respect du principe d’égalité implique un contrôle de proportionnalité de la mesure, c’est-à-dire entre les moyens employés et le but visé. Dans le cadre de sa compétence fiscale, la commune doit établir que, pour atteindre le(s) objectif(s) qu’elle s’est fixée, il existe un rapport raisonnable et proportionné entre la capacité contributive de la catégorie de contribuable visée et le taux ou le montant de la taxe. c) La motivation du taux et le principe de proportionnalité Les communes ont, en principe, le droit de créer sur leur territoire des impôts comme elles l’entendent (tant en ce qui concerne la matière imposable que la base imposable, les exonérations, le taux, etc.), aussi longtemps que ces impôts ne sont pas prohibés par une loi, qu’ils sont autorisés par l’autorité de tutelle et qu’ils ne sont pas contraires aux lois et aux principes généraux du droit. Ainsi, l’examen du respect du principe d’égalité implique également un contrôle de proportionnalité de la mesure. En effet, le juge doit examiner que la différence de traitement entre les contribuables et/ ou des faits imposables distincts doit être proportionnée à l’objet et à l’objectif de la taxe. Il a dés lors été jugé contraire aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution, une taxe sur l’occupation de la voie publique qui instaurait un taux forfaitaire pour les friteries indépendamment de la superficie occupée, alors que les terrasses des commerces du secteur ‘horeca’ étaient

(89) V. Sepulcre, « Fiscalité et parafiscalité : impôts, taxes, rétributions, amendes pénales et amendes administratives », Rev. dr. commun., Kluwer, 2006/1, p. 44. (90) Cass., 14 mars 2008, R.G. no F.06.0084.F., J.L.M.B., 2009/36, pp. 1700 à 1706. (91) Cass., 18 juin 2009, R.G. no F.07.0094.F. ; Cass., 14 mars 2008, op. cit. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes imposées au mètre carré, avec pour conséquence qu’une friterie, compte tenu de la superficie réduite qu’elle occupe normalement, subissait une imposition sensiblement supérieure92.

elle était basée, était arbitraire au motif que la commune avait procédé à une augmentation « substantielle » de son taux d’imposition sans aucune justification par rapport à l’exercice d’imposition précédent 99.

À différentes reprises, le Tribunal de première instance d’Anvers a également jugé contraire au principe de proportionnalité un règlement-taxe communal sur les immeubles inoccupés, en vertu duquel les habitations vides étaient soumises à un taux unique quelle que soit la raison de l’inoccupation93. Le Tribunal considère qu’il est discriminatoire de taxer au même taux la personne qui laisse volontairement son immeuble inoccupé et celui qui fait tout son possible pour transformer le bien inoccupé94.

Toutefois, dans un autre jugement, prononcé quelques mois plus tard, le Tribunal de première instance de Bruxelles, autrement composé, a adopté une position différente100.

Dans le respect des principes précités, les communes sont libres de déterminer le taux de taxation et, si les intérêts communaux le justifient, de l’augmenter d’un exercice d’imposition à l’autre.

Pour le Tribunal, le problème de savoir si le montant de la taxe n’est pas en soi « faramineux » et par là déraisonnable ou arbitraire, n’est pas un problème de régularité formelle du règlement-taxe, mais un problème de preuve en ce qu’il revient au contribuable de démontrer le caractère disproportionné de la taxe.

Pour la Cour d’appel de Gand, il revient au Conseil communal, lors de l’introduction d’une taxe ou de l’augmentation d’une taxe, de prendre ses responsabilités. Ni la loi ni aucun principe général de droit, dont les principes de bonne administration, n’obligent la commune à consulter un secteur donné avant de prendre sa décision concernant l’introduction ou l’augmentation d’une taxe communale95. Cependant, le montant de la taxe ne peut dépasser les limites du raisonnable et ne peut causer aucun préjudice disproportionné pour les contribuables concernés96. Dans un arrêt du 5 octobre 2006, la cour d’appel de Bruxelles a constaté, qu’aucune pièce produite par la commune ne permettait de retrouver la motivation de la fixation du montant à 2.500 francs par mètre carré de la taxe sur les emplacements de parcage. Selon la Cour d’appel de Bruxelles, il en résulte que le règlement-taxe est arbitraire et, partant, illégal, de sorte que la taxe doit être annulée97. Cet arrêt a été critiqué par la doctrine qui a estimé qu’il était excessif d’exiger de la commune qu’elle motive le taux de la taxe98, cette décision n’est cependant pas isolée. Dans un jugement du 10 septembre 2010, le Tribunal de première instance de Bruxelles a annulé une taxe communale jugeant que le règlement-taxe, sur lequel

Le Tribunal a ainsi jugé qu’il n’y avait aucune raison pour que les communes soient amenées à justifier le montant de la taxe. Autrement dit, la commune ne doit pas motiver une augmentation – même très importante – d’un taux de taxation.

Nous partageons l’avis développé par le Tribunal de première instance de Bruxelles dans ce second jugement : le problème du montant de la taxe ne se situe pas au niveau de la motivation ou de la justification du règlement-taxe, mais dans la vérification du caractère raisonnable et proportionnel des mesures prises par le règlement. Dans cette optique, un règlement-taxe peut être annulé au motif que la taxe qu’il introduit est prohibitive. Selon le Conseil d’État, il faut, pour qu’il y ait annulation, qu’il existe une disproportion manifeste entre la taxe établie et les facultés contributives de toutes les personnes soumises à la taxe. Pour le Conseil d’État, « l’appréciation de cette éventuelle disproportion doit se faire en tenant compte de tous les résultats des activités des redevables et de l’ensemble des personnes qui sont soumises à la taxe, et non uniquement en fonction de la seule situation subjective des requérants ; à cet égard, il n’est pas logique, comme le font les requérants, de procéder à une comparaison directe entre, d’une part, le montant de leur bénéfice net annuel résultant de l’exploitation de leur établissement (…) et, d’autre part, le montant annuel de la taxe communale »101. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’il ne pouvait annuler une taxe que « s’il existe une disproportion manifeste

(92) Gand, 31 mai 2011, F.J.F., no 2012/179 ; Civ. Bruges, 29 juin 2009, L.R.B., 2009, liv. 4, 274. (93) Civ. Anvers, 13 avril 2011, T.F.R., 2012, liv. 418, 315 ; Civ. Anvers, 24 juin 2011, Fisc. Act., 2012 (sommaire), liv. 15, 16. (94) Civ. Anvers, 25 mars 2011, L.R.B., 2011, liv. 4, 54. (95) Gand, 13 octobre 2009, Fiscologue, 2010, no 1222, 12. (96) C.E., 11 juin 2009, L.R.B., 2009, liv. 4, 270. (97) Bruxelles, 5 octobre 2006, F.J.F, no 2007/149. (98) J.P. M agremanne, « Principe d’égalité : justification objective et raisonnable des critères de distinction », J.L.M.B., 2009/36, p. 1705. (99) Civ. Bruxelles, 10 septembre 2010, R.G. no 2008/5485/A, inédit. (100) Civ. Bruxelles, 10 novembre 2010, R.G. no 2008/7093/A, inédit. (101) C.E., Vandenplas, Vanhoegaarden et Eggermont c/Ville de Namur, no 129.174 du 12 mars 2004.

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Doctrine entre la taxe établie et les facultés contributives des personnes soumises à la taxe ; que les éléments versés aux débats indiquent que la taxe litigieuse représente une charge de 12 pourcent des revenus de Mobistar ; que la légalité de la taxe ne doit toutefois pas être appréciée sur le vu de la situation de la seule requérante, mais de celle de toutes les personnes soumises à la taxe ; que les exploitants de commerces analogues à ceux que frappe la taxe attaquée, mais situés sur la voie publique, sont soumis à une taxe double de celle qui est attaquée, et que cette situation n’empêche pas cinq de ces commerces de poursuivre leur activité ; que ces éléments ne permettent pas de conclure à une disproportion telle que la taxe devrait être considérée comme illégale »102. Dans un arrêt subséquent, le Conseil d’État a rejeté l’argument déduit du caractère disproportionné du montant de la taxe en considérant qu’« aucun élément ne permet, par ailleurs, de conclure que la taxe, qui est plafonnée à 2.500 francs par jour, serait hors de toute proportion avec la faculté contributive de l’ensemble des personnes qui y sont soumises ; (…) qu’en l’espèce, il n’apparaît pas que la taxe litigieuse entraverait audelà du raisonnable l’exploitation des installations foraines »103. Par conséquent, l’affirmation selon laquelle une taxe aurait un caractère prohibitif doit être étayée par un minimum de données concrètes. Le redevable doit ainsi démontrer que la taxe a un effet préjudiciable sur la compétitivité de toutes les personnes appartenant à la même catégorie que lui. Le Tribunal de première instance de Bruxelles a également jugé que le contrôle juridictionnel du principe de proportionnalité « ne peut dès lors être abstrait, mais doit s’effectuer en fonction de la situation concrète des catégories de redevables »104. Le Tribunal ajoute que la « comparaison du taux de la taxe litigieuse avec celui de taxes similaires dans d’autres communes de la région bruxelloise ne constitue pas davantage un critère pertinent pour l’appréciation du respect du principe de la faculté contributive ». Le Conseil d’État partage ce point de vue. Pour lui également, lors du contrôle de proportionnalité du règlement-taxe, il ne faut avoir égard qu’à la situation dans la commune concernée, indépendamment des taxes similaires instaurées par d’autres communes. Selon le Conseil d’État, « une commune dispose d’une autonomie fiscale garantie par la Constitution, qui lui

permet de décider de son propre chef du taux d’une taxe, sans devoir en outre justifier pourquoi elle ne suit pas ce que d’autres communes font prétendument »105. 4. La portée de la motivation a) Le principe Le respect du principe de motivation matérielle du règlement-taxe n’implique pas pour l’autorité communale l’obligation d’envisager tous les cas particuliers auxquels la taxe est susceptible de s’appliquer. Pour la Cour de cassation, « lorsqu’une norme établissant un impôt vise des contribuables dont les situations sont diverses, elle doit nécessairement appréhender cette diversité avec un certain degré d’approximation de manière telle que les règles de l’égalité et de la non-discrimination n’exigent pas que la norme module l’imposition en fonction des particularités de chaque cas »106. Comme l’a aussi relevé le Conseil d’État, il ne peut raisonnablement être reproché à la commune de n’avoir envisagé que des situations existantes sur son territoire sans avoir pris en compte de cas comparables existants hors de son territoire107. La circonstance qu’un règlement instaurant une taxe ne frappe concrètement qu’un seul contribuable ne suffit pas à l’invalider s’il est conçu de manière à frapper identiquement tous autres contribuables potentiels qui viendraient à se placer dans une situation identique108. De même, l’application discriminatoire d’un règlement-taxe par les autorités communales, par exemple en enrôlant uniquement un ou plusieurs redevables et en omettant – volontairement ou non – d’enrôler d’autres contribuables appartenant pourtant à la même catégorie que les personnes enrôlées, n’est pas de nature à dispenser ces dernières de leurs obligations fiscales. Pour invoquer la nullité d’une taxe, la discrimination doit être juridique, c’est-à-dire que la différence de traitement invoquée doit trouver sa source dans le texte du règlement-taxe et non dans la manière dont celui-ci est appliqué. b) Le pouvoir de contrôle des juges sur la motivation du règlement-taxe Les juges, en ce compris la Cour de cassation, ont l’obligation, en vertu de l’article 159 de la Constitution, de contrôler la légalité des arrêtés applicables aux litiges dont ils sont saisis109.

(102) C.E., 8 février 1993, Rev. dr. comm., 1993, p. 238 (103) C.E., no 117.110 du 10 mars 2003. (104) Civ. Bruxelles, 6 octobre 2004, F.J.F., no 2006/148. (105) C.E., 11 juin 2009, L.R.B., 2009, liv. 4, 270. (106) Cass., 28 juin 2001, J.L.M.B., 2002/38, p. 1657. (107) C.E., Mobistar / Braine-le-Château, no 189.702 du 21 janvier 2009. (108) Civ. Namur, 12 décembre 2007, F.J.F., no 2009/157 ; C.E., 25 juin 2009, F.J.F., no 2010/29. (109) Cass., 12 septembre 1997, Pas., I, 854, no 349 ; Cass., 9 septembre 2002, Pas., I, 1568, no 426 ; Cass., 23 octobre 2006, Pas., I, 2121, no 502 ; Cass., 4 décembre 2006, C.D.S., 2008, p. 206. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes Il revient aux juges de vérifier qu’un règlement-taxe communal est matériellement motivé et qu’il repose sur des motifs exacts, pertinents et admissibles. Les juridictions saisies d’une contestation quant à la régularité du règlement doivent être en mesure d’exercer le contrôle qui leur incombe110.

Selon D. Lagasse, le juge « ne peut aller au-delà de cette compétence et substituer sa décision à celle de l’administration lorsque celle-ci dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation des faits, de l’opportunité de la décision. Sa compétence s’arrête là où commence le pouvoir d’appréciation de l’administration »114.

Pour pouvoir exercer le contrôle d’égalité et de légalité, les cours et tribunaux doivent pouvoir identifier correctement l’objectif poursuivi par la commune et la taxe litigieuse111.

Dans un arrêt du 4 mars 2004, la Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’administration qui prend une décision sur la base de sa compétence discrétionnaire dispose d’une liberté d’appréciation qui lui donne la possibilité de juger elle-même de la manière dont elle exerce cette compétence et de choisir la solution qui lui paraît la plus appropriée dans les limites fixées par la loi ; que le pouvoir judiciaire est compétent tant pour prévenir que pour sanctionner l’atteinte illicite à un droit subjectif commise par l’administration à l’occasion de l’exercice de sa compétence discrétionnaire, mais ne peut priver celle-ci de sa liberté de choix, ni se substituer à elle »115.

Par contre, le contrôle des objectifs et des critères de distinction ne peut amener le juge à s’ingérer dans la liberté de la commune de choisir la matière imposable. Il est traditionnellement « enseigné qu’il n’appartient pas au juge, lors de ce contrôle (d’égalité) de décider si une mesure prescrite par la loi est opportune (…). Il ne critiquera donc le choix du législateur que si les distinctions sont (manifestement) arbitraires ou déraisonnables, et il acceptera les mesures qui restent dans les limites de la marge d’appréciation du législateur en étant raisonnablement et objectivement justifiées et qui résistent donc au contrôle de la constitutionnalité »112. L’opportunité de la taxation échappe d’ailleurs au contrôle du Conseil d’État ou de toute autre juridiction113. Autrement dit, le contrôle de légalité exercé à l’égard d’un règlement-taxe ne peut être l’occasion de juger de l’opportunité d’établir une taxe sur une matière déterminée. Cela implique qu’un règlement-taxe ne devient pas illégal du seul fait que d’autres catégories de personnes auraient pu être taxées, à moins bien sûr que cette différence de traitement ne soit pas justifiée par des motifs susceptibles d’être déduits du dossier administratif. De son côté, la doctrine n’a pas manqué de souligner que lorsqu’une autorité administrative prend une décision en vertu de son pouvoir d’appréciation discrétionnaire, le pouvoir judiciaire ne peut la priver de sa liberté d’appréciation et se substituer à elle, en raison du principe de la séparation des pouvoirs.

Dans ses conclusions précédant l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2006, l’Avocat général Thijs116 a rappelé, en ces termes, la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’application des articles 10, 11 et 172 de la Constitution dans le contentieux des taxes locales : - le contrôle exercé par le juge à l’égard d’un règlement-taxe à un caractère marginal117 ; - le juge ne peut se placer sur le terrain de l’opportunité, de l’efficacité ou de l’action politique mais uniquement sur celui de la conformité à la loi118 ; - le constat d’une violation implique l’existence d’une disproportion manifeste119 ; - une différence de traitement fiscal peut être instaurée entre diverses catégories de personnes déterminées, pour autant qu’elle soit justifiée de manière objective et raisonnable. Une justification objective et raisonnable n’implique pas que l’autorité faisant une distinction entre des contribuables doive apporter la preuve que la distinction ou l’absence de distinction aurait nécessairement des effets déterminés ; que l’apparence raisonnable de l’existence ou de l’éventuelle existence d’une justification objective de ces catégories suffit à établir si leur instauration est objective et raisonnable120 ;

(110) C.E., 3 juillet 1998, no 74.949, J.L.M.B., 1998, p. 1557. (111) Civ. Liège, 16 septembre 2009, R.G. no 08/4861/A, inédit. (112) V. Sepulchre, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2004, no 1-67, p. 51 ; voy. aussi no 2-188, p. 109. (113) B. Lombaert, op. cit., p. 4. (114) D. L agasse, « Le principe de la séparation des pouvoirs en droit de la sécurité sociale », obs. sous Cass. 10 juin 1996, R.C.J.B., 1996, p. 461 et spécialement p. 465. (115) Cass., 4 mars 2004, J.T., 2004, p. 382 ; voyez également Cass., 12 décembre 2003, R.G. no C.00.0578.F. (116) Conclusions avant Cass. 17 novembre 2006, R.G. no F.04.0015. (117) E. Krings, « L’égalité en matière fiscale dans la jurisprudence de la Cour de Cassation », in Protection des droits fondamentaux du contribuable, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 82, no 30. (118) Cass., 5 octobre 1990, Pas., 1991, I, 123, avec conclusions de l’av.-gén. D’Hoore ; Cass., 30 avril 1992, Pas., 1992, 767 ; C.C., 13 janvier 1991, n° 2/91, B.10 ; C.C., 4 juillet 1991, no 20/91, B.10. (119) M. De Jonckheere, De gemeentelijke belastingbevoegdheid. Fiscaaljuridische aspecten, Bruges, die Keure, 1996, p. 121, nr. 114 ; M. Boes, « Rechter en bestuur. Redelijkheid, zorgvuldigheid en marginale toetsing », in Liber Amicorum Jan Ronse, Bruxelles, Story-scientia, 1986, 8 ; J. Van Houtte, Beginselen van het Belgisch belastingrecht, Gand, Story-Scientia, 1979, 143 ; F. Debaedts, « De algemene rechtsbeginselen in het administratief recht », in Algemene rechtsbeginselen, Kluwer Rechtswetenschappen, Antwerpen, 1991, 258. (120) Cass., 1er octobre 1999, Pas., 1999, I, 496.

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Doctrine - l’interdiction d’établir une distinction arbitraire entre les redevables n’implique pas que le critère de distinction doit être en rapport avec la nature et le but de la taxe121. À cet égard, la Cour de cassation a prononcé un arrêt le 14 mars 2008 qui reprécise l’obligation qui pèse sur une autorité administrative lorsque celle-ci établit une distinction entre des catégories de personnes dans le cadre de l’exercice de son pouvoir fiscal. Notre Cour suprême a jugé que « l’exigence de justification objective et raisonnable n’implique pas que l’autorité publique qui opère une distinction entre des catégories de contribuables doive fonder celle-ci sur des constatations et des faits devant être prouvés concrètement devant le juge ni apporter la preuve que la distinction ou l’absence de distinction aura nécessairement des effets déterminés. Il suffit qu’il apparaisse raisonnablement qu’il existe ou qu’il peut exister une justification objective pour ces différentes catégories. L’arrêt rejette la justification donnée par la demanderesse non seulement pour le motif qu’il n’existe pas de rapport objectif et proportionnellement raisonnable entre l’établissement de la taxe et l’objectif financier éventuellement poursuivi par la ville, mais aussi par le motif, lié au précédent, que la demanderesse ne prouve pas la réalité des faits sur lesquels elle se fonde et qu’elle met la cour d’appel « dans l’impossibilité de vérifier la réalité et le bien-fondé de son argumentation ». Il viole ainsi les dispositions constitutionnelles visées en cette branche du moyen »122. La jurisprudence citée met un frein à une certaine jurisprudence qui aboutissait à habiliter le juge à exercer un contrôle de plus en plus approfondi sur les décisions prises par les communes à l’occasion de l’adoption d’un règlement-taxe. Ainsi, il n’incombe pas à une commune de fournir des justifications très concrètes à la distinction qu’elle établit, par le biais de son règlement-taxe, entre des catégories de personnes. Le caractère objectif du critère de distinction et son caractère raisonnable lors de l’établissement d’une taxe doivent être appréciés de façon abstraite. Cet arrêt a été approuvé par la doctrine, selon laquelle « demander à une commune ou province de démontrer concrètement les faits sur lesquels elle s’est fondée pour introduire une distinction ou pour ne pas en introduire, et de prouver concrètement les effets de la distinction introduite ou de l’absence de distinction, obligerait cette commune ou province à effectuer des études coûteuses et paralysantes. La commune ou la province peut donc se contenter de justifier les distinctions ou absences de distinctions par des considérations abstraites, mais bien entendu objectives et raisonnables »123.

En d’autres termes, le dossier constitué préalablement à l’adoption d’un règlement-taxe ne doit pas contenir des éléments d’information révélant que la commune a procédé à une étude en vue de déterminer la catégorie de personnes qui devait être soumise à la taxe. En décidant que le critère de distinction et son caractère raisonnable doivent être appréciés in abstracto, la Cour de cassation restreint le contrôle du juge à un contrôle marginal. En pratique, le rôle du juge s’apparente à un subtil jeu d’équilibriste entre, d’une part, l’obligation qui lui incombe de rechercher et d’examiner les motifs qui ont précédé l’adoption du règlement-taxe, afin de vérifier que celui-ci respecte les règles de la légalité et de l’égalité, et d’autre part, l’obligation de retenue dans son examen de ce qui relève du pouvoir d’opportunité de la commune. 5. La référence à la situation des finances communales Bien souvent, les communes justifient l’adoption d’un règlement-taxe par un but exclusivement financier, exprimé par une référence, dans le préambule, à la « situation financière de la commune ». L’argument alors avancé est que l’établissement d’une taxe poursuit toujours un objectif financier et qu’une taxe a nécessairement pour objectif l’amélioration des finances communales. La situation financière de la commune constituerait à lui seul un objectif légitime de sorte que la simple référence aux finances communales suffirait pour que le règlement soit régulièrement motivé. La « situation financière de la commune » constituet-elle une motivation matérielle adéquate d’une taxe communale, tant dans son principe que dans ses modalités (taux, fait générateur, différences de traitement, etc.) ? Dans son principe, déjà, on peut douter que la seule référence stéréotypée, dans les préambules, à la « situation financière de la commune », constitue une justification complète et suffisante de l’instauration d’une taxe communale (indépendamment de ses modalités). L’amélioration des finances communales est certes un but louable et légitime pour autant qu’il soit nécessaire. Toutefois, la seule affirmation de la nécessité de créer une taxe pour améliorer les finances communales peut apparaître insuffisante, si la commune ne démontre pas, au moyen d’éléments probants, que l’état de ses finances ou de son budget appelle l’établissement

(121) Cass., 21 décembre 1982, Pas., 1983, 496-497 ; Cass., 26 janvier 1989, Pas., 1989, 565. (122) Cass., 14 mars 2008, J.L.M.B., 2009/36, pp. 1700 à 1706. (123) J‑P. M agremanne, « Principe d’égalité : justification objective et raisonnable des critères de distinction », obs. sous Cass., 14 mars 2008, J.L.M.B., 2009/36, pp. 1700 à 1706. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes d’une nouvelle taxe. À défaut, le règlement envisagé pourrait constituer un détournement de pouvoir. En effet, l’établissement d’une taxe ou d’un impôt doit permettre à l’autorité locale d’exercer ses compétences et prérogatives communales, ainsi que d’assurer le fonctionnement de ses services. Dans certains cas, l’impôt communal aura également une fonction dissuasive visant à réfréner des comportements ou des situations jugées nuisibles à l’intérêt des citoyens de la commune124. De même, le règlement-taxe peut également avoir une fonction incitative. Dans la perspective d’une gestion financière saine, la politique fiscale d’une commune doit tendre vers un budget en équilibre – voire, dans un souci préventif, à dégager un léger surplus125. Par contre, il est interdit à l’autorité publique communale de rechercher l’enrichissement pur et simple ou de dégager des moyens disproportionnés par rapport aux dépenses auxquelles elle doit faire face dans l’exercice de ses missions. D’aucuns estiment que les besoins financiers de la commune échappent à un contrôle juridictionnel. Le Conseil d’État considère traditionnellement que l’appréciation de la nécessité financière de lever une nouvelle taxe relève d’un jugement de pure opportunité du Conseil communal. Comme le critiquent certains auteurs « le Conseil d’État se borne souvent à constater que le requérant ne prouve pas que la taxe n’aurait pas été établie afin de procurer à la commune les recettes indispensables à l’équilibre de son budget ». Il semble par conséquent « inutile de tenter de prouver, devant le Conseil d’État, que la collectivité ne se trouve pas dans un état de « nécessité financière » justifiant l’établissement d’un nouvel impôt »126. En effet, dans un arrêt du arrêt du 20 octobre 2011, le Conseil d’État a rappelé que « si en l’espèce, le dossier administratif de la commune ne contient pas de pièces justifiant la situation financière de la commune, la nécessité de la taxe litigieuse au regard des besoins financiers de la commune, ne peut être remise en cause »127. La pertinence de l’adoption d’un nouveau règlementtaxe vis-à-vis de la situation financière de la commune relève effectivement de l’examen d’opportunité et du pouvoir discrétionnaire de la commune, de sorte que son contrôle appartient à l’autorité de tutelle et non au juge. Ce dernier, toutefois, dans sa mission de vérification de la légalité du règlement-taxe ne peut se satisfaire d’une

motivation stéréotypée visant simplement la situation financière de la commune. Pareille formulation équivaut bien souvent à une simple clause de style. Ainsi, dans un jugement du 16 octobre 2008, le Tribunal de première instance de Liège, a constaté que la commune « n’a pas estimé devoir justifier cette taxe annuelle indirecte par d’autres motifs que les « finances communales » visées dans le préambule du règlementlitigieux. La défenderesse ne détermine donc pas le but visé par la taxe ni n’exprime clairement un critère objectif et raisonnable de nature à justifier si les moyens utilisés sont pertinents par rapport aux objectifs poursuivis ». Selon le Tribunal, il en découle non seulement que « l’équilibre budgétaire général ne peut constituer un motif valable pour justifier un règlement » et que « la commune ne démontre pas en quoi une telle taxe s’avérait nécessaire à l’équilibre des finances communales ». Le Tribunal poursuit en affirmant qu’il appartenait de toute façon à la commune « de démontrer les raisons concrètes, précises et pertinentes appelant à la taxation de certains immeubles. Il est ainsi impossible de démontrer les raisons concrètes, précises, et pertinentes de la mesure et d’exercer le contrôle de la légalité dudit règlement ». Dans un autre jugement, le Tribunal de première instance de liège a également estimé que « le seul équilibre budgétaire général ne peut constituer un impérieux et évident motif d’intérêt général requis par l’article 1er du Protocole no 1 additionnel à la Convention européenne de droits de l’homme qui garantit le droit au respect des biens et consacre le droit des États de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général »128. Selon le Tribunal, il appartient donc à la commune de justifier le choix du fait générateur et le taux de la taxe choisi. À défaut, la commune place les destinataires et les juridictions dans l’impossibilité de vérifier que le choix opéré n’est pas arbitraire et que la taxe ne l’est pas davantage. Le Tribunal de première instance de Liège a confirmé sa jurisprudence à plusieurs reprises129. Par deux jugements des 3 et 17 mars 2011, le Tribunal de première instance de Namur a jugé que les communes ne peuvent se borner à se fonder sur le critère de leur seule situation financière pour justifier le choix du contribuable, au motif que le seul équilibre budgétaire général ne peut constituer un impérieux et évident motif d’intérêt général requis par l’article 1er du protocole no 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, directement applicable en droit belge, qui garantit le droit au respect des biens et consacre le droit des États de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général130. Pour le Tri-

(124) Supra, p. 17. (125) En ce sens : C.E., 23 décembre 2002, F.J.F., no 2003/239. (126) E. Willemart, « Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal », Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 61 ; B. Lombaert, op. cit., p. 6 et références citées ; voy. également M. De Jonckheere, Gemeentelijke belastingbevoegdheid – Fiscaaljuridische aspecten, die Keure, 1996, pp. 61 et s. (127) C.E., s.a. Mediapub, no 215.929 du 20 octobre 2011. (128) Civ. Liège, 27 mai 2010, inédit. (129) Civ. Liège, 22 octobre 2009, R.G. no 08/5941/A, inédit ; Civ. Liège, 21 septembre 2009, R.G. no 08/5562/A, inédit ; Civ. Liège, 16 septembre 2009, R.G. no 08/4891/A, inédit. (130) Civ. Namur, 3 mars 2011, R.G.C.F., 2011/4, pp. 341 à 347 ; Civ. Namur, 17 mars 2011, R.G.C.F., 2011/4, pp. 348 à 350.

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Doctrine bunal, « le seul objectif clairement formulé de recueillir les moyens financiers nécessaires ne constitue ni un objectif pertinent ni davantage un motif d’intérêt général ; l’article 1er du protocole précité a donc été violé. Plus concrètement, le défendeur [la commune] n’a pas démontré en quoi une telle taxe s’avérait nécessaire à l’équilibre des finances communales ». Le Tribunal conclut que les autorités communales sont en défaut de produire les justifications nécessaires quant au choix du fait générateur, quant au choix des redevables et quant au taux de la taxe. Pour le Tribunal, un tel manquement « rend impossible aux destinataires et aux juridictions de vérifier que le choix opéré n’est pas arbitraire que la taxe ne l’est pas davantage ». Il en résulte que les taxes litigeuses reposent sur des règlements-taxes qui violent les principes d’égalité et de non-discrimination visés par les règles constitutionnelles. En conséquence, le Tribunal annule les cotisations litigieuses. Dans un arrêt du 14 janvier 2011131, la Cour d’appel de Mons estime, à l’instar du Tribunal de première instance de Namur, qu’une commune ne peut motiver l’adoption d’un règlement-taxe par la seule référence à sa situation financière. En effet, comme le souligne la Cour, « la poursuite d’un tel objectif justifie de soumettre à la taxe le plus grand nombre possible de contribuables et non de restreindre son champ d’application à certaines catégories de personnes ».

décidé de ne mettre cette taxe générale qu’à charge de certains contribuables. En effet, si le motif des finances communales justifie sans doute l’existence d’une taxe, au regard du pouvoir des communes de lever des taxes, il ne justifie pas pourquoi n’est imposée qu’une catégorie particulière de citoyens133. Pour Madame Elisabeth Willemart : « certains objectifs peuvent, en effet, justifier de manière générale, l’adoption de la norme entreprise, sans expliquer précisément l’établissement d’une différence de traitement. Il en va ainsi de l’objectif financier poursuivi par toute disposition fiscale. Cet objectif, systématiquement mis en relief par la Cour d’arbitrage est pourtant rarement la cause des différences de traitement soumises à son appréciation. S’il permet toujours de justifier l’établissement d’un impôt, l’objectif financier, n’explique pas à lui seul, que le pouvoir taxateur opère des distinctions entre les contribuables »134 . Sans autre intention que l’amélioration des finances communales, le choix de mettre la taxe à charge d’une catégorie de redevables plutôt qu’une autre s’avérera toujours arbitraire. La jurisprudence récente abonde en ce sens.

Le 26 octobre 2011, le Tribunal de première instance de Mons a également jugé qu’il était « contradictoire pour une commune d’une part de vouloir améliorer sa situation financière et d’autre part, de limiter le champ d’application de la taxe et, partant, de réduire son rendement »132.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’au regard du principe de motivation matérielle combiné à celui de nondiscrimination, le but purement budgétaire d’une taxe ne justifiait pas, dans le cas d’espèce, une différence de traitement entre deux catégories de contribuables comparables135.

S’agissant des choix opérés dans le règlement-taxe, tels que les différences de traitement ou les exonéra­ tions, en revanche, il nous paraît que la simple volonté d’améliorer les finances communales ne peut, en toute hypothèse, constituer une justification suffisante.

Pour la Cour d’appel de Gand, la motivation par renvoi à la situation financière de la commune justifie l’établissement d’une taxe mais ne légitime pas la différence de traitement entre une catégorie de contribuable et un autre plus lourdement taxée136.

