Habermeyer Claire - Restructuration de la BNU, Strasbourg

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OPTION UEM 123 A05

Projeter avec l’existant

Enseignant : Didier Laroche

Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg Rénovation et transformation par Nicolas Michelin & Associés D’octobre 2010 à septembre 2014

Claire Habermeyer 1


1. Présentation du bâtiment et de son évolution historique La Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg, nommée plus communément la BNU, est un édifice situé au 6 place de la République à Strasbourg, dans le quartier allemand de la Neustadt. La construction du quartier de la Neustadt a été planifiée par les Allemands à la suite de l’annexion de l’Alsace – Moselle à l’Empire germanique en 1871. Il s’agissait en effet de répondre à un besoin croissant de logements et de faire de la ville de Strasbourg la vitrine de l’Empire, car celle-ci était sensée devenir la capitale du Reichsland Elsass - Lothringen. La Kaiserplatz, renommée place de la République, est le pivot de cet urbanisme et regroupe un ensemble d’édifices majeurs symbolisant le pouvoir impérial allemand en Alsace, tels que le Palais de l’Empereur et la bibliothèque.

L’édifice initial La construction de la Bibliothèque Universitaire Impériale de Strasbourg a débuté en 1872. En effet, la guerre de 1870 avait détruit l’espace de stockage des collections d’ouvrages qui était au Temple-Neuf. Celles-ci ont donc dû être transférées dès la fin de la guerre, au Palais des Rohan. Par manque de place pour stocker l’ensemble des ouvrages, le projet de la bibliothèque a vu le jour. Proposée par les architectes Hartel & Neckermann, originaires de Leipzig, la construction du bâtiment actuel est donc décidée. Il s’agira d’un édifice qui marquera par sa grandeur et pourra accueillir environ 850 000 volumes. Ainsi, lors de son inauguration en 1895, la bibliothèque est considérée comme la 3ème plus grande d’Allemagne. Elle atteindra finalement en 1918 le statut de 1ère bibliothèque universitaire au monde avec un ensemble de plus de 600 000 ouvrages. L’accès principal à l’édifice se fait par la place de la République. Le bâtiment est marqué par la double influence franco-allemande. Il présente une façade principale agrémentée de nombreux éléments ornementatifs, tels que des statues, des pilastres ou encore des portraits en médaillon de personnages importants tels que Goethe ou Erasmus. Ce bâtiment est caractérisé par sa symétrie et sa centralité qui s’organisent autour de la salle de lecture principale, inspirée de celle de la Bibliothèque de Grenoble de Charles-Auguste Questel. Cette salle est située sous la coupole. Autour de cet espace central, sont placés de part et d’autre les magasins qui

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occupent l’édifice sur l’ensemble des étages, hormis du côté de la place de la République où se trouvent l’atrium d’entrée et les espaces réservés à l’administration de la bibliothèque. La structure du bâtiment est faite en moëllons de briques recouverts d’un parement en grès blanc de Phalsbourg. Les planchers sont composés de plaques de béton et de poutrelles en acier. Il s’agit là d’une structure qui s’inspire de la bibliothèque de Stuttgart.

La première modification Suite à la Seconde Guerre mondiale et les dégâts engendrés, la bibliothèque a subi une première transformation entre 1951 et 1956. En effet, les bombardements de septembre 1944 ont abîmé le bâtiment qui a donc dû être reconstruit en partie. C‘est François Herrenschmidt qui a apporté des modifications. Celui-ci décide de moderniser l’espace et de supprimer les décors intérieurs néo-grecs et néo-classiques, caractéristiques de la période allemande. D’autre part, il surélève la salle de lecture de deux niveaux afin de gagner de la surface pour les espaces de stockages. Il minimise l’importance de la coupole et crée un éclairage indirect en la dissimulant derrière des claustras. Les transformations mises en œuvre visent à atténuer la monumentalité et le triomphe de l’architecture wilhemnienne. La continuité de la circulation d’origine au sein du projet est modifiée. En effet, dans le premier projet, depuis l’extérieur, le visiteur arrivait dans l’atrium et accédait directement à la salle de lecture, située sous la coupole. Contrairement à la nouvelle organisation, où l’on rejoint les salles de lecture par deux escaliers, situés de part et d’autre de l’atrium. Ainsi, on débouche au deuxième étage dans une salle de lecture secondaire par laquelle il faut passer pour rejoindre la salle située sous la coupole. Cependant, ces transformations permettent de doubler la longueur de stockage des ouvrages devenus de plus en plus abondants. Pour se faire, l’architecte déplace l’ancienne salle de lecture et la transforme en lieu de stockage. Mais surtout, il ajoute des

