CATALOGUE D’EXPOSITION
ouver ture édito 04
lizières 06
avaNt-propos 08 / les œuvres 12
foNdatioN vasarely 54
avaNt-propos 56 / les œuvres 60
eNtretieNs 92
biographies 118
fermeture 126
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natu re(s) edito
après uN premier volet eN août et septembre 2012 à la foNdatioN vasarely, Nature(s) revieNt cette fois-ci à lizières, ceNtre de cultures et de cette ressources créé eN 2011 eN pleiN pays picard par l’artiste pluridiscipliNaire ramuNtcho matta. la foNdatioN vasarely, lizières, deux lieux imagiNés par et pour des artistes. a lizières, l’opportuNité est offerte aux artistes d’iNvestir eN totalité l’aNcieN logemeNt du persoNNel, aNNexe du château d’epaux-bézu, actuellemeNt eN cours de réhabilitatioN. c’est daNs ce bâtimeNt eN friche à l’architecture brute qui laisse la part belle à la lumière Naturelle que les artistes oNt iNstallé leur laboratoire de créatioN. daNs cet eNtre-deux aNimé d’uNe éNergie particulière, des iNstallatioNs iN situ proposeNt uN dialogue fertile eNtre art, Nature et paysage.
céliNe bodiN & djeff commeNt peut-oN aujourd’hui reNdre compte daNs l’art de ce que keNNeth clark appelait le « seNtimeNt de Nature1 » ? c’est à cette problématique que les expositioNs Nature(s) eNteNdeNt se coNfroNter, eN mettaNt eN parallèle plusieurs approches seNsibles à l’égard de cet objet appelé « Nature ».
situé eN territoire rural et classé eN partie eN zoNe Naturelle, le domaiNe du château d’epaux-bézu a loNgtemps été laissé à l’abaNdoN. jusque daNs les aNNées 70, il accueille des coloNies de vacaNces. les murs des commuNs du château, couverts eN certaiNs eNdroits de dessiNs d’eNfaNts, eN témoigNeNt. lorsque ramuNtcho matta eN devieNt le propriétaire, il décide de réNover le lieu tout eN respectaNt la végétatioN qui s’y est développée et le caractère patrimoNial du site. le bâtimeNt qui accueille l’expositioN Nature(s) est uN espace eN traNsitioN, ouvert sur l’extérieur : les oeuvres débordeNt de l’espace d’expositioN, la végétatioN eNvahit l’iNtérieur de l’édifice.
Nature(s) au pluriel possible car l’expérieNce que chaque artiste exposé fait de la Nature lui est propre, que ce soit sur l’idée géNératrice qui sousteNd le travail – le corps comme outil, l’oscillatioN eNtre rêverie fusioNNelle et coNscieNce de la séparatioN, l’expérieNce du temps, la réflexioN sur l’espace – que daNs l’esseNce même du processus de créatioN et les mediums utilisés.
Référence à la typologie utilisée par Colette Garraud dans son livre L’idée de nature dans l’art contemporain 1
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Nature(s) dévoile une nature multi-facettes, tantôt compagnon de jeu, tantôt puissance inquiétante, lieu de réflexion ou espace d’expérimentations. Au-delà de la simple représentation, les artistes exposés partagent leurs visions personnelles d’une synthèse entre nature et culture qui explore la relation Homme/Nature et interroge la perception du monde qui nous entoure.
céline bodin Diplômée du Master II en Histoire et Gestion du Patrimoine Culturel de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Céline Bodin est actuellement directrice de la production artistique au sein du label et de la maison d’édition sometimeStudio à Paris, chargée de programmation pour le centre d’arts LIZièRES fondé par l’artiste Ramuntcho Matta et rédactrice pour divers médias culturels et d’art contemporain. Elle collabore régulièrement sur des événements artistiques, en relation notamment avec l’art numérique (festival Emergences à Paris, festival Ososphère à Strasbourg) et la création contemporaine.
A l’instar du parcours physique proposé dans l’exposition, c’est à une déambulation mentale au cœur des propositions artistiques de Donald Abad, du collectif Akatre, de Djeff, de Monsieur Moo et de Pauline Thomas qu’invite ce catalogue.
Djeff Artiste plasticien exposé en France et à l’étranger, Djeff a été commissaire d’exposition et coordinateur artistique sur plusieurs événements culturels et scientifiques, notamment Créer du sens à l’ère numérique pour H2ptm en 1999, Double Jeu pour l’Académie Fratellini en 2004, Jouable 3 à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris en 2004, l’atelier numérique pour l’expérimentation Sciences Po / Fondation Jean-Luc Lagardère de 2007 à 2010. Il a également été jury pour la bourse «créateur numérique» de la Fondation Lagardère. De 2008 à 2010, il est Directeur Artistique du Red Star Lab à Saint-Ouen. Directeur artistique, puis Directeur de la Création de Sciences Po Paris de 2009 à 2013, Djeff dispense également des enseignements liés aux pratiques du numérique dans diverses formations.
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DU 12 AU 20
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OCTOBRE 2013
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avantpropos « LA LIZIÈRES EST UNE ZONE FERTILE DE TOUS LES POSSIBLES. IL SUFFIT DE REGARDER LES INTERSTICES ENTRE DEUX PIERRES... … LE MONDE APPARTIENT À CELUI QUI SAIT SE L’APPROPRIER. »
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la Nature, c’est Notre culture, celle que Nous coNstruisoNs chaque jour et qui coNtribue à Notre édificatioN. la culture N’est pas ce qui ce passe daNs le champ culturel. l’appropriatioN du mot « culture » par les médias au détrimeNt d’« arts et lettres » (comme c’était le cas avaNt les aNNées soixaNte) N’a pas aidé à la compréheNsioN des geNres. aujourd’hui, sur iNterNet, le mot culture a été remplacé par “divertissemeNt“, ce qui eN dit loNg sur la stratégie de coNfusioN qui maiNteNaNt iNduit que “le divertissemeNt“ est ce qui est léger, peu porteur de seNs, et surtout qui Ne porte pas à coNséqueNce. heNri lefebvre déNoNçait déjà eN 1967 la stratégie de maNipulatioN du pouvoir Néo-libéral.
ramuNtcho matta Directeur de LIZIèRES
daNs la Nature, il faut avoir des yeux derrière la tête et aussi uN troisième œil. l’art peut t’il Nous aider à cela ? cela peut être, peut-être ceci et aussi d’autres choses. cette expositioN parle de « ça », de ce « ça » que l’oN a du mal à défiNir avec des mots. de ce « ça » qui permet d’ouvrir d’autres portes, d’autres opportuNités d’expérimeNter et par là même peut-être de s’approprier la Nature.
la culture, c’est ce qui Nous cultive, comme uN agriculteur coNscieNt preNd soiN de la terre qui Nous Nourrit. il y a des cultures alimeNtaires, des cultures émotioNNelles, relatioNNelles, seNsorielles, seNsuelles.... la Nature Nous iNvite à la curiosité, au plaisir de découvrir et de compreNdre. de resseNtir aussi. cette expositioN est là pour Nous proposer d’eNrichir Nos palettes perceptives avec les propositioNs des artistes.
pour cette expositioN, l’artiste produit uNe hypothèse de ce que peut être la Nature, chacuN s’y appropriaNt uNe thématique. comme je l’ai dit daNs uNe chaNsoN : sa thématique, ta thématique, ma thématique. chaque artiste possède soN mode opératoire, soN algèbre lizières qui a pour vocatioN de doNNer eN partage des hypothèses. l’art, par la visibilité des siNgularités, aspire à uNe traNsmissioN par la complémeNtarité. le complémeNtaire devieNt alors uN modèle applicable daNs des domaiNes aussi variables que les médeciNes, les pédagogies, les musiques…
faire l’effort de resseNtir ce que Nous propose la seNsibilité d’uN artiste Nous permet de Nous eNrichir de sa seNsibilité. chaque cheNille peut deveNir papilloN et aiNsi survoler les problèmes qui lui semblaieNt iNsurmoNtables. la lizières est uNe zoNe fertile de tous les possibles. il suffit de regarder les iNterstices eNtre deux pierres...
la Nature est ce qui Nous eNtoure, c’est ce qui coNtribue à ce que l’oN peut être.
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… le moNde appartieNt à celui qui sait se l’approprier.
le chemiN du “faire“ Ne saurait être fermé par les Nécessités écoNomiques.
l ‘artiste à sa façoN Nous fait des propositioNs.
akatre propose la mise eN matière de la marge. tout comme uNe police iNduit uNe relatioN au moNde, où commeNce et se termiNe celui-ci? mais surtout il Ne s’agit pas d’uN seul et uNique moNde mais d’uNe multiplicité de matières aussi diverses que le soNt les iNdividus. l’être humaiN s’habille de l’iNtérieur. etre pleiN, être vide. etre pleiN de vide. oN se coNstruit aussi par Nos marges.
tout près de lizières, le site de la hottée du diable appelle à la rêverie et témoigNe d’uN temps où la mer recouvrait les terres picardes… moNsieur moo s’iNspire de ce fait et se traNsforme eN charpeNtier de mariNe à l’occasioN de cette expositioN : le squelette de la coque de soN bateau réalisé à partir d’élémeNts de la charpeNte du bâtimeNt semble repousser les limites de l’espace daNs lequel il se déploie.
djeff préseNte ici uNe prise de coNscieNce. daNs le moNde à l’eNvers qui Nous eNtoure, Notre destiNée Ne tieNt qu’à uN fil. précieux car fragile et seNsible, il rappelle l’importaNce de la parole doNNée. NoN seulemeNt il est importaNt d’écrire Nos décisioNs mais il est esseNtiel d’appliquer Nos dires daNs Notre vie quotidieNNe. comme Nous le rappelle haNs joNas; le priNcipe de respoNsabilité devrait être la plateforme de Notre vie eN commuN. NoN seulemeNt daNs Nos rapports sociaux ou professioNNels, mais surtout daNs Notre vie affective car les iNtercoNNectioNs soNt iNdissociables. il est boN d’avoir uNe vie «effective».
l’arpeNtage de doNald abad met eN jeu les espaces et la NotioN NietzschéeNNe du surhomme. comme zaNgs, il se déplace saNs vraimeNt laisser de trace, et il iNcite à expérimeNter, à daNser les espaces qui Nous eNtoureNt. il pose les jaloNs d’uNe passerelle eNtre le dedaNs et le dehors. l’appropriatioN du territoire meNtal procède de la même façoN: il est boN de jouer eNtre les territoires afiN de Ne pas être tétaNisé par le temps qui passe. pauliNe thomas s’approprie les lieux afiN d’eN proposer des traNspositioNs poétiques. ici est ailleurs aussi. avec uNe écoNomie de moyeNs saisissaNte, elle met à dispositioN des échelles spatio-temporelles. Nos limites Ne soNt pas celles du moNde physique. le devoir des territoires siNguliers permet l’évolutioN.
lizières est très fier d’accueillir uNe palette aussi riche pour cette première expositioN collective. uN remerciemeNt tout particulier à céliNe bodiN qui, par cette propositioN exigeaNte, Nous iNcite à réfléchir à ce que l’oN voit.
si les froNtières soNt les cicatrices de l’histoire, les coNtiNeNts et les pays oNt la même tâche: mettre eN place des relatioNs, uNe uNité, face au défis sociaux et écologiques. il Ne peut y avoir de salut saNs la prise eN compte des pollutioNs iNdustrielles, sociales et relatioNNelles.
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akatre
X400
Installation in situ composée de couvertures de survie 2013
comme à la foNdatioN vasarely avec l’iNstallatioN « x100 » composée de tréteaux de bois, akatre de Nouveau détourNe uN objet maNufacturé de sa foNctioN première pour le recoNtextualiser daNs uN état Naturel. cette fois, ce soNt des couvertures de survie roulées eN boule qui se métamorphoseNt eN uN paysage tellurique doNt les éboulis jaillisseNt de l’espace d’expositioN et débordeNt par les ouvertures. uN coNtraste visuel très fort eNtre la couleur or de la matière et l’architecture brute du lieu saisit le spectateur jusqu’à l’éblouir. cet effet est acceNtué par l’actioN de la lumière Naturelle qui péNètre par la feNêtre et vieNt faire briller de milles feux l’iNstallatioN.
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X500
Installation in situ composée de feuilles de papier noir et blanc, 40 x 60 cm 2013
Akatre propose à l’étage du bâtiment une installation éphémère pensée à partir d’une brèche ouverte dans un mur. De cette ouverture à hauteur de plafond chutent des boules de papier bicolore. Elles viennent s’entasser au milieu de la salle et révèle un glissement de l’objet manufacturé vers ce qui ressemble à une formation naturelle. Une pile de feuilles de papier est placée en regard pour rappeler l’usage premier de la matière. C’est aussi une invitation pour le visiteur à continuer l’œuvre en y jetant de nouvelles affiches froissées en boule.
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donaLd abad
Œuvres réalisées dans le cadre de la résidence de Donald Abad à LIZIèRES en juillet, août et septembre 2013, résidence soutenue par la DRAC de Picardie. Courant de l’été 2013, Donald Abad explore et arpente le territoire, à pied et à vélo, armé de son GPS. Il découvre une activité développée dans la région et le paysage qui en découle : la carrière. C’est alors qu’il décide de mener des actions dans des carrières en activité mais aussi abandonnées, l’espace d’exposition devenant le point de convergence de toutes ces actions. Et l’analogie avec la carrière artistique finit par se dessiner peu à peu…
La carrière À bras Le corps
Vidéos HD, carrières autour d’Epaux-Bézu dans l’Aisne 2013
a uN autre momeNt, il recule eN effaçaNt ses traces avec ses maiNs, teNte de déplacer roches et sabloNs de tout soN corps et avec toute soN éNergie. l’artiste surgit brusquemeNt à l’écraN pour jeter uN caillou par-dessus la falaise de la carrière puis porte daNs ses bras uN rocher qu’il fiNit par lâcher… toutes ces actioNs preNNeNt la forme d’uN maNifeste sur la carrière artistique : « embrasser uNe carrière », « eNtrer daNs la carrière », « faire carrière », « parcourir la carrière », « briser uNe carrière »…
« je m’y emploie à embrasser uNe carrière, à la laNcer, à l’exploiter, à la vider, à l’étayer, à la souteNir, à l’épuiser, à la remblayer, à la laisser mourir, à lui redoNNer soN relief d’aNtaN, à la traNsformer, à la laisser à l’abaNdoN, à faire carrière et lui offrir uNe secoNde vie. » l’artiste est filmé - et se filme - au cours de différeNtes actioNs daNs plusieurs carrières situées autour de lizières. taNtôt, il se filme avec uN aNgle de prise de vue vertical obteNu au moyeN de sa caméra gopro fixée sur soN cerf-volaNt : il parcourt alors eN couraNt des traces laissées par des véhicules motorisés daNs la carrière.