Nous estimons que la motivation d’un règlement-taxe doit être plus précise dans tous les cas où un règlement-taxe ne reposerait que sur des raisons budgétaires ou financières car, à défaut de motivation autre que budgétaire, il y a lieu de considérer que la taxe constitue une « taxe générale ». Or, lorsqu’une taxe constitue une taxe générale, son assiette doit être, par nature, la plus grande possible et le règlementtaxe doit viser le plus grand nombre de contribuables. Il revient dès lors à l’autorité taxatrice d’apporter une motivation plus pointue, en expliquant pourquoi elle a

De même, la Cour d’appel d’Anvers considère qu’une taxe communale qui a pour seul but d’assurer le financement des services publics ne permet pas de justifier de manière objective la différence de traitement entre les redevables établie par le règlement-taxe137. Dans une décision du 7 mars 2008, le Tribunal de première instance de Bruxelles a jugé qu’« en l’absence de justification, de la part des autorités communales, quant au choix des redevables et quant au taux de la taxe choisi, il lui (le contribuable) est, précisément,

(131) Mons, 14 janvier 2011, F.J.F., no 2011/269. (132) Civ. Mons, 26 octobre 2011, R.G. no 10/2154/A, inédit. (133) Civ. Mons, 22 novembre 2011, R.G. no 06/3094/A, inédit. (134) E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 181. (135) Cass., 17 novembre 2006, R.G. no F.04.0015.N, www.cass.be ; voy. aussi les conclusions de l’avocat-général Dirk Thijs précédant l’arrêt (avis conforme). (136) Gand, 15 décembre 2009, T.F.R., 2010/40, 556. (137) Anvers, 21 décembre 2010, L.R.B., 2011, liv. 4, 44 ; Anvers, 19 octobre 2010, R.G. no 2009/1398, inédit. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes impossible de vérifier que le choix opéré n’est pas arbitraire, et dès lors, que la taxe litigieuse ne l’est pas non plus ». Le Tribunal précise enfin que « l’exigence de l’existence d’une telle motivation ne bat pas en brèche le principe de l’autonomie fiscale des communes. Cette exigence permet aux redevables de la taxe de s’assurer du caractère raisonnable, proportionné et non arbitraire de la taxe »138. La Cour d’appel de Liège affirme elle aussi que de simples considérations financières ne peuvent justifier à elles seules une différence de traitement139. Notons que la jurisprudence du Conseil d’État est plutôt versatile dans cette matière et semble varier selon l’objet du règlement. Ainsi, dans le cadre de l’important contentieux relatifs aux taxes sur les pylônes GSM, le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises « qu’en l’espèce, le préambule du règlement-taxe se borne, dans une phrase standard, à viser « la situation financière de la commune » (…) ; que si le motif figurant dans le préambule du règlement et tiré de la situation financière de la ville justifie l’existence d’une taxation, cette référence ne permet toutefois aucunement de comprendre pourquoi la taxe concernée est due par les seuls propriétaires de pylônes de diffusion pour GSM installés sur le territoire communal (…) ; qu’il s’ensuit que faute de connaître le but poursuivi par l’auteur du règlement-taxe litigieux, le Conseil d’État est dans l’impossibilité de vérifier si la différenciation faite repose sur un critère susceptible de justification objective et raisonnable140 ; Par contre, dans le cadre des litiges portant sur les règlements-taxes sur les imprimés publicitaires de type « toutes-boîtes », le Conseil d’État adopte une toute autre posture. En effet, pour ce type de règlement, la Haute Juridiction administrative, considère, même dans les cas où le règlement-taxe vise, « dans une phrase standard », la seule situation financière de la commune et que le dossier administratif ne reprend aucune autre motivation, « qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à une commune, lorsqu’elle établit une taxe justifiée par l’état de ses finances, de la faire porter par priorité sur des activités qu’elle estime plus critiquables que d’autres ou dont elle estime le développement peu souhaitable »141. Le Conseil d’État ajoute que « lorsque, dans un règlement-taxe, le conseil communal prévoit des exemptions et des dérogations, il poursuit un objectif spécifique qui ne se confond pas avec les finalités assignées à la taxe »142. Le Conseil

d’État décide donc d’autorité que le fait de prévoir des causes d’exonération démontre à suffisance que le règlement-taxe poursuit d’autres objectifs que celui de l’amélioration des finances communales. À notre sens, cette jurisprudence va à l’encontre du principe selon lequel il n’appartient pas aux cours et tribunaux, ni au Conseil d’État, alors que rien n’indique qu’un motif accessoire aurait été envisagé par l’autorité taxatrice lors de l’adoption du règlement-taxe, de rechercher et de déterminer d’autorité un tel motif sur lequel serait également basée la taxe, en se substituant à l’autorité communale et faisant pour ainsi dire œuvre réglementaire143. Le Conseil d’État se permet alors de déduire un motif implicite et accessoire étant – en l’espèce – le souci de compenser les frais générés par la gestion des déchets que constitueront un jour les imprimés « toutes-boîtes »144 pour conclure que la distinction opérée par les communes quant aux choix des redevables et des différences de taux d’imposition ne méconnaît pas le principe d’égalité. Ce manque d’uniformité dans la jurisprudence du Conseil d’État est source d’une insécurité juridique certaine, puisque tantôt la seule référence aux finances communales sera jugée insuffisante pour vérifier si la différenciation faite dans un règlement-taxe repose sur un critère objectif et raisonnable, tantôt cette référence sera jugée suffisante et il est renvoyé au juge le soin de rechercher un objectif accessoire permettant de justifier les différenciations effectuées dans le règlement. Il nous semble, dès lors, indiqué qu’en vue de restaurer l’unité de jurisprudence, la question soit soumise, à l’occasion d’un recours en annulation, à l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Cette critique envers le Conseil d’État peut également être formulée à l’encontre des cours et tribunaux. En effet, certaines décisions récentes ont légitimé les distinctions opérées par des règlements-taxes en interprétant la formule stéréotypée « vu les finances communales », non seulement comme la poursuite d’un objectif financier général, mais également comme poursuite d’un objectif particulier visant à compenser les (prétendues) pertes financières engendrées par l’activité ou la situation taxée. Ainsi, la Cour d’appel de Bruxelles a jugé, dans un arrêt du 13 décembre 2012, que la commune, dont le règle-

(138) Civ. Bruxelles, 7 mars 2008, R.G.C.F., 2008/4, p. 345. (139) Liège, 27 avril 2012, R.G. no 2010/614, inédit. (140) C.E., s.a. Mobistar, no 176.930 du 20 novembre 2007 ; C.E., s.a. Mobistar, no 187.324 du 24 octobre 2008 ; C.E., s.a. Mobistar, no 189.666 du 20 janvier 2009 ; C.E, s.a. Mobistar/Commune d’Ixelles, no 200.076 du 26 janvier 2010. (141) C.E., s.a. Médiapub no 193.256 du 13 mai 2009 ; C.E., s.a Médiapub, no 215.929 du 20 octobre 2011. (142) C.E., s.a. Médiapub, no 215.929 du 20 octobre 2011. (143) Supra chapitre 3.2. (144) C.E., s.a. Médiapub, no 193.256 du 13 mai 2009.

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Doctrine ment-taxe sur les parkings vise dans son préambule la « situation financière de la commune », poursuit un but financier visant l’amélioration de sa situation financière « ce qui implique une gestion de ses coûts »145. Pour la Cour, la commune fait valoir « à bon droit » que « des grands parkings de grandes surfaces commerciales engendrent des coûts financiers supplémentaires pour elle, en terme d’aménagement et d’entretien des voiries communales et des quartiers environnants et du maintien d’une circulation fluide sur son territoire, compte tenu du charroi plus important que de tels grands parkings de grandes surfaces commerciales drainent et qui génère plus de circulation et de pollution, eu égard à la grande concentration de clients avec des pics certains jours de la semaine et du weekend ». En conséquence, la Cour estime que les exonérations prévues par le règlement-taxe (en l’espèce : les parkings de moins de 15 emplacements, les parkings de bureaux et les parkings de logements) ne sont pas discriminatoires, la différence de traitement fiscal étant « raisonnablement justifiée par rapport aux buts financiers de la taxe litigieuse et à ses effets ». Cet arrêt nous paraît discutable. Tout d’abord, parce que la Cour d’appel a pris en compte des motifs invoqués par la commune dans le cadre de la procédure et qui ne figuraient pas dans le dossier administratif préalable à l’adoption du règlement litigieux, à savoir les prétendues nuisances à l’aménagement des voiries et à la circulation. Ensuite, il nous paraît que le juge a fait usage d’une interprétation extensive « de la situation financière de la commune », alors qu’en matière fiscale, il est de principe que les dispositions sont d’interprétation stricte. Selon nous, le motif « de la situation financière de la commune » ne peut donc pas être étendu à plusieurs objectifs financiers, l’un général (et explicite) visant l’amélioration financière de la commune, l’autre particulier (et implicite) visant à compenser les prétendus coûts liés aux parkings commerciaux, sauf si cet objectif particulier a été expressément prévu ou envisagé par la commune lors de l’adoption du règlement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Pour ces mêmes raisons, nous ne pouvons rejoindre la position de la Cour d’appel de Mons qui, dans un arrêt du 21 décembre 2011, a considéré que le motif de la situation financière, invoqué par la commune dans son règlement-taxe sur la distribution des imprimés publicitaires, « comprend au moins implicitement l’équilibre budgétaire à atteindre et donc, le souci de

diminuer le coût de la collecte et de l’enlèvement des déchets par les services communaux »146. Le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Liège le 10 décembre 2012 ne peut non plus être suivi lorsqu’il affirme que l’amélioration des finances communales, reprise comme motif dans le préambule du règlementtaxe vise aussi à faire contribuer un opérateur dont l’activité économique a « un impact direct économique et financier sur les finances communales »147, le juge ne pouvant pas reconnaître un objectif financier particulier qui n’est pas expressément invoqué par le règlement-taxe ou qui n’est pas repris dans le dossier administratif préalable. Le juge ne peut donc pas, selon nous, déduire de l’objectif budgétaire lié à la « situation financière de la commune », un objectif financier particulier qui n’est pas expressément invoqué par le règlement-taxe ou qui n’est pas repris dans le dossier administratif préalable, pour justifier le choix de ne taxer que certaines catégories de personnes. Ce faisant, le juge se substitue à l’autorité compétente en adoptant un jugement d’opportunité dont il n’a pu s’assurer objectivement qu’il avait présidé à l’adoption du règlement-taxe. D’autant que cet objectif particulier implicite visant à compenser l’impact que la situation taxée génère prétendument sur les finances communales ne repose généralement que sur des allégations des communes qui ne sont pas démontrées. Par ailleurs, cet objectif financier particulier entre généralement en conflit avec l’objectif financier général dont il est pourtant implicitement déduit : ainsi, l’objectif financier particulier justifiant de ne taxer que certaines activités économiques jugées plus coûteuses ou moins profitables pour la commune, va à l’encontre de l’objet financier général justifiant, au contraire, de taxer la totalité des activités économiques concernées. Pourquoi la commune fait-elle, au regard de sa situation financière, l’impasse sur les ressources que pourraient lui procurer certaines activités ou situations comparables ?148 Dans un jugement du 12 décembre 2012, le Tribunal de première instance de Mons a ainsi jugé qu’il ne pouvait pas avoir égard au motif implicite invoqué par la commune pour justifier l’adoption d’un règlementtaxe sur la distribution d’imprimés publicitaires, ce motif étant relatif aux frais qu’occasionne ce type de distribution sur les finances communales. Le Tribunal a considéré que ce motif ne ressortait pas du règlement litigieux et qu’il n’était pas fondé, étant donné que la commune ne démontrait pas d’une part, que les impri-

(145) Bruxelles, 13 décembre 2012, R.G. no 2007/AR/1005, inédit. (146) Mons, 21 décembre 2011, R.G. no 2007/AR/1005, inédit. (147) Civ. Liège, 10 décembre 2012, R.G. no 12/2672/A, inédit. (148) En ce sens, Cass., 16 novembre 2006, R.G. no F050072F, F.J.F., 2007, p. 475 : « Viole les articles 10 et 11 de la Constitution, une exonération d’une taxe communale sur l’occupation de la voie publique par des cloisons, barrières, échafaudages et dépôts de matériaux ou de matériel, en faveur des travaux relatifs à la construction de logements sociaux, lorsqu’une telle exonération est contradictoire avec le but financier prépondérant lors de l’établissement de la taxe ; au vu d’un tel objectif prépondérant, il n’est alors pas objectif et raisonnable pour la ville en cause de se priver de ressources en dispensant les sociétés de logements sociaux du paiement de la taxe lorsqu’elles occupent la voirie dans le cadre de leurs activités susceptibles de créer autant d’encombrements que s’il s’agissait de construire d’autres immeubles » ; Voy. également Liège, 15 septembre 2004, F.J.F., 2007, p. 759 ; Liège, 11 mai 2007, F.J.F., 2009, p. 339. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes més publicitaires visés par le règlement occasionnent plus de déchets que les autres imprimés publicitaires ni, d’autre part, que ces mêmes imprimés entraînent plus de frais que les autres imprimés publicitaires non visés par la taxe149. De même, dans un arrêt du 11 mars 2011, le Conseil d’État avait justement rappelé que « le motif déduit de la situation financière de la commune justifie peutêtre l’existence de l’impôt. Ce motif ne constitue en revanche pas une justification raisonnable de la distinction opérée entre les propriétaires (et subsidiairement les utilisateurs) des bâtiments, essentiellement utilisés pour le traitement d’informations, et les propriétaires ou les utilisateurs de bâtiments qui ont une autre destination ou utilisation. La partie requérante énonce à juste titre que la référence à la ‘situation financière de la commune’ dans un règlement-taxe communal est une formule de style générale. Le véritable but poursuivi n’est pas établi. Le Conseil d’État se trouve dès lors dans l’impossibilité d’examiner si la distinction opérée repose sur un critère objectivement et raisonnablement justifiable »150. Pourtant, dans cette affaire, la commune avait tenté d’invoquer, dans ses écrits de procédure, des justifications plus précises. Afin de rencontrer les exigences en matière de motivation matérielle, elle essayait de rattacher ces explications, tant bien que mal, à l’objectif figurant dans le règlement-taxe, et déduit de la « situation financière de la commune ». En effet, elle affirmait que la taxe visait à compenser les pertes de recettes communales consécutivement à la réduction des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques. Dès lors qu’il s’agit d’un argument budgétaire, la commune semblait considérer qu’il était lié à sa situation financière générale, de sorte que ce motif implicite se déduisait valablement du règlement-taxe. Le Conseil d’État n’a pas suivi ce raisonnement. En effet, selon lui, « cet objectif invoqué par le conseil de la partie adverse n’est pas mentionné dans le règlement-taxe, et ne peut être déduit du dossier administratif ». L’arrêt du Conseil d’État doit être approuvé. Une formulation aussi vague et stéréotypée que « la situation financière de la commune » peut – et doit ! – s’appliquer à toute taxe généralement quelconque. Elle est transposable à tout règlement-taxe quel qu’il soit, puisque pareil règlement poursuit par définition un but essentiellement fiscal ou budgétaire. Par contre, méconnaît le principe de motivation matérielle la thèse consistant à déduire de la seule référence

situation financière de la commune » une à la «  justification précise liée à des pertes de recettes ou à des dépenses particulières liées à certaines situations spécifiques (taxées), tandis que d’autres situations n’engendreraient pas de telles dépenses ou pertes de recettes, alors que ces justifications financières ne peuvent être déduites du dossier administratif. En conclusion, il nous apparaît arbitraire d’admettre que la seule référence à la « situation financière de la commune » puisse s’entendre comme la recherche d’une compensation ou d’une contrepartie aux frais prétendument occasionnés au budget de la commune par l’activité ou la situation génératrice de la taxe. Une telle déduction, lorsqu’elle ne s’appuie sur aucune pièce du dossier administratif, procède d’un jugement d’opportunité qu’il n’appartient pas au juge de faire. D’autant qu’une telle déduction est souvent contredite par l’objectif purement budgétaire, visant à taxer le plus grand nombre. Et d’autant, enfin, qu’un impôt n’a, sauf indication contraire dans le dossier, pas vocation à couvrir des dépenses spécifiques, n’étant, en principe, pas affecté. Si exceptionnellement, la taxe est destinée à couvrir certaines dépenses ou pertes de recettes, cet objectif doit ressortir du dossier administratif. 6. La pertinence de la motivation a) L’examen de comparabilité Les règles précitées impliquent qu’à partir du moment où la commune décide d’autorité de créer des distinctions entre citoyens, notamment en établissant des taux d’imposition différents selon des catégories de contribuables, ou en prévoyant des catégories de personnes exonérées, elle doit impérativement justifier sur la base de considérations objectives, pertinentes et raisonnables le choix effectué en tenant compte du but poursuivi par le règlement et des effets de celui-ci. En d’autres mots, la commune a le droit d’établir des distinctions entre les contribuables, à condition qu’il y ait une explication objective et raisonnable à cela151 et que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient imposés de manière identique152. Le contrôle du respect des règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-discrimination suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation suffisamment comparable. Selon l’expression du Conseil d’État, « une rupture d’égalité n’existe que si l’on traite de manière inégale ce qui est comparable »153.

(149) Civ. Mons., 12 décembre 2012, R.G. no 10/2507/A, inédit. (150) C.E., N. V. Intervest offices, no 211.940 (chambre flamande) du 11 mars 2011. (151) Gand, 22 février 2001, L.R.B., 2001, 117. (152) C.E., a.s.b.l. Fédération belge des entreprises de distribution et consorts, no 193.580 du 27 mai 2009 ; C.E., s.a. Mediapub, no 193.256 du 13 mai 2009. (153) C.E., s.p.r.l. outdoor immobilière, no 117.110 du 17 mars 2003.

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Doctrine La comparabilité des situations, qui est une notion légale154, est déterminée, en règle, au regard de l’objet de la mesure querellée, de son but et de ses effets. C’est ainsi que des catégories de personnes peuvent être jugées comparables dans certaines hypothèses, et non comparables dans d’autres hypothèses155. Il ne faut, en effet, pas confondre différence de traitement et non-comparabilité156. Le caractère comparable des situations invoquées doit être apprécié de manière large. Ainsi, ne peuvent donner lieu à comparaison les catégories de personnes qui se trouvent dans des situations à ce point éloignées qu’elles ne pourraient être comparées. À ce sujet, il importe à celui qui invoque la violation du principe d’égalité de démonter l’existence réelle et non théorique d’une catégorie de personnes objectivement comparables qui, au regard du règlement-taxe, connaît un traitement fiscal différent157. Il importe encore de préciser que l’examen de comparabilité ne concerne que le règlement-taxe lui-même et non son application. Ainsi, l’application discriminatoire d’un règlement-taxe par les autorités communales, par exemple, par l’enrôlement d’un ou plusieurs redevables et l’omission – volontaire ou non – d’enrôler d’autres contribuables appartenant pourtant à la même catégorie que les personnes enrôlées, n’est pas de nature à dispenser ces dernières de leurs obligations fiscales. Pour invoquer la nullité d’une taxe, la discrimination doit être juridique, c’est-à-dire que la différence de traitement invoquée doit trouver sa source dans le texte du règlement-taxe et non dans la manière dont celui-ci est appliqué. Par conséquent, le fait que, dans son application, la taxe ne soit pas réclamée à tous les redevables visés dans le règlement-taxe, ne rend pas ce règlement en lui-même illégal158. b) Le principe d’égalité et les mécanismes de solidarité Les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ne font pas obstacle à ce que les communes prévoient des régimes de solidarité entre les redevables de la taxe. Le Conseil d’État admet que le pouvoir des communes de désigner les redevables des taxes implique également le pouvoir de prévoir des mécanismes de solidarité entre ces redevables159.

Toutefois, la doctrine et la jurisprudence ont nuancé la liberté de la commune dans le choix des redevables solidaires et ce, au moyen des principes de l’égalité et de la non discrimination ainsi que de la notion de « communauté d’intérêts » qui doit exister entre ces redevables solidaires160. Ainsi, les personnes tenues solidairement au paiement de la taxe doivent avoir un point commun envers le fait générateur. Une taxe solidaire ne peut donc être instaurée qu’entre des personnes se trouvant dans une situation comparable161. Ce n’est que dans l’hypothèse de l’existence d’une communauté d’intérêts que la commune pourra poursuivre le paiement de la dette d’impôt indifféremment auprès de n’importe lequel des débiteurs. Dans la négative, le règlement-taxe doit être considéré comme illégal. Dans un arrêt du 27 novembre 2008, le Conseil d’État a reconnu l’existence d’une communauté d’intérêts entre les débiteurs solidaires (le propriétaire et son locataire) puisque ceux-ci participent à l’activité taxée, à savoir la location et l’occupation de secondes résidences, et que le propriétaire perçoit un loyer à charge de son locataire. Cette communauté d’intérêts peut raisonnablement justifier le mécanisme de solidarité prévu dans le règlement-taxe litigieux162. Par contre, le Tribunal de première instance de Liège a écarté un règlement-taxe pour contrariété aux principes de la proportionnalité, de l’égalité et de la nondiscrimination. La juridiction a, entre autres, motivé sa décision par l’absence d’une communauté d’intérêts entre les redevables solidaires (le propriétaire d’un rezde-chaussée loué pour y exploiter un bar et le tenancier de l’établissement). Selon le Tribunal, rien ne justifie la solidarité entre les deux personnes quant au paiement de la taxe d’exploitation du bar, le propriétaire n’étant en effet pas responsable de la gestion du bar163. Le Tribunal de première instance de Liège a encore jugé contraire au principe d’égalité un règlement-taxe qui soumettait au même traitement fiscal le propriétaire et l’exploitant d’un « phone-shop » alors que, selon le Tribunal, les intérêts du propriétaire et ceux de l’exploitant ne convergent pas sur le plan des avantages et des inconvénients de la nature de l’exploitation164. La Cour de cassation a également confirmé l’illégalité d’un règlement-taxe créant une solidarité étant donné que les différents redevables se trouvaient dans une

(154) Cass., 26 mai 2008, R.G. no S.06.01045.F ; Cass., 29 janvier 2008, R.G. no P.06.0898.N ; Cass., 10 décembre 2009, R.G. no F.08.0020.N. (155) Voy. les exemples cités par V. Flohimont, « Comparaison et comparabilité dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle : rigueur ou jeu de hasard ? », R.B.D.C., 2008, spéc. pp. 221 et s. (156) C.C., 4 mars 2008, arrêt no 42/2008. (157) Civ. Bruxelles, 6 octobre 2004, F.J.F., no 2006/148, p. 463, voy. aussi C.E., s.a. Belgacom mobile, no 166.441 du 10 janvier 2007. (158) Civ. Bruxelles, 27 janvier 2011, R.G. no 2008/10379/A, inédit. (159) C.E., no 85.916 du 14 mars 2000, L.R.B., 2000/3, p. 1310, arrêt repris par Bruxelles, 22 février 2006, R.G.C.F., 2006, p. 237. (160) A. Bortolotti et L. Orban, « La fiscalité locale : une décennie d’évolutions », in Actualités en droit fiscal, 2009, Anthemis, CUP, Vol. 111, p. 202. (161) Supra, p. 28. (162) C.E., no 188.250 du 27 novembre 2008. (163) Civ. Liège, 17 janvier 2005, F.J.F., no 2006/298. (164) Civ. Liège, 21 septembre 2009, R.G. no 08/5562/A., inédit. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes situation à ce point opposée qu’ils n’étaient pas comparables. Il s’agissait d’un règlement-taxe sur les chevaux de luxe où la commune, dans le but de faciliter la perception de la taxe, avait inséré une nouvelle catégorie de contribuable, les soigneurs de chevaux de luxe, lesquels devenaient redevables solidaires de la taxe avec les détenteurs de ces chevaux. La Cour a jugé qu’il n’était pas justifié de taxer les personnes qui soignent les chevaux dans le cadre de leur profession et de les obliger de répercuter eux-mêmes la taxe à l’égard des propriétaires de chevaux qui les utilisent à des fins sportives ou de loisirs, même si cette solution offre des avantages pratiques pour l’autorité communale165. c) Le principe d’égalité entre personnes privées et personnes morales de droit public. Existe-t-il un principe général d’exonération fiscale pour l’État, les Régions, les Communautés, les Communes et Provinces, ou tout autre collectivité politique ou personnes morales de droit public assimilées ? Dans la matière des taxes locales, la question revêt une certaine importance. L’existence d’un tel principe permettrait aux communes et provinces de faire l’économie de rédaction d’une disposition spécifique excluant de la catégorie des redevables de la taxe ou de la redevance l’État et toute autre personne de droit public. Par contre, l’absence d’un principe général d’exemption d’impôt pour ces personnes de droit public contraindrait les communes et provinces à préciser que ces personnes sont exclues du champ d’application de la taxe, pour autant bien sûr qu’elles l’estiment nécessaire. Il n’existe aucun principe général du droit exemptant les personnes morales de droit public de tout impôt. Par arrêt du 12 octobre 1954, la Cour de cassation, suivant les conclusions de l’Avocat général Ganshof van der Meersch, a ainsi jugé que le principe est l’assujettissement de tous les immeubles à la contribution foncière, les biens de l’État n’échappant donc pas à cette règle166. Selon l’Avocat général, « a fortiori, en est-il ainsi des biens appartenant à une société assimilée, au point de vue des impôts, à l’État. Les seules exceptions à la règle sont fixées dans la loi »167. Par contre, la Cour de cassation a dégagé un principe général selon lequel sont exonérés des taxes communales : - d’une part, les biens relevant du domaine public de l’État,

- d’autre part, les biens relevant du domaine privé de l’État mais recevant une affectation de service public. Cette exonération a été rappelée à de multiples reprises par la Cour de cassation168, qui lui a clairement donné la valeur d’un principe général du droit169. Dans un jugement du 19 décembre 2012, le Tribunal de première instance de Bruxelles a estimé que le principe général de droit exonérant les biens relevant du domaine public est justifié par le fait que les propriétaires des biens destinés à un service public n’en n’ont ni la libre disposition, ni la jouissance effective, attributs essentiels de la propriété privée, alors que l’impôt est précisément un prélèvement de la puissance publique sur les biens des particuliers constituant dans leur ensemble la propriété privée170. Ceci, par opposition aux biens de l’État qui seraient productifs et pour lesquels, ayant nature de propriété privée, l’État peut être assimilé à un particulier171. Le Tribunal relève également que le fait pour une commune de taxer les biens d’une autre personne morale de droit public affecté à des services publics revient pour les communes à se financer d’initiative, sans base légale, sur le budget d’autres entités de droit public. C’est donc la nature du bien plus que le titulaire des droits réels sur le bien qui va conditionner l’assujettissement aux taxes et redevances communales. Seuls sont exemptés d’impôts, les biens qui peuvent être considérés comme faisant partie du domaine public ou du domaine privé mais utilisés à des fins publiques. Font partie du domaine public les biens appartenant à l’administration et affectés soit directement à l’usage du public (une route, un cimetière, un parking, etc.), soit à un service public, pourvu que dans cette hypothèse, ces biens soient par nature ou par des aménagements spéciaux adaptés exclusivement ou essentiellement au but particulier du service public et considérés comme irremplaçables (par exemple, les collections réunies dans les musées, un hôpital militaire, les prisons, etc.). Dans son arrêt du 11 avril 1894, la Cour de cassation a ainsi précisé que l’exonération « se fonde sur ce que l’impôt, destiné à subvenir aux besoins des services publics, ne doit pas atteindre les biens de l’État qui, par leur affectation, contribuent eux-mêmes aux services publics ; qu’en effet, il serait contradictoire que l’impôt, n’étant établi que pour l’utilité publique, frappât l’utilité publique elle-même »172.

(165) Cass., 17 novembre 2000, R.G. no F.99.0156.N/5, Pas., 2000, I, 630. (166) Cass., 12 octobre 1954, Pas., 1955, 106. (167) Conclusions de l’Avocat général Ganshof van der Meersch, ibid., 110. (168) Cass., 1er juillet 1890, Pas., 1890, I, 252 ; Cass., 11 avril 1894, Pas., I, 167 ; Cass., 16 janvier 1905, Pas., 1905, I, 83 ; Cass., 29 novembre 1909, Pas., 1910, I, 18 ; Cass., 28 juin 1910, Pas., 1910, I, 373 ; Cass., 16 février 1951, T. Gem., 1951, 198 ; Cass., 14 mars 1961, T. Gem., 1962, 69. (169) Voyez en ce sens M. de Jonckheere, De Gemeentelijke belastingbevoegdheid : fiscaaljuridische aspecten, Bruges, die keure, 1996, no 299, p. 295. (170) Civ. Bruxelles, 19 décembre 2012, R.G. no 2010/3930/A, inédit. (171) Ibidem. (172) Cass., 11 avril 1894, Pas., I, 177.

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Doctrine Aucune disposition légale n’impose donc aux communes d’accorder une exonération pour les biens appartenant à des personnes morales de droit public qui ne sont pas affectés à l’usage du public ou à un service public.

le règlement sera à nouveau essentiel pour vérifier la pertinence de la différence de traitement.

Le choix appartient donc aux communes d’exonérer ou non de tels biens selon les objectifs qu’elles entendent poursuivre en vertu de leur autonomie fiscale.

Ainsi, le Tribunal de première instance de Bruxelles a considéré, par jugement du 19 avril 2007174 que le règlement de la Ville de Bruxelles qui instaurait une taxe sur les immeubles laissés à l’abandon mais qui prévoyait une exonération au profit de toutes les personnes morales de droit public, violait le principe constitutionnel d’égalité au motif que : « l’exonération en cause crée une différence de traitement entre le secteur privé et le secteur public, alors même que les immeubles concernés peuvent ne pas être (avoir été) affectés à des missions de service public (dès lors que l’exonération ne prévoit aucune précision restrictive à cet égard). Il en résulte une différence de traitement entre deux groupes de personnes comparables, à savoir d’une part le propriétaire « privé » d’un immeuble totalement ou partiellement abandonné (qui est taxé) et d’autre part le propriétaire « public » d’un immeuble totalement ou partiellement abandonné non affecté à des missions de service public (qui n’est pas taxé). Cette différence de traitement n’est pas susceptible d’une justification objective et raisonnable par rapport à l’objectif légitime poursuivi par la défenderesse qui consiste à assurer le renouvellement ou la restauration du patrimoine immobilier sur son territoire. Partant, le règlement-taxe opère une discrimination prohibée par la Constitution ».

Cependant, l’exonération de ces biens doit être expressément prévue dans le règlement-taxe. Dans le cadre d’une taxe sur les emplacements de parking, le Tribunal de première instance de Bruxelles a été amené à le rappeler, en se prononçant également sur l’existence éventuelle d’un principe général de droit selon lequel il y aurait une immunité fiscale des biens du domaine public173. Dans le cas soumis au Tribunal, la commune n’avait pas prévu explicitement, dans son règlement, une exonération des emplacements de parcage situés sur le domaine public. Le Tribunal a tiré argument d’un arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 1890 pour affirmer que l’affranchissement à l’impôt des biens du domaine public affectés à un service d’utilité publique doit être constaté et/ou rappelé par la législation positive. Pour le Tribunal, il n’existe aucune disposition de droit positif belge applicable qui prévoirait une exonération de principe des biens de l’État affectés à un service public. Quand bien même, poursuit le Tribunal, il existerait une règle de droit non écrite, consacrant le principe de l’exonération des biens affectés à un service public, celle-ci « ne peut primer sur une disposition de droit constitutionnel ». Or, l’article 172 de la Constitution prévoit qu’« il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi ». Le Tribunal conclut que, dans le cas d’espèce, il n’existe aucune exemption prévue par la loi ou le règlement-taxe. L’exonération des biens appartenant aux personnes morales de droit public doit donc être expressément reprise, selon cette jurisprudence, dans le règlementtaxe. De plus, les autorités communales ne peuvent choisir d’exempter d’une taxe les biens d’une personne morale de droit public se trouvant dans une situation similaire aux biens appartenant à des particuliers, sous peine d’établir une discrimination sanctionnée par la jurisprudence. Pour définir, si les biens d’une personne morale de droit public ou d’une personne privée sont dans une situation comparable, l’examen du but poursuivi par

Le contentieux des taxes sur les immeubles à l’abandon fournit quelques illustrations.

Dans le même sens, les Cours d’appel de Liège et Mons ont confirmé l’illégalité des règlements-taxes qui exonèrent, sans justification précise, les immeubles ‘publics’. Ainsi, la Cour d’appel de Liège a écarté l’application d’un règlement-taxe communal qui avait instauré une taxe sur les immeubles laissés à l’abandon en exonérant certaines personnes morales de droit public175. Par arrêt du 2 mai 2012, la Cour d’appel de Mons a annulé une taxe sur les immeubles inoccupés établie par la Ville de Charleroi au motif que les bâtiments privés appartenant à l’État, aux provinces, aux communes et aux différents organes publics étaient exonérés de la taxe alors que ceux appartenant aux personnes privées étaient imposés ce qui, au vu des objectifs du règlement-taxe, créait une discrimination prohibée176. Dans un jugement du 24 juin 2010, le Tribunal de première instance de Namur a également jugé discriminatoire le règlement-taxe sur les immeubles à l’abandon qui exonère les immeubles abandonnés appartenant aux sociétés de logements à caractère social alors que les autres immeubles laissés à l’abandon sont taxés. Étant donné que le règlement ne vise à nouveau que

(173) Civ. Bruxelles, 6 août 2012, R.G. no 2009/13097, inédit. (174) Civ. Bruxelles, 19 avril 2007, F.J.F., no 2008/54. (175) Liège, 11 mai 2007, F.J.F., no 2009/90. (176) Mons, 2 mai 2012, R.G. no 2010/RG/460, inédit. LARCIER

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La motivation des règlements-taxes des motifs budgétaires, le Tribunal considère qu’il instaure une différence de traitement illégal177. Il existe cependant une jurisprudence dissidente. La Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 1er octobre 2008, a ainsi reconnu la validité d’une exemption de la taxe sur les immeubles laissés à l’abandon au profit des personnes morales de droit public, estimant que cette exonération était justifiée par le fait que la commune ne voulait pas ‘entraver la mission d’intérêt général pour laquelle ces personnes sont créées et disposent de prérogatives spéciales’178. La Cour a jugé également que le redevable, personne physique, ne pouvait se comparer à une personne morale de droit public, « car se serait comparer deux personnes, qui en soi, sont incomparables ». Cet arrêt est critiquable. D’abord parce que ce n’est pas la taxe qui empêche la personne morale de droit public, propriétaire de l’immeuble abandonné ou inexploité, d’exercer ses missions d’intérêt général, c’est en réalité la personne morale de droit public qui, en laissant son bien immobilier dans un état d’abandon et inexploitation, s’empêche elle-même d’y exercer ses prérogatives de service public. Ensuite, nous ne pouvons suivre le raisonnement de la Cour sur le fait que les personnes physiques et les personnes morales de droit public constituent deux catégories de personnes incomparables, à tel point que la discrimination invoquée du fait de l’exonération de ces personnes morales n’existe pas. C’est en effet oublier que la comparabilité d’une mesure fiscale requiert un examen de l’objet de cette mesure, de son but et de ses effets179, de sorte que, les personnes physiques et les personnes morales de droit public, certes intrinsèquement différentes, peuvent se trouver dans une situation comparable ou identique. Tel nous paraît être indiscutablement le cas dans le cadre des taxes sur les immeubles abandonnés, inoccupés ou inexploités. Généralement, ce type de taxes poursuit des objectifs non fiscaux comme la lutte contre le délabrement, le sentiment d’insécurité, la spéculation immobilière, l’exode urbain, la criminalité urbaine, etc. Il est, selon nous, manifestement contraire au principe d’égalité de traiter différemment sur le plan fiscal les immeubles des personnes morales de droit public de ceux des propriétaires privés en exemptant les premiers et en faisant supporter le paiement de la taxe aux seconds, alors que ces deux catégories de personnes se trouvent indiscutablement dans des circonstances similaires au regard des objectifs poursuivis. Comme l’avait d’ailleurs souligné la Cour d’appel de Liège à plusieurs reprises, une telle exonération entraîne un effet pervers puisqu’il incite ces personnes

morales de droit public à moins se soucier de l’état d’avancement de leurs travaux de réhabilitation que d’autres propriétaires soumis à la taxe180. La Cour constitutionnelle a, elle aussi, été confrontée à cette question. Saisie sur question préjudicielle, la Cour a dû se pencher sur la constitutionnalité du décret de la Région flamande du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d’accompagnement du budget 1996, lequel instaurait une taxe régionale pour l’inoccupation d’immeuble. La Poste soutenait pouvoir bénéficier de l’exonération de cette loi non seulement, en vertu du principe général de droit selon lequel les biens du domaine public et du domaine privé qui sont utilisés à des fins publiques sont exemptés d’impôts, mais également en raison d’une exemption d’impôt prévue à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1971 relative à la création de La Poste. Dans son arrêt du 2 septembre 2012, La Cour constitutionnelle a validé la législation régionale flamande en rejetant les arguments développés par La Poste et par l’État fédéral181. La Cour a commencé par rappeler que l’article 170, § 2, de la Constitution confère une compétence fiscale autonome aux régions, sauf lorsque la loi a déterminé ou détermine ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée. La loi prise sur cette base constitutionnelle doit être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des régions. La Cour constate ensuite que la taxe d’inoccupation d’immeuble n’est pas destinée en premier lieu à procurer des moyens financiers à la région, dès lors qu’elle entend avant tout influer sur le comportement des titulaires d’un droit réel sur une habitation. Pour la Cour, « cette taxe se caractérise par le fait qu’elle n’est pas due lorsque l’intéressé se comporte en conformité avec la politique qu’entend mener l’autorité par le biais de cette taxe. Étant donné que ‘La Poste’ n’est redevable de la taxe d’inoccupation que si elle ne se conforme pas à la politique menée par la Région flamande et que les objectifs poursuivis par la Région flamande au moyen de cette taxe n’empêchent pas fondamentalement ‘La Poste’ d’accomplir les missions de service public qui lui ont été confiées par la loi et les contrats de gestion – une habitation inoccupée n’étant, par définition, pas utilisée, en effet, pour le service public –, la nécessité de l’exonération de la taxe en cause dans le chef de ‘La Poste’ n’est pas démontrée en l’espèce ». Par voie de conséquence, la Cour constitutionnelle considère que le décret flamand du 22 décembre 1995 ne viole pas les règles répartitrices de compétence en ce que la société anonyme de droit public « La Poste » doit payer une taxe régionale d’inoccupation

(177) Civ. Namur, 24 juin 2010, R.G. no 08/891/A, inédit. (178) Bruxelles, 1er octobre 2008, J.D.F., 2010, liv. 1, p. 40. (179) Supra, p. 28. (180) Liège, 11 mai 2007, op. cit., Liège, 20 mars 2002, F.J.F., no 2002/149. (181) C.C., 20 septembre 2012, arrêt no 111/2012.