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rayonnages autoportants qu’il intercale d’étagères dans les magasins existants.

entre

chaque

rangée

Aménagements a posteriori En complément des travaux de 1956, une nouvelle transformation sera réalisée par François Herrenschmidt, fils de l’architecte, en 1975. Il s’agit là d’aménagements de moindre importance qui consistent en l’installation d’un ascenseur et en la création d’une salle de lecture de cent places sous les combles. Par la suite, c’est en 1993 que Jérôme Habersetzer apportera à nouveau certains changements. Mais cette foisci dans l’organisation du fonctionnement des espaces. Il s’agit de revoir l’activité des locaux existants, sans modifier le plan général du bâtiment. Cela consiste donc en la transformation de certains bureaux et de la salle d’exposition en salle de lecture. C’est le cabinet alsacien de Georges Heintz qui remporte le concours pour l’aménagement de la nouvelle salle d’exposition et de conférences de la bibliothèque avec un projet résolument contemporain. Ces modifications visent aussi à l’adaptation aux nouvelles technologies pour la gestion des documents avec le système des microfiches. La Bibliothèque Nationale Universitaire des années 2000 était donc bien loin de ressembler à ce qu’elle était à sa construction en 1872. Cela surtout d’un point de vue des espaces intérieurs. Les façades du bâtiment ont été inscrites aux Monuments Historiques en 1994. Ce qui signifie qu’elles bénéficient d’une protection toute particulière car reconnues comme ayant un cachet à préserver. C’est pour cette raison que les transformations se sont concentrées sur l’intérieur du bâtiment. Depuis 1993, la bibliothèque n’avait donc pas évolué. Ces lieux accessibles au public et installés dans des bâtiments anciens ont tous le même problème : celui de l’adaptabilité des espaces aux évolutions technologiques. En effet, avec le développement rapide des nouvelles technologies et des normes de sécurité, de nombreux éléments en rapport avec le confort de travail ou la sécurité du bâtiment se sont vus dépasser. Faisant suite à l’ensemble de ces constatations, ainsi qu’à une synthèse, émise par la société Socotec, pointant les défauts en matière de sécurité incendie, un concours a été lancé en 2005 pour la rénovation de la bibliothèque.

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2. Le projet de transformation Sur un total de 67 réponses, seuls quatre agences ont été sélectionnées pour proposer un projet architectural. C’est le cabinet parisien Nicolas Michelin & Associés qui remporte de justesse ce concours en juin 2006. En effet, le programme préconisait un phasage de la rénovation afin de conserver l’édifice ouvert tout au long du chantier. Un souhait qu’il était difficile de mettre en œuvre avec la proposition du cabinet parisien et qui aurait coûté bien plus cher. Il a donc été décidé de fermer complètement l’ensemble du bâtiment pendant la durée totale de la restructuration qui a débuté en octobre 2010 et s’achèvera normalement en septembre 2014. Le projet proposé par Nicolas Michelin vise à redonner à la BNU sa monumentalité passée, qui a été effacée par les rénovations successives, ainsi que sa symétrie et sa centralité. L’architecte s’est donc inspiré du bâtiment d’origine pour la structuration des espaces intérieurs et du parcours des circulations au sein du bâtiment. Ainsi, il rétablit la continuité qui existait entre l’atrium d’entrée et l’accès direct à l’espace sous la coupole. Il a choisi de ne conserver aucun des éléments qui ont fait partie des modifications du bâtiment après sa construction. L’architecte a prévu de redonner à l’espace sous la coupole tout son volume en faisant démolir l’ensemble des planchers sur toute la hauteur du bâtiment et en rendant à nouveau visible la coupole depuis l’intérieur. Cette démolition n’est pas sans conséquence. Il a fallu revoir l’ensemble de la structure porteuse du bâtiment. En effet, d’importantes poutres métalliques ont été adjointes pour reprendre les efforts des planchers. Le gros œuvre aura duré plus de deux ans. Cependant, ces changements étaient nécessaires car la structure avait été fragilisée par les rénovations successives.