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La salle des trophées 3 dessins, 3 tirages, Vidéo HD, site de la Hottée du Diable 2013
« Sortir ou rentrer un bloc, c’est la même idée » me disait Jean-Marc. Dans cette salle d’exposition, seront exposées des roches à frictions. De celles dont on se hisse, la main posée à plat. J’ai choisi justement de les réduire à un plan, pour mieux les remonter. Et j’ai sorti et rentré ces blocs. » « La salle des trophées » rassemble une série de témoignages du passage de Donald Abad sur deux sites : une carrière abandonnée près de Grisolles, considérée par l’artiste comme un petit Eden, et le site de la Hottée du Diable, à proximité de la commune de Coincy dans le Tardenois. Au cœur d’un écrin boisé, la Hottée du Diable forme, avec son chaos de blocs de grès dominant une colline d’un sable gris très pâle, un paysage lunaire au charme enchanteur. Ces rochers aux formes sculptées par l’érosion, mais également scarifiées de messages par les visiteurs,
constituent des sculptures étonnantes, qui ont été source d’inspiration pour les artistes Paul et Camille Claudel. C’est aujourd’hui un lieu de promenade et d’escalade. Lorsque Donald Abad découvre ce site pour la première fois, il lui vient l’idée de rapporter dans l’espace d’exposition un de ces rochers. Comment s’y prendre ? Quels procédé, processus, protocole ? Comment raconter objectivement un volume qu’il n’est pas possible de déplacer ? C’est tout le protocole de transcription, de capture et d’interprétation qui est rassemblé dans la salle d’exposition, de la performance au dessin à la numérisation 3D, du volume au plan à une image en trois dimensions. Soit une débauche d’énergie objective pour un résultat subjectif.
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djeff résoLution 37/7
Performance - installation documentée par une vidéo, création in situ 2013
derrière le titre éNigmatique « résolutioN 37/7 », l’artiste fait allusioN à uN texte iNterNatioNal de référeNce : la charte moNdiale de la Nature1, proclamée le 28 octobre 1982, 10 aNs avaNt la coNféreNce de rio, sous la forme d’uNe résolutioN : la « résolutioN 37/7 » de l’assemblée géNérale des NatioNs uNies. uN groupe de réflexioN avait déjà commeNcé à travailler sur cette résolutioN dès 1975, aNNée de NaissaNce de l’artiste. si djeff choisit ce documeNt comme trame de foNd pour cette performaNce-iNstallatioN, c’est parce que la charte de la Nature est uN documeNt foNdateur qui coNsacre pour la première fois l’importaNce pour la survie de l’humaNité de la protectioN de la Nature et des écosystèmes. il iNtroduit égalemeNt la NotioN de devoir humaiN daNs le respect et la préservatioN des ressources Naturelles. lors de soN vote eN séaNce pléNière de l’assemblée géNérale des NatioNs uNies, uNe seule voix s’est élevée coNtre : celle du représeNtaNt des etatsuNis d’amérique, 1 voix coNtre 111…
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l’iNstallatioN « résolutioN 37/7 » créée par djeff est géNérée suite à uNe performaNce associée à uN phéNomèNe physique Naturel. elle se compose d’uNe ceNtaiNe de bouteilles traNspareNtes suspeNdues aux poutres de l’espace d’expositioN : autaNt de bouteilles que de pays votaNts. le système de fixatioN est peNsé dès le départ comme étaNt éphémère. daNs chaque bouteille, l’artiste a iNséré uNe étiquette textile de compositioN sur laquelle est imprimé uN passage extrait de la résolutioN. cette étiquette, tel uN message daNs uNe bouteille à la mer, est emprisoNNée daNs de l’eau traNsformée eN glace à l’iNtérieur de la bouteille et accrochée à uN fil qui la suspeNd à la poutre. sous l’effet du processus de foNte de la glace, les bouteilles voNt tomber et veNir s’éclater au sol. au ceNtre de l’iNstallatioN doNt le sol est joNché de débris de verre, il Ne reste qu’uNe seule bouteille accrochée au plafoNd, saNs message mais remplie d’uN liquide sombre : le cola américaiN, symbole de l’hégémoNie des etats-uNis.
www.un.org/documents/ga/res/37/a37r007.htm
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monsieur moo endLess
Installation, création in situ 2013
la pièce préseNtée est uN bateau. plus précisémeNt, il s’agit des restes d’uNe embarcatioN archaïque, sorte de pirogue de bois, d’uNe loNgueur de 7m30 doNt la capacité d’accueil atteiNdrait 45 persoNNes. ce bateau N’est pas destiNé à Naviguer. coNstruit iN situ daNs soN lieu d’expositioN, il Ne pourra plus eN sortir à moiNs d’être réduit eN morceaux. l’objet « bateau » est mis eN abîme daNs ce subtil glissemeNt de lieu et, du même coup, de seNs : il relève du faNtasme de voguer à travers les mers, vers uN ailleurs mais Ne se réalisera jamais daNs soN desseiN. il est d’autaNt plus étraNge que même si cette embarcatioN pouvait être mise à l’eau, les quelques maladresses voloNtaires daNs sa mise eN œuvre le vouerait au Naufrage. respectaNt les règles de la coNstructioN Navale, ce bateau défie pourtaNt les superstitioNs des mariNs eN arboraNt uN Nombre hérétiques de couples. dédié à sombrer et pris au piège, le bateau est littéralemeNt eNfermé et Ne peut deveNir que le support de tous les imagiNaires.
si le projet formel était déjà là, moNsieur moo a laissé cepeNdaNt s’immiscer les heureux hasards du géNie du lieu. le bois utilisé est celui d’uNe aNcieNNe charpeNte du ceNtre d’art, remplacée pour sa vétusté et destiNée à l’abaNdoN, le reNdaNt iNdubitablemeNt porteur d’uNe, voire plusieurs histoires : celle du bois usagé, roNgé ou préservé doNt oN perçoit les veiNes, la taille et celle du lieu, qui préseNte, offre à regarder ou relire, préserve. mais il choisit égalemeNt de positioNNer sa pièce daNs uNe dialectique de coNfroNtatioN. les dimeNsioNs de la salle qui reNdeNt le bateau prisoNNier coNditioNNeNt la déambulatioN de celui qui le regarde et frustreNt celui qui souhaiterait s’y voir embarqué. le dispositif est miNimaliste mais le pouvoir d’évocatioN du bateau voué à l’iNertie eNgage le spectateur à rêver d’ailleurs iNatteigNables, d’uN voyage impossible ou qui Ne sera que meNtal. le bateau perd soN statut d’objet, memeNto mori de lui-même et chavire daNs uNe dimeNsioN icoNologique, uNe poésie de l’absurde, uNe émotioN qui Ne dépeNd plus que de l’expérieNce et de l’imagiNaire iNdividuel.
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pauLine thomas aiguiLLage (L’accident) Installation, création in situ 2013
l’iNstallatioN occupe deux pièces coNtigÜes, séparées par uNe porte murée. chacuNe possède uNe feNêtre ouvraNt sur l’extérieur, l’uNe sur l’avaNt du bâtimeNt, l’autre sur l’arrière. deux files de rails eN bois, fixés sur des traverses posées sur du ballast, le tout coNçu à partir de matériaux de récupératioN du chaNtier, traverseNt la première pièce, de la feNêtre jusque vers la porte murée. cette porte, chargée de la même symbolique que l’escalier, représeNte la séparatioN eNtre le visible et l’iNvisible. le rail représeNte la visioN réelle de l’espace à l’échelle humaiNe et NoN à l’échelle d’uNe représeNtatioN chimérique ou cartographique. ici, oN chemiNe d’uN poiNt à l’autre, d’uN espace vierge à uN espace aveugle, oN va droit daNs le mur, mais atteNtioN le scotch est là pour représeNter uN daNger.
c’est uNe vaNité. de l’autre côté, deux rails, l’uN coNtiNue daNs l’iNvisible de l’hors-champ, l’autre se fiNit eN tas de bois iNforme qui crée uNe vague se déversaNt daNs la Nature. mais oN Ne sait si c’est la Nature qui se jette daNs le bâtimeNt créaNt elle-même le rail ou la faillite de l’homme à créer soN chemiN daNs l’espace. uNe sorte de boucle eNtre la Nature et la voloNté de coNquête de la Nature par l’homme.
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Les géomètres Installation, création in situ 2013
Pauline Thomas conçoit dans un des escaliers du bâtiment une cartographie de fils entrelacés qui évoque la toile d’une araignée, recréée au milieu de toiles d’araignées, elles bien réelles. Le visiteur se retrouve comme emprisonné dans ce piège artificiel et éprouve des difficultés à gravir les marches. Le point de départ de ce tissage repose sur un jeu amoureux développé par l’artiste avec son compagnon, une sorte de cadavre exquis détourné puisque chacun peut suivre le mot inscrit précédemment par l’autre. A chaque page correspond l’étage d’un édifice, le tout formant une pyramide à degrés où interviennent l’intuition et l’aléatoire.
Ce travail se développe par la suite in situ en utilisant le réseau de clous plantés de manière désordonnée dans les murs du bâtiment. Les clous remplacent les mots, les fils, les connections mentales, le tout formant un jeu graphique dynamique et cinétique.
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la peau du monde Installation, création in situ 2013
L’œuvre est précaire et fragile, réalisée à partir de morceaux de papier peint défraichi, arrachés des murs, retournés puis collés selon l’agencement d’un planisphère reconstitué de mémoire par l’artiste. Les tâches de moisissure et les auréoles brunâtres provoquées par l’humidité sont utilisées pour représenter la topographie. Les contours sont cernés au crayon afin de faire ressortir la carte. Créer une cartographie implique de mentaliser le monde, projeter sa mémoire dans l’espace, avec une fois de plus ses zones d’ombres. L’approximation des contours permet de comprendre la représentation du monde et invite les spectateurs à redéfinir les contours selon leur propre mémoire.
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DU 06 AOÛT AU 28
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SEPTEMBRE 2012
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avantpropos « BELLE-ISLE, ÉTÉ 1947. LES CAILLOUX, LES COQUILLAGES SUR LA PLAGE, LES REMOUS, AU LARGE LES BRUMES, LE SOLEIL, LE CIEL… DANS LES GALETS, DANS LES MORCEAUX DES BOUTEILLES BRISÉES, POLIS PAR LE VA ET VIENT RYTHMÉ DES VAGUES, JE SUIS CERTAIN DE RECONNAÎTRE LA GÉOMÉTRIE INTERNE DE LA NATURE… » Victor Vasarely
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iNtégrée daNs le paysage, il choisit aix-eN-proveNce et le site du jas de bouffaN, cher à cézaNNe. « l’art est uNe harmoNie parallèle à la Nature. » éNoNce d’ailleurs cézaNNe, doNt les recherches picturales foNt passer la représeNtatioN réaliste de la Nature au secoNd plaN derrière la géométrisatioN de l’espace, marquaNt aiNsi l’histoire de l’art à jamais. aujourd’hui, la foNdatioN vasarely souhaite reNouer avec sa vocatioN première : allier patrimoiNe et créatioN au seiN d’uN lieu d’échaNges et de recherches, tourNé vers l’aveNir, les Nouvelles techNologies et les scieNces. c’est daNs ce coNtexte que preNd forme l’expositioN d’art coNtemporaiN Nature(s) qui regroupe des œuvres du collectif akatre, de pauliNe thomas, de doNald abad et de djeff. eN proposaNt des pistes d’hybridatioN de la Nature et de l’art, NotammeNt par le biais des Nouvelles techNologies, ces artistes questioNNeNt la perceptioN seNsorielle, iNtellectuelle et esthétique du moNde qui Nous eNtoure.
pierre vasarely Président directeur de la Fondation Vasarely
la foNdatioN vasarely est heureuse d’accueillir Nature(s), expositioN collective qui préseNte uNe sélectioN de travaux de 6 artistes traitaNt de la représeNtatioN de la Nature daNs leurs créatioNs plastiques. la Nature a été de tout temps uNe source d’iNspiratioN pour les artistes. moN graNd-père, victor vasarely, fait l’expérieNce de la Nature lors d’uN séjour à belle-isle-eN-mer. il preNd coNscieNce qu’elle peut être traduite différemmeNt pour N’eN garder que l’esseNce de la forme et écrit : «belle-isle, été 1947. les cailloux, les coquillages sur la plage, les remous, au large les brumes, le soleil, le ciel… daNs les galets, daNs les morceaux des bouteilles brisées, polis par le va et vieNt rythmé des vagues, je suis certaiN de recoNNaître la géométrie iNterNe de la Nature…». les œuvres de la période belle-isle (19471958) marqueNt le début d’uNe véritable démarche abstraite chez vasarely.
iNstallatioNs iN situ, dispositif réactif, vidéos, les œuvres réuNies daNs les salles d’expositioN temporaire de la foNdatioN vasarely exploreNt la questioN de la représeNtatioN de la Nature à travers divers chemiNemeNts artistiques. si l’approche se veut coNtemplative chez les akatre, ou techNoromaNtique pour doNald abad daNs uNe Nature eNvisagée comme uN compagNoN de jeu, l’iNquiétude écologique est préseNte daNs l’iNstallatioN iNteractive « black widow » de djeff traitaNt de l’obsolesceNce programmée ou daNs la vidéo « tsuNami gelatiNe » de pauliNe thomas évoquaNt le thème de l’eau, sujets de préoccupatioN actuels. les NatioNs uNies oNt proclamé 2012 : « aNNée iNterNatioNale de l’éNergie durable pour tous ».
plus tard, lorsqu’il décide de créer sa propre foNdatioN, coNçue comme uNe œuvre d’art totale
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le préseNt ouvrage se veut uN proloNgemeNt de l’expositioN. eN allaNt à la reNcoNtre des artistes exposés, il offre uN éclairage complémeNtaire sur leur visioN persoNNelle et sur leur approche seNsible de la Nature et de la questioN du paysage.
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akatre X100
Installation in situ composée de tréteaux en bois brut 2012
akatre réalise pour Nature(s) uNe iNstallatioN aux coNfiNs de la sculpture moNumeNtale et de la micro architecture, composée de tréteaux eN bois accumulés et démultipliés daNs l’espace. la foNctioN origiNelle de ces objets maNufacturés est détourNée daNs uN geste duchampieN leur coNféraNt uNe valeur symbolique. eN observaNt de près cette structure, la carapace semble se fissurer à certaiNs eNdroits comme si le bois voulait révéler sa vraie Nature sauvage et faire tomber le verNis illusoire de soN traitemeNt par l’homme. l’esprit de la forêt se fait alors eNteNdre : la Nature revieNt coloNiser cet uNivers éphémère à la fois familier et étraNge daNs uNe mise eN scèNe très épurée.