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Doctrine La Cour confirme également que le principe d’exonération des biens appartenant à des sociétés de droit public n’est pas applicable puisqu’en l’occurrence, la taxe régionale frappe les immeubles d’habitation inoccupés, c’est-à-dire affectés à un usage privatif et non à un service public, de sorte que l’exonération invoquée n’est pas applicable. Pour ce qui concerne l’exonération prévue à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1971, la Cour juge que « l’exonération visée par cette disposition ne s’applique pas à la taxe régionale sur l’inoccupation d’une habitation puisque cette taxe ne porte pas sur un objet relevant de l’exercice par ‘La Poste’ de ses missions de service public ». Cet arrêt de la Cour constitutionnelle doit être approuvé. Bien que portant sur un décret régional, cet arrêt doit également trouver à s’appliquer aux (nombreux) règlement-taxes communaux ou provinciaux frappant les immeubles inoccupés ou laissés à l’abandon. Conclusions En droit administratif, de manière générale, nous avons vu que, très rapidement, la jurisprudence belge a considéré qu’un État de droit requerrait non seulement que l’action administrative réponde au principe d’égalité, mais également que les juridictions puissent exercer de manière effective leur contrôle juridictionnel sur ce principe, de sorte que les motifs de l’action devaient être identifiés. Schématiquement, il semble possible d’identifier trois étapes cruciales dans l’évolution de la jurisprudence en matière de contrôle des motifs de l’acte. Dans une première étape, les juridictions, et plus précisément le Conseil d’État, juge naturel de l’administration, limitaient leur contrôle des motifs aux cas où les actes devaient être assortis d’une motivation formelle. « Quant au fond des décisions qui lui sont déférées, le Conseil d’État n’en examine les motifs que pour autant qu’il ne reconnaisse pas à l’auteur un pouvoir souverain de constatation ou d’appréciation des faits »182. Autrement dit, chaque fois que l’autorité disposait d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, la compétence

de celle-ci était considérée comme « souveraine », ce qui impliquait l’absence de tout contrôle des motifs, à moins bien sûr qu’une loi n’impose exceptionnellement une obligation de motivation formelle. Dans un deuxième temps, les juridictions ont progressivement réduit les hypothèses où les autorités pouvaient être considérées comme exerçant une compétence « souveraine » au sens précité. « Enserré d’abord dans des limites de plus en plus étroites, son contenu même a cessé, dans les années 1970, d’échapper à l’appréciation du juge »183. Même si le Conseil d’État s’interdit bien sûr de substituer son appréciation à celle de l’autorité, cela n’empêche pas d’examiner de près l’usage que l’autorité a fait de son pouvoir discrétionnaire. Lors de la troisième étape, partiellement concomitante à la précédente, les juridictions ont développé des concepts juridiques de plus en plus affinés permettant non seulement de vérifier l’existence de motifs légitimes, mais également d’apprécier leur suffisance, de même que leur exactitude, leur pertinence, leur proportionnalité, l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, etc. déplaçant sans doute ainsi la frontière entre la légalité et l’opportunité184. Il nous apparaît que le droit fiscal – et notamment la matière des taxes locales – suit la même évolution – pourquoi en irait-il autrement ? – mais avec, toutefois, un certain décalage. En effet, la compétence des autorités pour fixer discrétionnairement les éléments constitutifs de l’impôt, tel que son objet ou son taux, est régulièrement considérée comme « souverain » ou éminemment « politique », de sorte qu’il n’appartiendrait pas à l’autorité, ou qu’il ne lui serait même pas possible, de les justifier. Un tel décalage n’est pas justifié. Le contrôle juridictionnel sur les motifs de l’action administrative, propre à l’État de droit, s’impose au moins autant en matière fiscale, au titre de garantie du respect des libertés fondamentales, que dans les autres branches du droit public.

(182) M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 391. (183) Ibidem. (184) Voir à cet égard D. Deom, « Le pouvoir discrétionnaire », in Liber amicorum Robert Andersen, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 209 : « Sur le plan du pouvoir d’appréciation, il est vrai que la notion de légalité intègre de plus en plus de concepts flous qui ouvrent au juge des marges d’appréciation sans cesse plus larges. Les principes et préceptes généraux du droit administratif intègrent à la légalité objective, par exemple, des exigences de précaution, de jugement raisonnable, de respect de la légitime confiance. La fine pointe du contrôle de légalité, longtemps concrétisée par la notion de contrôle marginal, dépasse aujourd’hui cette limite et s’exerce quelques fois par simple référence à la notion d’appréciation raisonnable ou de décision « pertinente ». On peut avoir l’impression que la légalité est désormais formée de tout ce que le juge décide d’y intégrer. Néanmoins, la jurisprudence rappelle régulièrement que le juge ne peut contrôler l’opportunité des actes administratifs. (…). Le juge doit trouver dans un principe ou une règle de droit le fondement de sa décision. Certes, l’extension des concepts juridiques flous ouvre une multitude de portes permettant de pénétrer au cœur du pouvoir de décision ». LARCIER

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Les formules de répartition du fonds des communes

Doctrine

Les formules de répartition du fonds des communes orientent-elles la fiscalité locale ? par Jean-François Husson

Secrétaire général du Centre de Recherche en Action publique, Intégration et Gouvernance1 Chercheur associé à l’Université de Liège, Collaborateur au sein du Tax Institute de l’ULg

Lors des travaux parlementaires ayant mené à la réforme wallonne du Fonds des communes en 20082, la possibilité que la nouvelle formule de répartition du Fonds des communes puisse inciter les communes à relever le niveau de leurs additionnels a été évoquée, tant par des parlementaires que par plusieurs des experts auditionnés3. À cette occasion, d’aucuns considérèrent que l’expérience du passé amenait à conclure que, lorsque la formule de répartition incitait les communes à augmenter certains taux ou à privilégier certaines bases, celles-ci le faisaient généralement, que ce soit afin d’optimaliser leur quote-part ou simplement pour maintenir celle-ci face aux choix fiscaux d’autres communes compte tenu du caractère fermé de l’enveloppe. Le présent article propose de revenir sur cette question. Créé en 1860, le Fonds des communes est un dispositif aujourd’hui régional, organisant des transferts généraux des Régions vers les communes, dont il représente de l’ordre d’un cinquième des recettes ordinaires. D’abord destiné à compenser les pertes de recettes communales liées à la suppression de certains impôts, le Fonds des communes a, à partir de la fin du 19e siècle, pris en compte divers indicateurs de besoins (notamment en termes de dépenses), de rendement fiscal et de taux. Après une mise en contexte, le présent article propose d’analyser les formules de répartition des décrets wallons de 1989 et de 2008 afin de montrer comment celles-ci ont été ou sont susceptibles d’orienter le « fiscal mix » des communes wallonnes, tant en termes de taux qu’en termes de choix de certaines taxes. En d’autres termes, les formules de répartition utilisées ont-elles ou peuvent-elles inciter les communes à : - augmenter les taux de la fiscalité locale ?

(1) (2) (3) (4)

- privilégier le recours à certaines recettes fiscales, en l’occurrence le précompte immobilier et la fiscalité communale autonome ? D’autres relations entre le Fonds des communes et la fiscalité ne seront, au mieux, que mentionnés car n’étant pas directement en lien avec notre propos. Il s’agira notamment du financement du Fonds des communes au départ de recettes fiscales – ce qui a été le cas pendant la majeure partie de la période du Fonds national –, de la péréquation opérée entre communes – au sujet de laquelle relativement peu de littérature existe – ou de la prise en compte d’indicateurs fiscaux dans la formule de répartition. Ces thèmes resteront en dehors du champ de la présente contribution. 1. Approche théorique et normative Cette section se bornera à poser rapidement le cadre général dans lequel s’inscrit la question que nous soulevons4, en rappelant très brièvement le cadre économique et les normes internationales d’application. Le Fonds des commues constitue un transfert général, c’est-à-dire un transfert dont l’affectation est laissée à la discrétion de l’autorité recevant le transfert, au contraire d’un transfert spécifique, lequel est affecté à une activité spécifiée par l’autorité subsidiante. Formulé autrement, cela implique que la liberté d’utilisation est du même ordre que celle des recettes fiscales non affectées ; c’est pourquoi des transferts généraux sont notamment utilisés lorsque des recettes fiscales locales sont supprimées ou pour opérer des péréquations horizontales entre autorités locales.

http://www.centre-craig.org Décret du 15 juillet 2008 modifiant le livre III, Chapitre II, du Code de la démocratie locale et de la Décentralisation du 22 avril 2004 fixant les règles de financement général des communes wallonnes, M.B., 23 juillet 2008, pp. 38456 et s. Voy. Husson (2009, pp. 24‑27) ainsi que Parlement wallon, Compte rendu analytique, CRAC 147, 10 juin 2008, et CRAC 157, 24 juin 2008. Le lecteur souhaitant approfondir ces aspects théoriques peut se référer aux publications et auteurs figurant dans la bibliographie. Voy. également Jurion (1985) et Defraiteur (1985).

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Doctrine Tableau 1. Finalités et objectifs en matière de transferts généraux Finalités

Objectifs

Primauté des préférences de l’autorité supérieure

- Mise en œuvre des préférences des autorités supérieures en matière de merit goods, de standards minimaux de services. - Compensation des recettes fiscales perdues par l’instauration d’une perception centralisée ou que l’autorité supérieure souhaite supprimer.

Redistribution

- Égalisation de la capacité fiscale (à distinguer de la prise en compte des recettes fiscales effectives, qui tiennent compte des taux pratiqués et de l’efficacité de la perception).

Prise en compte de besoins

- Prise en compte d’un coût de production de services locaux plus élevé (ex. situation insulaire, climat particulier,…). - Profil socio-démograhique se traduisant par une demande de biens et services locaux supérieure à la moyenne (ex. enfants en bas-âge, population âgée,…). - Centralité : réponse aux demandes de biens et services locaux émanant de personnes ne résidant pas sur le territoire de la commune (« externalités »).

Source : adapté de Husson (1990, p. 99) en s’inspirant librement de King (1984, chap. 4 et 5), Bennett (1982, chap. 2), Musgrave & Musgrave (1989, pp. 538‑545) et Oates (1999).

Le Tableau 1 recense, de façon très schématique, un certain nombre de finalités et d’objectifs assignés aux transferts généraux dans la littérature économique. En termes normatifs, rappelons que la Charte européenne de l’Autonomie locale, ratifiée par la Région wallonne, traite en son article 9 des ressources financières des collectivités locales et stipule que : - 1. Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences. (...) - 2. Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi. Sur ces bases, et sous réserve de la question de savoir quelle est la valeur juridique contraignante de cette Charte, - en termes normatifs, les transferts généraux devraient donc logiquement être neutres quant au « fiscal mix » des collectivités locales, sauf à encourager des choix concourant à la politique économique nationale, dans le respect de l’autonomie locale ; - en termes de gouvernance, les modalités de répartition devraient éviter d’avoir des biais, incitant les collectivités locales à adopter des positions n’allant pas dans le sens de l’intérêt général et/ou de la politique économique nationale ; ce sont là certains des « effets (5) (6)

orignaux et parfois inattendus » des instruments de l’action publique (Lascoumes et Le Galès, 2004, p. 31). 2. Les antécédents : de la création du Fonds des communes à la fin de la régionalisation provisoire 5 La présente section présente un aperçu des différentes évolutions depuis la création du Fonds jusqu’à sa régionalisation définitive en 1989. Créé en 1860, le Fonds communal était destiné à compenser les pertes de recettes communales découlant de l’abolition des droits d’octroi : sa répartition ne tenait aucun compte des besoins ou des missions des communes. La population n’est intervenue partiellement comme critère de répartition qu’à la fin du 19e siècle. Avec le Fonds spécial (1889), les communes en difficulté ont connu une première intervention basée sur leurs besoins réels. Les réformes ultérieures ont intégré de manière croissante les missions et besoins des communes : intégré des dépenses en faveur de l’enseignement professionnel et de l’assistance publique (1922), répartition en fonction des besoins financiers constatés, notamment au travers de la voirie, de la charge nette en matière d’instruction publique et de la dette (1948) ou recours à des indicateurs divers (1964). Enfin, signalons que le Fonds des communes fut, jusqu’en 1948 et de 1958 à 1976, alimenté en tout ou en partie par prélèvement de certaines recettes fiscales, le montant de la dotation pouvant évoluer en lien avec les recettes fiscales concernées6.

Pour plus de détails, voy. notamment Husson (1990, pp. 7‑29), Malvoz (1977a, 1977b), Van Audenhove (1983, 1985). Par exemple, la loi du 22 janvier 1931 porta la dotation de base du FC à BEF 150 millions et y ajouta une part dans certaines recettes fiscales : 5% de la taxe mobilière sur le revenu des actions, 25% de la taxe professionnelle sur les traitements, salaires et pensions, 10% des contributions foncières. L’augmentation annuelle de la dotation de base doubla et passa à BEF 5 millions, tandis que la part de recettes fiscales (près de 45% de la dotation de 1931) évoluait avec le produit de ces taxes.

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Les formules de répartition du fonds des communes 2.1.  Le Fonds des communes national : une prise en compte très graduelle de la fiscalité

Les données fiscales – en particulier les taux et les données relatives au rendement – ne sont apparues que graduellement dans la répartition du Fonds des communes (ci-après FC), que ce soit par la prise en compte des bases imposables – en particulier le revenu cadastral (ci-après RC) –, des taux ou du rendement de la fiscalité communale. Ainsi, la loi du 18 juillet 1860, qui supprima les droits d’octroi et créa le Fonds des communes afin de compenser cette importante perte fiscale pour les communes concernées, n’a pas basé la répartition sur la base des recettes fiscales perdues par chacune des communes concernées mais l’a fait reposer sur d’autres critères. De même, la réforme de 1889, qui vit la constitution d’un Fonds spécial destiné à venir en aide aux communes rencontrant des difficultés financières, n’intégra pas davantage de données fiscales. La réforme apportée par la loi du 19 juillet 1922 vit apparaître le revenu cadastral bâti et le RC non bâti comme critères de répartition, à concurrence de respectivement 40% et 10%. Les taux et les rendements n’étaient toutefois pas pris en compte si ce n’est, à partir de 1929, lorsqu’un Fonds d’assistance fut mis sur pied afin d’aider les communes dont le total des recettes fiscales et du Fonds des communes était inférieur à huit fois les ressources de 1913. La loi du 22 janvier 1931 maintint les revenus cadastraux bâti et non bâti comme critères de répartition, leur poids s’établissant à respectivement 40 et 15%. Pour la première fois, une condition fiscale fut introduite au travers d’un indicateur d’effort fiscal : les communes n’ayant pas établi 25 centimes additionnels aux impôts cédulaires sur les revenus7 virent leur quotepart limitée à celle de 1929. Il s’agissait ainsi de modérer la croissance de la quote-part des communes dont le faible niveau de fiscalité reflétait l’absence de grands besoins financiers. Par contre, il n’y avait guère d’incitation à un relèvement de la fiscalité locale ; au contraire, les gouvernements de l’époque cherchaient à limiter le poids de la fiscalité locale, en particulier en ce qu’elle a trait aux taxes industrielles, dans le contexte de crise de l’époque (M. Van Audenhove, 1990, pp. 164‑167) La loi du 24 décembre 1948, dite «  Vermeylen »8, réforma l’ensemble du statut financier des communes

en opérant une séparation des fiscalités de l’État et des communes et en donnant la préférence à l’État pour certaines matières imposables dont la consistance était très variable dans le temps et dans l’espace. Les moyens alloués par l’État devaient être répartis le plus objectivement possible et devaient couvrir les besoins « incompressibles et constants » des communes mais en réservant suffisamment de champ à la fiscalité communale pour que les élus communaux jouissent d’une grande liberté dans l’établissement de l’impôt et « aient la possibilité de poursuivre une politique de progrès ». Dans la formule de répartition, les 16,25% du Fonds visant à couvrir les dépenses d’agriculture et d’hygiène étaient réparties sur la base de la population (50%), du revenu cadastral bâti (45%) et du revenu cadastral non bâti (5%), le RC (bâti ou non) déterminant ainsi 8,125% du total du FC. Outre un Fonds communal d’assistance publique, fut également créé un Fonds spécial en faveur des communes en difficultés financières, qui reçut, à partir de 1950, la part des communes n’ayant pas établi au moins 100 centimes additionnels (ci-après c.a.) à la contribution foncière. Ces dernières, peu nombreuses et peu importantes, furent donc exclues de la répartition, ce qui donna lieu à une controverse autour de l’incitation à augmenter la fiscalité locale que constituait l’exigence d’un tel « seuil » de 100 c.a. Enfin, la loi du 16 mars 19649 répartissait les communes en deux Fonds : le Fonds A (réparti entre Bruxelles, Anvers, Liège et Gand après consultation des quatre communes, compte tenu de la difficulté d’opérer une répartition reposant sur un traitement statistique) et le Fonds B, destiné aux autres communes. Ce dernier se basait sur une régression statistique pour estimer les besoins des communes10 et non plus sur la dépense ou des critères empiriques. Les communes bénéficiaires du Fonds B pouvaient également émarger à un Fonds d’Aide (destiné à garantir une quote-part minimale) ainsi qu’au Fonds de compensation fiscale, dont le but était d’assurer un complément de recettes aux communes dont le potentiel fiscal était proportionnellement inférieur à la moyenne de la catégorie dans laquelle ces communes étaient classées pour la répartition du Fonds B. En pratique, la répartition s’opérait selon les principes suivants : - les communes devaient fournir un effort fiscal suffisant ; - elles devaient avoir un revenu cadastral (RC) moyen par habitant inférieur au RC moyen par habitant des communes de la catégorie11 ; - la quote-part reçue par la commune se calculait : population x (revenu cadastral moyen par habitant de la

(7) (8) (9) (10)

Ancêtre de l’Impôt des Personnes Physiques (IPP). Voy. Malvoz (1977a, p. 156), lequel analyse l’exposé des motifs de la loi du 24 décembre 1948. Voy. Dams et de Béthune (1968) pour le détail de cette loi ou Husson (1990, pp. 12‑15) pour un aperçu. Ce procédé, utilisé pendant plusieurs décennies dans plusieurs pays, ne manque pas d’intérêt mais risque de dérouter le lecteur peu familier avec les statistiques. Pour une explication générale, voy. Husson (1990, pp. 12‑15) ; pour davantage de détails, voy. Malvoz (1977b, pp. 229‑230). (11) Le revenu cadastral était considéré à l’époque comme l’indicateur le plus objectif de la « pauvreté fiscale ».

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Doctrine commune – revenu cadastral moyen par habitant des communes de la catégorie). Si ce dernier système instaurait une répartition objective – les dix premières années de fonctionnement ont montré que le système était bien conçu –, des inconvénients étaient également présents. Ainsi, le seul critère d’effort fiscal pour le Fonds de compensation fiscale et le Fonds d’Aide (qui représentaient respectivement 8,4% et 3,6% des moyens octroyés aux communes du Fonds B, ou encore 5,3% et 2,3% du total du FC) créa un biais : l’attrait pour ces trois fonds était tel que certaines communes s’imposèrent l’effort fiscal requis pour pouvoir en bénéficier, réduisant ainsi la part allant aux communes véritablement en difficulté (M. Van Audenhove, 1983, p. 73). 2.2.  La régionalisation provisoire : une formule privilégiant les additionnels au précompte immobilier et la fiscalité communale autonome

Le Fonds des communes connut en 1976 une régionalisation provisoire12 : si la dotation annuelle reste alors fixée par le législateur fédéral, la répartition est opérée par les Conseils ministériels régionaux puis les Exécutifs régionaux. En Région wallonne, la répartition fut opérée par une succession d’arrêtés royaux13 qui prirent en compte, sous diverses formes, le rendement d’un pourcent d’additionnels à l’Impôt des personnes physiques (IPP) avant que ne soit instauré en 1979 un coefficient fiscal pour l’ensemble des communes wallonnes14 à l’exception de Liège et Charleroi. Il préfigure le quotient fiscal et le coefficient fiscal du décret du 20 juillet 1989. L’impact de cette formule était toutefois limité car les communes concernées bénéficiaient d’un mécanisme de garantie leur accordant au moins la quote-part de l’année précédente, le cas échéant indexée15. Parmi les alternatives proposées durant cette période, signalons le modèle des villes à vocation régionale, présenté en 1981 (Husson, 1990, pp. 26‑28). Celui-ci comportait trois tranches. La première réservait 20% de la dotation aux communes qui faisaient un effort fiscal particulier, à savoir au moins 6% d’additionnels

à l’IPP, au moins 1500 centimes additionnels au précompte immobilier et un coefficient de pression fiscale16 supérieur à 1. La deuxième, réservée à Liège et Charleroi, n’intégrait aucune donnée fiscale tandis que la troisième, destinée à prendre en compte des fonctions particulières, n’était accessible qu’aux communes ayant établi les minima déjà évoqués. Ce modèle ne fut toutefois pas retenu. Ainsi, avec la régionalisation provisoire, la formule utilisée pour la répartition du Fonds des communes prenait directement en compte au numérateur le produit des additionnels au précompte immobilier et de la fiscalité communale autonome. Comme nous le verrons dans la section suivante, une telle formule peut inciter les communes à adapter leur taux, voire à privilégier les ressources fiscales prises en compte dans le numérateur de la formule de répartition. Lors de la régionalisation provisoire, les mécanismes de garantie d’abord, le gel des indicateurs pris en compte pour la répartition ensuite, ont toutefois très nettement estompé l’impact sur les communes. Le risque de réduire « le libre arbitre » des communes quant au choix de la cible fiscale était cependant déjà clairement évoqué (Namur, 1985, p. 49). 3. Le décret du 20 juillet 1989 fixant les règles du financement général des communes wallonnes17 3.1.  Présentation générale Après prélèvement pour le Fonds Spécial de l’aide sociale, la répartition repose sur une classification des communes en trois catégories, différentes de celles constituées lors de la régionalisation provisoire18. Après prélèvement de 32,5% à répartir entre Liège et Charleroi sur la base de critères ad hoc, le solde est réparti entre les 260 autres communes wallonnes19, à raison de 85% répartis selon la « dotation principale » et 15% selon la dotation spécifique (qui n’a de spécifique que les critères utilisés, le transfert restant un transfert général). Au sein de la dotation dite spécifique, certains aménagements ont été apportés au cours des dernières années et le tableau ci-dessous présente la répartition telle qu’elle s’opère en 2004.

(12) Pour une présentation de la régionalisation provisoire, voy. notamment Husson (1990, pp. 18‑19). (13) AR des 28 janvier 1977, 14 juin 1978, 27 février 1979, 19 septembre 1980, 7 août 1981, 7 juillet 1982, 30 mars 1983. Pour une présentation détaillée, voir Husson (1990, pp. 18‑25). (14) L’application des critères fut toutefois gelée de 1986 à 1988, les quotes-parts des communes étant simplement indexée. (15) Les arrêtés royaux des 7 août 1981 et 7 juillet 1982 ont toutefois conditionné l’intervention de la garantie à des conditions de niveaux de fiscalité minimale, à savoir 6% de taxe communale additionnelle à l’IPP et 900 c.a. au précompte immobilier. (16) Calculé comme suit : (fiscalité communale par habitant x (revenu moyen par hab. de la Région / revenu moyen par hab. de la commune)) / résultat moyen obtenu pour toutes les communes de la Région. (17) M.B., 31 août 1989. Pour une présentation détaillée, voy. notamment Husson (1990, 2004) et Poswick (1999). (18) Le caractère hétéroclite de ces catégories a fait l’objet de nombreux commentaires ; plusieurs auteurs ont également contesté la pertinence même des catégories (Husson, 2004, pp. 34‑35). Les catégories ont disparu du décret wallon du 15 juillet 2008 mais persistent en Région flamande (voy. notamment Husson, 2008). (19) Depuis le 1er janvier 2005 existe un Fonds des communes distinct pour les neuf communes de la Communauté germanophone. Depuis le 1er janvier 2009, la répartition est réglée par le décret du 15 décembre 2008 portant financement des communes et des centres publics d’aide sociale par la Communauté germanophone (M.B., 27 janvier 2009, pp. 5237 et s.). Le décret wallon de 2008 s’applique donc aux seules 253 communes de la région de langue française. LARCIER

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Les formules de répartition du fonds des communes Tableau 2. Structure du Fonds des communes (situation en 2004) 1re catégorie : 32,5%, répartis entre Liège et Charleroi en fonction de leur part de 1988 ; si la dotation à cette 1re catégorie augmente, l’augmentation est répartie en parts égales. 2e et 3e catégorie : 67,5%

Dotation principale : 85%

14,85% selon la population (avec pondération favorable de la population étrangère) 0,15% pour les communes à statut linguistique spécial 26% entre communes de la 2e catégorie selon population x quotient fiscal 44% entre communes 3e catégorie selon population x coefficient fiscal x coefficient de densité x facteur correcteur

Dotation spécifique : 15%

Tranche A : 4,5%

Capitale wallonne – Namur : 0,24% Voirie : 1,06% Services incendie : 1,40% Finances obérées : 1,80%

Tranche B : 3,5%

Sécurité : 1% Éducation et jeunesse : 2,5%

Implantations de l’enseignement communal fondamental : 1/4 Classes de l’enseignement communal fondamental : 2/4 Élèves de l’enseignement fondamental et secondaire tous réseaux : 1/4

Tranche C : 7%

Pauvreté : 5,72%

Chômeurs indemnisés : 3/8 Minimexés : 2/8 Revenu faible : 1/8 Logements sociaux : 2/8

Pertes d’emploi : 1,28%

Les principaux éléments des formules de répartition sont : - le quotient fiscal, qui est une fraction dont le numérateur consiste en la somme par habitant des redevances et impôts communaux diminué du produit par habitant des additionnels à l’IPP20 et des redevances sur les centrales nucléaires tandis que le numérateur est le rendement par habitant d’1% d’additionnels à l’IPP ; le commentaire des articles précise qu’il s’agit ainsi de tenir compte de l’effort des contribuables tout en évitant de « favoriser les communes dont la population dispose de revenus importants »21 ; - le coefficient fiscal, calculé par la formule suivante : 1 + (quotient fiscal – moyenne arithmétique des quo-

tients des communes de la 3e catégorie)/écart-type des quotients des communes de la 3e catégorie)/5) ; - le coefficient de densité, qui varie de 1,05 (si entre 100 et 249 hab. / km2) à 1,30 (si < 60 ou > 750 hab. par km2) ; - enfin, le facteur correcteur basé sur l’écart relevé, dans chaque commune, par rapport au revenu cadastral imposable par habitant des communes de la 3e catégorie attribué aux biens ordinaires bâtis et non bâtis22. Les communes n’ayant pas établi les niveaux minima d’additionnels à l’IPP (6%) et au précompte immobilier (1900 c.a.) fixés par l’exécutif – devenu le gouvernement – wallon sont exclues de la répartition « pauvreté » de la Tranche C23.

(20) Pour les communes ayant un taux d’additionnels à l’IPP inférieur à 6%, était déduit un montant correspondant à 6% d’additionnels. (21) Quant à l’exclusion des redevances sur les centrales nucléaires, elle est justifiée par le fait que celles-ci « constituent en effet des ressources sans commune mesure avec celles des communes qui ne disposent pas d’installations semblables sur leur territoire », cf. Conseil régional wallon, Projet de décret fixant les règles du financement général des communes wallonnes, 105 (1988-1898) – no 1, 22 juin 1989, p. 3. (22) Cet écart est divisé par 2 et ajouté à 1 s’il est négatif ou diminué de 1 s’il est positif, le résultat devant être entre 0,75 et 1,25. Pour un exemple de calcul, voy. Poswick (1999, p. 401). (23) À cet égard, le cas d’une commune du Brabant Wallon est exemplatif. Dans sa demande d’aide régionale dans le cadre du Plan Tonus 2, celle-ci se plaignait d’une quote-part plus faible dans le Fonds des communes que celles reçues par des communes similaires. Ce résultat s’expliquait en fait par deux raisons : le faible niveau de précompte immobilier (1700 c.a.) fixé dans cette commune la pénalisait d’une part au niveau de la dotation principale (laquelle est influencée positivement par la recette par habitant des additionnels au PrI) et la privait d’autre part d’une intervention au titre du critère « Pauvreté » dans la dotation dite spécifique, le taux de PrI étant inférieur au « plancher » établi précédemment par le gouvernement wallon.

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Doctrine 3.2.  Les dispositions susceptibles d’influencer la fiscalité Plusieurs modalités peuvent avoir un effet incitatif sur les choix des communes (hors Liège et Charleroi) en matière de fiscalité. D’abord, la condition d’accès à la répartition pauvreté de la Tranche C est d’avoir au moins 6% d’additionnels à l’IPP et 1900 c.a. au précompte immobilier, ce qui peut inciter les communes se situant en dessous de ces deux seuils (et plus particulièrement celle en dessous d’un des deux seuils) à relever les taux pour avoir accès à la répartition concernée. L’intérêt d’une telle démarche sera toutefois limité si le poids des indicateurs sociaux (chômeurs, minimexés,…) est faible dans la commune concernée et/ ou si le poids du Fonds des communes dans ses recettes ordinaires est minime – tel est le cas d’un certain nombre de communes du Brabant wallon notamment. Ensuite, les communes n’ayant pas au moins 6% d’additionnels à l’IPP sont pénalisées au niveau du numérateur du quotient fiscal, puisqu’un montant correspondant à un taux théorique de 6% d’additionnels à l’IPP est déduit du total des redevances et impôts communaux pris en compte. Relevons toutefois que : - la force de cet incitant dépendra également du poids du Fonds des communes dans les recettes ordinaires de la commune ; - par ailleurs, une démarche politique peut amener une commune étant légèrement sous la barre des 6% à atteindre ce seuil, avec un coût politique minime, tandis qu’une commune étant à 6% pourrait être tentée de mettre en avant une diminution des additionnels en les réduisant à 5,9% par exemple (cas récent d’une commune du Brabant wallon), avec un coût minime en termes de Fonds des communes. Enfin, toutes autres choses égales par ailleurs24, la formule du quotient fiscal tend à privilégier une augmentation du taux d’additionnels au PrI ou de la fiscalité communale autonome (nouvelles taxes ou augmentation du taux de taxes existantes) afin d’augmenter le numérateur du quotient fiscal – ainsi que du coefficient fiscal pour les communes de la 3e catégorie –, et donc la quote-part obtenue. A contrario, une augmentation du taux des additionnels à l’IPP n’améliorera pas le quotient ou le coefficient fiscal d’une commune et n’aura pas d’influence positive sur la quote-part obtenue. À ce constat s’ajoute un phénomène d’entraînement : la dotation principale constituant une enveloppe fermée, une commune qui ne modifie pas sa fiscalité afin d’optimaliser le numérateur de son quotient fiscal risque de voir sa quote-part réduite si d’autres communes augmentent

leurs taxes prises en compte pour le numérateur de la formule de répartition (additionnels au PrI jusqu’en 1997 – voir ci-dessous – ou fiscalité locale propre). Contrairement à la période de régionalisation provisoire, le mécanisme de garantie est relativement limité25 et n’a pas pu jouer le même rôle d’amortisseur que lors de la période précédente. L’impact mentionné ci-dessus a donc été assez rapidement ressenti par les communes et, en particulier, par celles de la 2e catégorie. Quant aux communes de la 3e catégorie, l’évolution du quotient fiscal est atténuée par la prise en compte d’autres éléments dans le coefficient fiscal, comme expliqué supra. 3.3.  L’impact de ces dispositions sur les choix fiscaux des communes Les choix d’une commune quant à la structure de sa fiscalité dépendent de nombreux éléments. Très succinctement, il s’agit notamment : - du coût des dépenses à couvrir, qu’il s’agisse, d’ailleurs, de dépenses imposées ou de dépenses reflétant les préférences locales (et des financements obtenus des autorités supérieures en la matière) ; - de la possibilité de lever ou d’obtenir un rendement de telle ou telle taxe (ainsi que des mécanismes d’égalisation fiscale en la matière) ; à cet égard, les situations sont des plus diverses : une commune avec un important revenu cadastral industriel pourra être tentée de privilégier la fiscalité immobilière, que ce soit avec un taux relativement modéré frappant une assiette assez importante, ou un taux plus élevé ciblant une implantation difficilement délocalisable ; de même, une commune avec de nombreux résidents travaillant à l’étranger ou une commune avec des habitants ayant des revenus relativement faibles sera tentée de privilégier les c.a. au PrI plutôt que les additionnels à l’IPP ; ou encore une commune ayant un RC résidentiel important et des habitants ayant des revenus relativement élevés pourra se satisfaire de taux relativement modérés. D’autres éléments peuvent également jouer, plus particulièrement en matière de taux, comme par exemple, la composition et l’orientation politique de la majorité communale ou encore la yardstick competition ou comparaison que les citoyens peuvent établir avec d’autres communes26. Gérard, Jayet et Paty (2010) ont également montré que des interactions existaient entre communes proches en matière d’additionnels à l’IPP à l’exclusion de c.a. au PrI. Enfin, divers facteurs explicatifs peuvent déterminer les moments où surviennent des variations dans la fiscalité locale : ceux-ci peuvent être, par exemple, liés

(24) Base fiscale inchangée, fiscalité des autres communes inchangée. (25) Il concerne principalement les 22 communes de la 2e catégorie qui se voit garantir une quote-part par habitant au moins égale à la quote-part moyenne par habitant des communes de la 3e catégorie. D’aucuns considéreront que cette garantie témoigne de la non pertinence des catégories. (26) Voy. Gérard et Van M alderen, 2012 pour une analyse des communes wallonnes en la matière. LARCIER

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Les formules de répartition du fonds des communes au calendrier électoral27 ou à des variations de la base imposable28. Il n’est donc pas évident de démontrer l’influence que la formule de répartition du Fonds des communes a pu avoir sur les choix fiscaux en matière de bases et de taux fiscaux opérés par les communes wallonnes. Nous procédons donc à une démarche en plusieurs étapes : approche économétrique, réactions des acteurs, analyse des décisions communales relatives aux taxes additionnelles puis à la fiscalité autonome. Ces étapes intégreront, le cas échéant, une comparaison interrégionale. Des encadrés présenteront l’évolution des additionnels à l’IPP et au PrI. 3.3.1.  Une approche économétrique Comme l’a montré Bernard Jurion (2000), une corrélation négative existe entre une augmentation du taux de la taxe additionnelle à l’IPP et la quote-part obtenue par la commune, tandis que la corrélation est positive entre le taux de la taxe additionnelle au PrI et la quotepart obtenue. Il en conclut que les communes recevant les quotes-parts les plus élevées sont aussi celles prélevant le plus de c.a. au PrI et celles dont le revenu moyen par habitant est le plus bas (et ayant ainsi peu de possibilité de retirer des recettes élevées d’un impôt sur le revenu des ménages). Testant la structure de la fiscalité communale, Bernard Jurion conclut qu’à une quote-part élevée dans le FC correspond une fiscalité où interviennent essentiellement les c.a. au PrI au détriment de la taxe additionnelle à l’IPP. 3.3.2.  Les réactions des observateurs et des producteurs de politique publique L’absence de neutralité des modalités de répartition de la dotation du fonds des communes quant au choix fiscaux des communes, et le bénéfice pour une commune d’augmenter ses additionnels au PrI ou la fiscalité communale autonome plutôt que les additionnels à l’IPP était d’emblée évoqué (Husson, 1990, p. 34) et plusieurs travaux ont confirmé ce biais par la suite (notamment Husson, 2000 ; Jurion, 2000). De même, Huart (1998, p. 160) soulignait qu’« une telle disposition a débouché sur un effet pervers : afin de voir leur quotient fiscal ou leur coefficient fiscal croître, certaines communes ont privilégié le recours à la taxation

immobilière ou à la taxation propre. De tels comportements ne peuvent que déboucher sur des situations ‘conflictuelles’ dans la détermination de politiques communales. Ainsi, à titre d’exemple, comment doivent réagir des communes souhaitant mener des politiques d’attractivité à la fois d’entreprises ou de personnes privées, et qui sont de facto confrontées au choix d’une fiscalité immobilière plus faible, en vue de réaliser cet objectif, mais contraintes dans le même temps de l’augmenter, afin de ne pas voir une de ses importantes recettes de fonctionnement se tarir au fil du temps ? ». Ce point de vue a également été exprimé par le président de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, W. Burgeon, devant la Commission des Affaires intérieures et de la Fonction publique du Parlement wallon, le 22 janvier 1998, cette position étant partagée par plusieurs parlementaires. Plusieurs partis politiques s’étaient également exprimé en ce sens dès le début des années 1990, singulièrement le PSC29 et le PRL30 (Husson, 2004, pp. 29‑32) Inquiète de la progression de la fiscalité locale dans son ensemble et de ses conséquences sur l’activité économique – en particulier l’investissement et l’emploi –, la Région va ainsi négocier31 une « paix fiscale » avec les pouvoirs locaux en 1996-1997. Celle-ci portait principalement sur32 : - l’engagement des pouvoirs locaux à ne pas augmenter leur fiscalité propre à partir du moment où le taux maxima fixé par la Région est atteint33, les taux dépassant ces maxima pouvant toutefois être conservés ; les communes étaient ainsi invitées à limiter les additionnels au PrI et à l’IPP à respectivement 2600 c.a. et 8% (les taux supérieurs alors en vigueur pouvant être maintenus) et les taux appliqués à la force motrice ne pouvaient dépasser ceux appliqués lors de l’exercice 1997 ; - la réserve au pouvoir régional de certaines taxes en rapport avec les politiques régionales (automates, logement, sites industriels désaffectés) et l’interdiction des taxes compensatoires aux exonérations accordées par la Région ainsi que sur le personnel occupé ; - l’indexation de la dotation du Fonds sur la base de l’indice des prix à la consommation. Parallèlement, le montant du PrI pris en compte dans la formule de répartition était adapté : l’article 24 du décret programme du 17 décembre 199734 a ainsi

(27) Analysant les communes wallonnes, Gérard et Van Malderen (2012) montrent par exemple la grande stabilité en matière de taux l’année des élections communales, suivie d’une progression par la suite. Nous montrerons ultérieurement qu’il en va de même dans les autres Régions. (28) Voir par exemple, l’augmentation des additionnels à l’IPP au début des années 2000 faisant suite à la réforme fédérale de l’IPP. (29) Aujourd’hui devenu le CDH. (30) Aujourd’hui devenu le MR. (31) D’aucuns considéreront que la paix fiscale fut davantage imposée que négociée. (32) La Paix fiscale mériterait à elle seule de plus longs développements mais cela sort du cadre de notre propos. (33) Les taux maxima étant fixés par la Région par voie de circulaire, leur caractère contraignant (en particulier eu égard à l’approbation des budgets communaux par la tutelle) a été contesté. Voy. notamment C.E., Ville de Huy c/ Députation permanente du Conseil provincial de Liège et la Région wallonne, no 106.994 du 24 mai 2002. Par la suite, les « taux maxima » devinrent des « taux recommandés ». (34) Décret-programme du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matières d’impôts, taxes et redevances, de logement, de recherche, d’environnement, de pouvoirs locaux et de transports, M.B., 27 janvier 1998.