Les magasins : la réserve des livres Grâce à un nouveau modèle de rayonnage, les magasins vont pouvoir passer de 30 km à 45 km de linéaires de rayonnages. Par conséquent, il était nécessaire d’être sûr que les planchers puissent soutenir une telle charge. Le nouveau système de rangement des ouvrages coulisse sur des rails qui sont intégrés dans la chape pour un gain de place car la hauteur sous plafond dans les magasins

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avoisine les 2,20 mètres. Ce qui est relativement bas, mais évite l’utilisation d’escabeaux. Dans les conditions du projet, les Monuments Historiques avaient émis le souhait qu’un étage de magasins de 1895 soit conservé comme témoignage historique. L’architecte a décidé de faire mieux. Il conserve donc dans son projet un étage de 1895 avec les étagères Lippmann d’origine et un second niveau qui comporte l’ajout des étagères Strafor autoportantes de 1956. Ces espaces feront partie des lieux visités lors de circuits qui seront organisés par la suite.

L’escalier central L’atrium qui a été dégagé de tout élément permet d’accueillir la pièce maîtresse du projet de Nicolas Michelin. En effet, l’élément central de la proposition de l’architecte était cet escalier monumental suspendu à la coupole par des haubans métalliques et permettant la desserte de l’ensemble des quatre plateaux de lecture qui donneront sur le patio. La pose de cet escalier devrait s’achever en juin 2013. L’escalier a été amené par morceaux qui sont montés et soudés sur place. Pour soutenir cet ensemble, il a fallu renforcer la coupole dont la structure n’était pas prévue pour porter un tel poids. L’atrium sera éclairé par la lumière zénithale qui entrera par la coupole. Des LEDs sont intégrées à la structure de l’escalier afin de l’illuminer de nuit. Il y en a une à côté de chaque hauban afin que ceux-ci soient éclairés en contreplongée sur toute leur hauteur. Les salles de lecture donneront directement sur l’atrium, sans séparation phonique. Des bureaux intégrés feront office de garde-corps dont la façade avant sera une plaque de verre sérigraphiée. Les motifs de ces plaques sont une déclinaison du croisillon que l’on retrouve sur l’ensemble des fenêtres de la BNU. Dans l’entrée aussi, il est question d’utiliser le principe du verre sérigraphié comme décor. Une paroi sur laquelle sera représentée une coupe de la BNU dans son état originel est prévue pour habiller le hall principal.

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Un second patio est aménagé dans la construction. Il s’agit d’un patio de moindre taille, lui aussi éclairé par une verrière zénithale. Il est situé au dessus de l’entrée, mais ne s’étend pas sur l‘ensemble des étages. Les salles qui donnent sur cet atrium sont cette fois isolées par une paroi en verre sur la totalité de la hauteur. Au dernier étage, sous la charpente, des salles de lecture ont aussi été aménagées. Pour leur donner un éclairage naturel, des verrières ont été ouvertes dans un pan de la toiture. Elles sont agrémentées de pare-soleil et d’un store afin d’éviter que les rayons du soleil viennent taper directement sur les livres en exposition. Le programme comprend aussi un auditorium de 146 places situé au sous-sol, ainsi qu’une cafétéria, des salles pour les chercheurs, des lieux d’exposition, des bureaux pour l’administration et un logement au rez-de-chaussée pour le concierge. Pour ce qui est de l’extérieur, l’ensemble reste à l’identique. Mis à part le nettoyage de la façade, l’aménagement d’un accès handicapé côté place de la République et l’électrification des statues pour éviter les pigeons, les façades resteront intactes. Les fenêtres ont été décapées et repeintes et des doubles fenêtres ont été installées à l’intérieur pour des questions d’isolation phonique et thermique.

Ce projet avait pour but de faciliter l’accès à un plus grand nombre d’ouvrages, de l’ordre de 200 000 contre 30 000 auparavant. Les changements majeurs ont donc été réalisés à l’intérieur des murs existants. Le nombre de places assises sera de 660, mais le nombre d’ordinateurs mis à disposition restera faible. En effet, seule une dizaine de postes est prévue, mais l’accès wifi sera possible dans l’ensemble du bâtiment.