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donaLd abad notes brutes
Série de vidéos, captation in situ à la Fondation Vasarely lors d’une résidence artistique 2012
cette série de vidéos s’articule autour de la (re) découverte du site de la foNdatioN vasarely par doNald abad qui se réapproprie physiquemeNt et iNtimemeNt l’espace avec ses propres outils de mesure et d’observatioN. le titre de la série s’iNspire du livre de victor vasarely, « Notes brutes », compilatioN de peNsées et de réflexioNs plastiques et philosophiques, recueillies sur plusieurs aNNées.
coNçue comme uNe véritable sculpture lumiNociNétique, la façade eN alumiNium aNodisé préseNte eN alterNaNce l’uNité formelle cercle / carré. uN plaN d’eau améNagé devaNt la coNstructioN épouse ses formes géométriques que le reflet de l’eau démultiplie. le bâtimeNt iNtègre eN ses murs 42 œuvres moNumeNtales du plasticieN, symboles de l’iNtégratioN de l’art daNs l’architecture. daNs uN secoNd temps, l’artiste défiNit daNs cet espace ses propres limites physiques et meNtales. il déploie sa paNoplie d’outils et arpeNte le territoire, profitaNt ou sollicitaNt au fil de sa déambulatioN des reNcoNtres / iNteractioNs avec soN eNviroNNemeNt. ces exploratioNs filmées soNt autaNt de pistes, de Notes et de recherches, complétaNt uN carNet d’observatioNs, qui doNNeNt à voir uNe surface seNsible coNstruite daNs la dyNamique du regard et de la perceptioN.
la première étape coNsiste eN uN repérage du site historique et de soN territoire. la foNdatioN vasarely est le chef d’œuvre de victor vasarely, coNstruit eN 1976. le ceNtre architectoNique, destiNé à accueillir soN œuvre picturale et théorique, est coNstitué de seize alvéoles hexagoNales accolées, daNs l’esprit de l’architecture orgaNique des aNNées 70. chaque alvéole est recouverte d’uNe pyramide vitrée composée de 96 triaNgles comme autaNt de verrières zéNithales permettaNt de diffuser uN éclairage Naturel daNs les salles d’expositioNs.
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corsica rocks Série de vidéos 2011
« Le long d’un sentier de montagne, l’apparition de cairns1 . On se pose pour regarder des pierres déplacées et posées là par l’homme. Le temps se fige, de la même manière que ces pierres ont traversé des années sans changer de place. Sauf qu’elles se rebellent et fuient.» Dans son ouvrage intitulé « Voyage géologique et Minéralogique en Corse, 1820-1821 », le géologue Emile Gueymard disait de la Corse qu’elle était « l’Elysée de la Géologie » du fait de ses affleurements spectaculaires et de sa géologie diversifiée et complexe constituée de roches de différentes natures. Donald Abad filme ces paysages rocailleux, objets d’une contemplation immobile. Soudain, des pierres jaillissent en cascade mues par une force invisible, créant une tension entre immobilité et mouvement. 1 Amas de pierre servant à baliser les sentiers de marche en Europe de l’Ouest
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diptyque de l’échec I did not own the Roden Crater Flying Babel over Vasarely Fondation Vidéos - performances, Roden Crater, Arizona 2010-2012 à la Fondation Vasarely
Après la phase d’observation vient la phase d’action. L’artiste intervient alors dans le paysage. Deux vidéos performances sont exposées et mises en parallèle.
« I did not own the Roden Crater » : Cette captation, filmée dans le désert de l’Arizona, a pour toile de fond le Roden Crater, un cratère volcanique acheté par l’artiste James Turrel et situé près de Flagstaff où il réside. James Turrel a découvert ce cratère en 1974 lors d’un survol de la région (l’artiste américain est aussi pilote) et depuis, il transforme peu à peu le site en un gigantesque observatoire astronomique. Le but de cet œil immense est d’offrir aux visiteurs une vision différente du ciel et de ses phénomènes – la lumière, le soleil et les étoiles. Donald Abad, aux portes du domaine interdit d’accès au public, tente au moyen de son cerf-volant une approche de cette œuvre pharaonique par l’aéro-photographie.
« Flying Babel over Vasarely Fondation » est une réactivation de Flying Babel de Donald Abad, performance originellement produite dans le cadre du festival ParkinProgress4 organisé par les Pépinières Européennes pour Jeunes Artistes au Domaine de Saint-Cloud. Dans cette vidéo, Donald Abald fait voler un amas de pierres, un cerf-volant augmenté numériquement. Cette forme grossière symbolise un cairn, volant au dessus de l’étendue d’eau devant la Fondation Vasarely. Inquiétante, elle rode, flotte, explore, voire erre autour de la structure, telle une bête curieuse.
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djeff bLack widow
Installation réactive, Création in situ lors d’une résidence à la Fondation Vasarely 2012
l’iNstallatioN « black widow » évoque l’idée d’uN piège techNologique. la structure composée d’uN tissage de fils laiNeux eN réseau fixé eN uN poiNt ceNtral fait référeNce à l’architecture géométrique très régulière des toiles tubulaires des araigNées sédeNtaires. quatre NéoNs oNt été placés sur chaque bord formaNt le cadre de la toile et au ceNtre de cette compositioN eN eNtoNNoir, uNe ampoule émettaNt de la lumière Noire trôNe telle uNe araigNée postée à l’affut daNs soN système de capture. le dispositif est réactif: l’éclairage par détecteur de préseNce s’active au coNtact du public. la lumière d’abord blafarde s’iNteNsifie peu à peu et vieNt révéler, par la fluoresceNce, le tissage de fils blaNcs qui se métamorphose eN uN piège de séductioN à l’optique hypNotique.
après uN certaiN laps de temps, la lumière s’éteiNt d’elle-même et Ne se réactive que du fait d’uN mouvemeNt. eNviroNNemeNt artificiel à la durée de vie limitée, black widow ouvre uNe réflexioN sur l’obsolesceNce programmée, symbole des dérives de la société de surcoNsommatioN.
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thick distance Série de vidéos 2006
« Thick distance » est une installation sous forme de diptyque réalisée avec deux téléphones portables, présentée dans un cadre PhotoFrame. Elle a été présentée lors de l’édition 2006 du festival Pocket films au Centre Pompidou, événement dédié à la création vidéo sur téléphone mobile. La captation consiste à positionner les téléphones à l’avant et l’autre à l’arrière d’un objet en mouvement. Ainsi l’épaisseur de l’objet est rendue visible et permet de confronter le spectateur au rapport établi par le dispositif de visionnage. Pour l’exposition Nature(s), Djeff a choisi de présenter quatre captations liées à des paysages aquatiques naturels et artificiels, réalisées sur différents moyens de locomotion.
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travelscope Série de vidéos 2006-2012
« Travelscope » est un Kaléidoscope d’images obtenues lors du tournage d’une série de vidéos, simplement dupliquées au montage, et dont la prise de vue linéaire d’origine traduit une sensation finale de mobilité. L’œuvre a été exposée en 2012 lors de l’exposition « Et op ! » , dédiée à l’art cinétique, organisée en parallèle de l’exposition « Vasarely vous a à l’œil », au Musée en Herbe à Paris. Les paysages sont filmés au rythme du voyage, selon différents moyens de locomotion (train, avion, ferry) impliquant chacun une manière spécifique d’appréhender le territoire, intimement liée au temps. Le montage des séquences filmées en kaléidoscope sollicite l’imagination visuelle du spectateur en réfractant la réalité. Une bande sonore, que l’on découvre par un système d’écoute au casque, accompagne ces paysages graphiques en mouvement.
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pauLine thomas tsunami geLatine
Installation interactive + série photographique 2005
« tsuNami gelatiNe » est uNe œuvre iNteractive créée eN réactioN au tsuNami qui a frappé l’iNdoNésie eN 2004. l’iNstabilité de l’eau, doNt l’image est capturée daNs uNe vidéo, laisse eNtrevoir les terribles iNoNdatioNs qui voNt meNer l’élémeNt à sa propre perte. daNs cette iNstallatioN, l’élémeNt est maiNteNu daNs la cage de l’écraN et hors de daNger, à la maNière des espèces eN voie d’extiNctioN que l’oN peut voir eN captivité daNs les zoos. le spectateur est ameNé à mettre eN mouvemeNt la mer et aiNsi reproduire ses couraNts Naturels par ses caresses et des clics sur uNe iNterface tactile. il active aiNsi uN mouvemeNt chaotique aNimé d’uNe profoNde exaspératioN. privée de sa profoNdeur et de ses couraNts Naturels, l’amplitude du mouvemeNt est brutalemeNt stoppée.
le titre « gélatiNe » reNvoie au mouvemeNt que foNt les desserts de jelly aNglaise quaNd oN les secoue. uNe série de tirages photographiques représeNtaNt uNe mer agitée photographiée eN cadrage serré et plaNs rapprochés accompagNe le dispositif multimédia. l’œuvre a été exposée lors des expositioNs collectives « expaNdiNg the place » au ceNtre de culture coNtemporaiNe de valeNce, « château de cartes » à la galerie garcia laporte eN 2007 et « play » au festival pisaf à séoul eN 2009.
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aka tre
et la reNcoNtre eNtre artistes de différeNtes discipliNes : musique, théâtre, daNse, arts visuels. cette expérieNce a largemeNt coNtribué à façoNNer Notre regard. eN 2011, Nous avoNs été iNvités eN résideNce par « myproveNce festival », évéNemeNt dédié aux Nouveaux taleNts de l’image. a cette occasioN, Nous avoNs découvert le lieu de la foNdatioN vasarely et Nous avoNs été tout de suite fasciNés et charmés par ce chef d’œuvre architectoNique du père de l’ « op-art », victor vasarely, qui a d’ailleurs débuté sa carrière comme graphiste.
1er entretien entre Céline Bodin et les Akatre en août 2012 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à la Fondation Vasarely
pour reveNir à l’iNstallatioN, elle porte Notre empreiNte de desigNers graphiques eN ce seNs que la dispositioN et la forme géométrique des tréteaux qui la composeNt lui coNfèreNt uNe dimeNsioN typographique, comme si des caractères preNaieNt corps daNs l’espace. oN retrouve aussi Notre goût pour le « fait-maiN » : eN maNipulaNt le bois daNs cette structure moNumeNtale, oN opère uN chaNgemeNt d’échelle et Nous avoNs dû pour le coup repeNser Notre gestuelle afiN de coNstruire daNs l’espace.
c.b. : les akatre, avec cette œuvre préseNtée à la foNdatioN vasarely, vous sortez du cadre habituel de vos travaux de desigNers graphiques (typo, photo, vidéo…) pour iNvestir la troisième dimeNsioN et proposer uNe créatioN plastique persoNNelle. est-ce que vous pouvez-Nous parler de cette expérieNce ? a. : Notre champ d’actioN se situe depuis Nos débuts au croisemeNt de l’art et du desigN. la recherche et l’exploratioN des formes soNt au cœur de Notre pratique. daNs cette idée, Notre lieu de travail est à la fois uN bureau, uN studio photo mais aussi uN espace où l’oN teste et coNfroNte Nos idées, Nos expérimeNtatioNs sur la matière, uN atelier où l’oN travaille mises eN scèNes et associatioNs plastiques. tout uN plateau est d’ailleurs réservé à cet aspect laboratoire de créatioN. Notre approche et Notre seNsibilité foNt que Nous sommes ameNés régulièremeNt à collaborer avec des iNstitutioNs culturelles et artistiques. Nous avoNs eu l’opportuNité de débuter Notre carrière par uNe résideNce de loNgue durée à maiNs d’œuvres, lieu qui favorise l’iNterdiscipliNarité
c.b. : l’espace d’expositioN temporaire à la foNdatioN qui vous a été proposé est uNe très graNde salle hexagoNale eNtièremeNt vide. commeNt vous êtes-vous coNfroNtés à ce white cube ? a. : occuper l’espace a été uN défi majeur, commeNt résoudre cette problématique ? et faire face aux coNtraiNtes matérielles… ce coNtexte qui pourrait paraître asservissaNt et réducteur Nous a apporté paradoxalemeNt uNe graNde liberté. le choix d’utiliser des tréteaux eN bois s’est rapidemeNt imposé à Nous. ils Nous oNt permis de coNstruire uNe micro-architecture éphémère qui prolifère et eNvahit l’espace.
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Les formes sont ainsi démultipliées, l’accumulation de matériaux dans l’espace crée une surface vibrante, rythmée…
Cette installation éphémère artificielle avec des réminiscences naturelles, à mi-chemin entre la forêt et la construction humaine, évoque la puissance d’une nature indomptée qui reprend ses droits.
C.B. : Un peu comme les installations invasives des Frères Chapuisat…
C.B. : Une œuvre in situ pose la question de la relation avec le lieu dans lequel elle est exposée. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre rapport avec l’œuvre de Victor Vasarely ?
A. : À cette différence que le public ne peut pas expérimenter l’œuvre, il est placé dans une posture contemplative. Il découvre l’œuvre qu’il appréhende dans un premier temps comme une construction humaine, une sorte d’échafaudage. Nous voulions jouer avec ce décalage par rapport à un objet de chantier manufacturé, un matériau simple détourné de son premier usage pour être réinvesti dans le champ de l’art. Cette démarche est inscrite au cœur de notre pratique et de nos travaux : trouver un usage performatif à des matériaux qui peuplent notre vie de tous les jours en les sortant de la sphère de l’utile pour les mettre en scène. Si nous avons commencé par expérimenter sur des maquettes dans notre atelier, l’assemblage s’est réalisé in situ. Petit à petit, l’installation a pris forme de manière organique, le processus de construction qui fait partie de l’œuvre a été développé de façon empirique en résonnance avec le lieu.
A. : Nous admirons profondément le travail de Victor Vasarely, et notamment ses expériences visuelles. Ses recherches dans le graphisme sur la perspective et les jeux d’ombre et de lumière ont ouvert un champ illimité aux créateurs qui l’ont suivi. Cet héritage pictural perdure encore aujourd’hui. La composition que nous avons voulu rythmer en multipliant les éléments structurels et en jouant sur des effets de perspective produit sur l’entendement l’idée de mouvement, idée au cœur de l’art cinétique. De même en assemblant les formes géométriques, autrement dit les tréteaux entre eux, nous avons cherché à jouer de l’opposition entre ombre et lumière. Lors d’expérimentations que nous avons réalisés in situ, nous nous sommes mis dans la position du spectateur et avons veillé ainsi à ce que l’installation puisse se mouvoir dans son œil au cours de son déplacement dans l’espace. Ce décor donne l’illusion d’être habité par la vie. Silencieux mais mouvant, il suggère la présence d’une nature conceptualisée.
C.B. : En espagnol, « obra » signifie d’ailleurs à la fois « œuvre » et « chantier »… A. : Oui, et à y regarder de près, de cette matière mise en page jaillit à certains endroits la vie. En partant du matériau comme point de départ, nous avons voulu raconter une histoire. En simulant des altérations biologiques par petites touches, dans un esprit très épuré, nous souhaitions mettre en scène l’histoire d’un produit manufacturé qui retourne à l’état naturel.