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Doctrine inséré un article 12bis dans le décret du 20 juillet 1989 stipulant que « Lorsqu’une commune augmente, à partir de l’exercice 1998, son taux de centimes additionnels au précompte immobilier par rapport à celui pratiqué durant l’exercice 1997, la recette totale des centimes additionnels prise en compte dans le (…) numérateur (…) sera égale à la recette totale de l’année précédent celle de la majoration du taux des centimes additionnels, multipliée par le coefficient d’indexation [du RC] prévu à l’article 518 du Code des impôts sur le revenu ».

pays de 1990 à 2011 nous a permis de recenser les modifications opérées par les communes quant à leur fiscalité additionnelle : augmentation ou diminution des seuls additionnels au PrI ou à l’IPP, augmentation ou diminution conjointe des additionnels au PrI et à l’IPP, augmentation ou diminution des additionnels au PrI accompagnée d’une diminution ou d’une augmentation des additionnels à l’IPP.

Le poste « PrI » ainsi gelé, le seul moyen pour une commune d’encore améliorer son numérateur était de recourir à l’augmentation des recettes de la fiscalité communale autonome (augmentation des taux, nouvelles bases) dont, on l’a vu, certaines taxes étaient limitées, interdites ou reprises par la région.

Les communes ont-elles relevé le taux de leurs additionnels lorsque ceux-ci étaient inférieurs aux taux minima ?

3.3.3.1. Les conditions de fiscalité minimale

3.3.3. L’analyse des décisions communales en matière d’additionnels

Comme cela a été mentionné précédemment, le décret incitait à établir des minima de 6% d’additionnels à l’IPP et de 1900 c.a. au PrI pour accéder aux sous-tranches pauvreté de la Tranche C de la dotation dite spécifique et, dans le cas de l’IPP uniquement, pour éviter d’être pénalisé au niveau du numérateur du quotient fiscal.

Le traitement d’une base de données constituée avec la collaboration de Belfius et comportant le taux des additionnels à l’IPP et au PrI pour les communes du

La condition quant au niveau d’additionnels à l’IPP, couplée à l’incitation quant au taux d’additionnels à l’IPP pris en compte au niveau du numérateur, n’ont manifes-

L’évolution de la taxe additionnelle à l’IPP Graphique 1. Taux moyen non pondéré de la taxe communale additionnelle à l’IPP

Sources : calculs propres sur base de données Belfius.

Le graphique 1 montre la progression du taux moyen (non pondéré) des additionnels communaux à l’IPP par Région. La progression en Wallonie s’opère principalement par « bonds », opérés en début de législature, rejoignant ainsi l’analyse de Gérard & Van Malderen (2012). Le phénomène est également présent, quoique parfois moins nettement, dans les autres Régions, notamment en 1994 en Région de Bruxelles-Capitale et en 2001-2002 en Flandre. Du côté wallon, la croissance enregistrée à partir du début des années 2000 peut être expliquée par le relèvement des taux recommandés par la tutelle, suite à la réforme fiscale fédérale de l’IPP qui a graduellement réduit l’assiette à laquelle s’appliquent les additionnels. L’évolution du taux des additionnels à l’IPP en Wallonie n’est donc pas liée à la formule de répartition du Fonds des communes : les moments d’inflexions et le rythme des évolutions sont manifestement à relier à d’autres éléments explicatifs, à savoir respectivement les élections communales et l’impact de la réforme fiscale fédérale. LARCIER

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Les formules de répartition du fonds des communes tement guère eu d’influence : les trois seules communes en dessous de ce seuil en 1990 ont maintenu leur taux inchangé pendant plusieurs années, avant que des contraintes autres ne les amènent à l’augmenter ; quatre autres communes ont adopté un taux inférieur à 6% après 1990, trois d’entre elles l’ayant conservé en 2012. Remarquons que, sur les 7 communes concernées, 6 se situent dans le Brabant wallon, province dont les communes se distinguent en général des autres communes wallonnes par un rendement élevé des recettes fiscales et une moindre importance relative du Fonds des communes dans les recettes ordinaires. Par contre, le nombre de communes ayant moins de 1900 c.a. au PrI s’est rapidement réduit, passant de 85 en 1990 à 73 en 1991, à 63 en 1992 et ainsi de suite pour ne plus être que de 32 en 1997, nombre stable jusqu’en 2002 (22) avant que ne s’entame une nouvelle diminution graduelle pour arriver à seulement 10 communes en 2009, chiffre resté stable depuis. Contrairement à la situation du côté de l’IPP, sauf erreur ou omission, aucune commune ayant un niveau d’additionnels supérieur à 1900 ne l’a ensuite réduit. En fixant un minima que presque toutes les communes rencontraient en matière d’additionnels à l’IPP mais un niveau que près de 30% des communes wallonnes n’atteignaient pas en matière de PrI, ces dernières étaient incitées à augmenter leur taux d’additionnels au PrI – l’autre condition étant déjà remplie – afin d’une part d’accéder à la tranche C et, d’autre part, d’améliorer le numérateur du quotient fiscal (voir ci-dessous). Le mouvement se calmera toutefois pendant quelques années suite à la Paix fiscale (voir Graphique 2 ci-dessous). À titre de comparaison, la réforme du Fonds des communes flamand instaurée par le décret du 5 juillet 2002 conditionne l’accès au mécanisme de garantie (qui consiste à recevoir une quote-part correspondant au total des montants reçus en 2002 dans les divers Fonds ayant été intégrés dans le nouveau Fonds des communes) à des minima fiscaux de 5% d’additionnels à l’IPP et de 700 c.a. au PrI Le processus est assez semblable : en 2002 (comme sur toute la période 1990-2012), 7 à 8 communes ne répondaient pas à la condition en matière d’IPP et il n’y a guère eu de modification après 2002. Par contre, en matière de PrI, 29 communes ne répondaient pas à la condition de minima fiscal en 2002, nombre tombé à 4 en 2004, 1 en 2006 et 0 en 2010. 3.3.3.2.  Le quotient fiscal La fiscalité autonome faisant l’objet du point suivant, la question posée ici est de savoir si les communes ont privilégié le recours aux additionnels au PrI, que ce soit

comme option privilégiée par rapport à un recours à l’IPP ou que ce soit en réduisant la taxe communale additionnelle à l’IPP pour augmenter les c.a. au PrI. Le Tableau 3 synthétise les décisions prises par les communes au cours de deux périodes : - 1990-1993, premières années de mise en œuvre du décret de 1989 ; l’année 1994 n’est pas prise en compte car il s’agit d’une année électorale ayant connu une grande stabilité des taux ; - 1990-1997, soit des premières années du décret Cools à l’année du pacte fiscal. Les divers choix s’offrant aux communes ont été recensés et seules les décisions flattant le numérateur du quotient fiscal sont reprises dans la colonne « En % »35. Cela permet de constater que, quelle que soit la période considérée, une très nette majorité des décisions communales allaient dans le sens concerné. Ce constat doit toutefois être relativisé par le fait que l’évolution est très semblable à celle observée pour les communes flamandes – et, dans une moindre mesure bruxelloises – ce qui amènerait à conclure que l’orientation de la fiscalité locale wallonne en faveur du PrI aurait pu ne guère être différente si la formule de répartition n’avait pas favorisé le précompte immobilier. Cette conclusion semble corroborée par le fait qu’il y a peu de diminutions d’additionnels à l’IPP compensées par une augmentation des c.a. au PrI. La seule influence du quotient fiscal semble être que moins de communes wallonnes ont pris des décisions consistant à diminuer les additionnels au précompte immobilier, si on rapporte ces décisions au nombre de communes de la Région (le rapport au nombre de communes ayant modifié leur fiscalité locale n’étant guère différencié de la situation des communes flamandes). Ce constat doit toutefois être nuancé. D’une part, les deux plus grandes communes wallonnes ne sont pas concernées par le quotient fiscal. Leur non-prise en compte ne modifie toutefois que très marginalement les résultats. D’autre part, comme précisé précédemment, les communes de la 2e catégorie étaient plus exposées à l’impact du quotient fiscal et si l’examen se concentre sur celles-ci, les conclusions sont radicalement différentes : le pourcentage de décisions flattant le numérateur est de 67% pour la période 1990-1993 (mais de 100% pour la période 1992-1993) et de 86% pour la période 19901997. L’évolution de 1992 à 1998 montrent d’ailleurs des « vagues »36 confirmant l’hypothèse d’ajustement

(35) Une approche basée sur le nombre de communes confirme ces conclusions. (36) L’augmentation des taux 1992 de Huy et Marche (PrI) et de Bastogne et Virton (PrI et IPP) est suivie de celle du taux 1993 de Verviers (PrI), des taux 1995 de Neufchâteau (PrI et IPP), Virton et Philippeville (PrI), des taux 1996 de Thuin (PrI et IPP), Soignies, Tournai, Huy et Seraing (PrI), des taux 1997 de Waremme, Arlon et Bastogne (PrI) et de Namur (PrI mais diminution de l’IPP).

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Doctrine Tableau 3. Décisions communales en matière de fiscalité additionnelle1 WALLOnIe 1990-1993

rbC

1990-1997

1990-1993

FLAnDre 1990-1997

1990-1993

1990-1997

Nombre En % Nombre En % Nombre En % Nombre En % Nombre En % Nombre En % Augmentation IPP uniquement

15

Augmentation PrI uniquement

47

Diminution IPP uniquement

13

23

1

6

24

44

Diminution PrI uniquement

12

19

0

2

14

25

Augmentation PrI et IPP

29

Diminution PrI et IPP

5

Augmentation PrI, diminution IPP

2

Diminution du PrI et augmentation IPP

1

Nbre de communes avec changement (1)

124

33 38%

23%

135

82

0 44%

27%

1

2%

1

8 2%

5

306

38%

7

13%

1

8

11 29%

76

25%

40

3

0 73%

8

13%

2

1 63%

3

1

28

42%

4

88

2%

19

180

45%

23%

14

1 57%

170

22%

10 4%

0 63%

17

5%

2 67%

379

73%

La colonne en % est le rapport entre le nombre de communes ayant pris la décision indiquée et le nombre total de décisions de modifications des taux au cours de la période sous revue (NB : une diminution d’un taux et l’augmentation simultanée d’un autre est considéré comme une seule décision).

Source : calculs propres sur base de données Belfius, le cas échéant complétées par des données des associations de pouvoirs locaux.

L’évolution des c.a. au précompte immobilier Graphique 2. Évolution comparée du taux moyen d’additionnels au PrI (non pondéré)

Source : calculs propres sur la base de données Belfius. Afin de permettre une comparaison, les taux pratiqués en Flandre ont été multipliés par deux pour les exercices après doublement de la base régionale.

La croissance des additionnels au PrI s’opère par « bonds » au début de chaque législature communale, et ce de manière plus nette qu’en matière d’additionnels à l’IPP. Si les premières années d’application du décret de 1989 virent une progression constante de la moyenne des c.a. demandés par les communes wallonnes – ce qui allait dans le sens tant de la condition d’accès à la répartition pauvreté de la Tranche C (voir supra) que de l’optimalisation du numérateur du quotient fiscal –, force est de constater que la Flandre a connu une progression assez semblable. Enfin, on constatera l’impact de la paix fiscale, qui a amené à une stabilité assez remarquable pendant plusieurs années.

LARCIER

2013/1 | Revue de fiscalité régionale et locale | 45


Les formules de répartition du fonds des communes de communes aux décisions prises par d’autres et ayant eu un effet négatif sur leur quote-part (diminution de la dotation principale ou augmentation moindre qu’attendue). Une commune, Namur, constatera recevoir moins qu’attendu du FC suite aux décisions prises précédemment par les autres communes et augmentera ses additionnels au PrI tout en diminuant ses additionnels à l’IPP, véritable arbitrage visant à optimaliser – in casu récupérer – sa quote-part dans le Fonds des communes. 3.3.4. L’analyse des décisions communales en matière d’augmentation de la fiscalité communale autonome La fiscalité communale autonome se compose d’un « ensemble de taxes et de redevances diverses à objectifs variables (occupation du domaine public, rémunération de services rendus par la commune, pénalisation de certaines attitudes,…) qui, globalement, ne représentent cependant qu’une vingtaine de pourcents des ressources que les communes retirent de la fiscalité. Toutes les communes n’ont, par ailleurs, pas la même aptitude à se procurer ce dernier type de recettes dont le coût de perception est parfois élevé pour un rendement relativement faible » (JurioN, 2000, p. 97). Le graphique 3 montre une croissance constante du volume de la fiscalité communale autonome en Wallonie, comme dans les autres Régions. La croissance y est toutefois plus élevée et, en 1996, la croissance cumulée enregistrée pour les communes de la Région wallonne est supérieure à la croissance observée dans les deux autres Régions.

La paix fiscale ne va pas freiner cette croissance, au contraire. Malgré la limitation, l’interdiction ou la reprise par la Région wallonne de certaines taxes, la croissance cumulée des communes wallonnes est bien supérieure à celle des autres Régions à partir de 1997. Une analyse en EUR par habitant, que ce soit en montant nominal ou en indice, conclut aux mêmes résultats. Le graphique 4 montre le principal résultat de ce qui a été expliqué précédemment, à savoir qu’une part des recettes fiscales des communes wallonnes provenant, dans une mesure plus importante que dans les deux autres Régions, de la fiscalité communale autonome. Remarquons que cette tendance s’est encore accentuée après la Paix fiscale de 1997, moment où seul le produit de ces taxes permettait encore d’optimaliser le numérateur du quotient fiscal. L’analyse pourrait être affinée par une approche désagrégée. Il ne semble toutefois pas présomptueux de conclure que la formule de répartition du Fonds des communes a incité les communes wallonnes à recourir dans une certaine mesure à la fiscalité communale autonome afin d’optimaliser leur part dans le Fonds des communes. Ce propos doit toutefois être nuancé à deux égards : - les taux maxima puis les taux recommandés découlant de la paix fiscale d’une part, la difficulté pour des communes ayant une faible base imposable à l’IPP et/ou au PrI de mettre en œuvre des taux élevés d’autre part, sont en toute logique d’autres facteurs explicatifs de cette orientation de la fiscalité communale wallonne ;

Graphique 3. Évolution comparée du montant total de la fiscalité communale autonome (en euros courants - 1990 : indice 100)

Source : calculs propres sur la base de données Belfius.

46 | Revue de fiscalité régionale et locale | 2013/1

LARCIER


Doctrine Graphique 4. Fiscalité communale autonome en pourcentage des recettes fiscales totales

Source : calculs propres sur la base de données Belfius.

- l’évolution de ce type de fiscalité en Région de Bruxelles-Capitale, singulièrement à partir du milieu des années 2000 et en l’absence d’un quelconque incitant en ce sens dans la formule de répartition du Fonds des communes bruxellois, plaide dans le sens de ce dernier argument. 3.4. La CoNCurreNCe fisCaLe La formule de répartition du FC limite les possibilités de concurrence fiscale :

fiscalité locale : niveaux minima d’additionnels au PrI (1900 c.a.) et à l’IPP (6%) et un quotient fiscal, présent dans la formule de répartition de la dotation principale, qui favorise le recours aux additionnels au précompte immobilier et à la fiscalité communale autonome. Les communes ayant modifié leurs taux d’additionnels à l’IPP et/ou au PrI ont, en majorité, introduit des modifications allant dans un sens leur étant favorable en termes de répartition du FC.

- en matière d’IPP, une telle concurrence est théoriquement possible, sans impact sur la quote-part obtenue tant que la commune ne se situe pas sous le minima de 6% d’additionnels ; en pareil cas, l’impact est à apprécier compte tenu de l’évolution des recettes des additionnels au PrI de la même commune ; - en matière de PrI, toute diminution a un impact négatif sur le quotient fiscal et donc la quote-part obtenue, à moins que la fiscalité communale autonome ne permette de maintenir le niveau du numérateur du quotient fiscal.

On constate cependant que les autres Régions ont connu des évolutions assez proches, en l’absence d’une semblable formule de répartition. Il peut donc être supposé que l’orientation n’aurait guère été fondamentalement différente à défaut d’une telle formule du quotient fiscal. Ce dernier propos doit toutefois être nuancé en ce qui concerne les villes de la 2e catégorie, pour lesquelles le quotient fiscal pesait de manière plus directe. Dans leur cas, l’influence de la formule de répartition sur leur fiscal mix est manifeste. Enfin, le poids et l’évolution de la fiscalité communale autonome semblent avoir été encouragés par la formule du quotient fiscal.

3.5. CoNCLusioNs

4. La réforme de 200837

Divers éléments de la formule de répartition du Fonds des communes peuvent avoir un effet incitatif pour la

Cette section ne reviendra pas sur les prémisses de la réforme ni sur le déroulement de celles-ci ou les pre-

(37) Décret du 15 juillet 2008 modifiant le livre III, Chapitre II, du Code de la démocratie locale et de la Décentralisation du 22 avril 2004 fixant les règles de financement général des communes wallonnes, M.B., 23 juillet 2008, pp. 38456 et s. LARCIER

2013/1 | Revue de fiscalité régionale et locale | 47


Les formules de répartition du fonds des communes Tableau 4. Structure du Fonds des communes wallon (décret de 2008) Dotation

Poids

Péréquation fiscale

30%

Tranche péréquation taxe communale additionnelle à l’IPP : 22% Poids de chaque commune au prorata du résultat : (Potentiel IPP Région – Potentiel IPP commune1) × taux additionnels commune × population. Tranche péréquation taxe communale additionnelle au PrI : 8% Poids de chaque commune au prorata du résultat : (Potentiel PrI Région – Potentiel PrI commune) × (taux additionnels commune/100) × population.

Externalités

53%

En proportion des parts obtenues en appliquant la formule suivante : Dépenses normées = [– 243 985,9 + (794,5123 x population) + (0,005604 × population x population)] × (taux IPP commune / taux IPP régional moyen) × (taux PrI commune / taux PrI régional moyen).

Logements publics ou subventionnés

7%

Tranche stock : 3,5% en 2008-2009 puis croissant jusqu’à 6% à partir de 2018 (réservé aux communes ayant au moins 10% de logements publics – répartition au prorata du nombre de logements publics pondérés par divers éléments) Tranche bonus : 3,5% en 2008-2009 puis décroissant jusqu’à 1% à partir de 2018 (réservé aux communes ayant moins de 10% de logements publics – répartition en fonction notamment du nombre de logements éligibles prévus)

Densité de population

5,5%

Tranche répartie entre les communes ayant une densité inférieure à la densité régionale. Répartition au prorata du résultat : ((densité Région – densité commune) / somme écarts)

Chefs-lieux d’arrondissement ou de province

4,5%

Pour les chefs-lieux d’arrondissement : pop. arrondissement / pop. Région Pour les chefs-lieux de province : pop. Province / pop. région. Cumul des deux pour les villes étant à la fois chefs-lieux d’arrondissement et de Province.

(1)

Indicateurs

Le potentiel fiscal de la Région / de la commune est la valeur, par habitant, d’un pour cent du produit global de l’impôt des personnes physiques, à l’exclusion du produit de la taxe communale additionnelle, enrôlé au cours d’un exercice d’imposition sur le territoire de la Région / de la commune.

mières réactions38 mais s’attachera à la formule de répartition. 4.1. Présentation générale

chefs-lieux. Lors des débats parlementaires, si la fin des catégories a été citée comme une avancée, de même que la prise en compte des externalités, le fait que 83% de la dotation soit sensible aux taux locaux en matière d’additionnels a suscité la crainte que les communes ne soient tentées d’augmenter leurs taux afin d’accroître leur part dans le FC, voire simplement de la conserver en cas d’augmentation des taux d’autres communes.

Après une tentative avortée de réforme du Fonds en 2004, un nouveau système a été adopté par le Parlement wallon en juillet 2008. Ce système fait disparaître les catégories de communes et accorde un poids important à la « centralité ».

4.2.  Les dispositions susceptibles d’influencer la fiscalité

Les deux principales tranches de ce mode de répartition visent à prendre en compte la péréquation fiscale, tant en IPP qu’au PrI, et la centralité39 qui, quasiment absente du précédent mode de répartition, se voit attribuer une tranche de 53% plus les 4,5% pour les

Les taux d’additionnels IPP et PrI pèsent dorénavant sur 83% de la répartition du Fonds, ceux-ci étant pris en compte non seulement dans la dotation Péréquation mais également dans la dotation Externalités40 ; ce poids important a été souligné lors des travaux parlementaires.

(38) Voy. respectivement Husson (2004, 2009). (39) On entend par centralité la réponse aux demandes de biens et services locaux émanant de personnes ne résidant pas sur le territoire de la commune, notamment en matière d’enseignement, de culture et de sport. Le terme « externalités » est également utilisé et renvoie aux services dont ces nonrésident bénéficient en ne supportant que très faiblement leur coût, lequel repose principalement sur les résidents et, le cas échéant, un système de transferts généraux ou spécifiques. (40) L’introduction de l’effort fiscal est justifiée dans les commentaires des articles afin « d’éviter toute tentative de concurrence fiscale « opportuniste ». En effet, dans l’hypothèse où une commune parviendrait, par une baisse de sa fiscalité, à attirer sur son territoire un plus grand nombre d’habitants, le critère issu de la régression économétrique lui attribuerait une part plus importante du Fonds des communes. Cela pourrait conduire à un renforcement non souhaitable de la concurrence fiscale » (Parlement wallon, Doc. parl. 810, 12 juin 2008, no 1, p. 16). La prise en compte des taux des additionnels, tant à l’IPP qu’au PrI dans la dotation « externalités » concernant ici toutes les communes, a été considérée comme présentant davantage de risques d’inciter les communes à augmenter leurs taux. Le rapport du Pr Pagano préconisait, de fait, la prise en compte d’indicateurs fiscaux mais cela avant que le décret ne prévoit une dotation Péréquation. Comme mentionné supra, il en résulte un poids très important accordé aux critères fiscaux (Husson, 2009, p. 46).

48 | Revue de fiscalité régionale et locale | 2013/1

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Doctrine Tableau 5. Éléments fiscaux : comparaison avec le décret de 1989 Décret du 20 juillet 1989

Décret 2008

Part du FC influencé par des critères fiscaux

47,25%1 (hors part de la dotation spécifique dont l’accès est conditionné à des niveaux de fiscalité minima)

30% pour la Dotation Péréquation ; voir aussi les 53% de la Dotation Externalités.

Bénéficiaires potentiels

Toutes les communes

Toutes les communes

Bénéficiaires effectifs

Toutes les communes

Dotation péréquation : Communes ayant un rendement inférieur à la moyenne régionale pour les additionnels à l’IPP et/ou au PrI

Prise en compte des add. au PrI

Impact positif d’un taux élevé (jusqu’en 1997) et/ou d’un rendement élevé sur la quote-part (numérateur) incitant à « pousser » les taux (jusqu’en 1997) et à l’élargissement de la base

Impact positif d’un rendement inférieur à la moyenne. Impact positif d’un taux élevé. risque potentiel d’orientation des taux à la hausse dans les communes où le rendement est inférieur à la moyenne.

Prise en compte des add. à l’IPP

Impact positif d’un rendement faible (dénominateur) ; pas d’impact du taux pas d’orientation de la politique locale

Impact positif d’un rendement inférieur à la moyenne. Impact positif d’un taux élevé. risque potentiel d’orientation des taux à la hausse dans les communes où le rendement est inférieur à la moyenne.

Prise en compte fiscalité locale autonome

Impact positif d’un taux élevé et/ou d’un rendement élevé sur la quote-part (numérateur) incitant à « pousser » la fiscalité locale autonome

Pas de prise en compte pas d’orientation de la politique locale

Communes « favorisées »

Communes industrielles avec précompte immobilier important (« gonflant » le numérateur) et rendement faible d’un pour-cent d’additionnels à l’IPP (réduit le dénominateur).

Communes industrielles avec précompte immobilier important (lequel ne fait pas l’objet d’une péréquation) et rendement faible des additionnels à l’IPP (péréquation). Commune à taux d’additionnels élevés. Communes ayant des frontaliers luxembourgeois (non prise en compte dans le rendement de l’IPP).

(1)

Voir Husson (2000). Hors prise en compte du niveau de revenu dans la Tranche pauvreté.

Si toutes les communes peuvent a priori bénéficier de la dotation Péréquation du FC, seules celles ayant un rendement inférieur à une des deux moyennes régionales recevront effectivement une quote-part. Le système mis en œuvre rompt radicalement avec le système antérieur, comme le précise le tableau-ci dessous. En découle le risque de voir des communes augmenter leurs taux d’additionnels IPP et PrI, point qui a été évoqué par plusieurs experts en commission du Parlement wallon. Mis en exergue par les parlementaires et le président du MR d’alors Didier Reynders, évoquant une « rage taxatoire », ce risque a été relativisé voire

contesté par le ministre Courard, porteur du dossier, et plusieurs parlementaires PS41. Sur la base de l’analyse des formules de répartition, ce risque est plus présent au sein des communes dont le potentiel fiscal, en matière d’IPP et/ou de PrI, est inférieur à la moyenne régionale. Signalons qu’afin de réduire un tel risque, un des experts consultés par le Commission des Affaires intérieures avait suggéré de prendre en compte la moyenne des taux des trois ou cinq dernières années42, piste qui n’a pas été suivie. Dans la tranche péréquation, seules les communes ayant un potentiel fiscal inférieur au potentiel fiscal de

(41) L’évaluation du décret devrait permettre de vérifier si le risque se concrétise au-delà de certains cas individuels, tel celui de Mont-Saint-Guibert, dont le bourgmestre a justifié l’augmentation des additionnels au PrI pour maintenir voire accroître sa part dans le Fonds des communes (Le Soir – édition Brabant wallon, 13 décembre 2008). (42) Parlement wallon, Compte rendu analytique, CRAC 147, 10 juin 2008, p. 12. LARCIER

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Les formules de répartition du fonds des communes la Région seront incitées à augmenter leur taux. Pour les communes qui ont un potentiel fiscal légèrement inférieur à celui de la région, augmenter le taux peut s’avérer bénéfique (toutes autres choses égales par ailleurs, une commune qui a un taux d’additionnels à l’IPP de 6 et qui le passe à 7 voit potentiellement sa part augmenter de plus de 16%). Dans la tranche externalités, la fraction taux commune / taux Région peut aussi inciter les communes à augmenter leurs taux (et pas seulement celles qui ont un potentiel fiscal inférieur à celui de la Région). L’intérêt sera d’autant plus élevé si l’écart par rapport au taux régional est faible et si d’autres communes n’en font pas autant. Exemple : une commune à un taux de 6% par rapport à une moyenne de 7% ; elle est à 85,7% de cette moyenne. Si elle fait passer son taux à 7% sans que d’autres communes augmentent leur taux, la moyenne régionale restera de 7%, le ratio sera alors de 100%, soit une augmentation de la quote-part de près de 17%. Si plusieurs communes augmentent leur taux, la moyenne peut augmenter, mais de toutes façons moins que le taux des communes en question : dans l’exemple ci-dessus, si on prend 7% et une moyenne de 7,5%, le ratio est de 93,3%, soit une augmentation de la quote-part de 8,8%.

Ce risque est notamment alimenté par le fait que les répartitions s’opèrent à enveloppes fermées. Dès lors, à potentiels fiscaux inchangés, si une commune augmente ses taux, elle devrait alors voir sa quote-part augmenter, ce qui (hors indexation ou refinancement) ne peut se faire qu’au détriment des autres communes ayant maintenu leurs taux inchangés. Une suggestion alternative, non retenue, était d’opérer la péréquation sur base de la moyenne régionale et de répartir le reste43, sortant ainsi du carcan de l’enveloppe fermée44. Par contre, l’abandon de la prise en compte de la fiscalité communale autonome dans le calcul de répartition a été largement cité comme un élément positif45. Remarquons que, dans les premières années de mise en œuvre du décret, l’impact des nouvelles formules de répartition est atténué par l’existence d’une dotation minimale46, dont le montant en EUR est fixé par l’annexe 2 du décret et qui garantit à chaque commune une quote-part minimale correspondant à sa quote-

part (indexée) de 2006 dans le Fonds des communes et les plans Tonus 1 et 2, diminuées le cas échéant des charges communales relatives à ces prêts (Husson, 2009, p. 38). 4.3.  L’impact de ces dispositions sur les choix fiscaux des communes Une évaluation du nouveau décret a été annoncée mais, à notre connaissance, rien n’a été rendu public. En 2008, 53 communes wallonnes hors Communauté germanophone ont adapté leur fiscalité ; si 4 ont diminué leur fiscalité (additionnels PrI et/ou IPP), les 49 autres l’ont augmenté. En 2009, 27 communes ont modifié leur fiscalité additionnelle, 7 la diminuant. Il est difficile, à ce stade, d’attribuer les décisions de relever la fiscalité à la nouvelle formule de répartition. Les circonstances économiques générales et les besoins financiers des communes (notamment par transferts de charges non financées) peuvent également expliquer cette augmentation. Mentionnons toutefois la sortie médiatique la plus rapide et la plus significative du bourgmestre de MontSaint-Guibert qui déclarait que si la fiscalité de sa commune n’avait pas été revue à la hausse (taux à l’IPP inchangé à 7% ; taux au PrI passé de 1900 à 2000), sa commune aurait été privée « de la moitié de la dotation du Fonds » 47. Que cela soit fondé ou non, il ne peut être exclu que le nouveau mode de répartition serve d’argument à une augmentation de la fiscalité locale. 5. Conclusions Lors des débats parlementaires accompagnant la réforme du Fonds des communes de 2008, le risque de voir la nouvelle formule de répartition inciter les communes à relever leur taux d’additionnels au PrI et à l’IPP a été évoqué. La question n’est pas neuve. Dans le passé, lorsqu’une modalité de la répartition incitait les communes à augmenter leurs taux ou à orienter leur fiscalité dans un certain sens, les communes ont généralement répondu à cette incitation. Il s’agissait toutefois, le plus souvent ou dans tous les cas, d’un effet « inattendu », manifestement non recherché par le législateur ou d’une manière plus générale, par les producteurs de politique publique.

(43) Idem, p. 26. (44) Les autres éléments de débat relatifs à la péréquation ne seront pas développés ici. Mentionnons simplement que d’aucuns ont regretté que le poids accordé à la péréquation IPP soit plus important que celui accordé au PrI, alors que le PrI constitue la principale recette fiscale des communes wallonnes. De même, la non prise en compte des biens industriels dans la péréquation PrI a également fait l’objet de débats, certains mettant en avant une certaine variabilité de celui-ci du fait des désinvestissements industriels et des dispositions régionales en la matière (Plan Marshall,…) tandis que d’autres soulignaient que cette disposition favorisait surtout les communes industrielles. Enfin, le traitement différencié des accords frontaliers a également été soulevé, les communes recevant la compensation luxembourgeoise étant favorisées (car non prise en compte dans les recettes fiscales IPP) par rapport aux compensations française, allemande et néerlandaise (prises en compte dans les recettes fiscales). (45) Parlement wallon, Compte rendu analytique, CRAC 147, 10 juin 2008, pp. 11‑12. (46) Art. L1332-8. (47) Le Soir, 13 décembre 2008, pages Brabant wallon.