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4 Autres propositions de projet Sur les trois autres architectes ayant fait des propositions de projet, je n’ai réussi qu’à retrouver deux des idées qui ont été présentées. Il s’agit de celle du cabinet parisien : Studio Milou et de celle d’un cabinet de Munster : Bolles & Wilson et associés.

Studio Milou Le cabinet parisien avait réalisé un projet qui redonnait à la salle de lecture principale sa place sous verrière, salle à laquelle on accédait par un escalator bordé de panneaux lumineux. Ces panneaux s’implanteraient dès l’extérieur du projet pour guider le visiteur.

Bolles & Wilson Ce cabinet allemand a proposé, selon un plan classique, de disposer l’ensemble des rayonnages de livres tout autour de la pièce située sous la coupole afin de dégager l’espace central. Ce lieu restait donc vide, mais donnait un point d’ouverture au projet, de respiration.

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3. Opinion personnelle J’ai choisi d‘étudier ce projet car j’ai eu l’occasion d’y travailler pour y faire des recherches et que, par la suite, depuis sa fermeture, j’ai eu l’opportunité de suivre l’évolution du chantier de transformation à l’occasion de plusieurs visites. D’autre part, il s’agit de l’un des chantiers majeurs de rénovation sur Strasbourg et en cela j’ai trouvé qu’il Rampes provisoires pour monter les serait intéressant d’approfondir le sujet et d’essayer de le comprendre dans son détail.

parties de l’escalier

Les objectifs de ce projet qui étaient de rendre un plus grand nombre d’ouvrages accessibles directement par les étudiants et d’apporter de la lumière naturelle dans ce bâtiment, tout en redonnant à cet édifice sa structure originelle, sont atteints. Nicolas Michelin a réussi à redonner une lisibilité et des repères dans la circulation du bâtiment grâce à l’atrium central qui reste en permanence un point de repère. En cela, il est bien plus facile de s’orienter qu’auparavant. Cette restructuration totale permet aussi de moderniser l’ensemble du bâtiment et de l’adapter aux nouvelles technologies qui sont nécessaires de nos jours pour le classement et la gestion des documents. Les chercheurs et les étudiants pourront donc évoluer dans un environnement modernisé et adapté à leurs besoins actuels. Cependant, la communication des espaces des salles de lecture et de l’atrium sous la coupole me paraît assez difficile dans la mise en pratique. Il faut reconnaître que l’effet produit par ces espaces communiquant est incroyable. C’est un parti que l’on retrouve dans de nombreux bâtiments tels que les Galeries Lafayette ou le Bon Marché à Paris. Cependant, dans ces lieux, la propagation du bruit entre les espaces n’est pas un souci, alors que dans une bibliothèque, je pense que cela posera quelques problèmes pour la tranquillité de travail des étudiants. Des avis ont déjà été émis pour la mise en place de vitrages de séparation des espaces. Il n’y a pas que la question acoustique qui soit en jeu, mais aussi celle de la sécurité. En effet, l’ensemble de ces salles n’a pas de garde-corps sur le côté donnant sur le patio.

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Ces garde-corps sont en fait des bureaux de 80 cm de haut, continus sur toute la longueur, qui font office de protection. Ce qui a été validé par les commissions de sécurité, mais apparaît malgré tout comme assez minime, sachant qu’au dernier étage, on se trouve à une trentaine de mètres du sol. D’autre part, le parti pris de laisser pénétrer un maximum de lumière naturelle au sein du bâtiment est un positionnement intéressant. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une bibliothèque dont la plupart des ouvrages sont précieux et très anciens. Sur ce point là, il fau espérer que les pare-soleil installés en toiture et non amovibles soient efficaces car sinon ce seront les stores occultants qui seront tirés et les étudiants travailleront avec la lumière artificielle toute la journée. Ayant visité le chantier un jour de pluie battante, je me suis aussi rendu compte que les gouttes d’eau tapant sur les parties vitrées des verrières, ouvertes dans les pans de toiture, produisaient un bruit assourdissant qui, je pense, fera fuir les étudiants des salles de lecture situées au dernier niveau les jours d’orage.

Pour terminer, je dirais que ce projet a vraiment énormément de potentiel et crée des espaces qui sont à la hauteur de la monumentalité du bâtiment. Cependant, il s’agira de voir comment les étudiants et les chercheurs se l’approprieront et quelle évolution en découlera pour voir si ce projet fonctionne réellement.

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