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2nd entretien entre Céline Bodin et les Akatre en septembre 2013 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à LIZIèRES
c.b. : à la foNdatioN vasarely, vous êtes iNterveNus daNs uN white cube, à lizières, c’est l’iNverse. les salles du bâtimeNt eN réhabilitatioN soNt à l’état de friche. commeNt avez-vous appréheNdé ce lieu? a. : uN travail de repérage eN amoNt sur place a été Nécessaire afiN de saisir au mieux l’ideNtité de ce lieu particulier, eN teNsioN eNtre disparitioN et deveNir. rapidemeNt, le choix de jouer avec les ouvertures et les brèches s’est imposé à Nous. le fait que le bâtimeNt N’ait Ni feNêtres Ni portes et soit aiNsi coNNecté avec la Nature eNviroNNaNte Nous a permis d’appliquer uNe logique de débordemeNt. Nous avoNs aiNsi recréé uNe Nature artificielle qui semble eNvahir le bâtimeNt uN temps délaissé et livré à la végétatioN. le caractère éphémère de ces deux œuvres reNvoie égalemeNt à l’état traNsitoire de la friche. c.b. : daNiel bureN défiNit aiNsi la NotioN d’iN situ : « uN travail NoN seulemeNt eN rapport avec le lieu où il se trouve, mais égalemeNt uN travail eNtièremeNt fabriqué daNs ce lieu». a. : Nous avoNs fait plusieurs tests iN situ pour obteNir l’effet escompté. ces iNstallatioNs oNt égalemeNt demaNdé uN eNgagemeNt physique de Notre part puisqu’il a fallu déplier et froisser eN boule près de 400 couvertures de survie et 500 feuilles de papier… c.b. : vous avez aiNsi créé daNs deux salles des micro-paysages artificiels eN jouaNt sur les propriétés visuelles des matériaux utilisés.
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a. : Nous avoNs coutume d’expérimeNter le papier daNs Nos différeNts projets et de le mettre eN mouvemeNt. ce qui est iNtéressaNt daNs x500, c’est que le papier Noir au recto, blaNc au verso, et vice versa, uNe fois froissé, forme uNe boule à différeNtes faces où s’alterNeNt ombre et lumière. l’accumulatioN fait peNser à uN tas de charboN. pour x400, ce soNt des pépites d’or, uN paysage rocailleux comme oN se l’imagiNe sur la plaNète mars, uNe coulée de lave eN fusioN. ces formes sembleNt évoluer comme des orgaNismes qui se propageNt. Nous Nous seNtoNs stimulés par uNe voloNté d’aNimer la matière.
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donaLd abad
oN voit souveNt des pierres qui chuteNt, comme si elles Ne vivaieNt que des échecs. c.b. : la Nature est, seloN paul ardeNNe, uNe « iNépuisable matrice à images ». d.a. : oui et au-delà, j’iNvestis la Nature de maNière presque charNelle : j’eNgage moN corps daNs des actioNs physiques qui chercheNt à tisser uN dialogue, à Négocier avec les élémeNts. la Nature est moN atelier de prédilectioN. j’y élabore mes iNvestigatioNs, mises eN scèNes et récits tout eN étaNt atteNtif à l’évolutioN des cycles Naturels, à commeNcer par la trajectoire du soleil. lumière « première » qui doNNe uN volume à la forme, mais qui est égalemeNt Nécessaire pour fixer uNe image sur pellicule. je détourNe les techNologies Nomades pour mesurer l’expérieNce vécue, eN Ne laissaNt aucuNe trace ou empreiNte daNs le paysage. cette approche se veut seNsible, délicate, éphémère…
1er entretien entre Céline Bodin et Donald Abad en août 2012 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à la Fondation Vasarely
c.b. : doNald abad, tu imagiNes des documeNtairesfictioNs daNs la Nature, comme « eNtre deux », vidéos-performaNces réalisées avec la complicité de cyriac allard, « l’affraNchissemeNt aveNturier » ou eNcore « géographies variables » avec matthieu tardif. est-ce que pour toi la Nature représeNte uN décor, uN cadre pour tes mises eN scèNe, ou l’eNvisages-tu comme uN compagNoN de jeu ?
c.b. : commeNt as-tu justemeNt appréheNdé la foNdatioN vasarely et soN territoire ? d.a. : je coNNaissais la foNdatioN vasarely par l’iNtermédiaire de photos mais je N’y étais jamais veNu, avaNt d’être iNvité eN résideNce à l’occasioN de l’expositioN Nature(s). mes premiers jours oNt été coNsacrés à l’observatioN, à la lecture de l’espace. commeNt je le resseNtais et quels échos je percevais eN moi, seNsoriellemeNt parlaNt. j’ai patiemmeNt écouté, observé, capté et filmé le lieu sous toutes ses coutures. le toit-terrasse de la foNdatioN est recouvert de plusieurs verrières, ressemblaNt à des diamaNts taillés, protégées par des bâches teNdues. le veNt s’eNgouffraNt sous ces bâches les soulève et crée à l’iNtérieur du musée uN jeu d’ombres et de lumière qui fait écho aux œuvres optiques de vasarely. la charpeNte eN bois vit, craque et griNce, comme si le bâtimeNt respirait,
d.a. : au fil du temps et de l’évolutioN de ma pratique artistique, moN travail s’est radicalisé et je suis sorti de l’espace de l’atelier, de la salle d’expositioN du musée et de la galerie pour développer mes recherches sur l’immatériel, l’éphémère et le seNsible. cette démarche m’a meNé à iNvestir l’espace Naturel, NoN comme simple décor, mais comme parteNaire de mes actioNs. corsica rocks eN est uN exemple, puisque je filme de maNière froNtale et directe des paysages de rochers, tel uN décor figé pour l’éterNité. soudaiNemeNt uNe actioN iNvisible vieNt rompre cette immobilité, les roches soNt prises de mouvemeNt. subitemeNt ou subissaNt, oN Ne sait. mues par uNe réelle voloNté de Nomadisme ou uNe forme de suicide.
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animé d’une vie propre, presque en opposition avec son caractère figé de cathédrale abritant une collection d’œuvres. Ces moments révélant une nature au contact d’une architecture humaine organique sont enregistrés par la caméra, accentuant la « passagèreté » de cette interaction.
image de ton corps que tu nous donnes à voir. Celui-ci est mis en action dans l’effort… « De l’effort », titre d’une de tes installations, créée en 2002… D.A. : Oui et c’est ce que je matérialise dans « Flying Babel » (cerf-volant de forme hexagonale qui n’est pas sans évoquer celle de la structure architecturale de la Fondation) en me mettant en scène dans un rapport de force avec l’élément naturel, l’air, le vent, dans un équilibre dynamique.
J’ai ensuite commencé à appliquer mes méthodes d’appréhension active de ce même espace avec mes propres unités de mesures empiriques. Pour cette phase d’exploration, je me suis forgé des outils vidéo et GPS en détournant certaines technologies de leur usage premier. C’est le cas par exemple de la visite aléatoire qu’effectue mon chat (aveugle) dans les espaces de la Fondation : il est équipé d’un système avec mode vidéo et puce GPS intégrée qui filme ses trajets et les met en ligne sur la plateforme kinomap. L’image se fait alors excroissance du corps en mouvement, du corps mobile et regardant. Mon aveugle de chat comme outil était comme un écho aux chauves-souris accidentellement emprisonnées dans la Fondation. Et d’ailleurs, si mon chat miaule beaucoup sur la vidéo, ce n’est pas tant par plaintes ou pleurs (je suis à quelques mètres de lui et lui signale régulièrement ma rassurante présence), mais c’est une forme de sonar qu’il emploie, c’est sa façon de tester l’espace. Sur une autre vidéo, on me voit, armé d’une perche avec une caméra avec objectif fish-eye fixée à son embout, qui essaie de dialoguer dans le sens de la hauteur avec les intégrations monumentales de Vasarely. A un autre moment, je marche sur l’étendue d’eau devant la Fondation Vasarely générant par cette action des troubles optiques.
C.B. : Non sans humour, puisque c’est un tas de pierres que tu fais voler… D.A. : La forme d’un cairn est modélisée en 3D, de façon assez grossière. Le cairn sert à baliser les sentiers de marche, surtout lorsque le relief empêche une lecture aisée de la piste en montée. Originellement et de manière physique et logique, la base du tas de pierre repose sur le sol et la pointe tend vers le ciel. Ici, on assiste à un renversement de perspective : le ciel est socle et le sommet du cairn pointe vers le bas. De stalagmite, le cairn est devenu stalactite. A la merci du vent et dirigé par un fil, il esquisse une sorte de duo chorégraphié avec son dresseur, une chorégraphie de l’invisible. Réalité virtuelle et réalité naturelle s’interpénètrent. Pour l’exposition Nature(s), je montre cette forme qui erre autour de la Fondation, cet espace calculé, géométrique. Elle apparaît comme une espèce dégénérée, bien que réalisée avec des règles de perspective issues d’un logiciel, qui par une sorte d’eugénisme ou d’élitisme, n’aurait pas sa place dans le gotha des formes géométriques optiques. Du coup, elle reste au seuil de la porte, entre les alentours naturels du parc et les portes de la Fondation.
C.B. : En effet après avoir observé, tu te confrontes à l’espace. La captation réveille le présent de l’action, le corps en apparaissant à l’image devient indissociable de l’œuvre et ce n’est pas une simple
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où se situe le cratère volcaNique. et là, devaNt moi, la barrière était ouverte, mais des paNNeaux « No trespassiNg » à l‘effet dissuasif m’oNt raleNti daNs moN élaN, d’autaNt que je savais que les roNdes de gardieNs étaieNt fréqueNtes et qu’aux usa, oN Ne rigole pas avec la NotioN de propriété privée… je suis doNc resté aux portes du domaiNe, ce qui a été uNe source de frustratioN immeNse… je me suis positioNNé eNsuite eN face du rodeN crater, séparé par le plaN d’eau qui s’éteNd à ses pieds, et je me suis mis au rythme du lieu. cet eNdroit est sacré pour les iNdieNs hopis. uN seNtimeNt d’éterNité domiNe daNs ce paysage hors du temps où la végétatioN semble pétrifiée. petit à petit, j’ai commeNcé à préparer moN dispositif de captatioN vidéo, uNe caméra espioN fixée sur uN cerf-volaNt, pour teNter eN survolaNt l’eau d’approcher le cœur du rodeN crater. cette teNtative a été soldée par uN échec… je N’ai jamais réussi à faire foNctioNNer ce dispositif. je suis resté au rouNd d’observatioN, la questioN est de savoir : est-ce que j’y retourNerais pour preNdre ma revaNche ?
c.b. : tu préseNtes égalemeNt, à côté de la vidéo « flyiNg babel over vasarely foNdatioN », uNe vidéo « i did Not owN the rodeN crater » que tu as tourNée aux etats-uNis, daNs le désert de l’arizoNa, à proximité de l’œuvre eN cours de james turrel : le rodeN crater. peux-tu Nous expliquer pourquoi as-tu décidé de placer ces deux œuvres eN miroir daNs uN « diptyque de l’échec » ? d.a. : j’avais d’abord eN tête des raisoNs esthétiques : je trouve que visuellemeNt l’associatioN de ces deux paysages foNctioNNe bieN. eN premier plaN apparaît uNe éteNdue d’eau, eN toile de foNd deux moNumeNts, deux cathédrales de l’art. eNsuite, daNs mes recherches, je travaille sur la dualité techNologie / Nature. la Nature permet de se coNceNtrer sur des cycles et rythmes esseNtiels, tel uN écho à mes NotioNs d’effort, d’éNergie (vitale), et de déplacemeNts. cela me permet de retrouver uN espace taNgible, réel, vrai, « qui Ne triche pas » et qui vieNt se placer au cœur même de projets liés au virtuel et à l’abstractioN. or daNs ces deux projets, le dialogue N’arrive pas à s’opérer, comme si je N’avais pas fraNchi toutes les étapes d’uN rite de passage. pour moN projet sur rodeN crater, je suis parti eN vélo avec mes outils caméra, cerfvolaNt et gps, à travers uN paysage de déserts, au fiN foNd de l’arizoNa. l’eNdroit est iNaccessible au public et peu facilemeNt localisable car c’est uN domaiNe privé et james turrel a racheté les terres avoisiNaNtes pour éviter tout projet de coNstructioN. j’avais l’image du volcaN eN tête (les photographies doNNées par turrel soNt toujours sous le même aNgle), cela fait des aNNées que je meNtalise cette forme qui me fasciNe, cette même obsessioN pour uNe forme Naturelle que daNs le film « reNcoNtre du 3ème type » avec la moNtagNe comme référeNce commuNe à plusieurs iNdividus. je suis arrivé jusqu’à la grille d’eNtrée du domaiNe
c.b. : deux processus NoN aboutis, deux reNdezvous maNqués, deux abaNdoNs déstabilisaNts, cette symbiose eNtre l’homme, l’artiste, et la Nature N’est-elle fiNalemeNt pas à tes yeux uNe utopie ? d.a. : c’est eN cela que j’ai placé ces deux vidéos côte à côte, eN « diptyque de l’échec ». d’abord ce cairN volaNt, géométrique mais dégéNéré, survole la foNdatioN, se rêve exposé à l’iNtérieur, mais restera bieN aux portes. eNsuite moN persoNNage bloqué devaNt l’eNtrée du volcaN par uN paNNeau plaNté par l’homme. daNs ces deux situatioNs, ma créature, moN avatar, moN persoNNage, bref, moi, doNald abad, je me retrouve au seuil, et je N’accède, Ni Ne péNètre, eN ces lieux.
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raisoNs que je travaille esseNtiellemeNt seul, je Ne peux, Ni Ne veux, imposer cela à persoNNe d’autre. déjà, je dois le vivre et le resseNtir pour moi, daNs soN coNtexte Naturel, pour pouvoir eNfiN le racoNter, et il N’est pas rare que le projet se modifie eN cours de tourNage. il N’est pas rare NoN plus que je recommeNce uN graNd Nombre de prises car je Ne sais jamais vraimeNt commeNt je filme, et il faut avouer que mes machiNes et outils tombeNt souveNt eN paNNe au mauvais momeNt. ou au boN momeNt, peut-être. réaliser des actioNs type « retour à la Nature », équipé de moyeNs techNologiques, peut sembler absurde car voué dès le départ à l’échec. c’est justemeNt les causes et les moyeNs de ces échecs, tout autaNt que l’espoir de la démarche iNitiale, qui m’iNtéresseNt.