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LARCIER


Doctrine Cela est particulièrement vrai avec la formule de répartition du Fonds des communes instaurée par le décret de 1989. Si cette formule était, dans les grandes lignes, déjà d’application précédemment, son impact était alors fortement amenuisé par le mécanisme de garantie existant à l’époque. Plusieurs modalités, en particulier la formule du quotient fiscal, incitaient les communes à privilégier les additionnels au précompte immobilier et la fiscalité communale autonome. L’impact est renforcé par le fait qu’il s’agit d’un système d’enveloppe fermée, par catégorie dans le décret de 1989, pour l’ensemble des communes wallonnes dans le décret de 2008 : si une commune augmente ses taux et obtient une plus grosse part dans le Fonds, cela ne peut se faire qu’au détriment des autres communes (qui verront leur part se réduire ou progresser moins vite), qui risquent d’être alors elles-mêmes tentées d’augmenter leurs taux. Dans la période 1989-2008, les communes wallonnes ont adapté leur fiscalité dans le sens du biais évoqué supra. Cependant, force est de constater que cette évolution présente un certain nombre de convergences avec celle rencontrée par les communes flamandes ou bruxelloises, alors que les dispositifs régionaux respectifs ne comprennent aucun incitant comparable à celui existant dans le dispositif wallon. L’influence exercée par la formule de répartition sur les décisions fiscales prises par les villes de la 2e catégorie est toutefois manifeste. Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent aussi expliquer les choix opérés par les communes quant à leur « fiscal mix » : contraintes légales ou réglementaires, contraintes budgétaires (recettes insuffisantes ou dépenses à couvrir), choix politiques, évolution des bases imposables, du fait de l’activité économique ou de décisions prises à d’autres niveaux de pouvoir (réforme fiscale fédérale, plan Marshall,…).

Dans un premier temps, l’impact de ces mécanismes est toutefois limité par l’existence d’une dotation garantie, qui entraîne une mise en œuvre graduelle du nouveau mode de répartition. Le système constitue toutefois une amélioration par rapport au système précédent car il ne prend plus en compte la fiscalité communale autonome. Le principal enjeu de l’évaluation annoncée du décret48 serait dès lors de discerner son impact sur les taux pratiqués en matière d’additionnels à l’IPP et au PrI et de déterminer le cas échéant si la dotation Péréquation peut avoir un quelconque impact dans le poids respectif des additionnels à l’IPP et au PrI. L’articulation de la fiscalité locale avec les grandes orientations du développement économique régional est ainsi un enjeu de taille, qu’il convient de traiter dans le respect de l’autonomie communale, garantie par la Charte européenne de l’autonomie locale. Abréviations utilisées Add.

Additionnels

BEF

Franc(s) belge(s)

c.a.

Centimes additionnels

EUR

Euro(s)

FC

Fonds des communes

FSAS

Fonds Spécial de l’Aide Sociale

Hab.

Habitant

IPP

Impôts des personnes physiques

PrI

Précompte immobilier

RBC

Région de Bruxelles-Capitale

RW

Région wallonne

UVCW

Union des Villes et Communes de Wallonie

Avec le mode de répartition instauré par le décret de 2008, deux mécanismes peuvent jouer.

Bibliographie

- Dans la tranche péréquation, seules les communes ayant un potentiel fiscal inférieur au potentiel fiscal de la Région seront incitées à augmenter leur taux. Pour les communes qui ont un potentiel fiscal légèrement inférieur à celui de la région, augmenter le taux peut s’avérer bénéfique. - Dans la tranche externalités, la fraction taux commune / taux Région peut aussi inciter les communes à augmenter leurs taux (et pas seulement celles qui ont un potentiel fiscal inférieur à celui de la Région). L’intérêt sera d’autant plus élevé si l’écart par rapport au taux régional est faible et si d’autres communes n’en font pas autant.

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(48) Celle est menée par l’Administration mais ne semble pas avoir été rendue publique. LARCIER

2013/1 | Revue de fiscalité régionale et locale | 51


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Jurisprudence Cour constitutionnelle Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 Numéro du rôle : 5124

1°  Pouvoir fiscal communal – Pouvoir fédéral de limitation – Article 170, § 4, Const. – Portée restrictive 2°  Article 464, 1°, C.I.R. 92 – Portée – Taxe sur les spectacles calculée sur les recettes brutes de l’organisateur – Admissibilité 3°  Article 36 de la loi du 24 décembre 1948 – Taxe sur les spectacles calculée sur les recettes brutes de l’organisateur – Absence de fondement 1° Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil. La loi détermine, relativement à ces impositions, les exceptions dont la nécessité est démontrée (art. 170, § 4, Const.).

l’impôt, mais exclusivement le montant sur lequel l’impôt est calculé en définitive. L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 n’interdit donc pas de lever une taxe communale sur les recettes brutes dès lors que cette base diffère fondamentalement de la base des impôts sur les revenus.

La loi prise sur cette base doit être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des communes.

3° L’article 36, 2°, a), de la loi du 24 décembre 1948 dispose que sont abolis, sauf en ce qui concerne les exercices antérieurs à l’exercice 1949, les taxes établies au profit de l’État sur les spectacles ou divertissements.

2° Les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier (art. 464, 1°, C.I.R. 92).

Le transfert de la taxe sur les spectacles et divertissements par le législateur aux communes, par cette disposition, ne peut pas être considéré comme une justification suffisante pour pouvoir déroger, dans le chef des communes, à l’interdiction générale contenue dans l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992.

Cette disposition doit être interprétée restrictivement en raison de la limitation de l’autonomie fiscale des communes qui en découle. Par la base de l’impôt, la disposition en cause ne vise pas tout élément qui est pris en compte pour le calcul de

Siège : M. Bossuyt et R. Henneuse, Présidents ; E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.‑P. Snappe, J.‑P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, Juges ; F. Meersschaut, greffier.

: la question préjudicielle relative à l’arEn cause  ticle 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Conseil d’État.

aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés, alors que l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 interdit effectivement aux communes de le faire pour toutes les autres activités qui se déroulent sur le territoire de la commune ? ».

I.  Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt no 211.774 du 3 mars 2011 en cause de la s.a. « ABATAN » (précédemment la s.a. « Abattoirs et Marchés d’Anderlecht ») contre la commune d’Anderlecht, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 mars 2011, le Conseil d’État a posé une question préjudicielle qui, par ordonnance de la Cour du 22 mars 2011, a été reformulée comme suit :

Des mémoires et des mémoires en réponse ont été introduits par : - la s.a. « ABATAN », dont le siège social est établi à 1070 Bruxelles, rue Ropsy Chaudron 24 ; - la commune d’Anderlecht, représentée par son collège des bourgmestre et échevins.

« L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution s’il est interprété en ce sens qu’en conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, il n’est pas réputé interdire

À l’audience publique du 22 novembre 2011 : - ont comparu : · Me B. Mouton loco Me J. Van Steenwinckel, avocats au barreau de Bruxelles, pour la s.a. « ABATAN » ;

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 · Me B. Snoeks loco Me V. De Wolf, avocats au barreau de Bruxelles, pour la commune d’Anderlecht ; - les juges-rapporteurs E. Derycke et J.‑P. Snappe ont fait rapport ; - les avocats précités ont été entendus ; - l’affaire a été mise en délibéré. Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées. II.  Les faits et la procédure antérieure Le 23 mars 2007, un recours en annulation de la délibération du conseil communal d’Anderlecht du 23 novembre 2006 a été introduit devant le juge a quo. La décision du conseil communal attaquée instaure, pour les exercices 2007 à 2011, à charge de l’organisateur, du propriétaire du lieu et de la personne qui perçoit les contributions des spectateurs ou participants, une taxe sur les spectacles, expositions et manifestations assimilées, organisés dans des lieux privés, calculée en fonction des recettes. Cette taxe s’élève à 10 p.c. des recettes brutes des entrées, après déduction de la TVA. Déjà auparavant, le 6 décembre 2001, le conseil communal avait décidé de lever une telle taxe. Cette décision avait fait l’objet d’un recours en annulation auprès du juge a quo. Dans son arrêt no 199.454 du 12 janvier 2010, l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État juge que l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : C.I.R. 1992) n’est pas à ce point clair qu’il serait interdit d’en consulter les travaux préparatoires afin de l’interpréter. Elle considère également qu’il en va de même pour l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales (ci-après : la loi du 24 décembre 1948). Dans cet arrêt, il est conclu qu’en conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 ne peut être réputé interdire aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements sur la base des recettes brutes des entrées. À l’estime de l’auditeur dans l’affaire soumise au juge a quo, à la thèse duquel se rallie la partie requérante, l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, dans cette interprétation, soulève la question de sa compatibilité avec le principe d’égalité et de non-discrimination. En conséquence, le juge a quo pose la question préjudicielle précitée, qui est reformulée par la Cour. III.  En droit - A  Position de la s.a. « ABATAN » A.1. La s.a. « ABATAN », partie requérante devant le juge a quo, relève que, dans son arrêt du 10 décembre

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2009, la Cour de cassation s’est ralliée à une jurisprudence quasi unanime selon laquelle une taxe communale sur les spectacles et divertissements est contraire à l’interdiction prévue par l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 lorsque cette taxe communale est calculée sur le chiffre d’affaires réalisé, étant donné que le chiffre d’affaires constitue l’un des éléments essentiels qui déterminent directement la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés. Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt du 8 juin 2006, dans lequel la Cour de cassation a jugé qu’une taxe provinciale ne relevait pas de cette interdiction puisque cette taxe n’était pas fondée sur un des éléments essentiels qui déterminent directement l’assiette des impôts sur les revenus, mais sur la superficie occupée. À la lumière de l’objectif du législateur, cette jurisprudence peut être suivie. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de l’article 34 de la loi du 24 décembre 1948, le législateur a instauré l’interdiction qui figure actuellement à l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 afin de simplifier le régime fiscal complexe, en scindant autant que possible les impôts de l’État et les taxes communales, à l’exception des « centimes additionnels à l’impôt foncier ». C’est pourquoi il faut interpréter cette interdiction de manière suffisamment large et il est logique que, d’une part, la notion de « taxes similaires » soit interprétée compte tenu de la base de l’imposition, et que, d’autre part, le terme « base » ne puisse, par exemple, être limité au bénéfice net ou au résultat chiffré, ainsi qu’il est calculé sur la base du Code des impôts sur les revenus. Un impôt local qui est basé sur un élément essentiel qui détermine directement la base des impôts sur les revenus est en ce sens une taxe « similaire » interdite. Tel est le cas lorsqu’une taxe sur les spectacles et divertissements est calculée sur le chiffre d’affaires et lorsque ce chiffre d’affaires constitue pour le redevable en question un élément essentiel de la base de l’impôt sur les revenus qu’il doit payer. Selon la s.a. « ABATAN », toute autre appréciation viderait entièrement l’interdiction de sa substance et laisserait les portes grandes ouvertes à de nombreux impôts (indirects) calculés sur le « prix » des biens et services. Dans ses arrêts nos 199.454 et 199.455 du 12 janvier 2010, l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État a toutefois jugé, sur la base d’une analyse historique, que l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 n’interdit pas les taxes communales sur les spectacles et divertissements qui sont calculées sur les recettes brutes. Selon le Conseil d’État, cette conclusion découle de la lecture combinée de l’article 34 – qui est devenu l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 – et de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948. Selon la s.a. « ABATAN », cette vision est critiquable. En effet, lorsque le texte de la loi est clair, il n’y a pas lieu à interprétation, de sorte que la volonté présumée du législateur lorsqu’il a adopté la loi du LARCIER


Jurisprudence 24 décembre 1948 n’est pas pertinente. Par ailleurs, le fait qu’à l’impôt sur les revenus, une déduction des frais est en outre autorisée, de sorte qu’en principe, seuls les revenus nets sont frappés, ne justifie pas que les communes puissent contourner l’interdiction de taxation en établissant une taxe sur les revenus bruts. A.2. Selon la s.a. « ABATAN », l’interprétation précitée que fait le Conseil d’État de l’article 464, 1°, soulève la question de savoir pourquoi ce n’est que pour les spectacles et divertissements qu’une taxe communale pourrait être levée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés, et non pour toutes les autres activités qui ont lieu sur le territoire d’une commune. Cette différence de traitement est insusceptible de justification, de sorte que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative. Selon la s.a. « ABATAN », une interprétation conforme à la Constitution est toutefois possible : l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution s’il est interprété en ce sens qu’il est réputé interdire à une commune de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés, comme c’est le cas pour toutes les autres activités qui ont lieu sur le territoire d’une commune. Il ne résulte pas de ce qui précède que toute taxe locale sur les spectacles et divertissements serait impossible, du moins si un autre critère que les revenus ou le chiffre d’affaires (brut) était utilisé, par exemple une taxe forfaitaire par spectateur, payant ou non, perçue à charge de l’organisateur d’une représentation ou encore une taxe dont la base imposable est la superficie totale qu’occupe le redevable pour organiser l’événement. Position de la commune d’Anderlecht A.3. La commune d’Anderlecht, partie défenderesse devant le juge a quo, souligne que la question de savoir si une taxe communale calculée sur la base des recettes brutes des entrées payées par les spectateurs viole ou non l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 est controversée en doctrine et en jurisprudence. Une partie de la doctrine et de la jurisprudence estime que tel n’est pas le cas. Ce courant se fonde sur une analyse historique de cette disposition, qui a été exposée dans un jugement du 2 novembre 2004 du Tribunal de première instance de Bruges. En revanche, une jurisprudence majoritaire estime qu’une telle taxe communale est contraire à l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, comme le Conseil d’État dans son arrêt no 183.202 du 22 mai 2008. Dans son arrêt no 199.454 du 12 janvier 2010, l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État a cependant jugé qu’« en conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, l’article 464, LARCIER

1°, C.I.R. 1992 ne peut être réputé interdire aux communes de prélever une taxe sur les spectacles et divertissements sur la base des recettes brutes des entrées ». A.4. La commune d’Anderlecht estime que la taxe communale en cause n’est pas contraire à l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, considéré en soi, donc sans combiner cette disposition, comme le fait la question préjudicielle, avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948. En effet, l’article 464, 1°, impose aux communes une interdiction de lever des taxes similaires aux centimes additionnels et ne porte donc pas sur les taxes similaires aux impôts sur les revenus eux-mêmes. En outre, la base de la taxe communale sur les spectacles est le chiffre d’affaires de ces spectacles, alors que la base de l’impôt des personnes physiques et de l’impôt des sociétés n’est pas le chiffre d’affaires, mais les revenus nets annuels. À cela s’ajoute que la taxe sur les spectacles est un impôt indirect, alors que l’impôt sur les revenus est un impôt direct, de sorte que la taxe sur les spectacles n’est pas similaire à l’impôt sur les revenus et encore moins aux centimes additionnels à l’impôt sur les revenus. A.5. Pour ce qui est de la différence de traitement entre, d’une part, les organisateurs des spectacles et divertissements et, d’autre part, les organisateurs de toutes les autres activités, en ce que la commune ne peut percevoir une taxe sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés qu’à l’égard des premiers, la commune d’Anderlecht fait valoir que cette différence repose sur un critère de distinction objectif, à savoir la nature différente de l’activité exercée. De surcroît, la mesure en cause est raisonnablement justifiée, dès lors qu’elle entend permettre aux communes, qui se sont vu interdire en 1948 de lever des centimes additionnels, de maintenir à niveau leur rendement fiscal. En outre, les conséquences de la mesure sont très limitées. À cet égard, la commune d’Anderlecht fait valoir qu’il ne résulte pas de la circonstance que seuls les organisateurs de spectacles sont soumis à une taxe communale calculée sur la base de leurs revenus que d’autres activités, comme l’exploitation d’hôtels ou d’établissements commerciaux, seraient moins taxées. -  B  B.1. La question préjudicielle porte sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : C.I.R. 1992), dans l’interprétation selon laquelle cette disposition, en conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales (ci-après : la loi du 24 décembre 1948), n’est pas réputée interdire aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés.

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 dispose : « Les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir : 1° des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier ». L’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, auquel la question préjudicielle se réfère pour interpréter l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, dispose : « Sont abolies, sauf en ce qui concerne les exercices antérieurs à l’exercice 1949 : 1° […] 2° les taxes établies au profit de l’État sur : a) les spectacles ou divertissements ; […] Les taxes provinciales et communales sur les spectacles et divertissements ne peuvent s’appliquer aux représentations données dans une salle de théâtre et à ranger dans l’une des catégories suivantes : tragédie, opéra, opéra-comique, opérette, comédie, vaudeville, farce folklorique, drame, revue de début et de fin de saison ou de fin d’année par des troupes à caractère sédentaire ». B.2. La disposition en cause interdit aux communes d’établir des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier. B.3.1.  L’article 170, § 4, de la Constitution dispose : « Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil. La loi détermine, relativement aux impositions visées à l’alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée ». B.3.2. L’on peut déduire des travaux préparatoires de l’article 170 de la Constitution que le Constituant entendait, en adoptant la règle contenue à l’alinéa 2 de l’article 170, § 4, prévoir une « sorte de mécanisme de défense » de l’État « à l’égard des autres niveaux de pouvoir, de manière à se réserver une matière fiscale propre » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1979, no 10-8/4°, p. 4). Cette règle a également été décrite par le Premier ministre comme un « mécanisme régulateur » : « La loi doit être ce mécanisme régulateur et doit pouvoir déterminer quelle matière imposable est réservée

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à l’État. Si on ne le faisait pas, ce serait le chaos et cet imbroglio n’aurait plus aucun rapport avec un État fédéral bien organisé ou avec un État bien organisé tout court » (Ann., Chambre, 22 juillet 1980, p. 2707. Voy. également : ibid., p. 2708 ; Ann., Sénat, 28 juillet 1980, pp. 2650‑2651). « Je tiens à souligner […] que, dans ce nouveau système de répartition des compétences fiscales entre l’État, les communautés et les régions et institutions du même niveau, les provinces et les communes, c’est l’État qui a le dernier mot. C’est ce que j’appelle le mécanisme régulateur » (Ann., Sénat, 28 juillet 1980, p. 2661). L’exercice de la compétence prévue à l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution pour déterminer des exceptions est lié à la condition que la « nécessité » en soit démontrée. La loi prise sur cette base doit être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des communes. B.4.1.  La disposition en cause a pour origine l’article 83 des lois relatives aux impôts sur les revenus, coordonnées le 15 janvier 1948, remplacé par l’article 34 de la loi du 24 décembre 1948. Il ressort des travaux préparatoires de cette dernière loi que le législateur entendait aboutir, en adoptant cette disposition, à une « séparation de la fiscalité des communes et de la fiscalité de l’État » (Doc. parl., Sénat, 1947-1948, no 492, pp. 10‑13) par la « suppression de toutes quotes-parts des communes dans le produit des impôts d’État et [la] suppression de tous additionnels communaux aux mêmes impôts et de la taxe spéciale sur les traitements, salaires et pensions, à l’exception cependant des additionnels à l’impôt foncier » (ibid., p. 11). De cette manière, le législateur voulait éviter que les communes n’instaurent des impôts concurrents sur les revenus. Cette disposition a également été justifiée comme suit : « Cette réforme sera de nature à permettre une plus grande égalité dans les charges imposées aux contribuables, l’impôt sur les revenus professionnels les touchant dans une mesure égale quel que soit le lieu de leur domicile ou de leur résidence, et réalisera une simplification qui ne pourra qu’être bien accueillie par le contribuable comme par les administrations. L’un des grands avantages du système sera aussi de remplacer, pour les communes, une base de ressources essentiellement variable dans le temps et dans l’espace par des revenus stables. La justice distributive envisagée du point de vue des diverses communes sera ainsi parfaitement servie et les communes n’auront pas à craindre des crises que l’exiguïté même de leur territoire et la faible importance relative de leurs ressources ne leur permettent pas d’affronter sans graves dommages » (ibid., pp. 12‑13). LARCIER


Jurisprudence B.4.2.  Par conséquent, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 que le législateur entendait, d’une part, éviter que les communes ne perturbent de manière excessive la politique nationale en matière d’impôts sur les revenus et, d’autre part, contribuer à un traitement égal des contribuables en matière d’impôts sur les revenus, quel que soit le lieu de leur domicile ou de leur résidence. En outre, le législateur visait à une simplification de la fiscalité en général. B.4.3. En vertu de l’article 465 du C.I.R. 1992, les agglomérations et les communes peuvent, par dérogation à l’article 464 du même Code, établir une taxe additionnelle à l’impôt des personnes physiques. En vertu de l’article 468 de ce Code, cette taxe additionnelle doit être fixée pour tous les contribuables d’une même agglomération ou commune à un pourcentage uniforme de l’impôt dû à l’État. B.4.4. Le législateur a pu estimer que l’interdiction contenue dans l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 était nécessaire pour parvenir à une simplification de la législation en matière d’impôts sur les revenus par l’établissement d’une séparation de principe entre les impôts de l’État et les taxes communales, et ce, dans le but, notamment, d’éviter que les communes ne perturbent de manière excessive la politique nationale en matière d’impôts sur les revenus. B.4.5.  Il résulte de ce qui précède que l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, que le législateur pouvait adopter sur la base de l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, doit être considéré comme une règle visant à répartir les compétences fiscales entre les communes et l’État. B.5.1. La Cour de cassation a jugé que l’interdiction contenue dans l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 empêche les communes de taxer les revenus bruts provenant d’une activité parce que ces revenus constituent un élément essentiel dans la détermination de la base de l’impôt sur les revenus (Cass., 5 mai 2011, F.10.0006.F), même s’il s’agit des recettes d’un spectacle (Cass., 10 décembre 2009, Pas., 2009, p. 2970). B.5.2.  À propos des spectacles et des divertissements, le juge a quo invoque toutefois dans sa question l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 en vue de l’interprétation de l’article 464, 1°, en cause, du C.I.R. 1992. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur voulait que « l’État abandonn[e] aux communes sa taxe sur les spectacles » (Doc. parl., Sénat, 1947-1948, no 492, p. 11), « les autorités locales voyant ainsi leur potentiel fiscal accru à due concurrence » (ibid., p. 42). B.5.3. En conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État a jugé, dans ses arrêts du 12 janvier 2010, auxquels se réfère LARCIER

le juge a quo, que l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 « ne peut être réputé interdire aux communes de prélever une taxe sur les spectacles et divertissements sur la base des recettes brutes des entrées ». B.5.4. Toutefois, le transfert de la taxe sur les spectacles et divertissements par le législateur aux communes dans les circonstances décrites en B.5.2 ne peut pas être considéré comme une justification suffisante pour pouvoir déroger, dans le chef des communes, à l’interdiction générale contenue dans l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, tel qu’interprété en B.1. B.5.5. La question préjudicielle appelle, dans l’interprétation qui est mentionnée en B.1, une réponse affirmative. B.6.1.  La Cour constate cependant que la disposition en cause peut être interprétée autrement. B.6.2.  L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 interdit aux communes d’établir notamment des taxes similaires à l’impôt des personnes physiques et à l’impôt des sociétés « sur la base de ces impôts ». Comme il a été indiqué en B.3.2, cette disposition doit être interprétée restrictivement en raison de la limitation de l’autonomie fiscale des communes qui en découle. La base de l’impôt des personnes physiques est constituée du revenu imposable tel qu’il est défini à l’article 6 du C.I.R. 1992. La base de l’impôt des sociétés est constituée des bénéfices définis à l’article 185 du C.I.R. 1992. L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 n’interdit pas de lever une taxe communale sur les recettes brutes dès lors que cette base diffère fondamentalement de la base de l’impôt des personnes physiques comme de celle de l’impôt des sociétés, et par ailleurs également de celle de l’impôt des personnes morales visé par cette même disposition (dont la base est définie à l’article 221 du C.I.R. 1992) et de celle de l’impôt des non-résidents (dont la base est définie à l’article 228 du C.I.R. 1992). En effet, bien que les recettes brutes générées par une activité et, plus généralement, les revenus bruts du contribuable constituent le point de départ pour la détermination du revenu imposable à l’impôt des personnes physiques ou du bénéfice imposable à l’impôt des sociétés, il existe une différence essentielle entre, d’une part, les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou les revenus bruts en général et, d’autre part, les bases imposables précitées. Par la base de l’impôt, la disposition en cause ne vise pas tout élément qui est pris en compte pour le calcul de l’impôt, mais exclusivement le montant sur lequel l’impôt est calculé en définitive (voir les arrêts no 119/2007, B.6 ; no 44/2008, B.6 ; no 50/2011, B.57.5). De manière générale, il n’existe pas non plus de rapport propor-

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 tionnel entre les recettes brutes ou revenus bruts et les différentes bases des impôts mentionnés à l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992. B.6.3.  L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992, combiné avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, interdit certes aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés, tout comme l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 interdit aux communes de le faire pour toutes les autres activités qui se déroulent sur leur territoire, mais ne leur interdit ni à l’égard de spectacles et divertissements ni à l’égard d’autres activités de lever une taxe sur les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou sur les revenus bruts. B.6.4. Par conséquent, dans cette interprétation, la différence de traitement est inexistante. Par ces motifs, La Cour, Dit pour droit : -  L’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales, viole les articles 10 et 11 de la Constitution s’il est interprété en ce sens qu’il n’est pas réputé interdire aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés. -  L’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution s’il est interprété en ce sens qu’il n’est pas réputé interdire aux communes de lever une taxe, notamment à l’égard des spectacles et divertissements, sur les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou sur les revenus bruts. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l’audience publique du 16 février 2012. Note d’observation La question préjudicielle posée à la Cour constitutionnelle, et à laquelle cette dernière a répondu par le présent arrêt no 19/2012 du 16 février 2012, porte sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans l’interprétation selon laquelle (1)

cette disposition, en conséquence de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales, n’est pas réputée interdire aux communes de lever une taxe sur les spectacles et divertissements calculée sur la base de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt des sociétés. Le présent arrêt de la Cour constitutionnelle répond donc à plusieurs questions. 1. Quelle est la portée du pouvoir fédéral issu de l’article 170, § 4, de la Constitution, de limiter l’autonomie fiscale des communes ? 2. Quelle est l’étendue de l’interdiction pour les communes, inscrite à l’article 464, 1°, C.I.R. 92, d’établir une taxe similaire aux impôts sur les revenus ou sur la même base, pour les taxes perçues sur les recettes brutes d’un exploitant ? 3. L’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 peut-il offrir une base légale aux communes pour continuer à taxer les spectacles ? Dans la présente note, nous allons résumer les problématiques et la réponse de la Cour pour chacune de ces trois questions, pour clairement identifier que le présent arrêt de la Cour constitutionnelle no 19/2012, du 16 février 2012, est déterminant en matière de fiscalité communale. 1.  La première question de la portée du pouvoir fédéral issu de l’article 170, § 4, de la Constitution, de limiter l’autonomie fiscale des communes L’établissement d’une taxe communale est manifestement un objet d’intérêt communal, au sens des articles 41 et 162 de la Constitution. L’article 117 de la nouvelle loi communale (art. L1122-30 C.D.W.L.) se fonde d’ailleurs sur ces dispositions pour déclarer que le conseil communal règle tout ce qui est d’intérêt communal. De plus, l’article 170, § 4, de la Constitution, issu de la réforme constitutionnelle du 29 juillet 1980 (qui a modifié l’article 110 de la Constitution de 1831), prévoit qu’aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, la fédération de communes et la commune, que moyennant une décision de leur conseil, la loi déterminant, relativement à ces impositions, les exceptions dont la nécessité est démontrée. Depuis 1831, le pouvoir fiscal des communes est donc reconnu, de sorte que les conseils communaux fixent librement leurs impôts, sauf les exceptions établies par la loi et sous réserve des approbations requises par celle-ci1. Il s’agit donc d’un pouvoir illimité, sous

C.E., no 20.682 du 4 novembre 1980, R.A.C.E., 1980, p. 1343. Cass., 6 juin 1979, J.D.F., 1981, p. 24. V. Sepulchre, Memento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2012, no 2-198 à no 2-209.

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Jurisprudence les réserves résultant de la tutelle et des limitations expresses apportées par l’autorité supérieure2. Comme pour les provinces, cette compétence fiscale n’est nullement limitée au contenu des compétences matérielles des communes ; de ce fait, les communes peuvent en principe taxer n’importe quel objet imposable qu’elles désirent frapper, même si cet objet ne relève pas des compétences matérielles des communes et même si ce prélèvement peut avoir des conséquences sur le comportement des citoyens dans des compétences matérielles qui ne relèvent pas des communes3. Dès lors que l’objectif principal d’une taxe communale est d’ordre budgétaire, rien ne s’oppose en principe à ce que la commune poursuive également des objectifs accessoires, non financiers4, du moment que l’objectif dissuasif ou incitatif ne soit qu’accessoire par rapport à l’objectif financier, et du moment que l’impôt communal ne soit donc pas établi à des fins uniquement dissuasives ou ne devienne purement prohibitif. Cependant, conformément à l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, la loi, à savoir le pouvoir fédéral5, peut donc déterminer, relativement à ces impositions communales, les exceptions et limitations dont la nécessité est démontrée. Le législateur peut dès lors déterminer quels impôts ne peuvent pas être levés par les communes. L’autonomie des communes en matière fiscale est donc, en fait, loin d’être absolue. Dans l’interprétation de ce pouvoir constitutionnel, la Cour ne va pas faire de révolution dans le présent arrêt no 19/2012 du 16 février 2012, en confirmant simplement sa jurisprudence antérieure6 : 1° en adoptant cette règle, le Constituant entendait prévoir une « sorte de mécanisme de défense » de l’État « à l’égard des autres niveaux de pouvoir, de manière à se réserver une matière fiscale propre » ; 2° la loi prise sur cette base doit être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des communes.

2.  La deuxième question de l’étendue de l’interdiction pour les communes, inscrite à l’article 464, 1°, C.I.R. 92, d’établir une taxe similaire aux impôts sur les revenus ou sur la même base, pour les taxes perçues sur les recettes brutes d’un exploitant 2.1.  L’historique de l’article 464, 1°, C.I.R. 92 En exécution du pouvoir de l’État fédéral issu de l’article 170, § 3 et § 4, de la Constitution, les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier (art. 464, 1°, C.I.R. 92) et, pour ce qui concerne les seules communes et agglomérations, l’impôt des personnes physiques (art. 465 C.I.R. 92). Cet article 464, 1°, C.I.R. 92 est directement issu de l’article 83 de la loi du 29 octobre 1919 établissant des impôts cédulaires sur les revenus et un impôt complémentaire sur le revenu global7. À la lecture des travaux parlementaires de cette loi, il ressort clairement l’intention suivante : « On ne peut réserver à l’État toute, ou la meilleure matière imposable sans se préoccuper d’assurer en principe aux communes la part qui doit leur revenir dans les ressources nationales. On ne peut laisser celles-ci maîtresses de puiser une seconde fois à la même source [nous soulignons]. (…) Il convient cependant de reconnaître que tous les impôts, quel que soit le bénéficiaire, sont susceptibles de réagir les uns sur les autres : le propriétaire qui creuse un puits sur son terrain risque d’appauvrir la source à laquelle puise son voisin »8. À l’époque, il s’agissait d’interdire clairement aux provinces et aux communes d’établir tant des additionnels aux impôts sur les revenus (impôt établi par l’application d’un pourcentage sur le montant de l’impôt sur les revenus) que des taxes similaires à de tels additionnels sur la base ou sur le montant de ces impôts sur les revenus (impôt calculé en fonction des éléments visés par l’impôt sur les revenus ou en fonction du montant de cet impôt). Cette intention d’interdire toute superposition d’un prélèvement communal sur le prélèvement de l’État

(2) (3) (4) (5)

(6) (7) (8)

R. Wilkin, Les taxes communales, Bruxelles, Bruylant, 1943, p. 4. B. Lombaert, « L’autonomie fiscale des communes : entre l’État, la Région et l’Union européenne », Rev. dr. commun., 2006, no 1. Anvers, 11 mars 1997, F.J.F., no 179/97. C.E., no 99.385 du 2 octobre 2001 ; C.E., no 120.792 du 23 juin 2003. Voir, en ce sens, V. Sepulchre, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2005, no 2-211 à no 2-217 ; D. Deom et B. Lombaert, « L’autonomie et le financement des provinces et des communes », A.P.T., 2002, p. 178. B. Lombaert, « L’autonomie fiscale des communes : entre l’État, la Région et l’Union européenne », Rev. dr. commun., 2006, no 1. Voir aussi, dans le même sens mais sans motivation sur ce point, C.E., Ville de Huy, no 106.994 du 24 mai 2002 ; C.A., 5 novembre 2003, no 143/2003, M.B., 25 novembre 2003. Voy. notamment, C.C., 15 décembre 2011, no 189/2011, M.B., 7 mars 2012. M.B., 24-25 novembre 1919. Projet de loi établissant un impôt sur le revenu global, rapport fait au nom de la section centrale de la Chambre des Représentants, Doc. parl., Chambre, session 1918-1919, no 320, pp. 1435‑1437.

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 sur les revenus, a été confirmée lors de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales9 (art. 34), qui a repris la disposition précédente de la loi du 29 octobre 1919 pour la compléter en matière de contribution foncière (devenue depuis lors le précompte immobilier).

munale sera admise par le Conseil d’État lorsque, ni le fait générateur de cette taxe, ni la base de calcul de cette taxe, ne visent des revenus ; ce sera ainsi le cas lorsque la taxe s’élève à un montant fixe par fait générateur ne consistant pas en tant que telle la perception de revenus14.

La Cour constitutionnelle, dans le présent arrêt no 19/2012 du 16 février 2012, a également rappelé ces éléments, préalablement à son interprétation de la portée de l’article 464, 1°, C.I.R. 92.

Or, cette interprétation semblait être partagée par la Cour constitutionnelle, relativement à la notion de matière imposable en matière de taxes régionales ; en effet, la Cour constitutionnelle n’a admis une taxe régionale sur le déversement d’eaux usées, qu’au vu du fait que « Ni en raison du fait imposable, ni en raison de l’assiette d’imposition [nous soulignons], la taxe contestée ne peut être considérée comme une imposition qui serait levée sur l’activité, donc sur les revenus, des redevables, et par conséquent réservée à l’État » 15.

2.2.  L’étendue de l’interdiction faite aux communes de taxer la base des impôts sur les revenus10 Selon la position traditionnelle du Conseil d’État, l’article 464, 1°, C.I.R. 92 ne ferait pas vraiment référence au fait générateur ou à la notion de « matière imposable », mais que l’intention du législateur était d’interdire, au moyen de l’article 464, 1°, C.I.R. 92, une taxe qui prendrait un élément visé par l’impôt sur les revenus, tel le revenu cadastral, comme base de calcul11. Dans cette interprétation, non seulement le revenu cadastral ne peut être un fait générateur d’une taxe locale, mais il ne peut pas non plus former la base d’imposition d’une telle taxe locale. Dans le même sens, le Conseil d’État a jugé en 2011 que l’article 464, 1°, C.I.R. 92 est violé dès que les autorités locales font porter l’assiette des taxes qu’elles établissent sur des éléments de revenus qui contribuent de manière essentielle à déterminer la base imposable aux impôts sur les revenus. Le terme « base », utilisé par cette disposition, doit être interprété comme visant aussi bien les revenus nets que les revenus bruts, les premiers étant nécessairement inclus dans les seconds et n’en étant qu’une partie, de sorte qu’en frappant un revenu brut, la taxe frappe nécessairement le revenu net compris dans celui-ci12. Cette interprétation de cette notion avait donc tendance à s’étendre à tous les éléments de calcul qui, même indirectement, entrent en compte dans le calcul des impôts sur les revenus (chiffre d’affaires, revenu cadastral, bénéfice brut13). A contrario, le Conseil d’État a plus récemment confirmé cette optique, à juste titre au vu des travaux parlementaires précités, en décidant qu’une taxe com-

Pourtant, le présent arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 opère un virage retentissant en s’écartant diamétralement de cette interprétation. En effet, concernant les taxes communales sur les spectacles, cette Cour a pris pour point départ le fait que la loi prise sur la base constitutionnelle de l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, devait être interprétée restrictivement dès lors qu’elle limite l’autonomie fiscale des communes16 (voy. aussi point 1. ci-dessus). De ce fait, selon la Cour, - l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 interdit aux communes d’établir notamment des taxes similaires à l’impôt des personnes physiques et à l’impôt des sociétés « sur la base de ces impôts » ; cette disposition doit être interprétée restrictivement en raison de la limitation de l’autonomie fiscale des communes qui en découle. La base de l’impôt des personnes physiques est constituée du revenu imposable tel qu’il est défini à l’article 6 du C.I.R. 1992. La base de l’impôt des sociétés est constituée des bénéfices définis à l’article 185 du C.I.R. 1992 ; - l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 n’interdit donc pas de lever une taxe communale sur les recettes brutes dès lors que cette base diffère fondamentalement de la base de l’impôt des personnes physiques comme de celle de l’impôt des sociétés, et par ailleurs également de celle de l’impôt des personnes morales visé par cette même disposition (dont la

(9) Projet de loi concernant les finances provinciales et communales, Doc. parl., Chambre, session 1947-1948, no 492, pp. 10‑13. (10) Pour une analyse plus approfondie et plus d’exemples, voy. V. Sepulchre, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Malines, Kluwer, 2012, no 2-265 à no 2-283. (11) C.E., no 117.154 du 18 mars 2003, F.J.F., 2003, p. 637 ; Rev. dr. commun., 2004, no 2, p. 69. C.E., no 117.110 du 17 mars 2003, Rev. dr. commun., 2004, no 2, p. 70. Sur le fait qu’une taxe au m2 ou une taxe sur la superficie sont par contre autorisées, voy. Bruxelles, 21 juin 2001, Fiscologue, no 817, p. 12 ; Mons, 18 janvier 2002, F.J.F., 2002, no 179. (12) C.E., no 210.392 du 13 janvier 2011, F.J.F., 2011, p. 459. C.E., no 210.391 du 13 janvier 2011, A.P.T., 2011, p. 187 ; Rev. Dr. Comm., 2011, no 3, p. 44, et 2012, no 3, p. 36. (13) C.E., no 117.154 du 18 mars 2003, F.J.F., 2003, p. 637 ; Rev. dr. commun., 2004, no 2, p. 69. C.E., no 117.110 du 17 mars 2003, Rev. dr. commun., 2004, no 2, p. 70. Sur le fait qu’une taxe au m2 ou une taxe sur la superficie sont par contre autorisées, voy. Bruxelles, 21 juin 2001, Fiscologue, no 817, p. 12 ; Mons, 18 janvier 2002, F.J.F., 2002, no 179. E. Van Dooren, « Over de (on)mogelijkheid van een lokale evenementenbelasting », note sous Civ. Gand, 18 avril 2002, T.F.R., 2002, p. 961. (14) C.E., no 135.708 du 5 octobre 2004. (15) C.C., no 79/93 du 9 novembre 1993, M.B., 1993, p. 26713. (16) C.C., no 189/2011 du 15 décembre 2011, M.B., 7 mars 2012. C.C., no 19/2012 du 16 février 2012, M.B., 11 avril 2012.

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Jurisprudence base est définie à l’article 221 du C.I.R. 1992) et de celle de l’impôt des non-résidents (dont la base est définie à l’article 228 du C.I.R. 1992). En effet, bien que les recettes brutes générées par une activité et, plus généralement, les revenus bruts du contribuable constituent le point de départ pour la détermination du revenu imposable à l’impôt des personnes physiques ou du bénéfice imposable à l’impôt des sociétés, il existe une différence essentielle entre, d’une part, les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou les revenus bruts en général et, d’autre part, les bases imposables précitées. Par la base de l’impôt, la disposition en cause ne vise pas tout élément qui est pris en compte pour le calcul de l’impôt, mais exclusivement le montant sur lequel l’impôt est calculé en définitive. De manière générale, il n’existe pas non plus de rapport proportionnel entre les recettes brutes ou revenus bruts et les différentes bases des impôts mentionnés à l’article 464, 1°, du C.I.R. 199217. Notons déjà que cette interprétation nouvelle nous semblerait, a priori, tout aussi intéressante relativement à nombre d’autres taxes locales que la taxe sur les spectacles, que la jurisprudence a considérée comme interdites par l’article 464, 1°, C.I.R. 92, telles que : - les taxes industrielles compensatoires18; - une taxe communale sur les chambres des établissements hôteliers fixées à 9% de la somme perçue hors T.V.A. à raison de chaque location distincte19 ; - une taxe sur les hôtels qui se calcule sur la recette brute, hors T.V.A., tirée de l’occupation, de l’utilisation des accessoires de service, de l’éclairage et du chauffage20 ; - une taxe communale levée sur l’exploitation d’emplacements pour véhicules, dont le montant est égal, par véhicule, à 10% des sommes recueillies par l’exploitant 21.

2.3.  Le cas spécifique des taxes établies sur les recettes des spectacles et divertissements

Au vu de ce qui précède, il est clair que la question se pose donc de savoir si une taxe sur les spectacles, ordinairement assise sur les recettes brutes réalisées par l’organisateur, est interdite par l’article 464, 1°, C.I.R. 92. Nous pouvons résumer la jurisprudence antérieure et la réponse donnée par la Cour constitutionnelle, dans les points suivants. a)  La jurisprudence prenant en compte les recettes brutes de l’exploitant Selon une certaine part de la jurisprudence, l’article 464, 1°, C.I.R. 92 s’oppose à une taxe communale sur les recettes des spectacles et divertissements, calculée sur la base du chiffre d’affaires réalisé, à savoir sur le montant brut des ventes de tickets et de consommations22. Ainsi, relativement à une taxe communale sur les spectacles cinématographiques, appliquée sur le montant brut des recettes de toute nature diminué de 5,66%, il a été jugé par le Conseil d’État que la question n’est pas de savoir au moyen de quelles ressources la taxe levée par la partie adverse est acquittée par ses redevables, mais d’examiner si cette taxe est conçue de manière que sa base imposable empiète sur celle que la loi définit pour l’impôt sur les revenus ; tel est alors le cas d’une taxe calculée « sur le montant brut des recettes de toute nature diminué de 5,66% », en tant qu’elle est perçue sur un élément essentiel dans la détermination du bénéfice imposable à l’impôt des sociétés, à savoir le chiffre d’affaires réalisé23. Il a également été jugé que le seul fait qu’elle doive être prélevée sur les recettes brutes telles que visées dans le règlement-taxe ne suffit pas à garantir sa neutralité au niveau de l’impôt des sociétés. La taxe en cause influence nécessairement le revenu du contribuable : amputer ses recettes brutes aboutit à réduire proportionnellement ce qui constituera son revenu net en fin d’exercice. Les autorités communales se sont, par conséquent, posées en concurrentes de l’État en prétendant s’attribuer un impôt qui est de même nature

(17) C.C., no 189/2011 du 15 décembre 2011, M.B., 7 mars 2012. (18) C.E., 5 mars 1986, R.A.C.E., 1986, no 26.239 et no 26.240 (arrêts relatifs aux provinces, mais dont le raisonnement peut être identiquement transposé aux communes). Cass., 10 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1214 ; F.J.F., 1989, p. 90 ; voy. les intéressantes conclusions conformes du Procureur général Krings pour cet arrêt dans A.C., 1988, I, p. 1314. C.E., 3 avril 1990, Pas., 1992, IV, p. 25. Voy. aussi, en ce sens, Liège, 25 janvier 2012, R.G. no 2009/RG/1922, non encore publié. Contra : Mons, 16 mars 2012, R.G. no 2010/RG/1107, non encore publié. (19) Contra : Civ. Bruxelles, 28 mai 2004, F.J.F., 2005, p. 203 ; Bruxelles, 7 février 2003, F.J.F., 2003, p. 865. Contra : -  Liège, 22 mai 2009, F.J.F., 2010, p. 602 ; -  C.E., no 210.392 du 13 janvier 2011, F.J.F., 2011, p. 459 ; -  C.E., no 210.391 du 13 janvier 2011, A.P.T., 2011, p. 187 ; Rev. Dr. Comm., 2011, no 3, p. 44, et 2012, no 3, p. 36 ; -  Cass., 5 mai 2011, R.G. no F.10.0006.F, F.J.F., 2011, p. 1012 ; J.L.M.B., 2011, p. 1866 ; L.R.B., 2011, no 4, p. 59 ; Pas., 2011, p. 1285, concl. Henkes ; R.G.C.F., 2011, p. 450 ; -  Gand, 13 décembre 2011, Fiscologue, 2012, no 1313, p. 14 ; L.R.B., 2012, no 1, p. 44. (20) Contra : Bruxelles, 24 septembre 1998, F.J.F., 1998, p. 714. (21) Bruxelles, 18 mai 2001, F.J.F., 2001, p. 787. Civ. Gand, 18 avril 2002, T.F.R., 2002, p. 961, note E. Van dooren, « over de (on)mogelijkheid van een lokale evenementenbelasting », Civ. Anvers, 29 janvier 2003, F.J.F., 2003, p. 735. Civ. Anvers, 5 mai 2004, Courr. Fisc., 2004, p. 536 ; F.J.F., 2005, p. 719. Bruxelles, 17 janvier 2008, Courr. fisc., 2008, p. 405. C.E., 22 mai 2008, F.J.F., 2008, p. 999. (22) C.E., no 183.202 du 22 mai 2008. LARCIER

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 que l’impôt des sociétés. Peu importe, à cet égard, que la taxe elle-même doive être défalquée du montant de base à retenir. Seule une taxe conçue comme une taxe indirecte incombant aux clients et non plus comme une taxe sur les recettes de la contribuable, aurait pu rester neutre pour celle-ci. Il y a donc violation (flagrante) de l’article 464 C.I.R. 92, selon cette jurisprudence24. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2009 a confirmé cette interprétation25. b)  La jurisprudence prenant en compte le caractère forfaitaire de la taxe En cas de taxe forfaitaire, et non plus proportionnelle à la recette, il a été jugé qu’une taxe communale frappant l’organisateur de spectacle à raison de 1,85 euros par spectateur n’est pas contraire à l’article 464, 1°, C.I.R. 92. En effet, en choisissant de frapper l’organisateur en fonction des spectateurs présents (et non des seuls tickets payants) d’une taxe forfaitaire, la commune a choisi une méthode qui se limite à taxer une situation (l’organisation du spectacle) en fonction de son importance objective et graduelle, en évitant de taxer des revenus ou un chiffre d’affaires précis comme il relève du seul pouvoir fédéral de le faire26. Dans un sens différent : - selon un autre jugement, dans le cas d’une telle taxe forfaitaire, la commune a introduit une taxe dont le montant est susceptible de varier, d’une manière assez directe, en fonction des revenus de la société ; certes, la commune perçoit un montant forfaitaire par spectateur payant mais cela n’empêche néanmoins pas qu’il existe bel et bien un rapport direct entre, d’une part, une partie importante des revenus de la société et, d’autre part, le montant de la taxe communale due. En effet, le montant de la taxe augmente à mesure que le nombre de tickets vendus s’élève27 ; - selon la Cour de cassation, une taxe locale qui est fondée sur un des éléments essentiels qui déterminent directement la base des impôts sur les revenus, constitue une taxe similaire interdite. Il ne peut être déduit des simples constatations que le fait imposable ne concerne pas seulement l’organisation d’un concert ou d’une représentation, mais qu’il n’existe que si un spectateur paye un prix d’entrée ou une recette assimilée, que le tarif est fixe et donc forfaitaire et qu’aucune taxe n’est due si le prix d’entrée ou la recette assimilée est inférieur à

20 euros, que la base imposable de la taxe litigieuse concerne le prix d’entrée ou la recette assimilée28. c)  La jurisprudence prenant en compte le statut fiscal de l’exploitant Un arrêt nuancé de la Cour d’appel de Gand a pris un autre point de vue, selon lequel, dans un raisonnement tout à fait cohérent 29 : - d’une part, pour une A.S.B.L., les recettes ne sont pas des éléments de revenus visés par l’impôt des personnes morales, de sorte qu’une A.S.B.L. peut être soumise à une taxe calculée sur ses recettes ; - d’autre part, cette distinction en elle-même entre les sociétés visées par l’impôt des sociétés et les personnes physiques soumises à l’impôt des personnes physiques, ne pouvant être taxées au vu de l’article 464 C.I.R. 92, et les A.S.B.L. visées par l’impôt des personnes morales, pouvant être visées par une telle taxe, est cependant constitutive d’une violation du principe d’égalité. Effectivement, si le point de départ du calcul de la taxe sur les spectacles et les divertissements, à savoir le chiffre d’affaires réalisé par l’organisateur, est bien le même que l’impôt sur les revenus à charge des personnes physiques et des sociétés, l’article 464, 1°, C.I.R. s’oppose à une telle taxe calculée sur cette base ; par contre, pour l’impôt des personnes morales, ce chiffre d’affaires n’entre pas en compte, de sorte que cet article 464, 1°, C.I.R. 92 ne s’oppose pas à une telle taxe à charge des personnes morales non soumises à l’impôt des sociétés, comme les A.S.B.L. (sous réserve de notre question sur l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 ; voy. point f), in fine, ci-dessous). d)  La jurisprudence prenant en compte le caractère direct de la taxe Selon un jugement du tribunal de première instance de Liège du 26 octobre 2005, ces taxes communales sur des spectacles sont des taxes indirectes dues à raison d’un fait (la perception de recettes lors d’une manifestation), alors que les impôts interdits aux communes par l’article 464, 1°, C.I.R. 92 doivent être d’une nature similaire aux impôts sur les revenus, qui sont des impôts directs. Comme le terme « base » utilisé par l’article 464, 1°, C.I.R. 92 doit s’entendre dans le sens étroit de « base de calcul » de l’impôt sur les revenus concerné, la « matière imposable » taxée par les communes n’est pas un revenu mais un spectacle ou un divertissement et la « base », qui en l’occurrence est le montant intégral

(23) Civ. Namur, 19 novembre 2008, F.J.F., 2009, p. 299. Civ. Namur, 10 mars 2010, R.G.C.F., 2010, p. 403. (24) Cass., 10 décembre 2009, R.G. no F.08.0041.N/6, F.J.F., 2010, p. 822 ; T.F.R., 2010, p. 916 ; F.J.F., 2010, p. 822 ; L.R.B., 2009, no 4, p. 286, et 2009, no 4, p. 251, note T. L auwers ; Pas., 2009, p. 2970 ; R.W., 2010-11, 488 ; T.F.R., 2010, no 390, p. 916, note M. De Lonckheere. Voy. dans le même sens, Cass., 24 mai 2012, R.G. no F.11.0053.N. ; Civ. Namur, 3 mars 2011, R.G.C.F., 2011, no 4, p. 341. (25) Civ. Bruxelles, 12 novembre 2008, F.J.F., 2009, p. 1013. Cass., 24 mai 2012, R.G. no F.11.0052.N. Sur une taxe forfaitaire, voy. aussi, dans le même sens, C.E., no 135.708 du 5 octobre 2004. (26) Civ. Bruxelles, 22 avril 2008, F.J.F., 2009, p. 439. Voy., dans le même sens, Civ. Namur, 17 février 2011, F.J.F., 2011, p. 693. (27) Cass., 24 mai 2012, R.G. no F.11.0052.N., non encore publié. (28) Gand, 22 février 2005, F.J.F., 2006, p. 282. Voy. aussi, dans le même sens, Anvers, 18 janvier 2011, F.J.F., 2012, p. 446 ; L.R.B., 2011, no 4, p. 45.

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Jurisprudence des prix d’entrée, aurait pu être déterminée d’une autre manière sans non plus violer cet article 464, 1°, C.I.R. 92. Ces taxes ne reposent donc pas sur la même base imposable que celles visées par l’article 464, 1°, C.I.R. 9230. Cependant, ce jugement ne nous semble pas pouvoir être approuvé, lorsqu’il décrète que la taxe serait une taxe indirecte, et ce sans aucune motivation fondée sur l’analyse des caractéristiques essentielles des taxes en cause. Or, « Est un impôt direct, un impôt qui frappe une situation permanente ou, de toute manière, une série d’opérations considérées dans leur ensemble et réparties sur une certaine période »31; elle est par nature réglée par exercice, avec un rôle exécutoire nominatif et « Cette imposition ne trouve pas son assiette dans des faits isolés et passagers, mais dans une situation durable par sa nature et pouvant, comme telle, donner lieu à une contribution périodique »32. Par contre, « Est un impôt indirect, la taxe qui frappe non une situation de nature durable où se trouve le contribuable par son activité ou par son patrimoine, mais des faits, fussentils isolés, dont le contribuable est l’auteur déclaré ou, au défaut de celui-ci, l’auteur présumé »33. Même si une très ancienne jurisprudence a relevé que la taxe établie sur les recettes des divertissements publics34 ou des jeux35 était une taxe indirecte, nous sommes cependant d’avis que les taxes sur les recettes des spectacles ont un caractère direct, dans la mesure où leur fait générateur est une organisation de manifestations qui peut s’étendre tant sur une période courte (un spectacle bien particulier) que sur une période longue (tels les cinémas), cet élément étant donc indifférent à la nature même de la taxe ; de plus, ces taxes sont établies, non pas sur la base de la perception de chaque prix d’entrée en particulier avec une taxe devenant exigible à l’occasion du paiement de chacun de ces droits d’entrée, mais sur le chiffre d’affaires total et global de toutes les recettes réalisées durant un mois avec une taxe exigible lorsque ce total mensuel est connu. e)  La jurisprudence prenant en compte l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 Cependant, comme nous avions eu l’occasion de le signaler dans la Revue de Droit communal36, il nous semblait que, si les communes ont établi de telles taxes sur les spectacles, c’est tout simplement parce qu’une

loi expresse leur en a donné la possibilité. En effet, la même loi a en même temps établi deux dispositions, en apparence contradictoires : - d’une part, les articles 48 et 49 de la loi du 31 décembre 1925, modifiant la loi du 28 février 1920 établissant une taxe sur les spectacles ou divertissement au profit de l’État, ont interdit aux communes et aux provinces l’établissement de toute taxe sur les spectacles. Or, l’article 36, 2°, de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales a aboli les taxes établies au profit de l’État sur les spectacles ou divertissements, tout en énonçant que les taxes provinciales et communales sur les spectacles et divertissements ne peuvent plus depuis lors s’appliquer aux représentations données dans une salle de théâtre et à ranger dans l’une des catégories suivantes : tragédie, opéra, opéra comique, opérette, comédie, vaudeville, farce folklorique, drame, revue de début et de fin de saison ou de fin d’année par des troupes à caractère sédentaire ; - d’autre part, dans la même loi, l’article 34 a repris une exclusion des taxes communales sur le même fait générateur ou la même base que les impôts sur les revenus ; cette disposition a ensuite été reprise dans le Code des impôts sur les revenus en 1962 (il n’est pas inutile de souligner que, en 1962, la coordination du Code des impôts sur les revenus de l’époque a été accompagnée de l’abrogation de cet article 34 de la loi du 24 décembre 1948, sans aucunement abroger l’article 36 de la même loi cité au tiret précédent), pour enfin devenir le texte de l’actuel article 464, 1°, C.I.R. 92. Parallèlement à l’interdiction des taxes communales sur le même fait générateur ou la même base que les impôts sur les revenus en son article 34, cet article 36 de la loi du 24 décembre 1948 entendait donc de manière expresse abandonner aux communes la taxe précédemment établie par l’État, « les autorités locales voyant ainsi leur potentiel fiscal accru à due concurrence »37. Or, il n’est pas inutile de souligner que la taxe établie au profit de l’État sur ces spectacles ou divertissement (loi du 28 février 1920) et abandonnée aux communes et aux provinces en 1948, consistait justement en une taxe sur le montant brut des recettes quelconques, à un taux allant de 15% à 30%. Or, dans deux arrêts du 12 janvier 201038, bien qu’avec des formulations parfois un peu différentes (les deux

(29) Civ. Liège, 26 octobre 2005, Rev. dr. commun., 2008, note V. Sepulchre. Voy. aussi Civ. Bruges, 2 novembre 2004, Courr. fisc., 2005, p. 244 ; F.J.F., 2005, p. 838. (30) C.E., s.a. Minkranch L. Van Himbeeck du 25 janvier 1966, R.A.C.E., 1966, no 11.609. Voir aussi Cass., 10 janvier 1878, Pas., 1878, I, p. 74. (31) C.E., s.a. Forges de Thy-Marcinelle du 13 juin 1974, R.A.C.E., 1974, no 16.474. (32) C.E., a.s.b.l. Association des grandes entreprises de distribution de Belgique et consorts du 11 mai 1978, R.A.C.E., 1978, no 18.973. (33) Cass., 5 mars 1883, Pas., 1883, I, p. 57. (34) Cass., 27 janvier 1930, Pas., 1930, I, p. 82. (35) V. Sepulchre, en note sous Civ. Liège, 26 octobre 2005, Rev. dr. commun., 2008. (36) Projet de loi concernant les finances provinciales et communales, Doc. parl., Chambre, session 1947-1948, no 492, p. 11, p. 42 ; Doc. parl., Sénat, session 1947-1948, no 525, p. 3. (37) C.E., no 199.454 et no 199.455 du 12 janvier 2010, R.G.F., mars 2010, p. 8, note V. Sepulchre ; F.J.F., 2010, p. 819 ; T.F.R., 2010, p. 918, note M. De Jonckheere, « Artikel 464, 1° WIB 1992 en gemeentebelasting op vertoningen en vermakelijkheden : voor elk wat wils » ; L.R.B., 2009, no 4, p. 290 ; Rev. Dr. Comm., 2010, p. 87, note V. Sepulchre ; R.G.C.F., 2010, no 2, p. 153, note J. Kirkpatrick ; R.W., 2010-11,495, note L. Vandenberghe ; T.B.P., 2010, p. 341, note J. Neuts ; « Taxe communale sur spectacles : divergences et confusion », Fiscologue, 9 avril 2010, no 1200, p. 3. Voy. aussi l’arrêt de renvoi devant la séance plénière du Conseil d’État, arrêt no 195.585 du 20 août 2009, F.J.F., 2010, p. 351 ; L.R.B., 2009, no 4, p. 276. LARCIER

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 affaires sont de rôles linguistiques différents), le Conseil d’État est arrivé à la même conclusion, au vu des éléments suivants : - l’article 464 C.I.R. 92 n’est pas si clair qu’il serait interdit d’en consulter les travaux préparatoires pour l’interpréter. Cela vaut tout autant pour l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 et pour son articulation à l’article 34, qui est à la base de l’article 464 C.I.R. 92 ; - les travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 font clairement apparaître qu’en adoptant l’article 36, 2°, le législateur a manifesté de manière très explicite sa volonté de réserver aux communes – et provinces –, la taxe sur les spectacles et divertissements, établie auparavant au profit de l’État, « voyant ainsi leur potentiel fiscal accru à due concurrence ». Les communes et provinces ont donc succédé à l’État en ce qui concerne le prélèvement visé et, dès lors, comme c’était le cas auparavant pour l’État, elles peuvent taxer les spectacles en fonction des recettes de l’exploitant, nonobstant l’article 34 de cette même loi qui a donné lieu à l’actuel article 464, 1°, C.I.R. 92. L’arrêt no 199.455 précise d’ailleurs utilement que, jusqu’à l’intervention de la loi du 24 décembre 1948, les communes et les provinces recevaient une fraction ou une quote-part fixe de l’impôt national sur les spectacles ou divertissements publics (ainsi, la loi du 7 juin 1926 attribuait une quote-part de 3/12e de cet impôt au profit des communes, tandis que la loi du 22 janvier 1931 attribuait 4/10e du même impôt aux communes) ; si la loi du 24 décembre 1948 a ensuite entendu séparer la fiscalité de l’État et celle des communes, rien n’indique toutefois qu’en abolissant à l’article 36 de cette loi les taxes établies au profit de l’État sur les spectacles et divertissements, le législateur aurait entendu interdire que le montant des taxes communales sur les spectacles et divertissements ne pourrait être fixé à un pourcentage du prix des places, des droits d’entrée ou des recettes perçus par l’organisateur des spectacles ou divertissements. Enfin, le Conseil d’État a également souligné qu’un « règlement modèle » qui a été recommandé aux communes à l’époque par une circulaire du 31 octobre 1949 du ministre de l’Intérieur, vient confirmer cette interprétation, puisque, dans ce règlement type, fondé sur l’ancien impôt prélevé par l’État, le montant de la taxe sur les spectacles et divertissements était bien déterminé en fonction des recettes brutes. En conséquence de cet article 36 de la loi du 24 décembre 1948, l’article 464, 1°, C.I.R. 92, trou-

vant son origine dans la même loi qui a reconnu explicitement aux communes le droit d’établir des taxes sur les spectacles et divertissements, ne peut donc être réputé interdire aux communes de prélever une taxe sur les spectacles et divertissements sur la base des recettes brutes des entrées. Certaines juridictions de fond n’ont toutefois pas suivi cette jurisprudence : - selon un jugement du Tribunal de première instance de Namur du 7 octobre 2010, l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 autorisait les communes à taxer les spectacles et divertissements sur le montant brut des recettes. Il s’agissait alors d’une dérogation apportée à l’article 34 de la même loi. Cependant, si le texte actuel de l’article 464, 1°, C.I.R. 92 correspond au texte de l’article 34 de la loi précitée, la dérogation prévue à l’article 36 de cette même loi n’a pas été reprise lors de la rédaction du Code des impôts sur les revenus. Au surplus, le texte de l’article 464, 1°, C.I.R. 92 est clair. Il n’y a donc pas lieu de rechercher l’intention du législateur ; la taxe sur spectacle est donc illégale, même s’il s’agit d’un montant forfaitaire39 ; - selon un jugement du Tribunal de première instance de Liège du 16 décembre 2010, l’article 464, 1°, C.I.R. 92 interdit bel et bien aux communes de prélever une taxe sur les spectacles et divertissements sur la base des recettes brutes provenant des entrées. Rien, dans les travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 – dont l’article 34 est à l’origine de l’interdiction figurant aujourd’hui à l’article 464 précité – ne permet de laisser supposer que le législateur ait conçu d’autoriser une taxe communale sur les spectacles et divertissements basée sur les recettes brutes. Si le législateur de l’après-guerre avait entendu admettre des taxes locales sur les recettes brutes des exploitants de spectacles et divertissements – recettes déjà soumises à l’impôt sur les revenus – il aurait pu exprimer cette volonté, comme il l’a fait pour d’autres types de prélèvements (centimes additionnels à la contribution foncière ; taxes similaires à la taxe sur les jeux et paris ou sur les débits de boissons), sous la forme d’une exception formellement apportée au principe de non-concurrence entre les fiscalités étatique et communale. Or, dans la loi de 1948, pareille exception au profit des seules taxes communales sur les spectacles et divertissements faisait défaut. Le fait de n’avoir pas prévu d’exception explicite autorisant les communes à déroger à un principe, signifie que le principe reste d’application. Sous

(38) Civ. Namur, 7 octobre 2010, F.J.F., 2011, p. 468. Civ. Namur, 17 février 2011, F.J.F., 2011, p. 693.

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Jurisprudence réserve de la dérogation relative aux centimes additionnels à la contribution foncière, l’article 34 de la loi de 1948 apparaît comme un texte général applicable à toutes les taxes communales, y compris les taxes sur les spectacles et divertissements. Cette interprétation s’avère d’ailleurs conforme à la volonté du législateur de 1948 de soustraire au pouvoir communal toute imposition sur l’assiette de l’impôt sur les revenus sous la forme d’additionnels communaux ou de toutes taxes similaires. Ce jugement refuse donc d’admettre qu’une disposition – l’article 36 de la loi de 1948, qui abolissait alors les taxes sur les spectacles ou divertissements établies au profit de l’État – non reprise dans le Code des impôts sur les revenus parmi les exceptions à l’interdiction formulée à l’article 464 C.I.R. 92 (ancien article 34 de la loi de 1948), puisse engendrer «  implicitement » des effets de droit équipollents à ceux d’une exception qui serait, elle, formellement prévue40 ; Un jugement du tribunal de première instance de Liège du 26 octobre 2012 (également reproduit dans la présente revue, à la suite de notre note) reprend également l’interprétation de son jugement précédent du 16 décembre 2010, mais en remarquant, de manière supplémentaire, que l’utilisation volontaire du terme « similaire » (et non « identiques ») traduit la volonté du législateur de ne pas limiter la portée de cette disposition à une identité exacte et parfaite des bases de calcul de l’impôt. Cette similarité de l’imposition doit être appréciée au départ de la base de calcul utilisée et des éléments qui la composent, de sorte que toute imposition qui utilise comme fait imposable ou comme base de calcul, la base ou le montant des impôts sur les revenus ou qui fait usage des éléments qui déterminent directement ou indirectement la base des impôts sur les revenus constitue une imposition similaire interdite en vertu de l’article 464, 1°, C.I.R. 92. Quant à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16 février 2012, le tribunal de première instance de Liège ne le trouve pas univoque, dans un dispositif alternatif, et ce tribunal prend donc ses distances avec l’interprétation de la Cour constitutionnelle demandant une identité exacte 41. - Selon la Cour de cassation, une taxe locale qui est fondée sur un des éléments essentiels qui déterminent directement la base des impôts sur les revenus, constitue une taxe similaire interdite. La cir-

(39) (40) (41) (42)

constance qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales que le législateur a entendu que la taxe qui était antérieurement établie sur les spectacles et divertissements au bénéfice du Royaume, est laissée aux communes et provinces, ne peut avoir pour effet que la limitation de la compétence fiscale des autorités locales contenue de manière expresse à l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 soit considérée comme non écrite, dès lors que le législateur n’a pas expressément dérogé à la limitation de la compétence de taxation communale contenue à l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 précité ainsi qu’aux dispositions antérieures42. Sur cette jurisprudence, nous pensons que43 : - si l’article 34 de la loi du 24 décembre 1948, qui a établi une interdiction des taxes communales sur les mêmes faits générateurs et bases que les impôts sur les revenus, a été ensuite coordonné dans les Codes des impôts sur les revenus 1962 et 1992, pour devenir actuellement l’article 464, 1°, C.I.R. 92, ces coordinations n’ont en aucun cas abrogé l’article 36 de la même loi du 24 décembre 1948, toujours en vigueur aujourd’hui ; - toute dérogation à un principe général doit être interprétée de manière restrictive et il s’agit d’un principe général de droit que certaines juridictions semblent avoir oublié ; or, en l’occurrence, le principe général est celui du pouvoir fiscal des communes, inscrit aux articles 41, 162 et 170, § 4, de la Constitution, et l’exception sont, en vertu de l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, les limitations au pouvoir fiscal communal, devant être établi par une loi ; l’article 464, 1°, C.I.R. 92 doit donc être interprété de manière restrictive ; - toute disposition légale doit recevoir un effet utile, selon un autre principe général d’interprétation du droit ; or, l’interprétation des jugements précités aboutit à enlever tout effet utile à une disposition légale pourtant en vigueur et rendant aux communes le pouvoir fiscal sur les spectacles qui leur avait été enlevé en 1920. f)  L’apport essentiel du présent arrêt de la Cour constitutionnelle no 19/2012 du 16 février 2012 Il a donc fallu l’intervention de la Cour constitutionnelle en 2012 pour trancher cette controverse.

Civ. Liège, 16 décembre 2010, F.J.F., 2011, p. 462. Civ. Liège, 26 octobre 2012, R.G. no 11/4922/A & 11/6319/A, non encore publié. Cass., 24 mai 2012, R.G. no F.11.0053.N., non encore publié. Sur cette problématique, voy. « Taxe communale admise sur les entrées de spectacles ? », Fiscologue, 5 mars 2010, no 1195, p. 7 ; P. Seutin, « La légalité des taxes locales sur spectacles et divertissements au regard de l’article 464, 1° du C.I.R. : Cour de cassation vs Conseil d’État », R.G.C.F., 2010, p. 337 ; « Taxe communale sur spectacles ; de plus en plus de confusion », Fiscologue, 8 avril 2011, no 1245, p. 5.

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Arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 En effet, selon le présent arrêt de la Cour constitutionnelle, - d’une part, l’argument que nous avons tiré de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 ne lui semblait à tout le moins pas déterminant : le transfert de la taxe sur les spectacles et divertissements par le législateur aux communes dans les circonstances prévues par cette disposition ne peut pas être, selon cette Cour, considéré comme une justification suffisante pour pouvoir déroger, dans le chef des communes, à l’interdiction générale contenue dans l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 ; - d’autre part, encore faut-il voir si, effectivement, l’article 464, 1°, C.I.R. 92 s’oppose à une taxe calculée sur les recettes brutes de l’exploitant. Or, sur ce point, la Cour a relevé que la base de l’impôt des personnes physiques est constituée du revenu imposable tel qu’il est défini à l’article 6 du C.I.R. 1992. La base de l’impôt des sociétés est constituée des bénéfices définis à l’article 185 du C.I.R. 1992. L’article 464, 1°, du C.I.R. 1992 n’interdit donc pas de lever une taxe communale sur les recettes brutes dès lors que cette base diffère fondamentalement de la base de l’impôt des personnes physiques comme de celle de l’impôt des sociétés, et par ailleurs également de celle de l’impôt des personnes morales visé par cette même disposition (dont la base est définie à l’article 221 du C.I.R. 1992) et de celle de l’impôt des non-résidents (dont la base est définie à l’article 228 du C.I.R. 1992). En effet, bien que les recettes brutes générées par une activité et, plus généralement, les revenus bruts du contribuable constituent le point de départ pour la détermination du revenu imposable à l’impôt des personnes physiques ou du bénéfice imposable à l’impôt des sociétés, il existe une différence essentielle entre, d’une part, les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou les revenus bruts en général et, d’autre part, les bases imposables précitées. Par la base de l’impôt, la disposition en cause ne vise pas tout élément qui est pris en compte pour le calcul de l’impôt, mais exclusivement le mon­ tant sur lequel l’impôt est calculé en définitive. De manière générale, il n’existe pas non plus de rapport proportionnel entre les recettes brutes ou revenus bruts et les différentes bases des impôts mentionnés à l’article 464, 1°, du C.I.R. 1992. À notre sens, l’approche entre l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 et le dernier arrêt de la Cour constitutionnelle n’est pas opposée : en effet, elle permet en réalité de les réunir : si le législateur de 1948 a pu faire coexister l’article 34 (ancêtre de l’article 464, 1°, C.I.R. 92) et l’article 36 (qui donnait aux communes la taxe sur les spectacles et divertissements calculées sur la base des recettes brutes), sans avoir conscience

de se contredire, c’est peut-être parce que, comme la Cour constitutionnelle l’avance, l’article 36 précité ne concerne pas des « revenus » interdits mais seulement des recettes brutes taxables… De plus, nous relevons que le dispositif de la Cour constitutionnelle lève le problème instillé par la jurisprudence établissant une différence en fonction du statut fiscal (A.S.B.L. ou non ?) de l’organisateur du spectacle (voy. point c) ci-dessus) : en effet, l’arrêt précité de la Cour d’appel de Gand du 22 février 2005 se voit également « désactivé » par le présent arrêt de la Cour constitutionnelle. Exit toute distinction en ellemême entre les sociétés soumises à l’impôt des sociétés et les personnes physiques soumises à l’impôt des personnes physiques, ne pouvant être soumises à une telle taxe au vu de l’article 464 C.I.R. 92, et les A.S.B.L. soumises à l’impôt des personnes morales, pouvant être visées par une telle taxe ! En termes de cohérence juridique, nous ne pouvons que nous en féliciter. g) Conclusion Les litiges autour de l’admissibilité des taxes communales sur les spectacles, par rapport à l’article 464, 1°, C.I.R. 92, constituent une magnifique illustration des divergences d’interprétation jurisprudentielle. Comment faut-il appliquer cette disposition du C.I.R. 92 ? 1° Selon une première tendance, l’interdiction de l’article 464, 1°, C.I.R. 92 s’étend, non seulement aux taxes pesant directement sur les revenus, mais également sur les taxes pesant sur les éléments pris comme base de calcul dans les impôts sur les revenus (même indirectement). À ce titre, cette jurisprudence donne plutôt une application large à l’article 464, 1°, C.I.R., se détachant nettement du seul fait générateur de la taxe elle-même (est-ce la perception de revenu qui donne lieu à taxation ?) pour aller vers tous les éléments essentiels qui contribuent à déterminer directement la base de ces impôts44. Cette tendance de la jurisprudence considère comme interdites, toutes les taxes communales prenant en compte dans le calcul de la taxe un chiffre d’affaires, un chiffre de vente, ou encore le revenu cadastral d’un immeuble, indépendamment même de savoir quel est le fait générateur de la taxe. Elle donne ainsi une portée extensive à cette ancienne jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle, si une taxe provinciale est prélevée pour les actions provinciales générales et en matière de soins de santé, si le règlement en cause n’isole aucune base taxable et

(43) Voy. également dans ce sens, en 2012, Cass., 24 mai 2012, R.G. no F.11.0057/N, non encore publié.