la teNtative d’iNteractioN se solde par uN échec. je Ne dirais pas uN dialogue, car eN fait, je suis bieN seul. je pousse la forme, je cherche à la faire réagir, j’essaie de laNcer, de taper, de la fracasser, bref, d’exister eN face. parce que quelle cohabitatioN peux-tu avoir avec ces rocs moNolithiques ? quelle place comme homme, comme artiste peux-tu avoir ? dois-tu les traverser eN sileNce ? toN mouvemeNt créera-t-il la vie ? iNsufflera-t-il l’éNergie du préseNt ? face à ces structures taNgibles, moi qui travaille l’immatériel et l’éphémère, je me suis posé la questioN de la cohabitatioN, même temporaire lors d’uNe expositioN. trois possibilités eN découleNt : compléter, s’opposer, ou NégatioNNer. daNs ces deux cas de projets, c’est uN combat. c’était uN premier rouNd d’observatioN. je vais coNtiNuer à m’eNtraîNer, et le prochaiN sera celui de l’attaque. c.b. : esquive face à vasarely, échec devaNt le rodeN crater… tu coNjugues à la fois la figure de l’artiste-aveNturier, explorateur, et celle d’uN persoNNage sisyphéeN… d.a. : a l’image de ces tours de babel que je coNstruis et qui fiNisseNt par s’effoNdrer… mais au moiNs je teNte, et je preNds le risque de tomber. je suis souveNt seul pour développer mes idées scéNaristiques ou artistiques, daNs uN perpétuel recommeNcemeNt du passage à l’actioN. je dois preNdre eN compte les paramètres Naturels : le cycle des saisoNs, le veNt, les ombres, la lumière, mais aussi moN éNergie, moN eNduraNce, ma force, et doNc ma voloNté… c’est presque uNe épreuve d’eNduraNce, je N’ai sur moi que ce que je peux porter au maximum, moN projet ira aussi loiN que là où je pourrais aller. il faut saNs cesse s’eNtraîNer, mais tout se joue beaucoup au meNtal. c’est aussi pour toutes ces
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2nd entretien entre Céline Bodin et Donald Abad en septembre 2013 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à LIZIèRES
des silloNs avaieNt été creusés uN peu partout daNs l’espace, j’ai doNc eNtrepris d’effacer ces traces, de remblayer à ma façoN la carrière. la carrière, c’est l’apologie du mouvemeNt. si elle est à l’arrêt, c’est qu’elle est morte. ce N’est que déplacemeNt de volumes de matières. abimées, esquiNtées, amputées, stigmatisées, oui, j’ai eu de la peiNe pour ces roches, rochers, graiNs, qui quitteNt leur terre de NaissaNce pour uN loNg trajet saNs retour. oN les déterre d’uN profoNd sommeil, pour le graNd voyage. aujourd’hui, l’état autorise l’exploitatioN d’uNe carrière, sous la coNditioN de lui reNdre sa forme quasi origiNelle daNs le paysage (eNcore uNe iNterprétatioN possible et très iNtéressaNte).
c.b. : cet été, tu as eu l’opportuNité de faire uNe résideNce à lizières, souteNue par la drac de picardie. peux-tu Nous parler de cette expérieNce ? d.a. : la première chose que j’ai faite eN arrivaNt au ceNtre lizières a été d’explorer le territoire eNviroNNaNt. je Ne me déplace qu’à pied ou eN vélo. eN regardaNt sur google earth, j’ai pu y détecter uNe série de tâches blaNches. curieux, j’ai poussé moN regard et découvert des carrières de sable siliceux abaNdoNNées. après reNseigNemeNts, j’ai appris que la régioN possède uNe riche activité d’extractioN miNérale. touché par le matériau rocheux eN géNéral (seul matériau que je Ne craiNs jamais de casser, matériau fraNc car froNtal, qui Ne triche pas.), j’ai tout de suite compris que moN projet de résideNce allait se coNstruire autour de la NotioN de carrière. meNer des actioNs au seiN des carrières proches de lizières, reNcoNtrer les persoNNes, les activités humaiNes, qui graviteNt autour de cet uNivers (carriers, géomètres, géologues, mais aussi grimpeurs). et faire le parallèle avec la carrière artistique.
c.b. : et eN quoi verrais-tu des aNalogies avec uNe carrière artistique ? l’idée du mouvemeNt ? l’idée d’être soumis à des déplacemeNts imposés ? d.a. : uNe carrière N’a que deux états, elle est vide ou elle est pleiNe. exploitée ou à l’arrêt. elle Ne sera jamais comme au début et il N’y a pas de retour eN arrière possible lorsqu’elle a démarrée. a l’image d’uN geste artistique, je m’iNterrogeais saNs cesse sur la questioN de la coNstructioN et de la destructioN. est-il plus facile de détruire, de vider, que de remplir et de coNstruire ? N’est-ce pas uN seul et même geste au fiNal ? j’ai déplacé des rochers, à m’eN lacérer les bras, pour étreiNdre uNe certaiNe certitude et fraNchise. coNtiNuer à laNcer, à pousser, à avaNcer. mais faire avaNcer sa carrière, c’est agraNdir sa verrue. choix difficile, N’est-ce pas ? j’ai reNcoNtré uN géomètre qui se targuait de toujours savoir où se trouvait le Nord. j’étais eNvieux d’uNe telle certitude. où est moN Nord ? c’est où l’étoile polaire de l’artiste ? commeNt avoir cette certitude de la directioN à suivre ? j’imagiNais alors uN géomètre pour artiste, qui saurait dire combieN, où, et quoi, creuser. pourrait-il me doNNer moN plaN de carrière ?
c.b. : tu t’es mis à parcourir ce paysage particulier, à la maNière des pioNNiers hamish fultoN et richard loNg qui chercheNt moiNs à traNsformer la Nature qu’à la parcourir, la traverser, eN dissémiNaNt ça et là les traces discrètes de leur passage. d.a. : j’ai d’ailleurs découvert eN arrivaNt à lizières, uNe carrière qui me paraissait vierge. oN qualifie souveNt les carrières de verrues daNs le paysage, moi j’y ai découvert uN petit edeN. eN y retourNaNt quelques jours après pour y faire moN tourNage, j’ai coNstaté horrifié qu’elle avait servi eNtre temps de terraiN de jeu pour des motocross.
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me faire uNe projectioN de soN état daNs 10, 20, 30 aNs ? ou de ce qu’elle sera à la fiN. à quoi ça tieNt uNe carrière pour quelqu’uN de si peu carriériste ?
pour les rochers de plus petite taille, j’ai réussi à les avaler sous le papier, mais saNs la base. c.b. : c’est uN véritable dépassemeNt de soi daNs l’effort, uNe prise de risque, uNe performaNce physique daNs uN décor Naturel.
c.b. : tu proposes uNe iNstallatioN, la salle des trophées, assez éloigNée de ta pratique habituelle liée au Numérique. eN effet, ce soNt des dessiNs qui soNt exposés.
d.a. : il faut de l’eNduraNce pour teNir eN équilibre tout eN dessiNaNt, mais surtout de la téNacité. il faut admettre dès le début de l’actioN le paramètre premier : c’est uN acte déraisoNNable. a partir de cette raisoN eNvolée, oN se coNstruit uN meNtal, qui N’obéit qu’au but qu’oN lui soumet. au cours du tourNage sur le plus volumiNeux rocher, j’ai reNcoNtré jeaN-marc, uNe persoNNe qui faisait de l’escalade là-bas (depuis 20 aNs !) qui m’a expliqué que ce soNt des rochers que l’oN appelle des rochers à frictioNs, parce qu’ils oNt très peu de prises mais que l’oN peut poser la maiN dessus à sec, pour que cela adhère. daNs la vidéo, je fais uN parallèle avec la persoNNe qui grimpe. eN l’iNterviewaNt, j’ai trouvé pas mal d’aNalogies avec le geste artistique, taNt daNs les protocoles que daNs les termes « preNdre du recul », « la distaNce bras » (Nous avoNs même évoqué l’idée d’uN modulor pour l’escalade), la température de la roche, l’ombre et la lumière qui dessiNeNt les reliefs des formes, la NotioN de bloc, volume que l’oN arpeNte taNt de maNière verticale qu’horizoNtale, ce qui diffère de la voie eN falaise, qui Ne permet que peu de latitude horizoNtale… il utilise les expressioNs « sortir uN bloc » ou « reNtrer uN bloc » qui sigNifieNt que ça y est, oN les a fait, oN les a grimpé, et oN les a coché daNs soN carNet de grimpe. a ma maNière, j’ai sorti et j’ai reNtré uN bloc !
d.a. : j’ai appelé cette pièce la salle des trophées car daNs ce lieu soNt exposées les roches que j’ai étreiNtes et embrassées duraNt des heures et des heures. je voulais rameNer uN rocher de la hottée du diable daNs l’espace d’expositioN et je me suis posé la questioN « commeNt racoNter uN volume ? » je voulais vraimeNt iNtroduire daNs l’expositioN uN rocher éNorme et que l’oN se pose la questioN « commeNt est-il arrivé là ? ». il me fallait mettre au poiNt uN protocole. je me suis reNdu sur place, à la hottée et daNs uNe carrière, et j’ai décidé de réaliser des relevés d’empreiNtes au moyeN d’uN carré coNté Noir et de papier. j’ai égalemeNt essayé avec uN tissu. j’ai eNveloppé le rocher de papier puis effectué dessus uNe actioN de frottage. j’ai choisi trois rochers de différeNtes tailles, que j’ai égalemeNt modélisé eN 3d. le relevé d’empreiNte m’a servi de patroN pour la 3d, et malgré tous les efforts et atteNtioNs déployés, je dois au fiNal avouer qu’il s’agit d’uNe iNterprétatioN complètemeNt subjective. ce soNt des travaux de projectioN, de faNtasme sur uN rocher que l’oN aurait réussi à mettre à plat. pour le gros rocher de la hottée du diable, il a fallu que je l’escalade, que je me laNce daNs uN corps à corps. le relevé d’empreiNte m’a pris 7 heures pour réaliser uNe baNde, sachaNt qu’il aurait fallu six baNdes pour faire le rocher eN eNtier, j’ai dû Négocier uN repli, et plutôt que de l’eNglober, dessiNer uNe voie pour le traverser…
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dje ff
ces iNstallatioNs réagisseNt à la préseNce humaiNe par des systèmes de détecteurs de préseNce, l’iNteractioN étaNt plus poussée daNs « breeze reflectioN ». elles soNt coNçues comme des œuvres lumiNeuses tridimeNsioNNelles aux propriétés ciNétiques. elles solliciteNt visuellemeNt le spectateur qui par soN déplacemeNt, soN rapprochemeNt ou soN éloigNemeNt de l’œuvre, perçoit des vibratioNs optiques, coNstruites par la mise eN mouvemeNt daNs breeze reflectioN ou par uN effet d’illusioNs strictemeNt visuelles, seulemeNt iNscrites sur la surface de la rétiNe, daNs « black widow ». daNs cette derNière, j’ai placé uN baNc de maNière froNtale positioNNé face à la lampe au foNd du tissage. le spectateur qui s’assoit face à l’œuvre eN a uNe visioN aplatie, la perspective étaNt cassée par uN effet d’illusioN optique. c’est eN se rapprochaNt et eN se déplaçaNt autour du dispositif qu’il eN perçoit la profoNdeur.
1er entretien entre Céline Bodin et Djeff en août 2012 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à la Fondation Vasarely
c.b. : pour l’expositioN Nature(s), tu as peNsé uNe iNstallatioN iN situ « black widow », la veuve Noire, persoNNifiée par uNe lampe à lumière de wood1 placée au ceNtre d’uN dispositif réactif à la préseNce humaiNe. cette iNstallatioN me fait peNser à uNe autre de tes œuvres, « breeze reflectioN », iNstallatioN poétique et seNsible, composée d’uN tressage de veNtilateurs d’ordiNateur augmeNtés de capteurs seNsibles et de led, qui réagit aux flux d’air eNgeNdrés par le mouvemeNt des spectateurs. breeze reflectioN a d’ailleurs été préseNtée eN 2009 à la foNdatioN vasarely et eN 2012 au musée eN herbe à paris daNs des expositioNs préseNtaNt des sélectioNs de travaux eN lieN avec l’art ciNétique.
c.b. : daNs « black widow », cette lampe ceNtrale, placée au cœur de sa toile, s’allume et s’éteiNt au coNtact des visiteurs. cette lampe N’est pas saNs évoquer l’ampoule ceNteNaire de la caserNe des pompiers de livermore eN califorNie, ampoule électrique de 4 watts qui brillerait depuis 1901, deveNue uN symbole pour les déNoNciateurs de l’obsolesceNce programmée. peux-tu Nous expliquer commeNt tu as abordé ce thème daNs ce travail ?
d. : les parallèles soNt eN effet Nombreux. ce soNt deux iNstallatioNs que l’oN pourrait qualifier de « low-tech », eN ce seNs que la matière première est faite de matériaux pauvres - des veNtilateurs, des fils de laiNe - que leur assemblage est artisaNal, à la maNière d’uN jeu de mécaNo ou par uNe opératioN de tissage NécessitaNt plusieurs heures de labeur, et que l’eNsemble est associé à des techNologies simples détourNées de leur usage premier.
d. : avec « breeze reflectioN », je cherche à mettre eN évideNce que tout geste, toute préseNce, provoqueNt uNe modificatioN de l’eNviroNNemeNt et de soN état origiNel. daNs « black widow », je vais plus loiN daNs moN eNgagemeNt puisque je traite d’uN thème qui fait débat, celui de l’obsolesceNce programmée. a l’origiNe de cette idée se trouvait le cartel des fabricaNts d’ampoules les plus coNNus qui s’étaieNt regroupés pour sciemmeNt limiter
1 Lumière noire dite de Wood du nom de son inventeur Robert William Wood
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la durabilité des lampes, tentative qui se solda par un demi-échec puisque si cette entente entre industriels fut dénoncée lors d’un procès, la pratique ne fut pas abandonnée. Limiter la durée de vie d’un produit permet de satisfaire l’idéologie de la croissance économique. En tant que produits de consommation, les lampes et néons que j’utilise dans mon installation ont une durée de vie limitée, exprimée en heures. J’accentue cette idée dans l’esprit du spectateur en introduisant cette mise en route par détection de mouvement, qui le confronte de manière directe à l’objet. Travailler avec la lumière noire me paraissait intéressant car cette lumière UV n’est pas visible par l’œil humain. Elle doit être mise au contact de matières synthétiques réactives, pour être révélée. Nature humaine contre Nature artificielle, créée de la main de l’Homme mais qui en même temps le provoque. Cette lampe, une fois qu’elle est trop chaude, ne s’allume plus. C’est une fonction imposée par l’homme, elle désobéit à la demande et là, nous faisons face à un paradoxe : une lampe faite pour éclairer, n’éclaire finalement pas… Elle nous impose un rythme de temps ralenti, où l’on patiente le temps qu’elle refroidisse… dans l’obscurité... C’est ce qui m’intéressait dans la nature même de ces lampes, qui demandent aussi un temps de mise en régime. Le fait que l’éclairage s’opère de manière discontinue fatigue la durée de vie de l’ampoule et des néons. En effet, contrairement aux idées reçues, la durée de vie de ces produits diminue fortement avec la fréquence des cycles (allumage/ extinction). C’est donc un second paradoxe que je matérialise ici : est-ce qu’il faut économiser l’énergie ou bien laisser allumer plus longtemps pour ne pas fatiguer les objets ?
C.B. : Et c’est dans un piège technologique, un miroir aux alouettes, que l’on se laisse enfermer, en fabricant des objets séduisants au départ mais qui se révèlent rapidement obsolètes et néfastes pour l’environnement… D. : Oui, parce que cette toile d’araignée, qui évoque à la fois une forme naturelle et une forme géométrique vasarélienne, nous attire par une sorte de parade d’apparat lumineuse et finit par nous piéger… à notre propre jeu ! Dans « Black widow », cette nature artificielle que nous avons créée nous fixe et nous jauge de manière inquiétante, un peu à la manière de HAL 9000, l’ordinateur doté d’intelligence artificielle gérant le vaisseau spatial Discovery One dans « l’Odyssée de l’espace » de Kubrick. Petit à petit, la lumière s’intensifie et apparaît cette structure filaire fluorescente qui happe notre œil, l’hypnotise, et l’emmène sur le terrain de l’illusion afin de faire prendre conscience à celui qui la regarde que sa nature même n’est qu’illusion. La lumière s’interrompt d’elle-même, car finalement nous avons perdu le contrôle sur notre création. Et cette surenchère dans la production d’objets manufacturés à durée de vie limitée, qui par exemple recrée une lumière artificielle au détriment de la lumière naturelle, amène une prolifération de déchets qui a des conséquences néfastes sur le milieu naturel. C.B. : La seconde œuvre que tu présentes est intitulée « Travelscope ». Il s’agit d’une sélection de 5 vidéos issues de cette série, qui rend compte de l’essence cinématique du voyage. Comment se sont déroulés ces tournages ?
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c.b. : le déplacemeNt plus ou moiNs rapide eNtraîNe uNe Nouvelle appréheNsioN de la profoNdeur de champ, la vitesse crée uN étagemeNt hiérarchisé du paysage…
d. : j’ai commeNcé ce projet de « travelscope » il y a six aNs. l’idée est de filmer mes déplacemeNts, lorsque je me reNds sur uN lieu où je vais exposer moN travail, avec ce que j’ai daNs la poche (téléphoNe portable, appareil photo Numérique). daNs ces ciNq vidéos, les paysages eN mouvemeNt soNt filmés à bord de différeNts moyeNs de locomotioN. le travelscope #1 est la captatioN d’uN voyage réalisé eN traiN pour me reNdre à marseille. le paysage urbaiN défile rapidemeNt, et j’ai coNservé le soN brut de l’eNregistremeNt. le secoNd travelscope est uN voyage eN avioN, directioN berliN. cette fois-ci, ce paysage céleste est accompagNé, comme les travelscopes suivaNts, de musique classique que j’écoute quaNd je voyage. le travelscope Numéro 3 est la captatioN d’uN départ eN ferry du port d’ajaccio où paysages iNdustriel et Naturel s’eNtremêleNt. pour le travelscope #4, j’ai filmé le décollage de moN avioN pour shaNghai : ce que je trouvais iNtéressaNt daNs cette visioN, c’est la vitesse, qui lors de l’accélératioN, produit uN défilemeNt très rapide des élémeNts du paysage. puis lors de la phase de décollage, uN phéNomèNe de résistaNce à l’air provoque uN raleNtissemeNt complet. uNe fois la phase d’eNvol achevée, le coup d’œil daNs le hublot permet de saisir uNe Nature eNtièremeNt domestiquée, géométrique, où aucuN espace libre N’est visible. eNfiN, le travelscope #5 a été tourNé lors d’uN déplacemeNt eN traiN vers aix-eN-proveNce pour ma première expositioN à la foNdatioN vasarely. c’est l’hiver, et le paysage est sous la Neige, ce qui est plutôt rare daNs le sud. la vitesse est complètemeNt raleNtie, et cette visioN est complètemeNt différeNte de celle du voyage eN traiN pour marseille, beaucoup plus rythmée. la prise de vue pour tous ces petits films s’effectue de maNière latérale.
d. : oui, et c’est ce que l’oN retrouve daNs l’esthétique des jeux vidéos, uN autre axe de recherche daNs moN travail artistique. daNs des jeux comme soNic sur megadrive 1991 ou ghost’N gobliN de capcom, la seNsatioN de vitesse, tout comme l’iNtroductioN de la perspective, soNt procurées par uN étagemeNt de décors sur plusieurs Niveaux qui défileNt à différeNtes vitesses : le décor du foNd défile leNtemeNt, celui situé à moyeNNe distaNce uN peu plus rapidemeNt et celui au premier plaN rapidemeNt. c.b. : ce « paysage-Nature » que tu filmes est capturé par la feNêtre du moyeN de traNsport utilisé, qui eNcadre et délimite le champ de visioN. ce qui rappelle la veduta daNs la peiNture de la reNaissaNce italieNNe, feNêtre placée à l’iNtérieur de la scèNe d’uN tableau ouvraNt la perspective sur uN paysage Naturel ou urbaiN. d. : mais rameNé ici au premier plaN… je Ne me mets pas eN scèNe daNs ces captatioNs, je suis hors-champ, pour laisser le spectateur eNtrer daNs la peau du voyageur. il eNtre eN coNtact plus direct avec ces paysages qui défileNt. chaque moyeN de locomotioN coNditioNNe la vue du paysage, daNs le travelscope #2, la vue est complètemeNt restreiNte, oN Ne voit de ce voyage qu’uN bout d’aile par le hublot. le chaNgemeNt de saisoN iNflue égalemeNt sur le caractère du paysage qui apparaît différemmeNt, c’est le cas d’aixeN-proveNce sous la Neige. j’aime aussi l’idée qu’eN filmaNt par la feNêtre, la boîte capture ce qui est daNs la boîte, comme uN jeu de poupées russes…
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les téléphoNes portables filmeNt de maNière froNtale et offre uN aNgle de visioN que l’oN Ne peut NaturellemeNt avoir, restitué par le moNtage des vidéos eN diptyque. les vidéos proposeNt aiNsi uN regard daNs le rétroviseur eN coNfroNtaNt deux vues, deux visioNs différeNtes, ce qui permet égalemeNt d’expérimeNter la dimeNsioN temporelle de la traversée. daNs la captatioN réalisée à bord de la péNiche, les poNts serveNt de poiNts de repères : la vitesse de défilemeNt est plus facilemeNt lisible car l’espace est rythmé.
c.b. : quel est le moNtage que tu réalises eNsuite à partir de ces vidéos ? d. : je les duplique et réalise uNe sorte de pliage par quatre au moNtage. eN « dépliaNt » oN obtieNt uNe forme kaléidoscopique, les images soNt recomposées et l’oN assiste à uNe perte de repères visuels. le paysage eNNeigé apparaît tel uNe compositioN abstraite, uNe partitioN de musique où les ligNes horizoNtales matérialiseNt la portée et les arbres les Notes. oN pourrait peNser à uN test de rorschach, laissé à la libre iNterprétatioN de celui qui le regarde. placée daNs la posture coNtemplative du voyageur, le spectateur est face à des eNviroNNemeNts doNt le caractère mouvaNt, acceNtué par ce moNtage spécifique, provoque eN lui des seNsatioNs physiques et émotioNNelles. soN imagiNatioN visuelle est sollicitée par ces paysages au fort poteNtiel graphique.
c.b. : la cadeNce est doNc imposée par le moyeN de traNsport, qui lui façoNNe le paysage… d. : les moyeNs de locomotioN iNflueNt particulièremeNt sur la prise de vue : pour le déplacemeNt eN jet-ski, la vitesse très rapide provoque uNe visioN plus ou moiNs Nette du paysage aquatique, taNdis que le kayak plus leNt, assujetti aux mouvemeNts du milieu aquatique, doNNe à voir des effets d’iNterstice plus importaNt.
c.b. : et pour « thick distaNce », le procédé est différeNt ?
c.b. : « travelscope » comme « thick distaNce » soNt des œuvres de passage, de traNsit. est-ce que cette esthétique du passage occupe uNe place importaNte daNs tes recherches ?
d. : oui, et l’effet recherché est lui aussi différeNt. la captatioN est réalisée de Nouveau à partir de différeNts moyeNs de locomotioN. daNs la première vidéo, deux téléphoNes oNt été fixés à l’avaNt et à l’arrière d’uNe péNiche NaviguaNt sur la seiNe, daNs la secoNde à l’avaNt et à l’arrière d’uN jet-ski évoluaNt sur uN lac, daNs la troisième à l’avaNt et à l’arrière d’uN kayak des mers aux abords de l’ile d’or à l’est de saiNt-raphaël et daNs la derNière, les téléphoNes portables oNt été fixés à l’avaNt et à l’arrière du harNais d’uN kite-surfeur. le paysage filmé apparaît comme de moiNs eN moiNs stable, la captatioN étaNt coNditioNNée au moyeN de traNsport.
d. : cela rejoiNt eN effet mes recherches sur la trajectoire et la mobilité, eN ce seNs je parlerais davaNtage d’uNe esthétique du déplacemeNt. j’utilise les techNologies Nomades daNs moN processus de traNsmissioN seNsible du paysage. les poteNtialités d’expressioN artistiques du regard porté sur le paysage soNt démultipliées daNs travelscope taNdis que le seNtimeNt de durée est éprouvé daNs « thick distaNce ».
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2nd entretien entre Céline Bodin et Djeff en septembre 2013 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à LIZIèRES
c.b. : pour ce secoNd volet de l’expositioN Nature(s) à lizières, tu as créé uNe Nouvelle œuvre, peNsée et réalisée iN situ, qui s’iNscrit, daNs la ligNée de tes iNstallatioNs « breeze » et « black widow », daNs uNe approche critique de la relatioN de l’homme à la Nature et à soN eNviroNNemeNt. peut-oN dire que tu pratiques uN art écologique ? d. : à travers « résolutioN 37/7», j’ai voulu mettre eN évideNce plusieurs idées, certaiNes évideNtes, le réchauffemeNt climatique matérialisé par la foNte de la glace coNteNue à l’iNtérieur de la bouteille, le débat sur l’iNstrumeNtalisatioN de l’eNviroNNemeNt par les etats-uNis daNs les traités eNviroNNemeNtaux, le devoir humaiN de préservatioN de la Nature, d’autres qui se dévoileNt plus eN filigraNe comme l’aNalogie avec les étiquettes de compositioN des vêtemeNts. ces meNtioNs légales iNdiqueNt la compositioN et les déNomiNatioNs textiles. Nous sommes ceNsés eN preNdre coNNaissaNce lorsque Nous achetoNs uN vêtemeNt. or persoNNe Ne lit ces étiquettes, le premier réflexe que Nous avoNs est même de les découper. tout comme ces articles de la charte de la Nature ou d’autres textes réglemeNtaires sur l’eNviroNNemeNt que Nous devrioNs suivre mais qui N’iNtéresseNt persoNNe. uNe autre aNalogie est celle de la couleur du cola qui reNvoie à celle du pétrole et rappelle que les etats-uNis soNt le secoNd pollueur moNdial juste derrière la chiNe. je Ne coNsidère pas que moN travail soit militaNt mais il est cepeNdaNt eNgagé et participe d’uNe réflexioN sur l’écologie.
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c.b. : et mêle éthique et esthétique ! d. : il Ne s’agit pas d’iNfliger au spectateur uNe leçoN de morale, mais plutôt de le ploNger daNs uN état coNtemplatif méditatif. je suis uN très graNd admirateur de l’œuvre et de la démarche artistique d’olafur eliassoN qui fait Naître des seNsatioNs à même de provoquer uNe réflexioN au travers de ses expérieNces de paysages climatiques iN vitro. a la différeNce d’autres iNstallatioNs que j’ai pu coNcevoir, le spectateur ici N’expérimeNte pas à propremeNt parler l’œuvre, il reste sur le seuil. le sol étaNt coNstellé de débris de verre, il Ne peut pas s’y aveNturer. il est iNvité à coNtempler ces ceNtaiNes de messages qui voleNt au veNt saNs la protectioN de la bouteille, telles des paroles eN l’air. ils oNt perdu leur écriN protecteur et flotteNt eNtre deux eaux. la bouteille symbolise à la fois uN sigNal de détresse, uNe teNtative d’alerter sur l’urgeNce eNviroNNemeNtale, mais elle représeNte aussi par soN matériau précieux la fragilité d’uN cadre réglemeNtaire, celui de la charte de la Nature, qui N’a pas de valeur juridique. seule la bouteille de cola reste accrochée eN l’air, symbole de la suprématie américaiNe. c.b. : « résolutioN 37/7 » est à la fois uNe iNstallatioN et uNe performaNce filmée, elle associe vestiges et archives… d. : la vidéo fait partie de l’œuvre. elle reNd compte du processus physique qui a doNNé lieu à uNe performaNce de 5 heures au cours de laquelle la glace coNteNue daNs chaque bouteille a progressivemeNt foNdu et libéré chaque coNteNaNt de soN attache provoquaNt sa chute verticale de plusieurs mètres. la surface de bouteilles eN flottaisoN s’est muée eN forêt d’étiquettes eN suspeNsioN Ne teNaNt qu’à uN fil. le film iNvite le spectateur à coNtempler cette chute, ce crash iNévitable, cette seNsatioN d’ « aller daNs le mur » …
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monsieur moo
mais fiNalemeNt le faNtasme est suffisaNt, le voyage a déjà été fait. c’est l’expérieNce distaNciée du mariN. depuis quelques aNNées, mes projets empruNteNt uNe forme puremeNt ciNématographique. même si les histoires que je développe daNs ces films s’iNscriveNt daNs uN décor maritime, le fait de « faire » des bateaux –et NoN pas leurs imagescorrespoNdrait à uNe forme de Nécessité parallèle. aiNsi, chacuN des bateaux qui est coNstruit, détruit ou mis eN scèNe Ne serait qu’uNe sorte de bourgeoN d’uN corps qui se situerait ailleurs.
Entretien entre Fanny Serain* et Monsieur Moo en septembre 2013 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à LIZIèRES
f.s. : la questioN de l’absurde rejoiNt cette NotioN récurreNte pour qualifier toN travail de « poésie du NoN seNs » …
f.s. : eN quoi l’embarcatioN, de maNière géNérale, qui preNd ici la forme d’uN bateau joue uN rôle ceNtral daNs toN travail ?
m.m. : la poésie du NoN seNs est uN couraNt de peNsée où se retrouveNt les questioNs et les formes. daNs la ligNée de dada, des situatioNNistes et d’uNe certaiNe maNière du cyNique. moN travail est uNe visioN allégorique, ce soNt des projets à tiroirs, des prétextes. la poésie du NoN seNs s’appuie sur uN savoir-faire pour le détourNer, eN faire autre chose. elle rejoiNt l’idée de la dérive, de la perte des repères.
m.m. : effectivemeNt, ce thème traverse moN travail. j’ai toujours éprouvé uNe graNde fasciNatioN pour les bateaux pour diverses raisoNs. il évoque d’autres questioNs qui oNt toujours été préseNtes : les questioNs de flux et reflux, le rapport à la mer et la relatioN de disproportioN aux élémeNts qu’elle reNvoie, la froNtalité de ce seNtimeNt… et daNs cette image, c’est bieN eNteNdu la questioN de la dérive, du Naufrage qui est sous-jaceNte. mais c’est avaNt tout l’objet qui m’iNtéresse, pas soN image. le travail est littéral. ca N’est rieN d’autre qu’uN bateau. sa traNspositioN daNs uN autre eNviroNNemeNt le coNduit vers uNe certaiNe poésie. il N’a pas vocatioN à Naviguer. il Ne le peut pas, il est coiNcé daNs uNe salle. uN peu comme ces bateaux que des persoNNes coNstruiseNt toutes leur vie chez eux, daNs uN garage pour fiNalemeNt se reNdre compte qu’ils seroNt obligés de le détruire pour le mettre à l’eau. la situatioN est absurde car ils Ne pourroNt jamais Naviguer avec.