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Jurisprudence frappe indistinctement tous les habitants de la province inscrits dans les registres de la population, et ce indépendamment de leurs ressources, la taxe, n’en constitue pas moins un impôt des personnes physiques, (celles-ci ne pourront l’acquitter qu’au moyen de ressources déjà taxées par l’État) ; cette taxe constitue bien, dès lors, un impôt similaire à l’impôt des personnes physiques prélevé par l’État45. Or, qu’il nous soit permis de souligner que, dans une telle tendance, il est très difficile de « mettre le curseur » dans le degré d’implication d’un élément contribuant à l’impôt sur les revenus, dans le calcul d’une taxe communale. En effet, elle pourrait aboutir à ce que toute taxe communale soit interdite, d’une manière ou d’une autre, au vu du fait qu’il s’agit d’une ponction fiscale payée par les contribuables… au moyen de leurs revenus. Ce lien indirect entre revenus et taxe communale pourrait aboutir à rendre tout simplement toute fiscalité locale impossible ou, du moins, systématiquement contestable. Elle ne pourrait que donner lieu à des évaluations jurisprudentielles extrêmement variables et subjectives, selon les appréciations des magistrats et selon les lieux. À notre sens, une voie royale vers l’insécurité juridique. 2° Par contre, selon une deuxième tendance, l’interdiction de l’article 464, 1°, C.I.R. 92 ne s’étend qu’aux taxes pesant directement sur les revenus et aux taxes pesant sur les éléments directement pris comme base de calcul dans les impôts sur les revenus. À ce titre, cette jurisprudence examine si le fait générateur est bien la perception de revenu ou si la base de la perception communale est identiquement reprise d’éléments soumis aux impôts sur les revenus. Elle tend donc à donner une interprétation restrictive à cette interdiction de l’article 464, 1°, C.I.R. C’est cette tendance que la Cour constitutionnelle a clairement consacrée en droit belge, dans une interprétation qui n’a rien d’équivoque. Aujourd’hui, nous pensons que, quelle que soit la position des uns et des autres, tout aussi justifiable juridiquement l’une que l’autre, la Cour constitutionnelle a

parlé. Elle a pris position pour l’application restrictive de l’article 464, 1°, C.I.R. 92, et rien n’indique qu’elle changera d’avis dans six mois. Parallèlement à l’indépendance garantie de tout magistrat, faudra-t-il donc, pour que le cirque se termine, que chaque contribuable doive systématiquement demander au magistrat fiscal de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle pour garantir la sécurité juridique ? Enfin, une question nous semble toutefois subsister. En effet, l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 n’a certes pas été assassiné par la Cour constitutionnelle, dans le présent arrêt no 19/2012 du 16 février 2012 : bien au contraire, nous relevons que le dispositif de la Cour évoque, sans aucunement les opposer, « L’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales ». Or, si cette dernière disposition ne saurait fonder à elle seule le droit communal d’établir une taxe sur les spectacles, selon la Cour, il n’en reste pas moins que cet article 36, en son alinéa 2, prévoit expressément que « Les taxes provinciales et communales sur les spectacles et divertissements ne peuvent s’appliquer aux représentations données dans une salle de théâtre et à ranger dans l’une des catégories suivantes : tragédie, opéra, opéra-comique, opérette, comédie, vaudeville, farce folklorique, drame, revue de début et de fin de saison ou de fin d’année par des troupes à caractère sédentaire ». Faut-il donc voir dans cette disposition une limitation toujours actuelle au pouvoir fiscal communal de taxer les recettes brutes des organisateurs de spectacles, tel que reconnu par la Cour dans le présent arrêt, à l’exclusion de ces représentations précitées ? Le spectacle est-il fini ? Vincent Sepulchre Administrateur délégué S.O.G.E.F. SCRL-FS 46 Professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences Fiscales (ICHEC) Maître de conférences à H.E.C.École de gestion de l’Université de Liège Membre du Tax Institute de l’Université de Liège Assistant en droit fiscal à l’U.L.B.

(44) C.E., no 50.538 du 30 novembre 1994, F.J.F., 1995, p. 346. Voir aussi C.E., no 35.999 du 12 décembre 1990. (45) www.sogef.be LARCIER

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Les formules Civ. Liège, 21ede Ch. répartition (chambredu fonds à trois juges), des communes 26 octobre 2012

Tribunal de première intance Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 R.G. : 11/4922/A & 11/6319/A

1°  Taxes sur les spectacles et divertissements – Taxes similaires sur la base ou sur le montant des impôts sur les revenus – Article 464, 1°, du CIR/92 – Recettes brutes hors TVA – critique de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16 février 2011 2°  Principe d’égalité et de non-discrimination – Motivation du règlement-taxe – Dossier administratif

1°  Suivant l’analyse textuelle de l’article 464, 1°, du CIR/92, la loi ne contient pas seulement une interdiction faite aux provinces et aux communes d’établir des centimes additionnels aux impôts sur les revenus, à l’exception du précompte immobilier ; elle leur interdit également d’établir « des taxes similaires » sur la base ou le montant de ces impôts. L’utilisation du terme « similaires » (et non « identiques ») traduit la volonté du législateur de ne pas limiter la portée de cette disposition à une identité parfaite des bases de calcul de l’impôt. L’examen des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 (loi dans laquelle l’actuel article 464, 1°, du CIR/92 trouve son origine) démontre que le législateur ne voulait pas que l’Etat et les communes disposent de compétences concurrentes. Il ne souhaitait pas que les communes votent des taxes basées sur un des éléments essentiels déterminant la base des impôts sur les revenus. La similarité de l’imposition doit donc être appréciée au départ de la base de calcul utilisée et des éléments qui la composent, de sorte que toute imposition communale qui utilise comme fait imposable ou comme base de calcul la base ou le montant des impôts sur les revenus ou qui fait usage des éléments qui déterminent directement ou indirectement la base des impôts sur les revenus constitue une imposition similaire interdite par l’article 464, 1°, du CIR/92. Le débiteur de la taxe, qui a calculé son bénéfice imposable à l’impôt sur les revenus après déduction de la taxe litigieuse peut choisir soit de répercuter la taxe sur les spectateurs en augmentant le prix des places et des programmes - et donc ses recettes -, soit de ne pas répercuter cette taxe. Dans la première solution, qui se justifie sur le plan d’une seine gestion de l’entreprise, la répercussion de la taxe (qui en l’espèce constitue un élément essentiel des recettes de la requérante) aura automatiquement pour effet non seulement d’aug-

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menter le bénéfice imposable à l’impôt sur les revenus, mais également d’augmenter les recettes et donc la base imposable à la taxe communale. Ceci démontre que la taxe litigieuse est fondée sur une des composantes essentielles de la base imposable à l’impôt sur les revenus et est donc contraire aux dispositions de l’article 464, 1°, du CIR/92. Le terme « base » utilisé dans l’article 464, 1°, du CIR/92 doit être interprété comme pouvant viser aussi bien les revenus nets que les revenus bruts, les premiers étant nécessairement inclus dans les seconds et n’en étant qu’une partie, de sorte qu’en frappant un revenu brut, la taxe communale litigieuse frappe nécessairement le revenu net compris dans celui-ci. En droit (fiscal), il n’y a pas de différence fondamentale entre prendre pour base les recettes nettes (soumises à l’impôt sur le revenu) et prendre pour base les recettes brutes générées par toutes opérations du contribuable, affectées d’un coefficient quelconque (soumises à la taxe communale), puisque cette dernière contient toujours la première. 2°  Lorsque la motivation d’un règlement-taxe communal n’est pas reprise dans le règlement-taxe luimême, il faut que : -  la motivation soit reprise dans un dossier administratif ; -  les documents repris dans ce dossier soient antérieurs à l’adoption du règlement ; - les documents aient effectivement participé à l’adoption du règlement-taxe : un lien de causalité, direct ou indirect, doit être établi entre les pièces du dossier administratif et l’adoption du règlement-taxe. Siège : Mme Nathalie Pirotte, Juge f.f. de Président ; Mme Thérèse Hardenne, Juge ; Mme Isabelle Dijon, Juge ; M. Jean-Denis Lambrette, greffier. Plaidants : Mes Bernard Maquet, John Kirkpatrick.

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Jurisprudence En cause

-  la demande amiable de mise en état de la cause formulée par les parties à l’audience du 27 octobre 2011 ainsi que l’ordonnance du même jour qui l’entérine ;

Maître Jean-Luc Paquot, Avocat ayant son bureau Avenue Blonden, nos 33 à 4000 Liège, agissant en sa qualité de curateur à la faillite de la s.a. Didier Defourny Formula 1 (en abrégé DDF1), ayant son siège social boulevard Frère Orban, nos 17 à 4000 Liège, inscrite à la B.C.E. sous le no 0860.942.504, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Liège du 27 avril 2011 en remplacement de Maître Philippe Jehasse, Avocat.

-  les conclusions principales, additionnelles et de synthèse déposées au greffe le 2 janvier 2012, le 19 mars 2012 et le 31 mai 2012 pour la défenderesse ;

Ayant pour conseil Maître Bernard Maquet, Avocat s.c. Henry & Mersch, à 4000 Liège, rue des Augustins, no 32.

-  les dossiers de pièces déposés pour chacune des parties à l’audience du 28 septembre 2012.

Requérant qualitate qua et demandeur, comparaissant par son conseil.

- la décision rendue par le Collège communal de la Ville de Malmédy le 6 septembre 2011 ;

Contre

- la requête déposée au greffe le 2 décembre 2011 dans les formes régulières et le délai légal ;

La Ville de Stavelot, représentée par son Collège des Bourgmestre et Echevins, dont les bureaux sont établis à 4970 Stavelot, Hôtel de Ville, Place Saint Remacle, no 32. Ayant pour conseil Maître John Kirkpatrick, Avocat dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, Boulevard de l’Empereur, no 3. Défenderesse, comparaissant par son conseil.

- les conclusions principales, additionnelles et de synthèse déposées au greffe le 28 février 2012 et le 30 avril 2012 pour le requérant ;

-  la demande amiable de mise en état de la cause formulée par les parties à l’audience du 12 janvier 2012 ainsi que l’ordonnance du même jour qui l’entérine ; - les conclusions principales déposées au greffe le 28 février 2012 pour le requérant ; -  les conclusions principales, additionnelles et de synthèse déposées au greffe le 18 janvier 2012, le 9 mars 2012 et le 31 mai 2012 pour la défenderesse ;

Et encore en cause Maître Jean-Luc Paquot, mieux qualifié ci-dessus. Ayant pour conseil Maître Bernard Maquet, Avocat s.c. Henry & Mersch, à 4000 Liège, rue des Augustins, no 32. Requérant qualitate qua et demandeur, comparaissant par son conseil. La Ville de Malmédy, représentée par son Collège des Bourgmestre et Échevins, dont les bureaux sont établis à 4960 Malmédy, Hôtel de Ville, rue Jules Steinbach, no 1. Ayant pour conseil Maître John Kirkpatrick, Avocat dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, Boulevard de l’Empereur, no 3. Défenderesse, comparaissant par son conseil. Le dossier de la procédure, qui est régulière, contient notamment : - la décision rendue par le Collège communal de la Ville de Stavelot le 22 juin 2011 ; -  la requête déposée au greffe le 23 septembre 2011 dans les formes régulières et le délai légal ; LARCIER

-  les dossiers de pièces déposés pour chacune des parties à l’audience du 28 septembre 2012. Les causes portant les numéros de rôle 11/4922/A et 11/6319/A concernent le même problème de droit à trancher, la légalité d’une taxe sur spectacles et divertissements, prélevée par les deux communes sur le territoire desquelles le Grand Prix formule 1 de Francorchamps est organisé le 11 septembre 2005 ; elles sont manifestement connexes et doivent être jointes par application de l’article 30 du Code judiciaire. Les parties ont été entendues à l’audience du 28 septembre 2012. I.  Objet du litige et antécédents de procédure 1.1. La société s.a. Didier Defourny Formula 1 a été l’organisatrice du Grand Prix de Belgique de Formule Un en date du 11 septembre 2005, sur le circuit de Spa Francorchamps, situé à la fois sur le territoire de la commune de Stavelot et sur celui de la commune de Malmedy. 1.2.  En sa séance du 11 août 2005, le conseil communal de la commune de Stavelot vote un règlement-taxe sur les spectacles et divertissements pour les exercices d’imposition 2005 à 2006.

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Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 L’article 1er énonce que : « Il est établi, pour les exercices d’imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et/ou divertissements. Sont visés les spectacles et/ou divertissements accessibles au public et pour lesquels il y a une perception à charge de tout ou partie de ceux qui y assistent ou y prennent part. La taxe est due sur le montant intégral des prix d’entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que toutes autres perceptions, généralement quelconques ».

§ 3. À défaut de déclaration dans les délais prévus ou en cas de déclaration incomplète, incorrecte ou imprécise, l’Administration communale aura recours à l’article 6, § 1-2-3 de la loi du 24 décembre 1996 : le contribuable est imposé d’office, d’après les éléments dont l’Administration peut disposer, sauf le droit de réclamation et de recours. Avant de procéder à la taxation d’office, le Collège Communal notifie au redevable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, les éléments sur lesquels la taxation est basée, ainsi que le mode de détermination de ces éléments et le montant de la taxe. Le contribuable peut formuler ses observations pendant un délai de trente jours à dater de l’envoi de cette notification ».

L’article 2 in fine énonce que : « Dans le cas où un spectacle se déroule à la fois sur le territoire de la commune et sur le territoire d’une commune voisine, moyennant un tarif unique pour les deux communes, la taxe est calculée conformément au présent règlement et est due à la commune de Stavelot à concurrence de 50% de son montant ». L’article 3 du règlement prévoit différents taux de taxation : « 3.1. Pour un spectacle ou divertissement forain : 8% sur les recettes hors T.V.A. de toute nature. 3.2. Pour un parc d’attraction, 4,5% sur les recettes hors T.V.A. de toute nature. 3.3. Pour un circuit de karting (situé ou non dans un parc d’attraction) : 4,5% des recettes hors T.V.A. 3.4. Pour les autres spectacles ou divertissements non spécialement désignés par le présent règlement ». À ce niveau, sur la base de l’article 3 du règlement, la taxe litigieuse est assise sur les recettes hors T.V.A. du spectacle ou divertissement, chaque tranche du chiffre d’affaires étant taxée de manière dégressive selon le tableau suivant repris au point 3.4. a) du règlement : Chiffre d’affaires Jusque 6.197.338 EUR

Taux de la taxe 13,5%

de 6.197.339 à 8.676.273 EUR 10,0% de 8.676.274 à 11.155.208 EUR 7,5% de 11.155.209 à 14.873.611 EUR 5,0% à partir de 14.873.612 EUR

2,5%.

L’article 7 organise le système de déclaration des éléments de taxation en ces termes : « § 1. Tout redevable est tenu de déclarer les éléments nécessaires à la taxation, au Service de la taxe communale, dans les 30 jours suivant le spectacle. § 2. (…)

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Le 11 septembre 2005, le Grand Prix de Francorchamps a lieu. Par lettre datée du 20 octobre 2005, la Ville de Stavelot écrit à la s.a. DDF1 et lui reproche de n’avoir pas déclaré dans le délai d’un mois prescrit par le règlement-taxe les éléments nécessaires à l’établissement de la taxe sur les spectacles pour l’exercice 2005. La Ville de Stavelot s’estime en droit d’imposer d’office d’après les éléments sur lesquels a été basée la taxe de 2004 (voy. pièce 2 de la sous-farde I-B du dossier de la Ville de Stavelot). Elle annonce l’imposition d’une taxe, accroissement de 100% compris, d’un montant de 1.385.355,96 EUR. Par jugement du 31 octobre 2005, le Tribunal de commerce de Liège déclare la s.a. DDF1 en faillite. Le 23 novembre 2005, un avertissement-extrait de rôle est établi pour l’exercice 2005 sous l’article 000001 du rôle de la commune de Stavelot ; le montant de la taxe est fixé à 1.380.930,34 EUR. Le même jour, une taxe de 4.425,62 EUR est établie pour les parkings. Par lettre reçue le 2 mars 2006, le curateur à la faillite de la s.a. DDF1 conteste les impositions établies pour l’exercice d’imposition 2005 et introduit une réclamation. Par lettre reçue le 7 juin 2011, le curateur à la faillite de la s.a. DDF1 complète sa réclamation par un moyen tiré de l’illégalité des renseignements obtenus par la commune pour taxer d’office la s.a. DDF1, ajoute au moyen tiré de la violation de l’article 464, 1o, du CIR/92, un arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2009, précise son moyen tiré de la violation du principe constitutionnel d’égalité et de nondiscrimination et demande la surséance à statuer dans l’attente d’un arrêt de la Cour constitutionnelle, saisie par une question préjudicielle du Conseil d’État par arrêt du 3 mars 2011 (voy. pièce 5 – sous-farde I-B du dossier de la Ville). Par décision rendue le 22 juin 2011, le Collège communal de la Commune de Stavelot rejette la réclamation LARCIER


Jurisprudence dirigée contre la taxe afférente à l’exercice d’imposition 2005.

Chiffre d’affaires Jusque 6.197.338 EUR

Par requête déposée au greffe le 23 septembre 2011, le requérant maintient sa contestation. 1.3.  En sa séance du 20 juillet 2005, le conseil communal de la commune de Malmédy vote un règlement-taxe sur les spectacles et divertissements pour les exercices d’imposition 2005 à 2006.

Taux de la taxe 13,5%

de 6.197.339 à 8.676.273 EUR 10,0% de 8.676.274 à 11.155.208 EUR 7,5% de 11.155.209 à 14.873.611 EUR 5,0% à partir de 14.873.612 EUR

2,5%.

L’article 1er énonce que : « Il est établi, pour les exercices d’imposition 2005 à 2006, une taxe communale sur les spectacles et/ou divertissements. Sont visés les spectacles et/ou divertissements accessibles au public et pour lesquels il y a une perception à charge de tout ou partie de ceux qui y assistent ou y prennent part. La taxe est due sur le montant intégral des prix d’entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que la totalité des perceptions, déduction faire du montant de la T.V.A. ». Le règlement de la Ville de Malmédy prévoit des taux différents selon la nature du spectacle ; l’article 3 énonce que : « Les taux de la taxe sont arrêtés comme suit : A.  Projections cinématographiques - 13,5% des recettes brutes afférentes aux entrées, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée, - 13,5% sur les recettes afférentes aux consommations et autres prestations non obligatoires, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée. Ne donnent pas lieu à la perception de la taxe : - les projections cinématographiques ne comportant que des films documentaires ayant un caractère nettement accusé de diffusion artistique ou d’éducation populaire, exclusif de tout but de lucre. -  l’assistance aux projections dans les conditions prévues par l’article 16 de l’AR du 27 avril 1939 modifiant les dispositions relatives au contrôle des films cinématographiques des membres et délégués de la commission instituée par l’article 1er du même Arrêté royal. B. Autres spectacles ou divertissements non spécialement désignés par le présent règlement » À ce niveau, sur la base de l’article 3 du règlement, la taxe litigieuse est assise sur les recettes brutes hors T.V.A. du spectacle ou divertissement, chaque tranche du chiffre d’affaires étant taxée de manière dégressive selon le tableau suivant repris au point 3.4. a) du règlement :

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L’article 7 organise le système de déclaration des éléments de taxation en ces termes : « § 1. Tout redevable est tenu de déclarer les éléments nécessaires à la taxation, au Service de la taxe communale, dans les 30 jours suivant le spectacle. § 2. (…) § 3. À défaut de déclaration dans les délais prévus ou en cas de déclaration incomplète, incorrecte ou imprécise, l’Administration communale aura recours à l’article L 3321-6 du Code de la démocratie locale et de la Décentralisation, § 1-2-3 : le contribuable est imposé d’office, d’après les éléments dont l’Administration peut disposer, sauf le droit de réclamation et de recours. Avant de procéder à la taxation d’office, le Collège Communal notifie au redevable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, les éléments sur lesquels la taxation est basée, ainsi que le mode de détermination de ces éléments et le montant de la taxe. Le contribuable peut formuler ses observations pendant un délai de trente jours à dater de l’envoi de cette notification ». Le 11 septembre 2005, le Grand Prix de Francorchamps a lieu. Par jugement du 31 octobre 2005, le Tribunal de commerce de Liège déclare la s.a. DDF1 en faillite. Par lettre datée du 9 novembre 2005, la Ville de Malmedy écrit à la s.a. DDF1 et lui reproche de n’avoir pas déclaré dans le délai d’un mois prescrit par le règlement-taxe les éléments nécessaires à l’établissement de la taxe sur les spectacles pour l’exercice 2005. La Ville de Stavelot s’estime en droit d’imposer d’office d’après les éléments sur lesquels a été basée la taxe de 2004 (voy. pièce 8 de la sous-farde II-B du dossier de la Ville de Malmedy). Elle annonce l’imposition d’une taxe, accroissement de 100% compris, d’un montant de 1.380.930,34 EUR. Par lettre datée du 24 novembre 2005, le curateur de la s.a. DDF1 répond à la Ville de Malmedy qu’il marque son désaccord au redressement annoncé. Le 9 décembre 2005, un avertissement-extrait de rôle est établi pour l’exercice 2005 sous l’article 000001 du rôle de la commune de Malmedy ; le montant de la taxe est fixé à 1.380.930,34 EUR.

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Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 Par lettre reçue le 2 mars 2006, le curateur de la s.a. DDF1 conteste l’imposition établie pour l’exercice d’imposition 2005 et introduit une réclamation. Par lettre reçue le 1er juin 2011, le curateur de la s.a. DDF1 complète sa réclamation (voy. pièce 13 de la sous-farde II-B du dossier de la Ville). Par décision rendue le 6 septembre 2011, le Collège communal de la Commune de Malmédy rejette la réclamation. Par requête déposée au greffe le 2 décembre 2011, le curateur de la s.a. DDF1 maintient sa contestation. II.  L’analyse du tribunal

a)  De la portée du texte de l’article 464, 1°, du CIR/92 par l’interprétation littérale. En principe, les provinces et les communes ne sont pas autorisées à prélever des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non résidents. La loi ne contient pas seulement une interdiction aux provinces et aux communes d’établir des centimes additionnels aux impôts sur les revenus, avec exception du précompte immobilier, mais leur interdit également d’établir « des taxes similaires » sur la base ou le montant de ces impôts.

2.1.  Quant à la violation de l’article 464, 1°, du CIR/92

Sont visées, de manière générale, toutes les taxes similaires assises sur la base ou sur le montant de ces impôts, réserve étant toutefois faite pour le précompte immobilier.

Le requérant qualitate qua soutient, à titre principal, que la taxe litigieuse serait contraire à l’article 464, 1o, du CIR 92 en ce sens qu’elle viserait des revenus déjà soumis à l’impôt des sociétés.

L’utilisation volontaire du terme « similaires »1 (et non « identiques ») traduit la volonté du législateur de ne pas limiter la portée de cette disposition à une identité exacte et parfaite des bases de calcul de l’impôt.

2.1.1.  La disposition applicable

Ainsi, une société en pertes peut très bien ne pas devoir s’acquitter de l’impôt des sociétés tout en devant payer la taxe sur les spectacles qu’elle organise.

L’article 464, 1°, du CIR/92 dispose que : « Les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir : 1o des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier […] ». En matière fiscale, comme en droit commun, lorsqu’un texte de loi est clair, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’interprétation. En revanche, lorsque le texte de loi a un sens incertain, le juge recherche l’intention du législateur. La question de savoir si l’article 464, 1°, du CIR/92 est clair ou non fait l’objet d’une discussion par les Communes de Malmedy et de Stavelot. Aux fins de préciser (ou non) l’interprétation littérale du texte, le tribunal aura dès lors recours à l’intention du législateur, et notamment aux travaux préparatoires. La démarche sera la suivante : il faut en priorité opérer une analyse textuelle (a), puis étudier l’historique des dispositions (b) ou encore avoir égard aux principes généraux et, enfin, au terme du raisonnement, opérer (ou non) un constat de clarté (c). (1)

La même analyse peut, par ailleurs, être faite au départ du terme utilisé dans la version néerlandaise de l’article 464, 1°, du CIR/92 : « gelijkaardige ». Dans cette mesure en tout cas, le texte de l’article 464, 1°, du CIR est parfaitement clair et ne souffre pas la moindre interprétation. b)  Confirmation de la portée du texte de l’article 464, 1°, CIR/92 à la lecture des travaux préparatoires. À l’origine de l’article 464, 1°, du CIR/92, se trouve l’article 83 des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus, tel que modifié par l’article 34 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales. Cette dernière disposition précisait que « les provinces et les communes ne sont pas autorisées à établir des centimes additionnels aux impôts cédulaires sur les revenus ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, exception faite, toutefois, en ce qui concerne la contribution foncière ». Le texte de l’article 83 des lois coordonnées a dû être adapté en raison du passage du régime cédulaire au système actuel d’impôts sur les revenus et fut en conséquence modifié par l’article 70 de la loi du 20 novembre 1962 portant réforme des impôts sur les revenus. La nouvelle disposition a interdit aux pro-

Voy. la définition du Petit Larousse de ce terme : « se dit de choses qui peuvent, d’une certaine façon, être assimilées les unes aux autres » à comparer avec la définition du terme « identique » : « qui ne diffère en tien d’un autre ; qui présente avec quelqu’un, quelque chose, une parfaite ressemblance ».

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Jurisprudence vinces et aux communes d’établir des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales et à l’impôt des non résidents ou des taxes similaires sur a base ou le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

Ce constat de clarté rend a posteriori inutile le recours aux Travaux préparatoires, qui n’a été opéré par le Tribunal qu’en exécution d’un principe de précaution et que dans un objectif de confirmation au besoin, du constat opéré. 2.1.2. Application

La portée exacte de l’article 464, 1°, du CIR/92 peut dès lors être confirmée par la lecture des travaux préparatoires de l’article 34 de la loi du 24 décembre 1948, étant donné que les deux dispositions ont essentiellement le même but. Il ressort en effet des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 que l’article 34 précité, et par conséquent l’article 464, 1°, du CIR/92, contient une attribution de compétence aux provinces et aux communes qui les autorise seulement à lever des centimes additionnels à la contribution foncière, aujourd’hui précompte immobilier. L’examen des travaux préparatoires de ladite loi démontre que le législateur ne voulait pas que l’État et les communes disposent de compétences concurrentes, c’est-à-dire qu’elles votent des taxes basées sur un des éléments essentiels déterminant la base des impôts sur les revenus2. Par cette interdiction, le législateur a souhaité établir une séparation complète entre la fiscalité des communes et la fiscalité de l’État, d’orienter les matières imposables stables (en particulier la contribution foncière) vers les communes, et celles dont la consistance était variable vers l’État. Ce transfert a été consacré par l’article 36 de la loi du 28 décembre 19483. Eu égard à la séparation voulue par le législateur entre les impositions locales et les impositions nationales, la similarité de l’imposition doit être appréciée au départ de la base de calcul utilisée et des éléments qui la composent, de sorte que toute imposition qui utilise comme fait imposable ou comme base de calcul la base ou le montant des impôts sur les revenus ou qui fait usage des éléments qui déterminent directement ou indirectement la base des impôts sur les revenus constitue une imposition similaire interdite en vertu de l’article 464, 1°, du CIR/924. c) Conclusion. Tant l’interprétation littérale que l’interprétation historique vont dans le même sens et justifient un constat de clarté quant à la terminologie et la signification de l’article 464, 1°, du CIR/92. (2)

(3) (4)

Partant de cette optique, la taxe litigieuse doit être considérée comme une taxe similaire prohibée. La démarche du Tribunal consistera à comparer les bases respectives des impôts dont la concurrence est prohibée par l’article 464, 1°, du CIR/92. S’agissant d’identifier ce qu’est la base de l’impôt des sociétés dont question à l’article 464, 1o, du CIR/92, il convient de s’en référer aux règles contenues dans le Code des impôts sur les revenus. En effet, l’impôt des sociétés entend soumettre les sociétés résidentes à taxation sur le montant de leurs revenus, déterminés selon les règles des articles 183 à 214 du CIR/92, après déduction des dépenses admises comme charges professionnelles et en appliquant les corrections prévues dans ledit Code ; tous les revenus, bénéfices et profits d’une société sont donc imposables, quelle que soit leur origine ou leur nature, en tant que revenus professionnels. Ainsi l’assiette de l’impôt des sociétés par application des articles 24, 1° et 183, du C.I.R. est notamment constituée des bénéfices « (…) de toutes les opérations traitées par les (…) entreprises (…) » et donc bien les recettes soumises à la taxe sur spectacles et divertissements. L’article 1er de chacun des règlements-taxe litigieux précise que « La taxe est due sur le montant intégral des prix d’entrée, des droits de location, des droits de vestiaire, des prix de vente des programmes, du produit de la vente de toutes consommations, des cotisations pouvant remplacer ces droits ou prix ou les suppléer, ainsi que toutes autres perceptions, généralement quelconques ». Le débiteur de la taxe, qui a calculé son bénéfice imposable à l’impôt sur les revenus après déduction de la taxe litigieuse peut choisir, soit de répercuter la taxe sur les spectateurs en augmentant le prix des places et des programmes, et donc ses recettes, soit de ne pas répercuter cette taxe. Dans la première solution, qui se justifie sur le plan d’une saine gestion de l’entreprise, la répercussion de la taxe (qui en l’espèce constitue un élément essentiel des

Nonobstant cette volonté de principe, le législateur a néanmoins jugé utile de maintenir, quant à la contribution foncière, un impôt au profit de l’État. L’exposé des motifs (voy. Doc. parl., Sénat, 1948-1949, no 492, p. 12) justifie ce choix de maintenir une intervention de l’État, tant pour des raisons d’efficacité des opérations administratives préalables (tenue du cadastre) à l’établissement de l’impôt, que pour des raisons d’équité fiscale (caractère éventuellement progressif de l’impôt). Voy. Doc. parl., Sénat, doc., session 1947-1948, projet de loi concernant les finances provinciales et communales. Voy. dans le même sens : les conclusions de l’avocat général Thijs précédant Cass., 10 décembre 2009, R.G. no F.08.0041.N, Pas., 2010, no 737.

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Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 recettes de la requérante) aura automatiquement pour effet non seulement d’augmenter le bénéfice imposable à l’impôt sur les revenus, mais également d’augmenter les recettes et donc la base imposable à la taxe communale. Ceci démontre que la taxe litigieuse est fondée sur une des composantes essentielles de la base imposable à l’impôt sur les revenus et est donc contraire aux dispositions de l’article 464 du CIR/92. Qu’en matière d’impôts sur les revenus, le revenu net est imposé alors qu’en ce qui concerne la taxe communale, le revenu brut l’est n’y change rien et il n’est pas exigé que l’imposition atteigne tous les éléments de la base de l’impôt sur les revenus. Il s’agit bien d’une taxe directe, quoique déguisée, sur le chiffre d’affaires. En effet, l’impôt direct est celui qui vient soustraire à l’usage personnel de son bénéficiaire une quotité déterminée de son revenu, peu importe qu’il s’agisse d’un revenu brut ou d’un revenu net avant impôt, ou d’un impôt proportionnel ou forfaitaire. Il s’agit d’un impôt auquel le contribuable ne peut échapper dès lors qu’il perçoit des revenus visés par la loi qui l’établit. Il s’agit d’un prélèvement qui s’opère indépendamment de toute forme d’utilisation de son revenu. L’impôt indirect n’atteint le revenu du contribuable que parce que celui-ci se place dans une situation qui rend cet impôt exigible. Le contribuable reste libre – en tout cas relativement – de poser ou non les actes qui entraînent l’obligation de payer l’impôt qui s’y rattache. * * * S’emparant de la jurisprudence la plus récente de la Cour constitutionnelle5, chacune des Communes expose que, bien que les recettes brutes générées par une activité constituent le point de départ pour la détermination du revenu à l’impôt des personnes physiques, il existe une différence essentielle entre d’une part les recettes brutes générées par les droits d’entrée et, d’autre part, les bases imposables précitées, le chiffre d’affaires constituant certes un élément qui intervient dans la détermination du résultat net de la société, mais sans cependant permettre d’assimiler le chiffre d’affaires à la base de l’impôt des sociétés. La Cour constitutionnelle admet la constitutionnalité d’une taxe communale sur les recettes brutes, dès lors que cette base différerait fondamentalement de la base de l’impôt des personnes physiques comme celle de l’impôt des sociétés. L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16 février 2012 a la particularité d’intervenir sur question préjudicielle (5)

du Conseil d’État dans un arrêt portant le numéro 211.774 du 3 mars 2011 et dans un contexte peu courant où les deux Hautes Juridictions du Royaume ont statué en sens contraire, à un mois d’intervalle, sur la question de savoir si les communes peuvent lever une taxe sur les recettes brutes des spectacles et divertissements (non pour la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 décembre 2009, oui pour le Conseil d’État dans deux arrêts portant les numéros 199.454 et 199.455 du 12 janvier 2010). Cet arrêt de la Cour constitutionnelle n’est pas univoque puisqu’il présente un dispositif alternatif et prend ainsi ses distances tant à l’égard du Conseil d’État qu’à l’égard de la Cour de cassation. La Cour constitutionnelle juge discriminatoire l’article 464, 1o, du CIR/92, s’il est interprété comme le fait le Conseil d’État mais, dans le même temps, contredit la jurisprudence de la Cour de cassation en admettant, sur base de l’article précité, une taxe communale sur les recettes brutes, dès lors que cette base diffère fondamentalement de la base de l’impôt des personnes physiques comme celle de l’impôt des sociétés. L’utilisation volontairement large des termes « taxes similaires » dans l’article 464, 1o, du CIR/92 exclut une identité exacte telle qu’elle semble résulter de l’interprétation donnée dudit article par la Cour constitutionnelle au point B 6.2. entre les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou les revenus bruts en général et les bases imposables à ‘impôt des personnes physiques ou des sociétés. Le terme « base » utilisé dans l’article 464, 1o, du CIR/92 doit être interprété comme pouvant viser aussi bien les revenus nets que les revenus bruts, les premiers étant nécessairement inclus dans les seconds et n’en étant qu’une partie, de sorte qu’en frappant un revenu brut, la taxe communale litigieuse frappe nécessairement le revenu net compris dans celuici (voy. en ce sens, Conseil d’État, arrêts no 210.391 et no 210.392 du 13 janvier 2011 en matière de taxe sur les logements et locaux offerts en location dans les hôtels et établissements assimilés qui conclut à la violation de l’article 464, 1o, du CIR/92 d’un règlement, décidant qu’« une taxe frappant un revenu brut frappe nécessairement un revenu net compris dans celui-ci et constitue dès lors un prélèvement supplémentaire à l’impôt sur les revenus et une taxe similaire que l’article 464, 1o, prohibe »). Quelles que soient les opérations de déduction et les corrections prévues par le Code des impôts sur les revenus, le revenu brut reste le seul paramètre sur lequel l’impôt sur les revenus est établi : en droit (fiscal), il n’y a pas de différence fondamentale entre prendre pour base les recettes nettes (soumises à l’impôt sur le

Voy. C.C., 16 février 2012, arrêt no 19/2012.