f.s. : commeNt as-tu mis eN œuvre cette pièce ? m.m. : j’avais l’iNteNtioN de réaliser uN bateau et eN veNaNt à lizières, j’ai trouvé ce bois, celui d’uNe aNcieNNe toiture abattue, proveNaNt du ceNtre d’art, qui avait été remplacée et laissée là. le bois était par eNdroits vieux, pourri. il était coupé Net. c’est aussi ce qui doNNe cet aspect au bateau d’être quelque part, eNtre le chaNtier et l’épave. il est daNs uN état iNtermédiaire et ambigu. la préseNce du bois a Nourri le projet qui préexistait. je l’ai coNstruit directemeNt daNs l’espace d’expositioN eN deux jours. c’est court,
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c’était uN travail très spoNtaNé. f.s. : le terme de « collisioN » est récurreNt pour qualifier toN travail : collisioN avec le regardeur ? m.m. : NoN, la réactioN du spectateur Ne coNditioNNe plus moN travail. je veux garder uNe graNde liberté daNs ma démarche saNs me soucier de sa réceptioN et garder cette Nécessité iNterNe de la forme. la collisioN est iNduite daNs le jeu d’échelles avec l’utilisatioN d’uN objet réel qui ramèNe la disproportioN de l’objet face à l’eNviroNNemeNt, la coNfroNtatioN aux élémeNts, au paysage. il s’agit de faire face au paysage daNs sa défiNitioN coNceptuelle et NoN eNviroNNemeNtale. il y a uNe dimeNsioN d’adversité qui N’a rieN à voir avec le vaNdalisme mais qui est de l’ordre de la mise eN exergue de l’évideNte disproportioN. l’iNteNtioN puremeNt formelle étaNt là avaNt, le bateau est décoNNecté du lieu même si historiquemeNt le bois était préseNt auparavaNt. et paradoxalemeNt, le fait qu’il soit si décoNNecté permet d’ouvrir plus de tiroirs. forcémeNt, ce bateau évoque l’image des migraNts, avec les évéNemeNts de lampedusa eN ce momeNt. et il y a de ça. la forme daNs laquelle il existe, eNtre épave et chaNtier, est iNcoNtourNable. il est impossible de le bouger et il impose de circuler autour. j’ai éprouvé uN graNd malaise eN moNtaNt à l’iNtérieur. c’est uNe prise de coNscieNce forte, violeNte. tu resseNs cette seNsatioN de vouloir partir pour uN hypothétique eldorado alors que c’est probablemeNt la mort qui t’y atteNd. tu vas à la mort. Fanny Serain est responsable de la médiation culturelle au Palais de Tokyo depuis 2012. Auparavant, elle a été adjointe de la programmation jeune public au Centre Pompidou entre 2006 et 2012. Elle est chargée de cours en histoire de l’art du 20e siècle et médiation depuis 2004. *
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tous les êtres vivaNts, daNs le futur, quaNd cette ressource sera quasimeNt épuisée parce que Nous N’auroNs pas su la respecter ? c.b. : Nous l’avoNs dit, l’élémeNt aquatique est au ceNtre de toN iNstallatioN, mis eN scèNe daNs le coNtexte d’uNe catastrophe Naturelle. est-ce uNe façoN de réfléchir à la représeNtatioN d’élémeNts Naturels qui échappeNt à l’emprise de l’homme ? p.t. : l’eau symbolise le mouvemeNt et la vie mais elle coNstitue aussi toujours uN daNger pour l’homme, particulièremeNt désarmé face aux graNds phéNomèNes hydrologiques. c’est ce paradoxe que j’ai voulu mettre eN évideNce, tout eN opéraNt uN basculemeNt de perspective. eN poussaNt à soN paroxysme la peNsée occideNtale coNstruite sur le coNcept de maîtrise et de coNtrôle, j’ai voulu daNs cette œuvre proposer uNe projectioN : l’eau représeNtée ici est iNquiétaNte, elle essaie de se défeNdre, mais elle N’est plus daNgereuse car l’homme a fiNi par l’asservir même si le coNtrôle qu’il préteNd exercer sur elle reste imprécis. la vague est ici persoNNifiée, elle questioNNe l’être humaiN : commeNt a t-il pu détruire petit à petit et mettre eN daNger soN propre élémeNt vital ?
1er entretien entre Céline Bodin et Pauline Thomas en août 2012 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à la Fondation Vasarely
c.b. : a propos de la geNèse de l’œuvre, qu’est-ce qui t’as poussé à preNdre pour thème le tsuNami de 2004, plus violeNt séisme surveNu daNs le moNde après celui du chili eN 1960, provoquaNt des raz de marées dévastateurs daNs uNe partie de l’océaN iNdieN ? p.t. : « tsuNami gelatiNe » est uNe pièce que j’ai créée eN 2005, j’ai doNc effectivemeNt choisi uN sujet d’actualité réceNte : le tsuNami de 2004, surveNu au large de l’ile iNdoNésieNNe de sumatra. cet évéNemeNt m’a poussé à aborder daNs ce travail la thématique de l’eau, l’eau chaNgeaNte, seule parmi les quatre élémeNts à se mettre au pluriel. bachelard, daNs soN essai l’eau et les rêves (1942), reNd compte des symboles coNtradictoires associés à l’élémeNt aquatique : l’eau bieNfaisaNte, source de vie, a pour aNtithèse l’eau mortelle des déluges et Noyades. cette lecture m’a beaucoup iNflueNcée. parler d’uN sujet d’actualité me doNNait aussi prétexte à opérer uNe traNspositioN de l’évéNemeNt daNs le futur. quelle sera Notre relatioN à l’eau, élémeNt qui coNditioNNe Notre existeNce et celle de
c.b. : défi du xxième siècle, l’eau fait débat, la gestioN de cette ressource étaNt deveNue vitale. est-ce uNe idée que tu as voulu soulever daNs cette œuvre ? p.t. : l’eau joue, daNs le développemeNt de la vie humaiNe, aNimale ou végétale et daNs l’évolutioN des sociétés, uN rôle irremplaçable. or Nous puisoNs de maNière iNcoNsidérée et irrespectueuse daNs Nos ressources, coNsidéraNt que c’est uN capital iNépuisable. je souhaitais moNtrer daNs cette œuvre que Nous mettoNs eN daNger Notre élémeNt vital,
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constituant principal de notre organisme et de notre nourriture. L’image des vagues, de la mer agitée, projetée dans la vidéo et photographiée, n’est pas une image naturelle, elle est traitée afin d’avoir un rendu monochrome. Le cadrage et l’accentuation de la nervure de la matière accentue le mouvement de force de l’eau, tandis que le traitement colorimétrique donne une impression d’oxydation, comme si l’environnement représenté présentait un état de dégénérescence avancé. L’eau est emprisonnée dans une cage de verre, l’écran, tel un objet collectionné, muséifié. Or c’est une aberration de vouloir conserver ce que l’on a voulu détruire.
C.B. : L’utilisation de la vidéo permet de traduire la sensation de mouvement, créant un sentiment de présence. Le spectateur est ainsi mis en contact avec une nature catastrophique qui l’effraie mais aussi le fascine. Est-ce ce côté voyeur, constitutif de la nature humaine, que tu as voulu mettre en évidence ? P.T. : Non, ce que j’ai d’abord voulu représenter ce sont les forces en présence. Plus que de voyeurisme, je préfèrerais parler de fascination. La mer est porteuse de fantasmes, toute beauté cache un danger. C’est ce qui sous-tend le roman d’Herman Melville Moby Dick : dans la confrontation avec l’océan, l’homme ne cesse d’interroger son rapport à l’infini et à la mort.
CB : Le titre de l’installation « Tsunami gelatine » évoque deux notions : celle de tsunami, (du japonais 津 tsu, port, et 波 nami, vague, donc littéralement « vague portuaire »), onde provoquée par un rapide mouvement d’un grand volume d’eau (océan ou mer), en général dû à un séisme, une éruption volcanique explosive ou un glissement de terrain de grande ampleur et celle de gélatine, substance solide translucide, extraite d’os d’animaux, qui lorsqu’on la remue a un mouvement flou et instable.
C.B. : Le spectateur s’approche de l’œuvre et interagit avec elle, quelle forme prend cette interaction ? Quel est le sentiment qui s’en dégage ? P.T. : La relation se fait par le toucher, le spectateur caresse l’interface comme un animal. Un écran le met à distance, car la vague est en captivité emprisonnée dans un bocal. L’écran montre également qu’il ne s’agit pas de vraie eau mais bien d’une image car l’eau n’est plus, nous avons épuisé les ressources. La vague représentée est personnifiée, on peut ici penser à la vague d’Hokusaï. L’homme essaie de récréer le contact avec son image par la caresse pour rétablir un lien tout en douceur. Mais la relation a été trahie, l’eau reste à l’état sauvage se comportant tel un lion en cage. Les photographies exposées, à l’aspect légèrement suranné, sont là également pour témoigner de ce qui fut et n’est plus par la faute de l’homme.
P.T. : Ce que j’ai voulu suggérer, à travers ce titre, c’est l’idée d’une force contrainte. C’est une force violente, puissante mais elle est contenue dans un récipient, la cage de verre de l’écran. Son mouvement devient flou, ce qui provoque chez le spectateur une incompréhension perceptive qui le déroute. Finalement cette force de la nature n’est plus qu’une illusion, tant elle a été asservie par l’homme…
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moN travail sur l’ideNtité passe par l’espace, l’eNviroNNemeNt qui Nous eNtoure. la quête de soimême se proloNge daNs celle de l’espace, daNs lequel oN Ne peut pas tout eNglober, oN fiNit doNc pas opérer à uN retour sur soi. ma visioN de la Nature est romaNtique : le spectacle de la Nature ramèNe d’abord à l’homme lui-même, par uN effet de miroir.
c.b. : peux-tu Nous parler de toN expérieNce eN taNt qu’artiste face à la Nature ? du regard que tu portes sur ce que tu es eN traiN de filmer ? commeNt s’est déroulée la captatioN vidéo ? p.t. : pour ce projet, j’ai d’abord effectué uNe recherche prélimiNaire sur l’état de « la mer », la cambrure des vagues que je voulais filmer. j’ai choisi de partir à la réuNioN, où j’ai parcouru la route des tamariNs pour me reNdre sur la côte près de la commuNe de l’etaNg salé. c’est à cet eNdroit que j’ai découvert l’image d’uNe mer agitée telle que je voulais la capturer. je me suis seNtie hyper coNNectée eN observaNt la Nature à travers l’œil de la caméra. le cadrage serré sur le sujet, les vagues, l’isolaNt de soN coNtexte, uNe plage de l’ile de la réuNioN, m’a permis de faire abstractioN de tout ce qui m’eNtourait et de reNtrer pleiNemeNt, de m’immerger daNs l’élémeNt aquatique. j’aimerais citer ici uNe source d’iNspiratioN qui m’a accompagNé à la maNière d’uN paysage soNore : la mer, compositioN pour orchestre de debussy, doNt la première éditioN préseNtait d’ailleurs uNe reproductioN de l’œuvre célèbre, citée précédemmeNt, du peiNtre japoNais hokusaï, « le creux de la vague au large de kaNagawa ». c.b. : est-ce la première fois que tu abordais la représeNtatioN de la Nature daNs toN travail artistique ? p.t. : NoN, la Nature est uN sujet que je traite régulièremeNt daNs mes projets, c’est égalemeNt le compagNoN de mes réflexioNs et peNsées. je suis origiNaire de l’oise et j’ai graNdi à proximité du parc jeaN-jacques rousseau à ermeNoNville où j’ai souveNt été me ressourcer. uN de mes tous premiers projets photographiques s’iNtitule d’ailleurs rêveries. le mode d’observatioN de la Nature y est coNtemplatif et réflexif.
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2nd entretien entre Céline Bodin et Pauline Thomas en septembre 2013 à l’occasion de l’exposition Nature(s) à LIZIèRES
il N’eN demeure pas moiNs que j’ai éprouvé daNs ce projet de plaNisphère la difficulté de recoNstruire meNtalemeNt saNs modèle uNe carte du moNde. c’est aiNsi que l’oN se reNd compte que l’oN Ne s’iNtéresse qu’au territoire qui Nous est proche… j’ai doNc réalisé uNe coNstructioN meNtale approximative, imparfaite, à la maNière d’uN puzzle. eN eNtraNt daNs la pièce, oN Ne réalise pas immédiatemeNt que c’est uN plaNisphère, il faut se positioNNer à uN eNdroit bieN précis pour que ses coNtours se révèleNt. j’ai peNsé eN cela à l’aNamorphose d’holbeiN daNs sa peiNture « les ambassadeurs », daNs le seNs où j’aime le fait qu’oN Ne se seNte pas forcémeNt face à uNe œuvre, mais qu’elle s’impose à Nous. l’aspect parchemiN ou peau retourNée de la carte me fait peNser à celles que l’oN voit daNs les tableaux du peiNtre hollaNdais vermeer. oN retrouve de Nombreuses cartes daNs ses peiNtures : « l’officier et la jeuNe fille riaNt » (1658), « l’astroNome » (1668), « le géographe » (1669), « la femme eN bleu lisaNt uNe lettre » (1662-1665)… objets scieNtifiques, elles témoigNeNt de l’importaNce des découvertes au xviie siècle eN europe. elles soNt comme uNe feNêtre sur le loiNtaiN propice au rêve et à l’évasioN. j’ai d’ailleurs travaillé cette cartographie uN peu comme uNe peiNture à l’huile, eN essayaNt de faire ressortir les masses sombres puis eN précisaNt les détails. baudelaire disait daNs les paradis artificiels : « le moNde moral ouvre des vastes perspectives, pleiNe de clartés Nouvelles. » j’aime faire du Neuf avec du vieux, recycler uN lieu, traNsformer uN espace qui devieNt le temps d’uNe expositioN «la chambre des désirs» à la tarkovski (stalker). d’ici oN compreNd les coNtours d’uN moNde qui Nous échappe, oN chaNge d’échelle, oN rêve à la tectoNique des plaques, à uN moNde qu’oN recrée de toute pièces.
c.b. : tu iNvestis plusieurs espaces au seiN du bâtimeNt, physiquemeNt séparés mais reliés par des thématiques commuNes : - la cartographie seNsible - la symbolique de la maisoN, avec la NotioN de fraNchissemeNt de portes, d’escaliers, de paliers - l’iN situ avec l’iNterrogatioN sur la mémoire des lieux et l’ideNtité d’uN bâtimeNt abaNdoNNé où la Nature semble repreNdre ses droits. p.t. : et d’uNe maNière géNérale, à travers ces trois iNstallatioNs, j’ai voulu matérialiser le chemiNemeNt de l’artiste, et plus géNéralemeNt de l’homme, du microcosme (la toile) au macrocosme (la carte du moNde). l’idée de parcours se traduit daNs le rail qui se décoNstruit puis se recoNstruit tout eN jouaNt sur la NotioN de « lisière ». il fait le lieN eNtre deux états : la friche et soN deveNir, la NaissaNce et la reNaissaNce, la Nature et le moNde moderNe. c.b. : daNs « overlay », lucy lippard écrit : « la carte, et l’art qui eN dérive, est eN soi foNdameNtalemeNt uNe stratificatioN – elle est simultaNémeNt uN lieu, uN voyage et uN coNcept meNtal ; abstrait et figuratif ; loiNtaiN et iNtime. » peux-tu Nous parler de toN approche persoNNelle de la cartographie ? p.t. : j’ai déjà développé auparavaNt uN projet lié à la cartographie seNsible, « mappiNg vaccum deNsity » (2010-NoN achevé). il s’agit d’uNe iNstallatioN mêlaNt photos de paysages urbaiNs où j’ai séjourNé et uNe « carte du teNdre » qui reNvoie aux souveNirs et émotioNs liés. le fait que ma mère soit professeur de géographie Ne doit pas être totalemeNt étraNger à cet iNtérêt !
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c.b. : le motif de la toile d’araigNée a quaNt à lui été repris par Nombre d’artistes coNtemporaiNs. je peNse ici par exemple aux œuvres de fils eNtremêlées de l’artiste japoNaise chiharu shiota ou à « 14 billioNs » (titre provisoire) de tomas saraceNo, uNe iNstallatioN de 400 m3 qui recréé la toile d’uNe araigNée veNimeuse appelée la veuve Noire. p.t. : j’ai choisi de travailler sur uN autre type de cartographie, à partir de fils de scoubidous, que l’oN découvre eN se positioNNaNt à certaiNs eNdroits. elle est placée daNs uN escalier accessible dès l’eNtrée au rez-de-chaussée. la première ligNe de fil Naît à l’extérieur du bâtimeNt. l’eNsemble forme uNe toile de couleurs qui cohabite avec de vraies toiles d’araigNées. moN désir serait de voir celles-ci s’emparer de cet étraNge tissage et de le coloNiser… lorsque le visiteur moNte ou desceNd l’escalier, il est gêNé daNs sa progressioN. il se retrouve eNveloppé daNs cet espace où les perspectives s’eNchevêtreNt. il est obligé de s’iNcliNer, eN quelque sorte devaNt la force de la Nature. daNs la « poétique de l’espace », gastoN bachelard écrit: « la maisoN sigNifie l’être iNtérieur, ses étages, sa cave, soN greNier symboliseNt divers états de l’âme. la cave correspoNd à l’iNcoNscieNt, le greNier à l’élévatioN spirituelle ». et l’escalier est là pour faire le lieN. il faut surmoNter les difficultés pour atteiNdre l’élévatioN spirituelle. l’appréheNsioN de ce Nouvel espace reNvoie aussi à la découverte de l’autre daNs uNe relatioN amoureuse… l’escalier est la première pièce des sept pièces doNt les portes soNt à ouvrir, 7 paliers de l’iNitiatioN amoureuse. oN retrouve d’ailleurs cette porte daNs la pièce avec le rail…
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natu re(s) eXposition coLLective akatre donaLd abad djeff monsieur moo pauLine thomas
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les objets du quotidien de leur fonction première pour en exploiter les qualités plastiques ou en jouant sur des sculptures dans lesquelles le corps devient le terrain de jeu de transformations multiformes. Leurs travaux graphiques et photographiques ont été exposés lors d’expositions collectives et personnelles comme au Bon Marché – Rive Gauche, au Palais des Arts de Marseille, à Chaumont pour le Festival international de l’affiche, à la Wanted Gallery, à Rennes pour Libre Art Bitre, et à Saint-Ouen pour une rétrospective appelée « Atroa » des objets graphiques réalisés par le trio. Leurs travaux artistiques ont été présentés à la Fondation Vasarely (« X100 » pour Nature(s)) et à Mains d’Œuvres pour leur création in situ visuelle et sonore « Entre chiens et loups ». Une monographie du studio, intitulée « Zero to Five », retrace 5 ans de productions (imprimées, photographiques ou en volume) classées par couleur sur 176 pages. Le livre est publié chez l’éditeur allemand Gestalten.
Akatre
Atelier créatif fondé en 2007 à Paris. www.akatre.com
Fondé à Paris en 2007, Akatre est un studio composé de trois artistes : Valentin Abad, Julien Dhivert et Sébastien Riveron. Le trio travaille dans les domaines de l’art contemporain, la presse, la musique, la mode et le luxe. À travers les identités visuelles qu’ils réalisent pour des institutions culturelles et artistiques, Akatre invente un code, un langage personnel, grâce à la typographie qu’ils créent pour chacun de leur projet. Leur approche est complète, qu’il s’agisse d’édition, de nouveaux médias ou des installations qu’ils mettent en place lors d’expositions ou de prises de vue (photo ou vidéo). Akatre crée de véritables univers ne manquant pas d’humour et de malice, en détournant
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Diplômé et post-diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Donald Abad mène de front, depuis 2003, projets artistiques, résidences d’artistes (Pépinières européennes pour jeunes artistes au Pays-Bas et en Espagne, Arcus Studio au Japon, Géographies variables au Québec, Biennale de l’art contemporain à Rennes…) et enseignements à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens, aux Ateliers du Carrousel du Louvre, à l’Académie Charpentier et à l’Université Paris 8. Les créations de Donald Abad ont été présentées sous la forme de projections, performances et expositions en France (Gaîté Lyrique, Forum des images et Centre Pompidou à Paris, festival ParkInProgress au domaine de Saint-Cloud, École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne à Rennes, Centre culturel Saint-Exupéry à Reims, Gare Saint Sauveur pour Lille 3000 à Lille, Station Vastemonde à Saint Brieuc, La Graineterie à Houilles…) et à l’étranger (M :ST Festival N.5 à Calgary au Canada, Festival Nouveau Cinéma à Montréal au Québec…).
donald abad
Né en 1978, vit et travaille à Paris. www.donaldabad.com
Donald Abald explore dans son travail la dualité technologie/nature, deux notions fortes englobant les concepts des nouvelles technologies nomades (GPS, autonomie, temps réel/temps différé, nouveaux territoires de l’information et de la communication), mais également la performance (au sens artistique et sportif du terme) et le land-art. C’est un artiste néo-romantique multimédia dans le sens où son exploration des nouveaux média et des technologies nomades n’est jamais le résultat présenté mais le moyen de créer de nouveaux scénarii à raconter sous forme de récits d’aventures vidéo. Ses expériences nourrissent une interrogation sur la place de l’individu face à son environnement.
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Ses créations s’orientent selon 3 axes : le game play, la mobilité et les traces. Djeff conçoit des dispositifs relationnels qui décomposent les comportements humains, en gardent les traces et questionnent l’empreinte technologique de nos sociétés sur notre environnement. En détournant des objets simples de leur usage industriel premier, il nous invite à réfléchir sur le conditionnement de notre regard et de notre appréhension du monde par la technologie. Ses installations et vidéos sont régulièrement exposées en France (festival Emergences à Paris en 2006 et 2007, Pocket Film festival et Web Flash festival au Centre Pompidou en 2006 et 2008, festival Mal au pixel à Saint-Ouen en 2009, Nuit Blanche à Paris et Amiens en 2010, à Metz en 2013, Gamerz Fondation Vasarely et festival Seconde Nature à Aix-en-Provence en 2010, festival Ososphère à Strasbourg, Play It Yourself et Hors Piste au Centre Pompidou en 2011, exposition Et op ! au Musée en Herbe et festival Parizone@dream à la Gaîté Lyrique à Paris en 2012 et 2013…) et à l’étranger (festival du nouveau cinéma à Montréal en 2006, Musée de la communication à Berne en 2007, eArts festival à Shanghai et A-M-B-E-R festival à Istanbul en 2008, exposition Crossing the line à la FI:AF gallery de New York, Laboral Ficxixon festival à Gijon en 2009 et Computerspiele Museum de Berlin en 2013…).
Djeff
Né en 1975, vit et travaille à Paris. www.djeff.net
Après des études en communication, Djeff se spécialise en hypermédia (Université Paris 8) et en arts numériques (Post diplôme à l’Atelier de Recherches Interactives de l’ENSAD). Il a été lauréat de la bourse « Créateur Numérique » de la Fondation Hachette en 2000 pour le roman policier interactif et génératif «Trajectoires ». Djeff est le fondateur du studio d’Entertainment digital « Dekalko ». De 2001 à 2009, il enseigne les nouveaux médias au département « Culture et communication » de l’Université Paris 8. En 2009, il devient Directeur artistique, puis en 2012 Directeur de la création, de Sciences Po Paris. Son travail aime interroger la perception et utilise notre environnement comme terrain de jeu.
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Les codes — qu’ils soient sociaux, urbains, cinématographiques ou même mythologiques — sont télescopés. De ces collisions découle la poésie du non-sens, à l’opposé d’une quelconque intention morale ou didactique et ses travaux mettent les spectateurs face à un reflet outrageux, absurde et fantastique de leur quotidien. Monsieur Moo se méfie du qualificatif d’artiste. Au même titre que son travail s’est arrogé une liberté refusant tout contrainte liée au marché de l’art, l’on pourrait celle-ci penser arrogante mais sa production n’est en fait le résultat que de l’envie première, du besoin de faire sans prétention. En se détachant de la réaction du regardeur, son travail évacue tout risque de compromission dans une approche formaliste et revendiquée comme telle et pour autant, ses pièces y gagnent en réappropriations possibles. Elles multiplient de cette façon les pistes de lectures et en puisant dans le répertoire des objets du réel, leur pouvoir de suggestion offre une réinvention continue de significations que chacun peut déchiffrer au prisme de ses codes, ses mots, ses images, son affect, son imaginaire.
monsieur moo
Né en 1981, vit et travaille à Paris. www.monsieurmoo.com
MONSIEUR MOO a étudié à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence avant d’intégrer le postdiplôme du Fresnoy-Studio National des Arts Contemporains. Entre ses deux cursus, il a travaillé notamment à Maribor (Slovénie), Capitale européenne de la culture en 2012, comme curateur pendant 5 ans pour l’association Otto-Prod, la Galerie Hlanilnica et La Vitrine. Cette activité de commissariat a nourri sa pratique artistique consistant à multiplier les collaborations. Au nom de la liberté artistique, ses interventions sont prétextes à interroger chacun quant à son adhésion lucide à une convention. Sa méthode reste la même : Monsieur Moo provoque des collisions entre son univers et celui de l’autre.
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Diplômée en photographie à Paris 8, Pauline Thomas a obtenu avec mention une Maîtrise en ConceptionRéalisation multimédia aux Gobelins et un postdiplôme avec mention à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs en recherche interactive. Elle a été l’assistante de Michel Jaffrennou, pionnier de l’art vidéo en France. Son travail photographique et multimédia a été exposé en France (Salon Jeune Création en 2006, exposition Photo d’hôtel, photo d’auteur au Théâtre de l’Odéon en 2009, Gorgeous à la Galerie Image et Portraits en 2010…) et à l’étranger (exposition Expanding the place au Centre de Culture Contemporaine de Valence en 2007, Play lors du festival PISAF à Séoul en 2009, The time is now à la Scatola Gallery de Londres, Contrasts à la SohoPhoto Gallery de New York, French Art meeting à la Fine Arts Academy de Kiev en 2011, Factory Art à Berlin et ExhibitA à Sydney en 2012…). Il a également été publié en 2013 pour la couverture de la revue irlandaise Abridged et dans le catalogue de l’exposition The Observatory d’Elssie Ansareo au Musée Guggenheim de Bilbao. En 2011, Pauline Thomas a reçu la médaille d’or au PX3, Prix de la photographie à Paris, le 3ème prix de la 22ème édition de l’ « Annual international juried exhibition » décerné par Elisabeth Sussman, conservatrice et commissaire d’exposition au Whitney Museum, et une mention honorable dans la catégorie « Femmes photographes professionnelles », décernée par Ruth Fremson, reporter photo récompensée du Prix Pulitzer pour le photojournalisme. La série photographique « Gorgeous : in the neck of time », rassemblant des portraits de cous photographiés en contre-plongée, a été primée à six reprises et exposée à Paris, Vence, Londres, Sydney, New York, Kiev et Berlin. En 2012, Pauline Thomas fonde le Laptop, lieu de coworking dédié au design interactif et aux arts visuels.
pauline thomas
Né en 1981, vit et travaille entre Paris, Londres et les Etats-Unis. www.paulinealapage.com
Développant une pratique axée sur la photographie et la conception de dispositifs multimédias interactifs, Pauline Thomas aime à se définir avant tout comme une artiste qui conçoit des expériences esthétiques et émotionnelles faisant appel à la sensibilité du spectateur. Son travail privilégie plusieurs thématiques : • la vanité, la fragilité de la vie et la fuite du temps qui passe, • l’environnement naturel, le mouvement, la carte et la direction, • la réflexion sur la nature humaine à travers des recherches sur les notions d’identité et de genre.
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ferme ture
Nature(s) - Exposition collective Fondation Vasarely et LIZIèRES Sur une proposition de Céline Bodin et Djeff.
Artistes
catalogue
Akatre, Donald abad, Djeff, Monsieur Moo, Pauline Thomas
L’exposition Nature(s), 2nd volet, est accueillie au Centre de cultures et de ressources LIZIÈRES par les Amis de LIZIÈRES, association à but non lucratif, créée le 18 septembre 2009. 11, allée du Comte de Lostanges 02400 Epaux-Bézu, France www.LIZIÈRES.org info@LIZIÈRES.org
partenaires Conseil Régional de Picardie, DRAC de Picardie, LIZIèRES, sometimeStudio, Fondation Vasarely, Marker Management Consulting, M2F Création
remerciements
Cette nouvelle édition du catalogue «Nature(s)» a été publiée à l’occasion de l’opération «Invitations d’artistes 2013» mise en oeuvre par la Région Picardie.
Pour LIZIèRES : Ramuntcho Matta, Ombra Bruno, Dominique Brisson, Anne Barrault, Pedro Serra, Pierre Lanneluc, Elodie Bibollet, Véronique Tessier, Stéphane Rochais, Charlotte Saintoin, Sophie Varin, Aurélien Vernhes-Lermusiaux, Michel Pellaton, Max Thierry, Thomas Coletti, Samuel Rousselier, JeanMarc Vignolles, Francis et Julie Jacques, Didier Basset, Olivier Tassan, Cyril Favier, Thierry Bohnké, Emmanuel champagne, Charlotte Groetz, la Ferme Robert, Big Fernand, L’ébéniste du vin, O.H.N.K
Editions MAAT - sometimeStudio 26 rue Saint-Claude 75003 Paris, France www.sometimestudio.org contact@sometimestudio.org Achevé d’imprimer en décembre 2013, à 250 exemplaires sur les presses de Pix Art Printing EAN 3 770000571 32 5 maat 41 Dépôt légal : décembre 2013 Tous droits réservés.
Pour la Fondation Vasarely: Pierre Vasarely, Luc Delpech, Daniel Berlioz, Quentin Destieu, Sylvain Huguet, Virginie Revel, Gaëtan Trovato, Pauline Betrancourt, l’équipe de la Fondation Vasarely.
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Direction d’ouvrage Djeff
textes céline Bodin, Fanny Serain
direction artistique www.rakel81.com texte courant : gazole titre : Aaux pro black bold italic sous-titre : aaux pro regular italic Imprimé pour les pages intérieures sur laguna - 160g pour la couverture sur laguna - 300g le papier écologique laguna est crée avec des algues de la lagune de Venise.
photographies Donald Abad, Akatre, Djeff, Monsieur Moo, Pauline Thomas
www.natures-exposition.com
Akatre Donald abad Djeff Monsieur moo Pauline Thomas