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Jurisprudence revenu) et prendre pour base les recettes brutes générées par toutes opérations de la requérante, affectées d’un coefficient quelconque (soumises à la taxe communale), puisque cette dernière contient toujours la première. À titre d’exemple, les dépenses non admises toujours plus nombreuses conduisent à l’imposition de revenus bruts et contribuent à réduire l’intérêt de la distinction entre revenus bruts et revenus nets. Par ailleurs, la méthodologie suivie par le conseil d’État, aux termes de ses arrêts précités du 12 janvier 2010 est critiquable, dès lors qu’elle conduirait à devoir tenir compte de l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, qui ne fait pas partie du droit positif auquel seul le Tribunal se doit d’avoir égard ; rien, dans la hiérarchie des normes, n’impose aux Cours et Tribunaux de tenir compte des conséquences implicites de modifications et abrogations concomitantes d’une législation, non inscrites dans un code ni davantage d’accorder le moindre effet à un texte abrogé, fût-ce implicitement.

Telle est aussi la position de la Cour constitutionnelle, dans son arrêt no 19/2012 précité, puisqu’en son point B.5.4., elle considère que : « Le transfert de la taxe sur les spectacles et divertissements par le législateur aux communes… ne peut être considéré comme une justification suffisante pour pouvoir déroger, dans le chef des communes, à l’interdiction générale contenue dans l’article 464, 1o, du CIR/92 »6. * * * Il résulte de ce qui précède que les taxes litigieuses, en tant qu’elles sont levées sur le montant intégral des recettes de l’organisateur de spectacle, constituent un impôt contraire aux dispositions de l’article 464, 1o, du CIR/92. 2.2.  À titre superfétatoire, quant à la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution 2.2.1.  Rappel des principes applicables

C’est à la lumière des travaux préparatoires à la loi du 24 décembre 1948 que le Conseil d’État s’est prononcé en assemblée générale. Il conclut que l’article 464 a été voté en même temps qu’était abrogée l’interdiction faite aux communes et provinces de lever certaines taxes sur les spectacles et divertissements. Les travaux préparatoires de ladite loi, précise le Conseil d’État « font clairement ressortir que…le législateur entendait de manière expresse abandonner aux communes (et aux provinces) la taxe précédemment établie par l’État, les autorités locales voyant ainsi leur potentiel fiscal accru à due concurrence ».

Le Tribunal rappellera qu’un règlement-taxe ne constitue pas un acte unilatéral de portée individuelle soumis à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ; il ne doit par conséquent pas énoncer les considérations de droit et de fait qui le justifient7. Pour être régulier, un règlement-taxe ne doit donc pas énoncer lui-même les motifs qui justifient son adoption par le pouvoir communal. Néanmoins, pour pouvoir exercer le contrôle d’égalité et de légalité qui lui est confié par l’article 159 de la Constitution, le Tribunal doit pouvoir identifier correctement l’objectif poursuivi par la commune et la taxe litigieuse.

Selon le Conseil d’État, il y aurait lieu de faire prévaloir l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 (transfert du pouvoir de lever les taxes sur spectacles et divertissements au profit des communes) sur l’article 34 de cette même loi (interdiction générale de lever des taxes similaires aux additionnels communaux) lorsqu’il y a contradiction entre ces deux dispositions.

Afin de déterminer si un règlement-taxe viole ou non le principe d’égalité, il est essentiel d’en connaître le but.

Le Tribunal ne peut donc admettre qu’une seule disposition, l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948, non reprise dans le code des impôts sur le revenu parmi les exceptions à l’article 464 du CIR/92 (qui, lui, intègre l’article 34 dans le dit code), sorte des effets de droit équipollents à ceux d’une exception. L’article 464, 1o, du CIR/92 demeure la seule restriction légale à laquelle les communes défenderesses sont soumises dans l’application d’une taxe sur spectacles et divertissements. (6) (7) (8)

Comme les règles constitutionnelles de l’égalité des Belges et de non-discrimination sur le plan des impôts n’excluent pas qu’une différence de traitement financier soit établie selon certaines catégories de personnes pour autant que les critères de différenciation soient susceptibles d’une justification objective et raisonnable8 et puisque le principe de l’égalité est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, il s’impose au pouvoir taxateur qui légifère d’armer le Tribunal pour lui permettre d’apprécier l’existence d’une telle justification objective et raisonnable et de tenir compte du but et des effets de la mesure critiquée. Il ne s’agit pas de requérir de l’autorité communale d’identifier, dans le corps du règlement, l’objectif réelle-

Consacrant la thèse de M. P. Seutin, in « La légalité des taxes locales sur spectacles et divertissements au regard de l’article 464, 1o, du CIR : Cour de cassation vs Conseil d’État, R.G.C.F. 2010/5, p. 337, sp. p. 340, point 6 in fine et point 7). Voy. J.‑P. M agremanne et F. Van de Gejuchte, La procédure en matière de taxes locales, Bruxelles, Larcier, 2004, no 14, p. 30. Voy. notamment Cass., 1er octobre 1999, T.F.R., 2000, pp. 80 et s. ; C.A., 12 novembre 1992, nos 67/92 et 68/92, M.B., 8 et 22 décembre 1992, p. 25.332 et p. 27.191 ; C.A., 11 février 1993, no 10/93, M.B., 9 mars 1993, p. 4.966 et la jurisprudence constante du Conseil d’État.

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Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 ment poursuivi, qui peut relever de l’usage de la fiscalité à des fins dissuasives ou incitatives accessoires à ses impératifs financiers ; les communes peuvent, en effet, poursuivre un but de santé publique, de sécurité publique, un but écologique ou environnemental de sanction du pollueur/payeur ou encore un but de compensation des coûts d’intervention des services de propreté publique ou des surcoûts liés aux opérations policières. L’autonomie fiscale des communes, tirant leur pouvoir de taxation de l’article 170 § 4 de la Constitution leur permet de choisir librement les bases, l’assiette et le taux des impositions dont elles apprécient la nécessité au regard des besoins auxquels elles estiment devoir pourvoir9. Cette autonomie permet aux communes de faire porter par priorité des taxes sur ces activités qu’elles estiment critiquables ou nuisibles et dont elles veulent éviter toute prolifération nuisible ou provoquer la raréfaction10. Si l’autonomie fiscale des autorités communales leur donne libre choix quant à l’identité des redevables (certains commerces, spectacles, à l’exclusion de certains autres) et quant aux bases, assiette et taux de la taxe, il s’impose, néanmoins, à elles – au minimum – de justifier leur pouvoir de taxation par la considération du besoin financier dans lequel elles se trouvent. Cette exigence formelle ne revient pas à exercer un contrôle d’opportunité sur l’état des finances d’une collectivité ni de s’assurer que le règlement repose sur des éléments concrets et vérifiables puisque le Tribunal ne fait que requérir d’un législateur fiscal qu’il justifie in abstracto son pouvoir de taxation, à tout le moins par un objectif budgétaire, ce qui est bien le minimum de « travaux préparatoires » qu’un tel législateur se doit de fournir aux destinataires et aux Cours et Tribunaux chargés d’appliquer les normes qu’il édicté11. Pour pouvoir apprécier le règlement-taxe par rapport au but et aux effets de celui-ci, il est nécessaire (au Tribunal) que ces motifs puissent être déduits du dossier administratif préalable de la commune12. Le Conseil d’État, saisi à de nombreuses reprises de la légalité du défaut de motivation de règlements-taxe, a décidé : « Considérant qu’en la présente espèce, les motifs du règlement attaqué, qui n’apparaissent pas dans son (9) (10) (11) (12)

(13) (14)

préambule, ne résultent d’aucun des documents composant le dossier administratif déposé par la partie adverse ; que les explications données par celle-ci dans ses écrits de procédure, ne peuvent suppléer à la carence du dossier ; que, ne pouvant identifier les motifs sur lesquels reposent les différences de traitement dénoncées par la requérante, le Conseil d’État n’est pas en mesure d’examiner la compatibilité du règlement attaqué avec les articles 10 et 172 de la Constitution »13. A contrario, dès lors qu’un pouvoir taxateur produit un dossier concomitant à l’élaboration du règlement-taxe, comportant des éléments permettant d’étayer les distinctions opérées et de découvrir quels sont ces motifs pour établir une taxe sur les immeubles inoccupés, les justifications quant au choix du fait générateur (certains immeubles, commerces, spectacles et pas d’autres) et quant au taux de la taxe choisi, tant les destinataires que les juridictions sont à même de vérifier que le choix opéré n’est pas arbitraire que la taxe ne l’est pas davantage14. 2.2.2. Application L’unique source d’information dont le Tribunal dispose est le préambule des règlements-taxe, l’un pris le 20 juillet 2005 par la commune de Malmedy et l’autre le 11 août 2005 par la commune de Stavelot. Il ressort des règlements-taxe que seule la situation financière de la commune est invoquée comme motivation à la taxe litigieuse. Lorsque la motivation d’un règlement-taxe communal n’est pas reprise dans le règlement-taxe lui-même, il faut que : -  la motivation soit reprise dans un dossier administratif ; -  les documents repris dans ce dossier soient antérieurs à l’adoption du règlement ; -  les documents aient effectivement participé à l’adoption du règlement-taxe : un lien de causalité, direct ou indirect, doit être établi entre les pièces du dossier administratif et l’adoption du règlement-taxe. En l’espèce, les communes défenderesses ne produisent aucun dossier administratif préalable de nature à éclairer le Tribunal sur les objectifs poursuivis par les communes défenderesses.

Voy. P. Nihoul et R. Andersen, « Le Conseil d’État, Chronique de jurisprudence 1998 », R.B.D.C., 2000/1, p. 316, no 107 ; voy. C.E., no 170.927 du 8 mai 2007. Voy. E. Willemart, Les limites constitutionnelles du pouvoir fiscal, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 61. Voy. en ce sens, Cass., 14 mars 2008, J.L.M.B., 2009/36, pp. 1700 et s. Voy. Cass. (1re ch. fr.), 17 février 2005, F.J.F., 2005, p. 846 et T.F.R., 2005, no 291, p. 1021 et la note d’observations du professeur Miguel De Jonckheere intitulée « De motivering van differentiaties in gemeentebelastingen : niet noodzakelijk in reglement, wel in administratief dossier » ; voy. J.‑P. M agremanne et F. Van de G ejuchte, La procédure en matière de taxes locales – Établissement et contentieux du règlement-taxe et de la taxe, Bruxelles, Larcier, p. 30, no 14 ; Cass., 17 février 2005 ; Civ., Bruxelles, 7 mars 2008, R.G.C.F., 2008/4, pp. 345 et s. ; Bruxelles, 5 octobre 2006, F.J.F., no 2007/149 ; Liège, 3 mars 2004, F.J.F., no 2004/177 et Civ., Liège, 18 mai 2004, F.J.F., no 2005/204. Voy. C.E., no 163.734 du 18 octobre 2006 ; no 165.638 du 6 décembre 2006 ; no 176.930 du 20 novembre 2007 ; no 180.380 du 4 mars 2008 ; no 187.328 du 24 octobre 2008. Voy. en ce sens, civ., Bruxelles, 7 mars 2008, R.G.C.F., 2008/4, pp. 345 et s.

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LARCIER


Jurisprudence Il en résulte que les règlements attaqués ne comportent aucun élément permettant d’étayer les distinctions opérées et de découvrir quels sont ces motifs ayant conduit les défenderesses à établir une taxe sur certains spectacles et divertissements. Il s’en déduit que le seul souci d’équilibre budgétaire général des communes défenderesses ne peut justifier l’imposition particulière des spectacles et divertissements organisés sur leur territoire. Le défaut de justification de la part des autorités communales de la défenderesse quant au choix du fait générateur (certains spectacles et divertissements et pas d’autres) et quant au taux de la taxe choisi rend impossible aux destinataires et aux juridictions de vérifier que le choix opéré n’est pas arbitraire que la taxe ne l’est pas davantage. Le Tribunal ne fait application des arrêtés communaux que pour autant qu’il soit établi, par la partie publique qui en réclame l’application, qu’ils sont conformes aux normes obligatoires supérieures. À défaut de justifications apportées par les autorités communales de la défenderesse, la taxe et le règlement litigieux violent les principes d’égalité et de non-discrimination visés aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution. En vertu de l’article 159 de la Constitution, il y a lieu de refuser l’application de règlements inconstitutionnels.

La jonction des deux causes pour connexité en application de l’article 30 du Code judiciaire a pour effet qu’il n’y a qu’une seule et même instance et, partant, une seule et même indemnité de procédure15. Cette même jonction n’entraîne en rien un dédoublement des prestations de l’avocat, de ses efforts, actes, recherches, démarches et coûts d’intervention. Il y a donc lieu de cumuler le montant des taxes réclamées et contestées dans chacune des causes pour déterminer l’indemnité de procédure à laquelle le requérant, qualitate qua, aura droit. Le montant cumulé des taxes contestées s’élève à 2.761.860,68 EUR. Dès lors que le montant du litige s’élève à plus de 1.000.000 EUR, de sorte que le montant de base de l’indemnité de procédure s’élève à 16.500 EUR. Aucun motif particulier ne permet de déroger en l’espèce à l’application du montant de base de l’indemnité de procédure. Par ces motifs, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire ; Le tribunal, Statuant contradictoirement,

La demande d’annulation des taxes litigieuses est fondée. La nullité de l’imposition étant prononcée sur la base de ces moyens invoqués par le requérant qualitate qua, il n’y a pas lieu d’examiner les autres arguments invoqués par cette dernière. 2.3.  Les dépens

Joint les causes portant les numéros de rôle 11 /4922/A et 11 /6319/A. Dit la requête recevable et fondée, Annule la taxe sur les spectacles et divertissements reprise au rôle pour l’exercice d’imposition 2005 sous le numéro 000001 du rôle de la commune de Stavelot.

Maître Jean-Luc Paquot, en sa qualité de curateur de la faillite de la s.a. Didier Defourny Formula 1, est représenté par un avocat et demande la condamnation des Communes de Malmedy et Stavelot aux dépens l’instance, liquidés à la somme de 16.500 EUR.

Dit la requête recevable et fondée,

L’article 1022 du Code judiciaire, tel que modifié par l’article 7 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat, définit l’indemnité de procédure en ces termes :

Condamne in solidum les Communes de Stavelot et de Malmedy aux dépens de maître Jean-Luc Paquot, en sa qualité de curateur à la faillite de la s.a. Didier Defourny Formula 1, liquidés à la somme unique de 16.500 EUR.

Annule la taxe sur les spectacles et divertissements reprise au rôle pour l’exercice d’imposition 2005 sous le numéro 000001 du rôle de la commune de Malmedy.

« …une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d’avocat de la partie ayant obtenu gain de cause ». (15) Voy. en ce sens, J.-F. van Drooghenbroeck et B. De Coninck, « La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d’avocat », J.T., no 6295 du 19 janvier 2008, no 22quater et P. Moreau, « La charge des dépens et l’indemnité de procédure », in Le coût de la Justice, actes du colloque organisé par la Conférence libre du jeune barreau de Liège, 1998, p. 169 et sp. p. 194. LARCIER

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Les formules Mons, 6e Ch., de 5 octobre répartition 2012du fonds des communes

Mons, 6e Ch., 5 octobre 2012, 2010/RG/916

Taxe sur la distribution gratuite d’écrits publicitaires – Principe d’égalité et de nondiscrimination – Motivation du règlement-taxe – Dossier administratif

Il n’est pas établi que les circulaires ministérielles de la Région wallonne justifiant l’application d’un taux différencié en faveur des écrits de presse régionale gratuite et les avis circonstanciés des services administratifs compétents de la ville de Mons donnés au Collège communal sur le nouveau modèle de règlement-taxe litigieux figuraient dans le dossier soumis à la délibération des conseillers communaux de la ville de Mons ayant abouti à l’adoption du règlement-taxe. Il n’est pas établi que les conseillers communaux, chargés d’exercer les fonctions de nature législative au sein de la commune, savaient ou pouvaient savoir, sur la base des pièces du dossier administratif qui leur était En cause La Ville de Mons, représentée par son collège communal, Administration Communale de Mons, dont les bureaux sont établis à 7000 Mons, Grand-Place, 2, Partie appelante au principal, demanderesse sur incident, Représentée à l’audience par Maître Julie Markey loco Maître Nathalie Fortemps, avocat à 1060 Bruxelles, rue de Suisse, 24 ; La s.a. Mediapub, dont le siège social est établi à 1400 Nivelles, Rue de l’Artisanat, 1, BCE no 0458.962.824, Partie intime au principal, défenderesse sur incident, Représentée à l’audience par Maître Benoît Derweduez loco Maître Alain Speedel, avocat à 1380 Lasne, Chaussée de Louvain, 523 ; * * * La Cour, après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant : I.  La procédure Revu l’arrêt prononcé contradictoirement le 4 novembre 2011 par la cour d’appel de céans ; Vu les conclusions après réouverture des débats déposées le 28 février 2012 par l’appelante au greffe de la cour, ainsi que l’inventaire et les pièces de son dossier y annexé ;

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soumis, le motif justifiant une différence de traitement entre les écrits publicitaires gratuits non adressés et les écrits de presse régionale gratuite. Le règlement-taxe litigieux viole donc les principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination. Siège : M. P. Delatte, Président, M. F. Stevenaert Meeûs, Conseiller, Mme M. Hanssens, Conseiller, Mme C. Vaubel, Greffier Plaidants : Mes Julie Markey loco Nathalie Fortemps, Benoît Derweduez loco Alain Speedel.

Vu les conclusions déposées le 30 avril 2012 par l’intimée au greffe de la Cour et l’inventaire des pièces de son dossier y annexé ; Vu les pièces des dossiers des parties ; Oui les parties à la cause en leurs dires et moyens à l’audience publique du 29 juin 2012, à laquelle les débats ont été déclarés clos et la cause prise en délibéré. II. Discussion Attendu qu’il est constant que le ministère des affaires intérieures de la Région wallonne a adopté le 9 février 2006 une circulaire relative à la taxe sur les « toutes boîtes » contenant un modèle de règlement-taxe, ainsi que certaines recommandations parmi lesquelles il est indiqué que les écrits de presse régionale doivent bénéficier d’un traitement raisonnablement différencié de celui réservé aux autres écrits publicitaires, car la presse régionale est chargée de fournir à la population une information utile non commerciale, ce qui constitue une véritable mission d’intérêt général (voy. pièce no 13 du dossier de l’appelante, qui concerne cependant un envoi au secrétaire communal de la commune de Pont-à-Celles) ; Que l’appelante ajoute que les services de la ville de Mons ont reçu des services du ministère de la Région wallonne le modèle de règlement-taxe communal indirect sur la distribution gratuite à domicile d’écrits publicitaires non adressés (voy. courriel entre M. M. R. et Mme M. B. du 4 septembre 2006, pièce no 16 du dossier.de l’appelante) ; Que, dans une note du 8 mars 2006, le service de la gestion financière et de la fiscalité de la Ville de Mons LARCIER


Jurisprudence a fait rapport au Collège des bourgmestre et échevins du contenu de cette circulaire relative au règlement de l’impôt sur la distribution gratuite à domicile d’écrits publicitaires non adressés ;

la base des pièces du dossier administratif qui leur était soumis, le motif justifiant une différence de traitement entre les écrits publicitaires gratuits à domicile non adressés et les écrits de presse régionale gratuite ;

Que le Collège communal a examiné le dossier lors de ses séances des 28 mars et 11 avril 2006, sans que la note n’ait été présentée au Conseil communal (pièce no 17 du dossier de l’appelante : cadre en bas à gauche du document) ;

Que, partant, le règlement-taxe litigieux viole les principes constitutionnels de l’égalité et de non-discrimination ;

Que lors de sa délibération du 11 avril 2006, le Collège communal de l’appelante a décidé de ne pas modifier le règlement qui est actuellement d’application (pièce no 20 du dossier de l’appelante) ; Que le 23 janvier 2007, le Collège communal a décidé « de revoir les règlements fiscaux suite à l’investiture de la nouvelle mandature communale tout en les adaptant au prescrit du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et en n’augmentant pas les différents taux arrêtés lors de la mandature précédente » (pièce no 21 du dossier de l’appelante) ; Que le 8 février 2007, un rapport (non présenté au Conseil communal) a été établi par le service de gestion financière de la ville de Mons proposant au Collège communal de soumettre au Conseil communal lors de sa prochaine séance un projet de règlement-taxe sur la distribution gratuite d’écrits publicitaires « toutes boîtes » pour l’exercice d’imposition 2007 (pièce no 21 du dossier de l’appelante) ;

Attendu que la ville de Mons introduit une demande nouvelle (demande incidente) par voie de conclusions tendant à l’autoriser, en application de l’article 356 du Code des impôts sur les revenus (ci-après, C.I.R. 1992), rendu applicable en matière de taxes locales par l’article L 3321-12 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, tel que modifié par le décretprogramme du 22 juillet 2010 (M.B., 20 août 2010), à soumettre à la cour, par voie de conclusions, une cotisation subsidiaire à charge de l’intimée, dans les six mois du présent l’arrêt ; Qu’en raison de la déclaration d’inconstitutionnalité du règlement-taxe du 5 mars 2007, cette demande nouvelle doit être déclarée non fondée ; Que, partant, l’appel et la demande incidente de la ville de Mons sont non fondés ; Par ces motifs ; La Cour, Statuant contradictoirement ;

Que, lors de sa séance du 13 février 2007, le Collège communal de la ville de Mons a pris connaissance du rapport de la Cellule Administration de la section fiscalité du service de gestion financière et décidé de soumettre au Conseil communal lors de sa prochaine séance un projet de délibération relatif à la distribution gratuite d’écrits publicitaires «  toutes boîtes  » (040/364-22) pour l’exercice d’imposition 2007 (pièce no 22 du dossier de l’appelante) ;

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire dont il a été fait application, spécialement des articles 1, 3, 4, 24, 30, 34, 37 et 41 ; Reçoit l’appel et la demande incidente de la ville de Mons ; Les déclare non fondés ;

Attendu qu’il n’est pas établi, dans le cas d’espèce, que les circulaires ministérielles de la Région wallonne justifiant l’application d’un taux différencié en faveur des écrits de presse régionale gratuite et les avis circonstanciés des services administratifs compétents de la ville de Mons au Collège communal sur le nouveau modèle de règlement-taxe litigieux figuraient dans le dossier soumis à la délibération des conseillers communaux de la ville de Mons lors de sa réunion du 5 mars 2007 ; Qu’il n’est pas établi que les conseillers communaux, chargés d’exercer les fonctions de nature législative au sein de la commune, savaient ou pouvaient savoir, sur

LARCIER

Confirme le jugement entrepris, sous les précisions que : - la décision du Collège communal de la ville de Mons rendue le 31 octobre 2008 est annulée ; - la demande originaire est déclarée fondée en raison d’une déclaration d’inconstitutionnalité du règlement-taxe litigieux ; Condamne la ville de Mons aux dépens de l’instance d’appel, liquidés à la somme de 3.300 EUR au vu des articles 1021 et 1022 du Code judiciaire ;

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Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012

Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012, 10/416/A

Impôts régionaux – Région Wallonne – Redevance radio-télévision – Charge de la preuve

L’article 9, § 3, de la loi du 13 juillet 1987, modifié par le décret wallon du 27 mars 2003, instaure une présomption de détention dans le chef du contribuable objectivement identifié qui ne donne pas suite à la demande de renseignements lui adressée. À défaut de réponse à l’expiration du délai d’un mois à dater de l’envoi de cette demande de renseignements, les services de la Région wallonne déterminent d’office la base imposable qu’ils peuvent présumer eu égard aux éléments dont ils disposent. Une invitation à payer est ensuite notifiée par lettre recommandée à l’intéressé, indiquant les éléments sur lesquels la radio-redevance est basée. Lorsque le redevable a reçu une telle invitation à payer, la preuve du montant exact de la base imposable lui incombe, sauf s’il a été empêché par de justes motifs de satisfaire à la demande de renseignements dans le délai fixé. En cause de

Parmi les éléments soumis à l’appréciation du tribunal ne figurent ni la demande de renseignements qui aurait été adressée au contribuable, ni la preuve de l’envoi des invitations à payer qui auraient été notifiées à l’intéressé et qui auraient eu pour effet de renverser la charge de la preuve. Le tribunal en conclut que la charge de la preuve de la détention d’un téléviseur dans le chef du contribuable repose toujours sur la Région wallonne. Siège : Mme Isabelle Dijon, juge siégeant en qualité déjuge unique, Mme Jacqueline Sternon, greffier. Plaidants : Me Cools.

Vu, telles qu’inventoriées, les pièces de la procédure et en particulier :

F. J., domicilié à …, Demandeur comparaissant personnellement,

- L’ordonnance rendue en application de l’article 747, § 2, du Code judiciaire le 23 décembre 2010 ; - les conclusions déposées au greffe le 17 janvier 2011 pour la Région wallonne ;

Contre La Région wallonne représentée par son Gouvernement, en la personne du Ministre-Président dont le cabinet est sis avenue Mazy, 35-37 à 5100 Namur, Service Radio télévision redevances, dont les bureaux sont établis avenue G. Bovesse, nos 29 à 5100 Jambes, Défenderesse par Me Cools, avocat à Flémalle, rue du Village, 77, Jugement Vu la requête déposée au greffe le 16 février 2010, introduisant une action en contestation des redevances radio et/ou télévision relatives à la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2010 ayant fait l’objet des enrôlements suivants :

- le dossier de pièces déposé par la Région Wallonne à l’audience du 14 juin 2012. Entendu, à cette audience, le requérante et le conseil de la Région Wallonne en leurs explications. I. Objet de la demande M. J. F. conteste être redevable des taxes litigieuses et demande donc, implicitement à les faire annuler ou dégrever. Ces redevances ont été enrôlées pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2010 et sont relatives à la détention d’un appareil de télévision à l’adresse sise à ….

Article du rôle

Date d’envoi de l’AER

Période visée

Montant en EUR

09080005/004007

02/10/2009

01/04/06-31/03/07

149,67

09080004/003688

02/10/2009

01/04/07-31/03/08

152,46

09080002/003425

02/10/2009

01/04/08-31/03/09

154,42

09080003/003205

02/10/2009

01/04/09-31/03/10

100,00

80 | Revue de fiscalité régionale et locale | 2013/1

LARCIER


Jurisprudence II.  La recevabilité La requête a été déposée dans les formes et délais légaux. Elle est dès lors recevable. III. Sur le fond

mandée à l’intéressé une invitation à payer indiquant les éléments sur lesquels elle est basée. Lorsque le redevable a reçu une telle invitation à payer, la preuve du montant exact de la base imposable lui incombe sauf s’il établit qu’il a été empêché par de justes motifs de satisfaire à la demande de renseignements dans le délai fixé ».

3.1. M. J. F. expose n’avoir jamais détenu de télévision. Il estime que cette détention ne peut être présumée en l’espèce et que la Région wallonne est en défaut de démontrer qu’il disposait effectivement d’un ou de plusieurs appareils de télévision. Il produit, à l’appui de son recours : - un document manuscrit daté du 10 février 2010 rédigé par une dame J. C., domiciliée à …, propriétaire de l’immeuble sis à … et occupée par monsieur F., qui atteste « qu’il n’y a plus eu d’appareil de télévision à cette adresse depuis le décès de l’ancien propriétaire le 12 mai 2004 » ; - un relevé informatique d’Ideatel (société de télédistribution) contenant l’historique des raccordements à l’adresse précitée. La Région wallonne soutient avoir procédé à l’inscription de monsieur F. à la date du 1er octobre 2004, à défaut d’avoir reçu de réponse à la demande de renseignements adressée le 12 octobre 2004, se fondant sur une présomption légale de détention visée par l’article 9, § 3, de la loi du 13 juillet 1987 modifié par le décret wallon du 27 mars 2003. Elle ajoute que M. F. n’a pas davantage réagi aux invitations à payer envoyées les 12 janvier 2005, 20 avril 2005, 8 mai 2006, 1er avril 2007 et 1er avril 2008. 3.2. L’article 9, § 3, de la loi du 13 juillet 1987 modifié par le décret wallon du 27 mars 2003 dispose que : « Quiconque reçoit du service désigné par le Gouvernement une demande de renseignement relative à la détention d’un ou de plusieurs appareils de télévision ou d’un ou de plusieurs appareils de radio sur véhicule est tenu d’y répondre dans un délai d’un mois à compter de la date d’effet de la notification de la demande, telle que calculée conformément à l’article 1erbis, § 2. À défaut de réponse à l’expiration de ce délai, le service désigné par le Gouvernement détermine d’office la base imposable qu’il peut présumer eu égard aux éléments dont il dispose. Il notifie par lettre recom(1)

Cette disposition instaure ainsi une présomption de détention dans le chef du contribuable objectivement identifié qui ne donnent pas suite aux demandes de renseignements leur adressées1. À défaut de réponse à l’expiration du délai d’un mois à dater de l’envoi de l’avis, les services de la Région wallonne déterminent d’office la base imposable qu’ils peuvent présumer eu égard aux éléments dont ils disposent. Une invitation à paver est notifiée par lettre recommandée à l’intéressé indiquant les éléments sur lesquels elle est basée. Lorsque le redevable a reçu une telle invitation à payer, la preuve du montant exact de la base imposable lui incombe, sauf s’il a été empêché par de justes motifs de satisfaire à la demande de renseignements dans le délai fixé. 3.3. Des éléments soumis actuellement à l’appréciation du tribunal ne figure ni la demande de renseignements qui aurait été adressé à M. F. dans le courant de l’année 2004 ni la preuve de l’envoi des invitations à payer qui auraient été notifiées à l’intéressée et qui auraient eu pour effet de renverser la charge de la preuve à charge de celle-ci. Le tribunal en conclut dès lors que la charge de la preuve de la détention d’un téléviseur dans le chef de M. F. appartient toujours à la Région wallonne. Pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2010, la Région wallonne ne dispose d’aucun élément lui permettant de considérer que M. F. possédait un appareil de télévision. Au contraire, celui-ci produit des documents (attestation + relevé Ideatel) qui confirment sa thèse. La circonstance que l’intéressée n’aurait pas, le cas échéant, protesté contre les éventuelles invitations à payer et les avertissements extraits de rôle n’implique nullement un aveu ou une preuve de la détention d’un appareil de télévision. Dès lors, il n’y avait aucun motif valable de procéder à l’enrôlement pour des exercices pour lesquels il n’est

Voy. J. de L ame et F. Hambersin, « La redevance radio et télévision : état des lieux », R.G.F., 2003, p. 6.

LARCIER

2013/1 | Revue de fiscalité régionale et locale | 81


Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012

Article du rôle

Date d’envoi de l’AER

Période visée

Montant en EUR

09080005/004007

02/10/2009

01/04/06-31/03/07

149,67

09080004/003688

02/10/2009

01/04/07-31/03/08

152,46

09080002/003425

02/10/2009

01/04/08-31/03/09

154,42

09080003/003205

02/10/2009

01/04/09-31/03/10

100,00

pas démontré que M. F. aurait été détenteur d’un téléviseur au cours de la période litigieuse. Par ces motifs, Le Tribunal, Vu les articles 1, 30, 34 à 38, 40 et 41 de la loi du 15 juin 1935 qui ont été observés ; Statuant contradictoirement,

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Dit la demande recevable et fondée en tant qu’elle vise les cotisations suivantes et en ordonne leur dégrèvement Pour autant que de besoin, ordonne le remboursement à monsieur J. F. de toutes sommes qui auraient été payées à valoir sur les taxes ainsi dégrevées. Condamne la Région wallonne aux dépens, liquidés dans le chef de monsieur J. F. à la somme de zéro EUR.

LARCIER


recouvrement motivation publicité

loi agglomération communes non-rétroactivité proportionnalité redevance annualité

n°1/2013 | Sommaire

53 Jurisprudence

5 RFRL2013_01_Cover_4_8.indd 1

Cour constitutionnelle -A rrêt no 19/2012 du 16 février 2012, avec note d’observation de Vincent Sepulchre 53

Tribunal de première intance - Civ. Liège, 21e Ch. (chambre à trois juges), 26 octobre 2012 - Mons, 6e Ch., 5 octobre 2012 - Civ. Namur, 6e Ch. bis, 6 septembre 2012

Revue de fiscalité régionale et locale

- L a motivation des règlements-taxes, par Arnaud Scheyvaerts et Dominique Vermer 5 - Les formules de répartition du fonds des communes orientent-elles la fiscalité locale ?, par Jean-François Husson 36

État de droit

Revue de fiscalité régionale et locale

loi agglomération communes non-rétroactivité proportionnalité redevance annualité

5 Doctrine

taxes règlement-taxe contentieux additionnels communautés légalité tutelle

régions finances égalité loi provinces constitution

3 Éditorial par Marc Bourgeois

D/2013/0031/178 RFRL-N.13/1 ISBN : 978-2-8044-6144-7

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Revue de fiscalité régionale et locale

publiques autonomie

taxes règlement-taxe contentieux additionnels communautés légalité tutelle

régions finances égalité loi provinces constitution

2013 | n°1

publiques autonomie

2013 | n°1

État de droit

68 78 80

Avec la collaboration de

28/02/13 10:29


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